Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 12 - Témoignages du 30 avril 2014
OTTAWA, le mercredi le 30 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour poursuivre son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
[Français]
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, de la province du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci, chers collègues. Je rappelle à tous qu'il s'agit de notre dernière séance de la phase 4 de notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance et leurs conséquences involontaires. Nous accueillons de nouveau la Dre Sharma et ses collègues de Santé Canada et de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Je crois comprendre que d'autres spécialistes sont présents dans la salle pour nous éclairer.
Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler encore, mais je crois que, compte tenu de l'ordre du jour, l'exposé de la Dre Sharma va surtout répondre aux questions posées à la fin de la dernière séance. Ensuite, nous allons passer directement aux questions. Cela convient-il aux témoins? Excellent.
Je vais tous vous présenter : la Dre Supriya Sharma, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, et Robin Chiponski, directrice générale, Direction générale des produits de santé et des aliments; Barbara Moran, directrice, Bureau de l'abus des médicaments d'ordonnance, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, et John Worgan, directeur, Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Bienvenue au comité, monsieur Worgan.
Nous recevons de nouveau la Dre Theresa Tam, chef de la direction générale, Direction générale de l'infrastructure de sécurité sanitaire, Agence de la santé publique du Canada.
Docteure Sharma, la parole est à vous.
Dre Supriya Sharma, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Je vous présente mes excuses, car mon exposé est assez long. Nous voulons répondre à toutes les questions posées à la dernière séance.
[Français]
Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion d'expliquer davantage le rôle de Santé Canada dans la réglementation des produits pharmaceutiques sur ordonnance.
[Traduction]
Comme indiqué lors de la réunion du 10 avril, j'occupe actuellement les postes de sous-ministre adjointe déléguée par intérim et de conseillère médicale principale de la Direction générale des produits de santé et des aliments. Je suis accompagnée par ma collègue, que vous avez déjà présentée. Nous sommes également accompagnées par nos collègues de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, ainsi que de l'Agence de la santé publique du Canada.
À l'issue de la dernière réunion, les sénateurs nous ont demandé de donner suite à certaines questions en particulier. Nous avons donc préparé nos observations en conséquence.
Le 10 avril, le comité a soulevé des questions sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Les membres se sont particulièrement intéressés à l'approbation de l'OxyContin générique par Santé Canada. Je voudrais commencer par répondre à ces questions.
Comme je l'ai mentionné dans le cadre de présentations antérieures, pour qu'un médicament sur ordonnance puisse être commercialisé au Canada, le fabricant doit soumettre des preuves scientifiques démontrant que le produit pharmaceutique satisfait aux exigences réglementaires de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, en matière d'innocuité, d'efficacité et de qualité, pour l'usage auquel il est destiné.
Une fois que la vente d'un médicament est autorisée au Canada, Santé Canada surveille son innocuité en évaluant les effets indésirables déclarés, en examinant les rapports périodiques d'innocuité et en analysant des informations recueillies auprès de diverses sources telles que la littérature médicale et scientifique, d'autres organismes de réglementation à l'échelle internationale et les fabricants.
Les produits pharmaceutiques sur ordonnance contenant des substances contrôlées, comme les opioïdes, sont davantage surveillés en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette dernière équilibre l'accès aux substances contrôlées à des fins médicales, scientifiques ou industrielles légitimes, tout en réduisant le risque de détournement vers des utilisations ou des marchés illicites.
Dans le cas de l'OxyContin, le médicament de marque déposée était déjà sur le marché depuis de nombreuses années et il était utilisé pour le soulagement de douleurs modérées à sévères dans des cas comme le traitement des douleurs associées au cancer et dans le milieu des soins palliatifs. Des renseignements sur le risque de dépendance et d'abus ont été communiqués aux fournisseurs de soins de santé et aux consommateurs dans le cadre de l'approbation de la monographie de produit finale de l'OxyContin. Les médecins ont été invités à prescrire et à traiter ces médicaments avec prudence, à évaluer les risques cliniques d'abus ou de dépendance chez les patients avant de prescrire le médicament, et à surveiller étroitement les signes de dépendance et d'abus chez les patients.
Après l'expiration du brevet de la marque OxyContin en 2012, des fabricants de médicaments génériques ont pu démontrer l'équivalence pharmaceutique et la bioéquivalence de versions génériques du produit pharmaceutique. Ces versions génériques de l'OxyContin ont obtenu l'autorisation de commercialisation de Santé Canada après avoir été considérées comme satisfaisant aux exigences réglementaires de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, en matière d'innocuité, d'efficacité et de qualité, pour les indications et conditions d'utilisation approuvées. De plus, les mêmes informations ont été fournies aux professionnels des soins de santé dans les monographies de produit.
En ce qui concerne la question du comité quant à savoir si Santé Canada envisagerait de retirer l'OxyContin générique de la liste du Programme des services de santé non assurés de la Santé des Premières nations et des Inuits, je peux confirmer que l'oxycodone à action prolongée a été retiré de cette liste en février 2012.
Par ailleurs, l'oxycodone à action prolongée générique n'a jamais été ajouté à la liste quand il est devenu disponible en 2012, et son remboursement demeure exclu du Programme des services de santé non assurés.
En outre, alors qu'OxyNeo a été introduit sur le marché canadien en février 2012, il ne figure pas sur la liste des médicaments du Programme des services de santé non assurés. Les demandes de remboursement sont examinées au cas par cas, et le remboursement peut être accordé dans des circonstances exceptionnelles, comme les soins palliatifs.
Comme le savent les membres du comité, avec l'introduction de l'oxycodone générique, de nouvelles mesures sévères ont été instaurées précisément pour donner suite aux préoccupations liées aux versions génériques de l'OxyContin. En plus des exigences de déclaration de la perte et du vol, les entreprises sont tenues de signaler à Santé Canada les activités suspectes et inhabituelles. Le ministère a également demandé aux fabricants de soumettre des plans de gestion des risques qui décrivent leurs stratégies proposées pour surveiller les risques connus et potentiels et y réagir, et pour sensibiliser les professionnels de la santé et le public à ces risques.
Des inspecteurs de Santé Canada enquêteront sur les activités suspectes, et des mesures appropriées seront prises, jusqu'à priver les entreprises de leur licence de distribution ou de vente de stupéfiants. En cas de soupçons d'activité illégale, les inspecteurs de Santé Canada pourront également renvoyer l'affaire à des organismes chargés de l'application de la loi comme la Gendarmerie royale du Canada.
Monsieur le président, nous prenons tous les rapports de détournement potentiel de substances contrôlées très au sérieux. Santé Canada continuera de travailler avec les États-Unis à leur analyse des activités à la frontière et d'autres données qui peuvent indiquer des soupçons de produits illégaux entrant dans les États américains.
Le comité a aussi demandé d'obtenir plus de données et de statistiques sur l'OxyContin générique. On estime que les ventes d'OxyContin générique représentent environ 1 p. 100 de toutes les ventes d'opioïdes au Canada. Santé Canada surveille de près les ventes et les rapports de perte et de vol d'OxyContin générique et d'autres opioïdes.
Comme ce chiffre de 1 p. 100 l'indique, les achats d'OxyContin générique par les hôpitaux et pharmacies sont demeurés faibles par rapport à ceux d'OxyNeo et d'autres opioïdes. En outre, les pertes et les vols déclarés d'oxycodone générique sont peu élevés par rapport au nombre d'unités achetées, et ils ne sont pas disproportionnés par rapport à ceux des autres opioïdes.
Santé Canada assure le suivi des nouvelles exigences de déclaration qui ont été mises en place; je peux vous dire que les distributeurs autorisés y sont favorables et que la conformité à ces dernières approche 100 p. 100. Tous les rapports sont examinés en portant une attention particulière à la répartition régionale des ventes, aux volumes inhabituels de transactions de la part de parties réglementées, et aux volumes inhabituels par transaction.
En conclusion, il n'existe aucune preuve démontrant des tendances inhabituelles de détournement d'OxyContin générique.
Monsieur le président, étant donné que la prescription de médicaments relève de la pratique des professionnels des soins de santé, il est essentiel de combler les lacunes de leur formation quant aux pratiques de prescription afin de remédier à l'abus de médicaments sur ordonnance.
En réponse à votre question concernant le rôle de Santé Canada visant à informer les provinces et les territoires de graves problèmes concernant certains médicaments et de solutions de rechange, à titre d'organisme de réglementation, le ministère fournit régulièrement aux professionnels des soins de santé, aux Canadiens, et aux provinces et territoires des informations sur l'innocuité des produits pharmaceutiques. Cela se fait au moyen des monographies de produit, des étiquettes de médicaments et des produits de communication tels que les avis de rappel, les avis de sécurité, les mises à jour de l'information, les alertes concernant des produits de l'étranger et les avis aux hôpitaux.
En outre, Santé Canada surveille l'innocuité des produits pharmaceutiques sur ordonnance commercialisés et examine leur innocuité lorsqu'il y a des inquiétudes à ce chapitre. Si l'examen de l'innocuité permet de cerner de nouveaux risques associés au produit, Santé Canada peut prendre un certain nombre de mesures, notamment : prévenir les Canadiens et les professionnels des soins de santé; demander que des modifications soient apportées à l'étiquetage du produit; demander des informations complémentaires, des études ou une surveillance accrue; et, si nécessaire, exiger le retrait du marché canadien.
De plus, en application du Cadre réglementaire de transparence et d'ouverture annoncé par la ministre de la Santé au début du mois, Santé Canada publiera des résumés d'examens de l'innocuité des médicaments afin de fournir aux Canadiens des descriptions en langage clair de ses conclusions et décisions.
Comme le savent les membres du comité, le gouvernement s'est engagé dans le discours du Trône de 2013 à élargir la portée de la Stratégie nationale antidrogue pour inclure l'abus de médicaments sur ordonnance. Le Plan d'action économique de 2014 fait fond sur cet engagement avec un investissement de 44,9 millions de dollars dans ce domaine. En réponse à la question du comité, je peux confirmer que ce sont de nouveaux fonds.
Le comité a demandé combien de Canadiens sont dépendants des opioïdes qui leur ont été prescrits. En bref, nous n'avons pas la réponse à cette question.
Les administrations en sont à des stades différents en ce qui a trait à leur capacité de recueillir et d'analyser les données relatives à l'utilisation des médicaments sur ordonnance, y compris les tendances concernant l'utilisation et les méfaits potentiels de certains médicaments. Il est donc difficile de fournir des statistiques définitives sur le nombre de Canadiens qui souffrent de problèmes de dépendance à la suite d'une ordonnance légitime.
Accroître la capacité qu'a le Canada de surveiller les répercussions des substances qui sont à haut risque d'abus est une priorité pour tous les niveaux d'administration publique. Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé ont accepté en septembre de travailler ensemble pour renforcer et élargir les programmes de surveillance des ordonnances en établissant un réseau pancanadien de surveillance des médicaments sur ordonnance. La mise en place de ce réseau facilitera le partage d'informations entre les administrations et orientera l'élaboration de programmes de surveillance dans d'autres administrations où il n'en existe pas actuellement.
Le comité a également demandé plus d'informations au sujet des programmes de retour de médicaments. L'entreposage et l'élimination inappropriée de médicaments sur ordonnance constituent certainement une source de préoccupation pour le gouvernement fédéral. Malheureusement, la maison représente l'une des sources les plus courantes d'approvisionnement en cas d'abus et d'utilisation impropre par des membres de la famille et des amis.
Le gouvernement continue de travailler en partenariat avec l'Association canadienne des chefs de police et le Partenariat pour un Canada sans drogue afin de soutenir la Journée nationale de retour des médicaments sur ordonnance. Cette dernière constitue l'occasion de rappeler aux Canadiens comment ils peuvent disposer en toute sécurité de produits pharmaceutiques sur ordonnance non utilisés afin de se protéger, eux-mêmes et leurs proches, contre les risques pour la santé associés à l'utilisation ou à l'élimination inappropriée de ces médicaments. L'événement de l'année dernière a permis de recueillir plus de deux tonnes de médicaments sur ordonnance, qui ont ainsi été retournés en toute sécurité. La prochaine Journée nationale de retour de médicaments sur ordonnance est prévue le 10 mai 2014.
En outre, la plupart des provinces ont mis en place, ou élaborent, des programmes provinciaux qui permettent aux Canadiennes et aux Canadiens de rapporter les produits pharmaceutiques non utilisés ou périmés dans les pharmacies. En général, ces programmes sont lancés par les administrations provinciales, l'industrie pharmaceutique ou les associations pharmaceutiques, dans le but d'améliorer l'élimination sécuritaire des produits pharmaceutiques et de réduire les déchets pharmaceutiques.
En ce qui concerne les pénuries de médicaments, le comité a soulevé un certain nombre de questions relatives à l'ampleur des pénuries au cours de l'année écoulée, à la façon dont les pénuries sont communiquées, aux pouvoirs réglementaires fédéraux et aux listes de médicaments assurés provinciales.
Lors de ma comparution précédente, j'ai parlé de pénuries de médicaments et de l'approche de collaboration entre les nombreux intervenants qui est dirigée par Santé Canada et par Alberta Health par l'entremise du Comité directeur multilatéral sur les pénuries de médicaments. Comme je l'ai mentionné, Santé Canada travaille en étroite collaboration avec les principaux intervenants de toute la chaîne d'approvisionnement en médicaments au Canada, afin de faire progresser des mesures concrètes visant à prévenir, à atténuer et à communiquer de l'information sur les pénuries de médicaments. Cette approche a entraîné des progrès et des outils réels et concrets dans la gestion collaborative des pénuries réelles, à savoir la Boîte à outils multilatérale, qui définit les rôles et les responsabilités distinctes des intervenants; le Protocole de divulgation et de communication de pénuries de médicaments, qui établit des attentes claires en matière de partage de l'information sur les pénuries de médicaments; et le site Internet géré par l'industrie, penuriesdemedicaments.ca, qui offre aux Canadiens des renseignements importants sur les pénuries de médicaments et sur les médicaments discontinués.
