Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 11 - Témoignages du 10 avril 2014
OTTAWA, le jeudi 10 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.
SUJET : La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'invite mes collègues à se présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto. Bienvenue.
La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.
Le président : Je vous remercie, chers collègues. Je souhaite la bienvenue à nos invités de ce matin et je vous rappelle que nous entreprenons la quatrième et dernière partie d'une étude sur les produits pharmaceutiques d'ordonnance au Canada. Cette partie porte sur les conséquences non prévues de l'emploi de ces produits.
Nous avons aujourd'hui parmi nous des représentants d'un ministère et d'organismes qui nous aideront à comprendre les points soulevés. Je commencerai par présenter les personnes qui prendront la parole, puis je souhaiterai la bienvenue à la Dre Tam, qui est ici pour contribuer à répondre aux questions posées.
Je commence donc par présenter, de Santé Canada, la Dre Supriya Sharma, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, de la Direction générale des produits de santé et des aliments, et Robin Chiponski, directrice générale de la Direction générale des produits de santé et des aliments. Je crois comprendre que c'est Mme Sharma qui fera l'exposé. Docteure Sharma, vous avez la parole.
Dre Supriya Sharma, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui, au moment où le comité termine la quatrième partie de son étude sur les produits pharmaceutiques d'ordonnance en examinant La nature des conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques d'ordonnance.
[Français]
Je tiens à remercier le comité pour ses efforts importants sur ce dossier et pour l'occasion qu'il a offerte à Santé Canada d'expliquer son rôle de réglementation des produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.
[Traduction]
Permettez-moi d'abord de me présenter. Comme le président l'a indiqué, j'occupe actuellement le poste de sous-ministre adjointe déléguée par intérim à la Direction générale des produits de santé et des aliments, qui supervise la réglementation des produits de santé au Canada. J'y suis également conseillère médicale principale.
J'ai eu l'occasion de comparaître devant votre comité quand il a entrepris la troisième partie de son étude, qui portait sur l'emploi non conforme à l'étiquette des produits pharmaceutiques d'ordonnance.
Je suis accompagnée aujourd'hui par Mme Robin Chiponski, directrice générale à la Direction générale des produits de santé et des aliments.
Vous entendrez bientôt ma collègue, la Dre Jane Aubin, chef des affaires scientifiques et vice-présidente à la recherche et à l'application des connaissances aux Instituts de recherche en santé du Canada.
Nous sommes également accompagnées par le Dr Robert Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, ainsi que par la Dre Theresa Tam, chef de la Direction générale de l'infrastructure de sécurité sanitaire à l'Agence de la santé publique du Canada.
Au cours de votre étude, plusieurs questions relevant du mandat de l'agence ont été soulevées. Mme Tam se fera un plaisir de répondre aux questions que vous aurez du point de vue de la santé publique.
C'est la quatrième fois que des représentants de Santé Canada comparaissent devant le comité. Je profite de l'occasion pour parler des mesures que le ministère prend pour accroître la sécurité des patients grâce à la réglementation des produits pharmaceutiques d'ordonnance au Canada.
Comme vous le savez, le Canada a l'un des systèmes de réglementation des médicaments les plus sûrs et les plus rigoureux au monde. Pour pouvoir commercialiser des produits pharmaceutiques d'ordonnance au Canada, les fabricants doivent satisfaire aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application en présentant des preuves scientifiques démontrant l'innocuité, l'efficacité et la qualité des médicaments pour l'usage qui en est prévu.
Lorsque ces produits pharmaceutiques arrivent sur le marché canadien, Santé Canada les surveille afin de déceler les signes de nouveaux risques potentiellement liés à leur utilisation et prend les mesures appropriées pour atténuer ces risques. Cette surveillance après la mise en marché est indispensable au maintien de l'équilibre entre les bienfaits et les risques de tous les produits de santé.
La sécurité des patients est la principale priorité de Santé Canada tout au long du processus de réglementation, depuis l'examen des demandes d'essais cliniques et des présentations de nouveaux médicaments jusqu'à la surveillance des produits pharmaceutiques approuvés et à l'inspection des établissements afin de vérifier s'ils se conforment aux bonnes pratiques de fabrication.
Comme je l'ai déjà dit, quand la mise en marché d'un produit pharmaceutique d'ordonnance est autorisée, cela signifie que les bienfaits de celui-ci pour la santé l'emportent sur les risques potentiels de son usage prévu. Cela dit, les produits pharmaceutiques d'ordonnance ne sont jamais totalement exempts de risque, et Santé Canada s'efforce constamment d'atténuer les éventuelles conséquences non voulues de leur usage. De nombreux outils sont actuellement utilisés pour appuyer cet objectif et assurer la sécurité des patients.
J'aimerais, pour commencer, souligner une nouvelle mesure législative importante qui aura une grande incidence sur l'amélioration de la sécurité des patients, notamment en contribuant à la réduction des conséquences non voulues de l'usage de produits pharmaceutiques d'ordonnance.
Le 6 décembre 2013, le gouvernement du Canada a déposé un projet de loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues. La loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses, aussi appelée Loi de Vanessa, accroîtrait la capacité de Santé Canada de recueillir des renseignements sur l'innocuité d'un produit après sa mise en marché et de prendre les mesures appropriées en cas de risque grave pour la santé. Globalement, ces modifications permettraient de mieux protéger la santé et la sécurité des patients et d'accroître la confiance des consommateurs à l'égard des produits thérapeutiques sur le marché.
Plus précisément, la Loi de Vanessa obligerait les établissements de soins de santé désignés à déclarer les effets indésirables des médicaments. Même si nous savons que la plupart des médicaments sont prescrits et utilisés à l'extérieur des hôpitaux, les réactions graves mènent généralement à l'hospitalisation. Les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé sont donc les mieux placés pour constater, déterminer et déclarer les réactions indésirables graves. La Loi de Vanessa prévoit également d'autres pouvoirs, comme celui d'exiger de nouveaux essais ou de nouvelles études sur les médicaments, celui de rappeler des produits thérapeutiques et celui d'imposer des amendes et des sanctions plus lourdes en cas de non-conformité. La mise en œuvre de ces mesures renforcerait la confiance des familles canadiennes à l'égard des médicaments que leurs membres prennent, notamment les enfants.
J'ajouterai que le comité connaît sûrement un grand nombre de ces mesures, car elles faisaient partie des recommandations de la deuxième partie de l'étude.
Monsieur le président, en plus d'avoir présenté le projet de loi qu'on appelle Loi de Vanessa, le gouvernement prend plusieurs autres mesures importantes pour assurer la sécurité des patients. Par exemple, dans le discours du Trône de 2013, il s'est engagé à faire en sorte que l'information figurant sur les étiquettes des médicaments soit formulée clairement et que les effets secondaires possibles y soient bien indiqués.
Santé Canada met donc en œuvre l'initiative d'étiquetage en langage clair afin de rendre les étiquettes des produits de santé claires, précises et faciles à comprendre et de réduire au minimum les risques de confusion entre étiquettes, emballages et noms de produits.
De plus, Santé Canada a affecté 3,2 millions de dollars sur deux ans au soutien des travaux de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada, qui travaille constamment à étendre la portée et les répercussions du Système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux, grâce auquel on améliore la compréhension de ces incidents et l'échange de renseignements à leur égard afin de mieux les prévenir.
Qui plus est, dans le discours du Trône de 2013, le gouvernement a indiqué que l'abus de médicaments sur ordonnance constituait un problème croissant et déclaré qu'il avait l'intention d'élargir la Stratégie nationale antidrogue pour le contrer. De concert avec les organismes non gouvernementaux et les gouvernements provinciaux et territoriaux, Santé Canada s'attaquera aux principaux aspects du problème, en commençant par renforcer les mesures de prévention et de traitement à l'échelle locale.
Le ministère contribuera à la mise en place des meilleures pratiques de traitement de la douleur pour les prescripteurs et les praticiens des soins de santé afin d'aider ceux-ci à donner aux patients les soins appropriés. Il organisera également des activités de sensibilisation à l'abus des médicaments d'ordonnance afin d'aider la population à mieux comprendre les conséquences néfastes d'un tel abus.
En outre, Santé Canada prépare actuellement un guide à l'intention des entreprises désireuses d'établir des formules qui ne peuvent être falsifiées afin de prévenir les abus. Ce travail comporte des discussions avec des homologues étrangers, notamment aux États-Unis.
La communication efficace et au bon moment de renseignements pertinents peut aussi accroître la sécurité des patients en fournissant aux gens les renseignements dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé. Une plus grande transparence renforce la confiance des Canadiens à l'égard des décisions prises par Santé Canada.
C'est pourquoi le ministère a pris des mesures importantes pour améliorer la transparence et l'ouverture en ce qui concerne les médicaments pharmaceutiques. Parmi ses initiatives récentes à cette fin, mentionnons le lancement sur son site web, au printemps 2013, d'une base de données sur les essais cliniques. En centralisant l'information dans une base de données, le ministère permet à la population d'obtenir des renseignements à jour et fiables au sujet des essais de médicaments approuvés effectués sur des patients au Canada.
En outre, depuis 2012, Santé Canada rend publique davantage d'information sur ses décisions en matière de réglementation des produits de santé, notamment sur les activités menées après l'approbation des produits, y compris les décisions positives ou négatives concernant les demandes subséquentes de nouvelles indications pour les produits pharmaceutiques d'ordonnance.
Toujours dans le but d'accroître la transparence et l'ouverture, Santé Canada continue, par l'intermédiaire du comité directeur multilatéral sur les pénuries de médicaments, de collaborer avec des intervenants de toute la chaîne d'approvisionnement en médicaments afin d'élaborer des stratégies concrètes pour remédier aux pénuries de médicaments. Ces efforts ont permis de réaliser des progrès considérables, notamment d'établir un protocole de divulgation et de communication de l'information sur les pénuries de médicaments, d'élaborer les outils nécessaires pour déterminer des stratégies visant à remédier aux pénuries de médicaments dans toute la chaîne d'approvisionnement et d'améliorer le site web tenu par l'industrie, www.drugshortages.ca.
Santé Canada a également demandé à tous les fournisseurs de médicaments au Canada de s'engager publiquement à déclarer les pénuries et les cessations de production de médicaments sur le site www.drugshortages.ca. Ces engagements seront affichés dans un nouveau registre de divulgation publique des pénuries de médicaments dans lequel le ministère affichera également les lettres envoyées aux fournisseurs qui ne répondront pas à ses attentes. Si jamais il devient évident qu'à l'égard des pénuries de médicaments, l'industrie n'a pas la transparence et n'assure pas la reddition de comptes à laquelle le public est en droit de s'attendre, nous n'hésiterons pas à prendre d'autres mesures.
Santé Canada est en outre l'un des premiers organismes de réglementation à avoir affiché de l'information sur toutes les déclarations de réactions indésirables à des médicaments au Canada. La base de données en ligne sur les effets indésirables des médicaments du programme Canada Vigilance permet aux professionnels de la santé, à l'industrie et au public de trouver les effets indésirables de médicaments qui ont fait l'objet d'une déclaration au Canada.
Le ministère continuera de s'appuyer sur ses réalisations antérieures pour rendre son information et ses processus décisionnels plus transparents pour la population. Cela dit, il s'engage à encore plus d'ouverture et de transparence en ce qui concerne ses décisions en matière de réglementation. C'est pourquoi il vient de lancer, la semaine dernière, le plan d'action et cadre réglementaire de transparence et d'ouverture en matière de réglementation, qui permettra à la population de voir les mesures concrètes et progressives que nous prenons pour lui donner un meilleur accès à des renseignements à jour, utiles et pertinents au chapitre de la santé et de la sécurité.
Nous nous engageons à faire en sorte que les Canadiens et les professionnels des soins de santé aient toute l'information voulue pour faire des choix éclairés quant aux médicaments pris ou prescrits.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de comparaître. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, docteure Sharma. Nous donnons maintenant la parole à la représentante des Instituts de recherche en santé du Canada, la Dre Jane Aubin, vice-présidente exécutive et chef des affaires scientifiques. Nous accueillons également de nouveau le Dr Robert Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments. Docteure Aubin, vous avez la parole.
Dre Jane Aubin, vice-présidente exécutive, chef des affaires scientifiques, Instituts de recherche en santé du Canada : Merci beaucoup, sénateur Ogilvie. En tant que chef des affaires scientifiques et vice-présidente à la recherche et à l'application des connaissances des Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, pour abréger, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler des activités de recherche liées aux conséquences non voulues des produits pharmaceutiques d'ordonnance au Canada. J'ai le plaisir d'avoir à mes côtés aujourd'hui le Dr Bob Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments des IRSC, ou RIEM. Vous vous rappellerez sans doute, honorables sénateurs, que le Dr Peterson et le Dr Alain Beaudet, président des IRSC, ont déjà eu le plaisir de comparaître devant vous aux étapes antérieures de la présente étude.
Comme vous avez déjà entendu parler de l'importance du RIEM au cours des étapes antérieures de votre étude, je ne prendrai que quelques minutes pour vous rappeler les principales activités du réseau qui peuvent présenter un intérêt pour cette dernière étape de votre travail.
