Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 14 - Témoignages du 14 mai 2014
OTTAWA, le mercredi 14 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier la teneur des éléments des sections 11, 17, 20, 27 et 30 de la partie 6 du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures (sujet : section 20 de la partie 6).
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, il y a quorum et je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je demanderais d'abord à mes collègues de se présenter, en commençant par le vice-président, à ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, sénatrice de l'Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
Le président : Nous étudions la teneur des éléments de la section 20, partie 6, du projet de loi C-31.
Nous recevons deux témoins aujourd'hui. Il a été convenu d'entendre d'abord Mme Queenie Choo, directrice générale, S.U.C.C.E.S.S.
Queenie Choo, directrice générale, S.U.C.C.E.S.S. : Merci, monsieur le président. Je m'appelle Queenie Choo et je suis directrice générale de S.U.C.C.E.S.S.
S.U.C.C.E.S.S. est le plus grand organisme de services sociaux sans but lucratif de la Colombie-Britannique. Il œuvre auprès des immigrants depuis 41 ans, offrant toute une gamme de services : aide à l'établissement, cours de langues, placement, consultation et aide à l'enfance et à la famille, création d'entreprise et développement économique, développement communautaire, bénévolat, et soins et logement des aînés. C'est un plaisir pour moi de venir vous parler aujourd'hui du programme d'immigration pour les investisseurs et les entrepreneurs.
Les immigrants jouent un rôle important dans la société canadienne par leurs contributions essentielles à l'identité nationale et de la prospérité économique du pays. Alors que le Canada entre dans une ère économique nouvelle et en évolution constante, tant sur la scène internationale qu'à l'intérieur de ses propres frontières, il est confronté au défi — mais également à la possibilité — d'adapter ses politiques en matière d'immigration afin de mieux répondre aux besoins et aux priorités de notre pays.
À cet effet, S.U.C.C.E.S.S. propose 10 recommandations s'appuyant sur trois principes directeurs. L'intention est de faire concorder le tout avec les recommandations stratégiques pour la catégorie « immigration économique » dans son ensemble, et de guider l'élaboration de programmes futurs destinés à attirer des investisseurs et des entrepreneurs immigrants.
S.U.C.C.E.S.S. estime que la politique du Canada en matière d'immigration économique devrait reposer sur trois principes directeurs. Premièrement, il est essentiel de renforcer les liens que tissent les immigrants avec le Canada pour favoriser l'établissement et l'intégration efficaces des immigrants économiques.
Deuxièmement, l'immigration au Canada devrait contribuer à la prospérité économique et à l'identité nationale du Canada.
Troisièmement, les voies à suivre pour devenir résident permanent devraient concorder avec le paysage économique actuel et futur du Canada.
Ce sont là les trois principes directeurs.
Voici nos recommandations pour appuyer ces principes.
La première : établir des exigences en matière de langues et de formation dans toutes les filières d'immigration de la catégorie économique. Il est fondamental que tous les immigrants économiques possèdent les compétences de base dans l'une des langues officielles du Canada et le niveau de formation nécessaires pour être en mesure de s'adapter aux nouveaux contextes économique et commercial.
Ceci est particulièrement crucial pour tirer profit de réseaux d'affaires appropriés et pertinents et avoir accès aux milieux d'affaires canadiens.
La deuxième : il est très important d'améliorer les services d'établissement avant et après l'arrivée destinés à tous les immigrants économiques.
Pour développer un attachement solide au pays d'accueil et s'investir à long terme au Canada, les immigrants économiques doivent avoir accès à des services de soutien à l'établissement avant et après leur arrivée au Canada, non seulement pour eux-mêmes, mais également pour les membres de leur famille.
Le programme d'établissement de Citoyenneté et Immigration Canada offre aux nouveaux arrivants des renseignements à jour sur des sujets fondamentaux destinés à faciliter toutes les facettes de leur adaptation et de leur intégration au Canada; ce programme devrait, par conséquent, continuer d'être financé et être amélioré afin qu'il concorde avec les politiques actuelles en matière d'immigration.
Troisièmement, renforcer le soutien à des programmes de formation ciblés destinés aux entrepreneurs immigrants. Les entrepreneurs immigrants ont besoin de programmes de soutien ciblés qui leur procurent des renseignements de base sur le paysage économique et le milieu des affaires au Canada, ainsi que l'accès aux réseaux d'affaires canadiens fondamentaux. Pour que ces programmes demeurent adaptés au cadre évolutif de l'établissement économique, de nouveaux programmes pilotes devraient être élaborés et mis à l'essai afin de s'assurer qu'ils répondent aux besoins actuels des immigrants économiques.
Quatrièmement, il faut s'assurer que les modèles de sélection permettent d'accueillir des résidents permanents qui répondent aux besoins dictés par la conjoncture économique actuelle du Canada.
Cinquièmement, il faut s'assurer que le Canada renforce ses stratégies visant à attirer et à retenir les immigrants économiques et leur famille. Étant donné que le processus d'immigration se déroule souvent en plusieurs étapes et qu'il est multigénérationnel, il est essentiel d'offrir du soutien aux enfants et aux conjoints des immigrants pour s'assurer qu'ils s'épanouissent et demeurent au Canada, et qu'ils s'intègrent ainsi au pays à moyen et à long terme.