En ce qui concerne ce dernier point, le site internet, penuriesdemedicaments.ca, a été lancé en mars 2012, à la demande de la ministre fédérale de la Santé en faveur d'une plus grande transparence de l'industrie. Les fournisseurs de médicaments doivent aviser le public de toutes les pénuries potentielles et réelles sur ce site. Ce dernier est mis à jour régulièrement par les fournisseurs, qui y affichent des informations sur les pénuries réelles ou potentielles ainsi que sur les médicaments discontinués.
Santé Canada a travaillé avec des associations professionnelles et a envoyé directement aux fournisseurs de médicaments des lettres établissant clairement nos attentes selon lesquelles toutes les pénuries de médicaments et tous les médicaments discontinués soient affichés sur le site. Il en a résulté une conformité croissante de la part de l'industrie et, depuis mars 2012, plus de 600 pénuries de médicaments et médicaments discontinués ont été affichés sur penuriesdemedicaments.ca, et environ 450 de ces annonces ont été faites dans la dernière année.
Pour replacer ces chiffres en contexte, il est intéressant de signaler que les fournisseurs de médicaments canadiens affichent publiquement un éventail beaucoup plus large de pénuries que dans d'autres pays. Par exemple, le système de la Food and Drug Administration aux États-Unis limite les avis publics à un petit pourcentage de pénuries ayant le plus grand impact sur la santé publique. En revanche, Santé Canada s'attend à ce que toutes les pénuries, réelles et anticipées, soient affichées.
Mais de toute évidence, la divulgation publique à elle seule ne suffit pas. C'est pourquoi Santé Canada prend des mesures concrètes pour d'abord prévenir les pénuries. Grâce au Comité directeur multilatéral, nous travaillons avec des intervenants de toute la chaîne d'approvisionnement en médicaments pour traiter les causes profondes des pénuries, élaborer de meilleures stratégies de prévention et d'atténuation, cerner les pratiques exemplaires en matière de passation de marchés et d'approvisionnement, et enfin prévenir et réduire le risque de pénuries futures.
Bien sûr, aucun effort fédéral à lui seul, quel qu'il soit, ne permettra de prévenir toutes les pénuries, et c'est pourquoi Santé Canada communique régulièrement avec les intervenants de toute la chaîne d'approvisionnement des médicaments au Canada, y compris des associations de professionnels des soins de santé, des groupes de défense des patients, des associations de l'industrie, des grossistes et des distributeurs, ainsi que les provinces et les territoires.
Cette communication est essentielle pour permettre de comprendre la portée et l'impact des pénuries, et surtout, pour faciliter les mesures concertées qui aident à réduire l'impact sur les patients canadiens, et sur ceux qui prennent soin d'eux.
Mais il est toujours possible d'en faire davantage. Ce printemps, Santé Canada a annoncé la création d'un registre de divulgation publique des pénuries de médicaments. Le registre énumérera publiquement, sur le site web de Santé Canada, toutes les entreprises qui se sont engagées à la divulgation préalable des pénuries, et l'on y affichera aussi les lettres envoyées aux fabricants qui sont responsables de pénuries, mais qui ne fournissent pas d'avis rapides, complets et fiables aux Canadiens.
Pour l'avenir, Santé Canada continuera de collaborer avec les principaux intervenants, y compris les praticiens des soins de santé et les patients, afin de s'assurer qu'ils disposent de l'information dont ils ont besoin.
Comme cela a été souligné tout au long de la discussion sur les pénuries de médicaments, et au cœur de l'approche globale de Santé Canada, un certain nombre d'acteurs clés de la chaîne d'approvisionnement en médicaments ont des rôles distincts, mais complémentaires dans le maintien d'une chaîne solide d'approvisionnement en médicaments, et dans la lutte contre les pénuries de médicaments.
Santé Canada est responsable de réglementer l'innocuité, l'efficacité et la qualité des médicaments; les fabricants sont responsables de s'assurer que leurs produits pharmaceutiques satisfont aux exigences réglementaires de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application et de fournir ces médicaments; et les provinces et les territoires doivent tenir à jour les listes de médicaments assurés et assurer la prestation des services de soins de santé.
Toutefois, à titre d'organisme fédéral de réglementation, ce n'est pas le rôle de Santé Canada de remettre en question les décisions concernant les listes des médicaments assurés des provinces et des territoires, qui varient nécessairement d'une administration à l'autre, en fonction de plusieurs facteurs, dont les besoins de santé de la population, le rapport coût-efficacité et l'apport de groupes de patients, de l'industrie et d'autres intervenants.
Ce que Santé Canada peut faire toutefois, c'est continuer à collaborer avec les intervenants clés, y compris les provinces et les territoires, de façon à ce que l'accès aux médicaments nécessaires pour les patients soit pris en considération, et que des mesures concertées soient prises lorsque des pénuries se produisent. Sur ce point, la collaboration fédérale-provinciale relative aux pénuries de médicaments a été exemplaire.
Enfin, vous avez demandé si Santé Canada a l'autorité législative ou réglementaire qu'il lui faut pour s'attaquer aux pénuries de médicaments. À titre d'organisme fédéral de réglementation, Santé Canada dispose déjà d'un certain nombre d'outils et de stratégies disponibles pour réduire l'occurrence et l'impact des pénuries de médicaments.
Dans certaines circonstances, Santé Canada peut travailler avec ses homologues internationaux afin de trouver d'autres sources d'approvisionnement et pour partager les renseignements nécessaires sur l'innocuité et la qualité des médicaments. Santé Canada peut également accélérer l'examen de présentations de médicaments, ou fournir au système de santé un accès prioritaire à des solutions de rechange dans le cadre du Programme d'accès spécial.
Tous ces outils sont utiles, mais comme l'a signalé le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes en 2012, la cause la plus évitable de pénuries de médicaments est la tendance à l'attribution de marchés à fournisseur unique pour les achats en vrac ou la pratique qui consiste pour les fabricants à s'en remettre à un seul fournisseur en ce qui a trait aux matières premières et aux ingrédients pharmaceutiques actifs. C'est pourquoi Santé Canada a collaboré avec le Comité directeur multilatéral à la mise sur pied d'un Groupe de travail sur les pratiques exemplaires en matière de passation de marchés et d'approvisionnement.
La sécurité des patients étant notre priorité, Santé Canada s'attendra toujours à des efforts accrus de l'industrie pour s'assurer que les Canadiens aient accès à un approvisionnement sûr et durable de médicaments nécessaires; pour éviter les pénuries; et pour aviser le public en temps opportun quand elles se produisent malgré tout.
En nous attaquant non seulement à la divulgation, mais à la prévention, à l'atténuation et à la gestion des crises, nous avons constaté que notre approche multilatérale a donné lieu à des mesures réelles et à des outils concrets. À l'avenir, s'il devient évident que ces efforts ne donnent pas les résultats escomptés, qu'ils sont insuffisants, ou que les principaux intervenants ne s'acquittent pas de leurs responsabilités, toutes les autres options, y compris l'adoption de mesures réglementaires, pourront être examinées.
Dans un autre ordre d'idées, le comité a soulevé des questions en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques importés.
Santé Canada a fourni au comité deux listes en réponse à certaines de ces questions : la première est une liste de pays avec lesquels le Canada a conclu des Accords de reconnaissance mutuelle; la seconde, une liste d'établissements étrangers de Ranbaxy Canada.
Il est important de signaler que pour chaque produit pharmaceutique importé au Canada, il existe un importateur canadien qui doit détenir une licence d'établissement, qui répertorie les établissements étrangers d'où proviennent les produits pharmaceutiques. Tous les établissements de fabrication, qu'ils soient au Canada ou à l'étranger, sont soumis aux mêmes exigences réglementaires en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, peu importe s'ils sont au Canada ou à l'étranger.
Santé Canada vérifie l'innocuité et la qualité des produits pharmaceutiques importés en obtenant des importateurs, et au terme des inspections canadiennes, des informations détaillées sur les processus de fabrication.
Comme je l'ai dit précédemment, quand un importateur est autorisé à importer et à vendre des produits pharmaceutiques au Canada, il doit s'assurer que ses produits satisfont aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, incluant qu'ils soient fabriqués dans une installation conforme aux exigences canadiennes de Bonnes pratiques de fabrication.
Si un problème survient avec un produit pharmaceutique approuvé sur le marché, Santé Canada travaille en étroite collaboration avec les secteurs touchés de l'industrie afin de s'assurer que ces problèmes propres aux produits sont réglés, peu importe l'endroit où le produit pharmaceutique est fabriqué. Des mesures comme la suspension ou l'annulation de l'autorisation de commercialisation ou l'arrêt réglementaire de la vente peuvent être prises pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens.
Conformément à ce qui a été indiqué dans des exposés antérieurs, 50 p. 100 des sites étrangers dont proviennent les produits pharmaceutiques importés au Canada se trouvent dans des pays avec lesquels nous avons conclu un accord de reconnaissance mutuelle. Cet accord reconnaît l'équivalence des programmes de conformité aux Bonnes pratiques de fabrication établis par ces autres organismes de réglementation. Quant à l'autre 50 p. 100, la moitié provient des États- Unis et l'autre moitié, de pays tels que la Chine et l'Inde.
Du point de vue de la valeur commerciale, le marché canadien des produits pharmaceutiques a totalisé 22,2 milliards de dollars en 2013. Une partie de ce marché est approvisionnée par des importations de produits pharmaceutiques totalisant 13,7 milliards de dollars, soit 62 p. 100 du marché canadien. Les principaux partenaires commerciaux du Canada sont les États-Unis et les principaux pays de l'Union européenne, qui fournissent 85 p. 100 de nos produits pharmaceutiques importés.
Santé Canada peut avoir accès aux renseignements sur le pays d'origine pour chaque médicament offert sur le marché canadien en consultant les présentations de médicaments que le ministère a reçues au cours des années. Toutefois, en 2004, Santé Canada a commencé à recueillir de tels renseignements, sous un format plus facilement accessible, lorsque les promoteurs présentent des demandes. Les entreprises sont invitées à fournir le nom des pays où la forme posologique finale du produit pharmaceutique est fabriquée. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas nécessairement du pays où le produit est étiqueté et emballé ou du pays d'où proviennent les ingrédients pharmaceutiques actifs.
Actuellement, il existe 15 868 produits pharmaceutiques dont la vente est autorisée au Canada. Grâce au nouveau processus de collecte de renseignements que Santé Canada a mis en place, nous avons pu compiler pour le comité de l'information sur le pays de fabrication de 54 p. 100 de ces produits, soit 8 554 produits. Parmi ces produits, sans tenir compte de la valeur commerciale, 51,6 p. 100 sont fabriqués au Canada, 22 p. 100 aux États-Unis, 4,6 p. 100 en Inde, suivie de près par l'Allemagne à 4,1 p. 100, du Royaume-Uni à 3,3 p. 100 et de la France à 3,1 p. 100. Entre 1 et 3 p. 100 proviennent de Porto Rico, de l'Italie, de la Suisse, de l'Irlande et de la Belgique. Moins de 1 p. 100 proviennent de divers autres pays comme l'Australie, Israël, les Pays-Bas, le Danemark et l'Espagne.
En ce qui concerne la déclaration du comité selon laquelle « l'Union européenne effectue des tests sur chaque lot de médicaments importé », il convient de souligner qu'un grand nombre d'organismes de réglementation fiables appliquent des exigences réglementaires différentes pour la mise à l'essai des produits pharmaceutiques sur ordonnance importés. En particulier, l'Union européenne ne teste pas véritablement chaque lot de produits pharmaceutiques sur ordonnance importé. On désigne plutôt une personne qualifiée, responsable et membre de la société pharmaceutique, qui est chargée d'attester que chaque lot de produit fini est conforme aux Bonnes pratiques de fabrication; que les exigences ayant trait à l'autorisation de commercialisation sont respectées; et que le lot se prête à la mise en circulation, avant d'être mis en circulation pour la vente, l'approvisionnement ou l'exportation.
Le comité a aussi demandé des données précises sur les tests aléatoires effectués pour le contrôle aux frontières des médicaments sur ordonnance.
Des exigences de mise à l'essai des produits finis aux fins de contrôle de leur identité et de respect des caractéristiques techniques, pour les produits importés comme pour les produits canadiens, sont établies en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Les essais doivent être menés par l'importateur ou par le fabricant canadien de produits pharmaceutiques avant que le médicament puisse être mis en vente au Canada.
Santé Canada mène toutefois l'essai d'un nombre limité de produits afin d'y déceler des ingrédients actifs ou des contaminants indésirables dans le cadre d'inspections selon les Bonnes pratiques de fabrication des produits fabriqués, à l'appui des enquêtes de conformité, ou si l'on soupçonne qu'un produit importé renferme une substance réglementée non divulguée. En 2013, Santé Canada a effectué un total de 466 essais d'échantillons de produits pharmaceutiques destinés à la consommation humaine.
Comme le comité l'a signalé au cours de la session précédente, la Food and Drugs Administration des États-Unis a récemment imposé une interdiction d'importation visant certains produits pharmaceutiques provenant d'un établissement d'Apotex à Bangalore, en Inde. Santé Canada a récemment décerné une cote de non-conformité pour le même établissement d'Apotex en Inde, par suite d'un examen des indices de Bonnes pratiques de fabrication.