Établi par les IRSC en collaboration avec Santé Canada et d'autres parties, le RIEM répond aux questions des gestionnaires des régimes publics d'assurance-médicaments, des responsables des politiques ou de la réglementation et des évaluateurs des technologies de la santé afin d'accroître les données sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments après leur mise en marché au Canada. Il complète ainsi les rigoureuses évaluations exigées par Santé Canada avant la mise en marché des nouveaux médicaments et soutient le ministère dans la surveillance des médicaments après leur mise en marché en appuyant une recherche ciblée sur la façon dont les Canadiens réagissent à long terme aux médicaments approuvés en situation réelle. Le RIEM produit également des données servant à déterminer la valeur économique des médicaments commercialisés, un facteur essentiel pour assurer la viabilité du système de santé canadien.
Les méthodologies de recherche utilisées au RIEM se prêtent bien à l'étude des résultats de l'utilisation de médicaments d'ordonnance, y compris les résultats non prévus. Le RIEM finance et coordonne les travaux des plus grands experts de la recherche au Canada afin de trouver des réponses dignes de foi aux questions concernant aussi bien les dangers que les bienfaits possibles des produits.
Quand on transpose au « monde réel » les résultats obtenus à partir des essais cliniques requis aux fins de la réglementation, il est difficile de déterminer avec certitude les patients chez qui le produit évalué aura des effets bénéfiques et ceux chez qui il aura des effets nocifs. En fait, cette incertitude est d'une grande importance tant pour le prescripteur que pour le patient. Le RIEM équilibre cette incertitude en examinant à la fois les bienfaits et les dangers des produits, dans la mesure du possible. Il utilise des méthodes scientifiques rigoureuses, qui sont extrêmement utiles pour l'évaluation des bienfaits et des dangers d'un médicament ou d'une catégorie de médicaments.
Pour conclure à propos du RIEM, je signale que le réseau constitue une source fiable de données de recherche produites en toute indépendance de l'industrie. De plus, ni les IRSC ni le RIEM n'exercent de responsabilités en matière de réglementation : les données produites par le RIEM sont transmises aux décideurs appropriés du système de santé canadien.
Mesdames et messieurs, j'aimerais maintenant m'arrêter quelques minutes sur deux points importants qu'ont soulevés d'autres témoins.
Le premier concerne la nécessité de soutenir la réalisation d'essais cliniques, car ils sont essentiels à la conception de médicaments, de vaccins et d'appareils sûrs, novateurs et efficaces pour le marché canadien. Dans son témoignage de mars 2012 à ce comité, le Dr Alain Beaudet a traité de l'importance de soutenir la réalisation d'essais cliniques et rappelé les recommandations issues du premier sommet sur les essais cliniques, tenu en 2011 et parrainé par les IRSC, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada et l'Association canadienne des institutions de santé universitaires.
Je suis ravie de vous informer qu'on met actuellement sur pied le Centre canadien de coordination des essais cliniques dans le but d'appliquer les principales recommandations formulées dans le plan d'action du sommet. Le centre soutiendra les activités qui favoriseront la tenue d'essais cliniques au Canada ainsi que les investissements étrangers dans les essais cliniques. Ces activités contribueront par ailleurs à rendre le Canada plus concurrentiel en matière de tenue d'essais cliniques.
Enfin, un dernier point majeur qu'ont soulevé d'autres témoins : la nécessité pour le fédéral de jouer un rôle structurant dans le dossier de la résistance aux antimicrobiens. Voici quelques-unes des initiatives des IRSC à ce sujet au cours des dernières années.
Avant tout, il faut préciser que les solutions de rechange aux antibiotiques et l'antibiorésistance comptent parmi les priorités de recherche de l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires des IRSC, et ce, depuis sa fondation, en 2000. En 2012-2013 seulement, les IRSC ont investi plus de 15 millions de dollars dans la recherche sur la résistance aux antimicrobiens, notamment par l'intermédiaire de l'Initiative sur les nouvelles solutions de rechange aux antibiotiques, qui a pour objet de soutenir les projets de recherche axés sur les approches novatrices à l'égard de l'antibiorésistance.
Vous n'êtes pas sans savoir que, en 2013, les membres du G8 ont qualifié la résistance aux antimicrobiens de fléau de la sécurité sanitaire au XXIe siècle. Le Canada joue un rôle de premier plan en vue de régler ce problème planétaire, et les IRSC font figure de chef de file mondial dans ce dossier. En effet, depuis 2008, les IRSC font équipe avec le Conseil de recherche médicale du Royaume-Uni dans le but de créer le Partenariat Canada-Royaume-Uni sur l'antibiorésistance. En 2011, deux équipes, chacune composée d'un chercheur principal canadien et d'un chercheur principal britannique, ont reçu du soutien pour leurs programmes de recherche sur la résistance aux antimicrobiens. L'investissement dans ce programme totalise 8 millions de dollars en quatre ans, financé à parts égales par le Canada et le Royaume-Uni.
Par l'intermédiaire des IRSC, le Canada compte également parmi les pays initiateurs et les principaux bâilleurs de fonds de l'Initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens, menée de concert avec 18 autres États de l'Union européenne. L'initiative témoigne de l'excellence de la recherche canadienne dans ce domaine étant donné qu'on a prié le Canada, qui a accepté, de codiriger l'initiative avec l'Allemagne et la Suède. Un premier appel de proposition a été lancé en janvier dernier. Cette initiative internationale menée en collaboration représente un investissement total de 14,1 millions d'euros sur trois ans, ce qui correspond à environ 21,2 millions de dollars canadiens.
Pas plus tard que la semaine dernière, le 3 avril, le Dr Beaudet et ses homologues étrangers ont fixé le programme de recherche stratégique de cette initiative internationale en matière de résistance aux antimicrobiens à l'occasion d'une réunion plurinationale tenue à Bruxelles. Le programme peut être consulté sur Internet et propose une approche concertée à l'appui de la recherche de calibre mondial sur la résistance aux antimicrobiens qui se traduira par de nouvelles stratégies de prévention et d'intervention en vue de réduire les niveaux de résistance à long terme et d'améliorer la santé publique.
Merci beaucoup, honorables sénateurs, de votre attention. M. Peterson et moi serons ravis de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole à mes collègues.
Le sénateur Eggleton : Mes questions s'adressent aux représentantes de Santé Canada.
Au cours de notre étude, nous avons entendu des témoignages aussi catégoriques que troublants sur les conséquences imprévues que causent les fabricants étrangers, en particulier ceux de l'Inde, qui fournissent aux sociétés pharmaceutiques des médicaments inférieurs aux normes. Nos travaux nous ont permis d'apprendre qu'actuellement, aux États-Unis, 80 p. 100 des médicaments et des ingrédients médicinaux sont importés. Nous n'avons aucun chiffre pour le Canada. Peut-être pourrez-vous nous le fournir. Bref, c'est visiblement une proportion élevée pour les États-Unis et j'imagine que le Canada nage probablement dans les mêmes eaux, à moins que vous ne me disiez le contraire.
Nous savons également que l'Organisation mondiale de la santé considère qu'un médicament fabriqué en Inde sur cinq est une contrefaçon. Selon un témoin, le gouvernement indien réglemente à peine les médicaments génériques destinés à l'exportation, applique la réglementation mollement et néglige l'encadrement de bon nombre de ses industries.
En ce qui concerne les États-Unis, la Food and Drug Administration, ou FDA, serait très active. L'organisme procède à des centaines d'inspections; l'an dernier, c'était 111 en Inde seulement. Or, selon ce qu'on nous a dit, Santé Canada n'aurait procédé qu'à trois inspections à l'étranger. Nous avons aussi appris que, aux États-Unis, la société Ranbaxy a plaidé coupable à des accusations de fraude et a dû payer une amende de 500 millions de dollars, sans compter que ses médicaments ont été retirés du marché.
Nous constatons cependant que 159 médicaments fabriqués par Ranbaxy figurent toujours sur la liste des médicaments autorisés au Canada qui figure sur votre site web. Ils ont toujours un numéro DIN.
De surcroît, les États-Unis ont retiré du marché des médicaments fabriqués par des entreprises comme Dr. Reddy's Laboratories, Sun Pharmaceutical et Wockhardt Ltd., toutes situées en Inde. Dans le cas de Wockhardt, le Royaume-Uni a aussi fait la même chose.
Une société canadienne entre maintenant dans le portrait, Apotex. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration a interdit l'importation de médicaments fabriqués à l'usine d'Apotex à Bangalore.
Pourquoi n'en fait-on pas davantage pour protéger la santé des Canadiens? Pourquoi accuse-t-on un tel retard? Trois inspections à peine. On permet toujours la commercialisation de médicaments que les Étatsuniens ont retirés du marché. Pourquoi?
Dre Sharma : Voici d'abord quelques renseignements sur le marché canadien et nos fournisseurs. Je céderai ensuite la parole à ma collègue.
L'inspectorat est la section de notre organisme qui s'occupe des inspections, des questions de conformité et de l'application des lois et des règlements en ce qui concerne les pratiques exemplaires de fabrication de produits pharmaceutiques.
Le Canada représente environ 3 p. 100 du marché pharmaceutique mondial. Les estimations varient, mais on évalue qu'entre 70 et 80 p. 100 des produits vendus au Canada sont fabriqués à l'étranger. Cinquante pour cent des usines qui fabriquent ces produits à l'étranger se situent dans des pays qui ont conclu un accord de reconnaissance mutuelle avec le Canada. Parlons-en un peu. Il s'agit d'un accord qui reconnaît que les deux pays en cause adoptent des pratiques de fabrication exemplaires et équivalentes.
La moitié des 50 p. 100 restants, soit 25 p. 100 du total, proviennent des États-Unis. Dans l'ensemble, donc, environ 25 p. 100 des produits importés proviennent de pays comme la Chine ou l'Inde.
Pour l'autre question, je cède la parole à Mme Chiponski.
Robin Chiponski, directrice générale, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Monsieur le président, il s'agit d'une question hautement complexe. Le sénateur a soulevé de nombreux points. Avec votre indulgence, j'essaierai d'expliquer les tenants et les aboutissants de la question.
Ma collègue, la Dre Sharma, a évoqué les pratiques de fabrication exemplaires. Les exigences à cet égard figurent dans les règlements d'application de la Loi sur les aliments et drogues. Elles stipulent que tout produit, qu'il soit fabriqué au Canada ou à l'étranger, doit satisfaire à des normes définies. Mais comment peut-on s'assurer du respect de ces normes?
La Dre Sharma vous a parlé de l'accord de reconnaissance mutuelle. Il s'agit d'un document légalement contraignant signé avec d'autres pays après avoir procédé à une évaluation en 89 points dans le but de confirmer que nos régimes d'inspection respectifs sont semblables ou équivalents. Le cadre relatif à l'accord de reconnaissance mutuelle est en vigueur depuis près de 10 ans, et 24 pays en sont signataires.
Le processus d'évaluation nous permet d'établir que les inspections que mènent ces pays débouchent sur des conclusions semblables à celles que nous obtiendrions si nous y procédions nous-mêmes. Il est extrêmement difficile pour un organisme de réglementation, où qu'il se trouve dans le monde, de couvrir tous les sites au Canada, alors tous les grands organismes de réglementation se fient à cette mise en commun d'information et de ressources en matière d'inspection.
Vous avez évoqué la FDA. Tirons toutefois les choses au clair : la FDA n'est pas membre de l'accord de reconnaissance mutuelle, mais plutôt du Plan de coopération pour l'inspection des fabricants de produits pharmaceutiques. Nous avons également conclu avec la FDA des protocoles d'entente qui nous permettent d'entretenir avec elle des relations semblables à celles que nous entretenons au titre de l'accord de reconnaissance mutuelle.
Passons au cas précis de Ranbaxy, que vous avez mentionné, sénateur. Même si les inspections de Santé Canada et leurs conclusions se rapprochent beaucoup de ce qui se fait ailleurs dans le monde, il arrive que des organismes de réglementation partenaires de confiance, à l'étranger, tirent des conclusions contradictoires, auquel cas il faut analyser ces conclusions ou ces opinions à la lumière des données sur lesquelles elles reposent.
Dans le cas que vous avez évoqué, celui des usines de Ranbaxy, nous avons constaté que des signataires de l'accord de reconnaissance mutuelle ainsi que l'OMS avaient conclu que les sites en question étaient conformes aux normes. Comme vous l'avez dit, la FDA est arrivée à la conclusion contraire.
Dans ce cas-là, nous avons aussi tenu compte des mesures prises par la FDA dans la foulée de sa décision. Nous avons constaté qu'elle n'avait pas demandé le rappel des produits déjà sur le marché et qu'elle avait précisé que les utilisateurs étatsuniens de ces produits ne devaient pas interrompre leur traitement sans avoir d'abord consulté leur médecin.
Nous en avons déduit que, même si la FDA avait constaté de graves problèmes, elle n'avait pas jugé que la présence des produits en cause sur le marché posait un risque immédiat. Cela dit, nous prenons notre rôle d'atténuation des risques très au sérieux. Nous avons donc décidé que les usines étaient conformes aux normes canadiennes, mais nous avons collaboré avec l'entreprise afin de mettre en quarantaine les produits qui y sont fabriqués en exigeant qu'ils fassent l'objet de tests de conformité au cahier des charges avant d'être de nouveau commercialisés.
Le sénateur Eggleton : L'Union européenne effectue des tests sur chaque lot de médicaments importé. Tous les lots, sans exception. Quelle est l'ampleur des inspections de Santé Canada?
