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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 17 - Témoignages du 12 juin 2014


OTTAWA, le jeudi 12 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 11 h 5, pour poursuivre son étude sur la teneur du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Nous allons revenir au processus normal, puisque vous êtes arrivés un peu plus tôt que prévu. Mes collègues et moi allons nous présenter. Je m'appelle Kevin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. Nous allons commencer à ma droite aujourd'hui.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

Le sénateur Lang : Sénateur Dan Lang, du Yukon.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir ici. Vous avez fait des efforts, compte tenu des circonstances en Chambre. Le temps que vous pouvez consacrer à notre séance est-il limité?

L'honorable Chris Alexander, C.P., député, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration : Pas à notre connaissance.

Le président : Il faudra attendre les mises à jour, n'est-ce pas?

Merci beaucoup, monsieur le ministre. Le comité a très hâte de vous entendre. Nous vous souhaitons la bienvenue ainsi qu'aux fonctionnaires qui vous accompagnent ici aujourd'hui. Je vous invite à les présenter, puis à donner votre exposé. Nous vous poserons ensuite des questions.

M. Alexander : Merci de l'occasion de témoigner devant vous, monsieur le président, honorables sénateurs. Je suis ravi d'être ici accompagné de quatre collègues qui s'occupent de citoyenneté tous les jours, qui ont beaucoup aidé à élaborer cette réforme et qui vont jouer un rôle de premier plan dans leur mise en œuvre : Catrina Tapley à ma gauche, Nicole Girard, Alexandra Hiles et Mory Afshar.

Il s'agit d'un projet de loi historique, parce qu'il porte sur un atout que les Canadiens considèrent comme tout à fait essentiel à leur identité juridique, mais aussi à leur identité en tant que personnes qui s'identifient à leur pays. Nous avons renouvelé la citoyenneté et réformé la loi à presque chaque génération, mais la dernière réforme en profondeur remonte à 1977. Je suis très heureux de pouvoir en discuter avec vous et impatient d'entendre vos questions.

Lors de la Confédération, la citoyenneté canadienne n'existait pas. Elle faisait bien l'objet de discussions informelles au 19e siècle, car les gens se disaient citoyens canadiens, mais la loi n'en faisait pas mention avant la Loi sur l'immigration de 1910. Nous étions toujours des sujets britanniques résidant au Canada, naturalisés ou nés ici.

La Loi de naturalisation de 1914, adoptée il y a exactement 100 ans, constituait un progrès important pour définir la façon d'accorder la citoyenneté et de la révoquer dans certaines circonstances. L'exigence de résidence de cinq ans est entrée en vigueur il y a exactement 100 ans, ce mois-ci. La Loi sur la citoyenneté canadienne a ensuite été mise en œuvre en 1947, après la guerre. La seule réforme majeure de la loi est survenue en 1977. En ce sens, il s'agit d'un projet de loi historique.

[Français]

Les mesures contenues dans le projet de loi C-24 constituent la première réforme en profondeur de cette loi en plus d'une génération. Quels en sont les buts principaux? Il s'agit premièrement d'améliorer l'efficacité du processus dans le cadre duquel les nouveaux arrivants deviennent des citoyens canadiens, ainsi que de veiller à ce que le processus tienne compte de la grande importance que les Canadiens accordent à leur citoyenneté et de dissuader les citoyens de complaisance.

[Traduction]

Malgré tout le débat dans les médias, n'oublions pas qu'il s'agit d'un programme mis en œuvre par un ministère qui concerne tous les Canadiens. La population fait bien de discuter de ce projet de loi. Nous avons tous droit à un passeport, et la majorité des Canadiens en ont un maintenant. De plus, bon nombre de résidents permanents et d'immigrants deviennent citoyens.

Un des principaux avantages du projet de loi, c'est le traitement plus rapide et le cadre plus efficient qui vont réunir les décisions et remplacer le processus en trois étapes que nous trouvions nous-mêmes fastidieux.

En outre, nous pourrons réduire rapidement, cette année et en 2015, l'arriéré de plus de 350 000 demandes. Le traitement des nouvelles demandes de citoyenneté prendra moins d'un an dès le début de 2016.

