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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 6 juin 2014


OTTAWA, le vendredi 6 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour mener une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Le président : Mesdames et messieurs, je suis très heureux de vous voir réunis ici ce matin. Pour commencer, je vais brosser un tableau général de la situation, après quoi je vais demander à toutes les personnes présentes autour de la table de se présenter. Nous allons tout de suite après entamer une discussion ouverte.

Il faut d'abord savoir que nous avons déjà procédé ainsi, dans le cadre d'une précédente étude, lorsque nous avions été chargés d'examiner l'Accord sur la santé de 2004. À la fin de cette étude, nous avons organisé une table ronde, comme celle-ci, et je crois que tous les participants ont vécu une expérience formidablement agréable qui nous a permis de recueillir énormément d'information sur les enjeux dont nous nous occupions.

L'objectif de la séance d'aujourd'hui est de tenir une discussion informelle. Il n'y a aucune caméra de télévision dans la salle, alors vous pouvez défaire votre cravate et vous mettre à votre aise, ce ne sera sûrement pas de trop. Nous sommes bien installés, aujourd'hui, dans la salle. Étant donné que vous n'avez pas tous participé à toutes les étapes de notre étude, je vais faire un bref survol.

Au cours des trois dernières années, nous avons mené une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada en nous penchant sur quatre aspects distincts, en commençant par les essais cliniques. Nous avons publié un rapport à ce sujet. Nous avons ensuite étudié l'étape suivante, à savoir le suivi post-approbation. Nous avons également publié un rapport à ce sujet. Nous sommes ensuite passés à l'étude des emplois non conformes à l'étiquette et nous avons publié un rapport à ce sujet. Nous venons tout juste de terminer notre étude des conséquences involontaires. Le comité directeur a en main la première ébauche du rapport, et nous espérons que le comité pourra s'en occuper dès notre retour, à l'automne.

Au point où nous en sommes, nous avons voulu convoquer de nouveau les témoins qui ont grandement contribué à notre étude et qui ont si bien su exposer leurs réflexions devant le comité et pendant les discussions, des témoins qui connaissent très bien, de manière générale et en détail, toutes les questions dont nous nous occupons. Nous avons dressé une liste des grands sujets auxquels nous voulions que vous réfléchissiez et de questions auxquelles nous voulions que vous pensiez avant de vous présenter ici.

Nous allons aujourd'hui procéder de la façon suivante : pour chaque étape, je vais désigner l'un d'entre vous qui devra ouvrir la discussion. Généralement, nos sénateurs ne poseront pas de questions. Nous vous avons soumis les questions. Ils pourraient peut-être poser des questions pour obtenir des éclaircissements, car nous voulons être certains de bien comprendre ce que vous dites, mais aujourd'hui, nous nous sommes réunis pour vous entendre parler des enjeux dont nous nous sommes occupés pendant toute cette période.

Il y aura à mi-parcours une pause d'environ 15 minutes. Nous allons arrêter à midi pile. Si tout est terminé avant, nous pourrons partir plus tôt, mais nous ne partirons pas plus tard. Je vais m'assurer que nous allons respecter ce délai.

Maintenant, j'aimerais que tout le monde se présente brièvement. Je vais commencer par ici, en faisant un tour de table à partir de ma gauche. Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je suis de la Nouvelle-Écosse. Je préside le comité.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Tina Saryeddine, vice-présidente adjointe, Analyse de recherches et des politiques,SoinsSantéCAN (précédemment ACISU-ACS) : Bonjour, je m'appelle Tina Saryeddine. Je représente SoinsSantéCAN. C'est la première fois que nous comparaissons au nom de cet organisme. SoinsSantéCAN s'appelait auparavant ACISU-ACS, c'est-à-dire l'Association canadienne des institutions de santé universitaires et l'Association canadienne des soins de santé. Nous venons de changer notre nom, le 1er juin, et je suis très heureuse d'être ici au nom de SoinsSantéCAN.

Dr Colin D'Cunha, directeur, Affaires médicales mondiales, Apotex Inc., Association canadienne du médicament générique : Bonjour, je m'appelle Colin D'Cunha. Je travaille pour Apotex, mais je représente ici aujourd'hui l'Association canadienne du médicament générique.

Janet Currie, représentante, Psychiatric Medication Awareness Group : Bonjour. Je m'appelle Janet Currie et je représente deux organismes nationaux : le Psychiatric Medication Awareness Group et PharmaWatch.

La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy et je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Merci beaucoup à vous tous d'être venus nous éclairer.

Maureen Smith, secrétaire, Organisation canadienne pour les maladies rares : Bonjour, je m'appelle Maureen Smith et je suis bénévole pour l'Organisation canadienne pour les maladies rares. Je suis la secrétaire de cette organisation.

Perry Eisenschmid, chef de la direction, Association des pharmaciens du Canada : Bonjour; Perry Eisenschmid, de l'Association des pharmaciens du Canada.

Matthew Herder, professeur adjoint, Institut de la loi en santé, Facultés de médecine et du droit, Université Dalhousie, à titre personnel : Bonjour, je m'appelle Matthew Herder et je suis de l'Université Dalhousie.

Jack Corman, président, Institutional Review Board Services : Je suis Jack Corman, des IRB Services. Je représente le plus important conseil indépendant et accrédité d'éthique de la recherche au Canada.

Jared Rhines, vice-président, Affaires scientifiques et stratégiques, Rx&D : Je m'appelle Jared Rhines, je représente Rx&D, qui regroupe les compagnies de recherche pharmaceutiques du Canada.

Jennifer Zelmer, première vice-présidente, Inforoute Santé Canada : Bonjour. Je m'appelle Jennifer Zelmer et je représente Inforoute Santé Canada.

Mary Wiktorowicz, présidente et professeure agrégée, School of Health Policy & Management, faculté de médicine, Université York, à titre personnel : Mary Wiktorowicz, de l'Université York, School of Health Policy & Management.

La sénatrice Seth : Asha Seth, sénatrice de l'Ontario. C'est un plaisir pour moi de vous recevoir, et je vous souhaite à tous la bienvenue.

Michael Gaucher, directeur, Services d'information sur les produits pharmaceutiques et la main-d'œuvre de la santé, Institut canadien d'information sur la santé : Bonjour, je m'appelle Michael Gaucher. Je représente l'Institut canadien d'information sur la santé.

Dr David Juurlink, chef, Division de la pharmacologie clinique et de la toxicologie, Centre sciences de la santé Sunnybrook, Institut de recherche en services de santé : Je m'appelle Dave Juurlink, je suis un médecin de Toronto et je m'intéresse à l'innocuité des médicaments. Puisque c'est pertinent pour la discussion, j'ajoute que j'ai déjà été pharmacien.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

Brian O'Rourke, président et directeur général, Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé : Je m'appelle Brian O'Rourke, je suis président de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, l'ACMTS.

Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, Instituts de recherche en santé du Canada : Bonjour, je m'appelle Robert Peterson, je suis directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments des Instituts de recherche en santé du Canada.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

Amir Attaran, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit, santé de la population et politique du développement mondial, Université d'Ottawa, à titre personnel : Bonjour, je m'appelle Amir Attaran, je suis professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa.

Ronald Heslegrave, directeur exécutif, William Osler Health System, à titre personnel : Ron Heslegrave. Je suis le nouveau chef de la recherche pour le William Osler Health System. C'est un poste relativement nouveau. Auparavant, je travaillais pour le réseau de la santé de l'université.

La sénatrice Seidman : Bonjour. Je suis Judith Seidman, sénatrice de Montréal, Québec.

Le président : Merci, chers collègues. Également présents avec nous, la greffière du comité, Jessica Richardson, et notre estimée analyste Sonya Norris, qui nous ramèneront à l'ordre.

Je vais tout de suite ouvrir la discussion en abordant le premier thème. Je vais suivre l'ordre des thèmes, de la façon dont ils figurent, je crois, dans votre document.

Le premier thème est celui des essais cliniques, et je vais demander à Ron Heslegrave de commencer en nous présentant ses commentaires. Après, j'aimerais que vous nous fassiez tous part de vos observations et réflexions touchant des faits nouveaux ou des enjeux qui devraient selon vous être mis à jour, en ce qui concerne ce sujet particulier.

Ron, veuillez commencer.

M. Heslegrave : Merci beaucoup. Comme je suis le premier à prendre la parole, j'essaie de savoir comment on va procéder.

J'aimerais tout d'abord remercier le comité sénatorial des positions déterminées qu'il a défendues dans un certain nombre de ces domaines. J'ai eu la chance de participer aux audiences sur les essais cliniques et je sais que les sénateurs ont vraiment travaillé dur sur ces dossiers. Nous devons vous en féliciter.

Les essais cliniques ont soulevé un certain nombre de questions, exprimées dans les recommandations sur les essais cliniques. Je n'ai peut-être pas les données les plus récentes sur le sujet, et la meilleure chose à faire serait peut-être pour moi de parler un peu de la première des questions figurant dans la liste que j'ai reçue.

On y indique que le gouvernement fédéral a annoncé la création d'une nouvelle entité, le Centre canadien de coordination des essais cliniques, fruit d'une collaboration entre les IRSC, l'ACISU — Tina, il va falloir que j'apprenne votre nouveau nom.

Mme Saryeddine : SoinsSantéCAN.

M. Heslegrave : Ensuite, la première question qui nous est posée est la suivante : « Que savez-vous des mesures qui ont été prises avant que l'on décide de créer le CCCEC et qu'on procède à son ouverture, et que pensez-vous de ce projet? »

Quand j'ai pris connaissance de ce document et de la création du CCCEC, j'ai été un peu surpris de l'enveloppe qui y est associée. Ce nouveau comité s'est vu confier un mandat considérable, et l'enveloppe qui lui est donnée semble relativement légère.

La première question que je me pose est de savoir si on peut raisonnablement croire que le centre pourra atteindre ses objectifs et réaliser son mandat avec un budget de 1,5 million de dollars, du moins selon ce qu'on peut trouver sur Internet, et je ne sais pas si ces renseignements sont exacts.

Il y a deux ou trois ans, j'avais mis sur pied un autre organisme, Clinical Trials Ontario, dont le mandat à l'époque était beaucoup plus réduit. Le gouvernement de l'Ontario lui avait accordé un budget d'environ 4,5 millions de dollars sur trois ans. C'est donc 1,5 million de dollars pendant trois ans. La question que je vous pose est la suivante. Est-ce que ce centre de coordination est doté d'un budget suffisant pour réellement remplir son mandat? J'aimerais avoir des commentaires à ce sujet pour commencer.

Ensuite, je parlerai d'autres enjeux qui concernent cette question.

Le président : Merci, Ron.

J'aimerais souligner que si vous faites un signe au président, la greffière va dresser la liste des intervenants. Vous n'êtes pas obligés de poursuivre sur la même question ou le même thème. Ron a posé une question, et vous pouvez tous y répondre, mais vous pouvez aussi si vous le préférez aborder un autre des enjeux dont nous vous avons transmis la liste.

Selon notre première expérience, une fois que deux ou trois personnes ont parlé, et Ron a commencé en abordant une question précise, ça se met à rouler tout seul.

Pour ceux que ça intéresse, veuillez nous le dire. Jack Corman a dit qu'il aimerait intervenir sur cette question.

M. Corman : J'aimerais moi aussi remercier le comité de m'avoir invité et de me donner la possibilité de participer à cet exercice essentiel.

J'aimerais faire écho aux commentaires de M. Heslegrave. Je crois que cet organisme est une bonne idée, mais qu'il est sous-financé. De plus, son mandat est trop restreint.

Puisque je parle au nom du secteur privé, je crois qu'on a omis le rôle qu'il joue dans les essais cliniques au Canada. Je passe en quelque sorte tout de suite à la question des registres. Nous avons passé au peigne fin le site ClinicalTrials.gov. Parmi tous les essais cliniques enregistrés de 2012 à octobre 2013, on en comptait 1 006 qui se déroulaient au Canada, dont 716 sont privés.

Si on ajoute les essais cliniques de phase I qui concernent les médicaments génériques, on en compte probablement 500 par année, qui sont pour ainsi dire tous réalisés par le secteur privé. On peut donc facilement dire que les deux tiers de la recherche sont faits par le secteur privé. Nous aimerions être considérés comme un partenaire à part entière. Nous pensons pouvoir contribuer et nous estimons qu'un bureau central comme celui-là pourrait nous être très utile, mais il ne doit pas conserver son mandat présent ni son niveau de financement actuel.

Le président : Merci beaucoup, Jack. En fait, je suis sûr que vous savez que nous avons recommandé que le pays s'engage dans cette voie.

Le sénateur Eggleton voudrait une clarification.

Le sénateur Eggleton : Ce que nous devrons clarifier, c'est le type de relation que ce nouveau centre de coordination entretiendra avec Santé Canada. Ce ministère est essentiellement un organisme de réglementation, et c'est pourquoi j'estime qu'il devrait être indépendant des activités de ce centre. Le centre s'occupera davantage de la promotion des essais cliniques, ce qui est une bonne chose. Je crois que nous devrions faire attention de ne pas mêler les objectifs de ces différentes organisations, et c'est pourquoi j'aimerais d'autres commentaires sur sa relation avec Santé Canada.

M. Corman : Je suis d'accord à 100 p. 100 avec le sénateur Eggleton. Il est essentiel que l'organisme de réglementation soit irréprochable dans ce domaine. Nous parlons en réalité d'une activité de promotion qui vise à susciter davantage de recherches, à conserver ce que nous avons et à multiplier les essais parrainés par l'industrie, en particulier.

Oui, je crois que c'est un excellent point et un point critique.

Dr Peterson : Je peux donner le point de vue des Instituts de recherche en santé du Canada, un des principaux partenaires de la triade qui a présidé à la naissance du Centre canadien de coordination des essais cliniques. C'est une des composantes principales de la Stratégie de recherche axée sur le patient. Bien que les attentes au sujet de ce centre soient diversifiées, au départ, son rôle est purement un rôle de coordination, pour le moment, et il doit aider à organiser une approche collective visant l'amélioration de l'environnement des essais cliniques.

À cet égard, il y a eu déjà beaucoup d'activités et de réalisations. Un comité exécutif a été mis sur pied, en 2013, et on a recruté l'an dernier un directeur de la mise en œuvre du centre. Plusieurs groupes de travail ont déjà été constitués, et ils ont en fait déjà publié les résultats de leurs études.

Le premier groupe de travail s'attachait à la carte des ressources canadiennes pour les essais cliniques. Ce groupe de travail est toujours en activité; il aide à recueillir et à rassembler les ressources actuellement accessibles au Canada pour soutenir les essais cliniques. On a aussi mis sur pied un groupe de travail qui s'attachait à un modèle d'entente d'essai clinique, qui a terminé ses travaux et a publié ses constatations sous forme d'un modèle d'entente sur lequel on peut s'appuyer. On a mis sur pied un comité sur la simplification de l'examen de l'éthique de la recherche en santé, qui a lui aussi déjà publié le résultat de ses travaux.

Cela donne une idée de ce qu'est le centre de coordination. Donc, une somme de 1,5 million de dollars, ce n'est pas beaucoup d'argent si l'on veut, grâce à une approche complète, réaliser le travail qui consiste à assembler l'infrastructure des essais cliniques. Ce n'est pas là notre but. Notre but, c'est de coordonner cette activité : mettre sur pied des groupes de travail, coordonner une bonne partie des activités externes, réunir des experts afin qu'ils le fassent.

J'ajouterais seulement que le rôle de Santé Canada, comme vous le soulignez, se situe en périphérie. Toutefois, dans certains domaines — et je sais que vous allez parler d'éthique, après ça —, Santé Canada a travaillé de façon à préparer le terrain pour le travail du centre de coordination en examinant les normes imposées aux comités d'éthique de la recherche, un sujet que le centre étudiera également.

De manière générale, le centre doit cerner les aspects qu'il faudra intégrer. Il y aura donc des gains en efficience, puisqu'on aura un gabarit commun que les comités d'éthique devront suivre, qu'on comprendra mieux le modèle des demandes d'essais cliniques au Canada, et cetera.

Le président : Magnifique.

Amir Attaran, vous êtes le suivant sur ma liste, puis ce sera au tour de Jared Rhines.

M. Attaran : Merci beaucoup. Je vais faire quelques commentaires au sujet de ce que je viens d'entendre. Vous allez peut-être me trouver casse-pieds, mais ce n'est pas exceptionnel.

J'ai trois choses à dire. Je vais répondre au Dr Peterson, qui affirme que l'un des objectifs consiste à réduire le nombre de dédoublements dans le processus d'examen éthique grâce à l'adoption d'un modèle à l'intention des comités d'éthique. C'est une bonne idée, mais je ne crois pas que ce soit suffisant, pour la raison que le fait d'utiliser un modèle commun signifie que tous les comités d'éthique vont faire la même chose, une fois après l'autre. Ils vont se conformer au modèle, mais ça ne change rien au fait qu'il y a trop de comités d'éthique, qu'ils sont trop nombreux. C'est une question tout à fait différente de celle du modèle.

Laissez-moi vous donner un exemple. Si vous faites un essai clinique avec des patients recrutés à 10 endroits — choisissez 10 villes du Canada, 10 endroits —, vous devez passer par 10 comités d'éthique, si ces 10 endroits relèvent de 10 institutions. Et, même si vous faites exactement la même chose dans ces 10 endroits, vous devez 10 fois encore poser les mêmes questions d'éthique. Le fait de disposer d'un modèle nous assure que ce sont toujours les mêmes questions, mais on ne réduit aucunement le nombre des cas de dédoublement, en général. Mon premier point, c'est que le modèle est utile, mais qu'il n'est pas suffisant. Il est particulièrement nécessaire de réduire le dédoublement, comme M. Heslegrave l'a dit, étant donné que le financement du centre n'est pas énorme et qu'il ne faut surtout pas le gaspiller en dédoublements inutiles.

Deuxièmement, et je m'adresse maintenant au Dr Peterson, les IRSC sont beaucoup trop exigeants quant aux motifs pour lesquels ils veulent que les comités d'éthique se réunissent. Je vais vous donner un exemple.

Nous avons récemment mené une recherche dans le cadre de laquelle nous devions interviewer des médecins de l'Ukraine au sujet de leurs habitudes de prescription pour les patients souffrants. Quels médicaments prescrivaient-ils, par exemple, à un patient souffrant de cancer qui éprouve de la douleur? Nous avons dû soumettre l'étude à un examen par un comité d'éthique et attendre six pénibles mois seulement pour avoir le droit de poser des questions aux médecins. Il ne s'agit pas de soumettre un patient à un traitement expérimental qui peut mettre en péril son bien-être. Je comprends que les comités d'éthique sont nécessaires, dans de tels cas, mais le sont-ils quand il s'agit tout simplement de poser des questions à des médecins?

Dans une autre étude, nous posions des questions à des bureaucrates, et il nous a fallu passer par un comité d'éthique.

Dans un autre cas, nous achetions des médicaments dans une pharmacie. Nous avons dû nous soumettre à l'examen d'un comité d'éthique simplement pour acheter des médicaments dans une pharmacie. C'est ridicule. Les motifs pour lesquels un comité d'examen est exigé sont beaucoup trop nombreux, et c'est carrément la faute des IRSC, du CRSH et du CRSNG. Il faut régler le problème, sinon nous gaspillons de l'argent.

Troisièmement, pour répondre à M. Corman, je crois qu'il serait plutôt malavisé d'étendre ce nouveau mécanisme jusqu'au secteur privé, de manière générale, et en particulier jusqu'aux essais cliniques portant sur des médicaments génériques. Si ce mécanisme ne s'appuie que sur un petit budget, ce qui est malheureusement le cas, il devrait s'attacher d'abord et avant tout aux essais cliniques touchant les nouvelles thérapeutiques, qui repoussent les limites des traitements offerts aujourd'hui et des traitements qui seront offerts demain. Il faudrait consacrer ces ressources d'abord et avant tout aux nouvelles inventions. Les essais de bioéquivalence, ce sont des essais qui visent à prouver qu'un médicament générique donne les mêmes résultats qu'un médicament de marque. Ce sont des recherches absolument nécessaires; il faut mener ces recherches, même si elles ne débouchent pas sur la mise en marché d'un nouveau produit thérapeutique. Elles ne font que permettre la mise en marché d'un nouveau produit qui est une nouvelle version d'un ancien produit thérapeutique. À mon avis, ce n'est pas une grande priorité.

Le président : Pour clarifier cette question de la biocomparaison, parlez-vous des études pharmacocinétiques menées en laboratoire par opposition aux essais avec des sujets humains qui révèlent l'expérience réelle dans l'organisme?

M. Attaran : Excellente question. Nous devons nous pencher sur les deux types d'études. Il nous faut savoir, par exemple, si un comprimé donné est soluble. Il faut ensuite l'administrer à un patient et voir à quelle vitesse il se répand dans le sérum et à quelle vitesse il disparaît.

Le président : Je voulais tout simplement savoir jusqu'où allait votre question.

M. Corman : J'aimerais répondre. Je crois que ce qu'on appelle les études de biodisponibilité, qui consistent à faire l'essai de nouvelles formulations d'anciens médicaments pour en faire des médicaments génériques, devraient être exemptées de l'enregistrement.

À mon avis, on comprend vraiment mal ce que fait le secteur privé. Nous menons les premiers essais chez les humains. Nous faisons des études au début, à la phase II. Il se fait beaucoup de travail, et je crois que ces travaux ne sont pas très bien connus.

En ce qui concerne les exigences des IRSC et l'EPTC, il existe une définition de ce qui constitue une recherche nécessitant un examen par un comité d'éthique. Je crois qu'en peaufinant cette définition et en précisant de façon beaucoup plus détaillée les motifs pour lesquels un examen par un comité d'éthique serait nécessaire, on améliorerait de beaucoup la situation.

Aux États-Unis, les comités d'examen des institutions peuvent déterminer que les projets qui leur sont soumis peuvent se prévaloir officiellement d'une exemption. Si nous voulons régler le problème, comme vous le dites, je crois que ce serait un modèle utile.

En ce qui concerne les dédoublements, je puis vous assurer, en me fiant aux données, encore une fois, que dans les administrations qui harmonisaient les examens de l'éthique — l'OCREB est un bon exemple, l'Alberta également —, le fait de n'avoir qu'un seul examen n'a pas entraîné une augmentation du nombre des essais; au contraire, ce nombre a diminué. Terre-Neuve est un autre exemple. Je crois qu'en fait, il faudrait s'attaquer à des problèmes davantage structuraux touchant la façon dont les examens de l'éthique sont réalisés, à l'heure actuelle, par les comités.

Le président : Merci.

Je vais laisser intervenir le Dr Peterson, parce qu'il a été interpelé, puis je vais revenir à la liste.

Dr Peterson : Je n'ai pas l'intention de me défendre et je ne peux que me dire d'accord avec mon collègue sur le fait que, ces temps-ci, il y a énormément de dédoublements en ce qui concerne les examens de l'éthique de la recherche. Toutefois, si on veut procéder par étape, la première étape consisterait à établir un climat de confiance. Autrement dit, on ne pourra fusionner la multitude de comités d'éthique de la recherche qu'en créant un environnement fondé sur la confiance que les comités d'éthique de la recherche locaux peuvent accorder à un processus unifié d'examen de l'éthique de la recherche. Il faut que les intervenants aient l'assurance que, si un comité central examine leur demande, ce sera à l'aide des critères qu'ils auraient utilisés localement. C'est un exercice d'établissement de la confiance.

La première étape de ce processus consiste évidemment à élaborer un ensemble commun de lignes directrices sur lesquelles tout le monde s'entend. De cette façon, vous ouvrez la porte à une entente davantage centralisée. Je crois que tout le monde s'entend sur ce fait, mais il convient d'adopter une approche par étapes quant à la façon d'en arriver à une solution.

Les IRSC sont trop exigeants : je ne pense pas qu'il faille s'excuser d'être trop exigeant quand on parle de la sécurité des patients dans un environnement d'éthique de la recherche. Je ne peux pas m'étendre sur le sujet, mais je peux vous affirmer, et je pense en particulier à une étude réalisée à l'étranger, que c'est bien le cas — et, en passant, il ne s'agit pas d'une exigence de l'administration centrale des IRSC. Le travail des instituts est fondé sur un système d'examen par les pairs. Il y a donc des pairs qui procèdent à l'examen d'une demande et qui y cernent des éléments préoccupants sur lesquels les chercheurs devront se pencher.

Il est certain, dans le cas des études réalisées à l'étranger, qu'on se demande s'il existe vraiment un organe chargé de l'éthique de la recherche. Il y a peut-être une autorisation, mais cela n'inspire pas nécessairement confiance. C'est pourquoi il semble que la bureaucratie, dans ce domaine, est lourde.

Le président : Je crois que les commentaires d'Amir visaient clairement un exemple particulier. Vous avez abordé un autre aspect de la question. J'aimerais entendre d'autres commentaires, mais nous discutons d'enjeux très importants.

Monsieur Rhines.

M. Rhines : Au départ, mes commentaires étaient beaucoup plus longs, mais, comme tout le monde a dit des choses intelligentes, il m'en reste moins à dire.

J'aimerais préciser que le Centre canadien de coordination des essais cliniques et le plan d'action sur les essais cliniques forment un processus inclusif. En plus des trois bailleurs de fonds et du comité exécutif, nous réunissons, pour notre conseil consultatif, des représentants des universités, du milieu de la recherche, du gouvernement et de Santé Canada. Le tout est donc dirigé par un conseil consultatif dont les membres possèdent une vaste expérience et sont très concentrés sur leur objectif.

J'aimerais dire une autre chose au sujet du mandat, et c'est que le mandat relatif à ce plan d'action est vraiment singulier et qu'il ne définit pas de façon précise la façon de faire. Le mandat consiste à augmenter la compétitivité du Canada sur la scène internationale dans le domaine des essais cliniques. Que pouvons-nous faire pour qu'il se réalise davantage de recherches cliniques au Canada?

Sénateur, le groupe que vous avez réuni ici mérite des applaudissements; j'ai entendu vos premiers commentaires. À Rx&D, nous aimerions beaucoup que ce processus soit repris plus souvent. Nous pensons que les gens réunis autour de la table ont la réponse à la plupart des défis relatifs aux soins de santé auxquels nous faisons face, et nous sommes heureux que ces discussions aient lieu. Le plan d'action en fait partie. Nous sommes réceptifs à toutes les idées et à toutes les opinions et nous voulons vraiment qu'elles motivent non seulement les représentants de l'industrie, mais également ceux du secteur privé de la recherche et du milieu universitaire de la recherche pour aider à faire du Canada un endroit plus compétitif, et favoriser nos investissements dans le monde entier. L'environnement international des essais cliniques, aujourd'hui, est incroyablement concurrentiel, et nous voulons désespérément que le Canada remporte la mise. C'est ce à quoi le plan d'action doit servir.