Santé Canada a choisi de ne pas mettre en œuvre une interdiction d'importation en raison de la nature médicalement nécessaire des produits pharmaceutiques en provenance de cet établissement. Des exigences de mise à l'essai additionnelles ont toutefois été mises en place. Santé Canada continuera de surveiller la situation, et si jamais un risque pour la santé est établi, des mesures immédiates seront prises pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens, tout en maintenant l'accès nécessaire au produit pharmaceutique.
Dans le cas de Wockhardt Limited, Santé Canada est au courant de l'existence de la lettre d'avertissement envoyée par la Food and Drug Administration des États-Unis au sujet de l'établissement de Chikalthana. Comme personne au Canada n'importe de produits provenant de cet établissement, le ministère n'a eu aucune mesure à prendre. Avant qu'une importation puisse se produire, un importateur devrait demander une licence d'établissement de Santé Canada, et l'établissement devrait être approuvé par le ministère sous l'angle des Bonnes pratiques de fabrication.
En dernier lieu, en ce qui concerne la sécurité des patients et les effets indésirables des médicaments, le comité a demandé à Santé Canada de lui indiquer les modifications législatives que souhaiterait le ministère, et dont il aurait besoin, afin de protéger davantage les Canadiens à l'égard des médicaments sur ordonnance offerts sur le marché canadien.
Il importe de rappeler que le Canada possède l'un des systèmes de réglementation des médicaments les plus sûrs et les plus rigoureux dans le monde. Comme je l'ai indiqué précédemment, pour que des médicaments sur ordonnance soient commercialisés au Canada, le fabricant doit satisfaire aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application en établissant la preuve que le médicament est sûr, efficace et de haute qualité pour l'utilisation à laquelle il est destiné. Les avantages d'un médicament doivent toujours l'emporter sur les risques.
Cela dit, les médicaments sur ordonnance ne sont jamais complètement sans risque, et des problèmes d'innocuité peuvent émerger seulement une fois que le produit est sur le marché mondial.
Santé Canada atténue ces risques en exerçant un certain nombre d'activités de surveillance après la commercialisation que j'ai mentionnées précédemment, telles que la collecte et l'examen des rapports d'effets indésirables des médicaments, l'examen des rapports périodiques d'innocuité présentés par les fabricants et l'analyse de l'information recueillie auprès de diverses sources comme la littérature médicale et scientifique, d'autres organismes de réglementation à l'échelle internationale et les fabricants.
Néanmoins, même si des mesures sont prises sur une base continue afin de renforcer la sécurité après la commercialisation, Santé Canada n'a pas encore tous les pouvoirs législatifs qui sont actuellement accordés à des homologues internationaux comme les États-Unis et l'Europe.
C'est pourquoi la ministre de la Santé a déposé le 6 décembre 2013 la Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses, ou Loi de Vanessa, proposant des modifications législatives visant à mieux protéger la santé et la sécurité des patients, et à faire en sorte que les consommateurs aient une plus grande confiance à l'égard des produits thérapeutiques offerts sur le marché canadien.
Les dispositions de la Loi de Vanessa sont conçues pour fournir des améliorations majeures à la sécurité des patients et protéger les familles canadiennes contre les médicaments, avec ou sans ordonnance, dangereux, et les instruments médicaux dangereux. Les nouveaux pouvoirs permettraient à Santé Canada de recueillir plus d'informations sur l'innocuité, et de prendre rapidement des mesures en cas de problème.
Par exemple, si un nouveau risque pour la sécurité était décelé, Santé Canada aurait la capacité de contraindre la société pharmaceutique à compiler des informations, comme une nouvelle étude clinique; d'ordonner un changement d'étiquette; ou de rappeler un produit thérapeutique. L'inobservation de ces exigences pourrait entraîner des poursuites avec des amendes et des peines plus élevées qui reflètent la gravité des infractions.
De plus, le comité a demandé si et comment Santé Canada réagit aux rapports d'effets indésirables des médicaments soumis par des professionnels de la santé. Le ministère réagit à ces rapports. Une fois qu'un rapport est soumis, Santé Canada en accuse réception par l'envoi d'une lettre, par la poste ou par courriel, aux professionnels de la santé et aux consommateurs qui ont déclaré ces effets par télécopieur, par la poste ou au téléphone.
Ceux qui déclarent en ligne des effets indésirables de médicaments reçoivent un accusé de réception après leur déclaration. Les accusés de réception renferment un numéro de suivi qui peut être utilisé comme numéro de référence dans le cas où des informations supplémentaires sur un rapport d'effets indésirables sont nécessaires.
De plus, des extraits dépersonnalisés de rapports d'effets indésirables sont disponibles pour les professionnels des soins de santé, sur une base trimestrielle, sur le site web de Santé Canada.
Santé Canada partage également avec les professionnels des soins de santé des informations provenant de sources comme des revues scientifiques, des études menées par les fabricants et des renseignements provenant d'autres organismes de réglementation, en affichant des examens de l'innocuité des médicaments et des communications sur les risques.
En outre, comme je l'ai mentionné précédemment, Santé Canada affiche maintenant des résumés d'examens de l'innocuité des médicaments menés après la commercialisation qui offrent aux Canadiens et aux professionnels des soins de santé des descriptions en langage clair des conclusions et des décisions de Santé Canada, y compris les détails de l'évaluation, les conclusions et les mesures qui ont été prises.
Ces initiatives et bien d'autres s'inscrivent dans le cadre des efforts de modernisation de la réglementation déployés par Santé Canada, qui visent à améliorer l'innocuité des produits pharmaceutiques sur ordonnance offerts aux Canadiennes et aux Canadiens sur le marché canadien. Le ministère surveillera et évaluera les résultats de ces initiatives une fois qu'elles seront mises en place, pour s'assurer qu'elles atteignent pleinement leurs objectifs. Il serait donc prématuré à ce stade de spéculer sur toute autre modification législative ou réglementaire, qui pourrait s'avérer nécessaire.
[Français]
Monsieur le président, c'est ainsi que prend fin mon allocution. Je suis heureuse d'être de retour devant le comité. Je suis prête à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci, docteure Sharma. Avant de passer aux questions, j'aimerais vous demander quelques précisions concernant votre document.
Premièrement, à la page 36, vous dites au premier paragraphe « des mesures comme la suspension ou l'annulation de l'autorisation de commercialisation », et cetera. Avez-vous le pouvoir d'annuler l'autorisation d'un médicament d'ordonnance?
Dre Sharma : Oui. La loi et la réglementation actuelles renferment deux articles à cet effet. Il s'agit des articles C.01.013 et C.01.014. Cela permet au ministère de demander des renseignements sur l'innocuité, le rendement et l'efficacité du produit pour déterminer le rapport risques-avantages. Si l'analyse des risques démontre que les avantages ne l'emportent plus sur les risques, nous pouvons faire cesser la vente du produit visé. Dans les faits, c'est une interdiction de vente.
La loi et son règlement prévoient une autre disposition en ce sens. Il s'agit du paragraphe C.08.006(2), qui nous permet d'intervenir encore plus rapidement. Si un produit présente un risque immédiat pour la santé, nous pouvons suspendre l'avis de conformité. On procède ensuite à la formation d'un comité d'examen qui sera chargé d'évaluer l'innocuité du médicament, et pour lequel le ministère, une compagnie pharmaceutique et une tierce partie désignent chacun un représentant. D'ici à ce que la discussion ait abouti à une décision, nous pouvons ordonner l'interdiction de vente temporaire du produit.
Le président : D'accord. C'était important de savoir si vous aviez le pouvoir d'interdire la vente d'un produit. Merci. Vous nous l'avez confirmé.
À la page 40, pour que les choses soient claires, quand le comité a parlé des tests en Europe, je crois qu'il faisait référence aux médicaments importés directement de l'Inde. Il n'insinuait pas que tous les médicaments importés par l'Union européenne sont testés. Je pense que c'est à cela que se rapportait la question.
Je comprends que l'Union européenne ne teste pas tous les lots de médicaments importés, mais la question portait précisément sur ceux importés de l'Inde. Je voulais seulement le préciser. Nous allons revenir sur le sujet de l'Inde plus tard.
Le sénateur Eggleton : Puis-je poser une question?
Le président : La question de l'Inde sera traitée séparément. Je voulais juste apporter des précisions pour le moment. Nous allons y revenir. Je ne fais que clarifier la formulation, c'est tout.
À la page 44, pour ce qui est de Wockhardt Limited, le médicament qui avait été frappé d'une interdiction était de l'insuline. Vous dites qu'aucune insuline produite par Wockhardt n'est importée au Canada, est-ce bien cela?
Dre Sharma : Seule l'insuline produite aux installations de Chikalthana avait été interdite. On produit de l'insuline aux installations frappées de l'interdiction d'importation, mais le Canada n'importe aucun produit de cette usine.
Le président : Pas d'insuline produite dans ces installations.
Dre Sharma : C'est exact.
Le président : Merci. J'ai eu les précisions que je voulais.
Passons maintenant aux questions sérieuses de mes collègues, en commençant par le sénateur Eggleton, qui sera suivi de la sénatrice Seidman, puis de la sénatrice Stewart Olsen.
Le sénateur Eggleton : Je reviens moi aussi à votre document. À la page 39, vous dites avoir compilé pour le comité des informations sur le pays de fabrication de 54 p. 100 de ces produits. Qu'en est-il des 46 p. 100 restant? Vous l'ignorez?
Dre Sharma : Les autres produits remontent avant 2004, et les données n'étaient pas recueillies systématiquement de la même façon à ce moment-là. Les informations sont tout de même dans les bases de données. Seulement, il faut faire les recherches manuellement dans chacune des présentations de drogue nouvelle. Les informations compilées remontent au plus loin à 2005 et il était plus simple de les colliger grâce aux bases de données. C'est pour cette raison que nous vous avons soumis ces statistiques.
Le sénateur Eggleton : Ces statistiques font état de la situation actuelle et sont tout à fait à jour?
Dre Sharma : C'est exact, oui.
Le sénateur Eggleton : Juste au-dessus, vous dites : « Les entreprises sont invitées à fournir le nom des pays où la forme posologique finale du produit pharmaceutique est fabriquée. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas nécessairement du pays où le produit est étiqueté et emballé ou du pays d'où proviennent les ingrédients pharmaceutiques actifs. »
Cela pose également problème, parce que le porte-parole de la société mère de Ranbaxy a indiqué que certains médicaments importés au Canada provenaient d'un vieil inventaire de médicaments des usines de Toansa et de Dewas, mais étaient envoyés à une autre installation pour l'emballage. Comment savoir de quelle il s'agit? Puisqu'il est question d'une activité criminelle, car les responsables ont été trouvés coupables, comment pouvez-vous être sûrs que les médicaments n'ont pas été étiquetés ailleurs qu'à l'usine où ils ont été fabriqués? On les laisse entrer parce qu'ils ne proviennent pas des usines blâmées.
Dre Sharma : Je vais renvoyer la question à Mme Chiponski pour ce qui est de la licence d'établissement. Nous pourrons ensuite répondre à vos autres questions.
Robin Chiponski, directrice générale, Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Sur une demande de licence d'établissement, on indique le type de fabrication pour chaque installation. Cela pourrait donc être la fabrication de produits finis, et on précise alors s'il s'agit d'un médicament sous forme stérile ou sous forme de comprimés. Ce sont les caractéristiques du produit qui sont précisées, et pas nécessairement les produits eux-mêmes. Ce genre d'information est donné sur la demande de licence d'établissement.
Cependant, le problème qu'a soulevé le sénateur concernant la chaîne d'approvisionnement ne se reflète pas nécessairement dans la demande de licence d'établissement en tant que telle, mais si d'autres installations interviennent dans la chaîne de fabrication, celles-ci doivent être énumérées sur la licence d'établissement. On exige également de démontrer que les Bonnes pratiques de fabrication sont respectées dans ces autres installations.
Le sénateur Eggleton : Que se passe-t-il si ce n'est pas le cas? Comment faire confiance à une entreprise qui a été condamnée et mise à l'amende pour avoir distribué des médicaments non conformes?
Mme Chiponski : La condamnation à laquelle vous faites référence, monsieur le sénateur, porte sur des faits qui remontent à 2008. Les longues procédures judiciaires se sont donc étirées de 2008 à 2014, car c'est en 2008 que la FDA des États-Unis a signalé ces problèmes.
Depuis, d'autres administrations, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont inspecté ces installations et nous ont transmis leur évaluation concernant le respect des Bonnes pratiques de fabrication. D'après ces analyses, le Canada a également conclu que ces installations se conformaient aux normes.
Le sénateur Eggleton : C'est un peu étrange. Vous avez dit quelque chose de semblable la dernière fois, ou quelqu'un d'autre l'a dit. C'est dans le procès-verbal. Vous parliez des installations de Ranbaxy :
[...] nous avons constaté que des signataires de l'accord de reconnaissance mutuelle ainsi que l'OMS avaient conclu que les sites en question étaient conformes aux normes.
Vous avez ainsi réitéré au comité que Santé Canada avait conclu que les sites étaient conformes. J'ai pourtant ici un document de l'Organisation mondiale de la Santé. Il n'est pas question de 2008, mais du 24 janvier 2014. On parle de la suspension d'un fabricant et des médicaments fabriqués à diverses installations de Ranbaxy, et c'est accompagné d'une déclaration de l'Agence européenne des médicaments (EMA). Il s'agit de l'autorité sanitaire de l'Union européenne. On y indique que la société est actuellement suspendue. Cela date d'il y a trois semaines seulement, pas de 2008.