Chaque année, nous accueillons en moyenne près de 260 000 nouveaux arrivants qui contribuent au tissu économique, politique et social de notre pays en tant que résidents permanents. Le Canada demeure un chef de file mondial en matière de naturalisation; en effet, plus de 85 p. 100 des résidents permanents admissibles deviennent par la suite des citoyens canadiens. Ce taux est plus bien élevé que ceux des États-Unis, de nos partenaires du Commonwealth et de tous les pays d'Europe.

Cet important projet de loi permettra à notre gouvernement de tenir la promesse de renforcer et de protéger la valeur de la citoyenneté canadienne, qu'il a faite dans le récent discours du Trône. Il va accélérer le traitement et renforcer la valeur de la citoyenneté, surtout en prolongeant légèrement l'exigence de résidence et en rehaussant légèrement les exigences de connaissances et de compétences langagières, pour exclure ceux qui ne possèdent pas le niveau requis et pour accepter les étudiants de l'école secondaire et les résidents permanents en âge de travailler qui veulent devenir citoyens. Ces exigences nous paraissent tout à fait raisonnables.

Il est frappant de constater qu'en général, les étudiants de l'école secondaire sont plus nombreux à vouloir passer le test, qu'ils retiennent mieux l'information et qu'ils sont plus nombreux à réussir le test, parce qu'ils sont habitués à se préparer et à passer des tests.

Nous voulons aussi renforcer l'intégrité, combattre la fraude et assurer la protection et la promotion des valeurs et des intérêts du Canada.

[Français]

Dans le passé, le traitement a été ralenti par des circonstances telles que le nombre de demandes incomplètes que le ministère recevait. Dorénavant, les gens n'auront plus la possibilité de soumettre une demande incomplète, ce qui nous encombrait de correspondance. Le va-et-vient des correspondances nous prenait beaucoup de temps. Desormais, nous n'accepterons que des demandes complètes.

[Traduction]

Nous voulons que les nouveaux Canadiens fassent preuve de leur attachement envers le Canada en veillant à ce qu'ils aient une présence effective au pays. Les versions précédentes de la loi ne signalaient pas explicitement que la résidence signifie la présence effective au pays. Depuis quelques dizaines d'années, des gens abusent du système en payant des consultants et des avocats peu scrupuleux pour avoir une adresse postale et prétendre qu'ils vivent au Canada, sans que ce soit le cas. Nous voulons mettre fin aux abus. Les nouveaux contrôles vont nous permettre d'y arriver. Nous saurons combien de temps les résidents permanents ont bel et bien passé ici. La fraude sera considérablement réduite.

Les demandeurs devront déclarer leur intention de résider au Canada. Ils ne seront pas admissibles à la citoyenneté canadienne s'ils changent d'avis, s'ils décident d'aller vivre ailleurs ou s'ils se marient à une personne qui habite à l'étranger, mais il nous paraît tout à fait raisonnable que les demandeurs déclarent leurs intentions au début du processus. Les contribuables canadiens ne devraient pas faire les frais de ceux qui n'ont pas l'intention de devenir des membres actifs de nos collectivités et de vivre au Canada.

Malheureusement, on a eu l'impression que les abus étaient généralisés. De fait, la GRC enquête toujours sur des milliers de cas, et des centaines de propositions de révocation ont été présentées. Même depuis que je suis ministre, la citoyenneté a malheureusement été révoquée à des dizaines de reprises en raison de fraudes liées à la résidence.

Les demandeurs devront également soumettre des déclarations de revenus pendant quatre des six années précédant leur demande, s'ils sont tenus de le faire en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous nous efforçons de garantir que la loi est conforme aux changements. Nous voulons que les nouveaux citoyens méritent leur passeport et qu'ils résident au Canada afin de prendre part à la grande société canadienne. Des avocats en droit de l'immigration, comme Raj Sharma, ont dit :

... la fraude en matière d'immigration est très répandue, et on a déjà vu des consultants fantômes et des consultants non réglementés suggérer à des personnes d'embellir ou d'exagérer leur durée de résidence au Canada.