Mme Chiponski : Nous optons pour une approche fondée sur le risque. Toute inspection comporte une analyse des régimes de tests en cause. Au moment d'une inspection, nous cernons entre autres le régime de tests et l'approche fondée sur le risque adoptée par rapport à tous les produits. On peut difficilement tester chaque produit. Le Canada procède par échantillonnage, que ce soit dans un pays de confiance signataire de l'accord de reconnaissance mutuelle ou aux usines canadiennes de l'importateur local.
Le sénateur Eggleton : Vous désapprouvez la décision de la FDA de retirer des produits du marché en fonction des conclusions de ses centaines d'inspections alors que Santé Canada n'en a effectué que trois? Vous vous attendez à ce que je croie cela?
Mme Chiponski : Même si nous n'avons procédé qu'à trois inspections, comme vous le dites, j'ai aussi analysé l'information transmise par nos partenaires réglementaires, en qui nous avons confiance et qui ont, eux aussi, effectué des inspections.
Le président : Je me permets d'intervenir sur ce point, sénateur, si vous me le permettez.
À mon avis, l'affaire Ranbaxy est un cas typique de fraude industrielle au plus haut niveau. La FDA homologuait elle aussi les produits de l'entreprise jusqu'à ce que des initiés la préviennent de ce qu'il fallait chercher au moment de vérifier les produits. Autrement dit, la preuve de l'efficacité et de la viabilité des produits, les études pharmacologiques, tout avait été falsifié. Il fallait savoir quoi chercher pour s'en rendre compte. Vous dites que vous pouvez faire confiance à vos organismes partenaires. Vous auriez aussi pu faire confiance à la FDA à un moment donné. Elle avait homologué les produits en fonction de la même information, mais elle a clairement démontré que l'entreprise avait commis une fraude.
Nous sommes plutôt sceptiques à l'idée que tous ces organismes étrangers soient en mesure de vérifier les produits sans qu'on procède à des tests et à des analyses lorsqu'ils arrivent dans le pays auquel ils sont destinés. Le sénateur a mentionné l'entreprise Wockhardt, dont l'insuline a été reconnue... disons simplement « inadéquate ». Pourtant, aux dernières nouvelles, ce produit est toujours vendu au Canada. Peut-être n'est-ce plus le cas aujourd'hui même, mais, aux dernières nouvelles, il était toujours vendu au Canada. C'est un exemple qui illustre le problème que soulève le sénateur.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous sais gré de vos observations complémentaires pertinentes.
Dre Sharma : Je pense que je vais commencer. Selon moi, Ranbaxy, en tant qu'entreprise, a éveillé des craintes aux quatre coins du monde. Nous avons collaboré avec nos homologues étatsuniens lorsque l'information a été révélée et que, en tant qu'organisme de réglementation, nous avons dû faire face au même problème que la FDA. Des médicaments étaient sur le marché, dont certains étaient essentiels sur le plan médical, mais des renseignements étaient venus mettre en doute l'intégrité des données. Il s'agissait donc de trouver le moyen de nous assurer de la fiabilité des données soumises.
Nous avons aussi collaboré avec nos partenaires. Il a fallu déterminer au cas par cas, après coup, quels étaient les renseignements que nous avions reçus, et pas seulement pour les produits qui faisaient alors l'objet d'un examen. Nous avons systématiquement passé en revue tous les examens auxquels nous avions procédé, car les mêmes questions se posaient chaque fois : Quelles études avaient été soumises? Lesquelles pouvaient être remises en question? Nous avons ensuite dû établir un plan d'action au cas par cas pour les produits sur le marché.
Finalement, comme l'a dit Mme Chiponski, les États-Unis étaient dans la même situation. Ils avaient fini par conclure que l'entreprise dérogeait aux normes, mais ils n'avaient pas les preuves nécessaires pour passer à l'étape suivante en procédant à un rappel des produits sur le marché qui étaient essentiels sur le plan médical.
Nous avons manifestement beaucoup de craintes. À l'international, nous avons aussi fait autre chose expressément par rapport à l'Inde, par exemple. En effet, l'OMS avait soulevé des doutes, il y a des années, sur la capacité du gouvernement à encadrer l'organisme réglementaire régissant les entreprises, au point de redouter que la situation favorise une pénurie mondiale de vaccins. L'OMS s'était donc tournée vers divers pays afin de trouver un organisme réglementaire apte à aider et à conseiller celui de l'Inde pour qu'il en vienne à faire son travail de manière acceptable.
Le sénateur Eggleton : Vous ne répondez pas directement à mes questions. Vous les éludez. Vous ne faites pas bien votre travail, vous tournez autour du pot et vous fournissez des excuses boiteuses pour vous justifier de ne pas mieux protéger la vie des Canadiens.
Dre Sharma : La protection des Canadiens et la sécurité des patients sont nos préoccupations absolues.
Le sénateur Eggleton : Évidemment.
Dre Sharma : Rien ne nous motive plus dans notre travail que la sécurité des patients. Comme l'a dit Mme Chiponski, nous devons adopter une approche fondée sur le risque afin de nous assurer de bien utiliser les ressources.
Le sénateur Eggleton : Vous manquez de crédibilité.
La sénatrice Seidman : J'ai beaucoup de questions à la suite des témoignages que nous avons entendus au cours de la partie IV de notre étude. La première concerne la version générique de l'OxyContin. Selon ce que je comprends, nous venons de recevoir des lettres de deux sénateurs étatsuniens, qui prient le Canada d'emboîter le pas aux États-Unis en interdisant la version générique de l'OxyContin au motif qu'il s'agit essentiellement d'héroïne et que les comprimés peuvent être concassés et vendus dans la rue. J'aimerais savoir pourquoi Santé Canada n'a rien fait dans ce dossier.
Dre Sharma : La formulation originale de l'OxyContin a été homologuée au Canada en 1996 pour une portée d'utilisation très restreinte. Lorsque nous avons reçu la demande d'homologation de la version générique de l'OxyContin, la formulation de référence était encore sur le marché; aucun quelconque problème de sécurité n'avait justifié son retrait.
Le cadre réglementaire relatif aux génériques exige que le fabricant effectue des tests pour démontrer que son produit est équivalant au médicament de référence ou au produit actuellement sur le marché. Dans le cas présent, les fabricants de la version générique de l'OxyContin ont satisfait à ce critère. Nous avons cependant jugé les preuves insuffisantes compte tenu du contexte entourant le produit. Nous avons donc imposé de nouvelles mesures plus sévères à tous les fabricants, en plus de celles qu'ils devaient déjà respecter au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances relativement aux abus, à la mauvaise utilisation ou au détournement d'une substance, pour les obliger à divulguer toute pratique douteuse dont ils ont connaissance.
Depuis la mise en marché de la version générique de l'OxyContin, nous continuons d'assurer le suivi des réactions et des rapports. Actuellement, sur le marché, moins de 1 p. 100 des ordonnances pour opioïdes...
La sénatrice Seidman : Docteure Sharma, je suis désolée de vous interrompre, mais vous ne répondez pas vraiment à la question. Je comprends parfaitement ce que vous dites, sauf que les données récentes montrent hors de tout doute que la toxicomanie est très présente au Canada. Il faut se demander pourquoi nous ne répondons pas à nos partenaires, les États-Unis, en retirant ce médicament générique du marché. Voilà la question.
Dre Sharma : Nous collaborons de très près avec les États-Unis à ce sujet. Cependant, nous n'avons pas exactement le même cadre réglementaire. Nous sommes en pourparlers avec eux au sujet de leurs décisions passées et futures relativement aux produits génériques.
En ce qui concerne l'inviolabilité des préparations, les préparations inviolables — les autres formulations d'OxyContin — sont ce qui a remis tout cela en question, et dernièrement plus que jamais. La situation évolue très rapidement.
Dans nos discussions avec les États-Unis au sujet de leurs produits et des nôtres, nous sommes vraiment sur la même longueur d'onde au chapitre de nos directives et des préparations inviolables. Dans le cas de la version générique de l'OxyContin, par exemple, c'est l'entreprise qui a présenté de l'information selon laquelle son médicament était la version générique d'un produit déjà vendu sur le marché canadien. Comme je l'ai dit, nous avons instauré des mesures additionnelles pour atténuer les risques d'abus et de mauvaise utilisation.
Le président : À ce sujet, docteure Sharma, le problème n'est pas qu'il s'agit d'un produit équivalant à la version originale, homologuée et brevetée de l'OxyContin. Ça, c'est l'autre problème. Il s'agit d'héroïne légalisée. Des témoins ont dit qu'il existe une nouvelle formulation qui rend le médicament beaucoup plus difficile à utiliser comme narcotique comme on l'entend habituellement.
Je prends des libertés avec la question de la sénatrice, mais ce que celle-ci désirait connaître, je crois, c'est la raison pour laquelle le Canada n'a pas interdit cette forme légalisée d'héroïne alors qu'il existe un autre produit qui protège bien mieux les Canadiens.
Dre Sharma : C'est une excellente question. Il faut comprendre que nous tâchons toujours d'établir un équilibre entre l'accessibilité aux produits et les risques et bienfaits potentiels. Par exemple, nous pouvons avoir une formulation résistante à l'adultération qui rend le médicament plus difficile à écraser et réduit les risques d'utilisation abusive par injection intraveineuse ou inhalation. Nous avons aussi eu des cas de réactions indésirables telles que des étouffements et des occlusions intestinales.
La difficulté, pour n'importe quel produit, consiste à trouver un équilibre entre les risques et les bienfaits. En ce qui concerne la version générique de l'OxyContin, l'important pour nous était de prévoir des mécanismes de contrôle favorisant le signalement de toute préoccupation. Je dois dire que le produit est sur le marché depuis un an, et aucune préoccupation grave quant à l'abus ou l'usage impropre ne nous a été signalée.
La sénatrice Seidman : Par souci d'efficacité, je vais passer à la question suivante, qui porte sur les pénuries de médicaments. C'est un enjeu important pour le comité.
Nous avons entendu des témoignages divergents sur l'utilité du site web drugshortages.ca. Des professionnels de la santé ont exprimé un certain nombre de réserves, notamment sur la fonctionnalité du site web. Selon eux, le site ne fonctionne pas bien, son information n'est pas à jour et il manque de renseignements sur les solutions de rechange. Des représentants de l'industrie ont affirmé qu'ils essayaient de l'améliorer, mais qu'ils n'étaient pas dans une position pour prendre des décisions relativement aux ordonnances et aux solutions de rechange.
Combien y a-t-il eu de pénuries de médicaments sur ordonnance au cours de la dernière année? Y a-t-il eu plus de pénuries que les années précédentes? Si vous pouviez répondre brièvement à cette série de questions, pour commencer, je vous en serais reconnaissante.
Dre Sharma : Je n'ai pas de données à jour, mais nous pouvons vous communiquer l'information. Je crois cependant qu'il y a eu environ 160 pénuries et possibilités de pénuries au cours de la dernière année. Nous pouvons vous obtenir le chiffre exact.
La sénatrice Seidman : A-t-on constaté une augmentation par rapport à l'année précédente?
Dre Sharma : Le nombre de déclarations a augmenté. Le hic avec le site web, c'est qu'il est difficile de déterminer si c'est le nombre global de pénuries qui a augmenté ou bien le nombre de déclarations.
La sénatrice Seidman : Santé Canada rend-il compte des mesures prises pour remédier aux pénuries?
Dre Sharma : Non, nous ne faisons pas rapport des mesures prises lorsqu'il y a des pénuries.
La sénatrice Seidman : Dans les faits, quelles mesures prenez-vous pour remédier aux pénuries de médicaments? Faites-vous quoi que ce soit pour en réduire les effets? Quel est votre rôle à cet égard?
Dre Sharma : Le comité n'est pas sans savoir que les pénuries représentent un problème complexe qui complique l'approvisionnement en médicaments. Bien entendu, l'industrie est au courant des produits qu'elle va commercialiser et des difficultés éventuelles liées au processus de fabrication. Les provinces et les territoires, qui sont les acheteurs, obtiennent beaucoup de renseignements de la part des organismes de groupement d'achats.
Quant à Santé Canada, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous travaillons en collaboration avec les provinces et les territoires par l'entremise du Comité directeur multilatéral sur les pénuries de médicaments. Ce comité se compose de représentants de l'industrie, des provinces et des territoires, des organismes de groupement d'achats et d'autres organismes gouvernementaux ainsi que d'autres intervenants, ce qui lui permet de s'attaquer au problème dans son ensemble.
De plus, Santé Canada n'a pas hésité à intervenir si la sécurité et l'efficacité étaient en jeu. Par exemple, si des pratiques de fabrication suscitaient l'inquiétude, nous pourrions lancer un rappel de produits. Comme nous l'avons précisé, nous tiendrions compte des patients et des impératifs médicaux et nous tâcherions de voir s'il y a lieu de prendre d'autres mesures. En situation de pénurie, nous avons déjà accéléré l'examen de produits de remplacement afin de les commercialiser plus rapidement. Le Programme d'accès spécial permet la distribution urgente de médicaments. Nous nous en sommes prévalus pour réduire les effets de pénuries de médicaments.
Il nous est aussi déjà arrivé d'importer des produits d'autres régions, en exerçant notre discrétion relativement à la conformité et à l'exécution, afin de répondre aux besoins des provinces et des territoires.