Le président : Merci, Jared. Je crois vraiment qu'il s'agit là d'un objectif commun.

Mme Saryeddine : Chez SoinsSantéCAN, un des trois partenaires, nous sommes ravis de voir que le CCCEC existe et fonctionne. Nous croyons qu'il apportera une contribution importante en nous permettant de nous assurer que les Canadiens en général et les patients en particulier pourront eux aussi profiter des progrès de la science et de la technologie. C'est la raison pour laquelle SoinsSantéCAN a donné son appui. Nous allons surveiller les progrès tout au long du processus, convaincre nos organismes membres d'y donner leur appui et nous assurer que les intérêts des patients restent la priorité.

En ce qui concerne les ressources et les partenariats, il est toujours mieux d'en avoir le plus possible. Tout comme Jared l'a dit, il y a un groupe consultatif, il y a des groupes de travail et on sensibilise le plus grand nombre possible d'organisations et de partenaires.

Vous remarquerez, dans le communiqué de presse, qu'on parle de contributions en nature. Les ressources en argent ne sont pas le seul soutien du CCCEC, il doit aussi pouvoir compter sur les partenariats et la collaboration d'autres organismes, de tous les organismes universitaires de santé du pays, de même que sur le partenariat et la collaboration d'organismes comme le Réseau des réseaux, Clinical Trials Ontario, le British Columbia Clinical Research Infrastructure Network, Alberta Innovates Health Solutions, le Saskatoon Centre for Patient-Oriented Research de la Saskatchewan et sur nos collègues du Manitoba, du Québec et des provinces atlantiques. Tous ces organismes ont fait preuve d'une grande générosité à l'égard de SoinsSantéCAN en donnant des conseils et un appui et en aidant à mettre sur pied et en activité ce CCCEC.

Nous avons hâte de collaborer à ce processus, et je crois que c'est l'une des choses vraiment importantes, comme l'ont dit le Dr Peterson et M. Rhines, à savoir comment le CCCEC pourra réunir des ressources à partir d'un point de départ important.

Le président : Merci, Tina.

Maureen, s'il vous plaît.

Mme Smith : J'aimerais dire pour commencer à quel point les intervenants de l'Organisation canadienne pour les maladies rares sont heureux d'être représentés ici. C'est magnifique pour moi d'avoir été invitée, avec Janet, à m'asseoir à une table ronde du Sénat pour livrer un témoignage et faire part de notre opinion à des gens très distingués qui ont invité un groupe de patients et qui leur ont dit : « Vous êtes égaux aux autres personnes ici présentes, les présidents de différents organismes. » Je crois que nous venons de loin. Je ne crois pas que cette discussion aurait été possible il y a seulement cinq ans et je félicite le comité d'avoir pris cette décision. Plutôt que d'organiser une séance distincte avec des groupes de patients, d'avoir décidé de nous intégrer à cette séance-ci constitue à notre avis une affirmation très puissante, et je suis très heureuse d'être ici.

L'OCMR est tout à fait favorable au CCCEC, mais nous voudrions qu'il y ait des dispositions selon lesquelles les patients souffrant d'une maladie rare ne sont pas doublement désavantagés. Nous sommes désavantagés, dans le cadre des essais cliniques, à trois égards : premièrement, le nombre d'essais; deuxièmement, l'accès aux essais; troisièmement, la conception des essais en fonction de petites populations.

Je vais m'adresser à vous personnellement, car je crois que c'est la seule façon dont je peux faire passer mon message.

J'ai reçu le diagnostic d'une maladie rare lorsque j'avais 8 ans. Les probabilités sont de cinq sur un million. J'ai participé à un essai clinique, une étude longitudinale, pendant 10 ans. À la fin de cette étude, je n'ai pas pu participer à des essais cliniques ni obtenir des médicaments appropriés pendant 20 ans. Mon état de santé s'est rapidement détérioré au point où je devais utiliser une marchette et que je ne pouvais rien faire d'autre que de rester au lit.

À cette époque, Internet n'existait pas. J'allais à la bibliothèque médicale de l'Université d'Ottawa. Le bibliothécaire pensait que j'étais une étudiante et, un jour, il m'a murmuré à l'oreille : « Comment se fait-il que tu n'aies pas encore obtenu ton diplôme? » J'étais tout le temps là. Je cherchais des essais cliniques et des médecins qui pouvaient m'aider. Cela m'a pris 20 ans, mais j'ai finalement pu participer à un essai clinique. J'ai aujourd'hui 55 ans, et je suis en meilleure santé que je ne l'étais dans la vingtaine.

Je peux donc parler, en raison de cette expérience personnelle, du nombre d'essais cliniques destinés à de petites populations et de l'accès à ces essais. Nous approuvons tout à fait cette stratégie, mais nous voulons nous assurer que les petites sociétés, qui ne sont pas proches des IRSC ou qui ne sont pas membres de Rx&D, ne sont pas laissées de côté.

Nous voulons attirer votre attention sur trois points de ce plan d'action. Le troisième point vise l'intégration du système de santé et de l'infrastructure de la recherche, et nous estimons que cette intégration est très importante dans le cas des maladies rares. Le second point concerne l'efficience des examens de l'éthique et des enjeux stratégiques plus poussés touchant, par exemple, les obstacles aux essais cliniques qu'il faudrait éliminer. Le dernier point concerne l'élaboration d'une base de données des registres et, éventuellement, d'une stratégie nationale de recrutement des patients.

Nous pensons que, si on portait une attention spéciale à ces trois enjeux, les patients souffrant d'une maladie rare en tireraient un grand avantage.

Le président : Merci.

Il y a trois noms sur ma liste, puis je mettrai fin à cette partie de la discussion, sauf pour une question de clarification posée par le sénateur Eggleton. Nous allons ensuite aborder le sujet suivant.

Tout cela va revenir à mesure que nous avançons. C'est important, lorsque nous commençons.

Mary, je vous le dis tout de suite, je vais vous donner la parole en premier sur le prochain sujet, c'est-à-dire le cadre législatif et réglementaire.

Perry, s'il vous plaît.

M. Eisenschmid : C'était une intervention parfaite. Je crois que nous pourrions passer quatre heures à parler uniquement du nouveau Centre canadien de coordination des essais cliniques et des questions techniques qui le concernent. J'aimerais faire passer la discussion à un autre niveau.

La priorité de l'Association des pharmaciens du Canada, c'est la sécurité des patients et, en ce qui a trait au programme des essais cliniques, nous voulions mettre en relief deux enjeux fondamentaux. Le premier enjeu concerne le compte rendu des résultats négatifs des essais. Comme on l'a souligné, la majeure partie des recherches sont financées par le secteur privé, ce qui explique pourquoi seuls les résultats positifs sont déclarés. Malheureusement, en conséquence, on n'a connaissance des résultats négatifs qu'une fois que les sociétés pharmaceutiques ont mis le médicament en marché et que les patients sont touchés. Nous voudrions insister sur le fait qu'il est important de déclarer davantage les résultats négatifs.

Le deuxième enjeu concerne les populations spéciales, par exemple les enfants ou les mères allaitantes. Les recherches menées aujourd'hui ne servent pas bien ces populations spéciales, et nous aimerions qu'il y ait davantage de projets concertés d'essais dans ces populations.

Mme Currie : Je tiens encore une fois à remercier le comité de l'approche durable et systématique qu'il a adoptée pour assurer la sécurité des produits pharmaceutiques. J'apprécie réellement les efforts que vous avez déployés et le travail que vous avez fait à ce chapitre.

J'ai une question absolument essentielle. Je comprends que la mise en place d'une infrastructure des essais cliniques est un projet commercial, un projet de promotion, comme l'ont mentionné certaines des personnes assises autour de la table, et je ne suis pas sûre de comprendre le rôle de Santé Canada dans ces projets. Je ne vois pas en quoi ce type d'activité est liée à la santé et à la sécurité des Canadiens. Je ne dis pas ça pour faire des manières. J'aimerais vraiment savoir en quoi c'est relié. Est-ce que nous mettons en place une infrastructure d'essais cliniques de façon à orienter les essais cliniques? Est-ce que nous le faisons pour mettre en place un cadre éthique plus solide en fonction duquel les essais cliniques seront menés? J'aimerais vraiment savoir en quoi c'est relié aux objectifs touchant la santé et la sécurité des Canadiens.

Je n'ai pas choisi mon sujet au hasard. Étant donné les ressources dont Santé Canada dispose, et nous avons déjà discuté ici aujourd'hui de la pauvreté des ressources, et nous sommes nombreux à nous en préoccuper, il me semble qu'il s'agit d'un cas de détournement de ressources qui pourraient être mieux utilisées. Je ne parle pas seulement des ressources financières, je parle également de l'effectif humain qui pourrait à mon avis être utilisé dans des dossiers plus critiques, par exemple l'enregistrement des essais cliniques, notre prochain sujet.

Le président : Merci, Janet.

Je vais clore la présente partie, après quoi je vais vous poser deux ou trois questions.

M. O'Rourke : Je suis tout à fait en faveur d'une simplification des essais cliniques, de l'harmonisation de nos approches et de l'augmentation du nombre de recherches menées au Canada.

Notre organisme examine des médicaments et soumet aux provinces des recommandations sur leur inscription sur la liste, et dans ce travail, l'aspect essentiel est la transparence et l'accès à ces informations. Il est tout à fait essentiel que l'information sur les essais cliniques soit de l'information publique, qu'elle soit facilement accessible à tous ceux qui veulent en prendre connaissance et qu'elle comprenne, comme Perry le disait, non seulement les essais enregistrés mais également les résultats de ces essais, tant positifs que négatifs ou peu positifs. C'est pourquoi il est essentiel de nous assurer que ce que nous allons construire permettra à des organismes comme le nôtre, aux patients et aux cliniciens d'accéder aux données et de les examiner.

Le président : C'est l'une des questions que nous allons vouloir éclaircir. On ne l'avait pas encore posée. Merci d'avoir soulevé la question de la base de données des essais cliniques.

Pensez-vous qu'on devrait exiger une transparence totale et la publication obligatoire de toute cette information dans la base de données des essais cliniques?

M. O'Rourke : Oui.

Le président : Merci. C'est clair et c'est direct.

La dernière question de clarification concerne le mandat du CCCEC. Nous n'avons reçu aucun commentaire spécifique sur la question de savoir si, à votre avis, le mandat est suffisamment large ou s'il faudrait y ajouter d'autres aspects. Est-ce que quelqu'un peut rapidement commenter le sujet?

M. Attaran : Le mandat a-t-il déjà été rédigé?

Le président : Nous sommes en quelque sorte à la recherche de l'information que nous y mettrons, et nous vous posons des questions à vous, qui êtes en général au courant de ces choses. Je ne vois personne. Nous allons mettre cette question de côté pour un moment.

Mme Saryeddine : Je peux répondre à cette question. Il y a un historique qui a mené à la formation du CCCEC, et je crois qu'il faut que cette conversation se poursuive.

Si on revient en arrière, en 2011, il y a eu un sommet dans le cadre duquel nous avons évalué les possibilités que nous pouvions collectivement utiliser comme point de départ pour mieux rapprocher les essais de nos patients et de nos organisations. Il y a donc eu un sommet et, à partir de là, un compte rendu contenant au moins 40 mesures potentielles. Ces mesures ont ensuite fait l'objet de discussions et de consultations visant à déterminer où il y avait un besoin, une capacité, une possibilité et un appétit sans perdre de vue la volonté de ne pas utiliser trop de ressources.

Il y a donc un plan d'action, qui constitue pour l'instant le fondement du mandat du CCCEC. Un certain nombre d'articles ont été publiés à ce sujet, et on y trouve des explications sur les avantages pour le système de santé publique et pour les patients. J'inviterais les membres du comité et les participants présents ici aujourd'hui à se rendre sur le site CCTCC.ca, pour trouver ces documents et d'autres documents connexes.

Le président : Merci, Tina. Ce commentaire a été très utile.

Je vais donner la parole à Mary en lui demandant d'amorcer la discussion au sujet du cadre législatif du Canada par rapport à celui d'autres administrations. Ce sujet est divisé en trois grands aspects dont vous allez pouvoir parler. Mary, pourriez-vous commencer en formulant des commentaires sur l'un ou l'autre de ces trois aspects?

Mme Wiktorowicz : Permettez-moi de commencer par des commentaires généraux, je vais ensuite aborder des sujets précis.

Tout d'abord, je crois que le processus doit être beaucoup plus transparent qu'il ne l'est quand on parle de l'examen de réglementation. Je crois que les gens doivent voir ce qui se fait. Deuxièmement, je crois qu'il nous faut des éléments probants et des examens impartiaux. Je ne crois pas qu'habituellement, le public soit convaincu que c'est ce qui se passe.

Parlons maintenant d'un sujet précis. Quand Santé Canada procède à l'examen d'un produit et qu'il l'approuve en se fondant sur les indicateurs de substitution, il y a un problème quand aucune étude de longue durée n'a été effectuée. Prenons par exemple le produit utilisé pour fabriquer des vaccins contre le VPH, le papillomarivus humain, Gardasil. Il a été approuvé en fonction des indicateurs de substitution qui montraient que le vaccin permettait de réduire l'occurrence du cancer du col de l'utérus. Il faut au moins 20 ans à ce cancer pour se développer. Il existe une centaine de virus du VPH. Le vaccin ne s'attaque qu'à quatre d'entre eux, dont deux qui ont été reliés au cancer. Si nous réduisions la fréquence des deux virus ciblés par le vaccin, comment saurons-nous si les autres virus ne vont pas proliférer et s'ils n'auront pas une incidence sur l'objectif à long terme, à savoir la prévention du cancer du col de l'utérus?

Quand Santé Canada a procédé à l'examen de ce produit, il n'a pas demandé d'études de longue durée, alors nous n'aurons pas de réponse tant que nous ne mènerons pas quelques autres activités de surveillance postcommercialisation. D'ici là, des millions de jeunes femmes, de jeunes filles et de garçons se font vacciner, et des milliards de dollars sont dépensés. Nous n'avons pas une bonne idée des effets indésirables ni de l'efficacité. Et ce n'est qu'un exemple.

Je crois que, dans la nouvelle loi, il y avait une disposition permettant à Santé Canada de demander des études supplémentaires. Je crois que chaque fois qu'on approuve un produit en fonction des indicateurs de substitution, il faut s'assurer que des études supplémentaires sont menées pour confirmer que le résultat à long terme est obtenu comme prévu.

En ce qui a trait à la transparence, je pense que le fait que nous ayons maintenant un registre sur les essais cliniques est une excellente chose, mais nous avons également besoin d'avoir accès aux résultats. Je ne connais pas précisément tous les détails du registre, mais si nous n'avons pas accès aux résultats, alors il ne s'agit que d'une partie du portrait, et nous devrions y avoir accès.

J'ai un autre commentaire concernant le suivi post-approbation dont il est question dans la mesure législative proposée. L'idée est de mettre en application une approche axée sur le cycle de vie en matière de surveillance des nouveaux médicaments. Un des vecteurs clés consistera à utiliser les plans de gestion du risque. Si vous comparez l'Europe aux États-Unis, vous verrez que l'Europe a adopté les plans de gestion du risque, contrairement aux États- Unis. Les plans de gestion du risque sont un modèle peu efficace parce que, du moins en ce qui a trait au plan européen, les fabricants proposent la façon dont ils effectueront l'étude du produit après la mise en marché. De manière générale, les organismes de réglementation ne font que l'examiner et ils l'acceptent, et il n'y a aucune transparence, dans un premier temps, en ce qui a trait au plan et, dans un deuxième temps, en ce qui concerne les responsables de l'examen et la façon dont celui-ci sera mené.

À l'inverse, la FDA, aux États-Unis, n'utilise pas de plans de gestion du risque. Les représentants de la FDA déterminent si un essai clinique est nécessaire ou non après la mise en marché, et, le cas échéant, ils demandent que le promoteur du produit l'effectue. S'ils prévoient effectuer des études d'observation, des études épidémiologiques, d'abord, ils déterminent quelles études seront réalisées, et, ensuite, ils ne vont pas, de façon générale, rencontrer le fabricant pour effectuer ces études d'observation. Ils établissent des liens avec des centres de recherche, qui ont l'expertise nécessaire et qui ont accès à la base de données sur l'utilisation réelle de ces produits, afin qu'ils réalisent ces études. Dans ces cas, vous pouvez garantir la rigueur des études, et vous pouvez les surveiller et en assurer la transparence. Je pense qu'il serait beaucoup plus avantageux pour Santé Canada d'utiliser le modèle de la FDA des États-Unis que le modèle européen lié aux plans de gestion du risque.

Le président : J'ai retenu vos premiers commentaires au sujet du fait d'insister sur le suivi post-approbation, et j'espère que vous constaterez que nos rapports soulignent cet aspect comme étant l'essai clinique final et que nous devons effectuer un bien meilleur travail en ce qui a trait à la collecte de ces données.

Le sénateur Eggleton : Si je comprends bien, lorsque vous parlez de la mesure législative proposée, vous parlez du projet de loi C-17 dont est actuellement saisie la Chambre des communes, et qui est également connu comme étant la loi Vanessa.

Mme Wiktorowicz : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais bien que d'autres personnes nous disent comment, selon elles, cela fonctionne, ce qu'il y a de bon là-dedans et ce qui doit être davantage amélioré.

Le président : Tout à fait. Nous n'effectuons pas une étude formelle sur le projet de loi aujourd'hui, mais c'est un point important, s'il est soulevé.

Dr D'Cunha : J'aimerais formuler certaines observations concernant ce que Mary vient tout juste de dire et ajouter certaines informations générales. Je ne parle pas nécessairement à titre de membre d'Apotex, l'Association canadienne du médicament générique.

Pour ce qui est de la transparence des examens, nous devrions noter que nos collègues européens ont publié leurs rapports d'évaluation, que n'importe qui peut consulter en ligne, et l'acronyme est RÉPE. La FDA publie des examens caviardés, de sorte que les renseignements commerciaux confidentiels sont retirés, et Santé Canada devrait plutôt s'inspirer de l'une ou l'autre de ces deux administrations et faire en sorte que les renseignements soient accessibles gratuitement et largement diffusés.

En ce qui concerne la loi Vanessa, je pense qu'il est temps de commencer la mise en œuvre. Nous pouvons tous renforcer davantage les choses. Les représentants de Santé Canada devraient s'appuyer sur les tonnes de commentaires du public qui leur sont fournis depuis 2005, tandis qu'ils projetaient de modifier la Loi sur les aliments et drogues.

Mon dernier commentaire porte sur l'approche des États-Unis à l'égard de la gestion du risque. Ils l'appellent la REMS, un acronyme pour « risk evaluation mitigation strategy », stratégie d'évaluation et d'atténuation des risques. Ils ont une approche graduelle en trois étapes fondée sur le risque. La première porte sur l'étiquetage des médicaments. La deuxième est un manuel des médicaments visant à guider le professionnel des soins de santé et le patient. La troisième, qui est ce que j'appelle « la totale », consiste en des éléments visant à assurer un usage sécuritaire. Des produits comme les opioïdes à action prolongée — les tératogènes dans le cas des médicaments antiépileptiques — figurent dans cette troisième catégorie.

M. Herder : J'aimerais dire deux ou trois choses, en commençant par le projet de loi C-17, de façon générale. Je pense qu'il s'agit d'un pas en avant. Il y a un certain nombre de mesures dans ce projet de loi qui contribuent de façon importante à l'innocuité des médicaments : le pouvoir d'ordonner des rappels, le pouvoir d'appliquer les conditions liées aux autorisations de mise en marché, le pouvoir d'exiger de l'information concernant les effets indésirables, l'emploi non conforme à l'étiquette par les fournisseurs et les établissements de soins de santé. Ce sont toutes des mesures clés. Mais il y a un manque de transparence dans la mesure législative elle-même. Il y a un certain nombre de gens qui ont réclamé des modifications en ce sens, y compris moi-même, et j'espère qu'il s'agit d'une chose à l'égard de laquelle le gouvernement reste ouvert.

Le manque d'attention prêtée à la transparence est mis en évidence de nombreuses façons, et elles cadrent avec les commentaires qu'a formulés Mary, plus tôt.

Premièrement, pour vous donner un exemple lié à l'exemple précis que vous avez utilisé, je fais partie d'un groupe au Centre canadien de vaccinologie qui a essayé d'obtenir de l'information concernant les essais utilisés pour démontrer que les divers vaccins approuvés au Canada protègent véritablement contre divers pathogènes. Nous avons présenté une demande d'accès à l'information à Santé Canada. Comme nous nous y attendions, la réponse que nous avons obtenue, c'est que l'information sur les essais est protégée; il s'agit de renseignements commerciaux confidentiels.

Nous avons une véritable occasion, dans le cadre de cette mesure législative, de contourner ce genre de pratique de travail ou cette définition ou hypothèse selon laquelle l'information est protégée, ou que, même si elle l'est, peut-être que la sécurité des patients exige qu'elle soit transparente. Sinon, nous ne savons pas vraiment si des vaccins comme Gardasil, mis à part la question liée aux indicateurs de substitution, permettent vraiment de se protéger contre certaines choses. C'est une hypothèse. Nous avons besoin de l'avis d'une instance indépendante à l'égard de cette hypothèse.

Pour terminer, il y a des études menées après la mise en marché : il n'y a rien dans le projet de loi C-17 qui exige que les études soient publiées ou transparentes, de quelque façon que ce soit. C'est un autre exemple de la raison pour laquelle la transparence est importante et pour laquelle ce projet de loi pourrait être modifié en ce sens.

M. Attaran : Je pense qu'il y a certaines choses dont nous parlons, ici, qui ne relèvent pas nécessairement d'un cadre législatif. Il faut être prudent. Je suis peut-être le seul avocat. Je ne sais pas. Mais il y a certaines choses que la loi peut faire et d'autres qu'elle ne peut pas faire. Vient un moment où, si vous essayez d'être trop normatif, dans la loi, quant à ce qu'un organisme doit faire, vous allez, en fait, à l'encontre du but recherché, qui consiste à aider les organismes à faire leur travail. Il faut exercer un certain pouvoir discrétionnaire, ici.

Lorsque j'entends parler de l'idée selon laquelle Santé Canada utilise de façon inappropriée les indicateurs de substitution afin d'approuver des médicaments, et quand j'entends cette question soulevée sous la rubrique du cadre législatif, je ne suis pas tout à fait à l'aise, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, en tant que chercheur spécialisé en santé, je peux dire que les indicateurs de substitution ne sont pas appelés à disparaître, et nous ferions tout simplement mieux de nous faire à l'idée. Les Américains les utilisent; les Européens les utilisent; les Japonais les utilisent. Il n'est pas possible, pour nous, d'adopter une approche d'une pureté absolue et de ne pas les utiliser. Il y a certaines maladies pour lesquelles on ne pourra utiliser que des indicateurs de substitution. La maladie d'Alzheimer : nous ne savons même pas ce qu'est la maladie d'Alzheimer. Nous n'avons pas une bonne compréhension de sa pathogénie. Si vous voulez créer un traitement pharmacologique pour la maladie d'Alzheimer, vous devrez, dans une certaine mesure, vous appuyer sur les indicateurs de substitution pour valider s'il fonctionne ou non. Oui, vous pourriez vous tromper à leur sujet, mais ce n'est pas une raison pour craindre le domaine thérapeutique, par exemple.

Deuxièmement, comme je suis avocat, le fait que vous pourriez légiférer contre l'utilisation des indicateurs de substitution me donne beaucoup à réfléchir, parce que vous retireriez à l'organisme le pouvoir discrétionnaire de décider comment gérer une situation liée à la maladie d'Alzheimer. La loi des conséquences imprévues occupe une très grande place, ici. Laissez un certain pouvoir discrétionnaire à l'organisme. Je critique peut-être souvent les représentants de Santé Canada, mais je ne veux pas les museler, non plus. Ils doivent avoir un pouvoir discrétionnaire.

Ce qui a été dit concernant le fait que le niveau de transparence à Santé Canada est faible et qu'il n'est pas soutenu de manière adéquate par la Loi sur les aliments et drogues est tout à fait juste. Il faut qu'il y ait plus de transparence. Plusieurs personnes ont soulevé ce point.

Pour terminer, en ce qui concerne la loi Vanessa, le projet de loi C-17, vous aurez une étude approfondie à cet égard, j'en suis certain. Je vais donc être bref à ce sujet. De façon générale, il s'agit d'une avancée qu'il convient de saluer, mais elle engendre une chose que je trouve tout à fait alarmante, et c'est ceci : vous vous souvenez, lorsque j'ai comparu devant le comité, monsieur le président, que j'ai dit que nos peines pour les crimes liés aux médicaments sont beaucoup trop faibles, pour la falsification des médicaments, l'adultération, et cetera. J'ai dit, à ce moment-là, que la peine d'emprisonnement maximale est de trois ans. La loi Vanessa la réduit à deux ans. Elle réduit la peine d'emprisonnement; le montant de l'amende augmente de façon considérable. Je ne comprends vraiment pas pourquoi nous choisissons, dans un instrument juridique, d'adoucir les peines imposées aux contrevenants dans le domaine des médicaments.

Le président : Merci. Je le répète, vos commentaires cadrent bien dans le contexte actuel, ce qui, encore une fois, explique pourquoi le fait d'entendre tous les experts dans le cadre de nos études, l'idée d'effectuer un suivi post- approbation en vue de tirer des avantages à long terme dans un domaine, est si essentiel pour la détermination de l'efficacité d'un médicament relativement à la progression à long terme d'une maladie.

Mary, vous vouliez ajouter quelque chose à ce sujet.

Mme Wiktorowicz : Avec tout le respect que je vous dois, Amir, je ne disais pas que les indicateurs de substitution ne devraient pas être utilisés aux fins d'approbation. Je ne faisais qu'indiquer que, si les indicateurs de substitution sont le fondement de l'approbation, Santé Canada devrait avoir la capacité d'exiger que d'autres essais cliniques soient effectués afin de vérifier les indicateurs finaux quant à l'efficacité obtenue et l'innocuité des produits confirmée. Ce n'était qu'un éclaircissement.