Raj Sharma, comme la plupart des avocats en droit de l'immigration, sait que le passeport canadien est un outil incroyablement précieux et que des personnes sont prêtes à mentir, à tricher et à nous tromper afin d'y avoir accès. Par rapport au grand nombre d'immigrants au pays et de nouveaux citoyens, il s'agit de groupes assez restreints, mais ils sont tout de même assez importants pour nous préoccuper et pour justifier les mesures d'intégrité du projet de loi, qui reflètent le besoin de mettre fin aux abus dans le système. C'est ce à quoi les Canadiens s'attendent de nous.

Nous allons aussi désigner un organisme chargé de réglementer les consultants en matière de citoyenneté. Nous l'avons fait par le passé pour les consultants en immigration et nous avons connu beaucoup de succès. Nous ne l'avons pas encore fait pour le secteur de la citoyenneté.

Actuellement, une fraude en matière de citoyenneté, telle qu'une fausse déclaration, est punissable d'une amende maximale de 1 000 $, d'un an d'emprisonnement ou des deux. Notre gouvernement est très sérieux dans sa lutte contre la fraude en matière de citoyenneté. Nous voulons l'empêcher. Les mesures du projet de loi prévoient donc que toute fraude ou fausse déclaration sera punissable d'une amende maximale de 100 000 $, de cinq ans d'emprisonnement ou des deux, dans le cas d'une déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation.

[Français]

De plus, on simplifiera le processus de révocation et on interdira aux personnes qui ont vu leur citoyenneté révoquée parce qu'elles l'avaient obtenue frauduleusement de soumettre une nouvelle demande de citoyenneté avant que 10 ans se soient écoulés.

[Traduction]

C'était inouï. Nous révoquions la citoyenneté, puis les gens présentaient de nouvelles demandes assez rapidement. Ce ne sera plus possible de le faire avant au moins 10 ans.

[Français]

Les citoyens ayant la double nationalité et les résidents permanents reconnus coupables d'infractions graves, comme le terrorisme, la haute trahison, la trahison et l'espionnage, se verront refuser la citoyenneté. Ce sont là des crimes graves qui ne seront pas tolérés au Canada.

[Traduction]

C'est incroyable. Nous pouvions révoquer la citoyenneté en cas de fraude liée à la résidence ou de fausse déclaration aux autorités, mais nous ne pouvions pas la révoquer si la personne nous avait caché un crime, un crime de guerre ou une violation grave des droits de la personne qu'elle avait commis auparavant. Nous pourrons dorénavant utiliser ce pouvoir, si nous prouvons qu'il y a eu fraude en raison des actes perpétrés avant que la demande soit présentée.

[Français]

Notre message aux criminels et aux fraudeurs étrangers est clair : la citoyenneté canadienne n'est pas à vendre.

[Traduction]

Parlons maintenant de ce qui suscite peut-être le plus vif débat ces derniers temps. Nous révoquerons la citoyenneté canadienne des citoyens à double nationalité qui ont été membres d'une force armée ou d'un groupe armé ayant pris part à un conflit armé contre le Canada et refuserons la citoyenneté aux résidents permanents qui ont posé des gestes semblables. Quiconque trahit notre pays ou prend les armes contre nos forces armées perdra son droit de détenir la citoyenneté canadienne.

Pour avoir passé nombre d'années en Afghanistan et avoir vu les terroristes en action, je trouve très étonnant de constater que nous étions un des seuls pays qui ne pouvaient pas révoquer la citoyenneté dans les cas extrêmes de déloyauté. Sous les gouvernements conservateurs et libéraux avant 1977, nous avions un certain pouvoir à cet égard. Après 1977, nous n'en avions aucun. Je pense que le seul pays de l'OTAN qui ne possède pas ce genre de pouvoir, c'est le Portugal.

Ces dispositions sont normales dans les pays démocratiques et elles sont employées de façon extrêmement rare. Leur pouvoir dissuasif est clair et incontestable, mais qu'est-ce qu'il signifie exactement? La citoyenneté exige l'allégeance. Je sais que bon nombre d'entre vous ont participé aux cérémonies de citoyenneté ces derniers temps. Les nouveaux citoyens prêtent serment d'allégeance à notre monarque, la Reine du Canada, et promettent de respecter nos lois et notre régime politique. Si vous avez pris les armes contre les Forces canadiennes, transmis nos secrets nationaux à une puissance étrangère ou joint un groupe que nous avons déclaré terroriste, vous avez clairement rejeté votre allégeance au Canada. C'est ce que les dispositions précisent et c'est le message que nous voulons faire passer, sans créer une nouvelle catégorie de quelques ou de nombreux apatrides. Nous n'allons pas révoquer la citoyenneté de ceux qui ne possèdent que la citoyenneté canadienne.