Le président : Ai-je bien entendu? Santé Canada est habilité à ordonner un rappel?
Dre Sharma : Le projet de loi C-17, s'il est adopté, nous conférera ce pouvoir. Si un rappel est nécessaire, même du côté du fabricant, nous appliquons une démarche fondée sur le risque afin de déterminer quel degré...
Le président : Mais, en vérité, à l'heure actuelle, vous pouvez demander un rappel volontaire, mais vous n'êtes pas habilités à ordonner un rappel. Je me trompe?
Dre Sharma : Vous avez raison. C'est l'un des pouvoirs que nous conférerait le projet de loi C-17.
La sénatrice Seidman : En situation de pénurie, Santé Canada accélérerait-il l'approbation de médicaments déjà approuvés ailleurs, par exemple aux États-Unis ou dans l'Union européenne?
Dre Sharma : Oui. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait. Fait intéressant : cette situation s'est présentée il y a deux ans, alors qu'il y avait une pénurie de médicaments fabriqués par Sandoz. Des entreprises ont prié Santé Canada d'accélérer l'examen de demandes, ce que nous avons fait. Nous avons approuvé la commercialisation d'un produit, mais il n'a jamais été mis en marché par la suite.
Nous nous efforçons le plus possible de faciliter ce genre de démarches, mais tout dépend du reste du système, de son utilisation des ressources et de l'intérêt suscité par le produit.
La sénatrice Eaton : Bonjour. Je vous remercie de votre présence.
Selon les statistiques les plus récentes parues dans le Rapport sur l'état de la santé publique au Canada de 2013, pour 1 000 Canadiens, 670 ordonnances d'antimicrobiens administrés par voie orale sont exécutées chaque année. Or, les Centers for Disease Control and Prevention, aux États-Unis, estiment que jusqu'à 50 p. 100 de tous les antibiotiques prescrits sont inutiles.
Disposons-nous de chiffres semblables pour le Canada? Est-ce différent au Canada, ou est-ce la même chose? Quelqu'un souhaiterait-il répondre à la question? Non? Nous n'avons pas de données?
Dre Theresa Tam, chef de la direction générale, Direction générale de l'infrastructure de sécurité sanitaire, Agence de la santé publique du Canada : Nous recueillons des données sur l'utilisation des antimicrobiens, et cela comprend le nombre total d'antibiotiques. Cependant, ces données ne font pas la distinction entre les ordonnances appropriées et celles qui ne le sont pas.
La sénatrice Eaton : D'accord.
Docteure Sharma, j'ai lu dans votre document de présentation que vous aviez lancé une Stratégie nationale antidrogue. Utiliseriez-vous ce genre de données dans le cadre de votre stratégie afin d'appuyer vos efforts?
Dre Sharma : Oui.
La sénatrice Eaton : Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur l'entrée en vigueur et le fonctionnement de la stratégie?
Dre Sharma : Absolument. Il me faudra me tourner vers mes collègues, mais je crois savoir que la Stratégie nationale antidrogue a été lancée en 2010. Auparavant, le volet touchant à l'utilisation abusive de produits mettait uniquement l'accent sur les drogues illicites. Mais, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, en 2013, la portée de ce volet a été élargie pour inclure les médicaments sur ordonnance. Je suis certaine que votre comité est conscient, à la lumière des témoignages qu'il a entendus, que l'abus de médicaments sur ordonnance inquiète grandement les familles et la société.
L'un des piliers de la stratégie consiste en une meilleure surveillance et une meilleure collecte de données. Cela passe nécessairement par une collaboration avec les provinces et les territoires et des institutions non gouvernementales. La collecte de renseignements est assurément un pilier important de la stratégie.
La sénatrice Eaton : Avez-vous commencé à tisser des liens avec les hôpitaux, les pharmacies et l'Association médicale canadienne? Avec qui avez-vous communiqué?
Dre Sharma : Je m'en tiendrai à ce que fait notre groupe. Nous avons déjà recueilli toutes sortes de données. Nous finançons l'Enquête de surveillance canadienne de la consommation d'alcool et de drogues, laquelle fait le suivi de l'utilisation et de l'abus d'analgésiques opioïdes. L'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues chez les élèves, pour sa part, permet de recueillir des données semblables, mais sur un groupe d'âge en particulier. En vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mes collègues de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs recueillent des données sur le détournement et l'abus de médicaments et en font le suivi. Les efforts sont multiples.
De surcroît, nous travaillons de concert avec les provinces et les territoires et, par leur entremise, avec les centres hospitaliers régionaux et nous nous efforçons aussi d'obtenir le concours des communautés des Premières Nations.
La sénatrice Eaton : Nous avons entendu hier des histoires absolument horribles d'abus et de conséquences imprévues aux quatre coins du Canada. J'allais vous demander si vous aviez des stratégies spéciales pour les Premières Nations.
Dre Sharma : Tout à fait. Pas plus tard qu'en janvier, la ministre de la Santé a organisé une table ronde sur l'utilisation abusive de médicaments sur ordonnance à laquelle étaient conviées des communautés des Premières Nations. Ont participé des représentants du domaine des soins de santé, des Premières Nations, des forces de l'ordre et d'autres groupes. Il y a aussi d'autres rencontres avec des chefs régionaux d'associations des Premières Nations afin de poursuivre la discussion, car, comme vous l'avez dit, il s'agit d'un problème qui nous inquiète vivement. La première étape, c'est d'obtenir plus de renseignements et d'exercer une surveillance accrue, puis de mettre en œuvre des stratégies pour lutter contre l'abus de médicaments sur ordonnance.
La sénatrice Eaton : Dans l'ensemble, êtes-vous satisfaits des données que vous recueillez sur les médicaments sur ordonnance et les néo-narcotiques? Vous manque-t-il certains éléments d'information qui pourraient vous être utiles ou avez-vous tout ce dont vous avez besoin?
Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, Instituts de recherche en santé du Canada : La réponse claire est non. Nous ne sommes pas satisfaits.
Les Instituts de recherche en santé du Canada et le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments financent un organisme qui regroupe presque toutes les provinces du Canada et a accès à plusieurs bases de données étrangères et qui nous permet d'obtenir des renseignements sur l'utilisation des ordonnances pharmaceutiques. Nous avons accès à une grande quantité de données, mais elles proviennent surtout de dossiers médicaux administratifs qui sont satisfaisants en termes de nombre de prescriptions écrites. Quant au nombre d'ordonnances, si nous œuvrons dans un domaine où les données sont bien consignées, nous pouvons parvenir à avoir des codes diagnostiques, une information précieuse.
J'aimerais revenir sur la question posée tout à l'heure au sujet des antimicrobiens. C'est très difficile. Nous sommes généralement en mesure de déterminer le nombre d'ordonnances prescrivant divers antibiotiques en consultant nos dossiers médicaux administratifs. À l'heure actuelle, nous avons accès à plus de 40 millions de dossiers du Canada et d'ailleurs.
C'est une base de données très vaste, mais limitée par le type d'information qui figure dans les dossiers médicaux administratifs. Nous n'avons pas accès à des données diagnostiques exhaustives et exactes. Je peux vous dire combien d'antibiotiques ont été prescrits, mais pas s'ils ont été prescrits pour les bonnes raisons, en fonction des codes diagnostiques. Il y a souvent la mention « maladie respiratoire »; il ne s'agirait alors pas d'un antibiotique fréquemment associé, par son code, à un rhume, mais d'un antibiotique associé plutôt à la bronchite ou à une autre maladie respiratoire qui pourrait justifier de prescrire un antibiotique.
Encore une fois, la réponse à votre question est non. Nous avons vraiment besoin d'une percée, d'un effort concerté pour lier davantage d'information aux données dont nous disposons. Nous aimerions notamment avoir accès aux résultats des essais en laboratoire. Essentiellement, pour pouvoir répondre à un grand nombre de ces questions difficiles aujourd'hui, nous aurions besoin des renseignements qui se trouvent dans un dossier médical électronique.
La sénatrice Stewart Olsen : Je remercie tout le monde d'être venu.
La discussion est très animée, mais nous nous posons de graves questions et j'estime qu'il est important d'essayer d'y voir plus clair. Ce n'est pas un enjeu simple et je vous félicite de vos efforts pour faire preuve de transparence. Je crois qu'au final, beaucoup de ces problèmes deviendront plus faciles à comprendre. Plus nous sommes transparents, plus les gens comprendront.
Je voudrais vous poser une question, docteure Sharma. Vous appartient-il de retirer un médicament du marché s'il est jugé dangereux ou si les risques sont plus grands que les bienfaits? Je parle de l'OxyContin. Il me semble qu'il existe d'autres médicaments antidouleur disponibles. Étant donné les circonstances, je me demande pourquoi nous n'avons pas pris cette mesure dans le cas de l'OxyContin au lieu de tourner en rond.
Dre Sharma : Je comprends les préoccupations. Permettez-moi de parler du cadre. Conformément à la Loi sur les aliments et drogues et son règlement d'application, nous examinons les produits en tenant compte de l'utilisation prévue et de la population visée.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez insinué que vous aviez analysé la forme générique de l'OxyContin et l'aviez comparée au médicament breveté, et que les deux étaient passablement équivalents.
J'aimerais savoir à qui il revient de dire : « Ce médicament est trop dangereux pour être commercialisé au Canada. Retirons-le du marché. » Je ne suis pas en train de dire que cela réduirait considérablement l'utilisation illégale du médicament, mais peut-être que cela contribuerait à réduire l'usage pharmaceutique impropre.
Dre Sharma : Le pouvoir d'autorisation de la mise en marché relève de la Loi sur les aliments et drogues, mais, compte tenu de la nature du produit, il est aussi visé par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La réglementation...
La sénatrice Stewart Olsen : Qui détermine qu'un médicament est trop dangereux?
Dre Sharma : Je comprends que ce soit complexe. Nos collègues de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs se penchent sur les inquiétudes au sujet de l'abus et de l'usage impropre et transmettent leurs conclusions à la Direction générale des produits de santé et des aliments pour l'autorisation finale de mise en marché. Nous travaillons en étroite collaboration, mais tout dépend des données sur les risques. Il s'agit ensuite de déterminer si les risques peuvent être atténués. Pouvons-nous concevoir un plan de gestion des risques et mettre en place des mécanismes de contrôle?
La sénatrice Stewart Olsen : Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je veux que tout le monde ait le temps de poser des questions. J'ai entendu vos facteurs atténuants en ce qui concerne l'OxyContin, et je ne suis pas convaincue de leur efficacité. Trop de gens sont dépendants de ce médicament et il est prescrit à trop de personnes. C'est un médicament très dangereux. D'autres médicaments sur le marché pourraient faire la même chose — peut-être provoqueraient-ils la même dépendance. C'était mon commentaire.
Je m'adresse maintenant au RIEM. Vous avez dit que vous faisiez beaucoup d'évaluations des risques. Affichez-vous les résultats sur un site web pour que le grand public y ait accès?
Dr Peterson : Votre question comporte deux volets, il me semble. Les résultats des évaluations des risques effectuées par l'organisme de réglementation sont rendus publics, comme la Dre Sharma l'a indiqué. Je vais la laisser répondre.
Quant au RIEM, l'organisme fédéral de réglementation nous a soumis un certain nombre de questions sur l'innocuité, dans le monde réel, de produits offerts sur le marché canadien.
La sénatrice Stewart Olsen : Voilà ce qui m'intéresse.
Dr Peterson : Pour répondre à votre question, oui, les résultats sont affichés. Nous affichons sur notre site web l'objet de nos études, de même que la méthodologie utilisée pour procéder à l'évaluation. Nous tâchons de préciser l'échéancier prévu. Les résultats obtenus sont communiqués au décideur. Il peut s'agir de Santé Canada. Il voit alors les résultats en premier. Puis les résultats sont publiés dans des ouvrages médicaux, soit en code source ouvert ou dans des revues médicales.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est bon à savoir. Je vous remercie, docteur Peterson.
J'ai constaté que nous financions, à hauteur de plusieurs millions de dollars, deux importantes études sur la résistance aux antibiotiques : une en collaboration avec l'Union européenne; l'autre avec la Grande-Bretagne. A-t-on réfléchi à l'idée que tout le monde travaille ensemble au lieu de financer deux entités qui réalisent les mêmes travaux?
Dre Aubin : Ces études sont faites en collaboration avec d'autres justement pour éviter le dédoublement des efforts. Nous finançons nos chercheurs principaux canadiens; le Royaume-Uni finance les siens. Quant au nouveau programme réalisé conjointement avec l'Union européenne, c'est précisément pour éviter le dédoublement que nous concertons nos efforts. Cela nous permet d'échanger des résultats et des pratiques exemplaires. Est-ce que cela répond à la question?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Merci infiniment.
La sénatrice Seth : Je vous remercie d'être ici et de nous faire profiter de vos connaissances. Nous examinons la question des médicaments sur ordonnance et de leurs conséquences involontaires depuis un certain temps déjà. Les derniers témoins que nous avons entendus, des représentants de la GRC et de l'Agence des services frontaliers du Canada, ont déclaré au comité qu'ils collaboraient étroitement avec Santé Canada afin de détecter les produits de contrefaçon et de poursuivre les délinquants.