Mme Currie : Je veux seulement dire, également, que je pense que, en ce qui concerne l'intérêt public, le fait de comprendre la signification des indicateurs de substitution est très important. Si j'étais atteinte du cancer du sein et qu'on me disait que le médicament que je prends réduit la taille de la tumeur, mais qu'il n'a aucun effet sur ma probabilité de survie à long terme, c'est une chose que je voudrais vraiment savoir, particulièrement si ce médicament m'exposait à un lot d'effets indésirables très pénibles. Je pense qu'il s'agit d'être transparent quant à ce qui est mesuré.

Je veux rapidement aborder la question de l'enregistrement obligatoire des essais cliniques, parce que, selon moi, il s'agit du point central de la transparence. Je ne vois pas comment les chercheurs, Santé Canada — en fait, Santé Canada dispose des données —, mais les chercheurs et le public peuvent évaluer l'innocuité et l'efficacité d'un médicament sans avoir pleinement accès aux données, à l'historique et aux résultats des essais cliniques. La littérature scientifique regorge de documents indiquant que nous n'avons pas accès aux résultats négatifs des essais cliniques et que nous avons accès aux résultats positifs des essais cliniques, ce qui fausse l'évaluation de l'efficacité et de l'innocuité d'un médicament. Je pense plus précisément à beaucoup de médicaments psychiatriques. Si nous avions accès à tous les résultats, je pense que nous aurions une perception différente à l'égard de leur innocuité et de leur efficacité. Je veux vraiment insister là-dessus. Il me semble que Santé Canada n'a rien fait à ce sujet — je me trompe peut-être —, en ce qui a trait à des consultations robustes menant à ce changement de politique.

Lorsque nous examinons la situation, nous voulons très certainement que les résultats des essais d'anciens médicaments soient également disponibles, parce que certaines des politiques d'autres pays ne tiennent compte que de médicaments plus récents. Nous devons avoir l'historique des anciens médicaments ainsi que des médicaments qui n'ont pas été approuvés.

Le président : Je présume, en ce qui concerne cette section, que vous sous-entendez qu'on devrait accorder plus d'importance à la question de la transparence dans la mesure législative?

Mme Currie : Oui, et nous ne devons pas avoir peur de le faire.

Le président : Je voulais juste le préciser, parce que nous allons aborder la question de la transparence de manière générale.

Dr Peterson : Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que l'organisme de réglementation doit avoir un pouvoir accru au cours de la période suivant la mise en marché afin qu'il puisse non pas se contenter de demander des études menées par le fabricant, mais également exiger des études afin de combler les lacunes des données probantes.

Cette mesure législative est rédigée comme les lois le sont habituellement. Elle est rédigée de façon à servir de fondement pour le gouvernement afin qu'il puisse ensuite créer un règlement, qui entrera dans les détails de ce dont nous venons précisément de parler, ici, aujourd'hui. Tout ce que je peux vous dire, à la lumière de mon expérience, c'est que, lorsqu'on réserve pour le règlement autant de détails que ceux qui ont été exprimés durant ces examens, il n'est pas exclu pour le gouvernement de demander à voir une ébauche de ce règlement pour être tout à fait certain que la formulation habilitante dans la mesure législative tiendra compte de la réponse. À mon avis, ce serait parfaitement dans l'ordre des choses, à ce stade-ci.

Je ne peux que souscrire à ce qui a été dit concernant la transparence. Le projet de loi C-51, autant que je me souvienne, était assorti de dispositions beaucoup plus solides sur la transparence, particulièrement en ce qui a trait à l'échange d'information entre les organismes. Actuellement, l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé doit demander au fabricant la permission d'obtenir l'information qui a été fournie à Santé Canada afin de pouvoir effectuer son prochain examen. Le projet de loi C-51 aurait conféré un certain pouvoir aux ministres simplement pour permettre cette communication.

En tant qu'examinateur ou que personne qui dépend de cette information, je peux vous dire que les RÉPE, en Europe, ont un équivalent au Canada, et il s'agit du sommaire des motifs de décision. Vous pouvez placer ces documents côte à côte et voir que l'Europe a examiné tels essais et que Santé Canada a examiné tels autres essais. Malheureusement, parfois, vous constaterez que l'Europe a pris une décision différente de celle de Santé Canada. C'est le fait de répondre aux besoins du système de soins de santé de chaque pays qui engendre des variantes de ce genre.

L'idée selon laquelle nous devons aller au-delà de la question de l'équilibre de l'homologation rapide de médicaments contre des maladies qui menacent la vie, qui est habituellement fondée sur les résultats des indicateurs de substitution, afin de faire ce qui s'impose pour susciter davantage la confiance au moment où le produit arrive sur le marché, constitue un défi permanent. Nous savons que certains médicaments innovateurs doivent être homologués rapidement. Les dispositions habilitantes dans le projet de loi C-17 permettent donc au gouvernement de définir ce qu'il croit être lié au contexte canadien, non pas ce que l'Europe a demandé ni ce que les États-Unis ont demandé, mais ce qui est lié au contexte canadien, ces études.

Depuis la création du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, encore une fois, Santé Canada dispose d'une instance à qui elle peut s'adresser pour obtenir des études épidémiologiques sur des produits mis en marché qui répondront à certaines de ces questions. Ce réseau ne relève pas du gouvernement, ce qui est unique au Canada. Il mène ses activités sans lien de dépendance avec l'organisme de réglementation, ce qui lui permet de faire une évaluation indépendante de la situation après la mise en marché.

Dans le cas des États-Unis, le programme Sentinel, qui est l'équivalent, en grande partie, du RIEM, fait partie de la FDA. Il n'est pas indépendant, quoique, tout comme le RIEM, il publie ses résultats et ses études.

Le président : Merci. Je vais terminer la liste avec ce sujet, et je vais passer à la suivante.

M. Eisenschmid : Encore une fois, du point de vue de la sécurité des patients, qui préoccupe l'Association des pharmaciens du Canada d'abord et avant tout, j'aimerais faire quelques commentaires sur les sujets précis de la déclaration et de la divulgation obligatoires des effets indésirables.

Tout le monde doit comprendre que chaque médicament commercialisé au Canada entraîne, dans une certaine mesure, des effets indésirables. Nous avons trois priorités de haut niveau. La première, c'est que nous devons nous assurer que la divulgation et la déclaration des informations sont équilibrées. Ce que nous ne voulons pas faire, c'est éloigner les patients de médicaments essentiels en raison de certains de ces effets indésirables.

Nous sommes préoccupés du point de vue du fardeau administratif. Manifestement, si chaque médicament commercialisé entraînait des effets indésirables, cela donnerait lieu à un travail administratif complexe, fastidieux et contraignant. Donc, nous pensons qu'il est très important que tout le monde se concentre sur les effets inattendus et graves, et non sur ceux qui sont bien connus et attendus.

Pour terminer, je pense que nous devons aborder la question du « et pourquoi? » ou, dans ce cas, du « et puis quoi, maintenant? » C'est une chose de parler des effets indésirables et d'en aviser les professionnels de la santé, mais, ce qui est encore plus important, c'est que ceux-ci doivent comprendre ce qu'ils font lorsqu'il y a ce genre d'effets et qu'ils y sont confrontés. Par conséquent, ils ont besoin de directives relativement aux autres solutions de traitement appropriées.

Il y a quelques années, nous avons reçu un financement important de la part de Santé Canada pour créer un outil de recherche exhaustif appelé « Therapeutic Choices », choix de traitement. Il est exhaustif. Il est canadien. Il est constamment mis à jour. C'est le genre de solution à laquelle tout professionnel de la santé doit avoir accès pour gérer les conséquences naturelles et les questions « et puis quoi, maintenant » qui peuvent être soulevées.

Le président : Merci. Nous reviendrons plus tard aux effets indésirables plus précisément.

M. Rhines : Je voulais dire un mot sur votre question précédente concernant les opinions à l'égard du projet de loi C- 17. Rx&D et ses membres appuient pleinement le projet de loi C-17. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'il semble opposer les intérêts des patients aux nôtres. Nos membres s'intéressent beaucoup à la sécurité des patients, et nous sommes des partenaires motivés qui essaient de garantir la sécurité des patients au moyen de la transparence.

Nous sommes d'accord avec d'autres intervenants ici présents pour dire que le projet de loi aurait pu aller plus loin. Il y a certaines choses pour lesquelles il n'a pas atteint l'objectif. Nous aurions souhaité qu'il traite de la prévalence des médicaments de contrefaçon, l'un des sujets que nous avons déjà abordés en tant que comité.

Nous croyons également qu'on aurait pu aller plus loin en ce qui a trait à l'étiquetage. Comme vous le savez, les fabricants ont une discussion serrée avec Santé Canada concernant l'étiquetage, mais, comme quiconque a déjà pris des médicaments le sait, souvent, ces étiquettes ne se rendent pas jusqu'aux patients. Les pharmaciens apposent une étiquette différente indiquant les données sommaires, et il arrive même souvent qu'elles proviennent non pas du Canada, mais des États-Unis.

Je pense qu'il s'agit d'un processus auquel tous les intervenants présents ici, les fournisseurs et les patients, doivent participer : il doit y avoir un travail considérable d'éducation des patients afin qu'ils comprennent ce qu'est un effet indésirable, ce qu'ils ressentent en tant qu'effets indésirables et comment ils doivent le signaler de sorte que nous puissions nous assurer que l'information nécessaire est communiquée, non seulement de l'industrie au patient, mais également du patient à l'industrie et à Santé Canada.

Mme Smith : L'OCMR est très favorable au projet de loi C-17. En résumé, pour les patients ayant une maladie rare, le projet de loi procure la confiance et le pouvoir nécessaires pour faire en sorte que les médicaments soient approuvés plus rapidement durant leur cycle de vie et qu'il y ait un niveau d'incertitude plus élevé quant à leur efficacité et leur innocuité, parce qu'il y aura une surveillance post-commercialisation obligatoire relativement à la déclaration et à la transparence. Ainsi, les cliniciens et les patients hésiteront moins à utiliser des médicaments qui ont une valeur potentielle, notamment en ce qui a trait aux maladies rares, mais qui font l'objet d'incertitudes. Nous sommes très en faveur du projet de loi, et nous exhortons le Parlement à l'adopter, le plus rapidement possible.

Dr Juurlink : Il y a de nombreux sujets, mais j'ai deux ou trois petites choses à dire.

Premièrement, au risque de me répéter un peu, il y a la question des indicateurs de substitution. Je suis d'accord avec Amir pour dire qu'ils ne sont pas appelés à disparaître, mais ils ne sont pas vraiment importants du point de vue clinique ou du patient. Par exemple, quand je prescris à un patient un médicament pour la pression artérielle ou le cholestérol, ce n'est pas vraiment pour réduire sa pression artérielle ou son taux de cholestérol; je le fais dans l'espoir de réaliser ce que je veux vraiment faire, c'est-à-dire l'aider à se sentir mieux ou à vivre plus longtemps ou à éviter la maladie. Cet exemple met en évidence le fait que nous prescrivons ces médicaments en fonction des indicateurs de substitution, et le promoteur les fait approuver par Santé Canada en fonction des indicateurs de substitution. Voilà qui fait ressortir l'importance de l'étape après la mise en marché et de déterminer si le médicament offre véritablement des avantages qui dépassent les risques.

J'ai un commentaire à formuler concernant la question de la transparence et de l'efficacité, ensemble. C'est au sujet des nosodes qui ont fait les manchettes récemment, ces vaccins homéopathiques, comme certains les appellent.

D'une certaine façon, Santé Canada a contribué à la propagation de choses comme la rougeole au Canada parce qu'il approuve des solutions comme celle-là qui ressemblent à de la sorcellerie, à mon avis, des produits qui sont vendus à des personnes crédules par des gens qui veulent seulement faire de l'argent et qui pourraient véritablement croire qu'ils fonctionnent.

Lorsque vous consultez le site web du gouvernement fédéral pour en apprendre un peu au sujet de ces produits, vous constatez qu'ils sont autorisés comme étant sécuritaires et efficaces. Ils sont approuvés par Santé Canada, et, donc, les gens le savent. Ce qui n'est pas clair, c'est ce pour quoi ils sont efficaces, très précisément. Ils ne sont pas étiquetés comme étant efficaces pour la prévention des maladies, mais lorsque vous demandez à quelqu'un au gouvernement ce pour quoi ils sont efficaces, vous ne pouvez pas obtenir de réponse.

Je pense que c'est un bon exemple d'un cas où Santé Canada a laissé tomber la population en permettant la commercialisation de ces produits et, par conséquent, en l'incitant de façon indirecte à utiliser des produits qui ne permettent pas de prévenir les maladies.

Le président : Merci. Je ne vais pas lancer une discussion là-dessus maintenant, mais je comprends que ce que vous laissez entendre, c'est que vous aimeriez voir un raffermissement de la mesure législative à l'égard du contrôle de ces substances.

Dr Juurlink : J'aimerais voir plus de transparence quant à la raison pour laquelle ils se retrouvent sur le marché en premier lieu.

Le président : Le règlement ou la loi permettrait d'atteindre ce but.

La question de la transparence est continuellement soulevée. Je vais donc passer plus précisément au sujet de la transparence et de l'ouverture. Sans raison apparente, je vais demander à Amir de lancer la discussion sur ce sujet.

M. Attaran : Sans raison apparente? Je vais partir en me demandant ce que « sans raison apparente » signifie.

Le président : Je vais donc retirer ce que j'ai dit.

M. Attaran : Vous m'avez laissé une tâche facile, parce que personne, ici, n'a parlé contre l'idée d'avoir une plus grande transparence. Il y a l'idée reçue selon laquelle nous devrions l'avoir, donc je vais dire que nous devrions l'avoir. Pour ce faire, je pense que nous devons garder à l'esprit qu'il doit y avoir de la transparence dans plusieurs domaines.

On a parlé des essais cliniques. Selon Janet, il y a une certaine partialité liée au fait que les résultats positifs des essais cliniques sont publiés, mais non les résultats négatifs, et cela est tout à fait vrai et très inquiétant. C'est pourquoi nous avons besoin de transparence dans tous les essais cliniques, point final. Ce n'est pas un domaine où le Canada fait preuve de leadership. Nous sommes possiblement le pire de tous les pays industrialisés à cet égard. Je n'en connais aucun dont la situation soit pire. Peut-être que le Japon est pire, mais il faut vraiment chercher un pays qui fait montre de moins de transparence dans ce domaine. Alors, faisons ce changement.

Nous devrions également faire preuve de transparence relativement aux lettres d'inspection et aux avertissements, à l'instar de la FDA. Et nous devrions certainement faire preuve de transparence quant aux questions soulevées à l'égard de la sécurité des patients, peu importe comment elles sont soulevées : mises en garde à l'égard d'effets indésirables; mises en garde qui concernent des produits détournés de la chaîne d'approvisionnement et dont, par conséquent, l'approvisionnement devient quelque peu incertain. Il devrait y avoir des mécanismes de transparence pour toutes ces choses.

Je vais formuler un commentaire et inscrire un petit astérisque à côté — demande de renseignements. Si le reste du monde est plus transparent que nous le sommes relativement à toutes ces questions et que le Canada représente 3 p. 100 du marché des médicaments dans le monde industrialisé — si on pense à l'Europe, aux États-Unis, au Japon et à nous, nous représentons 3 p. 100 —, devons-nous vraiment apporter des changements à Santé Canada ou devrions-nous envisager une solution extrêmement radicale, comme l'abolition du rôle de Santé Canada concernant l'approbation des médicaments, et s'aligner sur les autres pays?

Il s'agit d'une idée radicale, et elle devrait être envisagée. La raison pour laquelle elle devrait être envisagée, c'est que l'Union européenne s'est fortement engagée dans cette direction. Elle a compris qu'il est insensé que Malte réglemente les médicaments de la même façon que l'Allemagne le fait, parce que l'Allemagne est un pays grand comme ça et que Malte est un pays grand comme ça, et, donc, les plus petits membres se sont essentiellement rangés derrière les plus grands.

Ce n'est pas une mauvaise idée pour un pays de taille moyenne, comme le nôtre. Réfléchissez-y, parce qu'il pourrait se révéler plus facile d'aligner certaines de nos pratiques sur celles d'autres pays que d'effectuer une réforme en profondeur de nos pratiques. Gardez cette option à l'esprit.

En ce qui concerne les pénuries de médicaments, les points 12 et 13, je pense que nous serons tous d'accord pour dire que les pénuries de médicaments continuent de nous contrarier, elles continuent de nous poser problème. Je me demande si ce n'est pas parce que nous traitons l'effet plutôt que la cause. De manière générale, le site web drugshortages.ca a été conçu pour signaler les pénuries de médicaments lorsqu'elles surviennent ou lorsqu'on pense qu'elles surviendront; en d'autres termes, à un stade très tardif du processus. Nous n'avons pas vraiment essayé, plutôt que de déclarer les effets, de traiter la cause. Malheureusement, je pense que nous ne connaissons pas les causes autant que nous le devrions. Il devrait y avoir davantage de recherche dans ce domaine.

Il y a un consensus — je ne sais pas si c'est juste ou non — selon lequel les pénuries de médicaments sont attribuables, en partie, à un trop grand nombre d'acheteurs de médicaments qui attribuent des contrats à fournisseur exclusif. En d'autres termes, vous achetez tous vos produits d'un seul fournisseur, ce qui fait en sorte que quelqu'un se retrouve avec une très grande part du marché et que d'autres entreprises se retrouvent avec une très petite part et, par conséquent, choisissent de quitter le secteur d'activités. Vous mettez tous vos œufs dans le même panier, et vous êtes donc à risque.

C'est une hypothèse qui doit être davantage éprouvée. Je pense que c'est probablement vrai, mais je ne vais pas affirmer ici que c'est vrai. Cependant, si elle était mise à l'essai, je pense qu'elle devrait l'être par le Bureau de la concurrence, parce que si nous en arrivons au point où nous sommes trop dépendants d'un seul ou de deux fournisseurs pour un médicament, c'est, en fait, un problème de non-concurrence, et non pas seulement un problème pour la santé. Il s'agit d'un enjeu dont pourrait très bien discuter avec le Bureau de la concurrence ou pour lequel on pourrait lui demander d'intervenir.

Le président : Merci. En ce qui a trait aux pénuries de médicaments, nous en avons beaucoup appris au sujet des complications liées à cette situation en particulier dans le cadre de notre étude sur les conséquences imprévues. En parallèle, j'ai entendu parler d'une question sur laquelle j'aurais espéré qu'un de nos participants, ici, aujourd'hui, se prononce. Il n'y a apparemment pas de cause unique, mais il y a de nombreuses questions connexes qui sont très importantes. Si elle n'est pas soulevée, je vais m'en charger à un moment donné.

Le sénateur Eggleton : Je veux ajouter deux choses à la discussion. Premièrement, il y a toute la question du caractère « obligatoire » lorsqu'on parle de la transparence et de l'ouverture. De quelle façon peut-on départager ce qui est volontaire et ce qui doit être obligatoire? Dès que nous parlons de transparence, que ce soit par des moyens volontaires ou obligatoires, on est confronté à la question de la protection des renseignements commerciaux touchant les produits mis au point ou vendus. De quelle façon peut-on passer par-dessus ce problème?

Je crois que la sécurité publique est primordiale, mais j'imagine qu'il faut tracer une ligne quelque part. Les entreprises ne veulent pas communiquer certains renseignements sur leurs produits à un compétiteur, et cetera. Où traçons-nous la ligne?

Pour ma part, j'estime que Santé Canada utilise trop souvent cette excuse. Je suis préoccupé par la question de la communication obligatoire et celle de la protection des renseignements commerciaux.

M. Herder : Au cas où ce n'était pas clair, je suis aussi avocat.

Le président : Nous n'allons pas entrer dans ce jeu aujourd'hui. Je vous demande à tous les deux de laisser tomber cette question.

M. Herder : Je vais essayer, en tant qu'avocat, de rendre la transparence un peu plus contraignante, malgré l'appui solide dont cette notion bénéficie ici. Je crois qu'on court vraiment le risque d'obtenir une victoire à la Pyrrhus si nous limitons la portée de ce que nous faisons, que ce soit par le truchement du projet de loi C-17 ou d'autres mesures. J'aimerais souligner trois choses, et je crois que la dernière permettra aussi de réagir aux commentaires du sénateur Eggleton.

Premièrement, nous devons apprendre de ce qu'ont fait d'autres administrations. Nous avons pris du retard, et d'autres administrations ont de l'expérience en ce qui concerne l'enregistrement des essais cliniques en particulier. Selon moi, il est évident que ce n'est pas assez.

Les États-Unis ont adopté une loi qui exige l'enregistrement depuis 1997. En outre, cette exigence a été fortement renforcée en 2007 pour inclure la déclaration des résultats, qui, selon moi, est aussi un aspect essentiel. Cependant, le niveau de conformité est faible. Je crois que ce doit être obligatoire, mais il faut s'assurer que l'organisme de réglementation respecte ces engagements, ce qui n'est pas vraiment le cas. À ma connaissance, aucune pénalité n'a été appliquée aux États-Unis. Si quelqu'un sait que c'est le contraire, j'aimerais bien qu'il me le dise.

Deuxièmement, pour rendre cette question de la transparence plus complexe, je crois qu'il est utile de réfléchir à deux genres de problèmes différents. Le premier concerne les données probantes, alors l'enregistrement et la déclaration des résultats. La conversation stratégique à l'échelle mondiale va actuellement dans une direction, celle de la communication des données des essais cliniques, peut-être même les données sur le patient — qui sont anonymisées pour dissiper toute préoccupation liée à la protection des renseignements personnels —, si, bien sûr, le processus de consentement éclairé le permet, alors, du point de vue éthique, les freins et contrepoids sont en place. Il faut peut-être assurer la communication des données parce que l'enregistrement et la déclaration des résultats n'ont pas bien fonctionné en pratique. Il faut se pencher sur cette question.

Je ne suis pas sûr que nous puissions aller si loin ou qu'il faille le faire, mais je crois que, d'un point de vue juridique, il faut absolument donner le pouvoir au gouvernement de procéder ainsi et de définir, si nous décidons d'exiger la communication des données, par exemple, quelles procédures de communication des données doivent être examinées. Il y a beaucoup de débats quant à savoir à qui revient le fardeau. Les entreprises doivent-elles le faire par le truchement d'un intermédiaire digne de confiance? Est-ce la responsabilité de l'organisme de réglementation? Qui aura accès à l'information? Ces personnes ont-elles d'excellents titres de compétence en tant que chercheurs scientifiques? Il faut définir toutes ces choses, alors si la loi prévoit le pouvoir dont le gouvernement a besoin pour produire des règlements au sujet du processus, c'est le point de départ nécessaire.

Deuxièmement, j'ai beaucoup parlé des données probantes liées aux médicaments et aux produits médicinaux et de la façon dont cela se refléterait dans une loi, mais je crois que nous devons réfléchir beaucoup plus à la question de la transparence réglementaire, des décisions et de l'interprétation de ces données probantes. On a mentionné précédemment les sommaires des motifs de décision. À la lumière des examens, dans un article récent paru dans PLOS Medicine ou PLOS ONE, Joel Lexchin et Roojin Habibi en sont venus à la conclusion, après avoir examiné des centaines de sommaires de motifs de décision, que la qualité et la quantité d'information dans ces sommaires étaient souvent déficientes. Je crois qu'il faut définir plus clairement le pouvoir accordé à l'organisme de réglementation touchant la communication de ses interprétations des données probantes dans la législation, parce que l'une des choses qui le retiennent, c'est la peur de communiquer des renseignements que le fabricant juge confidentiels. Il faut y voir.

Puis, il faut procéder à un changement de culture au sein de l'institution, et espérons que ce pouvoir peut commencer à nous pousser à aller au-delà de ce que nous avons fait jusqu'à présent.

En ce qui concerne la question de ce qui est confidentiel et de ce qui ne l'est pas, à la lumière du droit sur la propriété intellectuelle, l'information confidentielle et les secrets commerciaux sont différents des autres types de propriété intellectuelle. Par exemple, dans le cas d'un brevet, il faut présenter une demande et il y a une évaluation. Les renseignements confidentiels et les secrets commerciaux découlent en fait de la façon dont on traite quelque chose. C'est une question de comportement. Par conséquent, c'est vraiment trop facile pour les entreprises d'affirmer que quelque chose est une information confidentielle ou un renseignement exclusif. C'est la common law.

Grâce à une loi, on peut outrepasser la common law et définir clairement que telle ou telle chose n'est pas visée, même si des tribunaux ont déclaré qu'il s'agissait peut-être d'une information exclusive. Il y a un mécanisme que l'on peut utiliser pour essayer de gérer cette situation complexe dans laquelle les organismes de réglementation se retrouvent.

Mme Wiktorowicz : J'aimerais réagir à ce que Matthew vient de dire. Je suis vraiment d'accord avec lui en ce qui concerne les sommaires des motifs de décision. Actuellement, ils ne fournissent pas une transparence adéquate en ce qui concerne la façon dont les décisions sont prises relativement à un produit et en ce qui concerne les principaux critères respectés quant à l'approbation. De plus, pour ce qui est de la gestion du risque, quels genres d'études après la commercialisation seront réalisées pour accroître la sécurité à l'avenir?

C'est un point sur lequel on s'entend, mais j'aimerais revenir sur ce qu'a dit Amir au sujet de l'élimination de Santé Canada. Je crois que c'est une proposition peu clairvoyante et malavisée.

En ce qui concerne la question de la réglementation, il y a une réglementation sociale et une réglementation économique. La réglementation économique est plus technique. Prenons l'exemple de la réglementation des services publics en vertu de laquelle les entreprises doivent fournir un certain taux de rendement et bénéficient d'un monopole sur le plan de la production d'énergie. Dans ces contextes, les enjeux sont plus techniques et plus clairs.

Lorsqu'il est question de réglementation sociale, et la réglementation des produits pharmaceutiques figure dans cette catégorie, il y a des valeurs sociales et sociétales en jeu touchant la façon dont le risque et l'incertitude sont évalués. C'est mon premier point. Quels sont les cadres permettant d'évaluer le risque et l'incertitude?