Sixièmement, il est crucial de veiller à ce que tous les programmes destinés aux immigrants économiques soient adaptés au contexte économique actuel du Canada. La catégorie des travailleurs de métiers spécialisés du Canada, le nouveau Programme de visa pour démarrage d'entreprise et la catégorie de l'expérience canadienne permettent de sélectionner directement des immigrants possédant les compétences requises pour s'adapter au contexte économique actuel.
La septième recommandation est de s'assurer que les résidents temporaires ont des possibilités équitables d'obtenir le statut de résident permanent au Canada.
La huitième est de s'assurer que les programmes de soutien aux entrepreneurs sont également offerts aux immigrants devenus citoyens canadiens, ainsi qu'aux résidents permanents et autres résidents du Canada.
En prévision de l'avenir, nous proposons d'étudier la possibilité d'utiliser les fonds des futurs investisseurs immigrants pour assurer le bien-être économique et social des collectivités en créant des programmes similaires au programme de construction de logements sociaux de la Saskatchewan, ou des programmes ciblés de développement économique, comme les fonds de capital-risque pour les programmes de création d'emplois et du secteur de la technologie en Colombie-Britannique.
La dernière, mais non la moindre, est de demander au gouvernement de mettre en œuvre les mesures suivantes, s'il a l'intention de rouvrir des programmes d'immigration pour les investisseurs : procéder à l'analyse régulière des résultats annuels du programme afin d'en déterminer les avantages et les coûts; réaliser des études plus approfondies sur les retombées du programme sur l'économie et les marchés locaux; assurer le suivi régulier des résultats en matière d'établissement des investisseurs; harmoniser les exigences du Canada visant les investisseurs avec celles qui sont imposées aux autres immigrants économiques; et finalement, réaliser des études et assurer le suivi de l'utilisation productive des fonds des investisseurs.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Marc Audet, président et chef de la direction, AURAY Capital International : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je vais vous donner un portrait clair de ce que signifie la fin du Programme fédéral d'immigration des investisseurs. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. Je m'appelle Marc Audet et je suis président-directeur général d'AURAY Capital International, une filiale de Raymond Chabot Grant Thornton, spécialisée dans les programmes Résidence et citoyenneté par investissement.
Je m'occupe des programmes canadiens d'immigration des investisseurs depuis 1995, principalement auprès du Mouvement Desjardins. Moi et mon équipe avons recruté plus de 20 000 immigrants investisseurs en vertu des programmes d'immigration des investisseurs des gouvernements du Canada et du Québec.
Étant donné que mon intervention d'aujourd'hui durera cinq ou six minutes, j'ai produit un cahier, que l'on vous a remis. Celui-ci comporte des détails supplémentaires sur le sujet d'aujourd'hui et pourra servir de document de référence pour la période de questions.
Comme on me l'a demandé, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-31, section 20 de la partie 6, et plus particulièrement de son effet sur le Programme d'immigration des investisseurs du gouvernement fédéral et sur l'économie canadienne.
Au cours des dernières années, le Programme d'immigration des investisseurs (PII) fédéral a subi plusieurs changements et, depuis juillet 2011, a cessé de recevoir toutes nouvelles demandes. En février 2014, le budget a aboli le programme.
De mon point de vue, ayant travaillé avec les programmes d'immigration des investisseurs pendant 20 ans au Canada et dans d'autres pays, cette décision n'a aucun sens. D'autres intervenants dans le domaine partagent aussi ce point de vue. La décision de mettre un terme au PII fédéral ne peut s'expliquer que par de fausses hypothèses et des renseignements erronés au sujet du programme lui-même, de sa clientèle et des programmes d'immigration des investisseurs en général. Le corps de mon mémoire consiste en une série de faits qui, pris ensemble, appuient l'énoncé précédent.
Fait un : les investisseurs ont plus d'options. De 1984 à 2009, environ 15 pays offraient ce type de programme. Aujourd'hui, plus de 30 pays participent à des programmes de résidence ou de citoyenneté par l'investissement. Cet essor du marché des programmes d'immigration des investisseurs a été largement encouragé par le moratoire du Canada sur ses propres programmes, malgré l'intérêt marqué des investisseurs à l'égard du Canada. Nos voisins américains sont maintenant les premiers bénéficiaires de l'annonce récente du gouvernement; ceux-ci observent une augmentation de la demande pour leur programme, qui ressemble à celui du Canada, en ce sens qu'il offre le statut de résident avant la citoyenneté.
Fait deux : les retards dans le traitement des demandes alléguées par CIC étaient en fait, dans une large mesure, attribuables à des décisions administratives de CIC. L'inventaire d'environ 20 000 dossiers est en grande partie lié à la façon dont CIC a géré le programme, et non pas à des critères trop peu exigeants pour l'admissibilité au programme.
De 2003 à 2006, CIC a reçu en moyenne 1 600 demandes par année. En septembre 2006, CIC a mis en place une nouvelle procédure, le processus de demande simplifié (PDS), dont le but était d'améliorer techniquement son efficacité. Désormais, l'investisseur n'avait qu'à présenter une demande et à payer les frais, sans pièces justificatives (aucune présélection requise). Le nombre moyen de demandes reçues par CIC a donc triplé.