Pouvez-vous évaluer le rôle que joue Santé Canada pour empêcher les fabricants de distribuer des médicaments contrefaits?
Mme Chiponski : Comme vous l'avez déjà souligné, la responsabilité en ce qui concerne les médicaments contrefaits est partagée par trois organes au Canada. Votre question porte sur les responsabilités de Santé Canada.
Nous collaborons principalement avec nos partenaires de l'Agence des services frontaliers du Canada pour ce qui est des produits qui entrent au Canada. Nous établissons des lignes directrices et des systèmes d'alerte, et nous avons des bases de données qui nous permettent de signaler les situations problématiques. Ces renseignements nous sont aussi transmis par nos partenaires étrangers. Nous communiquons et mettons à jour régulièrement nos renseignements sur les avertissements entrés dans le système pour pouvoir être à l'affut. Si un produit problématique arrive à la frontière, l'Agence des services frontaliers du Canada le signalera pour qu'il fasse l'objet d'un processus de détermination de l'admissibilité. Au cours de ce processus, un laboratoire de Santé Canada procède à une évaluation scientifique du produit en question pour déterminer s'il est contrefait.
Nous pouvons ensuite consulter d'autres bases de données auxquelles nous avons accès, ou nous brancher à nos réseaux d'information. En collaboration avec nos partenaires de la FDA, nous mettons au point de meilleures technologies afin de détecter plus vite et plus efficacement les produits contrefaits.
Une fois toutes ces analyses faites, nous indiquons à l'Agence des services frontaliers si le produit est contrefait ou soupçonné de l'être. La personne ou l'entité qui a essayé d'importer ce produit au Canada est ensuite contactée et l'Agence des services frontaliers du Canada prend des dispositions avec elle pour éliminer le produit.
La sénatrice Seth : Docteure Sharma, vous nous avez parlé de la Loi de Vanessa, qui rend les signalements obligatoires. Quelle est cette loi? Est-ce que nous recueillons les données des hôpitaux sur les médicaments sur ordonnance? Comment cela fonctionne-t-il? C'est nébuleux pour moi. Pouvez-vous nous l'expliquer?
Dre Sharma : À l'heure actuelle, Santé Canada a le pouvoir d'exiger que les compagnies pharmaceutiques lui signalent les réactions indésirables aux médicaments. La Loi de Vanessa propose de rendre cette exigence obligatoire pour certains établissements de soins de santé. Il s'agirait d'hôpitaux, mais nous en sommes encore à déterminer quels établissements seraient soumis à cette exigence. Les hôpitaux seraient obligés de signaler à Santé Canada les réactions indésirables aux médicaments.
Quand nous avons mené nos consultations, nous avons réalisé qu'il y avait beaucoup d'ordonnances délivrées à l'extérieur du cadre hospitalier. Pourtant, la définition de « réactions indésirables graves » comprend l'idée que ces réactions mènent à une hospitalisation ou à la prolongation d'une hospitalisation. Nous jugeons donc que les hôpitaux sont les mieux placés pour détenir ces renseignements et les communiquer à Santé Canada.
La sénatrice Seth : Je ne suis toujours pas sûre de comprendre. Beaucoup de professionnels de la santé délivrent des ordonnances dans leur bureau, et leurs patients ne vont pas nécessairement à l'hôpital. Qu'en est-il des réactions indésirables aux médicaments dans ces cas-là?
Dre Sharma : Nous encourageons les personnes concernées à utiliser le système de déclaration volontaire. Nous avons des moyens de recevoir les déclarations de médecins, de pharmaciens ou d'autres membres du public, que ce soit par télécopieur, par courriel ou par téléphone. Nous incitons les gens à nous soumettre leurs déclarations dans la mesure du possible. Nous sommes avant tout intéressés par tout ce qui correspond à la définition de « réaction indésirable grave ». Comme je l'ai dit, la prochaine étape consiste à examiner les hôpitaux et les ordonnances délivrées dans les hôpitaux.
La sénatrice Seth : Il y aura donc une base de données créée à Santé Canada? Je ne sais pas comment cela va fonctionner.
Dre Sharma : Oui, nous avons une base de données sur les réactions indésirables aux médicaments. La base de données de Canada Vigilance est accessible par le public; n'importe qui peut la consulter. Les nouvelles réactions indésirables qui nous seront signalées seront aussi entrées dans la base de données.
Depuis un an et demi, nous nous sommes employés à faciliter le signalement des réactions indésirables par voie électronique. Ces données seront entrées dans la base afin que nous puissions les analyser pour dégager des tendances ou toute autre source de préoccupation. Ces résultats seront aussi rendus publics.
Le président : Le Dr Peterson a aussi une observation dont il veut vous faire part, sénatrice Seth.
Dr Peterson : Le RIEM des IRSC finance un projet pilote basé sur les urgences qui vise à créer un formulaire normalisé de signalement des réactions indésirables aux médicaments destiné au personnel des urgences. L'objectif est celui que j'ai mentionné plus tôt. Nous n'avons pas suffisamment de données pour que nos collègues de Santé Canada puissent prendre des décisions parfois difficiles. La fréquence des événements est dont importante. Toutefois, nous commençons maintenant à nous intéresser à la qualité des signalements afin qu'il soit possible de bien interpréter la cause ou la gravité de la réaction. C'est un programme qui existe depuis plus d'un an et qui est actuellement en vigueur en Colombie-Britannique. Les prochaines étapes consisteront à accroître le financement du programme afin de l'étendre à d'autres provinces, l'objectif final étant d'améliorer la qualité des données que nous recevons.
Le président : Docteur Peterson, comme vous êtes au courant de nos travaux passés, vous savez que nous appuyons résolument les programmes de ce genre.
Dr Peterson : Effectivement, et c'est motivant.
Le sénateur Enverga : Merci pour toutes vos présentations.
Pas plus tard qu'hier, le Globe and Mail, entre autres, a publié un article au sujet d'une étude sur le vaccin Tamiflu. L'étude soulève plusieurs questions concernant le vaccin que votre agence a, je crois, stocké au coût de dizaines de millions de dollars. De nombreuses questions sont abordées dans le rapport produit par la Collaboration Cochrane. Je n'ai pas eu le temps de le lire en entier, car il fait plus de 500 pages, mais certaines des questions qui y sont soulevées sont très alarmantes et portent notamment sur l'efficacité surestimée du vaccin par le fabricant, la non-déclaration de certaines données de recherche par le fabricant et l'omission de signaler des effets indésirables. Cela m'amène à poser les questions qui suivent.
Les auteurs de l'étude critiquent également le fait, notamment, que les données des essais cliniques ne sont pas toutes accessibles. Durant le processus d'homologation d'un médicament, les fabricants ne sont-ils pas tenus de déclarer tous les résultats de leur étude? Que fait Santé Canada lorsque de nouvelles données sur des effets secondaires ou d'autres indications concernant certains problèmes liés à un médicament homologué sont mises au jour, comme dans ce cas-ci? Que doivent faire vos agences pour réagir plus efficacement à de telles situations sur les plans législatif, financier ou des ressources humaines? Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire?
Le président : Docteure Sharma, souhaitez-vous répondre à cette question?
Dre Sharma : Je me demande si Dre Tam voulait parler de l'utilisation générale du vaccin Tamiflu et de son stockage. Nous pouvons aborder ensuite l'aspect réglementaire.
Le président : Certainement.
Dre Tam : Je remercie le sénateur de sa question.
Du point de vue du système public de santé, Tamiflu est l'un des moyens les plus efficaces de lutter contre les pandémies de grippe. Nous le stockons principalement à cette fin.
Cette étude — que nous accueillons favorablement puisqu'elle nous fournit plus d'information sur laquelle nous appuyer — porte essentiellement sur les essais cliniques aléatoires au moment de leur approbation réglementaire, si l'on peut dire. Les essais cliniques se déroulent dans un environnement très contrôlé : les médicaments sont mis à l'essai au cours de la saison habituelle de la grippe — c'est-à-dire l'hiver — et sur des gens en santé dans la population générale.
L'Agence de la santé publique, de pair avec d'autres chercheurs et en s'appuyant sur d'autres études, examine ce qui se passe en situation réelle, mais nous devons également tenir compte de ces études. Plusieurs d'entre elles, également menées durant la pandémie de grippe H1N1, ont montré que, en situation réelle, ces médicaments ont permis de réduire efficacement le risque d'hospitalisation et de décès à cause de la grippe chez les personnes très à risque. Nous cherchons des indications en vue de nous préparer à une pandémie de grippe. Nous tiendrons compte de l'information lorsque nous examinerons l'ensemble des données probantes de pair avec d'autres chercheurs.
Selon une autre étude, qui vient d'être publiée dans la revue The Lancet, les antiviraux ne se sont pas avérés efficaces en situation réelle.
Nous attendons d'ici quelques mois les résultats d'une autre très vaste étude multilatérale, menée en situation réelle sur de très longues périodes et auprès d'un très grand nombre de personnes.
Au moment où nous nous parlons, nous rencontrons les représentants des provinces et des territoires afin d'examiner la prochaine version de notre plan de préparation aux pandémies et de notre document d'orientation. Lorsque nous examinerons le chapitre du document concernant les antiviraux, nous analyserons les données en gardant cela à l'esprit.
À l'heure actuelle, du point de vue de la santé publique, toutes les autres données montrent qu'il s'agit de la seule intervention durant une pandémie. Toutes les autres données dont nous disposons nous indiquent que nous devons continuer à stocker cet antiviral, mais nous préciserons nos recommandations en cours de route.
Dre Sharma : Pour ce qui est du rôle réglementaire, nous surveillons constamment les médicaments commercialisés au Canada. Si un indice ou un signe nous laisse croire qu'il y a un nouveau risque ou un changement dans le profil de risque du produit, nous l'évaluons.
L'information consignée provient de diverses sources. Elle peut venir d'une source aussi complexe qu'une étude de la Collaboration Cochrane, qui porte sur divers documents d'information, de notre base de données des effets indésirables ou encore d'un autre organisme de réglementation à l'étranger. Lorsque de nouvelles données probantes sont disponibles, nous les analysons.
Comme la Dre Tam l'a souligné, les données sont parfois contradictoires. Nous les analysons et évaluons le profil risques-avantages global afin de nous assurer que les avantages l'emportent toujours sur les risques. Si nous découvrons un nouveau risque, nous devons prendre une décision. Parfois, nous signalons les risques dans des documents de communication des risques destinés soit à l'ensemble de la population, soit aux professionnels de la santé. D'autres fois, nous faisons modifier les mises en garde, les précautions ou d'autres renseignements sur l'étiquette. Nous pouvons également aller jusqu'à retirer l'autorisation de mise en marché du produit, donc jusqu'à retirer le produit du marché.
Comme nous en avons déjà discuté, notre réglementation est plutôt désuète et certaines dispositions proposées dans le projet de loi C-17 nous donneraient plus de pouvoir pour agir à cet égard. Comme nous l'avons mentionné, à l'heure actuelle, nous n'avons pas le pouvoir d'exiger un rappel. Nous réclamons des pouvoirs qui nous permettent d'exiger la réalisation de nouvelles études.
Par exemple, maintenant, nous devons nous fier aux études existantes — et à des études qui ne sont même pas nécessairement terminées —, et les compagnies sont censées nous fournir toute l'information. Or, nous n'avons pas le pouvoir d'exiger la réalisation d'une étude. Nous n'avons pas non plus le pouvoir d'obliger un fabricant à modifier une étiquette. Tout cela se fait par voie réglementaire. C'est pour cette raison que nous demandons que la Loi de Vanessa nous accorde des pouvoirs accrus pour intervenir, le cas échéant.
Dr Peterson : Selon moi, cet exemple montre parfaitement à quel point la réglementation doit réellement être modifiée. À l'heure actuelle, en vertu de la réglementation, pour mettre en marché un produit, il doit y avoir des « preuves considérables d'un effet », ce qui n'est pas synonyme de « preuves d'un effet considérable ». Dans ce cas en particulier, le produit a été mis en marché sur la base de preuves considérables du soulagement des symptômes de la grippe.
Ce que recherchent nos collègues de la santé publique et ce qu'il faut avoir en cas de pandémie est un produit qui permette de façon très considérable de prévenir les conséquences graves de la grippe dans les populations à haut risque. Le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments collabore avec l'Agence de santé publique pour s'assurer que nous sommes prêts à recueillir les données durant une pandémie. Pour ce qui est de ces données en particulier, encore une fois, la seule façon d'évaluer l'efficacité du produit durant une pandémie est d'attendre une pandémie et d'observer son évolution.
Nous sommes disposés, cependant, à mettre en place une certaine structure de sorte que, la prochaine fois qu'une telle situation se produira, nous puissions recueillir les données d'une manière qui, espérons-le, sera utile pour les décideurs.
Le sénateur Enverga : Il faut attendre une pandémie pour voir si ce médicament est efficace, est-ce ce que vous dites?
Dr Peterson : Ce que je dis, c'est que si vous me demandez précisément à quel point le médicament est efficace durant une pandémie, alors oui, c'est la réponse que je peux vous donner et qui s'appuie en grande partie sur le fait qu'une pandémie de grippe résulte habituellement d'une mutation du virus et que nous avons affaire à quelque chose que nous n'avons jamais vu auparavant.
On peut s'y prendre de diverses manières en prévision d'une pandémie, mais aucune ne nous permet d'obtenir les données en situation réelle dont il est question en ce moment, je crois.