Deuxièmement, la gestion du risque doit être associée à la fonction de réglementation en ce qui concerne la responsabilité. S'il y a un problème de sécurité, par exemple, lorsqu'on a constaté que Vioxx pouvait causer des crises cardiaques et des événements cardiaques, nos citoyens voulaient pouvoir tenir le gouvernement responsable. Il ne faut pas avoir à se tourner vers un organisme supranational ou les États-Unis. Nous voulons que le gouvernement puisse agir en notre nom, ce que nous ne pouvons pas faire si nous laissons tomber notre organisme de réglementation. Je crois que c'est vraiment un manque de sagesse.

Puis, il y a des exemples où les gouvernements canadien et de l'Amérique du Nord ont réagi à des questions de réglementation différemment des Européens dans un cas précis. Prenons le cas de l'hormone de croissance bovine. Il s'agit d'un produit vétérinaire utilisé pour accroître la production de lait chez la vache. Les États-Unis l'ont approuvé. Au Canada, nous nous sommes penchés sur la situation et, au bout du compte, un comité a déterminé que, non, nous n'avions pas besoin de ce produit au Canada. Il s'agissait d'une valeur sociétale.

Prenons maintenant l'exemple des organismes génétiquement modifiés et des produits alimentaires. Les Européens sont très préoccupés par les risques et l'incertitude liés aux organismes génétiquement modifiés qui se retrouvent dans les produits, et ils en limitent l'utilisation et la présence. En Amérique du Nord, nous voyons là un niveau de risque et d'incertitude différent, alors on utilise à grande échelle les organismes génétiquement modifiés.

Il s'agit de jugements de valeur sociétaux qui ont un impact sur la façon dont on mesure le risque. Je ne crois pas qu'il soit sage de permettre à un autre État ou à un organisme supranational de prendre ces décisions pour nous.

Le président : Merci. Je suis vraiment content que nous soulevions des questions aussi importantes aujourd'hui. C'est l'objectif de nos travaux, et j'apprécie vraiment le dialogue.

M. Eisenschmid : En général, à l'Association des pharmaciens du Canada, nous sommes assez d'accord avec Amir lorsqu'il dit que plus il y a de transparence, mieux c'est. Cependant, nous aimerions souligner une exception précise, qui est liée à la question des pénuries de médicaments, et la mesure peut-être un peu grossière.

La déclaration obligatoire des pénuries de médicaments ne pose probablement pas de problème s'il est question d'un médicament non essentiel et si la situation n'est pas urgente et qu'il y a de nombreux substituts. Je serais préoccupé, cependant, s'il était question d'un médicament essentiel pouvant sauver des vies et qu'il n'y a pas de substitut. Je ne crois pas que vous voulez laisser le libre marché déterminer de quelle façon ce médicament sera distribué. Par conséquent, la déclaration obligatoire peut être importante pour un ministère comme Santé Canada, mais il ne faut assurément pas rendre l'information publique de façon générale.

Je crois que nous avons besoin d'une approche plus raffinée pour ce genre de situation lorsqu'il est question précisément de pénuries de médicaments.

En ce qui concerne le deuxième point que je veux soulever, je me répète un peu par rapport à l'autre domaine, et c'est de dire que, peu importe les exigences redditionnelles, j'aimerais que tout le monde tienne compte du « et puis quoi? » et du « et puis quoi maintenant? », encore une fois, en réfléchissant toujours aux conséquences et à la façon dont nous devons outiller nos professionnels de la santé en leur fournissant l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées à la lumière de ce que nous communiquons.

Dr Peterson : J'aimerais formuler deux ou trois commentaires pour préciser certaines choses. Premièrement, lorsque Santé Canada reçoit un dossier d'information à l'appui de la présentation d'un nouveau médicament, il reçoit tous les essais cliniques, les positifs comme les négatifs. Même s'il est vrai que, dans les revues scientifiques, on ne publie pas souvent les constatations négatives, lorsque l'organisme de réglementation examine la demande, il examine tous les essais cliniques, positifs et négatifs, comme l'exige le règlement.

En passant, il y a souvent des essais négatifs, particulièrement dans les études visant à déterminer la bonne dose lorsque la dose choisie durant l'étude de phase II était trop élevée ou trop faible, ce qui exige de tout reprendre dès le début. Alors il faut savoir que Santé Canada reçoit tous ces essais. Il y a eu des cas — peut-être qu'on en entend parler davantage aux États-Unis — où un fabricant n'a pas fourni certains résultats d'essais cliniques, et dans ces cas, il y a eu d'importantes pénalités et l'omission a été rendue publique.

Au Canada, le nouveau projet de loi aborde ces pénalités. Cela soulève la question selon laquelle les essais ne sont souvent pas communiqués au système de santé en général. Les professionnels de la santé n'ont pas accès aux résultats négatifs qui leur permettraient de procéder à une évaluation indépendante.

Mais, encore une fois, on revient au concept de la transparence qu'on peut cerner dans d'autres pays. Aux États- Unis, il y a des milliers de pages publiées, toute la demande est là sauf les éléments caviardés. Les éléments caviardés, selon eux — j'en ai parlé avec des collègues de la FDA —, sont liés à des secrets commerciaux et seulement ce type d'information. Et là, on est dans un domaine qui relève davantage des avocats que des médecins.

Mais il faut alors se poser une question : si nous pouvons aller sur le site web de la FDA et regarder tous les renseignements qui ont été présentés, compte tenu du fait que c'est quasiment le même dossier qui a été présenté au Canada, alors il faut faire très attention afin de ne pas enchâsser dans la loi une exigence selon laquelle nous devons simplement reproduire l'information qui figure déjà sur Internet. Je peux examiner le rapport complet de l'examinateur médical de la FDA des États-Unis, qui porte sur toutes les données des essais cliniques examinées. C'est gratuit. Je ne peux pas examiner les rapports de l'examinateur canadien de la sorte en ce moment. Même si j'aimerais pouvoir le faire, je n'ai pas besoin que toute cette information se retrouve à nouveau sur Internet. Je peux la trouver. L'information est là, et c'est la même chose pour l'information en Europe.

Nous passons maintenant à la prochaine catégorie, soit la capacité des organismes de réglementation de collaborer. Encore une fois, je ne suis pas pour la décision d'abolir le rôle de Santé Canada en matière de réglementation. Cependant, il ne fait aucun doute que l'Europe, il y a plus de 15 ans, a indiqué que les petits et moyens organismes de réglementation peuvent se réunir, s'asseoir à la même table et travailler en collaboration sur leurs décisions et de possibles décisions conjointes. Le problème, pour le Canada, c'est qu'il n'y a pas, ici, un genre d'union économique à l'européenne qui permet de réunir tous les organismes de réglementation.

La FDA américaine l'a dit très clairement. Elle assume sa fonction au profit et selon les exigences des États-Unis. Elle ne le fait pas pour le Canada. Pour créer un type d'accord de collaboration comme celui de l'Agence européenne des médicaments, les organismes de réglementation doivent se réunir et créer des interdépendances. Rien n'indique que la FDA américaine s'appuierait sur des décisions prises au Canada dans un processus de collaboration. Même si je souscris totalement à l'idée que nous pourrions travailler de façon beaucoup plus efficace et que nous aurions une meilleure occasion d'intégrer notre fonction de réglementation de taille moyenne avec celle d'autres pays, le défi consiste à trouver d'autres pays avec qui travailler.

Le président : Merci. Au moins, Santé Canada pourrait créer des liens menant directement à son site web sur les essais cliniques et à ces renseignements afin que le simple citoyen n'ait pas à effectuer de recherches sur Internet pour obtenir toutes les données que vous, en tant qu'expert, connaissez et savez où trouver facilement.

Dr Peterson : Je suis totalement d'accord avec vous.

Dr D'Cunha : J'aimerais parler rapidement de la question des pénuries de médicaments et souligner que, actuellement, le système canadien n'est pas obligatoire, il est volontaire. Un fabricant de petite taille peut toujours décider de ne pas participer, alors la visibilité n'est pas totale.

À l'opposé, au sud de la frontière, il y a deux sites : la FDA américaine a défini tout un lot de « renseignements essentiels », qui sont obligatoires, et il y a un site axé sur la collaboration volontaire de l'Association américaine des pharmaciens hospitaliers hébergé par l'Université du Nebraska, qui est le penchant américain du site canadien.

Pour revenir à ce que Perry a dit, c'est une bonne idée aussi d'élaborer des solutions de rechange du point de vue clinique, parce que, sur le terrain, s'il y a une pénurie d'un médicament précis, c'est important que le pharmacien et le patient soient bien placés afin qu'ils puissent prendre des décisions touchant une solution de rechange clinique. Par exemple, relativement à la pénurie d'un médicament appelé propoxyphène, en Saskatchewan, en novembre, les personnes sur le terrain là-bas ont travaillé et ont préparé des renseignements sur une solution de rechange clinique à l'intention des médecins et des pharmaciens pour pallier la pénurie de ce médicament précis.

Enfin et surtout, Amir, comme vous l'avez dit, nous avons de bons exemples au Canada de gestion de la constitution de réserves de médicaments. En ce qui concerne le vaccin contre la grippe, depuis 15 ans, le Canada choisit consciemment de toujours s'approvisionner auprès de deux fournisseurs. À deux ou trois reprises, un fournisseur a éprouvé des problèmes de production, peu importe qui. Plus récemment, nous avons tiré des leçons touchant les réserves de Tamiflu. Si nous avons défini un lot de médicaments essentiels, nous pouvons faire un investissement ponctuel pour avoir un réapprovisionnement régulier afin de nous assurer que les médicaments essentiels sont toujours là pour les Canadiens.

M. O'Rourke : Je veux parler de deux choses, de la transparence et des pénuries. Dans les deux cas, j'essaierai d'être bref. Nous devons tous continuer à améliorer la transparence. Nous croyons tous être transparents. Le sommaire des motifs de décision que Santé Canada produit est très utile, mais il y a beaucoup d'autres renseignements qui seraient aussi utiles.

Au sein de notre organisme, nous estimons être très transparents dans les rapports que nous produisons, nous rendons tout public, mais nous avons commencé à entendre des cliniciens et des patients nous dire que nous ne communiquons pas toute l'information. Alors nous avons mis un document sommaire des recommandations relatives à nos évaluations des médicaments sur notre site web. Il y avait d'imposants documents que nous produisions, sur les plans clinique et pharmacoéconomique, que nous ne communiquions pas. Il faut beaucoup de travail pour présenter cette information de façon très lisible, alors nous avons déployé beaucoup d'efforts pour y arriver, et maintenant nous publions aussi nos rapports complets sur notre site web. Nous devons tous essayer de continuer d'en faire plus en matière de transparence.

En ce qui concerne les pénuries, j'aimerais revenir sur un commentaire formulé par Amir. Je crois qu'il a soulevé un bon point. Pour moi, la cause profonde d'une bonne partie des pénuries est liée à l'approvisionnement. Si vous parlez à nos collègues du milieu des matériels médicaux, leur principal problème ne concerne pas la réglementation, ni les brevets, ni l'évaluation des technologies médicales : c'est l'approvisionnement. Il y a eu des abus et des problèmes liés aux systèmes d'approvisionnement au sein du gouvernement, alors nous avons établi des exigences très compliquées, bureaucratiques et techniques relativement à l'approvisionnement en produits pharmaceutiques, en matériel médical et en équipement médical, ce qui n'a pas facilité les choses. Je crois que nous sommes allés trop loin dans une direction et que nous devons rétablir des exigences raisonnables. Il faut presque donner un rein pour faire affaire avec un fournisseur unique au pays. Je crois que l'approvisionnement est l'une des principales causes des pénuries.

Le président : Je vais laisser Ron mettre son rein en gage s'il veut formuler un court commentaire, sinon, il le perd.

M. Heslegrave : Merci, monsieur le président.

Nous avons beaucoup parlé de transparence. Je crois qu'il est très important d'en parler. Nous sommes tous heureux de savoir que nous allons avoir plus de transparence, mais nous n'avons pas vraiment défini ce dont il est question. J'aimerais suggérer au comité permanent de poser cette question au Conseil des académies canadiennes. Il convoque régulièrement des groupes de discussion d'experts pour leur demander de définir la transparence de façon à garantir que nous pouvons en avoir plus et que tout le monde sait de quoi il retourne.

Il y a deux ou trois ans, j'ai siégé à un tel groupe d'experts pour définir la notion d'intégrité en recherche au Canada, et il s'agissait d'un système rigoureux et utile. Si nous voulons de bonnes définitions de ce en quoi consiste la transparence, je vous recommande d'envisager de convoquer un groupe d'experts grâce à ce mécanisme qui est accessible au gouvernement dans le but de mieux comprendre ce que signifie la transparence et, en fait, déterminer si c'est là où nous en sommes.

Le président : Vous pouvez garder votre rein. Merci.

J'aimerais mentionner deux choses, mais je ne vais pas en discuter et je ne m'étendrai pas trop sur elles. Premièrement, il y a eu un grand changement en ce qui concerne les pénuries de médicaments, et c'est que les médicaments sont fournis au pays en fonction des stocks des fournisseurs et des pharmaciens. Avant, on incitait les pharmaciens à garder des médicaments en stock. Je ne me rappelle pas exactement combien de temps le stock des pharmaciens allait durer, mais il y avait un approvisionnement de 180 jours — je crois que c'était peut-être au niveau du fournisseur — en ce qui concerne les pharmacies de tout le pays. On avait donc une certaine marge de manœuvre si les choses venaient à beaucoup changer. La mesure incitative à cet égard a été éliminée par les gouvernements provinciaux, qui voulaient retirer chaque sou possible à ceux qui adoptaient un comportement proactif pour gérer ces problèmes.

Deuxièmement, bien sûr, et on l'a mentionné, dans une certaine mesure, c'est que nous sommes le pays moderne le plus balkanisé à tous points de vue en ce qui concerne les questions interprovinciales, et chaque province a un formulaire différent. Il s'agit là d'un grand problème. S'il y a une seule option sur le formulaire, mais qu'il y en existe 10, lorsqu'un problème d'approvisionnement se produit relativement à cette option, il est difficile de se tourner vers des solutions de rechange. Dans d'autres endroits où on a peut-être plusieurs solutions sur la liste, on a plus d'options. Quelqu'un a parlé précisément de cet aspect des choses.

Je vais m'arrêter ici. Je ne veux pas poursuivre le débat à ce sujet.

Je vais maintenant passer au quatrième sujet, soit les dossiers de santé et les dossiers médicaux électroniques. Jennifer, s'il vous plaît.

Mme Zelmer : J'aimerais remercier le comité pour ses travaux en la matière ainsi que le soutien qu'il a offert dans ses rapports antérieurs.

Les deux ou trois premières questions que vous avez posées sont des questions de fait qui portent sur la situation actuelle concernant l'utilisation des dossiers médicaux électroniques et l'accessibilité des dossiers de santé électroniques.

Je me suis dit qu'il était préférable de fournir un document contenant les données, plutôt que de lire plein de renseignements pour le compte rendu. Je tiens à m'excuser auprès des personnes de votre côté, je ne sais pas si j'en ai apporté suffisamment pour tout le monde, mais il y a des exemplaires en français et en anglais qui circulent. Dites-le- moi simplement si vous n'en avez pas.

La version courte, c'est que, dans le cas des médecins de première ligne, l'année dernière, nous en avons rejoint 64 p. 100 qui utilisaient des dossiers électroniques, comparativement à 24 p. 100 en 2007. En ce qui concerne les spécialistes exerçant en cabinet, nous en avons joint 53 p. 100, comparativement à 28 p. 100 en 2007. Nous prévoyons que les pourcentages continueront d'augmenter, compte tenu du nombre d'administrations qui élargissent leurs programmes ou qui ont récemment commencé à adopter des programmes de dossiers médicaux électroniques.

En ce qui concerne le dossier de santé électronique, vous avez posé une question sur cet aspect. J'aimerais rappeler et dire à tout le monde qu'il s'agit d'un dossier confidentiel et privé concernant la santé d'une personne et les soins qu'elle a reçus durant toute sa vie.

À Inforoute, nous faisons un suivi de l'accessibilité des données des six domaines fondamentaux d'un dossier de santé électronique, des choses comme les résultats d'analyses de laboratoire ou les médicaments délivrés, qui est probablement l'élément le plus pertinent dans le cadre de l'étude actuelle. Le document contient des renseignements figurant dans notre dernier rapport sur la situation actuelle par administration, où en est l'accessibilité du dossier de santé électronique pour les professionnels de la santé autorisés à l'échelle du pays. Si on calcule la moyenne de tous les éléments, à la fin de mars 2014, l'accessibilité générale était de 89 p. 100.

Les autres questions que vous avez posées concernent les autres mesures accessibles, les prochaines étapes et ce qui nous attend.

Je crois que, la dernière fois que j'ai comparu devant le comité, nous avons parlé rapidement du fait que l'accessibilité est une première étape importante, mais qu'il fallait aussi examiner de quelle façon l'information est utilisée dans la pratique clinique et quels sont les résultats finaux et les avantages pour les patients et les professionnels.

En plus d'effectuer un suivi de l'accessibilité de base, nous examinons aussi des choses comme l'utilisation de fonctions plus avancées en pratique clinique. Par exemple, notre programme de dossier médical électronique inclut ce que nous appelons des niveaux de valeur clinique, dont l'un pourrait être, disons, si le professionnel a accès aux résultats d'analyses de laboratoire ou aux médicaments prescrits par d'autres médecins au point de soins ou si l'on utilise le système d'ordonnances électroniques. Nous examinons aussi ces genres de fonctions plus avancées.

En outre, par le truchement de notre nouveau programme sur la santé des consommateurs, nous avons aussi commencé à examiner l'accès des citoyens à leurs renseignements de santé personnels et aux services de santé à l'échelle du pays.

Je vais passer à vos autres questions. Les systèmes d'information sur les médicaments font partie du dossier de santé électronique. On s'efforce activement partout au pays de mettre en œuvre de tels systèmes. Comme vous le constaterez sur le tableau distribué, on a actuellement accès aux profils pharmacologiques complets de tous les citoyens dans cinq administrations, et les travaux sont en cours ou avancent dans les autres administrations.

On s'efforce aussi d'établir des normes pancanadiennes en la matière par le truchement de l'Unité collaborative de normalisation associée aux investissements d'Inforoute.

Cela dit, de toute évidence, les décisions relatives aux normes sont prises par les administrations en fonction de leurs besoins, et, dans certains cas, l'application varie. En fait, on mettait en place des systèmes de médicaments avant l'établissement des normes. Il faudra attendre une mise à jour ou une mise à niveau avant de pouvoir intégrer des normes ici.

Je crois que la dernière partie concerne davantage la question de Michael sur le Système national d'information sur l'utilisation des médicaments prescrits, le SNIUMP.

Le président : En passant, je veux que tout le monde sache que je n'ai pas dit d'avance aux gens qui allait s'occuper des différents thèmes, alors je suis impressionné qu'ils soient tous aussi bien préparés.

Je me rends compte aussi que je n'ai pas vraiment conclu relativement à la question de l'approvisionnement et de l'entreposage, où, dans le passé, on avait des réserves de médicaments au sein de la chaîne d'approvisionnement permettant de tenir beaucoup de jours. Lorsque la mesure incitative a été éliminée, je crois savoir que la réserve est passée à deux ou trois jours ou qu'on dépendait du service de livraison le lendemain, ce qui accentue le problème.

Jennifer, merci beaucoup d'avoir mis la table. Je vais maintenant passer à Perry.

M. Eisenschmid : Merci, monsieur le président.

Nous apprécions très certainement les investissements et les efforts qui ont été faits et certains des grands progrès réalisés dans un certain nombre de dimensions du dossier électronique.

Le problème auquel nous sommes confrontés actuellement, c'est qu'il est temps de passer à la prochaine étape en ce qui concerne les dossiers de santé électroniques. Je viens du secteur privé, et l'une de mes expressions préférées est « ce qui est mesuré est fait ». Nous espérons commencer à accroître le pourcentage de citoyens ayant un dossier de santé personnel ou de médecins qui ont des dossiers médicaux électroniques. Nous voulons commencer à mettre l'accent sur les raisons pour lesquelles nous avons instauré toute cette initiative.

En fait, on pourrait avoir 35 millions de dossiers de santé personnels, mais s'ils sont tous fondés sur des systèmes et des plates-formes différents, et qu'il n'y a pas de communication entre les systèmes, nous n'atteindrons pas l'objectif escompté.

Ce que nous voulons commencer à suivre et ce sur quoi nous encourageons les gens à cibler leurs activités de suivi, c'est le pourcentage de citoyens qui peuvent prendre leur dossier de santé personnel, déménager dans une autre province et pouvoir facilement l'intégrer au système de santé là-bas. Il faudrait très certainement pouvoir le faire au sein de notre province, mais, idéalement, d'une province à l'autre. Quel pourcentage de médecins peuvent prescrire un médicament qui apparaîtra automatiquement dans les systèmes des pharmacies et les dossiers de santé personnels? Encore une fois, je ne veux pas être critique, parce que je comprends pourquoi nous en sommes là et que nous avons fait de bons progrès.

Il faut mettre en place une infrastructure de base avant de passer à la prochaine étape. Je peux dire sans me tromper que le milieu des pharmaciens a hâte d'entrer dans cet espace plus intégré, et nous serons ravis d'aider du mieux que nous le pourrons.

M. Gaucher : J'ai un commentaire à formuler sur la base de données du Système national d'information sur l'utilisation des médicaments prescrits et la question de savoir si on pourrait s'en servir pour étayer la collecte des données des systèmes d'information sur les médicaments. Pour commencer, la réponse courte : nous croyons qu'il s'agit d'une bonne base. Mais permettez-moi de prendre un peu de recul et de parler rapidement du système et d'expliquer pourquoi nous croyons que c'est un bon candidat.

La base de données du SNIUMP contient les données sur les demandes de remboursement relatives aux médicaments d'ordonnance de toutes les provinces du Canada, à l'exception du Québec, ainsi que de celles d'un programme fédéral en matière de médicaments. Ces données sont recueillies selon une norme commune. La limite des données contenues découle des renseignements consignés dans le cadre des programmes de médicaments publics, donc tout dépend de la conception de ces programmes. Les données sont liées en grande partie aux aînés, mais certaines provinces ont aussi des données fondées sur la population.

La force de ces données en tant que telles, c'est qu'il s'agit de données longitudinales. On peut effectuer un suivi des patients au fil du temps. On peut probablement lier ces données à d'autres ensembles de données, ce qui appuie d'autres recherches et d'autres analyses connexes. Lorsque nous recevons des demandes liées à ces données de chercheurs et d'autres intervenants, et même en vue d'une utilisation à l'interne, la limite, c'est que les données ne portent pas vraiment sur toute la population canadienne. L'ICIS se penche activement sur ce problème. C'est là que les systèmes d'information sur les médicaments pourraient vraiment jouer un rôle.

Nous croyons que les systèmes d'information sur les médicaments constituent vraiment une source de données possible qui pourrait être intégrée dans le SNIUMP afin que le système contienne des données fondées sur la population du Canada. Il utilise une norme de données légèrement différente. Les systèmes d'information sur les médicaments sont fondés sur une norme axée sur les ordonnances qui contient, d'après ce que nous en savons, un peu plus d'information clinique. Notre norme de données dans le SNIUMP est une norme fondée sur les demandes de remboursement touchant les médicaments, mais, encore là, de ce que nous en savons, les normes sont assez semblables. À ce sujet, nous avons travaillé dans le passé avec les provinces et les territoires pour harmoniser leurs données aux fins d'intégration dans le SNIUMP, et nous estimons que le même type d'approche pourrait être utilisée pour travailler en collaboration avec eux et intégrer les données des systèmes d'information sur les médicaments dans le SNIUMP afin d'accroître la quantité de données dans le système.

M. Attaran : La préoccupation que je m'apprête à formuler est peut-être ésotérique, mais je crois qu'il faut en tenir compte. On a raison de s'inquiéter des possibles utilisations des systèmes d'information sur la santé pouvant limiter les libertés civiles, et ce, surtout depuis les révélations de Snowden. Même si je suis un ardent défenseur des systèmes d'information sur la santé et des dossiers de santé électroniques, et que j'adore cette idée, je crains de plus en plus que nous n'ayons pas suffisamment réfléchi dans le domaine de la santé à la façon dont ces systèmes pourraient être détournés ou utilisés à de mauvaises fins.

De nos jours, je ne peux pas envoyer un courriel de mon bureau à Ottawa à mon étudiant diplômé au bout du corridor sans que l'information passe par les États-Unis. Le message que je veux envoyer par voie électronique au bout du corridor doit littéralement passer la plupart du temps par un serveur en sol américain.

Il y a maintenant des preuves que le gouvernement fédéral a communiqué des renseignements sur la santé à des autorités étrangères. En le faisant, il a restreint les libertés civiles des personnes concernées.

Il y a le cas notoire d'une femme de Toronto qui suivait un traitement psychiatrique — pour la dépression, je crois — et qui, lorsqu'elle a voulu traverser la frontière pour aller faire une croisière, a été détenue et s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis parce que les autorités américaines savaient qu'elle avait été traitée pour une dépression. C'est vraiment effrayant, et, si tous nos dossiers médicaux peuvent maintenant être transmis à des gouvernements étrangers, soit parce que la NSA met la main dessus, soit parce que le gouvernement fédéral communique volontairement les renseignements aux Américains, comme dans ce cas-ci, le monde nouveau dans lequel nous vivons fait vraiment peur.

Je considère qu'il est très urgent d'adopter des dispositions législatives restreignant la communication des renseignements sur la santé beaucoup plus que ne le fait la Loi sur la protection des renseignements personnels, de sorte que les renseignements ne puissent pas être utilisés à mauvais escient par les organismes fédéraux d'application de la loi par exemple en les transmettant aux Américains, et de sorte qu'il y ait des sanctions si un organisme étranger les utilise et que le CST ne puisse se sauver avec ces renseignements d'une manière ou d'une autre. Nous ne connaissons pas l'ampleur des utilisations abusives qui sont faites. Nous savons simplement qu'il y en a, ce cas en étant la preuve.

Le président : Je ne voulais pas entendre tout cela, mais merci.

