Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 10 - Témoignages du 2 avril 2014
OTTAWA, le mercredi 2 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 50, pour faire l'étude du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander et en faire l'étude article par article.
Le comité poursuit également son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.
SUJET : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je vais commencer la réunion en demandant à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Enverga : Sénateur Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto.
La sénatrice Nancy Ruth : La sénatrice Nancy Ruth, de Toronto.
Le président : Merci, chers collègues. Sachez que le comité directeur nous autorise à tenir deux séances aujourd'hui, étant donné que nos témoins du prochain groupe viennent d'assez loin. Je remercie mes collègues du comité directeur d'avoir accepté le processus suivant : la première séance durera 30 minutes. Nous espérons que la partie réservée aux discussions sera terminée dans environ 15 minutes. Nous passerons alors à l'étude article par article, et le tout devrait prendre fin dans 30 minutes. Ensuite, après une rapide transition, nous entamerons la deuxième séance, que nous espérons terminer à 18 h 15. Nous devons toutefois convenir qu'il se pourrait qu'elle dure jusqu'à 18 h 30.
Est-ce que tout le monde comprend la procédure?
Des voix : Oui.
Le président : Alors, sans plus tarder, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux invités de cette première séance. Il s'agit du sénateur Meredith, le parrain du projet de loi auquel nous nous intéressons aujourd'hui, et de Rubin Friedman, qui est porte-parole et membre du conseil d'administration de la Fondation canadienne des relations raciales.
Une fois les exposés terminés, nous aurons une brève période questions avant de poursuivre nos travaux.
L'honorable Don Meredith, parrain du projet de loi : Chers sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler d'un authentique héros canadien, l'honorable Lincoln MacCauley Alexander. C'est l'un des citoyens les plus exceptionnels et les plus accomplis de notre époque, un homme qui a aimé son pays et qui a su, grâce à son travail opiniâtre et sa grande force de caractère, transcender les préjugés et se prévaloir des occasions offertes par l'enseignement public pour se consacrer au service des autres et devenir maître de sa propre destinée. La plupart d'entre vous connaissent Lincoln Alexander, cette fine fleur de l'Ontario. Il est entré dans l'histoire comme premier Afro- Canadien élu au Parlement du Canada et nommé ministre au Cabinet fédéral. À titre de 24e lieutenant-gouverneur de l'Ontario, il a également été le premier Afro-Canadien à occuper les fonctions de représentant vice-royal au Canada. Pour moi, Lincoln Alexander est un modèle.
C'est donc avec une reconnaissance bien sentie que je m'adresse à vous afin d'obtenir votre appui pour ce projet de loi à fins commémoratives qui vise à faire en sorte que le 21 janvier — la date de sa naissance — devienne la Journée Lincoln Alexander d'un bout à l'autre de ce magnifique et bien-aimé pays. En plus de votre appui, je vous demande de m'épauler sérieusement pour promouvoir ce projet de loi qui reconnaît non seulement l'exemple exceptionnel que constitue la vie de Lincoln Alexander, mais aussi les perspectives et les espoirs que le Canada s'efforce d'offrir à tous ses citoyens. Le projet de loi est un bon projet de loi à bien des égards puisqu'il honore ce grand Canadien qu'était Lincoln Alexander et qu'il porte bien haut ces valeurs fondamentales qui sont la force du Canada : le devoir civique, l'éducation et la diversité.
Premièrement, la Journée Lincoln Alexander nous permettra de montrer et de renforcer notre engagement à l'égard du devoir civique en donnant généreusement de notre temps à nos collectivités, nos amis et nos familles. Deuxièmement, la Journée Lincoln Alexander nous donnera l'occasion de réfléchir à notre engagement à l'égard de l'éducation et de l'apprentissage continu. Troisièmement, cette journée spéciale nous permettra de nous interroger au sujet de notre engagement à l'égard de la diversité au Canada.
Avant d'en dire plus long sur chacun de ces thèmes importants, je tiens à faire remarquer à tous mes éminents collègues qu'une Journée Lincoln Alexander serait une bonne chose pour le pays. Comme certains d'entre vous, j'ai eu la chance de rencontrer M. Alexander à plusieurs reprises.
Le parcours de cet homme est une histoire touchante, avec le Canada comme toile de fond. Il est né à Toronto d'immigrants antillais qui travaillaient fort. La première fois que je l'ai rencontré, il m'a laissé avec l'impression qu'il incarnait ce que les humains pouvaient espérer de mieux. J'ai été inspiré par sa compréhension de la valeur d'une bonne éducation et par l'attitude de reconnaissance qu'il affichait en toute occasion. J'ai été impressionné par le grand courage qu'il a eu en s'engageant dans l'armée lors de la Seconde Guerre mondiale, une prestation qui lui a valu une décoration de l'Aviation royale du Canada. Il m'a à nouveau surpris lorsqu'il a entrepris de faire carrière en droit et qu'il a su surmonter le racisme à son égard et décrocher son diplôme à côté des meilleurs élèves de la prestigieuse Osgoode Hall Law School. Nous savons tous qu'il a plus tard fait partie du conseil de la Reine. De nombreux Canadiens de toutes les races ont été inspirés par sa prestation au sein de l'appareil gouvernemental, du fait qu'il soit devenu le premier député et ministre noir au Canada, et le 24e lieutenant-gouverneur de l'Ontario — soit le premier député d'une minorité visible à occuper ce poste.
Chers collègues, la force et la résilience étaient ce qui caractérisait le mieux son approche. Or, dans certaines situations fort délicates, il a aussi été en mesure de faire preuve, en bon canadien qu'il était, d'élégance mesurée et de force tranquille.
Quelle signification l'institution de la Journée Lincoln Alexander aurait-elle pour le Canada? Comment notre nation — nos pères, nos mères, nos leaders et nos intervenants municipaux et communautaires, nos aînés et nos jeunes, nos fonctionnaires et nos bénévoles et tous ceux qui restent — en tirerait-elle parti?
Qu'incarnerait à nos yeux Lincoln Alexander alors que nous nous efforçons de bâtir une Confédération plus parfaite? Tout d'abord, la Journée Lincoln Alexander nous permettrait de réaffirmer notre volonté de servir le public. Lincoln Alexander croyait en la nécessité de servir ses concitoyens. La plupart d'entre nous conviendront que c'est même essentiel à l'évolution de notre démocratie. Les nombreuses contributions qu'il a apportées à la société dans les divers rôles qu'il a occupés font foi de cet engagement. De son engagement populaire au service militaire jusqu'aux plus hautes fonctions de notre pays, Lincoln Alexander a démontré toute l'importance qu'il accordait à sa fonction de citoyen.
Aujourd'hui, d'un océan à l'autre, des millions de personnes, rémunérées ou non, suivent son exemple et changent pour le mieux le cours des choses. Or, la Journée Lincoln Alexander nous permettrait justement de célébrer et d'honorer tous ceux qui font don d'eux-mêmes.
Elle nous permettrait en outre de renouveler notre engagement à l'égard de l'éducation. Lincoln Alexander comprenait le lien direct important qui existe entre les investissements en éducation, la réussite scolaire et la croissance économique, surtout en cette ère de mondialisation. Sa mère lui rappelait sans arrêt toute la valeur d'une bonne éducation et le pouvoir qu'elle confère. Elle ne manquait jamais de lui répéter cette phrase qui est devenue le titre de ses mémoires : « Tu dois aller à l'école; tu es un petit Noir. »
La Journée Lincoln Alexander serait l'occasion pour chacun d'entre nous de réfléchir à l'importance que nous accordons à l'éducation. Tous les enfants ont droit au plus bel avenir et méritent d'avoir les mêmes chances que les autres, et c'est ce que garantit une bonne éducation. Les enseignements eux-mêmes porteront en partie sur la vie de Lincoln Alexander, sur l'importance qu'il accordait à notre système d'éducation publique, celui-là même qui lui a permis d'atteindre une position où il lui était possible d'aider tous les Canadiens.
Distingués collègues, vous conviendrez qu'il sera plus facile pour les étudiants de comprendre l'histoire du Canada lorsqu'ils apprendront tout le bien que cet homme remarquable a fait pour leurs écoles. Ils apprendront à quel point il était animé par l'idée de servir son pays, mais ils verront aussi, par l'exemple, que le travail opiniâtre, la force de caractère, la vigueur et la détermination peuvent venir à bout de n'importe quoi.