Pourquoi les médicaments de Ranbaxy figurent-ils toujours sur la liste? Il y a même un médicament figurant dans la liste que vous nous avez donnée aujourd'hui — au moins un — qui vient directement d'un des sites frappés de l'interdiction ordonnée par ces autres entités.
Ce que vous avez dit au comité la dernière fois ne semble pas être exact. Avez-vous induit le comité en erreur?
Mme Chiponski : Non, monsieur le sénateur, je n'ai pas induit le comité en erreur. Ranbaxy possède de nombreuses installations en Inde. Parlez-vous du site de Toansa en ce qui a trait à janvier 2014?
J'ai depuis reçu des informations à l'effet que des problèmes avaient été relevés et qu'on a travaillé avec Ranbaxy Canada pour interrompre l'importation et la distribution des produits issus des sites en question jusqu'à ce qu'on ait pu déterminer l'ampleur des dégâts. Ranbaxy s'est plié à cette demande de façon volontaire.
L'OMS nous a emboîté le pas, et nous avons par la suite examiné les données d'inspection avant d'accorder à la société une note de conformité assujettie à certaines conditions. L'Irish Medicine Board a récemment effectué une inspection surprise à ce même site en mars 2014 et a jugé qu'il était conforme. Nous devrions recevoir ce rapport sous peu.
Je faisais référence à un site différent lors de mon témoignage précédent.
Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas vraiment satisfaisant, à mon avis. J'estime qu'il s'agit d'une activité criminelle, car les responsables ont été reconnus coupables. Le gouvernement indien ne voue pas, lui non plus, une grande confiance à Ranbaxy. L'Organisation mondiale de la Santé a indiqué qu'un médicament sur cinq fabriqués en Inde était contrefait. Je m'inquiète de la sécurité de la population canadienne.
Je crois que votre déclaration d'aujourd'hui est bien jolie, mais ce n'est rien de plus qu'un beau discours. Je ne suis pas persuadé que les Canadiens devraient croire un seul mot de ce que vous dites.
Je veux aborder un autre sujet, soit celui de la contrefaçon des médicaments. Il y a une loi qui interdit la contrefaçon de médicaments, qu'ils soient vendus ici, au Canada, ou ailleurs — par une société canadienne ou peu importe. Je peux vous lire l'extrait exact, mais vous savez probablement de quoi je parle. Des témoins sont venus nous dire qu'ils n'avaient trouvé aucune indication que des poursuites avaient été intentées au Canada contre des personnes qui auraient vendu des médicaments non approuvés sur Internet, puisque c'est sur Internet que la plupart de ces transactions sont effectuées.
Mais ce qui est intéressant, c'est qu'ils ont constaté que les Américains avaient intenté plusieurs poursuites contre des Canadiens pour ce genre de crime. En fait, un de nos témoins m'a transmis des documents — et je vais les remettre au comité — tirés d'Internet qui portent sur la contrefaçon de médicaments. C'était très intéressant, parce que le médecin dont je vous parle a obtenu un produit ici, au Canada, auprès de www.northdrugstore.com, et aussi dans un autre pays, où l'entreprise porte un nom différent.
Le site web d'ici indiquait que certains de ces produits, qui n'avaient pas été approuvés par Santé Canada, n'étaient pas offerts au Canada. D'accord, c'est logique. Mais le même produit, un produit appelé « eriotinib » — je ne sais pas s'il s'agit du code désigné ou du nom du produit... On nous dit que le produit n'est pas offert au Canada. Mais sur le site de l'autre pays, le produit est offert et on y trouve pas mal de renseignements sur l'entreprise, assez pour savoir que c'est une entreprise canadienne. On nous donne même une adresse, à Toronto, et un numéro de téléphone.
Si on peut trouver toutes ces informations sur Internet simplement en faisant des vérifications en ligne ici et ensuite dans un autre pays, pourquoi ne déployez-vous pas plus d'efforts pour poursuivre les auteurs de ces activités illégales, et certains de ces produits sont très dangereux. Certains ne sont même pas valides si on parle d'ingrédients approuvés. En fait, ils pourraient s'avérer extrêmement dommageables pour la population d'ici et d'ailleurs.
Nous avons une adresse et un numéro de téléphone. Pourquoi n'intentons-nous pas des poursuites contre ces personnes? Les Américains le font.
Mme Chiponski : Je peux répondre à cette question.
Il est difficile pour les Canadiens de reconnaître les détaillants autorisés sur Internet et les autres. Ceux qui essaient de tromper délibérément les Canadiens prennent évidemment grand soin de détourner les procédures normales pour maintenir une chaîne d'approvisionnement légitime. Cela complique donc les choses.
S'ajoutent à cela l'anonymat que procure l'Internet, et la capacité de manipuler l'information que l'on veut présenter au monde entier. Une organisation américaine, la National Association of Boards of Pharmacy, a reconnu ce problème et s'est penchée sur l'utilisation possible du suffixe « .pharmacy » comme mesure pour aider les Canadiens à distinguer les fournisseurs légitimes des fournisseurs illégaux. Le Canada a d'ailleurs participé à cette discussion.
Vous avez demandé pourquoi nous n'engageons pas de poursuites. Étant donné que ces organisations opèrent intentionnellement à partir de la chaîne d'approvisionnement normale, les mesures normales ne sont pas forcément efficaces. Voilà pourquoi il faut faire appel à l'ensemble des cadres législatifs et réglementaires du Canada qui concernent Santé Canada, la Gendarmerie royale du Canada et l'Agence des services frontaliers. Par exemple, il faut examiner le Code criminel, la Loi sur les brevets, la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur les douanes, entre autres.
À Santé Canada, quand nous prenons conscience d'un problème, nous avertissons ces partenaires des cadres législatifs et réglementaires. Nous fournissons un soutien aux essais et nous collaborons aussi avec le Service des poursuites pénales du Canada. Voilà de quelle manière Santé Canada intervient.
Le sénateur Eggleton : Je regrette, mais ce n'est tout simplement pas crédible. Vous dites que vous vous souciez principalement de la sécurité des Canadiens, pourtant, il serait facile de saisir les éléments de preuve. Je peux vous les donner : 2, rue Toronto, bureau 462. J'ai le numéro de téléphone. Si vous vous préoccupez de la sécurité des Canadiens, pourquoi n'allez-vous pas chercher des renseignements de ce genre, en collaborant avec les partenaires de la GRC, de l'Agence des services frontaliers du Canada ou d'autres encore, pour tenter de mettre fin au problème? Les Américains semblent le faire.
Permettez-moi de poser une autre question, si je le puis. Vous avez parlé de travailler avec des partenaires comme la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada. D'après ce que je comprends, depuis 2008, la GRC, l'ASFC et vous participez à l'opération Pangea, une opération annuelle de lutte contre la vente illicite de médicaments sur Internet d'une semaine.
En juin 2013, la GRC, l'ASFC et Santé Canada ont intercepté des médicaments interdits et contrefaits introduits au pays par la poste, saisissant plus de 238 000 doses de médicaments illicites et contrefaits d'une valeur de plus de 1 million de dollars.
Si vous pouvez saisir un tel montant en une semaine, pourquoi ne le faites-vous pas chaque semaine? Pourquoi ne le faites-vous pas tout au long de l'année? Aussi, pourquoi ne fournit-on pas de meilleurs outils aux organismes d'application de la loi? Par exemple, dans certains pays, on utilise un spectromètre Raman, qui peut être utilisé pour analyser les médicaments dans leur emballage. Il suffit de pointer l'appareil vers un échantillon, et il vous donnera une idée du degré d'authenticité du médicament. Il paraît que la FDA et les autorités douanières américaines s'en servent, tout comme plusieurs autres pays, notamment le Nigeria. Pourquoi ne nous en servons-nous pas? Pourquoi ne recommandez-vous pas aux organismes d'application de la loi d'utiliser un appareil de ce genre pour aider à déceler les médicaments interdits, et pourquoi ne déployons-nous pas de tels efforts pendant plus qu'une semaine par année?
Mme Chiponski : Je vais répondre à la question sur la technologie en question, puis je laisserai à ma collègue, la Dre Sharma, le soin de répondre à certaines des autres questions. En fait, nous utilisons cette technologie aux frontières et nous travaillons en collaboration avec nos collègues de la FDA pour la tester et l'utiliser dans différents contextes dans trois régions du Canada.
Le sénateur Eggleton : Je pense que nous ferions mieux de vérifier le compte rendu, parce qu'il me semble qu'on nous a dit que cette technologie n'était pas utilisée. D'accord. Quoi qu'il en soit, pourquoi alors ne le faites-vous pas plus souvent?
Mme Chiponski : Parlez-vous de l'opération Pangea?
Le sénateur Eggleton : Oui.
Mme Chiponski : D'après ce que je comprends, chaque jour, les employés de l'ASFC traitent — je veux simplement m'assurer de dire vrai — 137 000 produits expédiés par la poste de même que 100 000 produits expédiés par messager. À mon avis, ce sont les chiffres que leurs représentants ont donnés dans le cadre de témoignages précédents ou m'ont fournis. Ils examinent donc beaucoup de produits au moment où ceux-ci traversent nos frontières dans divers centres postaux, et ils adoptent une approche axée sur les risques en se fondant sur les renseignements que Santé Canada leur a fournis.
L'objectif et l'ampleur de l'opération Pangea sont différents de ceux des activités de tous les jours. Il s'agit d'une attaque éclair concertée, à laquelle Santé Canada se livre de temps en temps en dehors des exercices de l'opération Pangea.
Dre Sharma : Le ministère partage absolument les mêmes préoccupations que vous au sujet des pharmacies sur Internet. Un des plus gros problèmes avec les entreprises qui se présentent comme étant situées au Canada, quand la GRC et d'autres organismes d'application de la loi les traquent, c'est que la grande majorité d'entre elles ne se trouvent pas physiquement au Canada. La manière dont elles ont redirigé leurs sites Internet montre ou semble montrer qu'ils sont réellement au Canada. Or, en fait, elles importent des médicaments ou des ingrédients pharmaceutiques actifs d'autres pays et les expédient immédiatement. Beaucoup de ces produits ne passent même pas par le Canada.
Nous collaborons avec la GRC pour essayer de voir si certaines pharmacies Internet dirigent réellement des activités en sol canadien et si celles-ci vendent des produits de contrefaçon. Pour être parfaitement honnête, si nous en arrivons au point d'intenter des poursuites, les amendes et les pénalités prévues à l'heure actuelle sont risibles. Voilà pourquoi, quand le projet de loi C-17 sera adopté, au lieu de prévoir des amendes maximales d'environ 5 000 $, celles-ci pourront s'élever à plus de 5 millions de dollars, assorties d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans. Une raison pour laquelle nous montrons de la réticence à intenter des poursuites judiciaires, c'est que nous nous demandons ce que nous aurions vraiment à gagner à le faire.
Quant aux spectromètres Raman, je peux confirmer que nous en avons bel et bien reçu en 2013, cela dans le cadre d'une initiative de travail partagé avec le groupe d'application américain de la FDA. Par conséquent, nous les déployons pour voir dans quelle mesure ils sont efficaces. Pour les gens qui ne sont pas familiers avec ces appareils, ils diffusent un rayonnement lumineux qui engendre des raies. Ceux-ci servent à scanner les produits en temps réel pour permettre de décider s'ils devraient être interceptés à la frontière parce qu'on les soupçonne d'être des biens de contrefaçon.
La sénatrice Seidman : Docteure Sharma, si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une petite question de clarification au sujet de ce que vous avez dit aujourd'hui concernant les pénuries de médicaments. Si j'ai bien compris, à l'heure actuelle, vous n'avez pas besoin d'une autorisation législative pour réduire l'impact des pénuries de médicaments, ou alors c'est ce que vous avez sous-entendu dans vos propos. J'aimerais seulement savoir si j'ai bien compris.
Dre Sharma : Oui, et le problème auquel nous sommes confrontés sur le plan des pénuries de médicaments est complexe. Selon nous, nous avons les outils nécessaires pour répondre à une pénurie de médicaments, si jamais le fédéral doit prendre des mesures soit pour hâter un examen soit pour essayer de trouver un fournisseur étranger d'un autre produit. Nous avons le pouvoir discrétionnaire en matière de conformité et d'application de la loi pour être en mesure de le faire passer à la frontière. Aux termes du Programme d'accès spécial, nous détenons les autorisations nécessaires pour faire entrer des produits au pays dans le cadre d'une mesure exceptionnelle. Voilà ce que nous pouvons faire en cas de pénurie. En ce moment, notre véritable objectif, c'est d'améliorer le travail en amont, en collaboration avec les provinces et les territoires, et de déterminer ce qui est à l'origine des pénuries, en collaboration avec l'industrie. Nous voulons voir ce qui arrive réellement et prévenir les pénuries, au lieu de devoir demander au fédéral de prendre des mesures d'urgence pour répondre aux besoins des patients quand il y a des pénuries.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. J'ai compris.
Maintenant, j'aimerais aborder l'utilisation des antibiotiques dans les fermes d'élevage à la lumière d'un rapport de l'OMS qui vient d'être publié aujourd'hui — dont vous devez certainement être au courant. Le rapport presse les pays d'agir immédiatement à cause des graves risques que présente la résistance aux antimicrobiens pour la santé des gens. Je sais qu'un plan d'action national a été élaboré par le Comité canadien sur la résistance aux antibiotiques il y a 10 ans, mais celui-ci n'a jamais été mis en œuvre.