Le sénateur Enverga : Il existe des procédures au cas où une pandémie se produit et nous sommes préparés à remédier à la situation et à comprendre ce qui se passe, est-ce ce que vous dites?
Dr Peterson : Nous sommes prêts à tirer parti d'un ensemble de circonstances malheureuses telles qu'une pandémie pour nous assurer que nous tirons le plus d'enseignements possibles.
Dre Sharma : La crise du SRAS est un exemple concret. Durant cette crise, nous disposions de certains renseignements sur des produits qui pouvaient être utilisés. Nous disposions des données scientifiques pour montrer la « plausibilité biologique », comme on l'appelle, que les médicaments étaient susceptibles de réduire la durée de la maladie ou d'en atténuer les symptômes. Durant la crise, en collaboration avec l'Agence de santé publique et un certain nombre d'autres groupes, Santé Canada a recueilli des données sur la façon dont ces antiviraux et d'autres produits ont été utilisés. Selon certaines données que nous avons recueillies durant cette crise, ces produits ont effectivement contribué à réduire la durée de la maladie et à atténuer certains symptômes. Mais lorsqu'on a examiné les effets indésirables des médicaments — et il y en a eu sur l'élimination des électrolytes, entre autres choses —, les avantages ne l'ont pas emporté sur les risques.
Lorsque nous devons prendre des décisions, nous disposons de données limitées, mais que nous soyons confrontés à une pandémie ou à une autre situation, il y a toujours des inconnus. À mon avis, l'important est de recueillir le plus d'information possible en prévision de telles situations et d'appliquer les meilleures données scientifiques et les meilleures connaissances, puis, dans un contexte de pandémie, de veiller à ce que les mécanismes soient en place pour obtenir l'information afin de nous adapter et de réagir au fur et à mesure que l'information nous parvient.
Dre Tam : Malheureusement, nous avons été confrontés à une pandémie, mais nous avons pu recueillir des données à ce moment-là. C'est de cela que je parlais plus tôt. Selon les publications, les antiviraux ont eu, en situation réelle durant la pandémie, un effet sur le risque de décès parmi les groupes à haut risque touchés.
[Français]
La sénatrice Chaput : Ma question s'adresse à Santé Canada. Docteure Sharma, dans votre présentation vous parlez du lancement sur votre site web, au printemps 2013, d'une base de données sur les essais cliniques. Vous dites que c'est pour renseigner les Canadiens et les Canadiennes au sujet des essais de médicaments approuvés menés sur des patients au Canada.
Mes questions sont les suivantes. Qu'est-ce qui vous a amenés, à Santé Canada, à accorder la priorité à cette information pour lancer une base de données? Combien de données avez-vous et qui vous les remet?
[Traduction]
Dre Sharma : La base de données sur les essais cliniques est en fait une base de données publique. Elle est hébergée sur notre site web et est accessible à tous. On peut interroger la base de données au moyen de divers critères de recherche. On peut limiter sa recherche aux essais cliniques sur une maladie ou un médicament en particulier ou inclure dans sa recherche une combinaison des deux. On peut faire une recherche au moyen de ces critères.
La base de données est un registre des essais cliniques autorisés par Santé Canada aux phases 1, 2 et 3. On y trouve une liste des essais cliniques, de leur principal promoteur et de l'objet de l'étude. Puisqu'elle a été mise sur pied il y a presque un an exactement, la base de données répertorie plus de 300 essais cliniques.
[Français]
La sénatrice Chaput : Est-ce que vous donnez le portrait complet? Est-ce que ce sont seulement les résultats positifs ou est-ce qu'on pourrait y retrouver aussi des résultats moins positifs?
[Traduction]
Dre Sharma : La base de données ne fait que consigner l'existence d'un essai clinique. Elle ne fait donc qu'indiquer qu'un essai clinique est en cours, qu'il est approuvé au Canada et qu'il est légitime. Il n'y a aucun moyen de divulguer les résultats de l'essai. Nous travaillons certainement avec d'autres organismes réglementaires à l'étranger à cet égard. L'Europe ne ménage aucun effort afin que soient divulguées les données des essais cliniques. Elle est actuellement devant les tribunaux à la suite de certaines contestations judiciaires. Nous suivons tous la situation de très près afin de savoir comment rendre accessibles au public les résultats des essais cliniques.
[Français]
La sénatrice Chaput : En tant que membre du public, qu'est-ce que cela donnerait, à titre d'information, d'aller sur le site web et de consulter cette base de données? Est-ce que cela me donnerait de l'information au sujet d'un médicament, de la réussite de ce médicament? Qu'est-ce que cela me donne comme information?
[Traduction]
Dre Sharma : Essentiellement, on y indique qu'un essai clinique donné est en cours. Par exemple, un parent qui envisage de faire participer son enfant à un essai clinique peut vérifier la légitimité de celui-ci en consultant le site web. Le parent pourra calmer ses inquiétudes en confirmant que Santé Canada a bel et bien approuvé l'essai clinique.
Autre exemple : une personne qui souhaite s'informer au sujet d'essais cliniques sur de nouvelles indications pour un médicament qu'elle prend. C'est souvent le cas en oncologie, où on lance sur le marché des produits conçus pour un type de cancer ou une indication en particulier, alors que de nombreuses études sont en cours pour établir d'autres usages possibles de ces produits. Le site web fournit ce genre de renseignements également.
[Français]
La sénatrice Chaput : Un peu plus loin dans votre présentation, vous avez parlé des progrès concrets qui ont été réalisés par Santé Canada en collaboration avec l'industrie. Vous parlez de l'amélioration du site web tenu par l'industrie. Quelle contribution avez-vous apportée au site web de l'industrie?
[Traduction]
Dre Sharma : On doit la création et l'existence du site web www.drugshortages.ca à la direction solide de la ministre. C'est la ministre de la Santé de l'époque qui a fermement exigé la diffusion d'avis de la part de l'industrie. Bien entendu, il reste des améliorations techniques à apporter au fonctionnement du site.
En collaboration avec l'industrie, nous avons convenu de la nature de ces avis et des types de pénuries avérées et potentielles qui en feraient l'objet. Par ailleurs, nous avons obtenu de l'industrie l'engagement de diffuser les avis sur ce site web, afin d'informer le public quant aux pénuries et de donner aux gens la possibilité de planifier en conséquence. Nous signalerons toute violation à cet engagement par le biais d'avis diffusés sur le site drugshortages.ca.
[Français]
La sénatrice Chaput : Est-ce qu'il y a un lien entre le site www.drugshortages.ca et celui de Santé Canada? À titre d'exemple, si je vais sur le site de Santé Canada, est-ce que, quelque part sur votre site, il y a un lien pour m'indiquer que je peux aussi consulter l'autre site, ou est-ce que c'est « en silo »?
[Traduction]
Dre Sharma : À l'heure actuelle, ils sont indépendants. Outre les deux sites mentionnés, il existe d'autres banques de données où un produit peut être répertorié. C'est pour cette raison que nous avons entrepris la création du Registre des produits de santé, qui s'inscrit dans le cadre du projet d'ouverture et de transparence. Pour un produit donné, le registre fournira la monographie de produit canadienne, des liens menant au site drugshortages.ca ainsi qu'à des pages sur les effets indésirables du produit et sur les risques qu'il présente. Le registre rassemblera tous ces renseignements sur un même site. Les travaux avancent bien; en fait, nous en sommes à l'étape des essais de convivialité.
[Français]
La sénatrice Chaput : Combien y en aurait-il, à votre connaissance, de ces sites web qui fonctionnent indépendamment et qui, s'ils étaient reliés, représenteraient un avantage incroyable pour les Canadiens?
[Traduction]
Dre Sharma : Pour ce qui est de Santé Canada, il existe différentes banques de données : celle des essais cliniques, dont nous avons parlé; celle des produits; et celle sur les rappels, accessible depuis le site canadiensensanté.gc.ca. Il existe également un site web pour les communications relatives aux risques. Je pourrais continuer longtemps ainsi, mais vous comprenez sans doute ce que je veux dire.
Notre objectif, comme vous l'avez mentionné, est de relier tous ces sites afin qu'il soit possible de faire des recherches sur un produit donné à partir d'un seul point d'accès.
[Français]
La sénatrice Chaput : Ne croyez-vous pas que c'est une des responsabilités de Santé Canada que de coordonner, à un moment donné, tous ces sites?
[Traduction]
Dre Sharma : Absolument. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons entrepris ce projet. Le Registre des produits de santé dont je parle est une initiative de Santé Canada. Selon moi, nous sommes particulièrement bien placés pour accéder aux différentes sources de renseignements et les rassembler en un seul endroit.
La sénatrice Cordy : J'aimerais faire suite à la question concernant le site sur les pénuries. Vous avez mentionné qu'un avis serait diffusé en ligne si une compagnie ne respectait pas son engagement; vous avez aussi dit que si elle ne respecte toujours pas son engagement une fois l'avis en ligne, d'autres mesures seraient prises. Quelles seront ces mesures?
Dre Sharma : Franchement, à l'heure actuelle, nous ne pouvons qu'exercer une pression morale, si on peut dire. À l'heure actuelle, nous ne détenons pas de réels pouvoirs. Je crois avoir mentionné durant mon allocution que nous sommes allés de l'avant avec les déclarations volontaires parce qu'il s'agissait du moyen le plus rapide à mettre sur pied. Il ne nécessite pas une nouvelle loi ou une modification de la réglementation. Nous nous fions donc à un mécanisme volontaire. En portant une attention accrue aux avis et à la conformité, nous espérons encourager les compagnies à faire plus de signalements, mais il est certain qu'il faudra envisager d'autres mesures.
La sénatrice Cordy : Mais vous avez bien dit que si une compagnie ne se conformait toujours pas après la diffusion de l'avis, vous n'hésiteriez pas à prendre d'autres mesures. Je voulais en savoir plus à ce sujet. Si je comprends bien, il n'y a pas d'autres mesures; est-ce exact?
Dre Sharma : Je crois que je faisais allusion à un éventuel mécanisme de déclaration obligatoire, mais ce mécanisme n'existe pas à l'heure actuelle.
La sénatrice Cordy : Il n'existe pas à l'heure actuelle. Donc, en ce moment, aucune mesure supplémentaire n'est en place?
Dre Sharma : Pas à l'heure actuelle.
La sénatrice Cordy : Il n'y a donc pas de mesure supplémentaire.
Vous le comprendrez, notre comité a entendu des témoins qui s'inquiètent sérieusement des conséquences imprévues des produits pharmaceutiques. Bon nombre d'entre eux se préoccupent du fait que Santé Canada n'en fait pas assez pour assurer l'innocuité des produits pharmaceutiques.
La sénatrice Stewart Olsen a parlé de l'OxyContin. Santé Canada refuse d'interdire la forme générique de cet analgésique. Les 13 ministres provinciaux et territoriaux de la santé ont réclamé que le ministère attende à tout le moins que soit effectuée une évaluation de l'innocuité de la forme générique de l'OxyContin. Quelles sont les conclusions de cette évaluation?
Dre Sharma : Selon les renseignements que recueille de façon continue la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, le produit générique n'a pris qu'une petite part du marché des opioïdes prescrits, soit moins de 1 p. 100. Mes collègues n'ont observé aucun changement important ou inquiétant en ce qui concerne le mauvais usage ou le détournement du médicament. Nous pouvons certainement vous faire parvenir plus d'information sur ce sujet.
La sénatrice Cordy : Donc, une évaluation a été menée, oui ou non?
Dre Sharma : Nous évaluons la situation de manière continue en ce qui concerne l'abus et l'usage impropre du produit qui est sur le marché.
La sénatrice Cordy : Hier, des représentants des collectivités autochtones nous ont raconté des histoires d'horreur au sujet des dépendances aux médicaments. M. Beardy, chef régional pour l'Ontario, a parlé d'un rapport où l'on recommande de retirer la forme générique de l'OxyContin du formulaire utilisé aux fins du Programme des services de santé non assurés. Même si les services sont administrés par les provinces ou une autre entité, c'est le gouvernement fédéral qui, ultimement, demeure responsable de la santé des Autochtones. Allez-vous envisager de suivre cette recommandation voulant que l'OxyContin soit retiré du programme?
Dre Sharma : Oui, en fait, la transcription, ou le résumé original de la rencontre, a déjà été transmise à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. Ils ont donc cette information en main; je serais heureuse de recueillir leur réaction aux commentaires qui ont été formulés.
La sénatrice Cordy : À cette recommandation. J'aimerais que vous fassiez parvenir cette information au comité.
L'OxyContin est une forme d'opioïde. Comme la sénatrice Seidman l'a souligné, le Canada est aux prises avec une crise; en effet, il occupe le deuxième rang mondial en matière de consommation d'opioïdes. Puisque Santé Canada permet la distribution et la prescription de cette substance au pays, il doit être possible de connaître le nombre de Canadiens qui sont dépendants aux opioïdes prescrits par leur fournisseur de soins de santé. Êtes-vous en mesure de nous transmettre cette information?
Dre Sharma : Encore une fois, je devrai m'en remettre à mes collègues de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, car ce sont eux qui recueillent ces données. Nous pouvons fournir ces renseignements au comité s'il le demande.