Chers sénateurs, la Journée Lincoln Alexander nous donnera aussi la chance de réaffirmer notre engagement à l'égard de la diversité. Lincoln comprenait à quel point il est important que tous les Canadiens sachent que, s'ils travaillaient fort, ils sont assurés d'avoir un accès équitable à l'emploi et de pouvoir contribuer à la société. Le respect profond qu'il avait pour notre pays était évident, comme en témoigne l'exemple qu'il donnait tous les jours aux jeunes de toutes les couleurs et races. Durant toute sa vie, Lincoln a insisté sur la notion d'égalité et il n'a jamais cessé de s'améliorer. Il a été le témoin de l'évolution d'un bouquet déterminant de lois et de politiques — en commençant par la Loi canadienne sur les droits de la personne de 1982 — fonctionnant toutes pour faire en sorte que l'égalité soit inscrite dans la loi. Cette journée nous donnera une autre raison de souligner que le Canada est l'un des meilleurs pays au monde, de reconnaître qu'il continue à progresser en tant que nation tout en recherchant ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise.
Distingués collègues, sur ces observations, je vous demande humblement d'appuyer ce projet de loi qui vise à honorer un homme qui ne manquera pas de passer à l'histoire de notre pays. Les États-Unis ont la Journée Martin Luther King. Sachez que vous participerez à l'Histoire de ce pays en permettant à ce projet de loi d'aller de l'avant et de retourner à la Chambre.
Rubin Friedman, porte-parole et membre du conseil d'administration, Fondation canadienne des relations raciales : Sénateur Meredith, j'avais vu juste en pensant que vous prendriez soin des principaux arguments en appui à cette journée. Voici donc, en complément, un portrait succinct de l'homme que nous souhaitons honorer.
Mesdames et messieurs, au nom de la Fondation canadienne des relations raciales, je vous remercie de nous donner cette occasion d'exprimer notre appui à cette importante initiative qui vise à reconnaître et à honorer les contributions que le colonel l'honorable Lincoln MacCauley Alexander a apportées à ce pays. Comme l'ont expliqué le sénateur Meredith et d'autres avant lui, Lincoln Alexander a été l'homme de bien des premières. Il a été le premier Noir à occuper des postes d'importance comme ceux de député au Parlement, de ministre du Cabinet fédéral, de président de la Commission des accidents du travail et de lieutenant-gouverneur de l'Ontario. Quelles que soient les tâches qu'on lui a confiées, il a toujours mis l'accent sur sa volonté de travailler pour l'ensemble des Canadiens. Et c'est exactement ce qu'il a fait, avec brio, dans chaque fonction qu'il a occupée, de son service dans les forces armées à sa carrière d'avocat, en passant par sa prestation d'une durée inégalée à titre de chancelier de l'Université de Guelph.
Durant toute sa vie, Lincoln Alexander a reçu de nombreuses distinctions et félicitations. En outre, il devient, en 2003, le premier récipiendaire de la distinction « Œuvre de toute une vie » de la Fondation canadienne des relations raciales, pour sa contribution à l'avancement des relations harmonieuses entre les races au Canada. C'est d'ailleurs pour la reconnaissance de ses réussites à ce chapitre qu'il devient le premier président de cette fondation, un poste qu'il occupera de 1996 à 2003. C'est dans le cadre de ces fonctions qu'il établira les premières structures de gouvernance, les premiers objectifs et les premières stratégies de la fondation, tout en promouvant l'idée d'un Canada où tous les citoyens sont invités à participer, sans discrimination fondée sur la race, la religion ou l'origine ethnique.
Même si le fait d'avoir été un Noir grandissant en Ontario l'avait rendu pleinement conscient des nombreux obstacles qu'il aurait à surmonter et à démolir tout au long de sa vie pour réussir, Lincoln Alexander était fier d'être canadien. Sa fierté d'un Canada en constante expansion et en constante évolution, l'idée qu'il se faisait d'un Canada d'une diversité culturelle complète ne lui ont jamais fait perdre de vue le racisme des années passées et le besoin constant de régler dès leur apparition les problèmes relatifs à la race et à l'origine ethnique.
Il affirmait que la base consiste avant tout à sensibiliser les gens de divers horizons au sujet des principaux problèmes auxquels l'ensemble de la société canadienne doit faire face. Sous sa gouverne, la fondation a demandé aux chefs de police de s'attaquer à l'épineuse question du profilage et a travaillé d'arrache-pied pour inciter les écoles et les centres d'enseignement supérieur à traiter de sujets relatifs aux races, aux religions et aux origines ethniques. La fondation a en outre lancé des initiatives pour accroître la représentation des minorités visibles et des autres minorités dans toutes les professions et tous les domaines d'activité, afin de mieux tenir compte de la composition de la population canadienne. Mais Lincoln Alexander était avant tout un homme de principe doublé d'une grande bonté. Il était en mesure de s'adresser tout autant aux Canadiens moyens qu'à ceux dont les fonctions permettaient de changer le cours des choses. Il insistait sur le fait que la dignité humaine et les ouvertures pour tous étaient dans l'intérêt du pays, et que cela allait améliorer notre situation économique, culturelle et sociale.
Aujourd'hui, la fondation est fière d'appuyer et de promouvoir la tradition instaurée par Lincoln Alexander consistant à rassembler les Canadiens pour rechercher et trouver des façons de surmonter les obstacles actuels et émergents qui empêchent nos concitoyens de participer et de contribuer à la vie de notre pays. Nous continuons d'organiser des tables rondes dans tout le pays pour nous attaquer aux nouveaux problèmes et aux enjeux émergents. Nous recueillons des données et nous soutenons des études sur la situation des relations raciales au Canada. Grâce à la mise en commun de nos ressources et de nos programmes, nous conscientisons les gens sur ce qui peut être fait individuellement et collectivement pour combattre le racisme et la haine sous toutes leurs formes. Nous facilitons la rencontre de diverses communautés et de divers intérêts pour que soient mises au point des approches communes aptes à instaurer un sens de la citoyenneté canadienne plus vigoureux et plus responsable à l'égard de ses droits et obligations intrinsèques. Tous nos efforts répondent à un impératif global : édifier un Canada plus fort où le racisme et la discrimination raciale n'ont pas leur place.
La Fondation canadienne des relations raciales appuie sans réserve l'objet et l'esprit de ce projet de loi, l'instauration d'une Journée Lincoln Alexander, car c'est une reconnaissance bien méritée pour le colonel l'honorable Lincoln Alexander et parce que nous reconnaissons nous aussi le nombre impressionnant de réalisations qui lui sont dues, le rôle crucial qu'il a joué comme icône nationale et comme pionnier, et l'inspiration qui a incité tant d'autres à travailler pour la réalisation de l'objectif général.
Le président : Nous passerons rapidement aux questions.
La sénatrice Merchant : Je remercie le comité de me donner la possibilité de prendre part à cette partie des délibérations. Je félicite le sénateur Meredith, je souhaite la bienvenue à M. Friedman et j'affirme haut et fort que j'appuie ce projet de loi, car j'ai eu la chance de travailler au côté de Lincoln Alexander à la Fondation canadienne des relations raciales, de 1996 à 2002. Tout ce que vous avez dit est rigoureusement vrai.
Lorsque nous étions à la fondation, il parlait toujours des champions. Il a toujours cru que les champions étaient ceux que l'on admirait et que l'on essayait d'imiter. Il disait qu'en faisant cela, nous bâtissions un Canada plus fort et nous aidions les gens à viser l'excellence. Il était lui-même un formidable champion. C'est pour cette raison que je donne mon appui à cette initiative et que j'affirme que la Journée Lincoln Alexander est une excellente idée. Cette journée permettra de faire la promotion du service public et de l'excellence, ce dont je suis absolument ravie.
Le sénateur Eggleton : M. Friedman a dit que Lincoln Alexander était l'homme de bien des premières, ce qui est assurément vrai. Il a été le premier Noir dans bien des domaines au Parlement du Canada ainsi que dans maintes institutions gouvernementales du pays. Je ne crois pas que le fait d'être le premier soit une raison suffisamment importante. Ce qui compte, c'est ce que vous faites lorsque vous êtes le premier. Il s'est toujours servi au maximum de tous les postes qu'il a occupés pour servir ses concitoyens, et ce, durant toutes ces années où il a exercé ces fonctions très diversifiées. Il le faisait avec humour, chaleur et gentillesse, des qualités qu'ont pu constater tous ceux qui l'ont connu.