Qu'est-il advenu de ce plan?
Dre Sharma : Il faudrait que je parcoure le rapport pour vous donner une réponse précise. Je ne l'ai jamais lu. Cependant, je pourrais vous dire quelles mesures nous prenons à l'heure actuelle au chapitre de la résistance aux antimicrobiens. Cependant, il faudrait que je vous revienne là-dessus avec des précisions à ce sujet.
La sénatrice Seidman : J'aimerais passer à des questions précises sur l'utilisation des antibiotiques dans les fermes d'élevage. Pourriez-vous nous dire ce qu'il est advenu de ce plan? Il a été présenté il y a 10 ans, et le comité qui l'a publié a été démantelé en 2009.
Dre Sharma : Savez-vous s'il s'agit de l'initiative qui a été menée par l'Agence de la santé publique?
La sénatrice Seidman : Oui — le Comité canadien sur la résistance aux antibiotiques.
Dre Sharma : Alors, je vais laisser à mes collègues de l'Agence de la santé publique le soin de répondre à cette question.
Dre Theresa Tam, chef de la direction générale, Direction générale de l'infrastructure de sécurité sanitaire, Agence de la santé publique du Canada : Selon nous, les éléments clés du plan sont solides — d'ailleurs nous mettons en œuvre un certain nombre d'entre eux. Tout comme le rapport de l'OMS qui a été publié aujourd'hui, le plan était axé sur la surveillance.
Aujourd'hui, le rapport de l'OMS a tourné l'attention de tous les pays sur le problème mondial de la résistance aux antimicrobiens et a fait état, entre autres, de l'importance fondamentale de la surveillance d'un grand nombre de pathogènes précis, comme la tuberculose, le VIH et la grippe. Comme le rapport le signale, le Canada possède déjà un système de surveillance pour suivre l'évolution de ceux-ci.
La sénatrice a aussi posé des questions sur la résistance aux antimicrobiens chez les animaux destinés à l'alimentation et faisant partie de la chaîne alimentaire. Il est également question de cela dans le rapport de l'OMS, qui appelle à la mise en place de systèmes de surveillance intégrés. Au chapitre 5, on dit que le Canada figure parmi 11 pays — la zone européenne, les États-Unis, le Japon et le Canada sont les seuls pays à avoir un système de surveillance intégré. Des témoins précédents ont indiqué que le Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens est un programme phare extrêmement important, qui nous permet de voir les données tant sur l'utilisation des antimicrobiens — la quantité — que sur la résistance aux antimicrobiens causée par les animaux destinés à l'alimentation, les aliments et les humains.
Certaines des préoccupations à avoir été formulées dans le rapport portent sur la priorité que nous accordons à ces systèmes de surveillance phares. Je tiens simplement à répéter que l'agence, la ministre, de même que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous comme priorité de continuer d'appuyer et d'améliorer ces systèmes de surveillance.
Bien que nous ayons accès aux données, nous sommes conscients qu'il faudrait améliorer et renforcer l'intégration avec les universitaires, le secteur privé et différents ordres de gouvernement. Il s'agit d'un dossier complexe.
La sénatrice Seidman : Je ne souhaite pas vous interrompre, docteure Tam, mais j'aimerais approfondir cette question. À l'automne 2013, le Dr David Butler-Jones, l'ancien administrateur en chef de la santé publique, a publié un rapport selon lequel plus des trois quarts des antimicrobiens utilisés au Canada sont administrés aux animaux.
Je reconnais que, le 10 avril, Santé Canada a publié un avis aux intervenants pour les informer de son intention de retirer les allégations des médicaments liés à la stimulation de la croissance qui sont donnés aux animaux, et que, par ailleurs, le ministère a essayé d'aligner le Canada sur les mesures adoptées par la FDA. Or, notre comité a entendu que, en réalité, il existe deux brèches dans la loi qui permettent l'importation non surveillée d'antibiotiques pour être utilisés dans les aliments pour animaux. La première, c'est la disposition sur l'importation pour usage personnel, et la deuxième, celle sur l'importation proprement dite d'ingrédients pharmaceutiques actifs.
Êtes-vous conscients des brèches qui permettent l'importation non surveillée d'antibiotiques pour être utilisés dans les aliments pour animaux, et est-ce que Santé Canada est prêt à colmater ces brèches?
Dre Sharma : Oui, absolument, nous en sommes conscients. Je voudrais simplement préciser que, en fait, la disposition sur l'importation d'antibiotiques pour usage personnel vise seulement les antibiotiques en vente libre. Il est interdit d'importer des antibiotiques pour usage personnel destinés aux animaux à moins qu'il s'agisse d'antibiotiques sur ordonnance. Toutefois, même à l'intérieur de cette catégorie, nous collaborons avec les provinces et les territoires pour déterminer quels médicaments en vente libre passent à la frontière, combien d'entre eux passent et aussi quel est l'usage judicieux de ces produits. Il en va de même pour les ingrédients pharmaceutiques actifs; jusqu'à tout récemment, nous n'avions pas de cadre réglementaire pour ceux-ci. Par conséquent, maintenant, nous cherchons à instaurer un contrôle plus rigoureux des ingrédients pharmaceutiques actifs.
Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse d'antibiotiques en vente libre ou sur ordonnance, il est essentiel d'en faire un usage judicieux et approprié. Voilà pourquoi nous faisons appel à la collaboration des associations de protection des animaux, de même qu'à celle des provinces et des territoires pour informer la population à ce sujet.
En ce qui concerne les allégations qui figurent présentement sur les étiquettes des produits, nous n'avons pas approuvé de nouvelle allégation de stimulation de la croissance depuis plus de 10 ans. Nous sommes en train d'analyser rétrospectivement les antibiotiques qui sont déjà sur le marché et pour en retirer systématiquement les allégations de ce genre. Nous collaborons avec les États-Unis, qui se livrent au même exercice, de manière à avoir tout terminé en même temps que les États-Unis comptent avoir terminé. Tout devrait être fait d'ici décembre 2016. Bien sûr, les États-Unis ont plus de produits que le Canada, mais nous avons comme objectif de terminer en même temps.
La sénatrice Seidman : Un article intéressant est paru dans les journaux le week-end dernier concernant le recours à une réglementation sévère pour éliminer la dépendance aux antibiotiques : « Tandis que le Canada lambine, le Danemark montre au monde comment mettre fin à la médication de masse des animaux. »
Est-ce que Santé Canada est au courant de la stratégie impressionnante du Danemark? Par exemple, il y a plus de 10 ans que les Danois ont interdit la vente de stimulateurs de croissance. Ils ont adopté une loi qui empêche les vétérinaires de tirer des profits de la vente des antibiotiques aux éleveurs. Pour acheter des antibiotiques, ceux-ci doivent désormais présenter une ordonnance au pharmacien. Les Danois ont créé VetStat, un système national qui permet de suivre l'utilisation des antibiotiques dans chaque ferme d'élevage et chaque troupeau. En 2010, ils ont mis au point un système de carte jaune qui met en lumière les éleveurs qui utilisent de grandes quantités d'antibiotiques.
Par conséquent, les Danois ont également réduit l'utilisation d'antibiotiques destinés aux humains pour les animaux de la ferme — ce qui nous ramène à la question de la résistance. Si les éleveurs réduisent l'utilisation des antibiotiques destinés aux humains, de toute évidence, cela préviendra l'émergence et la propagation de bactéries résistantes aux médicaments utilisés pour combattre les infections chez les humains.
Que pensez-vous des mesures que le Danemark a prises pour régler ce problème très grave?
Dre Sharma : Merci. Nous sommes au courant de ce qui se fait au Danemark et nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues étrangers, plus particulièrement à l'application des recommandations formulées par l'OMS en matière de surveillance vétérinaire de l'utilisation des antibiotiques, qu'ils fassent ou non l'objet d'une ordonnance. Tout dépend de la part de la surveillance qui sera assurée par le gouvernement fédéral. Du point de vue réglementaire, à l'Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada, nous sommes chargés d'autoriser la mise sur le marché des produits — notamment les renseignements et les avertissements qui figurent sur les étiquettes, afin de veiller à ce que les gens possèdent assez de renseignements pour utiliser les produits comme il se doit — et nous collaborons aussi avec les praticiens.
Par conséquent, nous tiendrons compte des pratiques des Danois au fur et à mesure que nous élaborons le plan. Nous sommes très préoccupés par les statistiques que l'OMS a présentées. Il est maintenant question de l'ère qui vient avant les antibiotiques et de l'ère qui vient après les antibiotiques, où les humains sont atteints de maladies qui ne répondent pas aux antibiotiques de base que nous utilisons depuis longtemps. Aujourd'hui, un appel a été lancé à tous les pays, pour qu'ils se penchent sur le problème; nous travaillons déjà avec nos collègues du ministère de l'Agriculture, de même que nos homologues des États-Unis et de l'Union européenne pour trouver une solution au problème.
Nous avons aussi fait œuvre de pionniers dans certains domaines sur le plan de l'établissement de normes pour certains de ces produits. Il existe un groupe appelé la conférence internationale sur l'harmonisation pour les médicaments à usage vétérinaire, et, en tant que représentant, Santé Canada, a particulièrement contribué à cette tâche. Beaucoup des documents d'orientation axés sur la résistance aux antimicrobiens et l'utilisation judicieuse des antibiotiques ont été rédigés sous le leadership des Canadiens. Or, de toute évidence, d'après l'appel de l'OMS que nous avons entendu aujourd'hui et les renseignements tirés de la surveillance, il reste encore beaucoup à faire.
La sénatrice Seidman : Je pense que oui. Avez-vous établi un certain calendrier pour les tâches à accomplir en vue de régler cette crise qui ne cesse de s'aggraver afin de protéger les Canadiens?
Dre Sharma : Pour ce qui est des renseignements qui figurent sur les étiquettes des produits, nous avons élaboré un plan de transition sur trois ans. La durée de la suite du processus dépendra du travail que nous effectuerons avec nos homologues. Beaucoup des moyens d'action sont de compétence provinciale et territoriale, par conséquent, cela dépendra également des réponses individuelles des provinces aux appels à l'action.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie tous d'être de nouveau parmi nous.
J'ai quelques questions, surtout pour comprendre exactement comment le ministère exerce ses activités; je trouve cela un peu inquiétant.
Dans presque tout ce que vous dites aujourd'hui, j'ai remarqué qu'il est question de « nos partenaires » et « d'autres pays ». Quand nous parlons de nos accords de reconnaissance mutuelle, vous dites toujours « nous comptons sur nos partenaires ».
J'aimerais savoir ce que fait le Canada de façon proactive. Je ne vous ai pas entendu parler de nos propres évaluations, visites sur le terrain ou mesures de surveillance. J'ai entendu beaucoup de phrases où il était question de nos partenaires, de nos partenaires et de nos partenaires. J'ai toujours préféré avoir un ministère proactif. J'aimerais donc en savoir davantage sur la façon dont nous agissons de façon proactive.
Dre Sharma : Voulez-vous dire des activités d'inspection?
La sénatrice Stewart Olsen : Peu importe. Si je me fie seulement à vos réponses d'aujourd'hui, je n'ai pas l'impression que nous prenons quelque initiative que ce soit pour aller de l'avant. Je crois que l'Irlande a effectué une visite. Sûrement qu'un pays de la taille du Canada, où tant de personnes prennent des médicaments, devrait lui-même lancer une initiative de ce genre au lieu de compter sur l'Irlande. Je sais que nous avons des partenaires de confiance, mais j'ai du mal à accepter que nous sommes relégués au second plan et que nous croyons tout le monde sur parole. Nous prenons beaucoup de mesures en fonction de ce que disent les autres pays — ou peut-être que je me trompe et que j'ai tout à fait mal interprété vos propos.
Le président : Nous n'allons pas parler en détail du domaine de compétence pharmaceutique. Parlez-nous d'un exemple où vous estimez que le Canada a pris une initiative pour protéger les humains — soit les humains ou les animaux — d'éventuels problèmes relativement aux médicaments sur ordonnance.
Dre Sharma : Je crois que je vais laisser à ma collègue des inspections le soin de répondre à cette question. La raison pour laquelle nous parlons beaucoup de nos partenaires, c'est que beaucoup des questions ont surtout porté sur les sites d'inspection à l'étranger. Sur la scène internationale, nous avons travaillé avec des partenaires du fait que, dans le cas d'un site en particulier, nous avons vu de nombreux pays entrer...
Le président : Je vous en prie, docteure Sharma, répondez à la question. Donnez-nous un exemple où le Canada a été proactif et a pris une initiative concernant les enjeux des médicaments sur ordonnance.
Dre Sharma : Il y a une foule d'exemples.
Le président : Nous voulons seulement en entendre un.
Dre Sharma : Oui.
Mme Chiponski : J'en ai un. J'ai devant moi une liste de 14 inspections de sites étrangers que le Canada a menées en 2013-2014. Nous avons fait part des conclusions auxquelles nous sommes arrivés avec nos partenaires des accords de reconnaissance mutuelle, qui leur ont fait confiance.
Je ne sais pas si je devrais mentionner ceci, mais le Canada a mené l'inspection de cinq sites de plantes génétiquement modifiées en Inde.
La sénatrice Stewart Olsen : À mon avis, il serait important pour nous d'en entendre parler.
Mme Chiponski : Nous avons mené les inspections de divers sites, notamment en Inde. Elles ont été dirigées par différentes régions du Canada et différents représentants. Parfois nous avons demandé à des partenaires d'autres pays à nous accompagner, mais voilà les inspections auxquelles nous avons participé et au cours desquelles nous nous sommes rendus sur le terrain pour faire le travail.