En 2009, les intervenants du marché ont été informés que CIC prévoyait faire passer l'investissement requis de 400 000 $ à 1 million de dollars, ce qui n'a été concrétisé qu'en décembre 2010. Cela a eu pour effet de faire doubler le nombre de demandes, qui est passé à une moyenne de 10 000 par année.
Ceci démontre en fait que le programme n'était pas nécessairement trop accessible, mais plutôt que les mesures administratives prises par CIC sont la véritable source de l'augmentation « artificielle » de l'inventaire de dossiers. Parmi les intervenants expérimentés, on croit que le nombre de dossiers « sérieux » (demandeurs qualifiés et souhaitant toujours donner suite à leur demande) dans l'inventaire actuel ne dépasse pas les 10 000 dossiers, ce qui se traduit par une attente de trois ans selon les cibles de traitement actuelles.
Fait trois : les effets économiques positifs du PII fédéral ont été démontrés. Les effets économiques du PII fédéral ont été considérables. Dans une étude réalisée en 2010, le Groupe d'analyse estimait que les 2 500 familles d'immigrants investisseurs qui s'établissaient au Canada chaque année (moins de 3 p. 100 des entrées mondiales) produisaient des retombées économiques nettes de près de 2 milliards de dollars pour le Canada. Les études réalisées par Citoyenneté et Immigration Canada en 2010, avant la restructuration du programme, ainsi que celle réalisée par Auguste Solutions en 2013, ont aussi conclu que le PII fédéral générait des entrées de fonds substantielles à très peu de frais pour le Canada. En outre, contrairement à d'autres programmes, le PII fédéral ne suscite pratiquement aucune inquiétude en matière de sécurité ou d'instabilité économique ou financière. Enfin, absolument aucune étude publique ne dit le contraire.
Fait quatre : pourquoi CIC mettrait-il fin au PII alors que ce programme est si positif pour le Canada? Officiellement, le budget faisait état de quatre motifs principaux pour l'abolition du programme : le niveau plus faible des investissements requis par rapport aux autres pays; la plus faible proportion d'immigrants investisseurs maintenant des liens avec le Canada; la plus faible contribution à l'économie canadienne; les niveaux plus faibles des impôts sur le revenu par rapport à d'autres catégories d'immigrants. Ces critiques sont sans fondement. Aucune ne s'appuie sur des faits probants et, dans certains cas, elles sont carrément contraires à la vérité. Vous trouverez mes arguments sur ces quatre motifs dans le cahier ci-joint.
Le véritable motif de l'arrêt du PII fédéral est que, depuis 2006, le programme n'a pas été administré de façon optimale, et ce, des deux côtés : la réception des dossiers et l'utilisation des fonds par certaines provinces.
En conclusion, le projet du gouvernement d'éliminer les retards de traitement actuels du PII en retournant les demandes et en remboursant les frais connexes payés par les demandeurs serait une véritable catastrophe pour la crédibilité internationale du Canada en matière d'immigration et donnerait lieu à plusieurs plaintes et litiges. Par exemple, nous avons été informés que plus de 1 100 investisseurs ont déjà présenté des dossiers aux tribunaux.
Qui plus est, la fin du PII fédéral entraînera des pertes importantes pour tous les participants (les investisseurs, les provinces participantes, les intervenants canadiens en immigration, les facilitateurs, CIC, l'économie et la société du Canada).
Notre recommandation : Depuis sa création, le PII du gouvernement du Canada a grandement profité à notre économie et notre société. Il était considéré dans le monde comme une référence parmi les programmes semblables. Conséquemment, le Canada devrait continuer d'offrir un programme moderne qui servirait à la fois de modèle dans le monde et d'outil efficace permettant au Canada de poursuivre l'intégration d'immigrants de qualité et le développement économique.
Pour ce faire, je propose les trois recommandations suivantes : si CIC décide de ne pas modifier son approche pour l'élimination des retards de traitement, la disposition connexe du projet de loi C-31, section 20 de la partie 6, doit être modifiée de manière à réduire au minimum les dommages pour les participants; il faudra établir un processus de collaboration avec les facilitateurs afin d'éliminer les retards de traitement des demandes, à la suite du processus global décrit dans mon mémoire; de même que mener une discussion structurée de deux ou trois jours avec diverses organisations économiques provinciales et des organismes d'immigration internationaux, sur l'avenir du PII fédéral, y compris sur des considérations telles que le compromis souhaité entre les privilèges de résidence et les niveaux d'investissement, la clientèle souhaitée pour le Canada, les options relatives au type d'investissement et leurs répercussions économiques connexes, et les besoins en matière de mesures de rétention et d'intégration et de mesures sociales. Comme on l'a fait dans d'autres pays, un groupe de travail pourrait ensuite être mis sur pied, avant l'établissement d'un nouveau programme.
Merci de votre attention.
Le président : Avez-vous presque terminé?
M. Audet : C'est bien.
Le président : C'est bien?
M. Audet : Oui, parfait; terminé.
Le président : D'accord. Nous sommes synchronisés. Merci beaucoup. Le temps est venu de passer aux questions du comité, en commençant par le sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Audet, vous nous avez très clairement fait savoir que l'abolition du programme des investisseurs ne vous plaisait pas du tout. Je comprends que les demandes en attente de quelque 68 000 personnes sont annulées par la proposition du gouvernement dans ce projet de loi.