Je l'ai côtoyé pendant de nombreuses années. Lui et moi avons notamment travaillé à nombre de fonctions communautaires à Toronto et dans la région environnante lorsqu'il était lieutenant-gouverneur de l'Ontario et que j'étais maire de Toronto. Nous avons en outre noué des liens d'amitié qui sont restés jusqu'à la fin de sa vie. Je suis très fier et très heureux d'avoir eu la chance de connaître Linc, comme l'appelaient ses amis, et d'avoir eu l'occasion de le connaître et de travailler avec lui dans toutes sortes de circonstances et d'avoir pu constater la douce influence qu'il exerçait sur beaucoup de gens. Il a fait sa marque dans notre pays, et j'estime que cela mérite d'être reconnu.
Le président : Nous allons maintenant passer à l'étude article par article. Je veux tout de suite vous avertir que deux amendements seront proposés au moment voulu durant l'étude article par article. Ces amendements sont sur le point d'être distribués dans les deux langues officielles. Vous en aurez une copie dans un instant.
Le sénateur Eggleton : Le parrain est-il au courant de ces amendements?
Le président : Oui. Il les comprend tout à fait et, si je ne m'abuse, il est d'accord.
Le sénateur Meredith : Oui.
Le président : Chers collègues, nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander.
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci. C'est convenu.
L'étude du titre est-elle réservée? Est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Merci. L'étude du préambule est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre abrégé, à l'article 1, est-il réservé
Des voix : D'accord.
Le président : Merci beaucoup.
L'article 2 est-il adopté? Si je ne me trompe pas, c'est à ce moment-ci qu'on doit présenter le premier amendement. Sénatrice Stewart Olsen?
La sénatrice Stewart Olsen : En effet. Je propose que le projet de loi S-213, à l'article 2, soit modifié par substitution, dans la version française, à la ligne 1, page 2, de ce qui suit :
[Français]
« Le 21 janvier est, dans tout le Canada, ».
[Traduction]
Le président : En fait, cet amendement vise à corriger la date de l'article afin d'harmoniser les deux. C'est un amendement technique.
Chers collègues, vous plaît-il d'adopter cette motion?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci beaucoup. La motion d'amendement est adoptée; par conséquent, l'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2, tel que modifié, est adopté. C'est entendu.
L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Nous allons maintenant revenir aux articles que nous avions réservés. L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. Merci beaucoup.
Nous sommes maintenant saisis du préambule. Je crois savoir que le prochain amendement s'y rapporte.
La sénatrice Stewart Olsen : Je propose que le projet de loi S-213, au préambule, soit modifié par adjonction, après la ligne 13, page 1, de ce qui suit :
qu'il a été le premier Noir, au Canada, à être élu député à la Chambre des communes et à être nommé ministre fédéral et lieutenant-gouverneur.
Le président : La sénatrice Stewart Olsen en fait la proposition. La motion est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci beaucoup. Le préambule est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté. Merci.
M'autorisez-vous à faire rapport au Sénat du projet de loi dans sa forme modifiée?
Des voix : D'accord.
Le président : Tout le monde est d'accord. Merci beaucoup, chers collègues. C'est ce qui met fin à nos travaux. Je félicite le parrain de ce projet de loi. Nous allons le déposer au Sénat le plus tôt possible — demain, je l'espère. Monsieur Friedman, nous vous remercions de vous être joint à nous aujourd'hui.
La sénatrice Merchant : Monsieur le président, j'aimerais souligner que je ne ferai plus partie du comité. Merci à vous tous.
Le président : Merci beaucoup, sénatrice Merchant.
Le sénateur Meredith : J'aimerais remercier mes honorables collègues et sénateurs d'avoir écrit une page de l'histoire en adoptant ce projet de loi. Je vous remercie de votre soutien. Je suis persuadé, chers sénateurs, que la famille sera enchantée de ce dénouement. Encore une fois, je vous remercie de l'attention que vous avez accordée à ce projet de loi.
Le président : Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant inviter nos témoins pour la deuxième partie de cette séance. Je rappelle aux honorables sénateurs que nous poursuivons notre étude sur les médicaments sur ordonnance au Canada. Il s'agit du quatrième et dernier volet de cette étude, c'est-à-dire la nature des conséquences imprévues.
Nous accueillons aujourd'hui des représentants qui discuteront de plusieurs enjeux dont nous sommes saisis dans le cadre de notre étude. Si vous êtes d'accord, j'inviterais M. Sholom Glouberman, président de Patients Canada, à prendre la parole.
Sholom Glouberman, président, Patients Canada : Merci beaucoup de m'avoir invité; je vous en suis très reconnaissant. J'ai beaucoup appris lors de la dernière séance. J'ai trouvé cela très intéressant et j'apprécie toute la courtoisie dont on fait preuve dans cette enceinte.
Je pense que ce qu'il faut savoir à propos des médicaments sur ordonnance, c'est que la morbidité de la population canadienne a changé considérablement au cours des 50 dernières années. Lorsque nous avons établi le système public de soins de santé au Canada, la plupart des gens décédaient de maladies aiguës, de maladies soudaines, de crises cardiaques, si vous vous rappelez, et de cas extrêmes de cancer. Nous nous trouvons maintenant dans une situation où la plupart des gens ne meurent plus d'une maladie aiguë; ils décèdent plutôt des suites d'une maladie chronique. Par conséquent, les gens prennent des médicaments pendant une plus longue période de temps, ce qui donne lieu à une surconsommation de médicaments.
Dans une certaine mesure, étant donné qu'on veut traiter ces affections chroniques dès les premiers stades de la maladie, on administre des médicaments aux gens de plus en plus tôt. Je pense entre autres aux prédiabétiques et aux personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments alors que ce n'est pas toujours nécessaire. Notre société est aujourd'hui confrontée à un important problème de surconsommation de médicaments. Au Canada, nous sommes le deuxième plus grand consommateur de médicaments dans le monde. Les États-Unis se classent au premier rang. Nous payons en moyenne plus de 900 $ en médicaments par habitant chaque année. C'est sûrement ce qui est le plus problématique. Il est très difficile de gérer cette situation et de s'assurer que les gens peuvent traiter leurs affections chroniques sans médication, par exemple, en ayant une alimentation plus saine et en faisant davantage d'exercice, ou en changeant certaines habitudes de vie.
L'autre grande conséquence inattendue des médicaments sur ordonnance est l'abus de médicaments prescrits à des personnes qui n'en ont pas besoin. Les gens développent une dépendance aux opioïdes, par exemple, et ce problème de dépendance touche une grande partie de la population, en particulier au sein de la communauté autochtone. Nous devons porter cette question à l'attention du public et trouver des moyens de lutter contre l'abus de médicaments sur ordonnance.
Dans une certaine mesure, cela peut se faire en connaissant la personne qui les prend et celle qui les prescrit et en diffusant cette information plus largement. Nous ne sommes pas encore en mesure de le faire au Canada, étant donné que nos dossiers médicaux électroniques et nos ordonnances électroniques ne sont pas communiqués à grande échelle ni mis en commun entre les divers prescripteurs de médicaments.
La troisième conséquence imprévue de cette prescription excessive est la façon dont notre système de santé est structuré. Les patients ne savent souvent pas exactement ce qu'on leur a prescrit ni pourquoi. Ils ne sont pas conscients des conséquences de prendre des médicaments sur une longue période — parfois inutilement.
Par ailleurs, la rémunération des médecins est certainement un facteur à prendre en considération. Les médecins sont payés par visite et, par conséquent, ils s'efforcent de tout faire durant cette même visite. L'un des moyens les plus faciles d'y parvenir, c'est en prescrivant des médicaments. On assiste donc à une certaine collusion entre le médecin et le patient à qui on prescrit des médicaments qui ne lui sont pas nécessairement utiles à ce moment-là.
Je crois vous avoir donné suffisamment de matière à réflexion.
Le président : Je souhaite maintenant la bienvenue à Colleen Fuller, présidente de PharmaWatch, qui se joindra à nous par téléconférence. Nous vous remercions d'avoir accepté de témoigner aujourd'hui, madame Fuller. Vous pouvez commencer.
Colleen Fuller, présidente, PharmaWatch Canada : Merci aux membres du comité. Mes collègues m'ont beaucoup parlé des travaux que vous accomplissez, et je dois dire que c'est assez impressionnant. Je suis très heureuse que vous ayez demandé à PharmaWatch de vous aider dans vos délibérations.