Nous allons aussi chercher à récompenser ceux qui servent le Canada dans des missions à l'étranger. Les agents de la GRC ou les militaires qui ont des enfants à l'étranger pourront transmettre la citoyenneté au-delà de la première génération. Ce n'était pas le cas auparavant. Également, les résidents permanents qui se joignent aux Forces canadiennes pourront accéder un peu plus rapidement à la citoyenneté. Un an sera retiré à leur exigence de résidence de quatre ans. C'est une récompense modeste, mais concrète pour leur service dans ce domaine précis.

Monsieur le président, ces mesures historiques sont modérées, à notre avis, et populaires, d'après notre expérience. Mon collègue, le député de Calgary-Nord-Est Devinder Shory, a joué un rôle clé dans l'élaboration des dispositions de révocation et a sondé la population. Plus de 80 ou de 90 p. 100 des Canadiens pensent que nous devons révoquer la citoyenneté dans les cas extrêmes. Seuls quelques cas d'espionnage ou de trahison surviennent au Canada tous les 10 ans, mais ces mesures vont nous aider à garantir qu'ils n'augmenteront pas à l'avenir.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons tout de suite passer aux questions.

Le sénateur Eggleton : Merci de votre exposé, monsieur le ministre. Je suis tout à fait d'accord que les dernières modifications à la Loi sur la citoyenneté datent d'il y a longtemps et que de nouvelles modifications s'imposent depuis un certain temps. Cela dit, il ne faut pas oublier que l'immigration et les nouveaux citoyens ont fait de notre pays ce qu'il est aujourd'hui. Nous avons toujours envoyé un message accueillant aux gens qui venaient au pays dans l'espoir de devenir citoyens.

Je comprends vos propos sur les gens qui abusent du système. Nous devons mettre fin aux abus sans aucun doute, mais il faut éviter que des innocents ou des gens bien intentionnés sentent qu'ils ne sont pas les bienvenus et ne peuvent pas devenir citoyens. Un certain nombre de témoins nous ont exprimé cette préoccupation. Je crains aussi que le projet de loi rende la citoyenneté plus difficile à obtenir.

Permettez-moi de parler tout d'abord d'une mesure qui ne fait pas partie du projet de loi. Plus tôt cette année, vous avez doublé les frais. Bien des gens vont trouver que c'est cher, comme les personnes à faible revenu et les familles qui comptent cinq membres. Les frais s'élèvent à plus de 1 000 $ pour un père, une mère et trois enfants. Bien des gens à faible revenu auront du mal à présenter des demandes.

Concernant les exigences langagières, j'ai bien compris vos commentaires sur les étudiants de l'école secondaire. Mais qu'en est-il des personnes plus âgées? Bien des immigrants sont parents ou grands-parents lorsqu'ils arrivent au pays. Ils ne se lancent pas dans de grandes carrières qui exigent une excellente maîtrise de l'anglais ou du français. Au cours de mes années dans le secteur public, j'ai vu des gens immigrer avec leurs enfants et les élever ici, sans jamais maîtriser la langue. Pourtant, ce test comporte des volets écrit et oral.

Certains immigrants sont des réfugiés analphabètes dans leur propre langue. Bien des femmes ont fui leur pays et l'oppression sans avoir une éducation ou des connaissances adéquates.

Un troisième problème d'accès concerne les gens qui viennent ici dans la catégorie de l'expérience canadienne, les étudiants, les aides familiaux ou les travailleurs temporaires. Vous allez retirer le crédit qui leur revient. Quel genre de message leur lancez-vous? Vous ne semblez pas tenir à ce qu'ils deviennent des citoyens canadiens. Vous allez leur retirer des avantages, même s'ils ont déjà investi du temps et des efforts au pays.