Il dit que le programme n'est pas approprié au contexte actuel. Vous avez fait un commentaire à ce sujet. Il veut également lancer de nouveaux programmes, dont celui du fonds de capital de risque pour les investisseurs immigrants, et il a mis en place un programme pour le démarrage d'entreprises l'an dernier. Avez-vous des choses à dire concernant ces nouveaux programmes, et pensez-vous qu'ils pourront remplacer adéquatement le programme que le gouvernement a décidé ou propose d'abolir?
M. Audet : Oui. Selon les informations que nous avons reçues, le gouvernement veut d'abord augmenter le seuil d'investissement. Je répète que nous devons composer avec la concurrence internationale, absente il y a 15 ans. Le programme américain est très populaire désormais. Il faut comprendre que, pour obtenir une carte verte aux États- Unis, un investisseur de Chine, de Corée, du Moyen-Orient ou d'ailleurs doit seulement investir 500 000 $ américains. C'est un investissement risqué, mais la personne peut se faire rembourser.
Nous proposons environ 2 millions de dollars. Si nous demandons un tel investissement en capital-risque, je pense qu'il y aura moins de 50 investisseurs par année au Canada. Il faut se comparer au marché et savoir que les gens ont des options maintenant. Le Canada est une belle destination et a une offre intéressante pour les immigrants, mais nous parlons d'investisseurs, pas de travailleurs qualifiés. Nous avons créé cette catégorie en 1985, parce que ces gens ne répondent pas aux critères de sélection. Nous avons décidé de leur demander d'investir.
Des programmes dans le monde permettent aux investisseurs d'obtenir un passeport. Si on investit 1 million de dollars à Malte, on obtient un passeport européen. C'est ce qu'offre la concurrence. Nous devons user de prudence.
L'utilisation des fonds, c'est une question secondaire à mon avis. Le gouvernement doit avant tout établir le nombre d'investisseurs qu'il veut accueillir chaque année. Je pose la question depuis cinq ans, et personne ne m'a répondu. Voulons-nous accueillir 500 ou 5 000 investisseurs du secteur des entreprises par année? Il faut savoir quel est l'objectif exact. Le Canada accueille environ 250 000 immigrants par année, dont environ 3 p. 100 d'investisseurs. Voulons-nous maintenir le niveau actuel ou l'augmenter? Lorsque nous saurons à quoi nous en tenir, les intervenants n'auront aucun mal à élaborer le programme. Si nous ne visons que 500 investisseurs, oui, nous pourrons peut-être relever le seuil d'investissement exigé.
Le sénateur Eggleton : Je ne sais pas où en sont ces processus. Je pense que la catégorie des jeunes entreprises a commencé l'an dernier. Si je ne me trompe pas, le fonds des investisseurs immigrants n'est pas encore mis en œuvre. Avez-vous été consulté?
M. Audet : Non, le manque de consultation est un problème sur le marché. Nous avons demandé d'accéder aux données et de recevoir les rapports et tous les documents. Nos demandes sont restées sans réponse. L'information figure dans mon mémoire.
Le sénateur Eggleton : Vous avez parlé des conséquences partout au Canada, mais vous travaillez à Montréal.
M. Audet : En plus de Toronto et de Vancouver.
Le sénateur Eggleton : Le programme ne va-t-il pas se poursuivre au Québec? Son accord avec le fédéral est très particulier. Des dispositions lui permettent de prendre des mesures différentes de celles qui s'appliquent ailleurs au pays. Le programme ne va-t-il pas se poursuivre au Québec?
M. Audet : Dans le budget, M. Flaherty a décidé d'abolir le programme, mais pas cette catégorie conçue par le fédéral. Le Québec peut donc poursuivre le programme. Comme vous le savez sûrement, le Québec est partenaire du programme fédéral. Si le gouvernement fédéral en élabore un nouveau, le Québec va emboîter le pas. Comme mes documents l'indiquent, c'est surtout parce que le programme connaît beaucoup de succès au Québec. Chaque année, environ 400 PME reçoivent des fonds dans ce programme des investisseurs.
C'est aussi parce qu'une province participante ne fait rien avec le milliard de dollars qu'elle reçoit du programme fédéral des investisseurs immigrants. Nous avons dénoncé cet état de fait. La plupart des facilitateurs sont toutes les banques dûment autorisées par CIC pour promouvoir et recevoir les investissements dans ce programme. Nous avons souligné à CIC à maintes reprises que c'est ce qui va arriver, si les provinces n'utilisent pas l'argent de façon adéquate.
Le sénateur Eggleton : D'accord. Enfin, madame Choo, vous nous avez recommandé d'ajouter bien des éléments aux programmes d'immigration, mais que pensez-vous des deux programmes proposés par le fédéral dont je viens de parler? Pensez-vous comme M. Audet que ce serait peut-être une erreur de les annuler?
Mme Choo : Je répète que certaines provinces mettent des programmes en œuvre. Par exemple, la Colombie- Britannique offre un soutien pour intégrer les investisseurs du secteur des entreprises. C'est un programme qui aide les entrepreneurs à lancer leurs entreprises dans la province.