Je vais commencer en parlant du rôle important que joue le signalement des effets indésirables dans notre compréhension des conséquences imprévues. Les réactions indésirables aux médicaments peuvent prendre de multiples formes : elles peuvent être légères, brèves et souvent jugées acceptables lorsqu'elles sont comparées aux avantages que la personne peut tirer du médicament. Bien que certaines conséquences puissent durer un court moment, d'autres peuvent persister pendant de nombreuses années.
Il est souvent difficile d'évaluer les effets indésirables, parce que la plupart du temps, les gens qui en ont ne le savent pas; ils ne savent pas ce qu'est une réaction indésirable. Comme M. Glouberman l'a indiqué, beaucoup de gens prennent plus d'un médicament sur ordonnance; il est donc difficile d'attribuer un effet à un médicament en particulier. La réaction indésirable au médicament va souvent se rapprocher de la maladie qui est traitée.
Certains effets indésirables sont très préoccupants et peuvent changer une vie, et c'est principalement ce dont je parle ici. Près de 80 p. 100 de toutes les réactions indésirables aux médicaments rapportés par Santé Canada sont considérées comme étant graves et peuvent même entraîner le décès. Comme vous le savez sans doute, elles sont l'une des principales causes de mortalité au Canada. Les médicaments peuvent à la fois améliorer la qualité de vie d'une personne et mettre sa vie en danger.
Selon moi, il y a trois facteurs qui contribuent à la gravité de la situation. Premièrement, beaucoup de gens ne connaissent pas les risques potentiels associés aux médicaments sur ordonnance. Deuxièmement, la plupart des gens ne savent pas quoi faire lorsqu'ils présentent un effet secondaire. Troisièmement, il y a un isolement qui découle de ce manque de connaissance. Souvent, les gens peuvent croire que leur situation est unique, selon ce que leur a dit leur médecin, mais ce n'est souvent pas le cas.
Il y a certaines choses que nous pouvons faire pour diminuer non seulement le nombre d'effets indésirables, mais aussi les séquelles qui peuvent en résulter. PharmaWatch a travaillé avec un grand nombre de gens partout au pays qui ont souffert de très graves réactions indésirables. Une façon de les aider à gérer leur situation est de leur permettre d'en parler à d'autres et de voir qu'ils ne sont pas seuls. Ils veulent éviter à d'autres de vivre ce qu'ils ont vécu. C'est l'une des principales motivations du signalement des effets indésirables.
C'est là où Santé Canada entre en jeu. C'est son travail de faciliter cette communication de renseignements et d'encourager les consommateurs à raconter leur expérience directement plutôt que ce soit fait par l'intermédiaire des médecins et d'autres professionnels de la santé qui sont reconnus pour ne pas signaler les effets indésirables. Cette communication de renseignements permet, d'une part, d'accroître nos connaissances sur les réactions indésirables — des connaissances qui sont en constante évolution et qui sont améliorées d'après les expériences des consommateurs — et d'autre part, d'éviter aux gens d'avoir des réactions indésirables ou des conséquences très graves.
PharmaWatch a mené une campagne pendant plusieurs années dans le but de que les consommateurs puissent signaler directement leurs réactions indésirables à Santé Canada. Notre organisme a été fondé 2001. En 2003, Santé Canada a modifié les règles de façon à ce que les gens puissent eux-mêmes déclarer les effets indésirables dont ils ont souffert, sans devoir nécessairement passer par un médecin ou un fabricant. Par conséquent, le nombre de cas déclarés par les patients est passé de 331 en 1997, ce qui représentait environ 7 p. 100 de tous les effets indésirables rapportés, à plus de 16 000 aujourd'hui, c'est-à-dire près de 31 p. 100, contre 25 p. 100 des cas recensés par les médecins et 10,5 p. 100 par les pharmaciens.
Les connaissances permettent non seulement de guérir, mais aussi de prévenir. Les consommateurs veulent et doivent contribuer à enrichir nos connaissances sur les conséquences imprévues, et c'est à Santé Canada qu'il incombe de faciliter ce processus. Cette façon de faire favorise une prise de décisions éclairées et fait en sorte que les médicaments sur ordonnance causent moins de dommages.
Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Merci à vous deux. Nous allons enchaîner avec la période de questions.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui et de participer à notre étude sur les produits pharmaceutiques.
Un montant de 45 millions de dollars sur cinq ans a été annoncé dans le budget 2014 pour élargir la portée de la Stratégie nationale antidrogue, de sorte qu'elle s'applique non seulement aux drogues illicites, mais aussi à l'abus de médicaments sur ordonnance au Canada. Vos organisations ont-elles été consultées et, le cas échéant, est-ce que les choses évoluent comme vous le souhaitiez? Si on ne vous pas consultés, selon vous, quelle serait la meilleure façon de dépenser cette somme de 45 millions de dollars si on veut réduire l'abus, le mauvais usage et la surconsommation de médicaments?
Mme Fuller : Au cours des quelque cinq dernières années, l'engagement de Santé Canada envers les organismes de défense des consommateurs comme PharmaWatch a diminué considérablement. Je siège au Comité consultatif d'experts de la vigilance des produits de santé. J'ai été nommée au milieu de l'année 2012, et le comité ne s'est réuni qu'une seule fois depuis. J'ignore ce qu'il advient de ce comité. Santé Canada y accorde visiblement moins d'importance.
Notre organisation tient à accroître la participation des consommateurs dans le processus de réglementation. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris ce que vous disiez à propos des 45 millions de dollars. Vous avez parlé d'une somme affectée sur cinq ans et de la lutte antidrogue. De quoi s'agit-il exactement?
Le sénateur Eggleton : On élargit le champ d'application de la Stratégie nationale antidrogue. Jusqu'à présent, on s'est concentré sur la consommation de drogues illicites, mais on va désormais s'attaquer aussi à l'abus et à la surconsommation des médicaments sur ordonnance. Cette somme de 45 millions de dollars sur cinq ans représente 9 millions par année.
Mme Fuller : Oui. L'expression « abus de médicaments » est souvent mal employée, à mon avis, pour désigner les gens qui sont dépendants aux médicaments. De toute évidence, la dépendance implique des comportements abusifs. J'ai un problème personnel avec cela. J'aimerais que cet argent serve à renforcer l'engagement de Santé Canada auprès d'organismes comme le nôtre, qui conseillent ou appuient leurs membres sur l'utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance. De plus, selon nous, on devrait investir davantage dans la déclaration des effets indésirables.
M. Glouberman : Je suis entièrement d'accord avec Mme Fuller. Il est très important que les gens qui prennent les médicaments en sachent plus à leur sujet. Nos deux organisations croient fortement que les consommateurs au Canada doivent être mieux informés et nous y travaillons. Les patients doivent jouer un rôle non seulement dans leurs soins cliniques, mais aussi dans l'élaboration de politiques et de pratiques liées aux soins de santé. Ils vivent l'expérience, et ces expériences constituent le fondement qui permettra de changer les services, de les rendre plus conviviaux et de s'assurer que les médicaments sont mieux compris. L'étiquetage est un enjeu important en ce qui concerne les médicaments, et le manque d'information sur les réactions indésirables en est un autre dans le cas des médicaments sur ordonnance.
Les organisations comme la nôtre auraient également grandement besoin de financement pour agir et préparer les consommateurs. La croissance des mouvements de consommateurs au Canada est importante pour nous tous.
Le sénateur Eggleton : On a indiqué plus tôt qu'on aurait intérêt à réaliser des évaluations périodiques des médicaments afin de réduire le potentiel d'interactions médicamenteuses, la surconsommation et le mauvais usage, et cetera. Cela se passerait entre le médecin et le patient.
Selon vous, de quelle façon pourrait-on procéder? Quel est votre avis là-dessus? Devrait-on encourager les collèges des médecins et des chirurgiens à le demander à leurs membres? Évidemment, il y a aussi le problème que certaines personnes consultent plus d'un médecin et qu'il faudrait que toute l'information se trouve entre les mains d'un médecin pour être en mesure de mener une évaluation adéquate. Que pensez-vous d'une évaluation périodique effectuée par les médecins et leurs patients?