Je veux mentionner deux autres aspects dont les témoins nous ont beaucoup parlé. Concernant l'intention de résider au Canada, les gens à notre époque mènent des carrières, se déplacent et obtiennent des emplois partout dans le monde. Les immigrants arrivent ici, ils déclarent qu'ils veulent devenir citoyens et ils ressentent un attachement envers le Canada. Ils obtiennent un emploi chez un employeur qui mène des affaires partout dans le monde, ce qui n'a rien d'inhabituel. Cet employeur peut les envoyer dans un autre pays ou leur demander de visiter un certain nombre de pays.

Ces immigrants vont craindre d'être accusés de fausses déclarations. Qui établit s'il y a eu fausse déclaration? C'est un fonctionnaire. La décision va s'appliquer au bout du compte, mais aucun tribunal ne semble participer au processus ou permettre de porter la décision en appel.

Les quatre années sur six ans ou les 183 jours de présence effective par année constituent un progrès, mais l'exigence supplémentaire liée à l'intention est particulièrement préoccupante.

Enfin, je suis préoccupé quant au processus de révocation, qui va criminaliser bien des gens qui ne possèdent pas de casiers judiciaires. Ce n'était que des cas de fraudes, auparavant; il s'agira désormais d'actes criminels.

Je suis préoccupé concernant le processus et l'incapacité de faire appel. Deux cas permettent d'intenter des poursuites en Cour fédérale, mais bien souvent, ce sera impossible à moins d'un contrôle judiciaire très légaliste. En fait, les immigrants doivent obtenir des autorisations avant même d'intenter des poursuites.

Au fond, la décision vous revient dans bien des cas. Je sais que le processus va exiger de remplir des formulaires et de poser des questions. Le problème, c'est l'absence de processus d'appel adéquat.

Qui plus est, le fardeau de la preuve va maintenant incomber à l'immigrant, s'il est suspecté de posséder la double citoyenneté. Cette personne devra prouver que c'est faux. Je crains que les gens ne soient pas traités sur un pied d'égalité. Dans ce système à deux niveaux, ceux qui possèdent la double citoyenneté vont courir un risque beaucoup plus grand de perdre leur citoyenneté, par rapport aux gens qui sont nés au pays. Mais même ces derniers pourraient être déclarés citoyens à double nationalité et être envoyés dans un pays où ils ne sont jamais allés.

Je sais que j'ai pris beaucoup de temps, monsieur le président. Je pourrais continuer longtemps, mais j'aimerais entendre votre réaction. Je reprends simplement les commentaires que les autres témoins ont faits ici.

M. Alexander : La seule distinction ici porte sur les citoyens et les non-citoyens. Ceux qui détiennent la double citoyenneté et qui commettent un acte de terrorisme, de trahison ou d'espionnage vont perdre la citoyenneté.

Je suis incrédule de constater que les libéraux ne le voient pas ainsi. Je le suis dans une moindre mesure pour le NPD.

Le sénateur Eggleton : Il convient d'établir un processus d'appel adéquat.

M. Alexander : Toutes nos décisions peuvent être soumises à un contrôle judiciaire.

Le sénateur Eggleton : Les gens vont être sanctionnés en partant, puis...

Le président : Sénateur Eggleton...

M. Alexander : Monsieur le sénateur, je ne vous ai pas interrompu une seule fois, même si j'en avais envie.

Le sénateur Eggleton : Vous faites une attaque politique, alors que je vous présente les arguments des autres témoins.

M. Alexander : Mais personne ne conteste ces mesures, sauf les sénateurs et les députés libéraux et néo-démocrates, ainsi que l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Je dirais que c'est un organisme très petit et marginal au sein de l'Association du Barreau canadien.

Toutes sortes d'avocats et la sénatrice Nancy Ruth m'ont dit que cette position les embarrasse beaucoup. Pour tout Canadien sensé, c'est tout à fait raisonnable d'affirmer que l'appartenance d'un immigrant à un groupe terroriste ou la vente de secrets d'État à une puissance étrangère est incompatible avec la citoyenneté canadienne. Nous protégeons aussi les gens qui possèdent seulement une citoyenneté. Les citoyens à double nationalité qui veulent commettre de tels actes et conserver leur citoyenneté peuvent renoncer à leur citoyenneté étrangère. Bien des options s'offrent à eux pour éviter la révocation.