Il s'agit d'un programme différent du programme des investisseurs. Mais je mets l'accent sur l'aspect humain et social, parce que la question ne porte pas que sur l'investissement. À mon avis, nous devons nous assurer que ces immigrants restent au pays et y contribuent.
C'est ce dont je parle dans la plupart de mes recommandations. Je pense que ces programmes ont un certain mérite, mais nous pouvons améliorer le programme pour soutenir les immigrants avant qu'ils quittent leurs pays d'origine et pour nous assurer qu'ils comprennent bien le Canada ainsi que leurs obligations en tant que résidents permanents. C'est beaucoup plus important que de parler simplement du montant d'argent ou du délai prévu pour le versement.
Je crois sincèrement à l'intégration et aux services d'établissement avant et après le départ.
La sénatrice Seidman : J'aimerais obtenir quelques précisions, monsieur Audet. Le Québec accepte-t-il toujours des investisseurs dans ce programme?
M. Audet : Oui et non. Le Québec a imposé un moratoire sur le programme. En septembre, il va rouvrir 1 750 dossiers seulement, parce qu'il doit déjà gérer l'arriéré qui s'élève à 10 000 dossiers.
La sénatrice Seidman : Le Québec gère l'arriéré.
M. Audet : Oui.
La sénatrice Seidman : Le programme québécois diffère-t-il du programme fédéral?
M. Audet : Ils reviennent au même 90 p. 100 du temps. L'investissement exigé est de 800 000 $ dans les deux cas. La gestion est simplement un peu différente. La principale différence, c'est le fonds des utilisateurs et le marketing du programme. Au Québec, tout l'argent est versé au fonds provincial Investissement Québec. Les 800 000 $ ne tiennent pas compte des frais à payer. L'investisseur a besoin de 100 000 $ de plus. Les fonds sont ensuite répartis en tranches de 40 000 à 250 000 $ versés aux PME.
Comme je l'ai dit, de 300 à 400 entreprises par année reçoivent 150 000 $ chacune. Le programme québécois est fortement axé sur l'investissement. Comme vous le savez, le Québec s'emploie présentement à garder ses immigrants.
La sénatrice Seidman : Vous avez donné des exemples internationaux.
M. Audet : Oui.
La sénatrice Seidman : En fait, vous avez dit que ce programme constitue une référence mondiale parmi les programmes semblables. Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples de programmes internationaux comparables ou non?
M. Audet : Je vous invite à consulter le tableau 2, la première diapositive qui présente tous les programmes dans le monde et tous les pays de 1990 à aujourd'hui. Ces dernières années, les changements sont surtout survenus en Europe, car l'économie n'allait pas très bien. Des programmes de résidence et de citoyenneté ont donc été mis sur pied. Les Caraïbes délivrent davantage de passeports. On peut faire un don au gouvernement ou investir dans un projet immobilier là-bas.
Pour comparer des pommes avec des pommes, le Canada n'est pas forcément les Caraïbes. Il ressemble plus aux États-Unis, à l'Australie ou au Royaume-Uni. Disons que nos programmes ressemblent à ceux des États-Unis, qui tirent profit des mesures que prend le Canada et de la demande croissante. Tous les rapports dans le monde indiquent qu'il y a plus de gens riches aux États-Unis.
Inversement, le Canada peut en profiter aussi. Depuis 2011, nous n'avons pas reçu de nouvelles demandes. Cela fait trois ans que nous restons les bras croisés. Nous devons réagir et convenir de ce que nous voulons, avant d'établir les critères de cette catégorie. Nos objectifs sont encore incertains.
Le sénateur Eggleton a parlé du programme de visas qui a été mis en œuvre et qui est un désastre. C'est normal que nous ayons reçu moins de 10 demandes en deux ans, car il n'y a pas de consultation. La modification proposée pour renvoyer les demandes est insensée elle aussi. Nous avons reçu moins de 20 000 demandes, dont bon nombre ne valent rien. Bien des gens ne sont pas admissibles. Ils n'ont plus d'intérêt, car leur vie a beaucoup changé pendant qu'ils attendaient depuis 2008. Ils sont déjà rendus aux États-Unis, en Australie ou ailleurs.
Le président : Je dois vous interrompre. Toutes les raisons que vous avancez sont invoquées par le projet de loi comme des motifs de changement. Nous avons déjà beaucoup d'information sur les programmes actuels. C'est ce dont il est question dans le projet de loi global que nous étudions. Vous pourriez vous en tenir aux différences particulières en réponse aux questions.
M. Audet : Pour revenir à la question précise sur les programmes, nous prenons des dispositions. Deux ou trois pages plus loin, mon graphique montre 100 options dans le monde. Le Canada se situe au milieu. Certains pays offrent deux ou quatre options d'investissement, comme l'immobilier ou les obligations. J'ai analysé et classé plus de 30 pays. Nous devons examiner la question avant de réformer le programme et consulter des spécialistes pour savoir exactement ce qui se fait ailleurs. Le monde change rapidement.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Madame Choo, vous avez dit dans l'exposé qu'il ne faut pas ignorer les immigrants qui sont devenus citoyens canadiens ou résidents permanents pour les programmes des futurs entrepreneurs. J'aimerais savoir pourquoi ils sont ignorés dans le programme actuel et ce que vous suggérez à cet égard.