M. Glouberman : Ce serait particulièrement une bonne chose dans le cas des opioïdes, dont la consommation s'est accrue au Canada. Il s'avère que les opioïdes se rapprochent des drogues illégales. Ils sont à une molécule près. Il faut notamment réfléchir à la prescription de ces opioïdes au Canada et déterminer si nous voulons continuer à permettre leur utilisation de la même manière, étant donné qu'ils entraînent une forte dépendance. Il est difficile de blâmer la victime, parce qu'au fond, ces médicaments ont été légalisés par notre gouvernement — Santé Canada les a homologués. Je considère que notre façon de gérer les opioïdes est problématique; il faut y réfléchir. Ce qui importe le plus, c'est que les gens soient conscients de la forte dépendance qu'entraînent ces médicaments. Nous devons en faire plus à ce chapitre.
Vous dites aussi une autre vérité. La technologie permet dorénavant de détecter les cas où quelqu'un se fait prescrire plusieurs fois tel médicament. Nous devons commencer à l'utiliser. Après plusieurs années de suivis individuels, je suis convaincu qu'on pourra savoir que ce genre de surprescription ne se pratique pas.
Mme Fuller : Je fais partie du conseil d'administration d'un centre de santé communautaire de Vancouver. Nous avons une équipe pluridisciplinaire, ce qui est l'un des meilleurs moyens pour faire l'examen des médicaments dont vous parlez. La pluridisciplinarité permet entre autres de réduire la surprescription. En Colombie-Britannique, un système permet le suivi des prescriptions, un dossier médical électronique accessible aux pharmaciens et aux médecins. Nous avons été en mesure de corriger une partie du problème. L'Ontario, bien sûr, est un phare de la pluridisciplinarité au pays. C'est un moyen qu'on devrait utiliser pour cela.
Je n'ai lu aucun témoignage selon lequel c'est effectivement le cas, mais je sais, d'après notre expérience de la pluridisciplinarité, que, quand le pharmacien interagit avec les médecins, il est plus facile de s'attaquer à certains de ces problèmes.
La sénatrice Seidman : Je suis particulièrement heureuse, parce que vous représentez tous deux des groupes qui prennent la défense des patients dans un sens ou dans un autre. Il est indéniable que les Canadiens jouent, dans le système de santé, le rôle de consommateurs. Ils dépendent de tant de manières des fournisseurs de soins. Ma question concerne votre rôle pour rejoindre vos clientèles, particulièrement en matière de sensibilisation. Peut-être pourrions- nous régler deux des questions très importantes dont nous avons parlé : la perte d'efficacité des antibiotiques à cause de la surprescription et de la polypharmacie chez les personnes âgées. J'aimerais savoir comment vous vous occupez de ces deux problèmes, quand vient le moment de sensibiliser la population de patients.
Mme Fuller : Notre organisme a été fondé précisément pour sensibiliser le public au signalement des effets indésirables des médicaments et au rôle de Santé Canada dans la surveillance des médicaments après l'approbation de leur mise sur le marché. Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre aux deux questions. Cependant, nous avons organisé plus d'un groupe de consultation nationale. L'ignorance et le manque d'information sur les questions que vous soulevez sont inquiétants.
Les personnes âgées, en particulier, détestent la surprescription. Elles craignent les interactions entre les médicaments et elles posent plus de questions sur la cascade de prescriptions qui commence. On prescrit souvent des médicaments pour neutraliser les effets indésirables du premier ou du deuxième médicament prescrit. Les gens veulent être mieux informés, mais l'information est difficile à obtenir. Comme j'ai dit, nous insistons sur le signalement des réactions indésirables des médicaments.
M. Glouberman : Notre organisme travaille beaucoup à partir du vécu des patients. Nous entendons ce qu'ils vivent. Collectivement, nous essayons de trouver des idées pour commencer à changer dans une certaine mesure les pratiques et les politiques.
Les ordres professionnels et l'administration publique peuvent modifier de nombreuses politiques concernant les médicaments, notamment pour exiger des étiquettes et des renseignements beaucoup plus clairs. Un autre problème, c'est vrai, sera très difficile pour nous à corriger : la plupart des personnes très âgées souffrent de maux chroniques multiples. Elles doivent consulter divers spécialistes, qui leur prescrivent différents médicaments, et l'interaction entre les médicaments n'est pas bien comprise par les spécialistes et les patients.
Notre système d'éducation médicale tend vers la spécialisation plutôt qu'à jeter des ponts entre les diverses spécialités. Ce problème agit particulièrement contre les personnes âgées qui souffrent de maux chroniques multiples. Pour nous en occuper, nous avons besoin de plus de généralistes ou de polyspécialistes. Nous avons très peu de gériatres polyspécialistes, nous en avons peu qui sont bien formés pour l'état de notre population. Il en faut plus, plus de polyspécialistes, comme leur formation, en médecine, leur a permis de sauter rapidement d'un domaine à l'autre. Une partie du problème vient des fournisseurs; l'autre, des patients, c'est-à-dire que le genre d'information qu'on peut obtenir est limité. Ce n'est pas que les gens ne veulent pas être informés, mais il est difficile de trouver l'information et de la recevoir. C'est en partie une question de sensibilisation, mais en partie aussi une question d'obtenir la bonne information et, ensuite, de pouvoir l'utiliser. Toutes ces conditions sont nécessaires.
Dans le système de santé, les patients sont considérés comme une marchandise gratuite. Les organismes qui les représentent, comme nous, trouvent difficile d'obtenir du financement et d'être convenablement financés pour faire leur travail. Ce financement et ces liens sont l'objet d'un travail constant. Nos chercheurs, par exemple, sont généreusement financés pour leur travail, mais les organismes qui représentent les patients et les consommateurs et dont nous avons actuellement besoin ont réellement besoin, eux aussi, de plus de financement.
La sénatrice Seidman : Madame Fuller, je vous suis aussi reconnaissante de vos observations sur les personnes âgées; M. Glouberman en a aussi parlé. Votre association a été créée pour favoriser le signalement, par les consommateurs, des effets indésirables des médicaments et pour militer pour une surveillance améliorée des produits pharmaceutiques après leur autorisation de mise en marché, si j'ai bien compris. Vous êtes aussi préoccupée par la consommation accrue, ces dernières années, de médicaments délivrés sur ordonnance.
Vous occuperiez-vous d'encourager les personnes âgées à signaler les effets indésirables ou de les aider à s'organiser pour le faire?
Mme Fuller : Oui, et, en fait, c'est exactement ce que nous faisons. Nous avons parlé à des organismes de personnes âgées et à des patients de centres de soins de longue durée sur leur rôle possible pour augmenter la sécurité. C'est l'une de nos activités.
L'un des problèmes, je pense, auquel M. Glouberman a fait allusion, est l'absence d'appuis et, notamment, de financement. Il est très difficile d'être financé pour cela. C'est un travail qui, bien sûr, demande beaucoup de main- d'œuvre. À nos débuts, Santé Canada ne permettait pas le signalement direct par les consommateurs. Nous avions une base de données à l'Université Memorial et nous étions financés par l'Université de Victoria pour installer une ligne téléphonique permettant aux patients de nous signaler les effets indésirables des médicaments. Ce financement a duré trois ans.
Entretemps, Santé Canada a enfin accepté le signalement par les consommateurs. Notre financement, comme j'ai dit, est donc arrivé à son terme. Nous avons réorienté notre travail vers beaucoup de sensibilisation des consommateurs. Nous étions financés de temps à autre par Santé Canada pour le faire, mais ce financement est maintenant terminé. Beaucoup de groupes qui prennent la défense des patients doivent, faute de financement public, se rabattre sur celui de l'industrie pharmaceutique. C'est cela ou rien. Nous avons décidé de ne pas compter sur le secteur pharmaceutique — et je doute qu'il aurait voulu nous financer, de toute façon, mais cela limite notre capacité d'informer. C'est un gros problème au Canada.
À l'étranger, on finance en fait les organismes de défense des consommateurs pour ce genre de sensibilisation.
Le président : Je rappelle à mes collègues la nécessité de poser des questions concises.
La sénatrice Eaton : Je serai extrêmement concise. J'ai posé la question la semaine dernière. Monsieur Glouberman, vous avez parlé de perte d'efficacité; « maladie chronique » rime avec « longue utilisation » de médicaments.
M. Glouberman : Oui.
La sénatrice Eaton : J'ai posé la question la semaine dernière, et personne n'a pu répondre : pourquoi ne trouve-t-on pas de solutions de rechange?
M. Glouberman : Je peux y répondre. C'est historique.
La sénatrice Eaton : Je ne parle pas de mode de vie ni de régime alimentaire.