La sénatrice Cordy : Le comité a entendu dire que l'on prescrivait des médicaments qui correspondent ni plus ni moins à de l'héroïne. Nous avons tous entendu le terme « héroïne des pauvres » à quelques reprises. Il est donc légal de prescrire de l'héroïne au pays, puisque Santé Canada permet la prescription de certains opioïdes.
On nous a aussi parlé de l'éducation faite auprès de ceux qui rédigent les prescriptions, et du fait que l'information provient en grande partie, sinon totalement, des sociétés pharmaceutiques. Bien sûr, la nature humaine étant ce qu'elle est, les représentants de ces compagnies auront tendance, comme tous les vendeurs, à souligner les aspects positifs de leur produit et pas nécessairement ses effets secondaires.
Existe-t-il une meilleure façon de s'y prendre, pour que ceux qui prescrivent des produits pharmaceutiques sachent les effets secondaires de ceux-ci, ou leurs conséquences involontaires? Si les conséquences involontaires des opioïdes étaient mieux connues, j'ose croire que nous ne serions pas au deuxième rang des plus grands consommateurs d'opioïdes au monde.
Dre Sharma : Je peux parler des opioïdes en particulier. Il s'agit là d'un aspect fort intéressant de la question.
En janvier dernier, la ministre a dirigé une table ronde sur l'abus des médicaments d'ordonnance, en particulier les opioïdes. Comme je l'ai mentionné, l'événement a réuni les provinces et les territoires, des organismes de soins de santé et d'application de la loi, ainsi que des représentants des Premières Nations. Une séance en sous-groupe sur la formation des prescripteurs était à l'horaire. Chose certaine, nous étudions les façons de faire et la manière dont Santé Canada, dans les limites de son mandat, peut faciliter la circulation de renseignements sur l'abus de médicaments d'ordonnance et sur les opioïdes.
Lorsqu'il s'agit de fournir des renseignements, il est aussi question de champ de responsabilité. On sait que la pratique de la médecine et de la pharmacie est régie et réglementée par les gouvernements provinciaux ou territoriaux. Du point de vue de Santé Canada, c'est davantage une question d'ouverture et de transparence.
Notre objectif est de fournir en un seul endroit des renseignements fiables et à jour que nous détenons sur un produit, comme sa monographie complète par exemple, de façon à ce que les gens puissent faire un choix éclairé. Cette semaine justement, nous avons annoncé la publication des résumés des examens de l'innocuité que nous effectuons sur les produits se trouvant déjà sur le marché.
Nous collaborons également avec d'autres collègues. Par exemple, nous venons d'annoncer la création d'une liste de contrôle pour l'un des produits, qui peut être employée par le prescripteur au point de service.
La sénatrice Cordy : C'est très bien, mais malgré toutes ces discussions, il reste que 13 ministres provinciaux et territoriaux de la Santé ont réclamé que Santé Canada retarde à tout le moins — la plupart ont demandé qu'il interdise — la production de la forme générique d'OxyContin, ce que Santé Canada a refusé. Vous discutez, soit, mais il reste que vos actions en disent plus long que toutes les conversations que vous tenez en coulisse.
La sénatrice Nancy Ruth : Ma question s'adresse à celui qui voudra bien y répondre. Je me demande si on recueille des données concernant la consommation de médicaments et leurs effets selon le sexe, la race ou l'âge, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, au cours d'essais cliniques ou a posteriori. Si ce n'est pas le cas, de quelle manière serait-il utile de le faire? Comment ces variables pourraient-elles influencer ce que vous appelez le « risque »?
Dre Sharma : Je peux répondre en ce qui concerne les effets indésirables des médicaments. L'étude de ceux-ci dépend en grande partie de la qualité des données recueillies. Dans les déclarations d'effets indésirables, on précise le sexe ou on indique qu'il est possible de le préciser; on indique qu'il est possible de préciser l'âge; bien sûr, il en est de même pour les autres renseignements connexes.
Ceci étant dit, nous pouvons en faire plus pour certaines populations vulnérables. Nous avons entrepris différents projets afin d'encourager les déclarations et ainsi recueillir davantage de données. Par exemple, nous collaborons avec la Société canadienne de pédiatrie pour mettre sur pied un groupe de surveillance pédiatrique. Ce groupe est formé de plus de 2 400 pédiatres qui suivent au total plus de 7 millions de patients en pédiatrie. Nous travaillons de concert avec eux pour recueillir plus d'information concernant les produits qu'ils utilisent. Nous déployons régulièrement des efforts pour encourager les déclarations, en diffusant tous les mois des conseils sur les meilleures façons de les remplir. Si des problèmes précis surviennent concernant un produit destiné aux enfants, les pédiatres reçoivent des avis en ce sens également.
Cette démarche nous aidera à déterminer s'il est nécessaire de cibler d'autres groupes, non seulement pour recueillir davantage de données dans le cadre de nos évaluations, mais aussi pour diffuser de l'information.
Dr Peterson : Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que pour préciser que toutes les données dont vous parlez — le sexe, l'âge, et cetera — se trouvent dans les dossiers de santé administratifs auxquels nous avons accès au niveau national. Une requête de la part d'un agent de réglementation ou d'un dirigeant d'une des provinces nous permettrait de répondre précisément à ces questions. Il est toutefois rare qu'on nous fasse une telle demande. Nous n'avons accès aux données que si on nous pose une question.
L'idéal, ce serait de surveiller les données en temps réel, c'est-à-dire étudier la consommation du médicament dès le moment de la prescription, de manière à déterminer, au fil du temps, à quelles fins les médicaments sont utilisés. À l'heure actuelle, nous ne pouvons répondre à ce genre de questions que si on nous les pose; nous devons alors nous adresser à chacune des provinces — dans ce cas-ci sept provinces — afin de connaître les exigences des détenteurs de données concernant l'accès aux données souhaitées et savoir quels renseignements nous devons leur fournir pour qu'ils acceptent de nous communiquer l'information recherchée.
La sénatrice Nancy Ruth : Êtes-vous certain que les données sont bel et bien recueillies?
Dr Peterson : Les données concernant les variables que vous avez mentionnées dans votre question, oui.
La sénatrice Nancy Ruth : Docteure Sharma, vous avez dit « qui peut être recueillie ». Que vouliez-vous dire?
Dre Sharma : Je voulais dire que le formulaire comprend une case pour recueillir un renseignement. Nous comprenons que le simple fait que la case existe ne garantit pas à lui seul que le répondant la remplisse, c'est pourquoi nous déployons des efforts en ce sens. Nous nous efforçons de faire valoir à quel point la qualité des déclarations est importante. En effet, ce n'est pas seulement le nombre de déclarations qui compte, mais aussi la richesse et les détails des renseignements qu'elles livrent.
Pour ce qui est des sociétés, nous les encourageons. Elles doivent se soumettre à des déclarations obligatoires, ce qui va au-delà de la simple paperasse, selon nous, et nous avons une responsabilité à cet égard. Il s'agit d'obtenir des données de qualité de façon à ce que nous soyons en mesure de procéder à une évaluation.
C'est d'ailleurs pourquoi nous collaborons avec différents groupes de pratique, afin de recueillir de l'information d'autres domaines également, non seulement sur les produits pharmaceutiques, mais aussi sur les instruments médicaux. Nous avons des systèmes sentinelles. Certains hôpitaux ont même enrichi les activités de formation et de sensibilisation, ainsi que la capacité en matière d'informatique afin de fournir davantage de renseignements. Selon moi, la carotte est tout aussi importante que le bâton.
Dr Peterson : J'aimerais préciser que nous parlons de deux ensembles de données distincts. Dre Sharma fait référence à celui tiré des rapports sur les effets indésirables des médicaments, une initiative du gouvernement fédéral; quant à moi, je fais référence aux 40 millions de dossiers dans lesquels sont enregistrés les renseignements générés par la pratique de la médecine. Lorsqu'un médecin présente sa facture au système de santé de sa province, les données sont recueillies dans des dossiers administratifs. D'autres données proviennent des rapports sur les hospitalisations. Nous sommes en mesure de recueillir des renseignements généraux, mais c'est différent du système des rapports sur les effets indésirables des médicaments.
La sénatrice Nancy Ruth : J'ai mentionné la race dans ma question parce que les données recueillies à l'échelle mondiale proviennent nécessairement de groupes raciaux variés. Comment sont-elles réunies et analysées? En tire-t-on des conclusions intéressantes?
Dr Peterson : Encore une fois, je crois que vous parlez des données sur les effets indésirables des médicaments.
La sénatrice Nancy Ruth : N'importe quelle collecte de données.
Dr Peterson : L'accessibilité des données varie selon les pays. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a deux ensembles de données étrangères. Il y a le General Practice Research Database au Royaume-Uni, une banque de données complète et très bien organisée, dont les droits d'accès peuvent être achetés. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait.
Nous jouissons aussi d'un accès satisfaisant à des données numérisées sur le marché, qui nous procurent de l'information sur les soins gérés aux États-Unis. Malheureusement, le Canada ne dispose pas d'un ensemble de données équivalent qu'il pourrait offrir à la communauté internationale. Comme je l'ai dit, pour avoir accès aux données canadiennes, nous devons actuellement nous adresser aux provinces et soumettre à chacune une demande précisant en détail l'usage qui sera fait des renseignements demandés; le chercheur qui fait la demande s'engage à ne pas transmettre les données, qui sont censées répondre à une question très pointue. Lorsque je dis qu'il nous faut un accès plus large à des données suffisamment construites pour que nous puissions les mettre en commun, tant ici qu'à l'étranger, je parle d'un besoin bien réel.
Dre Sharma : Il est très probable que les renseignements issus des essais cliniques indiquent un effet dont il faut tenir compte, et qui est lié à la race ou l'ethnicité. Avant qu'un produit n'entre sur le marché canadien, nous étudions les résultats d'essais cliniques menés dans différents pays et sous différentes conditions, afin de prendre une décision, non seulement à partir de l'ensemble des données, mais aussi en considérant les variables qui sont applicables au marché canadien, comme l'ethnicité, par exemple.
Lorsque nous nous examinons les résultats des essais cliniques de l'étranger, il est intéressant de constater certaines variations qui ne sont pas nécessairement liées à l'ethnicité. Par exemple, nous observons que les Américains ont en général un indice de masse corporelle plus élevé que celui des Canadiens; pour certains produits, il s'agit d'un constat dont il faut tenir compte.
La Conférence internationale sur l'harmonisation, un groupe dont nous faisons partie, adopte une perspective internationale dans son étude de la race et de l'ethnicité dans les essais cliniques. Ce groupe élabore des normes et des lignes directrices sur la façon d'interpréter les données. De plus en plus, nous constatons que la génétique exerce un effet intéressant sur le mode d'action des produits, leur efficacité et les risques qui leur sont associés. Nos connaissances des liens génétiques se précisent, de même que celles liées à la race et l'ethnicité.
Le président : Je vais vous poser certaines questions; pour plusieurs d'entre elles, sinon toutes, j'aimerais que vous vous prépariez à répondre lors de notre prochaine rencontre ou que vous nous fassiez parvenir une réponse écrite d'ici là.
J'ai aussi prévu des questions pour le deuxième tour et je procéderai de la même façon. Je vous remettrai les questions et je vous serais reconnaissant d'y répondre par écrit d'ici notre prochaine rencontre. Sinon, veuillez vous préparer à y répondre au cours de la prochaine séance.
Ma première question est plutôt concrète. Pendant que vous parliez du site web sur les essais cliniques, nous avons tenté d'y accéder et de faire une recherche sur des essais cliniques menés dans certains domaines. Par exemple, dans le champ « condition médicale », nous avons entré « diabète », « cancer », « sida », « hépatite » et « dépression », sans succès.
Lorsque vous répondrez à cette question, nous aimerions savoir à quel point le site est convivial pour le Canadien ordinaire, sur le plan de la recherche et des réponses obtenues au sujet de conditions médicales.
Quatre champs principaux figurent sur la page web : « condition médicale », « titre du protocole », « nom du médicament », « nom du promoteur ». Le Canadien ordinaire ne sait sans doute pas quoi écrire dans les trois derniers champs. Nous n'avons utilisé que le champ « condition médicale »; je trouve pour le moins étonnant que, dans tout le Canada, on ne mène aucun essai sur les maladies que j'ai mentionnées. Veuillez s'il vous plaît vérifier ce qu'il en est; si votre réponse est brève, du genre « Mais voyons! Vous auriez dû inscrire le mot suivant... », je l'accepterai volontiers.
Dre Sharma : Ce n'est rien de tout cela. La réponse est bien simple : nous éprouvons des problèmes informatiques cette semaine. Nous nous efforçons de les régler, mais il s'agit d'un problème bel et bien technique; vous n'obtiendrez aucun résultat, peu importe ce que vous inscrirez. Nous sommes à déterminer la nature exacte du problème.
Le président : Je vous conseille d'imiter ce que d'autres font dans ce genre de situation : afficher un message indiquant « Temporairement hors service ». Je peux imaginer la frustration d'un parent qui tente d'effectuer une recherche. Nous avons éprouvé nous-mêmes une certaine frustration, pas énorme, mais suffisante pour souligner le problème. C'est le conseil que je vous donne. Je vous remercie de votre réponse.
Dre Sharma : Monsieur le président, je peux vous affirmer que j'ai envoyé un courriel à ce sujet.