Mme Choo : C'est une excellente question. Un programme provincial accepte les nouveaux immigrants qui répondent à certains critères et qui sont résidents permanents depuis moins de cinq ans. Ces gens sont admissibles au programme tout à fait gratuit qui les aide à lancer leurs propres entreprises au Canada.
Qu'en est-il des immigrants qui vivent au Canada depuis plus de cinq ans et qui ont peut-être le talent et les ressources nécessaires et qui veulent lancer leurs entreprises? Nous devons également leur offrir la possibilité de le faire pour renforcer l'économie canadienne.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé et de ce document, qui semble contenir beaucoup d'information.
Madame Choo, votre mémoire comprend un certain nombre de recommandations, comme le financement fédéral de certains programmes d'éducation et d'établissement. Vous avez ensuite signalé que le principal objectif des programmes des entrepreneurs et des investisseurs immigrants, c'est de contribuer à l'économie.
Est-ce que les recherches indiquent que ces deux recommandations vont renforcer l'économie? L'investissement initial de ces catégories d'immigrants est-il chiffré? Sait-on combien d'emplois sont créés, de revenus fiscaux sont générés ou d'argent est réinvesti au pays? Avons-nous des données là-dessus? J'aimerais aussi savoir ce que vous en pensez, monsieur Audet.
Mme Choo : Merci de la question pertinente et appropriée. Je pense que vous parlez des documents que je vous ai remis sur le soutien à l'intégration des immigrants du secteur des entreprises. C'est un projet pilote, mais il montre que les entreprises des immigrants pourraient consolider notre économie. En deux ans, les immigrants qui lancent des entreprises en Colombie-Britannique ont généré environ 6,2 millions de dollars.
Ce n'est qu'un projet pilote. En Colombie-Britannique, ces immigrants ont créé 165 emplois récemment, en seulement deux ans. Je n'ai pas les données que vous demandez. J'encourage le gouvernement à examiner les programmes qui vont permettre aux gens de réussir, surtout à lancer une entreprise et à stimuler l'économie dans toutes les provinces.
Comme je l'ai dit, les immigrants qui ne satisfont pas présentement aux critères de cinq ans ne sont pas admissibles. Nous avons donc manqué notre coup pour bon nombre d'entre eux qui ont peut-être le talent et les ressources nécessaires.
Nous devons continuer d'améliorer ce programme révisé pour permettre aux immigrants d'investir et d'avoir un sentiment d'appartenance au Canada à l'avenir. C'est la vision que nous voulons concrétiser.
Le sénateur Enverga : Monsieur Audet, savez-vous combien d'emplois ont été créés?
M. Audet : Oui, les entrepreneurs et les investisseurs forment deux catégories. Les premiers sont actifs, tandis que les autres sont passifs. Le fédéral a supprimé la catégorie des entrepreneurs et a confié les pouvoirs aux provinces dans le programme des candidats des provinces. Le Québec offre encore le programme des entrepreneurs.
Ce programme n'est pas très vigoureux et reçoit en général moins de 100 demandes par année. En gros, il se résume aux dépanneurs, aux cafés ou à ce genre d'entreprises.
Je pense que les provinces veulent obtenir plus de pouvoirs d'Ottawa dans le programme des candidats des provinces. C'est profitable de tenir compte des besoins de l'économie. Nos règles font en sorte que seul le principal demandeur est considéré comme un entrepreneur. Pourquoi ne pas les réunir? C'est ce qui se fait aux États-Unis. Au Vermont, le Jay Peak Resort a reçu 650 millions de dollars de la part d'investisseurs, qui obtiennent une carte verte.
Le sénateur Enverga : Je veux savoir combien d'emplois ont été créés. Le savez-vous?
M. Audet : En général, l'entrepreneur crée un ou deux emplois en plus du sien, dans la structure actuelle. Le résultat pour l'investisseur dépend des sommes investies. Les fonds reçus dans le programme fédéral des investisseurs de CIC sont répartis entre huit provinces, qui en font ce que bon leur semble. Le Québec mise sur la création d'emplois.
Le sénateur Enverga : Savez-vous combien d'emplois?
M. Audet : Je dirais que, en général, il s'agit de 2 000 à 3 000 par année, environ.
Le sénateur Enverga : Deux mille emplois sont créés?
M. Audet : Environ.
Le sénateur Enverga : Certains disent que, dans la plupart des cas, quand un investisseur arrive avec un 1 million de dollars, tout ce qu'il fait, c'est acheter deux maisons à un demi-million de dollars chaque. Est-ce vrai?
M. Audet : Non.
Le sénateur Enverga : Madame Choo, est-ce que c'est un investissement de ce genre que font la plupart des investisseurs?
Mme Choo : Vous voulez savoir quels investissements ont été faits? J'ai justement recommandé que tout cela soit bien documenté étant donné que beaucoup de gens s'adonnent à la spéculation à ce sujet.
Beaucoup de spéculations sont rendues publiques dans les médias, en fonction du point de vue de la personne. Les investissements devraient être bien documentés, et il faudrait avoir des statistiques qui montrent quels programmes contribuent le plus à notre économie. Cela fait justement partie de mes recommandations.