Je vais donner un exemple qui s'est produit aux États-Unis. L'été, nous y avons inspecté deux sites et nous leur avons donné une cote de conformité. Cependant, nous avons aussi appliqué à leurs permis certaines conditions à cause de problèmes que nous avons remarqués au cours des inspections, lesquels, selon nous, justifiaient une telle mesure.
La sénatrice Stewart Olsen : Pourrais-je savoir pourquoi vous avez engagé la visite de ces sites?
Mme Chiponski : Quand nous prenons l'initiative de visiter des sites, deux scénarios sont possibles. Dans les deux cas dont je viens de parler, d'autres organismes de réglementation nous avaient transmis des données relatives aux PGM, qui, à notre avis, ne nous permettaient pas de tirer de conclusion définitive. Les sites dont je parle contenaient beaucoup de produits médicalement nécessaires pour le Canada. Nous avons estimé qu'il était nécessaire pour nous de diriger des équipes pour en faire l'inspection nous-mêmes afin d'obtenir des renseignements de première main.
Quand on nous signale des risques de ce genre, ou quand nous ne sommes pas convaincus que les renseignements qui nous sont fournis suffisent pour en tirer une conclusion, nous prenons l'initiative d'effectuer une visite. Nous pouvons aussi lancer une inspection à la demande de l'entreprise.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends cela et, à mon avis, docteure Sharma, c'est louable. Néanmoins, vous comprendrez que je regarde cela avec un peu de trépidation parce qu'il semble que l'initiative vient toujours d'un autre pays. Nous ne semblons pas découvrir les choses nous-mêmes. Il se peut fort bien que nous le faisons, mais je m'inquiète du fait que nous comptons sur tous les autres pays au lieu d'aller de l'avant avec les renseignements que nous avons. C'était bon d'entendre que nous effectuons des inspections de site; je suis heureuse de l'apprendre.
L'autre question que j'aimerais poser porte sur l'OxyContin.
Je comprends ce que vous dites, notamment que l'OxyContin fait ce que l'étiquette dit qu'il va faire. Cela semble être la situation dans ce cas. Toutefois, existe-t-il un système qui vous permettrait de vous demander si le produit fait plus de mal que de bien? L'OxyContin entraîne une forte dépendance. On l'a prouvé à maintes reprises; de plus, il faut peu de temps pour en être dépendant. On peut en devenir dépendant après deux ou trois jours seulement.
J'aimerais savoir pourquoi on n'interdit tout simplement pas le produit? Je comprends qu'il fait exactement ce qu'il promet de faire, mais, si le mal l'emporte sur le bien, est-ce que Santé Canada n'a pas le devoir de décider que le médicament est trop dangereux pour être approuvé au Canada?
Dre Sharma : Voilà le critère que nous utilisons pour toute cette catégorie de produits et tous les opioïdes en raison de la manière dont ils agissent. Toute une série d'entre eux pourraient entraîner une dépendance. Cependant, s'agit-il d'une raison suffisante pour en priver les personnes qui pourraient vraiment en bénéficier? C'est toujours une décision difficile. Pourrions-nous mettre en place des mesures et des contrôles qui nous permettraient de surveiller son utilisation et d'en faire le suivi pour voir si des préoccupations subsistent? Quand nous craignons que les risques l'emportent sur les avantages, nous pouvons intervenir.
Nous nous concentrons sur l'utilisation...
La sénatrice Stewart Olsen : Non, je comprends; vous l'avez dit clairement. Toutefois, il y a d'autres médicaments qui sont utilisés pour soulager la douleur. Il a été démontré que l'OxyContin est très dangereux, trop facilement accessible, trop facile à prendre. Je doute de l'efficacité des mesures que nous avons mises en place. Cela me préoccupe.
Ce ne serait certainement pas la première fois qu'un médicament serait retiré du marché. On l'a déjà fait. Je pense que le fentanyl est encore utilisé pour les anesthésies. Les médecins le prescrivaient pour soulager la douleur, mais on a mis fin à cette pratique. Je pourrais me tromper quant au fentanyl, mais je sais que c'est déjà arrivé.
Qu'est-ce qui a changé pour que nous n'intervenions pas lorsque nous constatons que cela soulève de nombreuses préoccupations?
Dre Sharma : Je vais répondre à la partie de la question qui porte sur le fentanyl, puis je vais céder la parole à mes collègues au sujet de l'abus et du détournement.
Le fentanyl est encore sur le marché actuellement.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui, pour les anesthésies, mais il n'est pas prescrit généralement par les médecins.
Dre Sharma : Il l'est encore, et il existe sous d'autres formes. Les timbres de fentanyl sont utilisés pour le soulagement de la douleur; il est donc sur le marché.
La sénatrice Stewart Olsen : Mais pas...
Le président : Je vais devoir intervenir. N'entrons pas dans les détails. Une conférence a lieu près d'ici aujourd'hui. Je suppose que vous avez envoyé des gens à cet événement...
Dre Sharma : Oui.
Le président : ... qui porte sur les pratiques exemplaires à l'échelle internationale relativement à cette même question. C'est une situation complexe.
Mme Moran va nous donner une brève réponse à ce sujet. Ensuite, sénatrice, pourrai-je poursuivre?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Je veux comprendre le processus. Je ne mets pas l'accent sur des médicaments en particulier, mais je veux comprendre le processus.
Barbara Moran, directrice, Bureau de l'abus des médicaments d'ordonnance, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : En ce qui concerne l'oxycodone à action prolongée, soit l'OxyContin, c'est l'une des principales raisons pour laquelle il a été inscrit à l'annexe 1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cela signifie que nous avons mis en place des procédures additionnelles. D'ailleurs, nous avons mis en place des procédures qui sont expressément liées à l'oxycodone à action prolongée afin de régler les problèmes de détournement. Cela nous permet de mieux comprendre vers où ce médicament peut être détourné. Par exemple, les données sur la perte ou le vol de ce médicament sont transmises plus rapidement aux services policiers, ainsi qu'à Santé Canada. On nous présente des rapports de commandes inhabituelles d'oxycodone à action prolongée, de même que des rapports de ventes. Grâce à toutes ces données, nous pouvons mettre davantage l'accent sur la surveillance.
En outre, en ce qui concerne l'OxyContin, les formulaires pharmaceutiques ont fait l'objet de décisions qui ont donné lieu à une diminution générale de l'utilisation de l'oxycodone à action prolongée, l'OxyNeo et l'OxyContin générique, y compris notre formulaire pharmaceutique du programme des services de santé non assurés.
Grâce aux restrictions liées au remboursement de ce médicament, je pense qu'il y a eu une diminution générale du nombre de prescriptions. Il est aussi question de certains problèmes liés aux pratiques de prescription, de la nécessité de mettre en commun les pratiques exemplaires à ce chapitre et à la nécessité d'informer adéquatement les prescripteurs au sujet du traitement de la douleur.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
La sénatrice Eaton : Je suis ravie de vous revoir; c'est toujours intéressant.
Concernant votre registre de divulgation publique des pénuries de médicaments, sur le même site web, suggérez-vous des produits de remplacement que les médecins pourraient prescrire aux Canadiens qui dépendent beaucoup d'un médicament mentionné sur le site?
Dre Sharma : Non, nous ne le faisons pas sur le site web des pénuries de médicaments. Il existe divers mécanismes. Parfois, lorsqu'il y a une pénurie, les compagnies fournissent les noms de tous les autres fabricants des mêmes produits ou d'autres organisations.
La sénatrice Eaton : Que voulez-vous dire? S'il y a une pénurie de tel médicament, par exemple, alors les autres compagnies diront : « Nous avons le même médicament »?
Dre Sharma : En fait, la compagnie en pénurie fournira souvent, par l'entremise de ses distributeurs, les noms de toutes les autres compagnies qui offrent le même médicament à la même dose sur le marché canadien.
Pour ce qui est des produits de remplacement, si ce n'est pas exactement le même médicament — s'il s'agit d'un médicament générique, par exemple —, il peut y avoir cinq compagnies de médicaments génériques qui fabriquent exactement le même produit. Il est facilement interchangeable. Quant aux alternatives thérapeutiques, il y a un certain nombre d'autres organisations qui en fournissent, car c'est davantage lié à la pratique de la médecine et cela peut inclure, dans certaines situations, une utilisation non indiquée sur l'étiquette. Par exemple, l'Association des pharmaciens du Canada offre l'initiative e-Thérapeutique, qui porte sur les traitements et les solutions de remplacement possibles.
La sénatrice Eaton : Les pénuries mentionnées actuellement dans votre registre de divulgation publique concernent- elles pour la plupart les médicaments génériques?
Dre Sharma : Nous avons vu un changement au fil des ans. Au départ, quand nous avons mis sur pied le mécanisme de suivi, nous supposions qu'il y aurait au Canada des pénuries semblables à celles des États-Unis. Au début, nous avons vu beaucoup de produits extrahospitaliers aux États-Unis. Les pénuries que nous voyons au Canada sont habituellement liées à des produits utilisés dans les hôpitaux; il y a donc beaucoup de produits stériles...
La sénatrice Eaton : Les hôpitaux commandent principalement des médicaments génériques, n'est-ce pas? Utilisent- ils surtout des médicaments génériques?
Dre Sharma : Cela dépend. Toutes les pharmacies fournissent les médicaments en fonction des prescriptions, et si elles disposent d'un médicament générique, la plupart d'entre elles le choisiront en raison du prix. Mais il y a différentes distributions. Pour une raison que j'ignore, il y a davantage de produits intraveineux génériques qui sont utilisés dans les hôpitaux. Encore une fois, c'est un peu différent au Canada par rapport au sud de la frontière.
Nous constatons qu'ils sont groupés. Il y a une pénurie d'un groupe de médicaments contre les problèmes cardiaques. Durant un certain temps, il y a eu une pénurie de solutions intraveineuses de base. Puis, il y a eu un certain nombre de médicaments pour le traitement de l'épilepsie. Les pénuries apparaissent et disparaissent en différentes vagues.
La sénatrice Eaton : Avez-vous trouvé des produits pour remplacer ces médicaments?
Dre Sharma : Pour certains. Tout dépend pour quel produit. Lorsqu'il y a pénurie d'un produit qui n'occupe qu'une petite part de marché, cela n'a pas nécessairement d'incidence importante, car d'autres produits peuvent être utilisés pour le remplacer. Ce qui nous préoccupe, ce sont les pénuries multiples chez les fabricants du même produit. Cela pose problème, évidemment.
La sénatrice Eaton : Cela arrive-t-il souvent?
Dre Sharma : C'est arrivé récemment pour un certain nombre de produits génériques, et nous cherchons à en trouver les raisons. Nous déterminerons ensuite s'il y a d'autres formes posologiques qui peuvent être utilisées ou d'autres fabricants vers qui nous pouvons nous tourner.
Pour avoir géré ces pénuries, en particulier récemment, nous pouvons dire qu'il n'y en a pas deux exactement pareilles. Nous voyons différentes situations relativement aux parts de marché, à la façon dont les produits sont fournis et aux produits de remplacement au Canada ou à l'extérieur du pays. Elles sont toutes légèrement différentes sur le plan des conséquences.
La sénatrice Eaton : Quand je vais chercher un médicament d'ordonnance, on me demande souvent si je veux le médicament générique ou le médicament original. Je choisis toujours le médicament original, car je pense à la qualité. Ai-je raison?
Dre Sharma : En fait, les deux doivent respecter exactement les mêmes normes de qualité.
La sénatrice Eaton : Ils sont donc soumis aux mêmes tests?
Dre Sharma : Oui. Leurs bonnes pratiques de fabrication doivent être les mêmes, mais les preuves permettant de les mettre sur le marché sont différentes. Les entreprises innovatrices doivent effectuer toutes les recherches de base et contrôler l'innocuité et l'efficacité du médicament, et les compagnies génériques doivent ensuite démontrer que leur produit est équivalent à ce produit.
La sénatrice Eaton : Ils sont donc équivalents.
Dre Sharma : Ils sont équivalents. Ils ont ce que nous appelons un ingrédient médicinal identique. L'ingrédient actif à l'origine de l'effet doit être identique; il doit donc s'agir exactement de la même molécule. Mais il y a des dispositions, selon le produit, qui permettent d'utiliser certains ingrédients non médicinaux. Les substances tampons, les colorants ou certains autres produits peuvent varier. Voilà pourquoi le médicament générique ne ressemble pas nécessairement au médicament de marque.
La sénatrice Eaton : Ses effets secondaires peuvent donc être différents de ceux du médicament de marque?
Dre Sharma : Ils devraient être les mêmes, car les résultats des tests doivent montrer que la prise de ce médicament entraîne les mêmes effets sur l'organisme.
Par exemple, si une personne a une sensibilité à un certain colorant ou à une certaine substance tampon, elle verra peut-être une différence entre un produit de marque et un produit générique. Prenons par exemple un médicament pour la pression artérielle : si l'on observe un effet sur la pression artérielle à la prise du médicament de marque, on devrait observer le même effet à la prise du médicament générique.
La sénatrice Eaton : Pour revenir à la question abordée par la sénatrice Seidman, sur un tout autre sujet, je voudrais parler de la présence d'antibiotiques chez les animaux. Nous concluons beaucoup d'accords commerciaux ou nous avons entamé des négociations à ce chapitre. Les questions relatives aux antibiotiques et aux hormones chez les animaux sont-elles soulevées? Devraient-elles l'être? Cela pourrait-il constituer une façon de réduire l'utilisation généralisée d'antibiotiques administrés régulièrement aux animaux?