Mme Currie : Je suis contente que vous ayez pris cet exemple. J'étais en train de noter cela juste avant que vous ne commenciez à parler. Je pense que la question est de savoir qui a accès aux données et à quelles fins. Je pense que le public est probablement assez sceptique lorsqu'il voit que le gouvernement essaie de le rassurer en lui disant de ne pas s'inquiéter au sujet de ses données, qu'il ne les perdra pas et qu'il n'autorisera personne à y accéder. Il faut qu'il y ait des dispositions législatives claires protégeant la vie privée et restreignant l'accès, non seulement l'accès par les sociétés d'assurance ou par les autorités chargées de la sécurité, par exemple, mais également l'accès à des fins commerciales.

Je vais y revenir plus tard lorsque nous discuterons des pharmacies. Les pharmaciens veulent maintenant pouvoir accéder aux dossiers de santé électroniques, non seulement pour assurer une supervision des ordonnances et de la santé, mais aussi pour jeter les bases de la prestation de services commerciaux aux patients. L'accès aux dossiers à toutes sortes de fins va donc susciter beaucoup d'intérêt de la part de bien des parties, et je pense qu'il devrait être très restreint.

La seconde question est liée à la surveillance des médicaments d'ordonnance et aux données sur la consommation de médicaments. En tant que membre du public et que chercheure et évaluatrice, je suis moi-même frustrée par le manque d'accès à des données rendues anonymes sur la consommation de médicaments d'ordonnance.

À titre d'exemple, je travaille actuellement auprès de la commissaire à l'enfance de la Colombie-Britannique en raison de préoccupations soulevées au sujet de la prévalence de la prescription de médicaments utilisés en psychiatrie pour des usages autres que ceux qui sont prévus chez les enfants, par exemple des antipsychotiques. Il est presque impossible d'obtenir les données pertinentes. Nous savons pour l'avoir entendu dire que des enfants de 4, 5, 6 ou 7 ans se font prescrire des antipsychotiques, alors nous voulons vraiment savoir ce qui se passe. Pourquoi l'accès à ces données n'est-il pas plus facile?

Lorsqu'il s'agit d'opiacés prescrits de façon excessive, pourquoi les provinces ont-elles tant de difficultés à repérer les médecins qui en prescrivent beaucoup? Je n'ai pas la réponse à cette question, mais je pense simplement que les autorités publiques devraient être en mesure d'accéder aux données de ce genre plus facilement et plus rapidement.

Dr Peterson : Pour répondre à la multitude de questions que soulève la véritable utilisation des médicaments après la mise en marché au sein du réseau de soins de santé du Canada, comparativement à ce qui est envisagé dans le contexte des essais cliniques, vous m'avez déjà entendu dire ceci : les chercheurs ont besoin d'un meilleur accès à des données de meilleure qualité. Il faut cependant qu'elles soient dépersonnalisées. Il n'est pas nécessaire de connaître les détails sur l'identité des patients à ce chapitre. Cependant, les dossiers de santé électroniques contiendront beaucoup plus d'information que les données auxquelles nous avons accès actuellement, qui sont liées aux dossiers de santé administratifs.

La situation actuelle, en ce qui concerne le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, c'est que nous ne pouvons pas répondre à toutes les questions que l'organisme de réglementation ou que les représentants des régimes de médicaments des provinces nous posent, parce que l'information nécessaire pour y répondre n'existe pas dans les dossiers de santé administratifs liés. Nous n'allons pouvoir la trouver que dans des dossiers de santé électroniques complets. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'accès aux données était un élément si important de la Stratégie de recherche axée sur le patient et que les discussions entre les IRSC et les sous-ministres des provinces et des territoires sont très axées sur la façon d'accroître l'accès aux données.

La capacité des provinces de communiquer les données varie grandement. Nous disposons d'un accès complet à la base de données sur la pratique générale du Royaume-Uni. Nous sommes en mesure d'acheter cet accès. Nous pouvons donc accéder aux dossiers de ce pays, tandis que nous avons énormément de difficultés à obtenir la permission d'accéder à des données dépersonnalisées équivalentes auprès de nos sources provinciales de dossiers administratifs liés et devons attendre plus d'un an pour y accéder, et même plus longtemps.

Nous avons ainsi besoin d'une démarche nationale intégrée pour arriver à protéger les droits des particuliers tout en rendant l'information accessible.

Mme Smith : Pour les patients atteints d'une maladie rare, les dossiers de santé électroniques n'offrent pas seulement un avantage énorme; c'est aussi une question de vie ou de mort, puisqu'ils permettent d'identifier, de gérer et de traiter les maladies rares. Je comprends vos préoccupations au sujet du caractère sécuritaire des dossiers électroniques, et certains de nos membres craignent beaucoup qu'ils soient utilisés à des fins d'assurance dans le cas de maladies génétiques ou de choses de ce genre. Toutefois, l'une des pires expériences que peuvent vivre les patients atteints d'une maladie rare, par exemple, c'est de se rendre à l'urgence. Je l'ai vécue moi-même. Il serait très utile dans ce cas-là d'avoir un dossier de santé électronique. Nous sommes tout à fait en faveur d'un dossier bien géré, et nous pensons vraiment que cela pourrait sauver la vie de nombreux Canadiens souffrant d'une maladie rare.

Mme Zelmer : J'aimerais donner suite à deux ou trois observations qui ont été formulées, à un mélange de ce que Amir et d'autres ont dit au sujet de l'aspect législatif de la question. Les commissaires à la protection de la vie privée de l'ensemble du pays et les autorités concernées des ministères de la Santé ont essayé de trouver un terrain d'entente pour ce qui est de la protection des renseignements sur la santé. Le travail qu'ils ont fait porte sur les exigences, ainsi que sur le lien avec les lois provinciales et territoriales, qui, dans la plupart des provinces et territoires, sont des lois particulières ayant trait à l'information sur la santé, et pas simplement à la protection des renseignements personnels en général. Beaucoup de ces lois sont en train d'être mises à jour et renouvelées.

À la base d'une partie de ce travail — si jamais vous souhaitez approfondir la question —, il y a pas mal de discussions avec les Canadiens, de sondages et de groupes de concertation faisant intervenir le genre de questions dont vous venez de parler, Maureen, relativement à l'équilibre que nous cherchons, nous, citoyens, entre l'information qui servira à nous soigner et l'intérêt public.

Que recherchons-nous, comme citoyens, pour nous réconforter? La réponse consiste en partie en des mesures législatives, mais il y a un certain nombre d'autres choses. Il y a des données et de l'information intéressantes là-dedans, si jamais cela vous intéresse.

Enfin, je voudrais simplement donner suite à certains des derniers commentaires formulés concernant l'accès à l'information figurant dans le dossier de santé électronique, que ce soit pour assurer la surveillance après la commercialisation ou pour autre chose. Vous avez parlé du Conseil des académies canadiennes. Celui-ci mène actuellement une étude sur l'accès, et il essaie de régler certains de ces problèmes touchant les politiques. Il s'agit de politiques complexes, et l'étude vise à les démêler un peu. Il y a peut-être là-dedans d'autres informations qui pourraient vous être utiles à un moment donné.

Le président : C'est un domaine très important. Nous en avons parlé dans chacune des études que nous avons menées. Nous reconnaissons le fait que la question de la sécurité des données soulève de plus en plus de préoccupations, comme Amir l'a dit. De même, il est difficile pour moi d'imaginer que nous ne puissions pas concevoir une façon d'examiner des renseignements dépersonnalisés et regroupés pour nous orienter sur un certain nombre de questions allant des problèmes de santé existants au pays, à l'une des extrémités du spectre, jusqu'à une prestation grandement améliorée des soins de santé et une reconnaissance rapide des problèmes posés par le traitement d'un patient individuel.

Pour ce qui est de l'incompatibilité des systèmes, il est très frustrant de constater que les réseaux hospitaliers ont fourni des TI à leurs divers services et ont permis aux médecins de bien des services de choisir leurs propres systèmes d'exploitation, ce qui fait qu'ils ne peuvent même pas communiquer sur un même étage, et encore moins dans l'ensemble du système. Lorsque nous avons fait notre étude sur les soins de santé, un chirurgien expérimenté de Toronto a donné un coup de poing sur la table et dit « Je me fous bien de ne pas pouvoir obtenir de l'information de Calgary. Je n'arrive même pas à en obtenir de l'étage en dessous lorsque j'opère » et qui nous a parlé de la complexité des mesures de sécurité et des démarches qu'il a dû faire pour obtenir les renseignements concernant le patient face à un problème immédiat.

Nous évoluons dans ces domaines, et nous progressons. L'un des domaines où il y a beaucoup de progrès, c'est celui des façons novatrices que les fournisseurs de soins de santé trouvent pour offrir des services à domicile à leurs patients. Ils font preuve de beaucoup de créativité lorsqu'il s'agit d'utiliser la technologie à cette fin. Au bout du compte, il va falloir que nous puissions regrouper les données en de vastes ensembles de façon sécuritaire, dans la mesure où c'est possible dans le monde d'aujourd'hui. Le problème qui se pose, nous le savons tous, c'est qu'il n'y a pas d'absolus avec ce genre de technologie. Il peut y avoir un absolu pour l'instant, mais la situation peut changer tout à l'heure.

C'est un défi constant pour nous tous, et en même temps, il y a là-dedans énormément de potentiel pour la protection de la santé des Canadiens et pour la prestation de leurs soins de santé, ainsi que pour l'avenir.

Je tiens à mentionner encore une fois à quel point nous sommes reconnaissants de pouvoir bénéficier d'autant d'expertise. Vous avez pris le temps de venir ici malgré les carrières extrêmement exigeantes que vous menez et toutes les occasions qui se présentent à vous, et c'est un signe évident de l'intérêt que suscite toute cette question chez vous. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.

Vu le temps qui nous reste, nous n'allons pas être en mesure d'aborder toutes les choses importantes qui vous viennent à l'esprit au cours de la présente séance. Comme nous le faisons chaque fois, je vous invite officiellement à communiquer avec la greffière. Après que vous nous aurez quittés, si vous pensez à des choses qui, selon vous, devraient vraiment être portées à notre attention, ou encore s'il y a quoi que ce soit que vous avez entendu ou que vous n'avez pas entendu, mais qui a trait aux sujets importants que nous avons abordés, veuillez en informer la greffière.

Ce sera la dernière occasion que nous allons avoir de rédiger un rapport sommaire, alors n'hésitez pas à nous communiquer tout ce qu'il est important que nous sachions selon vous. Nous allons prendre tout cela en considération. Nous ne rédigerons pas notre rapport là-dessus demain; vous avez le temps de nous transmettre l'information, mais je vous demanderais de le faire le plus rapidement possible.

La prochaine section porte sur la collecte de données sur les effets indésirables des médicaments. Avant la pause, j'ai demandé à Janet de lancer le débat là-dessus.

Mme Currie : La collecte de données sur les effets indésirables des médicaments est l'un de mes sujets préférés. C'est quelque chose d'important, puisque, comme vous le savez, la plupart des effets indésirables des médicaments ne sont pas révélés par des essais cliniques, car ceux-ci durent souvent très peu de temps. Ils se font sentir après que le médicament a été mis à l'essai et approuvé. Il est tout à fait essentiel que la collecte et l'analyse — j'insiste sur le mot « analyse » — adéquates des effets négatifs des médicaments soient effectuées après l'autorisation.

Dans la Loi de Vanessa, Santé Canada propose le recours à un système de signalement à l'aide duquel les établissements de soins de santé devront signaler les effets indésirables de médicaments dont ils constatent l'existence. En principe, je ne suis pas contre cette façon de procéder. Santé Canada a déjà essayé de faire cela dans le cas de produits médicaux, mais je dirais qu'il faut prévoir des ressources suffisantes, car les professionnels de la santé sont peu enclins à signaler les effets indésirables des médicaments. Alors, si Santé Canada n'est pas disposé à fournir des ressources, à promouvoir cette façon de procéder dans les établissements et à effectuer le suivi et l'évaluation des résultats, ce ne sera pas très utile. C'est ce qui est arrivé dans le cas de la démarche relative aux produits de santé du ministère, lorsqu'il a fait appel aux établissements. Il n'a pas évalué les données. En principe, je pense que ce n'est pas une mauvaise idée, mais il faut fournir les ressources, faire la promotion de la méthode et en effectuer le suivi dans les établissements.

Je voudrais aussi remettre en question les deux autres aspects principaux de la collecte de données sur les effets indésirables des médicaments. Le premier, c'est l'analyse du contenu de grosses bases de données fournies par l'industrie, qui constitue sa principale source de données sur les effets indésirables des médicaments. Je ne suis toujours pas convaincue que le public canadien connaît les critères utilisés par Santé Canada pour cerner les problèmes à partir de cette base de données.

Je suis aussi préoccupée par le fait que Santé Canada soit disposé à maintenir et à soutenir la déclaration par les patients et les professionnels des soins de santé à l'extérieur des établissements, car je crois qu'il s'agit d'une source de données très riche qui a été sous-utilisée jusqu'à maintenant. La déclaration des effets indésirables des médicaments et l'analyse des données à ce chapitre comportent un certain nombre d'aspects très importants.

Le président : Merci, Janet.

Je ne vois pas de mains levées, mais je veux que nous continuions de discuter de cela, alors je vais demander à Brian de faire quelques commentaires.

M. O'Rourke : Je pense que je suis tout à fait d'accord avec Mme Currie. Beaucoup des problèmes touchant les déclarations sont liés au fait que les cliniciens sont très occupés et ne prennent pas le temps de déclarer les effets indésirables constatés, et il s'agit donc de mettre les ressources en place et de modifier un peu les comportements par rapport à la déclaration.

Si vous parlez aux gens de l'Institut canadien pour la sécurité des patients et des comités qui se penchent sur la sécurité partout au pays, vous constaterez qu'ils disent la même chose. Il s'agit d'adopter ce comportement, de penser à la sécurité des patients et d'essayer de remplir les rapports en question. Il faut aussi que le modèle soit simple, rapide et efficace.

Vous aviez une autre question au sujet de la responsabilité relativement à l'analyse des données recueillies dans ce contexte. Cette question comporte probablement deux volets : qui est responsable et qui ferait une partie de l'analyse? Je pense que Santé Canada doit être responsable de cette information. Ce sont les gens de Santé Canada qui pourront intervenir s'il y a des indicateurs clairs concernant un médicament en particulier.

Cela dit, je pense que nous avons tous besoin d'accéder à cette information — les cliniciens, les patients — et au travail que nous faisons. Il faut qu'elle soit accessible à tout le monde qui analyse les données en question, mais je pense que Santé Canada doit en être responsable.

Dr Juurlink : Je pense qu'il vaut la peine de recueillir les données seulement si elles sont de grande qualité et si elles sont utilisées de façon réfléchie et utile pour les patients. Je ne doute pas du fait que plus il y a de données, mieux c'est. Il est important de mettre l'accent sur la qualité des données en tant que telle.

Je ne vois pas vraiment de problème dans le fait que les patients signalent la mésaventure qu'ils ont eue avec un médicament ou qu'un être cher a vécue. Je trouve cependant important qu'il soit précisé que ces données proviennent de patients, car les déclarations des patients sont parfois colorées par leurs perceptions, et ils peuvent avoir raison, mais ils peuvent aussi avoir tort.

Je suis fier d'être Canadien. Chaque fois que je consulte la base de données de Santé Canada, je suis un peu moins fier, parce que l'utiliser est embarrassant. J'ai déjà dit — en exagérant un peu, peut-être — que c'est un fourre-tout électronique, et c'est vrai. La base de données contient quelques grappes de données importantes et utiles, mais elle est très difficile à utiliser, et il y a beaucoup de bruit et de choses qui n'aident personne à faire quoi que ce soit. Je ne peux pas établir clairement qui a produit la déclaration. S'agit-il d'un pharmacien, d'un médecin, d'un patient ou du conjoint d'un patient? Je ne sais pas très bien ce qu'il advient des données une fois qu'elles sont entre les mains des gens de Santé Canada.

Mis à part cela, je pense que c'est une bonne idée que les hôpitaux produisent des déclarations. Il faudrait aller plus loin que cela. Les médecins qui interviennent en première ligne devraient être obligés de déclarer les effets indésirables qu'ils constatent. La loi devrait les y obliger, et il devrait y avoir des mesures d'incitation. Je sais que c'est facile à dire et peut-être difficile à faire. À l'hôpital, il y a des jours où je vous assure que les médecins résidents dont je m'occupe et moi sommes occupés constamment et où nous prenons peut-être cinq minutes pour manger à un moment donné. L'idée de passer une demi-heure à rédiger une déclaration peut sembler difficile à appliquer concrètement.

Une dernière chose, c'est que, parfois, nous ne savons pas qu'un patient a subi un effet indésirable. C'est facile; il n'est pas nécessaire d'être médecin pour savoir qu'une personne qui se présente et qui a une hémorragie gastro- intestinale ou des saignements de nez abondants réagit probablement mal aux médicaments anticoagulants qu'il prend. Toutefois, beaucoup d'effets indésirables ne se manifestent pas ainsi, et il est difficile de déterminer si la confusion, la fièvre ou les démangeaisons d'un patient sont causées par le médicament qu'il prend. Il y a toujours un problème de vérification incomplète. C'est pour cette raison que la collecte de données ne suffit pas en soi. Les autres initiatives de la phase IV sont importantes, comme beaucoup de gens ici présents le savent.

Dr D'Cunha : Pour compléter ce que Janet et David viennent de dire, nous devons reconnaître le fait que la base de données de Santé Canada a deux sources : les praticiens des soins de santé ou les patients et les membres de leur famille qui ont choisi de faire une déclaration directement auprès de Santé Canada et les fabricants qui, à leur tour, ne consignent dans la base de données que les effets graves constatés au Canada et les effets graves et imprévus constatés à l'extérieur du Canada, ainsi que le manque d'efficacité. Les cas qui ne sont pas graves ne sont pas consignés dans la base de données par voie électronique. Ils sont signalés au téléphone aux fins de la déclaration annuelle mise à jour. Reconnaissant les problèmes de compétence qui se posent, Santé Canada a choisi de recourir aux hôpitaux comme source en utilisant le cadre d'accréditation pour atteindre l'objectif visé. Je ne vais pas me prononcer sur le bien-fondé de la chose : c'est ainsi, et c'est tout.

Quant à l'organisme le mieux placé pour analyser les données, je l'ai devant moi, ou plutôt j'ai son représentant devant moi, le Dr Peterson, puisque son organisme est suffisamment indépendant pour que le processus soit crédible. Cependant, comme David l'a bien expliqué, si les données sont de piètre qualité, l'analyse le sera également.

Mme Smith : Nous voyons les dispositions du projet de C-17 comme un pas en avant important pour ce qui est de la collecte et de l'analyse de données sur les effets indésirables des médicaments. Nous croyons qu'il y aura beaucoup d'améliorations, mais, comme on l'a dit déjà, quelqu'un doit promouvoir la chose. Cela nous préoccupe, comme la participation des organisations de patients, des cliniciens, des pharmaciens et d'autres gens. Nous n'avons pas vraiment les qualifications nécessaires pour vous dire qui serait le mieux placé pour le faire. Est-ce que ce serait le RIEM? Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas vu le RIEM se montrer très ouvert à l'égard des patients ou du public, mais cela pourrait peut-être changer.

Une autre de nos préoccupations importantes concerne la déclaration des effets indésirables des médicaments utilisés à d'autres fins que celles qui ont été prévues. Cette utilisation des médicaments est importante pour les maladies rares, étant donné qu'il s'agit parfois du seul médicament qui existe pour traiter l'affection. Il n'y a tout simplement pas d'autres solutions. C'est un domaine dans lequel nous avons beaucoup de travail à faire. Il n'y a pas beaucoup de dispositions concernant la déclaration des effets indésirables de médicaments utilisés de façon détournée. Cela crée un risque pour beaucoup de Canadiens souffrant d'une maladie rare.

Dr Peterson : Je vais revenir à une existence antérieure et préciser certains des problèmes qui se posent relativement à ce que Santé Canada peut faire. À l'heure actuelle, le seul pouvoir que Santé Canada peut exercer, c'est celui d'exiger des fabricants qu'ils déclarent les effets indésirables des médicaments.

D'après mon expérience, il s'agit souvent de fichiers PDF enregistrés ligne par ligne et contenant une quantité limitée d'information. On ne peut pas faire de recherche dans ces fichiers. Ils sont très difficiles à traduire et à utiliser dans ce format. Il faut donc en verser de nouveau le contenu dans une base de données.

Je ne peux pas vous parler des problèmes qui se posent en ce moment, mais cette première base de données de Santé Canada sur les effets indésirables du médicament a été transférée sur tant de plates-formes au fil des ans que, d'après mon expérience, vous pourriez interroger la base de données deux fois de suite et obtenir des réponses différentes. Il y a beaucoup de problèmes touchant cette base de données.

La question est la suivante : devrions-nous recommander qu'on consacre des ressources massives à sa mise à jour et à sa refonte ou non? Si la réponse est oui, nous allons continuer de dépendre d'un système de déclaration passif, dans lequel les fournisseurs de soins de santé, les patients et les autres gens concernés devront prendre le temps de remplir les formulaires et de transmettre l'information, laquelle peut ne pas être suffisante.

Santé Canada doit actuellement utiliser son système de déclaration passif pour regrouper les données versées dans sa base de données sur les effets indésirables des médicaments, puis le ministère interroge cette base de données et il cherche des indicateurs.

Le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments a ouvert une nouvelle dimension à Santé Canada, c'est-à- dire que nous avons maintenant une équipe de recherche complète et financée qui constitue une infrastructure prête à se faire demander de surveiller activement un nouveau produit ou éventuellement un produit qui était déjà en marché par l'organisme de réglementation ou par les responsables des régimes de médicaments des provinces ou des territoires. Ils peuvent nous demander comment un produit a été reçu. Nous allons établir, un peu comme dans le cas d'une vérification fondée sur les critères donnés, l'évaluation réelle du produit, selon l'utilisation qui en a été faite dans le monde réel. Santé Canada a donc pris des mesures pour passer à un mode de surveillance active accrue. En soi, cela n'appuie pas un réinvestissement dans le système de déclaration passif ni le fait d'y consacrer de nouveau des ressources très importantes.

L'autre chose sur laquelle Santé Canada s'appuie, ce sont des discussions mensuelles, des téléconférences, avec la FDA des États-Unis, l'Agence européenne des médicaments, avec les gens de l'Australie. Comme vous pouvez l'imaginer, il est difficile de trouver un moment de la journée où nous pouvons tous être au téléphone et participer, mais il y a des revues mensuelles de ce que les autres organismes de réglementation ont constaté, sur le plan des indicateurs relevés un peu partout dans le monde pour ce qui est de la sécurité. Avant que le RIEM n'existe, les représentants de l'organisme de réglementation canadien devaient souvent se contenter d'écouter ce que les autres organismes avaient pu déterminer. Maintenant que les autres peuvent nous poser des questions, nos représentants peuvent participer à la discussion et fournir des données provenant du Canada, quoiqu'en quantité limitée.

Nous cherchons à établir une distinction entre la collecte de données et l'accumulation de données, et cela nous ramène aux dossiers de santé électroniques. Au lieu que le clinicien affairé ait à remplir un formulaire de déclaration à part après avoir rédigé son entrée dans le dossier médical en ce qui concerne l'effet indésirable d'un médicament sur un patient, nous aimerions beaucoup être en mesure d'accéder à ce dossier médical et de pouvoir y faire une recherche pour repérer les effets indésirables qui nous intéressent. C'est ce que nous faisons en grande partie en assurant une surveillance active. Nous intégrons aux dossiers de santé administratifs les entrées qui nous fourniront les données sur les effets indésirables ressentis.

Nous envisageons davantage des systèmes que nous pouvons mettre en place pour nous permettre d'examiner les données accumulées dans le cours normal de la pratique médicale ainsi que la méthode nous permettant d'y arriver. Soit dit en passant, les méthodes épidémiologiques que nous appuyons aux IRSC sont très efficaces pour ce qui est de discerner ce que vit le patient malade à cause de son affection et ce qui peut venir du médicament en tant que tel.

Je vais conclure sur un énoncé général auquel j'espère que vous reviendrez. Cet énoncé a trait à la loi et à toute la discussion que nous sommes en train d'avoir.

Nous sommes obsédés par l'aspect sécurité du problème. Le risque que pose un nouveau produit qui commence à être utilisé dans le système de soins de santé doit être évalué sur le plan des avantages ainsi que sur le plan des inconvénients. Nous nous concentrons beaucoup sur les inconvénients. Cependant, comme vous avez entendu des patients le dire, le risque appliqué à l'aspect des avantages, c'est le risque de ne pas tirer un avantage de l'utilisation du produit. Voilà de l'information que nous devons aussi recueillir et accumuler après la commercialisation une fois que le produit a été utilisé dans le monde réel. Certains produits qui sont mis en marché permettent d'obtenir un avantage dans un cas sur dix, disons — 10 patients sont traités, et un patient obtient l'avantage prévu. Cela signifie que 9 patients sur 10 ne tirent aucun avantage de l'utilisation du produit. Il s'agit là d'information que nous obtenons des essais cliniques.

Il faut que nous transposions cela dans la réalité, parce que la décision de prendre un médicament — et je pense que Janet a déjà mentionné cela... Lorsqu'on décide de prendre un médicament, on veut savoir quel sera l'avantage et quelle est la probabilité qu'on l'obtienne afin d'évaluer le tout à la lumière des inconvénients possibles.

Encore une fois, comme on l'a dit déjà, si on examinait seulement les écrasements dans le secteur de l'aviation, il serait peut-être très difficile de convaincre les gens qu'il s'agit d'un moyen de transport sûr. Il faut que nous trouvions un meilleur équilibre en envisageant d'exiger que les avantages réels et que la probabilité de les obtenir soient précis.

M. Attaran : Je pense que beaucoup de gens ont dit que le projet de loi C-17 devrait être envisagé plus ou moins favorablement lorsqu'il vous sera présenté. Je suis d'accord. Il s'agit d'un texte législatif qui procède pour la majeure partie de bonnes intentions. Comme je l'ai toutefois mentionné tout à l'heure, les dispositions pénales qu'il contient posent un grave problème. Cela revient ici encore.

Comme Robert et David viennent de le dire, il y a beaucoup d'incertitude dans le processus de déclaration des effets indésirables. Que faut-il déclarer? Quand faut-il faire une déclaration? Comment? Les formats de données sont très confus. Robert a tout à fait raison. Au milieu de tout cela, est-il indiqué d'appliquer des sanctions pénales? Parce que c'est ce que fait le projet de loi C-17. En faisant cela, est-ce qu'on criminalise sans le vouloir des travailleurs de la santé bien intentionnés? Peut-être. Je ne saurais répondre à cette question. Il faudrait que je me penche sur la question et que je l'examine de plus près moi-même, mais je voulais signaler le fait qu'il est bizarre que le projet de loi C-17 contienne des dispositions pénales ainsi que des dispositions relatives à la déclaration des effets indésirables. L'interaction entre les deux pourrait poser problème.