M. Glouberman : Non. Ce n'est pas non plus ce que je veux dire. Je parle d'autre chose.
D'abord, nous sommes une organisation qui répond aux besoins de sa clientèle, en fin de compte, parce que nous n'acceptons pas, nous non plus, d'argent des sociétés pharmaceutiques. Il est vraiment important que vous le sachiez. Pour notre organisme, c'est une question de perception. Nous sommes menés et dirigés par les patients et nous essayons de rester fidèles à notre mission.
On pourrait résumer l'histoire du système canadien de santé comme suit : nous avons obtenu le financement des hôpitaux. Ç'a été le début du réseau public, en 1947, avant le financement du National Health System. Ensuite, vers la fin des années 1950, ç'a été le tour des médecins. Dans notre système de santé, nous finançons donc les hôpitaux et les médecins. Dans les autres systèmes de santé, beaucoup plus de services donnés aux collectivités sont financés, pour appuyer les gens qui y vivent. C'est ce que nous, nous n'avons pas. On ne finance pas suffisamment la physiothérapie et d'autres types de thérapies avec les deniers publics pour traiter les maux chroniques. La conséquence est que, généralement, nous n'avons que des médecins et des hôpitaux. Tout le reste est parfois financé par l'assurance-maladie, parfois par des organismes privés.
La sénatrice Eaton : Je songe aussi aux solutions de rechange pharmaceutiques. Écoutez, je voudrais que tout le monde marche tous les jours, surveille ce qu'il mange et mène une vie saine. À part ça, si vous déplorez la perte graduelle de l'efficacité de la chimiothérapie, des opiacés et des somnifères, pourquoi ne pas songer à des solutions de rechange pour les antidouleurs, c'est-à-dire de nouvelles façons de traiter la même pathologie?
M. Glouberman : En grande partie parce que notre assurance-maladie, le cas échéant, ne couvre pas cela; et notre système public non plus. En Allemagne, une personne âgée, malade, indisposée, peut suivre une cure thermale de deux semaines aux frais de l'État. C'est vraiment intéressant. N'est-ce pas que c'est une excellente idée?
La sénatrice Nancy Ruth : Une idée merveilleuse.
Mme Fuller : Puis-je répondre aussi à la question?
Une partie de mon travail me met en contact avec des syndiqués. Mon collègue et moi donnons des consultations aux syndicats, sur les négociations touchant leurs régimes d'avantages sociaux, plus particulièrement la liste des médicaments assurés. Il y a de nombreux problèmes. Environ 60 à 70 p. 100 des coûts d'un régime d'avantages sociaux, au Canada, proviennent des médicaments délivrés sur ordonnance. Bien sûr, les médicaments sont un facteur déterminant pour les régimes d'avantages sociaux des employeurs privés. Pendant les négociations, il s'exerce donc des pressions pour diminuer les coûts de ces régimes. Souvent, on commence par diminuer l'enveloppe des volets non pharmaceutiques du régime, pour de nombreuses raisons, notamment le fait que les syndiqués considèrent l'allégement de la liste comme un cadeau fait à l'employeur.
Les sociétés pharmaceutiques parlent aux employeurs. En Colombie-Britannique, elles parlent aux syndicats pour faire figurer leurs médicaments dans la liste. Les régimes d'avantages sociaux privés sont le dernier bastion de la pleine couverture médicale ou d'une liste complète des médicaments les plus récents, les plus coûteux, et ainsi de suite, que les régimes publics hésitent souvent, désormais, à assurer.
Une dynamique s'installe, dans laquelle les consommateurs agissent par syndicats interposés. Les employeurs ont partie liée avec les assureurs, qui empochent 25 p. 100 des dépenses consacrées au régime. Toutes les parties prenantes sont là, et c'est très compliqué.
La sénatrice Seth : Je vous remercie pour cette description très intéressante.
Madame Fuller, dans le rapport que vous avez communiqué au comité, vous concluez que le système actuel de surveillance des produits pharmaceutiques ne rend un bon service à aucun Canadien. Il expose les femmes au plus grand risque de conséquences non voulues. Je voudrais que vous expliquiez pourquoi les femmes risquent d'être plus vulnérables à ces conséquences de l'utilisation des médicaments délivrés sur ordonnance que les hommes.
Mme Fuller : On ne comprend pas complètement les causes. Certaines sont physiologiques. La réponse la plus évidente est que les femmes tendent à utiliser plus de ces médicaments que les hommes, ce qui augmente le nombre de signalements d'effets indésirables.
La réaction des femmes aux médicaments est aussi différente de celle des hommes — pas toujours, mais parfois — sans qu'on comprenne bien pourquoi. Une raison est que les femmes sont sous-représentées dans les essais cliniques. Même si les femmes peuvent être le marché prévu d'un médicament, on connaît très peu leur réaction à ce médicament. C'est également vrai d'autres types de populations. Les personnes âgées font rarement partie des essais cliniques de médicaments ni les personnes censées les utiliser. Cela amoindrit notre capacité de prévoir les éventuelles réactions aux médicaments.
La sénatrice Seth : Ce pourrait être fréquent, parce qu'elles prennent plus de médicaments, plus de somnifères. Plus que les hommes, en général. Est-ce possible?
Mme Fuller : Oui. C'est un facteur. De plus en plus de publications examinent les raisons pour lesquelles les femmes sont plus susceptibles de prendre un médicament délivré sur ordonnance, particulièrement certaines catégories de médicaments. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi les femmes réagissent différemment.
La sénatrice Seth : Est-ce que le gouvernement prend des mesures pour éviter ces conséquences non voulues ou favorisons-nous davantage des enquêtes sur ce phénomène?
Mme Fuller : Eh bien, d'après moi, Santé Canada n'en fait pas assez. L'une des discussions que nous avons eues — et je sais qu'un certain nombre de personnes, y compris Terence Young et d'autres y participent depuis un certain nombre d'années —, l'une des idées qui ont été discutées est celle d'un organisme indépendant, qui serait chargé de la surveillance des effets indésirables des médicaments, parce que beaucoup, moi comprise, voient un conflit d'intérêts, à Santé Canada, qui autorise les médicaments et en surveille aussi les effets secondaires indésirables, deux rôles susceptibles d'entrer en conflit.
La sénatrice Seth : Il n'y a pas d'essais ni rien d'autre pour éviter cela? Avons-nous besoin de cela, des essais?
Mme Fuller : Pour éviter les réactions indésirables des médicaments?
La sénatrice Seth : Pour éviter que les femmes ne souffrent de plus de conséquences non voulues.
Mme Fuller : Non. Encore une fois, je dois dire que le financement d'Action pour la protection de la santé des femmes, un organisme financé par Santé Canada pour lui faire connaître le point de vue des femmes sur la politique des médicaments, a pris fin en 2011. Nous avons fourni beaucoup d'information et rédigé beaucoup de rapports destinés à Santé Canada, sur ce qui se passait, y compris avant et après la mise en marché des médicaments.
La sénatrice Seth : Merci. Monsieur Glouberman, vous avez dit que les Canadiens occupaient le deuxième rang des pays pour la consommation de médicaments.
M. Glouberman : Oui.
La sénatrice Seth : Considérez-vous que les Canadiens consomment trop de médicaments ou est-ce parce qu'ils ont accès à plus de médicaments délivrés sur ordonnance? Quelle est la raison?
M. Glouberman : Pourquoi ils le sont? Je pense que la cause est également historique.
Vous avez voulu savoir pourquoi les services ne sont pas financés. Au Canada, beaucoup de services non financés peuvent aider les gens souffrant de maux à long terme. Il s'agit notamment de la naturopathie et de l'homéopathie ainsi que d'autres régimes de soins de santé. Certains sont utiles à certaines gens, mais leur financement, à tous, est privé. L'une des causes possibles, aussi, est que les médecins ne les conseillent pas à leurs patients et ignorent beaucoup de choses à leur sujet.
Il y a des solutions de rechange, et elles se développent rapidement. Au Canada, c'est le cas, notamment, de la naturopathie et de l'homéopathie ainsi que d'autres traitements. Les supermarchés offrent des aliments bio et, aussi, des vitamines et des minéraux ainsi que les médicaments qui ne sont pas délivrés sur ordonnance. Ce volet de l'univers des soins de santé est en croissance, mais il n'est pas très visible du côté officiel du système de santé.
Le sénateur Enverga : Merci pour l'exposé. Il est bon de savoir que vous représentez les patients ou que vous prenez leur défense.
L'une des recommandations est la création d'une base de données électronique pour tous les patients. Êtes-vous inquiet à cause de la nature des renseignements nécessaires qui seront accessibles à la grandeur du pays? Craignez-vous pour la protection de la vie privée?