Le président : Très bien. Voici les questions que je vous soumets. J'aimerais savoir — je vais parler en mon nom, car il ne s'agit pas d'une décision du comité. Pourriez-vous nous indiquer les changements législatifs que vous souhaitez voir apportés et que vous jugez nécessaires pour protéger adéquatement les Canadiens à l'égard des produits pharmaceutiques sur ordonnance qui circulent au pays? Ceci touche les questions soulevées ici concernant la forme générique d'OxyContin.
J'aimerais aussi obtenir toute information que Santé Canada possède au sujet des programmes de reprise de médicaments. Je fais cette demande sans avoir aucune attente quant à votre réponse. Je veux toute information que Santé Canada détient en matière des programmes de reprise de médicaments sur ordonnance au pays.
Par ailleurs, j'aimerais obtenir, si possible, des données précises sur le contrôle des médicaments d'ordonnance qui est exercé aux frontières. Je parle des contrôles délibérés et aléatoires des médicaments sur ordonnance légitimes qui proviennent de l'étranger. Veuillez me dire combien d'analyses de médicaments sont effectuées chaque année et me transmettre tout autre renseignement à cet égard.
Enfin, j'aimerais aborder le sujet des opioïdes sous un angle quelque peu différent de celui des questions posées ce matin. Selon certains témoins, il existe de nombreux analgésiques non opioïdes qui seraient efficaces en certaines circonstances. Nous comprenons le problème de la douleur très vive et chronique — ce n'est pas de cela que je parle.
Des témoins ont clairement indiqué qu'au Canada, il est difficile d'offrir certains analgésiques non opioïdes en vente sur le marché, pour remplacer l'OxyContin notamment, en partie parce que les médecins ne connaissent pas les autres options possibles ou qu'ils subissent des pressions de la part du patient relativement au contenu de la prescription.
Nous sommes conscients que Santé Canada n'est pas en mesure de surveiller le travail de chacun des médecins et qu'il n'est pas responsable des formulaires d'assurance-médicaments de chaque province. Il me semble toutefois que Santé Canada pourrait contribuer à renseigner les provinces à l'égard des graves problèmes touchant les médicaments et des options qui conviennent en certaines circonstances.
On nous a fait précisément cette recommandation, non pas hier, mais au cours d'un témoignage précédent, au sujet des Autochtones, qui n'ont pas accès aux autres options possibles.
Finalement, quelle est la position de Santé Canada sur l'aspect restreint des formulaires provinciaux et ses répercussions sur les pénuries de médicaments? Nous savons que pour bien des conditions courantes, Santé Canada a approuvé l'usage de nombreux médicaments différents. Encore une fois, je comprends qu'il revient au médecin de prescrire le médicament qu'il juge adéquat, mais si, en cas de pénurie d'un médicament donné, on n'autorise qu'un nombre restreint d'options pour le remplacer, ne nuisons-nous pas à la santé des Canadiens? Quel est le point de vue de Santé Canada sur cette question?
Je vais maintenant donner la parole au sénateur Eggleton, afin qu'il pose aux représentants de Santé Canada les questions qu'il avait prévues pour le deuxième tour, afin que les témoins y répondent à la prochaine rencontre, ou avant. Nous voulons avoir suffisamment de temps pour aborder ces questions très importantes au cours de notre prochaine rencontre. Je vais reprendre la parole afin de vous inviter à y répondre aujourd'hui, si nous avons le temps. Je veux que mes questions apparaissent au compte-rendu, pour que vous sachiez quels sujets nous sommes désireux d'explorer.
Le sénateur Eggleton : Les questions et le sujet que j'avais prévus pour le prochain tour se prêtent aux échanges, je les garderai donc pour la prochaine fois.
Je vais allonger votre liste de choses à faire. Suivant le tour de questions précédent, où j'ai abordé le sujet des médicaments non conformes aux normes, j'ai ici une série d'imprimés traitant de différents produits pharmaceutiques répertoriés sur votre site, notamment ceux fabriqués par Ranbaxy. Je veux savoir où ces médicaments sont fabriqués et, pour les produits pharmaceutiques importés, le nom de la société qui les produit, ainsi que le nom de l'usine et l'endroit où elle se trouve.
Je veux que ce soit ajouté à la liste. J'ai une liste qui comprend le nom des sociétés pharmaceutiques et des médicaments. Je veux savoir où est située l'usine qui fabrique chacun de ces médicaments.
Le président : Cela vient de la liste de Santé Canada.
Le sénateur Eggleton : Oui, de Santé Canada.
Le président : Pendant que vous y réfléchissez, si vous devez poser une question, nous ferons le suivi.
La sénatrice Seidman : Je vais faire la même chose que le sénateur Eggleton. Je n'ai pas obtenu de réponses à certaines questions que j'ai posées pendant cette série de questions, même si elles portaient précisément sur le sujet abordé. Mes autres questions portent sur d'autres domaines que nous n'avons pas abordés pendant cette série de questions, et donc, mieux vaut ne pas les aborder, à moins que le président soit d'un autre avis.
Par exemple, nous n'avons pas discuté de toute la question des antibiotiques utilisés dans l'alimentation animale et administrés aux animaux, ni de ses répercussions sur la résistance aux antibiotiques observée au sein de la population. J'aimerais que nous abordions ces sujets la prochaine fois que vous nous rendrez visite, si vous le permettez. Il s'agit d'un enjeu relativement complexe et nous aimerions connaître l'opinion de Santé Canada à ce sujet lors d'une prochaine audience. Peut-être souhaiterez-vous vous préparer à répondre à des questions sur le sujet. Nous avons entendu parler d'échappatoires importantes qui permettent l'importation non contrôlée d'antibiotiques qui seront utilisés dans l'alimentation animale, par exemple. Il est évident que la FDA a mis en œuvre un programme important en vue de réduire l'utilisation des antibiotiques dans l'alimentation animale. C'est un sujet que j'aimerais aborder la prochaine fois, si vous le permettez.
Lorsque vous reviendrez, j'aimerais aussi vous poser quelques questions supplémentaires au sujet des pénuries de médicaments. J'aimerais savoir exactement comment Santé Canada s'y prend pour communiquer avec les professionnels de la santé et les patients et les informer à ce sujet, autrement que par son site web, car ses méthodes ne semblent pas vraiment efficaces. J'aimerais aussi savoir si les pouvoirs législatifs de Santé Canada lui permettent de réduire les répercussions des pénuries de médicaments, ou si ses pouvoirs législatifs ou réglementaires doivent être élargis pour lui permettre d'atténuer les répercussions de ces pénuries. Je me demande aussi si Santé Canada répond aux professionnels de la santé qui l'informent des effets indésirables d'un médicament, en leur donnant de l'information ou en faisant le point sur la situation.
Je vais m'en tenir à cela pour le moment. Merci.
Le président : Si nous mentionnons déjà ces sujets, c'est que vous aurez la possibilité de faire un exposé à ce propos à la prochaine étape; vous pourrez alors fournir des renseignements dans le cadre de votre déclaration préliminaire, puis répondre à des questions par la suite. Ce sont des enjeux importants et nous aimerions pouvoir les aborder.
La sénatrice Chaput : Ma question porte sur les observations formulées par le Dr Peterson. Je reviens aux données, non pas aux données fédérales, mais aux autres données. Vous avez dit qu'environ 40 000 dossiers comportent des données.
J'aimerais en savoir plus sur ces dossiers et sur ceux auxquels nous devrions avoir accès, car il s'agit bel et bien d'une priorité. De quoi a-t-on besoin pour avoir accès à ces renseignements, et qui devrait être responsable? Vous avez dit qu'il s'agissait d'une exigence particulière, et je crois que nous devrions étudier cette situation. Merci.
Dr Peterson : Merci, madame la sénatrice. Je vais vous fournir ces renseignements. Il est en fait question de 40 millions de dossiers, mais je vais fournir les renseignements que vous avez demandés.
Le président : Je crois qu'il convient de souligner, sénatrice, que dans le cadre de nos études précédentes, nous avons étudié cet aspect de façon très détaillée, et nous avons aussi formulé d'importantes recommandations en ce qui concerne la collecte de données. Donc, j'accepterai qu'on étudie de nouveau cet aspect en détail si le Dr Peterson peut vous donner une réponse précise, car nous n'avons pas seulement étudié la question en long et en large; nous avons aussi formulé d'importantes recommandations qui aideront le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments et d'autres intervenants à rendre les données publiques.
La sénatrice Chaput : Merci, monsieur le président. Je n'étais pas membre du comité à ce moment.
Le président : J'en suis bien conscient.
La sénatrice Chaput : Je vous saurais gré de bien vouloir me transmettre ces renseignements.
Le président : Nous vous fournirons aussi les rapports précédents.
La sénatrice Seth : Les Instituts de recherche en santé du Canada administrent le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, qui mène des recherches visant à appuyer la prise de décisions par le gouvernement. Quelles sont les recherches qui ont été menées par le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments en ce qui concerne les effets indésirables des médicaments d'ordonnance chez les collectivités autochtones et la population en général?
Le président : Je vais accorder la parole au sénateur Eggleton après vous avoir posé deux brèves questions. Peut-être que vous pourrez y répondre brièvement.
Dans le nouveau budget de 2014, on a annoncé une somme totalisant 44,9 millions de dollars sur cinq ans. S'agit-il de nouveaux fonds ou de fonds du budget de la Stratégie nationale antidrogue qui ont été réaffectés? Si vous ne le savez pas, je vous prierais de vérifier. Cela dit, si vous le savez, est-ce que la réponse est oui ou non? Je crois comprendre que vous devez vous renseigner à ce sujet. Merci.
Enfin, puisqu'il est évident que vous avez suivi nos audiences, j'aimerais vous poser la question suivante : est-ce que Santé Canada effectue des évaluations environnementales en ce qui concerne les médicaments dans l'environnement, un aspect qui a été mentionné par Karen Dodds, d'Environnement Canada?
Dre Sharma : Oui, par l'entremise de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Ces évaluations sont effectuées aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le président : Merci. Nous voulions tout simplement obtenir tous les renseignements à ce sujet.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais obtenir des précisions au sujet de certains pourcentages que vous avez mentionnés lorsque je vous ai posé des questions sur les médicaments importés et les ingrédients médicinaux. J'ai dit qu'aux États-Unis, 80 p. 100 des médicaments et des ingrédients médicinaux sont maintenant importés et que l'Inde fournit 40 p. 100 des médicaments génériques consommés dans ce pays. J'aimerais savoir quels sont ces pourcentages pour le Canada.
Dre Sharma : Nous pouvons vous fournir ces chiffres.
Le président : Vous nous avez fourni des chiffres généraux ventilés dans ce domaine en particulier, mais si vous disposez d'autres données liées plus précisément à la question du sénateur Eggleton sur les médicaments génériques, nous aimerions les obtenir.
Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous nous dire quels sont les pays qui nous fournissent des médicaments, en pourcentage?
Dre Sharma : Vous parlez des médicaments génériques en particulier?
Le sénateur Eggleton : Les deux.
Le président : Je crois que vous nous avez dit plus tôt que 25 p. 100 des médicaments proviennent de l'Inde, de la Chine et de pays avec lesquels vous n'avez pas conclu d'entente officielle. Est-ce exact?
Dre Sharma : C'est exact. Oui, 25 p. 100 des médicaments importés proviennent de pays avec lesquels nous n'avons pas conclu d'accord de reconnaissance mutuelle ou des États-Unis. Donc, les importations de médicaments provenant de ces autres pays représenteraient 25 p. 100. Nous pouvons vous fournir ces chiffres.
Le président : Il serait très utile que vous nous fournissiez des précisions au sujet de ces chiffres.
Sénateur, avez-vous une question qui donnera lieu à une réponse de quatre minutes ou moins? La séance se termine dans quatre minutes.
Le sénateur Eggleton : Pour revenir aux accords dont vous venez tout juste de parler, avons-nous conclu un accord de ce type avec l'Inde?
Le président : Elle a mentionné que l'Inde et la Chine sont des exemples qui font partie de cet autre 25 p. 100. Nous n'avons pas d'accord de ce type avec les États-Unis, mais ce pays représente une catégorie spéciale. Elle a dit plus tôt qu'environ 25 p. 100 de nos médicaments proviennent des États-Unis.
Dre Sharma : Nous serons heureux de vous fournir le nom des pays avec lesquels nous avons conclu un accord de reconnaissance mutuelle, si cela peut vous être utile.
Le président : Comme vous pouvez le constater, et comme vous l'avez aussi constaté dans le cadre de nos études précédentes, il s'agit d'un problème important pour les Canadiens, que le comité prend au sérieux. Nous disposons de documents et de témoignages qui ont peut-être suscité l'enthousiasme pendant les questions. Puisqu'au bout du compte, nous rédigerons un rapport, tout le monde a intérêt à ce que le comité obtienne les meilleures réponses qui soient. Nous allons rédiger un rapport qui sera ensuite rendu public.
Nous vous sommes très reconnaissants des réponses que vous nous avez fournies aujourd'hui à propos de ces domaines complexes. Les témoignages antérieurs nous ont appris que collectivement, vous possédez de vastes connaissances dans ces domaines. Je crois que je vais m'arrêter là-dessus pour le moment, car nous allons vous accueillir de nouveau le 30 avril.
Sur ce, je déclare la séance ajournée.
(La séance est levée.)