Le président : À ce propos, nous avons entendu tout au long de notre étude des témoignages selon lesquels cette façon d'aborder ce qui est exigé des praticiens ne fonctionne tout simplement pas. Cela introduit un élément de peur dans le milieu du traitement clinique, et ça n'a pas fonctionné dans les quelques cas où ça a été tenté.

Ce que vous venez de dire, Amir, fait ressortir un certain nombre de problèmes et laisse entendre que, de façon générale, ce n'est pas une bonne façon d'aborder la collecte de données de ce genre. La question, cependant, pour en venir à ce que vous disiez, est la suivante : comment faire pour recueillir des données vraiment pertinentes? Comment le médecin fait-il pour déterminer que ce qu'il a constaté est vraiment un effet indésirable d'un médicament et non quelque chose qui relève des problèmes que le patient a en général? Je ne voudrais pas m'étendre là-dessus à ce moment-ci, mais je dirais simplement que nous avons entendu beaucoup de témoignages concernant les problèmes que vous venez tous les deux de soulever.

Avant de céder la parole à Janet et ensuite au Dr Juurlink, je voudrais mentionner le fait que, dans le cadre de nos études, nous avons déterminé que le RIEM pourrait jouer un rôle extrêmement important. Je ne suis pas convaincu que vous ne jouiez pas déjà un rôle important, Robert, mais, comme vous le savez, nous avons recommandé qu'on vous offre davantage d'occasions d'intervenir et qu'un éventail plus grand d'intervenants de la société puissent vous faire des recommandations, à part les organisations dont vous avez parlé, au sujet de ce qui pourrait être examiné à partir de votre point de vue dans le cadre d'études. Nous estimons que votre organisation pourrait jouer un rôle plus important dans ces domaines vraiment cruciaux.

Madame Currie.

Mme Currie : J'aimerais revenir sur la proposition que contient le nouveau projet de loi, soit le fait que les établissements choisis soient tenus de déclarer les effets indésirables des médicaments, ce qui constitue une nouvelle orientation pour Santé Canada dans ce domaine. Encore une fois, ma principale préoccupation est la suivante : le ministère a-t-il les ressources et la volonté nécessaires pour faire en sorte que ce système fonctionne? Je pense que, lorsqu'on demande à l'ensemble des professionnels de respecter une obligation de déclaration, le degré de respect est faible. Si vous fournissiez des ressources aux établissements et si vous aviez le soutien de gens des établissements qui feraient la promotion de la déclaration, je pense que cela pourrait fonctionner. Je ne crois pas que le dossier de Santé Canada en ce qui a trait au financement des systèmes d'appui à la déclaration des effets indésirables des médicaments soit très bon, alors je suis très préoccupée par la question des ressources.

Je suis très heureuse que David ait parlé de la Base de données en ligne des effets indésirables de Canada Vigilance. C'est notre moyen d'analyse des effets indésirables des médicaments. Si les gens n'arrivent pas à l'utiliser ni à la comprendre ou qu'il est difficile de comprendre le système ou encore que l'information n'est pas à jour, ce n'est pas un outil utile. Peu importe dans ce cas la quantité de ressources dont nous disposons et d'information que nous recueillons. Il faut que l'information se trouve dans une base de données utilisable et qui nous permette de faire des analyses; il faut que le public y ait accès. La Base de données de Canada Vigilance comporte des problèmes depuis le début.

Je voudrais conclure en appuyant ce qu'a dit Maureen, c'est-à-dire que les effets indésirables des médicaments sont très importants dans le domaine de la prescription de médicaments pour des usages autres que ceux prévus, car il n'y a pas de données d'essais cliniques sur la consommation et la posologie de ces médicaments dans le monde réel. Nous utilisons beaucoup les effets indésirables déclarés pour relever les indicateurs ayant trait à ce genre de prescriptions. C'est pour cette raison qu'il est si important que nous disposions de systèmes robustes.

Dr Juurlink : J'ai deux petites choses à dire. Bob a mentionné le fait que l'un des aspects négatifs de la prise d'un médicament, en plus des inconvénients qu'un médicament peut causer directement, c'est le fait que beaucoup de gens n'en tireront aucun avantage concret. C'est très vrai. Souvent, le nombre de gens qu'il faut traiter pour prévenir un seul événement est de 100 ou de 200; il n'est pas seulement de 10.

Il peut parfois être assez difficile, à partir du genre de données dont nous disposons à l'heure actuelle, de quantifier la relation entre un médicament et un effet indésirable. Il est encore beaucoup plus difficile d'établir si un médicament a contribué à empêcher que quelque chose se produise. Je peux déterminer si une personne a pris un bon médicament pour la tension artérielle ou pour le cholestérol, et je peux déterminer si un patient a subi une crise cardiaque ou un accident cérébral vasculaire, mais il est très difficile de conclure que l'exposition ou la non-exposition au médicament est à l'origine de la prévention de l'accident cérébral vasculaire ou du fait qu'il soit survenu.

La dernière chose que je voudrais dire, c'est que la déclaration est importante, je crois. Comme je l'ai dit déjà, plus il y a de données, mieux c'est, pour autant que les données soient de bonne qualité et soient utilisées de façon éclairée. Je peux imaginer une situation où les données transmises seraient beaucoup moins importantes par rapport à la santé des Canadiens et à ce que nous faisons. Voici : sans égard aux préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels, imaginez que des gens comme moi, comme les responsables du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments ou des gens qui estiment avoir des questions auxquelles il serait important de répondre avaient des données concernant tous les médicaments prescrits à 30 millions de personnes, sur toutes les visites à l'hôpital et chez un médecin de famille, ainsi que toutes les statistiques fondamentales. Évidemment, je peux imaginer tout de suite les préoccupations concernant la vie privée, mais quel outil puissant ce serait, au moment de poser des questions importantes et d'y répondre. C'est quelque chose qui n'existe pas en ce moment.

Comme je l'ai dit lorsque je suis venu témoigner il y a quelques mois, c'est fou, dans un sens, que mon enfant puisse jouer à un jeu vidéo en ligne et temps réel avec quelqu'un qui vit en Australie, alors que non seulement je ne sais pas si le patient qu'on me confie a pris tel ou tel médicament, mais je ne peux pas non plus étudier ces choses dans le but général d'accroître l'innocuité de la pharmacothérapie.

M. Gaucher : Je pensais vous faire part de quelques réflexions au sujet de l'une des bases de données des IRSC, qui a des points communs avec la déclaration des effets indésirables des médicaments. La base de données en question contient des renseignements sur des incidents mettant en cause des médicaments provenant des établissements de soins de santé du Canada. Elle est en place depuis trois ou quatre ans, et environ 300 établissements de cinq provinces nous soumettent des données. Je voulais simplement insister sur une partie de ce qui a été dit, comme le fait qu'il est important de s'assurer dès le début de disposer de données de qualité et de vraiment recueillir l'information qui est nécessaire, utile et importante, surtout pour l'analyse.

Bien souvent, on commence par utiliser un ensemble de données très vaste que tous croyaient nécessaires, et pour être vraiment sûr, c'est ce qu'on fait. Il s'agit non seulement des gens qui analysent des données, mais aussi de ceux qui les fournissent. Le fardeau de la collecte de données fait partie des principales priorités de tout le monde, autant que la sécurité des patients. C'est une difficulté, et nous l'avons constatée dans le cas de la base de données dont je vous parle depuis qu'elle existe.

M. O'Rourke : Je voulais compléter une chose que vous avez dite au sujet du RIEM et de son potentiel. Le RIEM a été chargé de parler ou d'examiner ce qui se passe après la commercialisation, sur le plan tant de l'innocuité que de l'efficacité. Au début, les gens du RIEM recevaient beaucoup de demandes de renseignements ou de questions de la part de Santé Canada. Nous savons tous cependant que les soins de santé sont fournis par les provinces et les territoires, ainsi que dans le cadre de certains programmes fédéraux, comme les programmes pour les Autochtones, pour les militaires et pour les anciens combattants, entre autres. L'obtention passive de l'information sur l'innocuité et sur l'efficacité ne fonctionnait pas très bien, et Bob a fait une proposition novatrice.

Nous avons une très bonne relation avec les représentants des régimes de médicaments des provinces. Il a assumé le salaire d'un employé de mon organisation chargé d'obtenir de l'information auprès des provinces au sujet des ressources consacrées au passage d'un système passif à un système actif. Je pense que nous allons bientôt commencer à voir des retombées concrètes de cette initiative.

Le président : Nous n'étions pas au courant de cette mesure précise, mais c'est le genre d'attitude qui caractérise ses diverses comparutions devant notre comité. Nous pensons qu'il y a d'excellentes occasions de faire d'autres contributions dans le cadre de ces approches novatrices. Ça a été une très bonne séance.

Nous allons maintenant aborder la question du rôle des pharmaciens. Il se peut que, durant notre discussion à ce sujet, nous revenions sur des éléments que nous avons déjà mentionnés.

Monsieur Eisenschmid.

M. Eisenschmid : Merci, monsieur le président.

De toute évidence, on reconnaît de plus en plus l'importance du rôle que les pharmaciens peuvent jouer au sein du système de soins de santé du Canada. C'est peut-être attribuable au fait que les pharmaciens sont faciles d'accès — on trouve partout au pays quelque 9 000 pharmacies ouvertes sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Les pharmaciens sont des professionnels très compétents qui ont fait de longues études universitaires axées sur toutes sortes de questions et de pratiques liées au domaine des produits pharmaceutiques. En outre, d'un point de vue plus global, ils offrent un bon rapport coût-efficacité, dans la mesure où les patients n'ont pas à parcourir une longue distance afin de se rendre à une pharmacie et qu'ils peuvent le faire à l'heure qui leur convient. Les pharmaciens sont des professionnels de première ligne, de sorte qu'ils sont souvent en mesure d'établir des diagnostics précoces en ce qui concerne l'hypertension artérielle, et d'offrir un traitement efficace pour éviter que le problème s'aggrave et n'entraîne des coûts encore plus élevés pour le système de soins de santé. Enfin, comme ils sont de précieux membres de l'équipe plus vaste des fournisseurs de soins de santé, ils sont en mesure de diriger les patients vers le spécialiste approprié.

L'Association des pharmaciens du Canada est heureuse que cette initiative se concrétise. Cependant, les choses ne se déroulent pas aussi rapidement que nous le souhaiterions. Les pharmaciens pourraient manifestement jouer un rôle plus important sur le plan de la fourniture de soins de santé au Canada, ce dont le Groupe de travail sur l'innovation en matière de santé est de plus en plus conscient.

De plus, nous aimerions suggérer la prise de mesures visant à uniformiser davantage le rôle des pharmaciens à l'échelle du pays. Monsieur le président, vous avez mentionné que le secteur pharmaceutique du pays faisait face à quelques obstacles majeurs à divers égards, notamment sur le plan de la pratique professionnelle. En Alberta et en Saskatchewan, le champ d'application de la pratique pharmaceutique est très vaste, alors que juste à côté, au Manitoba, les pharmaciens disposent d'un champ d'action très limité, ou reçoivent une indemnisation moindre pour leurs services. Notre souhait le plus cher, c'est que les patients puissent accéder dans toutes les provinces à une gamme de services semblables.

En conclusion, je vous dirai que nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral prêche par l'exemple au moment de fournir des services aux populations sous sa responsabilité, notamment les Autochtones et les militaires. Le gouvernement fédéral est le principal fournisseur de services du système de soins de santé ou la principale instance chargée de les financer, mais il a tendance à prendre du retard par rapport aux provinces, qui financent de plus en plus ces services. Voilà en quoi consistent nos trois recommandations à ce chapitre.

Le président : Merci.

Le sénateur Eggleton : Au cours de deux ou trois des réunions que nous avons tenues, on nous a fait part de préoccupations d'ordre environnemental liées au fait qu'il arrive fréquemment que des produits pharmaceutiques inutilisés ou périmés soient jetés à la toilette ou se retrouvent dans des sites d'enfouissement après avoir été jetés aux déchets. On nous a également dit qu'à certains endroits, les pharmaciens reprenaient ces médicaments. Je comprends que cela peut généralement se produire, mais j'aimerais savoir si vous croyez qu'il serait possible de mener une campagne très vigoureuse pour tenter d'inciter les gens à faire cela de manière à ce que l'on puisse prévenir que ces produits se retrouvent dans notre environnement.

Ma deuxième question porte sur le rôle que les pharmaciens peuvent jouer en cas de pénurie de médicaments, plus précisément au moment de trouver non seulement des médicaments, mais également des solutions thérapeutiques de rechange.

Le président : En ce qui a trait à la première question, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de faire des commentaires concernant la tenue d'une journée nationale de collecte de médicaments.

M. Eisenschmid : Oui, je peux le faire. Tout d'abord, je tiens à mentionner que vous avez tout à fait raison — je crois que la plupart des pharmacies du pays accepteraient qu'on leur rapporte des médicaments inutilisés de manière à ce qu'ils soient éliminés de façon appropriée. Par ailleurs, nous menons des pourparlers avec Sécurité publique Canada et quelques autres organisations du pays en vue de l'instauration d'une journée nationale de collecte des médicaments. Nous sommes extrêmement heureux de contribuer à une telle initiative.

Cela dit, comme les gens ne devraient pas avoir à attendre qu'ait lieu la journée annuelle de collecte afin de retourner les médicaments dont ils souhaitent se débarrasser, il faudrait mener une campagne de sensibilisation à grande échelle pour que les gens sachent que, plutôt que de les entreposer chez eux, ils peuvent généralement les rapporter à leur pharmacie locale. Nous sommes néanmoins favorables à l'instauration de cette journée, qui contribuerait à cette campagne plus générale de sensibilisation.

Voulez-vous que je formule des observations concernant le deuxième sujet abordé?

Le président : Oui.

M. Eisenschmid : Vous vous êtes interrogé sur le rôle que les pharmaciens peuvent jouer dans le cadre d'une pénurie de médicaments.

Le sénateur Eggleton : Le rôle que vous jouez ou l'accroissement du rôle que vous pouvez jouer au moment de trouver des médicaments ou des solutions thérapeutiques de rechange.

M. Eisenschmid : Nous jouons un rôle sur le plan de la recherche de solutions thérapeutiques de rechange durant des pénuries de médicaments, et nous pourrions jouer un rôle plus important encore. Comme je l'ai mentionné plus tôt, Santé Canada nous a versé il y a quelques années des fonds substantiels pour que nous mettions au point un outil exhaustif permettant aux professionnels des soins de santé de comprendre les options thérapeutiques auxquelles ils peuvent recourir dans telle ou telle situation. À l'heure actuelle, cet outil est facilement accessible, mais je crois que la meilleure chose à faire serait de le rendre encore plus accessible grâce aux systèmes de santé intégrés. À ce moment-ci, il s'agit d'un outil de référence, mais pour les praticiens, l'idéal serait qu'il soit intégré aux dossiers de santé électroniques, aux dossiers des hôpitaux, de manière à ce qu'il puisse être facilement consulté et, bien entendu, que nous puissions tirer avantage de l'accès électronique. Il s'agit là d'une amélioration que nous pourrions apporter.

Dr. Juurlink : En fait, il y a un mois environ, nous avons publié dans le JAMC un article sur la question du retour de médicaments. J'aimerais souligner que, si étrange que cela puisse paraître, le fait de jeter des médicaments à la toilette n'est pas une si mauvaise idée. Je peux vous assurer que la quantité de médicaments qui se retrouvent dans l'eau que nous consommons après qu'ils ont été rejetés dans l'environnement par voie naturelle par les humains est beaucoup plus importante que la quantité de médicaments rejetés dans l'environnement après qu'ils ont été jetés à la toilette. Cependant, il s'agit d'une question importante, car les gens conservent leurs médicaments — ils les conservent parce que c'est la chose la plus facile à faire et parce qu'ils croient qu'ils pourraient en avoir besoin dans l'avenir. Il s'agit parfois d'une bonne chose, mais c'est quelquefois dangereux.

Pour ma part, j'ai exercé la pharmacie pendant cinq ans, et je suis extrêmement d'accord avec l'idée d'accroître l'importance du rôle que jouent les pharmaciens actuellement. À mes yeux, la principale mesure que nous pourrions prendre pour renforcer leur position consisterait à accroître leur accès aux données.

La dernière fois que je me suis présenté ici, nous avons discuté de la baisse spectaculaire enregistrée en Colombie- Britannique au chapitre de l'obtention d'ordonnances multiples liées aux opiacés et aux benzodiazépines à la suite de la mise en œuvre du système PharmaNet. Comme je l'ai mentionné précédemment, cette baisse est attribuable à l'accès aux données.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur les solutions thérapeutiques de rechange, auxquelles vous avez fait allusion. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous entendez par là, mais je vous dirai que, selon moi, les pharmaciens ne devraient pas vendre, par exemple, des produits homéopathiques, comme ils le font présentement. Cela n'est profitable à personne, sauf pour les propriétaires de pharmacie.

Mme Currie : J'aimerais faire une mise en garde à propos de la croissance du rôle des pharmaciens. Je suis consciente du fait qu'il s'agit d'une idée qui est très bien vue, et je ne contesterai certainement pas l'importance des compétences que doivent posséder un pharmacien et une équipe de soins de santé. Toutefois, je pense que nous devons nous défaire de l'idée selon laquelle les pharmacies qu'on trouve dans les collectivités sont de petites entreprises familiales — en fait, ces établissements appartiennent à d'énormes conglomérats. En Alberta, quelque 1 500 pharmacies appartiennent à Katz Brothers. Loblaw, Sobeys et Walmart sont propriétaires de pharmacies. Il s'agit d'entreprises gigantesques axées sur le profit. Le but du jeu, c'est de vendre des médicaments, et les joueurs, ce sont les pharmacies. Elles offrent peut- être des services précieux, mais elles font partie de ce système.

Est-ce que nous voulons que des professionnels de la santé travaillant pour une entreprise dont l'objectif consiste à faire des profits prodiguent aux patients des conseils sur les médicaments qu'ils doivent prendre ou les solutions de rechange qui s'offrent à eux? À mes yeux, il s'agit là d'une situation de conflit d'intérêts qui devrait éveiller notre méfiance.

En outre, à mon avis, il est possible que nous n'ayons pas tenu compte de certaines répercussions que pourrait avoir l'accroissement du rôle des pharmaciens sur le plan de l'établissement de diagnostics. Le pharmacien ne possède pas les compétences qu'un médecin doit avoir pour, par exemple, effectuer un examen médical personnel, et pourtant, il formule des recommandations de médicaments en se fondant sur des tests en laboratoire d'une portée restreinte.

La gamme de services que les pharmaciens affirment pouvoir offrir ont des répercussions financières sur nos systèmes de soins de santé. L'an dernier, en Alberta, on a constaté que les frais qu'ont facturés les pharmaciens aux systèmes de soins de santé public et privé pour des services, par exemple, de planification, d'examen et de remplacement de médicaments ont doublé en un an. L'éventail de services qu'ils offrent aura un coût pour la population, et ce qui motive les pharmaciens au moment de les offrir, c'est la recherche du profit. Je pense simplement que nous devrions effectuer un second examen objectif du rôle que doivent jouer les pharmaciens en tenant compte du contexte au sein duquel ils exercent leur profession.

Le président : C'est la responsabilité du Sénat de procéder à ce second examen objectif. C'est notamment pour faire cela que nous sommes réunis ici.

M. Attaran : J'aimerais simplement réagir à un commentaire que Perry a fait.

Vous avez indiqué que vous aimeriez que la profession de pharmacien soit régie davantage à l'échelle nationale et qu'elle soit moins entravée par les frontières provinciales, si j'ai bien compris. Je suis extrêmement préoccupé par cela. J'estime que l'on ne peut procéder à une harmonisation nationale que si tous les ordres provinciaux des pharmaciens adoptent un code d'éthique commun, ce qui n'est malheureusement pas le cas en ce moment. En un mot, certains d'entre eux observent des normes d'éthique beaucoup plus rigoureuses que d'autres. Le premier exemple qui me vient à l'esprit tient à la façon dont les diverses provinces ont traité la question des pharmacies sur Internet.

Le Québec et, dans une moindre mesure, l'Ontario, ont adopté des lois selon lesquelles seuls des médicaments approuvés peuvent être vendus sur Internet. Toutefois, au Manitoba et en Colombie-Britannique, on assiste à une épidémie de pharmacies et de pharmaciens licenciés vendant à des étrangers des médicaments non approuvés par Santé Canada, par exemple, des produits en provenance de l'Inde que Santé Canada n'a jamais examinés ou des produits de Zyplo ou de Sun Pharma, entreprise tout simplement criminelle qui s'est portée acquéreur de Ranbaxy. À l'heure actuelle, des pharmacies du Manitoba et de la Colombie-Britannique vendent des produits de ces entreprises.

Il s'agit d'un problème, qui se ramène essentiellement à un petit nombre de sociétés pharmaceutiques répréhensibles qui violent sciemment la loi. Elles vont même jusqu'à vendre du Vytorin, produit fabriqué par Merck, mais que Santé Canada n'a pas approuvé. En fait, il n'a jamais été approuvé ici.

Ce qui me préoccupe, c'est que tant que les provinces n'adopteront pas des normes éthiques communes, toute sorte d'harmonisation nationale sera impossible, et cela ouvrira la voie aux actes illicites, dont le plus petit dénominateur commun tient, bien entendu, à l'absence d'éthique.

Le président : Perry, je vais devoir vous demander de vous en tenir à de brefs commentaires à ce sujet, car j'aimerais que nous y revenions dans le cadre du prochain thème, à savoir celui de la sécurité, qui revêt une grande importance en la matière. Je vous prie donc de tenter d'être bref pour l'instant.

M. Eisenschmid : Je tiens tout d'abord à réagir à quelque chose qui a été dit plus tôt. Nous devons manifestement établir une distinction entre les intérêts commerciaux des pharmacies et les pharmaciens qui exercent leur profession au sein de ces établissements. Il existe même des associations différentes qui représentent ces intérêts distincts.

Je suis conscient du fait que, compte tenu de tous les services qu'elles offrent, les pharmacies sont de grandes entreprises. Néanmoins, ceux qui travaillent dans ces établissements sont des professionnels de la santé qui ont à cœur les intérêts de leurs patients, même si la profession compte quelques brebis galeuses, comme c'est le cas dans tous les domaines.

En ce qui a trait à l'autre commentaire que vous avez formulé, je tiens à dire que la vision que j'ai exposée serait profitable à tous les Canadiens. La voie qui mène à sa concrétisation est parsemée d'embûches, notamment au chapitre de l'uniformisation des codes d'éthique des ordres provinciaux. Les personnes ici présentes examinent les difficultés qui se présentent et les mesures que l'on doit prendre pour les surmonter.

Le président : Avant que nous ne passions au prochain thème, je vous demanderai, Amir, de bien vouloir faire preuve de patience — je vais d'abord céder la parole à David Juurlink. Nous allons aborder la question de la sécurité de l'approvisionnement en médicaments, à moins que vous ne souhaitiez que l'on passe au témoin suivant. Avant de vous céder la parole, j'aimerais formuler deux ou trois observations pertinentes.

Pour le bénéfice des gens ici présents, je tiens à souligner que, même si nous étions au fait de l'importance du rôle que jouent les pharmaciens de façon générale, c'est durant notre étude de la façon dont le Canada a réagi à la pandémie de grippe H1N1 que nous avons pris conscience de l'ampleur de cette importance. L'une des choses qui nous ont sauté aux yeux à l'époque, c'est le fait que les pharmaciens constituaient sans doute le groupe de professionnels du pays ayant utilisé à meilleur escient les technologies de l'information et les données dont ils disposaient.

Il s'est révélé que certains pharmaciens savaient qu'une pandémie était imminente avant même que cela ne soit reconnu de façon officielle en raison du nombre d'ordonnances de Tamiflu et d'autres médicaments connexes qu'ils avaient reçues. S'ils ont pu savoir cela, c'est simplement parce qu'ils devaient traiter un grand nombre d'ordonnances établies par des médecins relativement à des troubles de santé causés par cette grippe. Leurs bases de données leur avaient indiqué une augmentation des ordonnances de ce genre.

Les questions liées aux préoccupations en matière de sécurité sont extrêmement importantes. Pourtant, si l'on examine simplement les données recueillies quant au nombre d'ordonnances d'opioïdes, par exemple, qui ont été établies et aux lieux où elles l'ont été, il ne fait aucun doute que les pharmaciens possèdent collectivement une connaissance absolue du nombre d'ordonnances d'oxycodone et des divers médicaments connexes qui sont établies. L'utilisation de ces données — sous réserve de la protection de la vie privée des patients — pourrait revêtir une importance inouïe. Là encore, il ne s'agit là que de simples exemples.

D'une part, il y a les préoccupations qui ont été soulevées, à juste titre, à propos de l'établissement d'une distinction entre motivations d'ordre commercial et motivations de nature professionnelle. D'autre part, il y a la préoccupation liée à la collecte de données complètement neutres — c'est-à-dire respectueuses de la vie privée des personnes concernées —, élément extrêmement important pour le système de soins de santé et la santé globale des Canadiens. La question des opioïdes ne constitue qu'un exemple.

Au fil de nos études, nous sommes devenus de plus en plus conscients du fait que, compte tenu de leur accès aux données et du fait qu'ils sont informés de diverses façons du nombre total d'ordonnances qui sont rédigées, les pharmaciens peuvent constituer un atout extrêmement précieux pour le système de santé dans ce seul domaine.

Je ne veux pas que nous nous lancions dans un examen de la question de la prescription de médicaments, mais je crois que nous sommes conscients du fait qu'il s'agit d'un élément qui offre une multitude de possibilités, et nous ne devons pas faire fi de ces choses qu'il est possible de faire de façon rapide et sécuritaire à mesure que nous abordons des questions plus complexes.