M. Glouberman : D'après moi, il ne s'agit pas tant de protéger la vie privée que les patients. Je pense que la plupart des patients aimeraient que l'information à leur sujet soit accessible à tous les médecins qu'ils consultent. Les patients toxicomanes n'en veulent pas, mais tous les autres voudraient que leur médecin n'ignore rien des médicaments qu'ils prennent et parvienne à les concilier convenablement, à les faire agir en harmonie. Cela exige que les médecins connaissent d'autres médicaments que ceux qu'ils prescrivent. Cela exige aussi du pharmacien un rôle plus important et qu'il sache concilier les divers médicaments.
Je pense que la plupart des patients souhaiteraient que quiconque prescrit des médicaments ait accès à cette information. Ils voudraient eux-mêmes avoir accès à cette information, car il arrive que ce ne soit pas le cas.
Mme Fuller : L'expérience est assez positive en Colombie-Britannique, et cela aide les pharmaciens. C'est un aspect positif.
Souvent, comme M. Glouberman l'a dit, le patient passe d'un médecin à l'autre et voit divers spécialistes. Il se fait prescrire des médicaments par des médecins différents. Ce n'est pas parce qu'il fait le tour des médecins, mais c'est à cause de la nature des différentes maladies qu'il a peut-être.
Ces médecins ne communiquent peut-être pas entre eux, mais le pharmacien aura accès à une base de données électronique comprenant la liste de médicaments qu'on vous a prescrits. De toute évidence, le pharmacien sait comment les médicaments interagissent et tout cela.
Je pense que la plupart des patients seraient d'accord avec cela. Certaines communautés ont des préoccupations différentes. Les personnes atteintes du VIH auront peut-être des préoccupations différentes à propos d'une telle base de données, mais je pense qu'en général, la réaction du public serait plutôt positive.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci à vous deux de votre présence. J'aimerais revenir sur les rapports d'effets indésirables.
Je ne sais pas à qui les gens signalent ces incidents. Vous dites que c'est à Santé Canada. C'est très loin du patient. Dans les hôpitaux, on prend très sérieusement les effets indésirables des médicaments. On produit quantité de rapports d'incidents.
Parlez-vous principalement des médecins généralistes? Est-ce de là que vient le problème? Que les médecins généralistes ne signalent pas les effets indésirables, et que les patients eux-mêmes ne savent pas ce qu'est une réaction indésirable?
Mme Fuller : On estime que ce sont 5 ou 6 p. 100 des effets indésirables qui sont signalés en général au Canada, que ce soit par les médecins ou par d'autres. Cela signifie qu'il faut investir beaucoup plus dans des stratégies variées qui contribueront à faire augmenter le signalement d'effets indésirables.
Il est si important de signaler les effets indésirables des médicaments, et ce, pour de nombreuses raisons. C'est notamment le cas pour un nouveau médicament. Nous n'en savons habituellement pas grand-chose, parce que les périodes d'essai clinique semblent raccourcir constamment et que bien des nouveaux médicaments sont destinés à une utilisation à long terme. C'est une chose d'utiliser de manière épisodique un médicament pour lequel la période d'essai clinique a été de quatre à six mois. Mais si un médicament est destiné à des patients souffrant de problèmes chroniques qui l'utiliseront à long terme, c'est très différent.
Les médecins sont bien connus pour ne pas signaler souvent les effets indésirables, et ce, pour diverses raisons. Cela remonte en réalité à leurs études en médecine. Santé Canada doit concevoir diverses stratégies pour encourager tout le monde à davantage signaler les effets indésirables, et non seulement les consommateurs. Nous travaillons avec les consommateurs; c'est là que PharmaWatch concentre ses efforts. Cependant, Santé Canada doit à cette fin concevoir des stratégies pour tous les groupes.
Comme le montre le chapitre que j'ai soumis au comité, certains groupes vont plus probablement signaler les problèmes, dont celui des femmes. Elles le font pour elles-mêmes, ainsi que pour un parent, un enfant ou leur conjoint. Elles le feront plus probablement que les hommes. Cela devrait donner à Santé Canada une idée de la façon de concevoir une stratégie de communication qui ciblerait certains segments de la population dans certains contextes pour les encourager à signaler les effets indésirables des médicaments.
Selon notre expérience à PharmaWatch, les gens n'aiment pas signaler les problèmes en ligne, alors que c'est le principal outil de Santé Canada. Les gens n'aiment pas cela; du moins, les consommateurs n'aiment pas ça. Ils veulent parler à quelqu'un et donner de l'information, et ils veulent aussi obtenir de l'information sur les effets indésirables.
M. Glouberman : Dans tout cela, la façon de recueillir l'information sur les effets indésirables est vraiment l'aspect intéressant. Quand vous parlez des signalements complets dans les hôpitaux, vous parlez en réalité des cas où le mauvais médicament a été administré à quelqu'un; c'est ce que les hôpitaux signalent beaucoup. Ce n'est pas tant le cas des effets indésirables. Cependant, si vous administrez le mauvais médicament, ça, c'est signalé soigneusement.
Pendant que nous discutions, une chose m'est venue à l'esprit, concernant les raisons pour lesquelles les hommes ne signalent pas les effets indésirables, et c'est que les hommes ne prennent pas de médicaments. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ne signalent pas autant les effets indésirables. Ils ne respectent pas autant les prescriptions que les femmes, et ne font pas autant attention. Ce pourrait être une chose. Mais je ne sais pas combien d'études ont été faites à ce sujet.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est très utile.
La sénatrice Cordy : Je vous félicite pour les décisions de principe que vos organisations ont prises de ne pas accepter de financement de la part de compagnies pharmaceutiques. Ce serait une source d'argent bien facile. Alors je félicite vos deux organisations. Quand je vois des publicités de médicaments sur les sites web d'organisations nationales comme la Société canadienne de la sclérose en plaques, je frissonne à l'idée que les consommateurs n'obtiennent peut- être pas des renseignements très justes.
J'aimerais parler d'une chose dont ni l'un ni l'autre n'a parlé : les médicaments de contrefaçon. Vous allez en ligne et vous pouvez trouver n'importe quoi — il y a des médicaments de contrefaçon pour n'importe quoi. Vous voyez des annonces dans les journaux, aux États-Unis, concernant des médicaments « canadiens ». Les Américains pensent donc qu'ils obtiennent de bons médicaments, mais personne ne sait ce que ces médicaments contiennent. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels de nombreux Canadiens qui ne peuvent se permettre les médicaments qu'il leur faut se procureront des médicaments de contrefaçon bien moins chers, plutôt que d'aller à la pharmacie, et ce, même s'ils ne savent pas ce qu'ils contiennent.
Rencontrez-vous cela avec les consommateurs?
M. Glouberman : Pas tellement. Le problème des drogues de contrefaçon est beaucoup plus américain que canadien, à ma connaissance. Dans la plupart des provinces, il y a de l'aide gouvernementale pour les personnes qui ne peuvent payer leurs médicaments.
Il est vraiment intéressant de constater les vastes écarts entre les provinces, concernant l'assurance médicaments. Au Québec, l'assurance médicaments est assez complète. En Ontario, vous pouvez vous adresser à Trillium et obtenir de l'argent si vous n'avez pas les moyens de payer un médicament coûteux. Dans d'autres provinces, il y a des protocoles que les personnes n'en ayant pas les moyens puissent quand même obtenir leurs médicaments. Il y a donc de l'assurance médicaments pour les personnes qui n'ont pas assez d'argent au Canada. En général, nous avons un assez bon filet de sécurité.
La sénatrice Cordy : Alors, vous n'entendez pas parler de cela dans votre organisation?
M. Glouberman : Non.
Mme Fuller : Moi non plus, mais selon les gens avec qui nous discutons aux États-Unis, il y a toujours eu bien des Américains intéressés à venir de ce côté-ci. J'ai l'impression que c'est moins le cas maintenant qu'il y a cinq ou 10 ans, en partie parce que les prix de nos médicaments augmentent. Une stratégie nationale sur les médicaments pharmaceutiques au Canada contribuerait à ce que cela se produise plus rarement.
La sénatrice Cordy : Et nous avons entendu cela de la part de témoins.