Mais pourquoi consacrons-nous tout ce temps à protéger les droits de ceux qui commettent des actes si graves...

Le sénateur Eggleton : C'est la primauté du droit, monsieur le ministre.

M. Alexander : Monsieur le sénateur Eggleton, il s'agit des violations les plus graves possible de la primauté du droit. Votre principal argument consiste à dire qu'il sera plus difficile de devenir citoyen canadien.

Le sénateur Eggleton : En effet.

M. Alexander : En fait, nous facilitons l'obtention de la citoyenneté. Nous allons accélérer le processus, clarifier les règles et les appliquer.

Les libéraux oublient qu'une des principales raisons...

La sénatrice Cordy : J'invoque la question de privilège.

Le président : Monsieur le ministre, veuillez parler en termes plus généraux. Notre comité n'est pas tout à fait politique, même s'il s'inscrit dans un contexte politique.

M. Alexander : Ce que les représentants du gouvernement d'avant 2006 oublient...

La sénatrice Cordy : J'invoque la question de privilège, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup de votre intervention.

Monsieur le ministre, nous avons entendu durant plusieurs jours les témoins qui appuient et ceux qui rejettent le projet de loi. Je pense que, peu importe leurs partis politiques, les membres du comité ont pris bonne note des témoignages entendus.

Le président : Où voulez-vous en venir, madame la sénatrice?

La sénatrice Cordy : Je pense que c'est la démocratie. Je trouve offensant votre témoignage très politique et partisan ce matin.

Le président : Monsieur le ministre, nous allons poursuivre. Veuillez vous en tenir aux questions fondamentales du sénateur Eggleton.

M. Alexander : C'est ce que je vais faire, monsieur le président. Mais permettez-moi de souligner que M. Eggleton était membre du Conseil privé et ministre dans le gouvernement libéral avant 2006.

Le président : Monsieur le ministre, veuillez revenir aux questions à l'étude. M. Eggleton a tout de même le droit de poser des questions, sans pour autant bénéficier de privilèges supplémentaires. En tant que président du comité, j'aimerais revenir aux questions de fond sur ce projet de loi très important. Nous espérons entendre vos commentaires là-dessus. Nous voulons connaître vos précisions sur les questions qui ont été soulevées durant les audiences.

M. Alexander : Contrairement à ce que M. Eggleton prétend, je pense que les immigrants viennent ici en raison des débouchés économiques, de notre grande générosité naturelle, de nos collectivités fortes dans lesquelles ils veulent habiter, mais aussi en raison de la primauté du droit. La société canadienne est ordonnée et affiche un faible taux de criminalité. Les actes de déloyauté graves sont presque inexistants, et nous ne connaissons pas de conflits. Lorsqu'on laisse entendre que ces actes déloyaux sont compatibles avec la citoyenneté canadienne, on n'attire pas davantage d'immigrants au Canada; on les amène à se poser diverses questions.

Ce sont les nouveaux arrivants qui se plaignent le plus bruyamment, à moi et au ministère, des abus qui ont été commis dans les programmes de citoyenneté et d'immigration. L'immigrant qui a suivi les règles, qui a effectivement résidé au Canada et qui a satisfait aux exigences en matière de langue et de connaissances est furieux de voir qu'une autre personne ou un groupe de personnes s'est fait duper par un consultant ou un avocat en droit de l'immigration, qui n'est pas forcément canadien. Il veut que nous mettions fin aux abus. C'est l'objectif de ce projet de loi.

Par ailleurs, les Canadiens plus âgés auront du mal à réussir les tests de langue oral et écrit. Ces gens ont 64 ans ou moins. C'est l'âge moyen des Canadiens de nos jours.

Nous avons la responsabilité législative de recouvrer les coûts de service. Nous n'assumions pas cette responsabilité. Même en tenant compte des nouveaux frais de 300 $ et de 100 $ pour les mineurs, un parent seul avec trois enfants paiera beaucoup moins que 1 000 $, monsieur le sénateur. Nos frais vont représenter moins de la moitié de ceux aux États-Unis et moins du quart, soit le cinquième, des frais au Royaume-Uni. Les frais en Nouvelle-Zélande sont 50 p. 100 plus élevés que les nôtres. Même après le recouvrement total des coûts, la citoyenneté canadienne constitue une aubaine à ce prix-là.