Le sénateur Enverga : Vous êtes donc d'accord pour dire que le programme devrait faire l'objet d'une véritable refonte puisque, à l'heure actuelle, nous n'avons aucune statistique à ce sujet.
Mme Choo : Non.
Le sénateur Enverga : Ni des renseignements détaillés. Nous ne savons ni où les immigrants investissent leur argent ni combien d'emplois sont créés. Vous êtes d'accord pour dire que ce programme pour les investisseurs devrait faire l'objet d'une véritable refonte, n'est-ce pas?
Mme Choo : Absolument. Voilà ce que j'ai proposé dans mes 10 recommandations. Si nous procédons à cette refonte, nous devrons établir ces critères, faire des pas de géant, et veiller à faire le suivi de l'argent qui est investi et dépensé dans chaque province. J'ai donné quelques exemples de pratiques exemplaires. Nous devrions être au courant des renseignements concernant ces investisseurs — tant avant qu'après leur arrivée.
M. Audet : Je vous invite à vous tourner au tableau 8. Selon une étude qui a été menée en 2010, les répercussions économiques de chaque famille d'immigrants investisseurs s'élèvent à environ 770 000 $. La famille fait un investissement passif de 800 000 $, qui génère un apport net de 50 000 à 60 000 $ à l'économie, étant donné que, cinq ans plus tard, nous devons lui remettre le montant de 800 000 $. Nous ne gardons pas cet argent.
Ces gens dépensent beaucoup d'argent au Canada. Selon une étude, ils achètent une propriété, ils ont des voitures, ils ont des enfants et ils paient des taxes. Dans l'étude, vous verrez qu'il s'agit de 770 000 $ par famille d'investisseurs.
Le sénateur Enverga : Certains se demandent s'ils viennent ici pour investir ou pour vivre. Quand la situation d'une personne de n'importe quel autre pays change, elle peut investir au Canada. Elle n'est pas obligée de venir vivre ici. Voilà ce qu'on essaie de dire.
M. Audet : Je devrais peut-être clarifier que, au Canada, aux termes du programme permettant d'obtenir un visa de résident permanent dans la catégorie des investisseurs, il faut prêter 800 000 $ au gouvernement pour cinq ans, sans intérêt. L'immigrant n'est pas tenu de faire autre chose. Il peut acheter un commerce, il peut jouer au golf — il peut faire ce qu'il veut. Aucune condition n'est attachée à son visa. Il n'est pas obligé de faire autre chose.
Selon les chiffres qui figurent au tableau 9, un tiers des immigrants font quelque chose : ils créent un commerce ou ils investissent dans un commerce existant. Ce sont de bonnes nouvelles.
La sénatrice Seth : Dans le cadre de l'ancien programme, je vois qu'environ 2 500 familles d'immigrants investisseurs entrent au Canada chaque année. Cela veut dire que ces programmes d'immigrants investisseurs contribuent au moins 2 milliards de dollars à l'économie canadienne chaque année.
Par conséquent, après que ce programme aura été aboli, est-ce que ce chiffre va diminuer ou augmenter? Pourriez- vous nous expliquer ce qui va arriver?
M. Audet : Ce que nous craignons, c'est que, si nous rejetons tous les dossiers dans l'inventaire, il n'y aura plus de demandes à traiter. Maintenant, il est question d'élaborer un nouveau programme — des consultations devraient être menées au cours des prochains mois — et peut-être qu'il y aura un nouveau règlement d'ici la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Après cela, nous devrons faire la promotion du nouveau programme à l'échelle mondiale si nous espérons attirer les gens. Par exemple, il leur faudra commencer par présenter une demande de visa. Par conséquent, nous ne verrons pas de répercussions avant 2017.
Voilà pourquoi nous disons que l'abolition du programme va provoquer un véritable désastre. Nous ne parlons pas seulement des conséquences sur le plan humain de devoir attendre cinq ans, mais aussi des conséquences économiques. Nous sommes capables de traiter un certain nombre de demandes, mais en fait, CIC a reçu moins de demandes, toutes catégories confondues, que ce que nous pouvons traiter.
Si vous regardez les chiffres de 2012 et 2013, le ministère a traité plus de demandes qu'il n'a reçues. Pourquoi l'arriéré alors? Peut-être que le nombre de demandes augmenterait si nous pouvions offrir un autre produit immédiatement, et en faire la promotion. En ce moment, le problème, c'est que nous sommes entre deux programmes.
Nous devons non seulement choisir le montant de l'investissement et faire le suivi de l'utilisation du capital de risque — ce qui, pour moi, représente le plan B —, mais aussi nous assurer de recevoir le nombre de demandes nécessaires pour nous donner l'argent dont nous avons besoin. Après cela, nous pouvons utiliser les fonds, soit pour le capital de risque ou autre chose, selon ce que chacun est prêt à faire. La première chose qu'un investisseur va dire, c'est qu'il considère que le Canada est un des meilleurs pays au monde, et qu'il est prêt à payer pour entrer au Canada — mais pas nécessairement trois fois.