Sur ce, j'aimerais que nous passions à la question de la sécurité de l'approvisionnement en médicaments, que nous avons eu l'occasion d'examiner de façon approfondie dans le cadre de notre plus récente étude. Notre rapport n'a pas encore été publié — sa rédaction va bon train. Je mentionne toutefois que cette étude porte principalement sur les effets indésirables des médicaments, sujet que nous trouvons extrêmement important et à propos duquel nous souhaitions entendre ce que vous avez à nous dire.

Je vais céder la parole à David, qui va nous présenter le sujet.

Dr Juurlink : Comme je ne m'attendais pas à ce que vous fassiez une telle introduction, je dois souligner que je ne suis pas expert en matière de sécurité de l'approvisionnement des pharmacies en médicaments. Je sais qu'il arrive de temps à autre que des médicaments soient volés à des pharmacies avant même qu'ils puissent être vendus à des patients. Il s'agit essentiellement de médicaments susceptibles de donner lieu à une consommation abusive, à savoir des opioïdes, des stimulants comme Adderall et Ritalin, ou des sédatifs comme Valium. Nous savons que personne ne vend Lipitor au coin des rues.

Il me vient à l'esprit que les données relatives aux ventes d'OxyContin, de Fentanyl ou de tout autre médicament fournis à une pharmacie sont consignées quelque part par quelqu'un. Je ne sais trop exactement par qui. Peut-être que quelqu'un ici le sait. J'imagine que ces données ne sont pas utilisées de façon optimale. Supposons que nous apprenons qu'une pharmacie de Timmins reçoit cinq fois plus d'oxycodone que la pharmacie voisine; ne croyez-vous pas que cela devrait nous mettre la puce à l'oreille et nous amener à nous pencher là-dessus? Là encore, je ne sais pas où ces données sont consignées. Toutefois, je me souviens que, à la fin des années 1980, lorsque j'étais étudiant en pharmacie, une personne s'était présentée à notre pharmacie afin d'examiner nos dossiers, et elle disposait d'un registre des stupéfiants. Toutes ces informations devaient être cherchées de façon manuelle. Il doit être beaucoup plus facile de les obtenir aujourd'hui.

En ce qui a trait aux données relatives aux prescriptions et à l'accroissement de l'efficacité du suivi, je dois mentionner, au risque de me répéter, que plus nous disposons de données, mieux ce sera. IMS recueille des données, et je peux vous dire qu'en Ontario, il se vend trois fois plus d'oxycodone par habitant qu'au Manitoba. C'est probablement attribuable au fait qu'en Ontario on paie les médicaments plus volontiers qu'au Manitoba, mais quoi qu'il en soit, les données permettaient d'établir l'existence de ce fait, que je trouve personnellement regrettable.

Je vais vous raconter une anecdote. L'an dernier, j'ai dîné avec un jeune homme qui avait consommé de façon abusive des opioïdes pendant 13 ans sans jamais avoir à payer un seul sou pour se les procurer puisqu'un médecin lui remettait chaque fois une ordonnance dont les frais étaient assumés par le régime public. Il avait pu accumuler une quantité énorme de médicaments. De toute évidence, quelqu'un payait pour ces médicaments, de sorte que des données à leur propos ont dû être consignées quelque part pendant plus de 10 ans, mais elles n'ont pas été analysées par quiconque, même pas par ceux qui assumaient la facture.

D'après moi, les programmes de surveillance des médicaments d'ordonnance mis en œuvre à divers degrés à l'échelle du pays représentent probablement le moyen le plus efficace d'assurer la sécurité ou d'effectuer le suivi de l'utilisation abusive des médicaments de ce genre. À mon avis, ces programmes n'ont pas l'ampleur qu'ils devraient avoir, et je pense que ce fait est attribuable notamment aux préoccupations relatives à la protection de la vie privée.

En Ontario, on a lancé une nouvelle stratégie de surveillance des stupéfiants. Supposons qu'une personne obtient une ordonnance de Fentanyl d'un médecin et obtient le lendemain une ordonnance semblable d'un autre médecin. On pourrait croire qu'il est possible de signaler de tels cas, mais ce n'est pas ce qui se passe — pour que de tels cas puissent être signalés, il faut qu'une ordonnance soit obtenue auprès d'un troisième médecin, ce qui, là encore, soulève des questions à propos de la manière dont ce système est conçu et la mesure dans laquelle les préoccupations relatives à la protection de la vie privée, si importantes soient-elles, minent notre capacité de faire ce que nous devrions faire.

Le sénateur Eggleton : L'une des préoccupations qui ont été formulées, plus particulièrement par des Autochtones, concernait la question de la substitution d'analgésiques à OxyContin. Le hic, c'est qu'il semble que le médicament générique pose quelques-uns des problèmes que présentait le médicament d'origine sur le plan narcotique. Je crois comprendre que de nombreux ministres de la Santé des provinces ont demandé que ce médicament soit interdit, mais Santé Canada l'a approuvé. Avez-vous des réflexions à formuler sur cette question, de même que sur le fait que, d'après les statistiques, ces médicaments sont beaucoup plus consommés au sein des collectivités autochtones que parmi la population générale?

Dr Juurlink : Je crois que je vais d'abord m'attaquer à la deuxième partie de votre question. En Ontario, nous avons mené une étude approfondie à propos de la prescription de ces médicaments et de la mortalité qui en découle. Le taux de mortalité attribuable aux opioïdes le plus élevé en Ontario est, de loin, celui qui a été enregistré sur l'île Manitoulin, dont la population est composée dans une large mesure par des membres des Premières Nations. Le nombre d'ordonnances liées à ces médicaments qui figure dans nos bases de données n'est pas aussi élevé qu'il pourrait l'être parce que, dans le cas des Autochtones, la facture est assumée par le gouvernement fédéral plutôt que par le gouvernement provincial. Je ne peux pas vraiment examiner cette question de façon aussi approfondie que je le souhaiterais puisque les personnes intéressées à le faire ne peuvent pas accéder aux données pertinentes.

Quant à la première partie de votre question, elle renvoie expressément au litige qui est survenu après que Purdue, fabricant d'OxyContin, a modifié la formulation du médicament de manière à le rendre inviolable, c'est-à-dire pour qu'il soit impossible d'en faire une consommation abusive. De toute évidence, une telle consommation demeurait possible, mais la nouvelle version du médicament était plus difficile à concasser que la précédente. Il n'était plus possible de réduire en poudre les comprimés au moyen d'une carte de crédit afin de la renifler, comme le faisait souvent le jeune homme dont je vous ai parlé.

À mon avis, il est possible d'exposer des arguments à l'appui des deux points de vue. Je pense qu'on peut faire valoir que la version générique d'OxyContin est un produit sensé dans la mesure où il coûte moins cher que la version brevetée. Toutefois, du point de vue de la santé publique, il s'agit d'un médicament dont nous n'avons pas besoin. Il faut que ces médicaments fassent l'objet d'un moins grand nombre d'ordonnances. En outre, au risque de me répéter, je soulignerai que nous avons assurément besoin de meilleures données. Si ces médicaments sont commercialisés et prescrits à l'intention de près de 20 p. 100 de notre population, c'est en raison d'études qui se déroulent à peu près de la manière suivante : on sélectionne des personnes qui éprouvent de la douleur, mais qui ont une santé relativement bonne et qui ne présentent aucun facteur de risque pouvant les amener à faire une utilisation abusive et détournée de médicaments, et on leur administre des médicaments de ce genre ou un placebo pendant 12 semaines afin de mesurer leur douleur et de consigner des résultats connexes, indicateur de substitution n'ayant aucune valeur pour le médecin en première ligne ou le patient.

Aucune étude dans le cadre de laquelle des médicaments de cette nature ont été comparés à d'autres analgésiques n'a jamais établi qu'ils permettaient d'améliorer la qualité de vie des gens. Est-ce que les avantages qu'ils procurent compensent les risques qu'ils posent? Il se peut que je digresse.

Si j'ai bonne mémoire, à ce sujet, la ministre fédérale avait indiqué qu'elle n'avait pas la capacité de rejeter les demandes déposées par divers fabricants de médicaments génériques. Comme je ne suis pas juriste, je suis incapable de vous dire si c'est exact, mais il me semble que, si quelqu'un devrait pouvoir interdire la distribution d'un produit de cette nature, ce devrait être le ministre fédéral de la Santé.

M. Attaran : Merci, David. Vos propos étaient intéressants.

Pour ma part, j'aborde la question de la sécurité de l'approvisionnement en médicaments d'un angle différent du vôtre. À mes yeux, tout cela concerne la criminalité liée à la drogue. Au cours des deux dernières décennies, le marché des médicaments s'est mondialisé. Les gens ne le savent peut-être pas, mais les médicaments qu'ils achètent proviennent de tous les pays du monde. Auparavant, ils étaient fabriqués localement, à tout le moins en Amérique du Nord. À présent, il est très probable qu'ils proviennent de l'Inde ou de la Chine. Dans une large mesure, il s'agit d'une bonne chose, vu que le commerce international fait baisser les prix et nous permet de nous procurer des médicaments auxquels, dans certains cas, nous n'aurions pas accès autrement, vu que nous ne disposons pas près de nous d'installations permettant de les fabriquer. Il s'agit donc essentiellement d'une bonne chose.

Cependant, bien entendu, là où il y a du commerce international, le crime international n'est jamais bien loin. Dans chaque secteur d'activité, on compte toujours quelques protagonistes mal intentionnés.

Cette question a récemment occupé le devant de la scène en raison d'un certain nombre d'affaires qui ont eu un grand retentissement. Par exemple, des compagnies pharmaceutiques indiennes ont délibérément falsifié les données d'essais qu'elles avaient soumises aux fins de l'obtention de l'approbation de leurs produits. Il s'agit d'un problème, car si nous entendons recourir plus fréquemment que par le passé à des médicaments fabriqués à l'étranger, nous ne voulons pas que cela se fasse au prix de notre sécurité.

Hélas, Santé Canada n'a pas adapté ses processus en fonction de cette nouvelle réalité d'un marché mondialisé. Lorsque des représentants de Santé Canada se sont présentés devant votre comité, monsieur le président, ils ont notamment indiqué que, dans le cas de médicaments importés, ils s'en remettaient généralement aux tests d'assurance de la qualité effectués par l'importateur. Ce que je vous dis là est vrai. La qualité des médicaments importés, comme c'est généralement le cas, de l'Inde ou de la Chine, sera vérifiée par un consultant embauché par l'importateur. Ce n'est pas de cette façon que d'autres pays fonctionnent.

Les pays membres de l'Union européenne mettent à l'essai chaque lot de médicaments importés d'un pays autre qu'un pays industrialisé ou avancé. On ne procède pas de cette façon ici, où nous nous en remettons aux mises à l'essai effectuées par l'importateur du médicament, lequel se trouve, bien entendu, en situation de conflit d'intérêts apparent. Croyez-vous que l'importateur de médicaments retiendra les services d'un consultant qui en arrivera à la conclusion que son médicament est bon pour la poubelle? Pour ma part, j'ai de forts doutes là-dessus.

Je souligne au passage qu'il ne s'agit pas là d'un problème de nature législative. La pratique qui consiste à s'en remettre aux mises à l'essai effectuées par les importateurs n'est pas prescrite par la Loi sur les aliments et drogues ni par son règlement d'application. En fait, il s'agit d'une directive de Santé Canada. À mon avis, cette façon de faire doit être réévaluée.

La question qui se pose est la suivante : revient-il au Sénat de recommander l'adoption de dispositions législatives en vue d'instaurer un cadre législatif qui fait actuellement défaut, ou serait-il préférable de simplement demander au ministère de revoir cette façon de faire? J'opterais personnellement pour la voie législative.

M. Corman : Avant de formuler la moindre observation, j'aimerais mentionner au reste du groupe que j'ai travaillé pendant plus de 10 ans dans le secteur de la fabrication, de l'enregistrement, de l'importation, de la mise à l'essai et de la distribution de produits pharmaceutiques et de matériel médical au Canada. Je possède une connaissance intime et concrète du système et de son fonctionnement. Auparavant, j'ai dirigé le service de marketing d'une multinationale de l'industrie pharmaceutique. À ce moment-ci, j'aimerais vous parler des données accessibles, lesquelles peuvent aller jusqu'aux données recueillies par chaque médecin, afin d'étoffer quelque peu les commentaires faits par David.

Il y a un élément dont nous n'avons pas parlé, à savoir le rôle que jouent les grossistes en médicaments, lesquels font office d'intermédiaires entre le fabricant, le distributeur et les pharmacies. À mes yeux, ils représentent un élément très important qui échappe à toute réglementation, et nous devrons — peut-être pas aujourd'hui — nous pencher sur le rôle que doit jouer cet intervenant en ce qui a trait à la sécurité de l'approvisionnement en médicaments.

J'ai importé des produits finis, des produits pharmaceutiques, des matières premières et des composantes de pays comme le Mexique, les États-Unis et le Royaume-Uni, et je peux vous dire que le système est bon. C'est sur le plan des essais que se trouvent les lacunes.

Tous les médicaments importés au Canada doivent faire l'objet d'un contrôle de la qualité fondé sur des prescriptions techniques, sans compter le processus d'enregistrement préalable auquel ils sont assujettis. L'importateur ou le fabricant peut effectuer les essais dans ses propres laboratoires, ou confier la tâche à des laboratoires comme SGS. En outre, je pense que le comité devrait se pencher sur le rôle que jouent les laboratoires cliniques et les autres services de laboratoire dans l'ensemble de ce système. Ils ont un rôle à jouer, et je crois qu'il doit être examiné.

Vous pouvez me croire : lorsque les responsables de Santé Canada procèdent à leurs inspections, ils veillent à ce que tous les lots aient été évalués en fonction de pratiques exemplaires et qu'ils proviennent de sources fiables. D'après moi, il n'est pas nécessaire d'instaurer de nouvelles dispositions réglementaires. Je pense qu'on a besoin d'inspections plus minutieuses et d'un processus permettant de certifier que tous les laboratoires ayant procédé aux essais se conforment en tous points aux bonnes pratiques de laboratoire. La solution que je propose, c'est de renforcer le processus d'inspection grâce à un plus grand nombre d'inspecteurs mieux formés afin que l'on puisse s'assurer que les règles sont respectées.

En ce qui a trait aux données, je vous dirai que nous avons actuellement accès aux données recueillies à tous les échelons, même aux données que consignent les médecins à propos des médicaments qu'ils prescrivent, des raisons pour lesquelles ils les prescrivent et de la quantité. Les compagnies pharmaceutiques achètent ces données, et elles les transmettent à leurs services de marketing et à leurs représentants commerciaux.

En outre, elles ont accès à des données touchant les hôpitaux et les pharmacies — elles connaissent la quantité de chaque médicament qui est vendu aux hôpitaux et aux pharmacies de toutes les régions du pays. J'aimerais beaucoup que les données de ce genre soient plus accessibles de manière à ce que les organismes de réglementation — qualifions- les d'arbitres —, les responsables de l'élaboration des politiques et les décideurs puissent être à tout le moins aussi bien informés que les compagnies pharmaceutiques.

Il n'est peut-être pas nécessaire de réinventer l'eau tiède. Il faudrait peut-être trouver un moyen de faire en sorte que les données déjà accessibles soient mieux utilisées, c'est-à-dire qu'elles soient utilisées pour le bénéfice non seulement des fabricants de médicaments, mais également de l'ensemble de la société.

Le président : Jack, je tiens à m'assurer que j'ai bien compris une chose que vous avez dite. Si je ne m'abuse, vous avez mentionné que les inspecteurs de Santé Canada faisaient du bon travail. Est-ce exact? Êtes-vous en train d'affirmer que Santé Canada inspecte tous les médicaments qui entrent au pays?

M. Corman : Non. Il ne le fait pas. Il ne peut pas le faire. Compte tenu des ressources limitées dont il dispose, il n'est tout simplement pas en mesure de le faire. J'aimerais également établir une distinction entre les BPF — les bonnes pratiques de fabrication —, les inspections et les BPC — les bonnes pratiques cliniques. J'estime que la qualité des inspections menées relativement aux recherches et aux essais cliniques est d'un tout autre ordre.

De façon générale, les inspections relatives aux BPF sont bonnes. Elles sont ciblées et approfondies. On pose de bonnes questions aux fabricants, qui sont mis sur la sellette, comme ce doit être le cas. Cependant, le nombre d'inspections de ce genre n'est pas suffisamment élevé.

De plus, j'aimerais que les laboratoires où les essais sont menés soient assujettis à des inspections. Si le laboratoire appartient à un fabricant, ce sont les travaux liés aux BPF du fabricant qui seront examinés, comme c'est généralement le cas dans le cadre des inspections. Toutefois, il arrive qu'un fabricant ait recours à un laboratoire indépendant comme SGS, et je ne suis pas certain de savoir de qui relèvent les inspections des installations de ce genre. À mon avis, ces laboratoires devraient être assujettis au régime. Je ne crois pas que l'on doive adopter de nouvelles dispositions législatives à cette fin.

Le président : Je comprends ce que vous dites. Je voulais, aux fins du compte rendu, que vous précisiez vos propos concernant la totalité des inspections par opposition à celles qui sont réellement menées.

M. Corman : Vous pouvez avoir la certitude que toutes les compagnies pharmaceutiques feront l'objet d'inspections.

Un autre élément à propos duquel les gens doivent être informés tient à l'établissement du processus de délivrance de permis. Il s'agit d'un processus à deux volets. D'une part, les fabricants réels ou réputés de médicaments doivent présenter une demande afin d'obtenir un permis d'établissement. Il s'agit d'un processus très rigoureux. D'autre part, ils doivent présenter une demande de permis leur permettant de fabriquer un médicament à un endroit donné. Un fabricant qui ne possède pas ces deux permis ne peut pas fabriquer un produit, peu importe la qualité de ses installations. À mes yeux, ces restrictions toujours plus rigoureuses auxquelles est assujettie la fabrication de produits pharmaceutiques, même dans les usines les plus irréprochables du monde, est l'une des raisons pour lesquelles notre approvisionnement en médicaments est menacé. Là encore, il s'agit d'une question sur laquelle nous devrions nous pencher à un autre moment.

Le président : J'aimerais revenir sur la question des inspections. Ce que nous ont montré les événements liés à Ranbaxy, c'est que même l'un des meilleurs organismes de réglementation du monde peut être mystifié par une inspection, et, dans le pays en question, les inspections relèvent des lois en vigueur.

M. Corman : Je comprends cela, mais ce n'est pas là-dessus que portaient mes propos. J'ai suivi les événements en question, de même que d'autres qui se sont produits, mais au Canada...

Le président : Eh bien, il est important pour nous de mettre vos commentaires en perspective, car ils concernent l'ensemble de la question de l'approvisionnement en médicaments au Canada.

M. Corman : C'est exact, et c'est pourquoi la FDA a établi des bureaux à des endroits comme la Chine et l'Inde — elle veut mener des inspections plus rigoureuses.

Je pense que les choses se passent bien au Canada, et même si j'aurais certaines choses à lui reprocher à un autre égard, je crois que l'une des raisons de conserver Santé Canada tient au rôle crucial qu'il joue au moment de veiller à ce que chaque lot de médicaments importés — qu'il s'agisse de produits finis, semi-finis ou de matières premières — soit inspecté ici par des inspecteurs crédibles et qualifiés assujettis à un organisme de réglementation. À mon avis, des sanctions substantielles, y compris la révocation du permis, doivent être imposées — si ce n'est pas déjà le cas — aux établissements qui ne respectent pas ce processus.

Le sénateur Eggleton : J'ignore quelles pénalités sont proposées dans ce cas particulier, mais Ranbaxy a été jugé coupable d'un crime, a reçu une amende de 500 millions de dollars, et nombre de ses médicaments ont été retirés du marché aux États-Unis et en Europe. Pourtant, 159 médicaments de Ranbaxy sont toujours en vente aujourd'hui au Canada.

Les inspections menées par Santé Canada sont minimes comparativement à celles des États-Unis. Lorsque des organisations comme l'Organisation mondiale de la Santé estiment qu'un médicament sur cinq fabriqué en Inde est frauduleux, il y a amplement matière à préoccupation ici au chapitre de la sécurité publique.

M. Corman : Je comprends. J'ai travaillé dans des cercles pharmaceutiques internationaux. En outre, je me suis penché sur l'importation de médicaments d'endroits comme l'Inde et le processus de soumission pour l'obtention de contrats internationaux, et je peux vous dire que certains pays refusent d'admettre des soumissions de fabricants de médicaments indiens pour ces mêmes raisons.

Je me préoccupe moins de la fraude qui a lieu à l'étranger, car nous n'avons pas la portée nécessaire pour aller au fond des choses et mener une enquête là-bas, comme pourrait le faire la FDA, peut-être. Je me préoccupe surtout de la façon de nous assurer de l'innocuité des produits en vente ici, au pays.

Il y a une autre chose qui vient de me revenir. Santé Canada a le droit de mener une inspection pour un motif valable. Si un fabricant particulier est soupçonné à cause d'une faute commise dans son pays d'attache, rien n'empêche Santé Canada de mettre l'accent sur deux choses : d'une part, les inspections sur place d'importateurs de médicaments fabriqués par le fabricant en question pour veiller à ce que tous les tests nécessaires aient bel et bien été menés de façon adéquate; et, d'autre part, les retraits des produits mis à l'essai des étagères de pharmacie pour mener des tests indépendants. Santé Canada fait déjà cela. Encore une fois, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas entreprendre un programme ciblé s'il existe de nombreux soupçons pour nous assurer que les médicaments en vente au pays sont efficaces et non nuisibles plutôt que d'adopter une approche de portée très générale.

Le président : Je peux vous assurer que nous avons posé des questions directes à ce chapitre, et les réponses n'étaient pas rassurantes. Sur ce point particulier, je vais laisser Amir répondre, puis je vais passer au prochain sur la liste.

M. Attaran : Le problème tient en partie au fait que — et je suis passablement d'accord avec Jack —, en tant que pays de taille moyenne, nous ne pouvons pas exercer le même pouvoir que la FDA en affectant des inspecteurs en Inde, disons — et je ne crois pas non plus que nous le devrions — soit dit en passant —, car cela reviendrait à utiliser l'argent des contribuables canadiens pour réglementer des sociétés indiennes qui pourraient ensuite faire des profits. À ce stade, il est question d'exporter des emplois, n'est-ce pas? Pour cette raison, je ne crois même pas que cette solution soit la bonne pour les États-Unis. Ce que nous pourrions faire, à tout le moins, c'est d'imposer des amendes significatives aux fraudeurs.

Sénateur Eggleton, vous avez tout à fait raison. Lorsque Ranbaxy a plaidé coupable pour fraude aux États-Unis, elle a été frappée d'amendes d'une valeur de 500 millions de dollars US au civil et au pénal. Une personne qui vend délibérément, sciemment, de façon flagrante et en toute connaissance de cause un médicament altéré au Canada est passible — tenez-vous bien — d'une amende de 5 000 $. Nous avons un problème sur le plan de nos lois.

M. Corman : Je croyais que cette amende valait pour une journée et qu'elle était cumulative. C'est ce qu'on m'a dit. Je fais peut-être erreur.

M. Attaran : Vous faites erreur. L'article 31 de la Loi sur les aliments et drogues prévoit une amende de 5 000 $ par infraction. J'imagine qu'un procureur pourrait porter une accusation par jour, mais ce n'est pas pratique courante et, à ma connaissance, personne ne s'est vu imposer un seul dollar d'amende, encore moins 5 000 $.

Même si on invoquait les pénalités maximales du droit canadien, ce serait inadéquat, et, selon le témoignage que Santé Canada — représenté par la Dre Sharma — a livré au comité à la fin d'avril, les pénalités sont inadéquates. C'est l'une des choses qu'elle a dites, et c'est vrai et utile.

Vous devrez prendre des mesures à cet égard, et vous aurez l'occasion de le faire avec le projet de loi C-17, car il contient précisément des modifications de l'article 31.

Dr Peterson : Mes commentaires se rattachaient à l'abus d'opioïdes d'ordonnance. J'ignore si vous jugez que nous avons clos la question pour des raisons de temps.

Le président : Non, vous pouvez faire vos commentaires. Je veux les entendre. Vous pouvez certainement revenir sur la question des opioïdes. Il s'agit d'un vaste enjeu que nous avons classé dans la catégorie des conséquences imprévues dans notre étude.

Dr Peterson : Les IRSC ont reçu un financement de Santé Canada pour prendre des mesures relatives à l'abus d'opioïdes d'ordonnance, et le Centre de toxicomanie et de santé mentale a établi un réseau pancanadien qui peut maintenant faciliter la recherche dans ce domaine. En outre, par l'intermédiaire du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, nous avons reçu une requête des fournisseurs d'assurance-médicaments portant précisément sur l'OxyContin générique par rapport à l'OxyNeo plus récent. Il y a une grosse différence entre ces deux produits sur le plan du prix.

La question était complexe, mais, pour résumer, il s'agissait de savoir si le système de santé canadien avait intérêt à payer le prix plus élevé pour l'OxyNeo par rapport à l'OxyContin générique. Encore une fois, nous pourrons répondre à cette question précise. Toutefois, on commence à perdre de vue l'objectif général. Si l'objectif général est de réduire l'abus d'opioïdes d'ordonnance, vous ne pouvez pas vous limiter à l'OxyContin, même si c'est ce que font les médias; des mesures ont été prises pour régler le problème lié à ce produit. Quatre-vingts pour cent des cas d'abus d'opioïdes d'ordonnance se rattachent à des opioïdes à action brève et non pas à effet continu.

Nous avons fait face à un nouveau problème au Canada, lorsque la FDA a communiqué avec notre ministre parce qu'elle se demandait pourquoi nous avions approuvé l'OxyContin générique. Nous savons ce qu'a répondu la ministre. Sans égard à cela, les États-Unis n'ont pas permis l'introduction sur le marché de l'OxyContin, privilégiant plutôt l'OxyNeo, qui possède des propriétés de résistance à l'altération.

Pour faire une petite parenthèse, la constitution de l'OxyNeo rend très difficile d'écraser le comprimé, d'y ajouter de l'eau et de l'injecter, car il forme un gel. Toutefois, au cours de notre étude, nous avons découvert qu'un moulin à café de grande qualité peut très bien broyer l'OxyNeo et créer une poudre qui peut être inhalée ou « sniffée », comme on dit dans la rue.