Nombre de mes collègues à la Chambre des communes se sont plaints aussi de l'intention de résider au Canada. Il faudrait vérifier le nombre de mois que l'immigrant a passé ici sans tenir compte de son intention, comme si les gens résidaient au Canada par hasard. Pour devenir citoyen, il faut présentement résider au Canada durant trois ans. Il sera dorénavant exigé de résider ici durant quatre années sur six. Ceux qui partent refaire leur vie dans un autre pays ne seront pas admissibles à la citoyenneté canadienne, mais il est équitable et raisonnable de leur demander s'ils ont l'intention de respecter l'exigence de résidence effective au Canada. Après 1977, bien des gens dans bien des pays pensaient qu'on pouvait satisfaire à cette exigence sans résider effectivement au Canada. Nous devons mettre un terme aux malentendus ici et partout dans le monde en exigeant la présence effective. C'est également pourquoi nous nous assurons que la période de résidence permanente s'applique de façon uniforme. Les étudiants et les travailleurs temporaires qui viennent ici ne sont pas encore des résidents permanents. Cette période ne devrait pas être prise en compte. Par souci d'équité pour tout le monde, il faut compter le temps à partir du début de la résidence permanente.

En outre, une personne peut changer de plan et décider d'aller vivre n'importe où après sa cérémonie de citoyenneté canadienne. Elle peut le faire même avant d'être admissible à la citoyenneté. Elle n'obtiendra simplement pas les avantages et les privilèges de la citoyenneté canadienne, qui exige la présence physique durant quatre années sur six selon les nouvelles dispositions.

Tous les éléments du projet de loi peuvent être soumis à un contrôle judiciaire, surtout les dispositions de révocation, mais aussi les attributions ou les refus de citoyenneté. Vous savez tous qu'il ne s'agit pas de questions secondaires pour la Cour fédérale. Ces questions sont au cœur de son travail. Elles occupent une énorme part de la charge de travail du système de justice fédéral, qui accomplit de l'excellent travail pour s'assurer que les processus sont équitables.

Le président : Merci, monsieur le ministre. La parole va maintenant à la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Merci, monsieur le ministre. Pour le dire très simplement aux gens comme moi, pourriez-vous exposer les étapes de la révocation? Qu'est-ce qui arrive après qu'on m'avise que ma citoyenneté sera peut-être révoquée, parce que j'aurais combattu avec le Hezbollah en Syrie?

M. Alexander : Il y a le modèle administratif et le modèle judiciaire. Dans cet exemple, il faudrait m'indiquer si le groupe terroriste en question a combattu les Forces armées canadiennes ou non, pour préciser quel modèle sera utilisé.

La sénatrice Eaton : Disons que la personne est membre du Hezbollah et qu'elle combat les Forces canadiennes.

M. Alexander : D'accord.

La sénatrice Eaton : Vous pourriez me donner les deux exemples. Je pourrais posséder la double citoyenneté et combattre les Forces armées canadiennes avec le Hezbollah ou combattre une autre organisation que les Forces canadiennes.

M. Alexander : Si la personne est membre d'un groupe terroriste reconnu par le Canada, un dossier serait produit pour examen par un agent délégué sous mon autorité. Le ministre doit informer cette personne de l'intention de révoquer la citoyenneté, de la possibilité de présenter des déclarations écrites, de la période durant laquelle les représentations auront lieu et de la forme qu'elles doivent prendre. Une audience pourrait être organisée en fonction des facteurs établis dans la réglementation. Les déclarations et les preuves soumises par la personne seraient examinées, mais tout ce processus se déroulerait après la condamnation en raison d'un des actes reprochés, comme l'adhésion à un groupe terroriste...

La sénatrice Eaton : La décision serait-elle rendue par un tribunal?