Dre Sharma : Dans le cadre des discussions commerciales, en particulier lorsqu'il est question de l'importation de produits alimentaires d'origine animale, on aborde évidemment les questions relatives à la façon dont ces produits sont fabriqués et transformés. Quand nous discutons de la résistance aux antimicrobiens du point de vue de la santé, nous collaborons aussi avec nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada; ils ont des liaisons commerciales avec leurs homologues également.
Cela fait partie de la discussion, mais en ce qui concerne précisément les discussions commerciales et la résistance aux antimicrobiens, il faudrait que je me renseigne.
La sénatrice Eaton : Par exemple, dans le cadre des discussions concernant les échanges commerciaux que nous avons eues avec l'UE, il n'a pas été question de restrictions sur l'importation d'animaux dont le régime contient des antibiotiques. Est-ce bien cela?
Dre Sharma : Je ne le sais pas. Je devrai vérifier. Je suis désolée.
Le président : Je dois vous interrompre, car je voudrais aborder quelques points, aux fins du compte rendu. Nous devons mettre fin à la séance à 18 h 15.
La question des pénuries ne relève pas de vous, mais je vais tout de même l'aborder. Si vous avez un bref commentaire à formuler à ce sujet, c'est parfait. Je crois comprendre que le problème des pénuries relève principalement de la compétence des provinces en ce qui concerne l'achat des produits pharmaceutiques, leur distribution par l'entremise des pharmaciens, et ainsi de suite.
Je crois aussi comprendre qu'il existait auparavant une pratique qui permettait aux sociétés pharmaceutiques d'offrir aux pharmaciens et aux distributeurs certaines primes pour le maintien d'une réserve de 90 jours de produits pharmaceutiques d'ordonnance. Les provinces ont décidé que ce sont elles, et non les pharmaciens, qui devaient recevoir la prime pour la mise sur pied de ces réserves. Les stocks sont donc maintenant d'environ deux ou trois jours; les pharmaciens n'ont aucun avantage à conserver un stock important.
Je le répète, nous pouvons seulement aborder les questions qui figurent au compte rendu, et c'est pourquoi j'en parle. Cette question ne concerne pas directement Santé Canada. Si vous avez un bref commentaire à formuler, c'est bien; sinon, je vais passer à la prochaine question.
Dre Sharma : Nous avons entendu dire que les pratiques d'approvisionnement et les allocations professionnelles peuvent avoir une incidence sur les commandes, le nombre de produits de remplacement disponibles et la quantité de produits disponibles dans chaque pharmacie. C'est ce que nous avons entendu.
Le président : Il y a manifestement une incidence, car il en est ainsi depuis longtemps. Si le pharmacien a une réserve de 90 jours, le fournisseur doit avoir un approvisionnement à long terme pour assurer le bon fonctionnement de la chaîne de distribution. Cela a donc une incidence, mais je voulais simplement le souligner.
Au sujet d'une question qui vous a été posée la dernière fois concernant le site web des essais cliniques, vous avez indiqué l'avoir su la veille. Mais je crois que c'était le 24. C'était intéressant; je crois que cela coïncidait avec une autre annonce.
Mais la question que je veux vous poser aujourd'hui est la suivante. Ce site ne donne pas vraiment de renseignements concrets aux Canadiens; il n'indique que la tenue d'un essai clinique, le produit qui est testé et le promoteur de l'essai clinique. Les gens ignorent où a lieu l'essai clinique. Ils n'ont aucun moyen d'interaction; leur médecin ne peut communiquer avec les responsables de l'essai clinique ni essayer d'y participer.
Prévoyez-vous améliorer ce site web à cet égard?
Dre Sharma : Oui. En avril 2013, on a commencé à recueillir et à publier des renseignements sur le site web; nous vérifions donc les données qui s'y trouvent et ce que les gens trouvent utile, et nous prévoyons publier davantage de renseignements. Nous n'avons pas encore déterminé précisément ce qui serait le plus utile, mais c'est un début, et nous voulons l'améliorer.
Le président : Étant donné qu'il s'agit de renseignements destinés aux Canadiens, il est important qu'ils puissent savoir où a lieu l'essai clinique.
J'aimerais que nous parlions brièvement de l'Inde, notre principal fournisseur de produits. Le sénateur Eggleton vous a posé des questions pertinentes. Compte tenu des réponses que vous avez fournies à la dernière séance, il a posé des questions précises. Je n'ai pas encore bien saisi vos réponses.
On nous a confirmé très récemment que l'OMS et l'Europe ont constaté que certains fournisseurs en Inde ne respectaient pas les normes, en particulier Ranbaxy et ses installations, mais d'autres également; pourtant, à la dernière séance, comme l'a indiqué le sénateur Eggleton, vous avez dit : « [...] nous avons constaté que des signataires de l'accord de reconnaissance mutuelle ainsi que l'OMS avaient conclu que les sites en question étaient conformes aux normes ».
Nous avions cru que vous disiez que les installations de Ranbaxy étaient conformes aux normes. En réalité, elles ne le sont pas. En fait, la compagnie elle-même a volontairement interrompu la distribution des produits de ses usines. Les pays européens n'ont pas confirmé la conformité générale des installations de production en Inde.
Actuellement, y a-t-il en Inde des sites de fabrication que Santé Canada considère comme non conformes?
Dre Sharma : Précisément pour Ranbaxy ou dans l'ensemble du pays?
Le président : Dans l'ensemble du pays. Y a-t-il en Inde des installations de production qui pourraient expédier des produits directement au Canada, soit directement de l'usine, soit par l'intermédiaire d'un fabricant ou d'un fournisseur de produits génériques au Canada? Pour ces produits, y a-t-il des sites de production que Santé Canada considère comme non conformes en ce moment?
Dre Sharma : Oui.
Le président : Lesquels?
Dre Sharma : Celui dont j'ai parlé dans mon exposé est le centre d'Apotex à Bangalore; nous lui avons donné une cote de non-conformité. L'installation se trouve en Inde.
En ce qui concerne les sites de Ranbaxy, dont nous avons parlé précédemment, les cinq sites dont les produits sont destinés au Canada sont considérés comme conformes. Les organismes de réglementation qui sont nos partenaires nous ont fourni les dates. En décembre 2013, nous avons envoyé des inspecteurs en Inde, dans certains cas, pour inspecter une usine de Ranbaxy.
Les usines de Ranbaxy ont actuellement une cote de conformité. Toutefois, certaines installations indiennes d'autres entreprises ont une cote de non-conformité.
Le président : J'aimerais parler des partenaires des ARM. Je crois comprendre que nos accords avec les pays considérés comme des partenaires des ARM prévoient que les produits en provenance de ces pays sont reconnus comme conformes par le Canada parce que nous avons signé avec ces pays des accords de bonnes pratiques de fabrication. L'inverse est aussi vrai : les produits fabriqués au Canada pourraient être expédiés dans les pays partenaires des ARM. Cela ne s'applique pas automatiquement aux produits qu'ils importent et qui sont fabriqués dans d'autres. Autrement dit, les accords ne visent que le groupe des partenaires des ARM.
Dre Sharma : C'est exact.
Le président : Donc, le fait qu'ils acceptent à l'occasion des produits venant d'une usine donnée située dans un pays qui n'est pas partie aux ARM ne signifie pas pour autant que le Canada devrait considérer les produits provenant de ce pays comme étant conformes, n'est-ce pas?
Dre Sharma : C'est exact. Cependant, s'ils ont fait une inspection, nous collaborons avec eux parce qu'ils ont des normes identiques. Au fil du temps, nous avons établi une relation axée sur la confiance. Donc, pour ce qui est des inspections, nous nous en remettons à leur compétence.
S'ils ont procédé à l'inspection d'une installation, nous n'acceptons pas automatiquement la cote, mais nous nous appuyons sur les résultats de l'inspection. Ensuite, si nous avons besoin de plus d'informations sur l'entreprise ou si nous devons prendre d'autres mesures, nous décidons s'il faut y envoyer des inspecteurs pour procéder nous-mêmes à l'inspection; c'est un point de départ.
Le président : Vous avez dit qu'il y a actuellement cinq usines non conformes. Pouvez-vous en nommer quelques- unes?
Dre Sharma : J'ai parlé d'une usine non conforme, soit l'usine d'Apotex, à Bangalore. Quant à Ranbaxy, les cinq sites en Inde sont conformes.
Le président : Pouvez-vous les nommer? L'usine de Toansa est-elle du nombre?
Mme Chiponski : L'usine de Toansa est sur ma liste depuis peu.
Le président : Vous la considérez comme conforme?
Mme Chiponski : Oui; nous sommes sur le point de publier un avis de conformité.
Le président : Elle est conforme; nommez les quatre autres, s'il vous plaît.
Mme Chiponski : En fait, cela fait six, parce qu'il y en a une de plus.
Dre Sharma : Il y a les laboratoires de Ranbaxy de SAS Nagar et de Mohali, au Punjab, les installations de Ranbaxy à Dewas, en Madhya Pradesh et aussi à Paonta Sahib, qui se trouve dans le district de Sirmaur, en Ganguwala, dans l'Himachal Pradesh.
Le président : Ces noms figureront au compte rendu. Je ne suis pas certain que nous avons bien compris un seul de ces noms. Je vous demanderais de les fournir à la greffière après la séance.
La sénatrice Cordy : Pour revenir aux commentaires de la sénatrice Stewart Olsen au sujet de l'OxyContin et son caractère toxicomanogène, avant que Santé Canada n'approuve la version générique, 12 des 13 ministres provinciaux et territoriaux de la Santé ne voulaient pas qu'elle soit approuvée. Ils ont tous demandé à ce que l'approbation soit retardée, du moins jusqu'à ce que des études plus poussées aient été menées sur le produit.
Quand on parle du rapport entre les risques et les avantages, on sait que le risque est son caractère toxicomanogène. Le médicament crée une forte dépendance, comme la sénatrice Stewart Olsen l'a indiqué. En fait, c'est une forme d'héroïne. Les Canadiens peuvent se le faire prescrire.
Or, vous avez dit que Santé Canada ne sait pas combien de personnes ont une dépendance aux opioïdes qui leur sont prescrits. Plus tôt, vous avez indiqué que lorsque vous déterminez l'innocuité d'un médicament, vous faites une analyse comparative des avantages et des risques. Comment pouvons-nous déterminer si un médicament est sûr si nous ne savons pas combien de personnes en sont dépendantes?
Je ne parle pas d'un chiffre extrêmement précis, mais nous devrions certainement avoir une idée raisonnable du nombre de Canadiens qui développent une dépendance aux opioïdes et à l'OxyContin. Ces données sont assurément disponibles quelque part.
Mme Moran : Comme la Dre Sharma l'a dit dans son exposé, les données liées à l'abus de médicaments d'ordonnance au Canada ne sont pas très fiables. La nécessité d'améliorer les données de surveillance est l'un des aspects qui ont été ciblés dans l'annonce du budget de 2014. De toute évidence, nous travaillerons de concert avec les provinces, les territoires et divers intervenants du milieu pour faire des progrès à cet égard.
Pour obtenir un portrait global de la situation en matière d'abus de médicaments d'ordonnance au Canada, nous adoptons ce que j'appellerais une approche par mosaïque. Nous examinons les données de surveillance qui, comme vous l'avez entendu, sont certaines des données qui nous permettent d'avoir une idée des produits pharmaceutiques psychoactifs qu'utilisent les jeunes ainsi que des sources d'approvisionnement.
Nous étudions aussi les données sur la surveillance de l'offre de médicaments, auxquelles s'ajoutent des données sur les achats ainsi que des rapports sur les saisies, les pertes et les vols de médicaments.
Nous analysons les données de surveillance du service des urgences de l'Institut canadien d'information sur la santé. Plusieurs études actuellement menées à l'échelle provinciale nous donnent un aperçu de la situation en matière d'abus de produits pharmaceutiques au Canada. Divers spécialistes, des reportages dans les médias et des données obtenues sur la scène internationale figurent aussi au nombre de nos sources. Je sais que le comité a entendu de très bons témoins sur cette question. Mme Beth Sproule est l'une des personnes avec lesquelles nous collaborons étroitement pour améliorer les données de surveillance au Canada.
La sénatrice Cordy : Toutefois, si les 13 ministres provinciaux et territoriaux de la Santé voulaient que l'approbation de la version générique de l'OxyContin soit retardée, vous l'auriez certainement reportée jusqu'à ce que vous ayez reçu une partie de cette information, que vous avez indiqué ne pas avoir. Je n'ai pas les chiffres, mais nous avons tous entendu parler de zones, dans nos régions, où des jeunes ont une dépendance à l'OxyContin. De toute évidence, nous avons entendu parler des données démographiques sur certains groupes au sein de notre société; beaucoup de gens ont développé une dépendance à ce produit. Donc, je me demande pourquoi vous choisissez de l'autoriser, alors que vous avez dit plus tôt que vous examinez le rapport entre les avantages et les risques. Pourtant, le risque que présente l'OxyContin, c'est son caractère toxicomanogène. Or, vous avez dit qu'en somme, nous n'en savons rien, ce que je trouve très étrange.
Lorsqu'on se trouve vers le bas de la liste, on a tendance à parler de sujets déjà abordés par d'autres; j'aimerais donc revenir aux propos du sénateur Eggleton. Il a parlé de la vente de produits pharmaceutiques en ligne et du fait que personne n'a été poursuivi. Or, nous savons que ces ventes ont lieu; il suffit d'aller sur Internet pour trouver ces produits.