Sans aborder la technologie, nous aimerions répondre à la question suivante : quelles sont les mesures appropriées pour réduire les abus d'opioïdes d'ordonnance? Il ne sera certainement pas question de se limiter à un produit. D'ailleurs, pendant que la FDA soulevait des questions auprès de notre ministre, elle a approuvé le produit d'hydrocodone à effet soutenu, l'HydroContin. Il se trouve que ce produit est un opioïde de trois à quatre fois plus puissant que l'oxycodone, et elle n'a pas exigé de forme résistante aux altérations.

Nous tentons de répondre aux questions ici, sans égard aux questions priorisées dans les médias, quant aux mesures que doit prendre le Canada pour réduire les cas d'abus d'opioïdes d'ordonnance.

Le président : Je veux m'assurer d'aborder le sujet de la résistance aux antibiotiques. Je vais demander si quelqu'un aimerait soulever un autre aspect de l'innocuité du régime de médicament. Si c'est le cas, je vais lui donner la parole. Autrement, nous allons aborder le sujet de la résistance aux antibiotiques.

Mme Currie : Il y a deux ou trois choses ici. Je crois que, lorsque vous avez un problème d'opioïde qui touche le public, il est causé par des pratiques générales de prescription excessives. C'est un indicateur de prescription excessive. Lorsque des médicaments d'ordonnance sont vendus sur le marché noir, c'est un autre indicateur de prescription excessive.

Je crois qu'il y a un certain nombre de facteurs. Au Canada, à mon avis, notre seuil de soulagement de la douleur est bas. Certes, vous avez sûrement entendu beaucoup d'histoires de gens ayant reçu une ordonnance d'OxyContin pour soulager de la douleur qui, selon moi, pourrait l'être tout autant par un traitement de quelques jours au Tylenol avec codéine, puis la question serait réglée. Je crois qu'on médicamente excessivement pour traiter la douleur.

Je crois même que, si on creuse un peu plus loin, on ne saurait oublier que Purdue Pharma, le fabricant d'OxyContin, avait une stratégie délibérée pour la mise en marché de son médicament. Si on regarde le bilan à Terre- Neuve — et c'est assez bien documenté —, la société ciblait de petites pharmacies rurales. Elle recommandait avec insistance le médicament. Elle a minimisé ses effets de dépendance et a été jugée criminellement responsable pour cela. Personne n'a fait de prison, mais elle a payé des amendes salées.

Je crois qu'il faut se pencher sur les causes sous-jacentes à la prescription excessive d'opioïdes.

Je crois aussi que d'autres catégories de médicaments, comme les benzodiazépines, sont susceptibles de causer une grave dépendance. J'ai sevré beaucoup de gens qui souffraient d'une dépendance aux benzodiazépines, et c'est un processus extrêmement ardu et déchirant qui prend des mois. Le sevrage de benzodiazépines est plus difficile, pour la plupart des gens, que le sevrage de l'héroïne.

Je crois qu'il faut se pencher sur toutes ces questions si nous voulons régler le problème.

M. Eisenschmid : L'APhC s'est montrée en faveur d'un processus national de surveillance et de contrôle des stupéfiants et croit que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances devrait être modifiée à l'avenant. Je vais revenir sur certains commentaires faits dans la salle plus tôt.

Nous avons aussi dénoncé le fait de permettre l'accès à l'OxyContin générique au Canada. Je veux simplement manifester mon appui par rapport à ce qui a été dit plus tôt.

Le président : Merci.

Avant que vous ne commenciez, Michael, je veux indiquer au Dr Peterson que je vais lui donner la parole en premier s'il a des commentaires à faire sur la résistance aux antibiotiques dans la prochaine section.

M. Corman : L'une des choses dont nous n'avons pas parlé est l'innocuité des opiacés.

Le président : Je vais ensuite vous consulter, Jack, si c'est une autre question. J'ai deux noms sur la liste et j'ai dit que, après cela, je demanderais d'autres commentaires.

M. Corman : Je m'excuse.

Le président : Je ne fais qu'informer Robert de la prochaine étape. Nous n'y sommes pas encore tout à fait, mais je vous remercie.

M. Gaucher : Je veux simplement parler des données. On a fait des commentaires sur les données que conservent éventuellement des organisations dans des systèmes pharmaceutiques. Je crois qu'il importe de penser à l'objectif des données lorsqu'on détermine quelles données conviennent le mieux à une situation particulière. Par exemple, dans le cadre d'un programme de surveillance des médicaments d'ordonnance, on peut utiliser des données de systèmes pharmaceutiques parce qu'on cherche à examiner les habitudes de médecins prescripteurs et de particuliers et on peut recueillir des données supplémentaires par ses propres moyens. Le système de remboursement des médicaments de l'ICIS serait peut-être bénéfique, par exemple, si on examinait les tendances pancanadiennes.

Je crois qu'il y a beaucoup de données, et beaucoup sont recueillies au sein des provinces et par d'autres sources. Je crois qu'il est seulement question d'essayer de déterminer quel est l'objectif et s'il y a un intérêt, par exemple, à examiner des tendances pancanadiennes dans certains de ces domaines en plus d'examiner ce qu'on fait à l'échelon provincial.

Dr Juurlink : La question des opioïdes me préoccupe grandement depuis les dernières années. J'ai un parti pris, mais je crois qu'il s'agit d'une des préoccupations en matière d'innocuité des médicaments les plus importantes aujourd'hui. Je crois que, si nous voulons avoir la moindre... En fait, avant que je présente cet argument, je vais présenter un argument connexe selon lequel je crois qu'il est heureux que la DEA, la Maison-Blanche et les CDC travaillent ensemble, mais je crois qu'il est malheureux qu'aucun membre de notre gouvernement fédéral, à ma connaissance, ne puisse nous dire exactement combien de personnes sont mortes l'an dernier à cause des opioïdes. Aux États-Unis, cette statistique est facile à trouver : environ 16 500 personnes sont mortes d'une cause se rattachant aux opioïdes. Autant que je sache, il n'y a pas une seule personne — y compris la ministre et toutes les personnes sous sa direction — qui peut nous donner un chiffre correspondant au Canada. Il est de l'ordre de 1 500. Je ne sais pas. Beaucoup de gens sont morts, cela fait beaucoup de tombes; pourtant, personne ne le sait.

Si vous vouliez avoir une incidence dans ce dossier, je crois que la chose la plus importante que pourraient faire les médecins, c'est de rédiger moins d'ordonnances. Il y a des gens éloquents qui s'opposeront vertement à cela, mais je crois qu'il faut le faire, et il y a différentes façons de procéder. Une de ces façons est la sensibilisation. Je crois qu'il faut dire aux médecins que beaucoup de choses que nous avons apprises au sujet des opioïdes sont fausses. Ce sont en partie les sociétés pharmaceutiques qui fabriquent ces médicaments et leurs représentants qui nous ont appris ces choses.

En 2012, une enquête sénatoriale a été lancée aux États-Unis. Les résultats ne sont pas encore publiés; ils ne sont pas connus. Charles Grassley et Max Baucus ont lancé cette enquête en mars ou en mai 2012, dans l'intention de découvrir le montant exact d'argent qu'ont dépensé Purdue, Endo, Cephalon et d'autres sociétés aux États-Unis qui fabriquent ces médicaments, et où va cet argent, en remontant à plus de 10 ans; il est question non seulement des principaux guides d'opinion qui ont aidé à promouvoir l'utilisation de ces médicaments, mais des groupes d'intérêt, des fondations pour le soulagement de la douleur, des groupes de patients, de la Société américaine de gériatrie, et de bien d'autres. Je crois que cette enquête révélera que des centaines de millions de dollars, prétendument dépensés pour promouvoir théoriquement le meilleur traitement de la douleur, ont réellement servi à promouvoir la vente de ces médicaments.

Le Canada n'a jamais connu de phénomène semblable. Je peux vous donner des exemples tangibles de cas où les fabricants de ces médicaments ont gratuitement divulgué de la fausse information, sous forme de manuels, aux pharmaciens et aux étudiants en médecine. Il y a des médecins partout au Canada qui ont des idées erronées au sujet d'OxyContin, par exemple, à cause de ce qu'on leur a appris. Personne n'a jamais rien fait de semblable à ce que fait le Sénat américain pour découvrir pourquoi.

Je me suis souvent demandé pourquoi une société pharmaceutique pouvait s'introduire dans les écoles de médecine, par l'intermédiaire de représentants — des gens qui touchent un salaire dans les six chiffres, voire sept — et parler en leur nom. Elles ne déclarent pas les conflits d'intérêts. Elles promeuvent l'utilisation de ces médicaments de façon complètement irréaliste et, en réalité, disent des faussetés, et, maintenant, ces gens rédigent des ordonnances à la lumière de ce qu'on leur a appris. Il faut en parler beaucoup plus qu'on ne l'a fait jusqu'ici.

Le président : Cette question est constamment revenue dans le cadre de nos études sur la sensibilisation générale des médecins au traitement de la douleur, et nous demandons instamment que cet élément important soit intégré à la formation des médecins parce que les données probantes qui nous ont été présentées révèlent clairement que, dans bien des cas, il existe des solutions de rechange aux opioïdes qui ne causent pas de dépendance. C'était un volet très important.

Je vais passer à la question que j'ai dit que j'allais vous poser. Y a-t-il d'autres commentaires?

Je tiens à noter qu'Amir a fait inscrire au compte rendu la question des pharmacies sur Internet. Les témoignages qu'a entendus le comité sur cet enjeu sont importants. Ce n'est pas aussi simple que la vente des produits par un pharmacien de Winnipeg. On vend sur Internet des produits pharmaceutiques d'ordonnance à partir d'endroits qui sont censés être au Canada alors que, en fait, ils ne le sont pas. Nous avons entendu le témoignage des bureaux de sécurité en ce qui concerne ces enjeux. Cette question particulière est inscrite au compte rendu de la séance d'aujourd'hui.

M. Corman : Je crois que la FDA publie le nom des médecins qui ont contrevenu aux normes en matière d'ordonnances des opiacés. Ce phénomène s'inscrit dans le débat sur la transparence. Si vous ne l'avez pas déjà fait — et je suis certain que vous l'avez fait —, vous devez inviter les collèges des médecins et des chirurgiens à participer au processus, pour qu'ils puissent assurer une surveillance solide des ordonnances; je sais qu'il y en a qui le font. En outre, il faut rendre publics les cas de médecins faisant l'objet de mesures disciplinaires pour prescription excessive. Je crois que ces mesures pourraient aider.

Le président : Jared, vous aviez une autre question.

M. Rhines : Je voulais répondre aux commentaires du Dr Juurlink au sujet du comportement des sociétés pharmaceutiques en rappelant au comité que nous sommes régis par un code de déontologie qui nous dicte la façon d'interagir avec tous les médecins. Il y a eu des délinquants par le passé. Peu importe le domaine d'activité, c'est quelque chose qui arrive. Mais notre industrie est régie par un code de déontologie très strict qui interdit certains des comportements dont vous avez parlé, qui ont peut-être été adoptés par le passé.

Le président : Je vais passer au sujet de la résistance aux antibiotiques et demander à Robert de présenter quelques commentaires.

Dr Peterson : De toute évidence, il s'agit d'un vaste domaine qui présente un intérêt pour la recherche et une source de préoccupation. Par l'intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada, le gouvernement fédéral a investi 15,3 millions de dollars en 2012-2013 pour favoriser la recherche dans le domaine. En réalité, la résistance aux antimicrobiens est un enjeu non pas national, mais international. La résistance est celle des microbes, des bactéries et d'autres agents infectieux qui circulent facilement aux quatre coins du monde, dans la société moderne.

Par conséquent, l'investissement des Instituts de recherche en santé du Canada s'inscrit dans un contexte de collaboration internationale. Le Canada dirige la collaboration avec le Royaume-Uni et envisage d'appuyer des travaux de recherche novatrice touchant la résistance aux antimicrobiens. Cet investissement est d'une valeur d'environ sept millions de dollars. Le Canada appartient à un consortium international appelé Initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens, qui compte 19 États membres actifs dans ce dossier.

La solution au problème sera d'envergure internationale. Au chapitre de la résistance des organismes microbiens aux nouveaux agents, la question est de savoir non pas tant s'ils développeront une résistance, mais quand ils le feront. Par conséquent, les habitudes de prescription sont importantes à cet égard.

Au Canada — clairement, à l'échelon provincial, responsable de la prestation des soins de santé — il y a beaucoup d'activité concernant l'utilisation appropriée ou inappropriée d'antibiotiques pour lutter contre des infections non bactériennes, comme le rhume, et le travail de sensibilisation à cet égard. Malheureusement, je crois qu'un examen des agents antimicrobiens révèle qu'il y a encore une grande part d'ordonnances d'agents antibactériens visant à traiter le rhume et les infections virales qui sont inappropriées.

Notre investissement vise à la fois des stratégies qui permettront de bien mettre en pratique les connaissances acquises par la recherche, mais aussi des stratégies ayant pour objectif de réduire l'intensité ou la fréquence de la résistance des microbes grâce à une combinaison de traitements, entre autres, que nous savons fructueux pour freiner l'émergence de souches résistantes.

Le seul conseil que j'ai à offrir aujourd'hui, c'est de ne pas limiter l'examen au Canada. Il faut regarder la situation internationale et mesurer l'efficacité d'une approche canadienne à la RAM selon le degré de collaboration internationale du Canada à ce chapitre.

Le sénateur Eggleton : Chose certaine, je conviens de la nécessité d'une approche internationale, mais des mesures sont déjà prises.

L'une des statistiques les plus alarmantes dans toute cette histoire, c'est que, aux États-Unis, on dit qu'environ 80 p. 100 des antibiotiques sont destinés à l'agriculture et à l'aquaculture à la fin de la croissance des animaux, ce qui contribue grandement à la résistance. Je crois que l'Union européenne a interdit ou est en train d'interdire ce type d'utilisation des antibiotiques. Est-ce une direction que nous devrions prendre?

Dr Peterson : Je ne suis pas certain d'être qualifié pour répondre à cette question, parce que, maintenant, vous entrez dans le domaine de l'application à des fins agricoles et vétérinaires. Il ne fait aucun doute depuis longtemps que nous avons commencé à voir l'émergence de sources résistantes dans les populations animales, où on utilise les mêmes antibiotiques.

La question d'interdire leur utilisation relève maintenant d'une discussion internationale, je crois. L'Organisation mondiale de la Santé a clairement fait de cet enjeu le principal défi pour le XXIe siècle, car nous nous dirigeons peut- être vers une ère post-antibiotique, qui sera équivalente à l'ère pré-antibiotiques que nous avons connue. Je ne saurais nier la justesse de vos commentaires. L'enjeu est plus grand que la simple question se rattachant à l'utilisation médicale des antibiotiques; cependant, encore une fois, les mesures doivent être prises à l'échelle internationale pour avoir une chance de réussir, vu la circulation facile des souches résistantes d'un pays à l'autre.

M. Eisenschmid : Je crois que, à ce chapitre, les pharmaciens peuvent jouer un rôle important, grâce à l'expansion de leurs fonctions. On peut tirer profit de l'expertise des pharmaciens pour s'assurer que les antibiotiques sont prescrits seulement lorsque le patient en a besoin et que, dans chaque cas, ce sont les antibiotiques les plus appropriés qui sont utilisés. Ce contrôle se ferait au moment de la remise des médicaments et dans le cadre d'examens périodiques.

M. Rhines : Je voulais ajouter aux commentaires du Dr Peterson. Je crois qu'il s'agit certainement d'un effort transfrontalier, mais je ferais aussi valoir qu'il est de nature intersectorielle. Il s'agit d'un enjeu complexe qui exige une coopération publique et privée. Ainsi, je crois qu'un examen des initiatives stratégiques s'impose.

Nous savons que d'autres administrations ont entamé des discussions touchant les politiques qui favorisent et encouragent la mise au point d'antibiotiques pour lutter contre les infections graves. Depuis 2012, les États-Unis ont une loi qui prévoit des incitatifs pour la mise au point d'antibiotiques.

C'est un enjeu transfrontalier, il n'y a aucun doute, mais c'est aussi un enjeu qui exige toute une gamme d'intervenants, de représentants du milieu universitaire, de chercheurs et de représentants de l'industrie et du gouvernement — tout le monde — pour commencer à s'attaquer à cet enjeu de façon exhaustive.

Dr Juurlink : Cela ne m'est pas encore arrivé, mais c'est probablement juste une question de temps avant qu'un de mes patients meure d'une infection pour laquelle je n'avais pas d'antibiotiques. Alors, je suis d'accord avec Bob et les autres qui ont dit qu'il s'agissait d'un problème mondial.

D'un point de vue canadien, que pouvons-nous faire? Nous avons deux options, j'imagine : faire quelque chose ou ne rien faire. Je ne crois pas que l'un d'entre nous serait prêt à dire que la solution est de ne rien faire.

Dans la catégorie « faire quelque chose », la sensibilisation est au sommet des priorités. J'ignore tout des antibiotiques dans la chaîne d'alimentation. L'idée ne me semble pas bonne. J'ignore quels sont les avantages. Mais la sensibilisation du public en particulier... Dans la société, il y a une certaine attente selon laquelle lorsqu'on va consulter un médecin pour un problème, il saura nous prescrire un médicament pour le traiter. Cela comprend les maux de gorge, les fièvres et les symptômes pseudogrippaux. Je crois que les médecins sont aujourd'hui moins susceptibles qu'ils l'étaient il y a 15 ou 20 ans de prescrire à un patient un antibiotique alors que le mal ne le justifie clairement pas; c'est probablement une infection virale. Cela arrive encore, parce que le médecin juge qu'il ne nuira probablement pas au patient et que, si le problème est d'origine bactérienne, il aidera, mais, si on fait cela 100 000 fois, on crée un énorme problème.

La sensibilisation est très importante. Nous n'hésitons jamais à sensibiliser les gens à l'importance de ne pas boire au volant, d'attacher sa ceinture ou de mettre de la crème solaire. Je ne crois pas que nous sensibilisions les gens assez concernant l'importance de prendre des antibiotiques ou d'en demander dès qu'ils croient avoir des symptômes d'infection.

Mme Currie : Je n'ai pas vu de données récentes sur la prescription d'antibiotiques pour un usage non indiqué ou l'ordonnance fautive, mais le phénomène est toujours très élevé, je crois; de 40 à 60 p. 100 des ordonnances d'antibiotiques sont inappropriées ou non conformes aux indications et inappropriées. La sensibilisation des médecins est de toute évidence la clé de voûte ici.

Je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons examiner toutes les sources contribuant à la résistance aux antibiotiques : l'abus dans la production de viande et d'autres denrées; et aussi l'abus de produits antibactériens sur le marché, comme dans la fabrication de savons et de nettoyants.

En ce qui concerne la sensibilisation du public, j'ai vu des communiqués de presse très utiles sur l'utilisation appropriée des antibiotiques. Ce qu'il manque, selon moi, c'est que les gens ne comprennent pas à quel point les maladies virales peuvent durer longtemps. Le scénario habituel, c'est que vous attrapez une toux qui dure cinq jours, puis vous consultez votre médecin qui vous prescrit un antibiotique, alors qu'une toux virale peut durer au moins trois semaines, et c'est normal. Il s'agit d'une durée moyenne. Il ne suffit pas de dire « n'utilisez pas d'antibiotiques pour une maladie virale », il faut sensibiliser la population davantage au sujet de la durée possible des symptômes, pour que les gens envisagent les maladies virales de façon plus réaliste, surtout lorsqu'il est question de leurs enfants. Je suis mère de quatre enfants, qui ont été malades sans arrêt d'octobre à avril, mais ils souffraient de maladies virales. Les parents n'ont pas une perspective réaliste de la durée possible. C'est déprimant, mais c'est réaliste.

M. O'Rourke : Je suis d'accord avec David pour dire qu'une excellente campagne de sensibilisation du public est nécessaire. Les médecins connaissent l'existence de la résistance aux antibiotiques. Ils savent qu'ils ne doivent pas prescrire excessivement dans les cas d'infections virales.

L'un des autres aspects, de l'autre côté de l'équation, c'est que nous avons besoin de nouveaux antibiotiques de troisième et de quatrième lignes. Comment incitons-nous l'industrie pharmaceutique à créer de nouveaux antibiotiques alors que nous allons seulement y recourir en quatrième ou en cinquième ligne? Il faut probablement envisager un modèle différent pour inciter l'industrie à mettre au point de nouveaux antibiotiques.

Dr D'Cunha : Je vais résumer mes commentaires à deux phrases, monsieur le président. Je dirais qu'il faut collaborer et travailler à l'échelle internationale, mais déjà commencer à mettre les choses en œuvre à l'échelle locale. La mise en œuvre locale devrait s'inscrire dans une stratégie exhaustive, qui englobe non seulement ce que vous avez déjà entendu, mais aussi le volet animal, s'il vous plaît.

M. Corman : Je propose que l'on songe à une stratégie nationale sur la lutte contre les infections. Je crois que, habituellement, les infections les plus graves naissent à l'hôpital. C'est là qu'on observe la résistance. Ensuite, elles ont tendance à prendre racine dans la collectivité.

À la lumière de toutes mes années d'expérience de l'industrie pharmaceutique, je crois que, d'une façon ou d'une autre, la solidité du contrôle des infections s'est détériorée, à cause des contraintes budgétaires dans les hôpitaux. Il serait vraiment utile d'avoir assez d'argent pour s'assurer qu'on applique des mesures de lutte contre les infections vraiment vigoureuses à l'échelle du pays.

Le président : Je vais conclure la discussion. Nous avons déterminé qu'il s'agissait d'un enjeu très important qui nous touche déjà et qui va prendre de la force à l'échelle mondiale. Il est question non seulement de la résistance de bactéries actuellement bien connues à l'égard de l'arsenal disponible, mais de l'émergence constante de bactéries et d'organismes pathologiques qui requièrent un examen plus en profondeur.

Il est évident, et on commence à le reconnaître clairement à l'échelle internationale — les États-Unis prennent les devants à ce chapitre —, qu'il faut rallier le secteur privé et le milieu de la recherche à cet enjeu prioritaire. Les États- Unis ont adopté leur nouveau règlement sur les produits qualifiés de lutte contre les maladies infectieuses, et un produit a déjà été créé en vertu de ces dispositions, car ils ont augmenté le temps de protection accordé au nouveau domaine. Ils stimulent délibérément l'activité dans ces domaines, et, pour une fois, l'Organisation mondiale de la Santé se trouve vraiment devant quelque chose de tangible. Elle a accordé beaucoup d'importance à cet enjeu, qui fait l'objet de mesures mondiales.

Ceux qui ont mon âge se souviennent de ce qui se passait quand nous étions enfants, de la crainte des parents à la première égratignure, sans parler des blessures plus graves. Nous entendions parler de cas dans notre propre quartier où des gens avaient réellement succombé à l'infection d'une blessure, ainsi que des problèmes dans les hôpitaux, qui étaient encore plus graves.

Nous avons appris à prendre nos aises dans ce secteur critique, grâce au succès fracassant de la recherche pharmaceutique au fil des décennies et, maintenant, comme l'a dit Robert, nous allons peut-être bientôt nous retrouver dans une ère post-antibiotique, ce qui sera grave.

Je tiens à terminer en vous remerciant tous vivement. Je veux que vous sachiez à quel point nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris la peine de venir. De toute évidence, vous reconnaissez la grande importance de cet enjeu. Nous en sommes conscients. J'espère que nous avons reflété dans nos rapports la gravité des enjeux que vous avez soulevés et que nous continuerons de le faire.

J'ai un commentaire rapide sur l'une des questions : j'étais vraiment déçu d'apprendre que les essais cliniques sont en fait à la baisse dans certaines régions. Il faut rectifier le tir. L'un des objectifs était d'inverser la tendance à la baisse des essais cliniques au Canada. Dans notre rapport, nous avons essayé d'insister sur l'importance des essais cliniques au Canada, d'un certain nombre de façons : le maintien d'une expertise hautement qualifiée et scolarisée pour étudier les produits pharmaceutiques et les nouveaux médicaments potentiels, notamment; le fait de pouvoir, après un essai clinique, conseiller le pays sur les enjeux qui surviennent après l'approbation, sans parler de l'énorme valeur économique pour le pays et du maintien de l'activité industrielle dans le pays. Ce volet est crucial.

Si d'autres idées vous viennent à l'esprit lorsque vous serez partis et dont vous aimeriez nous faire part sur la façon de continuer à améliorer ces choses, j'aimerais beaucoup profiter de votre apport dans ce secteur et aussi connaître tous vos commentaires. Nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à l'avis des gens sur certains processus en cours en ce qui concerne les groupes d'essais cliniques qu'on assemble pour assurer l'harmonie dans certains domaines. Si vous avez des commentaires à ce chapitre, n'hésitez pas à nous les faire parvenir, car c'est le point de départ de toutes les choses dont nous avons discuté au chapitre des produits pharmaceutiques. Un produit n'obtient pas cette qualification tant et aussi longtemps qu'il n'a pas été soumis à des essais cliniques, et c'est important pour toutes sortes de raisons.

Je sais que nous reverrons probablement certains d'entre vous lorsque nous étudierons le projet de loi C-17.

Je suis heureux de prendre connaissance de l'appui qu'il y a dans le pays pour que nous poursuivions sur cette lancée. Le projet de loi n'est peut-être pas parfait à ce stade, mais, bon sang, il faut que nous finissions par avancer. Nous essaierons de donner des conseils en la matière.

Je peux vous dire, à la lumière de ma propre expérience, que je trouve la ministre en poste et ses collaborateurs très réceptifs à l'égard de nos commentaires sur des enjeux comme celui de la transparence. J'espère que nous tiendrons de nombreuses discussions fructueuses sur le projet de loi et aurons une incidence positive.

Ensuite, j'ai la responsabilité de m'assurer que nous terminons à temps et que tout le monde puisse repartir en avion, entre autres. J'aimerais remercier mes collègues qui ont fait preuve de beaucoup de patience aujourd'hui. Nous adorons poser des questions. C'est ce que nous faisons. Nous essayons de mettre ces questions en commun pour vous les faire parvenir, et vous avez fourni d'excellentes réponses. Les clarifications ont été énormément utiles.

Je tiens à remercier mes collègues de leur rôle dans le cadre de toute cette série d'études. Ce n'est pas nécessairement le sujet le plus sexy ou le plus politiquement correct auquel la sphère politique peut s'attacher, mais je crois qu'il s'agit d'un volet important de la société. Au bout du compte, j'espère que nous aurons apporté une contribution à l'évolution des choses dans ce domaine.

(La séance est levée.)


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