Nous devons faire des ajustements au statut de résident. Récemment, M. Kenney a annoncé qu'il souhaite augmenter le nombre de règles régissant la citoyenneté. Par conséquent, si nous augmentons de beaucoup le nombre d'exigences, nous ne pouvons pas en même temps augmenter le montant de l'investissement requis.
La sénatrice Seth : Dans votre exposé, vous avez aussi recommandé que le Programme d'immigration des investisseurs soit élargi. Or, ce que le gouvernement dit, au contraire, c'est qu'il faut améliorer le système de traitement des demandes dans l'objectif de traiter les nouvelles demandes plus rapidement. Que pensez-vous de ce changement? Attirerons-nous un plus grand nombre d'investisseurs riches?
M. Audet : D'après le rapport mondial, d'autres clients sont disponibles. Nous pouvons toujours jouer avec le montant d'argent que nous exigeons, mais l'économie canadienne doit tirer profit de ce qui arrive. C'est pour cela que, au cours des trois dernières années, 15 pays ont saisi l'occasion d'offrir un programme de ce genre.
Nous ne parlons pas seulement de petits pays — certains sont de grands pays. Malte est le dernier à avoir fait cela. Le Canada doit s'assurer de continuer d'être sur un pied d'égalité avec les autres. Nous pouvons exiger n'importe quelle somme d'argent, mais il faut qu'elle soit logique. Nous pourrions peut-être exiger un investissement de 2 millions de dollars, mais si nous recevons seulement 50 demandes d'investisseurs en une année, ne préférerions-nous pas plutôt demander 1 million de dollars et attirer 500 investisseurs? N'oubliez pas que si nous avons 500 investisseurs au lieu de 50, cela veut dire 10 fois plus d'argent dépensé au pays, étant donné que chaque investisseur dépense plus ou moins le même montant. Ils achètent tous une propriété, des voitures et ainsi de suite.
Le président : La question que la sénatrice vous a posée concernait le programme qui est prévu dans le projet de loi. Elle voulait savoir si, à votre avis, il donnerait de bons résultats.
La sénatrice Seth : Prenons l'arriéré. Le gouvernement l'a éliminé. Si le programme était élargi, êtes-vous en train de dire que cela ne créerait pas un nouvel arriéré?
M. Audet : Tout dépend. L'approche visait notamment à accroître les fonds de capital de risque, donc tout dépend du montant exigé. Si nous demandons aux investisseurs de mettre 2 millions de dollars à risque, il sera très difficile d'en attirer. Si nous leur demandons de mettre 500 000 $ à risque, comme c'est le cas dans le cadre du programme américain, nous en attirerons davantage. Nous pourrions peut-être leur en demander un peu plus; tout dépend du nombre d'investisseurs que nous voulons accueillir. Voilà la question que nous posons au gouvernement. Parmi tous les immigrants que nous accueillons, quel pourcentage devrait, selon le gouvernement, appartenir à la catégorie des gens d'affaires?
Le président : Monsieur Audet, est-ce que vous ou votre entreprise représentez des immigrants investisseurs?
M. Audet : Pas vraiment. En fait, ce que nous faisons, c'est de recruter des investisseurs par l'entremise de consultants en immigration et d'avocats spécialisés en droit de l'immigration du monde entier. Auparavant, je travaillais pour Desjardins. Pour participer au programme d'immigration des investisseurs du gouvernement fédéral, pour être facilitateur, il faut être membre...
Le président : J'ai posé une question bien précise. Est-ce que vous ou votre entreprise représentez des investisseurs? J'ai entendu votre réponse. Dans le cadre du programme des investisseurs, recevez-vous de l'argent des immigrants ou du gouvernement pour gérer le programme?
M. Audet : Oui, du gouvernement. Pas des investisseurs, mais du gouvernement.
Le président : Déteniez-vous des intérêts financiers dans le programme?
M. Audet : Oui.
Le président : Je voulais simplement que cela soit inscrit au compte rendu. J'ai une seule remarque à faire au sujet de votre exposé. Dans ma province, cela ne s'est vraiment pas passé comme vous l'avez décrit aujourd'hui. Le programme a fini par coûter très cher à la province à cause de la façon dont les choses ont tourné. D'après ce que je comprends, ce n'est pas la seule province à avoir eu une expérience semblable. C'est simplement une remarque personnelle.
Madame Choo, je dois admettre que j'ai été vraiment très impressionné par l'analyse que vous nous avez présentée. Notre comité a étudié un certain nombre de projets de loi et de programmes concernant l'immigration. Nous avons mené une étude sur les municipalités, et nous avons trouvé que la question de l'immigration était très importante. Beaucoup de vos recommandations correspondent à des conclusions auxquelles nous sommes arrivés, notamment l'énorme importance de fournir à l'immigrant potentiel des renseignements très fiables tant avant qu'après son entrée au pays. La question de la langue était très importante aussi. Je ne vais pas dresser la liste de toutes vos recommandations, mais je vous remercie beaucoup du fait qu'elles ont été mûrement réfléchies.
Monsieur Audet, je vous remercie beaucoup de la quantité d'information que vous nous avez fournie; il nous faudra un certain temps pour en prendre connaissance.
Sur ce, chers collègues, nous allons maintenant passer à la deuxième étape de notre réunion et nous pencher sur les recommandations.
(La séance se poursuit à huis clos.)