Monsieur Glouberman, vous avez dit que les patients ne savent pas toujours pourquoi ils prennent un médicament. Madame Fuller, vous avez dit que la plupart des gens ne savent pas quoi faire en cas d'effets indésirables. Qu'est que Santé Canada devrait faire? Madame Fuller, vous avez mentionné qu'il ne faudrait pas que ce soit en ligne, et que les femmes vont plus probablement signaler des effets indésirables que les hommes. Premièrement, vous avez dit que les gens savent pourquoi ils prennent un médicament, mais rien ne garantit qu'une personne reconnaîtra des effets indésirables à moins qu'ils soient très graves.
M. Glouberman : C'est dans une grande mesure attribuable aux renseignements très divers qui existent à propos des médicaments. Il est possible d'améliorer l'interaction entre les médecins et les patients, ainsi que l'explication du médicament comme tel et de la raison pour laquelle le médicament doit être pris. L'étiquetage des médicaments pourrait être amélioré.
Regardez les médicaments que vous prenez, lisez l'étiquette et l'information sur le médicament, et vous verrez que, la plupart du temps, c'est impossible à lire parce que les caractères sont trop petits. Améliorer l'étiquetage et le type d'information que les compagnies pharmaceutiques doivent donner, et améliorer le signalement des effets indésirables — toutes ces choses font partie du processus, et il serait bon que bien des changements y soient apportés, au Canada.
Le président : Avant de poser mes questions, sénateur Eggleton, avez-vous une petite question à poser?
Le sénateur Eggleton : Oui. J'aimerais poursuivre sur les médicaments de contrefaçon dont la sénatrice Cordy a parlé. Nous entendons aussi parler de médicaments inférieurs aux normes; ce ne sont pas nécessairement des médicaments contrefaits comme tels, bien qu'ils le soient parfois, mais ils peuvent être nettement inférieurs aux normes. J'ai lu bien des articles sur la FDA, aux États-Unis, qui bannit certains de ces produits en provenance de l'Inde, de la Chine ou du Brésil. Un certain nombre d'usines en Inde n'ont pas le droit d'exporter des médicaments aux États-Unis.
Je n'ai pas entendu que Santé Canada avait fait quoi que ce soit pour interdire ces médicaments ici. L'une des plus grosses compagnies est Ranbaxy Laboratories, un important fournisseur de nombreux médicaments, au Canada et aux États-Unis. Entendez-vous des préoccupations à ce sujet, et avez-vous des suggestions sur les façons dont nous pourrions traiter cela?
M. Glouberman : J'aimerais retourner cette question à l'envers. Il se produit notamment l'inverse. Entre autres, une grosse compagnie pharmaceutique soutient que les médicaments génériques sont inférieurs aux normes. Elle encourage les gens à prendre les médicaments non génériques — ceux qu'elle produit sont plus coûteux — sous prétexte que les médicaments génériques, identiques en tous points aux siens, ne seraient pas exactement les mêmes et auraient des conséquences et des effets secondaires différents.
Dans une certaine mesure, les grandes compagnies pharmaceutiques cherchent à ne laisser personne d'autre accéder au marché en soutenant qu'elles appliquent les meilleures normes et font preuve de la plus grande prudence. C'est une des raisons pour lesquelles cela se produit.
Je ne sais pas dans quelle mesure les médicaments venant de l'étranger sont inférieurs aux normes; je ne connais pas la réponse à cela, parce que je ne suis pas à la FDA. J'imagine qu'on produit des médicaments de contrefaçon, et que c'est un gros problème. Mais je pense aussi que les grandes compagnies pharmaceutiques essaient de contrôler le marché, et cela aussi, c'est problématique.
Au Canada, si on vous prescrit un médicament particulier et que vous vouliez avoir la version générique, les compagnies pharmaceutiques vous donneront le médicament non générique au même prix, avec des coupons. Cela encourage les compagnies pharmaceutiques à exiger aux compagnies d'assurance une prime plus élevée pour les médicaments non génériques parce que les gens veulent les prendre. On consacre à cela beaucoup de publicité et d'efforts de marketing auxquels il faut penser et que nous ne réglementons pas.
Mme Fuller : Les Canadiens consomment une plus faible proportion de médicaments génériques que les Américains. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais je sais que les provinces essaient de régler cela et qu'elles y arrivent dans une certaine mesure. Là où nous voyons les problèmes, c'est en ce qui concerne les régimes privés d'assurance médicaments. La plupart des gens pensent que le meilleur régime, c'est celui qui couvre tous les médicaments jamais approuvés, et que c'est le médecin, celui qui prescrit le médicament, et le patient qui choisissent le médicament.
J'aimerais entre autres souligner que nous avions beaucoup plus de contrôle sur cette situation quand nous avions une société d'État qui fabriquait des médicaments génériques. Les laboratoires Connaught fabriquaient des médicaments génériques et des vaccins au Canada, et ce, de façon rentable pour les provinces, lesquelles pouvaient les inclure dans les formulaires. Ce n'est plus le cas. Je suis sûre que vous connaissez l'histoire de Connaught. Nous dépendons maintenant davantage de l'importation de médicaments. Par exemple, l'insuline a été découverte au Canada, dans les laboratoires Connaught, à l'Université de Toronto. Aujourd'hui, nous ne produisons plus une goutte d'insuline, au Canada; tout est importé. En l'absence d'une telle capacité de fabrication, nous sommes plus vulnérables aux problèmes que vous soulevez.
Le président : Les questions que vous avez abordées aujourd'hui sont des questions dont nous avons été saisis aux quatre étapes de notre étude. Vous avez ajouté de nouvelles dimensions, grâce à votre expérience personnelle et pratique sur le terrain, auprès de vrais patients. Par exemple, en ce qui concerne les effets indésirables des médicaments, nous avons présenté d'importantes recommandations, dans nos rapports précédents. Nous avons dit reconnaître que l'un des grands problèmes, c'est de faire savoir aux gens qu'ils peuvent signaler les problèmes et de les amener à le faire. Nous savons que le système de signalement est tronqué, en ce sens que le patient peut bien parler à son médecin; cela ne signifie pas que le message va se rendre.
Madame Fuller, vous avez parlé de la question de Santé Canada, mais il faut que quelqu'un recueille toute l'information, sans quoi tout cela est inutile si l'information signalée à l'hôpital ne va pas plus loin. Heureusement, on encourage fortement le réseau médical à signaler les effets indésirables des médicaments. Malgré cela, nous savons, d'après les témoignages que nous avons entendus aux quatre étapes de notre étude, que le nombre réel de signalements d'effets indésirables est très faible. Certains estiment que c'est moins de 1 p. 100 des cas d'effets indésirables.
Encore une fois, pour les raisons que vous avez données, en particulier quand vous avez parlé des femmes qui ne sont pas les plus nombreuses pour les essais cliniques, les sous-groupes de la population que vous avez mentionnés sont des groupes clairement identifiables qui ne sont pas souvent inclus dans les essais cliniques. Une fois qu'un médicament est administré à des humains, c'est le début des plus importants essais cliniques. Notre position en ce qui concerne les recommandations, en ce moment, c'est qu'il faut trouver de meilleures façons de recueillir l'information pour qu'il soit plus facile pour les gens de signaler les effets indésirables. Vous nous avez donné un aperçu des choses qui font que les gens ne signaleront pas les problèmes. Nous devons nous fonder là-dessus pour faire d'autres recommandations, car il est absolument essentiel, comme vous l'avez souligné, que ces effets soient recueillis de manière à donner lieu à des conseils à l'intention des médecins et des pharmaciens au sujet de la nature des effets.
Vous avez aussi abordé la question du système électronique, et nous avons fermement recommandé cela dans nos rapports antérieurs. En réalité, nous pensons que cela pourrait être très avantageux pour les patients particuliers. Cela revient à un point que vous avez soulevé, monsieur Glouberman : un patient gravement malade verra plusieurs spécialistes différents qui peuvent ne pas être liés du tout entre eux, ce qui signifie que le patient n'est pas le centre de leur attention. Pour ses rapports antérieurs, le comité a reçu des recommandations et des mémoires selon lesquels la médecine doit revenir à ce qu'elle était : axée sur le patient et non axée sur le spécialiste, quand il s'agit d'information et de distribution.
Vous avez ajouté un point de vue très important et réel, concernant ces questions que nous examinons depuis un moment. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'être venus aujourd'hui et d'avoir contribué à notre étude par la clarté de vos réponses et par votre expérience.
Je remercie mes collègues de leurs questions, lesquelles ont donné lieu aux types de renseignements que nous avons pu recueillir aujourd'hui. Sur ce, je déclare que la séance est levée.
(La séance est levée.)