Madame Chiponski, j'ai peut-être mal compris ce que vous avez dit. Avez-vous dit qu'il est difficile de distinguer les ventes de médicaments licites et illicites faites en ligne?
Mme Chiponski : Les données sur les ventes de médicaments licites et illicites ne sont pas probantes.
La sénatrice Cordy : Quels produits seraient considérés comme légaux en ligne? Je ne savais pas qu'il était légal de vendre des médicaments en ligne.
Mme Chiponski : certaines pharmacies qui ont pignon sur rue sont aussi présentes sur le Web. Par exemple, une pharmacie traditionnelle que les gens connaissent peut très bien vendre certains de ses produits en ligne. C'est plus facile à cerner; il suffit de se rendre dans une succursale. L'exercice de la pharmacie fait aussi l'objet d'une surveillance. De plus, en matière d'intégrité de la chaîne d'approvisionnement, les pratiques réelles liées à Loi sur les aliments et drogues et la réglementation connexe sont aussi visées par nos programmes de conformité, d'application et d'inspection.
Cela dit, comme la Dre Sharma l'a indiqué, il existe des entités qui prétendent être canadiennes et qui font tout leur possible pour dissimuler leur véritable adresse. Manifestement, il est beaucoup plus probable que de telles entités soient associées à des activités illégales comparativement aux pharmacies traditionnelles qui ont pignon sur rue et qui sont aussi présentes sur le Web, dont j'ai parlé dans mon exemple.
La sénatrice Cordy : Mais si on prend l'exemple des sites de Lawtons pharmacy ou de Pharmaprix, ce ne serait pas aussi préoccupant que les exemples qui ont été présentés aujourd'hui.
Le président : Je vous demanderais de poser votre question. Il reste quatre autres questions. Je vais donc m'assurer que vos questions figurent au compte rendu. Puis, lorsque toutes les questions auront été posées, nous y reviendrons pour qu'on y réponde successivement.
La sénatrice Cordy : Concernant les tests aléatoires, à la page 35, vous indiquez qu'en 2013, Santé Canada a réalisé 466 analyses d'échantillons. C'est bien, mais je me demande si vous pouvez nous fournir certains détails à ce sujet. Combien de médicaments sont concernés? Quel pourcentage représentent les 466 analyses?
Le président : Sénatrice Seth, je vous demanderais de poser votre question; je me chargerai du suivi. Nous tenterons d'obtenir le plus de réponses possible avant 18 h 15, mais ce ne sera pas beaucoup.
La sénatrice Seth : Je vous remercie de votre exposé. C'était intéressant et complexe. Cela n'avait rien de facile. Je vais en venir au fait.
Je m'intéresse au programme visant la mise en place d'un réseau canadien de surveillance. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet, particulièrement sur le fonctionnement. Je pense que ce sera une excellente solution à toutes les préoccupations.
La deuxième question porte sur les collectivités autochtones. Quels changements Santé Canada a-t-il apportés en matière de prévention et d'intervention relativement à de possibles abus des médicaments d'ordonnance dans les collectivités autochtones?
Le sénateur Enverga : M. Gary Holub, de Santé Canada, a indiqué que, avant d'autoriser la commercialisation — donc d'approuver les médicaments —, les critères liés à l'innocuité, l'efficacité et la qualité de ces produits pour les patients prévus doivent être satisfaits. Santé Canada considèrera-t-elle le risque de toxicomanie ou d'abus comme un facteur à prendre en compte par rapport à l'exigence relative à l'innocuité de ces produits pour les patients prévus?
Santé Canada pourra-t-elle exiger l'inclusion d'une formule de dissuasion d'abus si l'on découvre un possible risque d'abus? Cela porte davantage sur la version générique de l'OxyContin à action prolongée, qui est toujours en vente actuellement.
Enfin, collaborez-vous avec l'Organisation mondiale de la Santé sur la question de la résistance aux antibiotiques?
Le président : Comme je l'ai indiqué la dernière fois, la greffière utilisera la transcription pour s'assurer avec vous de la clarté de toutes les questions.
La sénatrice Chaput : J'aimerais connaître le plan de Santé Canada. Je ne veux pas une longue réponse. Vous avez dit que vous avez des problèmes et des préoccupations et que vous collaborez avec des partenaires, mais vous avez aussi mentionné que vous avez un plan.
Par rapport à ce plan, j'aimerais savoir quelles stratégies vous avez cernées. Je parle de stratégies qui vous permettent de changer les choses et pour lesquelles vous avez les pouvoirs nécessaires pour le faire — et ainsi aider le comité à présenter des recommandations —, et non de votre collaboration avec d'autres. Je cherche à savoir ce que vous pouvez faire. Quels sont vos pouvoirs? Quels problèmes avez-vous cernés? Quels changements apporterez-vous à cet égard? Nous verrons si cela convient.
La sénatrice Seidman : J'aimerais que vous parliez de l'ensemble de l'enjeu du ceftiofur, que l'on injecte dans les œufs de couvoir. Une découverte du PICRA à cet égard a simplement incité Santé Canada à faire apposer sur l'emballage une mise en garde sur les dangers d'une utilisation non conforme à l'étiquette. Cependant, cette mesure n'était aucunement fondée sur un pouvoir de réglementation.
Il faut savoir que l'étude, qui remonte à 2010, était une étude scientifique probante qui démontrait les effets de l'utilisation de ce genre de substance dans les œufs et les répercussions directes pour une population.
En fin de compte, qu'est-ce qui empêche Santé Canada de prendre des mesures sévères contre l'utilisation dangereuse d'antimicrobiens pour les animaux destinés à l'alimentation?
Le président : Nous avons le temps d'obtenir les réponses à deux ou trois brèves questions. Vous pourriez donc répondre à la question de la sénatrice Seth sur la stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques.
Pendant ce temps, je demanderais au sénateur Enverga de choisir, parmi celles qu'il a posées, une question à laquelle on pourra répondre en deux minutes.
Mme Moran : Je vous remercie de la question sur le Programme de contrôle des prescriptions. À l'échelle internationale, les programmes de contrôle des prescriptions sont reconnus comme étant des pratiques exemplaires pour contrer l'abus de médicaments d'ordonnance, car ils permettent la transmission rapide de renseignements essentiels sur les antécédents médicaux des patients. L'automne dernier, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé ont demandé aux fonctionnaires d'établir un réseau de programmes de surveillance des ordonnances. Essentiellement, quelques provinces et territoires ont un programme de surveillance des ordonnances et l'idée de doter l'ensemble des provinces et territoires d'un tel programme suscite de l'intérêt. Le réseau favoriserait la diffusion des pratiques exemplaires, servirait de tribune pour l'échange d'information entre ces divers programmes de surveillance des ordonnances et pourrait en quelque sorte jouer le rôle de chef de file à l'égard des autres ordres de gouvernement pour les aider à créer leur propre programme de surveillance des ordonnances.
Le président : Nous sommes heureux de l'entendre, car je crois que nous avons présenté des recommandations en ce sens lors d'une étape antérieure. C'est très encourageant.
Sénateur Enverga, la question à laquelle on peut répondre en deux minutes, ou moins.
Dre Sharma : Je me demande si la réponse de deux minutes devrait porter sur notre collaboration avec l'OMS. Les autres questions exigent une réponse légèrement plus longue. J'ai judicieusement choisi une question à laquelle mon collègue, le Dr Tam, pourra répondre.
Dr Tam : Je répondrais que nous collaborons manifestement avec l'OMS. En fait, les agences nous considèrent comme un centre d'expertise. Notre collaboration avec L'OMS porte surtout sur des aspects liés à la surveillance à l'échelle mondiale et à la correction de certaines lacunes, surtout dans les Amériques. Cela englobe notamment la normalisation des analyses de la résistance aux antimicrobiens des bactéries d'origine alimentaire, mais nous avons commencé à étudier la normalisation pour les essais humains. Autrement, il est impossible de comparer les données sur la résistance antimicrobienne entre les administrations.
Le président : Nous arrivons à la fin de la quatrième étape de notre examen sur toute la question des médicaments. C'est un enjeu absolument névralgique pour tous les peuples du monde, mais nous sommes avant tout préoccupés par la santé des Canadiens. Nous avons examiné une foule de questions allant de la façon dont les médicaments sont approuvés à l'origine — la phase des essais cliniques —, en passant par différents aspects, jusqu'aux conséquences involontaires, dont nous avons entendu parler aujourd'hui.
Ce que nous avons pu constater très clairement — et c'est en fait ce que vos collègues pourront aussi voir sous une autre forme à la conférence d'aujourd'hui —, c'est que l'une des choses essentielles pour assurer la sécurité des citoyens et pour permettre à des organisations comme Santé Canada de protéger les Canadiens est d'avoir des données électroniques de grande qualité sur les pratiques relatives aux ordonnances et sur la distribution ou, pour situer tout cela dans un contexte plus large, des dossiers de santé électroniques et des dossiers médicaux électroniques.
Les preuves indiquent que l'existence de ces données augmente de beaucoup la capacité de gérer efficacement les produits pharmaceutiques sur ordonnance, et notamment ceux qui, comme l'OxyContin, provoquent des abus. Avec l'exemple des États-Unis, nous avons pu constater en outre que de telles données avaient beaucoup plus d'impact quand elles étaient dans des États limitrophes que dans des États isolés. Au fil de ces quatre études, nous avons compris que la précieuse information qui pouvait être rassemblée à partir du moment même où les médicaments sont approuvés et lancés sur le marché — cet ultime essai clinique —, que cette information primordiale sur les effets réels des médicaments, et surtout sur leurs effets indésirables, est en fait très limitée. On attend du projet de loi C-17 qu'il incite les centres hospitaliers à générer plus de données en ce sens. Mais, bien entendu, cela ne constitue qu'une fraction de toute la dimension humaine du problème, qui touche tout autant les personnes qui négligent de prendre leur ordonnance au complet que celles qui prennent leurs médicaments en combinaison avec une foule d'autres — pour ne nommer que celles-là —, ce qui peut occasionner des problèmes de contrindication.
La question centrale reste la collecte de données. Les grandes lacunes à l'échelle du pays — et je n'en blâme pas Santé Canada — ont trait au réseau d'information en santé et à la collecte de données subséquente, ainsi qu'à la capacité qu'a le personnel de Santé Canada d'analyser les données sur une échelle beaucoup plus grande que ce qui se fait actuellement. Tant que de telles capacités ne seront pas mises en place, nous serons dans l'impossibilité de faire les progrès nécessaires à cet égard.
Nos quatre études nous ont en outre permis d'apprendre qu'il y avait des domaines où nous devrions avancer beaucoup plus vite que nous ne le faisons. Nous sommes heureux de voir que le projet de loi C-17 tient compte de certains de ces domaines. Je crois que les membres du comité auraient souhaité que le projet de loi C-17 aille plus loin. Mais, bon, nous allons quand même lui donner notre bénédiction, car la dernière fois que nous avons essayé de faire quelque chose à propos de ce problème, le projet de loi est mort au Feuilleton et n'a abouti nulle part. Nombre de vos réponses se sont fondées sur votre habileté à composer avec l'adoption du projet de loi C-17. Comme il s'agit de mesures pour protéger les Canadiens, je ne veux même pas penser à ce qui va arriver si le projet de loi n'est pas adopté avant les élections.
J'avoue que certaines de vos réponses nous ont déroutés. Je crois que nous avons eu de la difficulté à les interpréter en fonction de l'information que nous recherchions. Je n'insinue pas qu'il y avait un quelconque motif derrière cela et je ne cherche pas à blâmer qui que ce soit. Tout ce que je dis, c'est qu'il s'agit d'un domaine complexe. Nous comprenons cela. Nous avons néanmoins cherché à poser des questions précises. Les réponses ne nous ont pas toujours été d'une grande utilité à cet égard, mais je crois que nous avons fait d'importants progrès et que nous avons accumulé beaucoup de données. Nous sommes assurément ravis que vous ayez participé lorsque nous vous l'avons demandé en acceptant de comparaître devant le comité.
Puisque c'est notre dernière séance officielle, je veux remercier tous les témoins qui ont comparu devant le comité durant cette session. Commence maintenant la phase de délibérations au cours de laquelle le comité tentera de formuler des conseils pour la préparation de son rapport avant de passer à son élaboration proprement dite. Il est plus que probable que nous aurons une analyse sommaire à la suite du quatrième rapport, ainsi qu'une ou plusieurs tables rondes auxquelles nous convierons probablement certains intervenants choisis de Santé Canada.
Je sais que cette séance et la séance précédente ont donné lieu à un examen très sérieux avec Santé Canada, et nous tenons à ce que vous sachiez que le grand respect dont vous avez fait montre à l'égard de tous les enjeux qui ont été présentés nous touche beaucoup. Nous devons maintenant prendre nos propres décisions en fonction de ce que vous nous avez dit, et c'est ce que nous allons faire. Nous vous sommes très reconnaissants de vous être présentés devant le comité. Nous vous remercions. Je vous remercie au nom du comité.
Je remercie aussi mes collègues du comité. Toutes vos questions appelaient des réponses qui ne pouvaient pas être expéditives. J'ai essayé autant que possible de laisser la place à chacun des membres du comité, mais certaines des questions ont donné lieu à des réponses beaucoup plus longues que ce à quoi nous étions habitués. J'offre mes excuses aux membres du comité qui n'ont pas pu obtenir de réponses à leurs questions au cours des réunions proprement dites, mais soyez assurés que vous les aurez. Les témoins ont accepté de soumettre leurs réponses ultérieurement, et nous les aurons quand le temps viendra d'élaborer notre rapport.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)