M. Alexander : Oui. Personne n'a encore été condamné pour cette infraction, mais il s'agit maintenant d'un crime ici au pays de quitter le Canada pour commettre un acte terroriste. On peut aussi être condamné pour avoir commis un acte terroriste au Canada. Mais puisque vous parlez d'un cas à l'étranger, ce serait les deux premières infractions punissables par mise en accusation qui devraient entraîner la condamnation.

La sénatrice Eaton : La personne doit donc être condamnée par un tribunal avant que vous preniez le relais, n'est-ce pas?

M. Alexander : Je demanderais à Nicole Girard de répondre, pour m'assurer de ne pas me tromper.

Nicole Girard, directrice générale, Direction du programme de la citoyenneté et du multiculturalisme, Citoyenneté et Immigration Canada : Le ministre a raison. Si le citoyen à double nationalité est condamné au Canada pour terrorisme ou à l'étranger pour une infraction de terrorisme semblable à ce que prévoit le Code criminel, les mesures soulignées par le ministre vont s'appliquer. Après que la personne a avisé des allégations, a pris connaissance de toutes les preuves et a eu l'occasion de se défendre sur tous les aspects relatifs à la double citoyenneté et aux allégations, un décideur doit se pencher sur son cas. Comme le ministre a dit, c'est lui qui prendrait la décision si la personne a été condamnée. D'après le projet de loi, la décision est produite par écrit. Comme le ministre l'a signalé, la personne peut contester cette décision en Cour fédérale.

La sénatrice Eaton : Si la personne condamnée n'est pas satisfaite de la décision du ministre, elle peut en interjeter appel devant la Cour fédérale?

Mme Girard : C'est exact.

M. Alexander : La personne a 30 jours pour demander une autorisation après avoir été avisée ou avoir pris connaissance de la révocation. En cas de révocation à cause de ces actes de déloyauté graves et dans tous les cas où une autorisation est demandée à la Cour fédérale, le niveau d'exigence est assez faible. L'autorisation sera sans doute accordée.

La sénatrice Eaton : Je pense que le cas soulevé par mes collègues de l'opposition concerne le journaliste canadien qui possède aussi la citoyenneté en Égypte, où il subit présentement son procès pour terrorisme. Un jugement de culpabilité rendu là-bas serait-il considéré comme une condamnation par les tribunaux ici? Comment faut-il procéder dans ce cas-là?

Mme Girard : Dans les circonstances, il faut d'abord se demander si la personne possède la double citoyenneté. Dans la négative, les dispositions ne s'appliquent pas. Si la personne a été condamnée à l'étranger pour terrorisme, il convient avant tout de savoir si cette infraction correspond à une infraction de terrorisme dans le Code criminel du Canada. S'il n'y a pas d'équivalent, nous ne pouvons pas aller de l'avant. Si un équivalent existe, nous devons aussi nous assurer qu'une peine de cinq ans ou plus a été imposée. Une peine moins sévère nous empêche de prendre de mesures.

Si toutes ces conditions sont réunies, nous devons également vérifier si le processus menant à la condamnation pour une infraction équivalente soulève des préoccupations, comme il a été mentionné à la Chambre des communes. Sommes-nous préoccupés quant à l'indépendance judiciaire ou à l'équité du processus? Dans l'affirmative, le décideur peut examiner ces questions et décider d'interrompre les démarches.

La sénatrice Eaton : Merci.

M. Alexander : Autrement dit, la condamnation doit concerner un crime équivalent dans une société démocratique où la primauté du droit s'applique.

La sénatrice Eaton : Le Canada doit aussi reconnaître l'équité de ce système de justice, n'est-ce pas?

M. Alexander : C'est exact. Le gouvernement du Canada, et non Citoyenneté et Immigration Canada, examinerait ensuite ces questions avec tous ceux qui évaluent les systèmes juridiques et politiques des autres pays. La décision pourrait être soumise à un contrôle judiciaire.

La sénatrice Eaton : Monsieur le ministre, j'ai une dernière question. Plusieurs personnes sont très préoccupées concernant l'Iran ou l'Égypte. Je sais qu'une personne née en Iran ne perdra jamais sa citoyenneté iranienne. Un Iranien ou un Perse qui obtient la citoyenneté canadienne et qui est fait prisonnier à son retour en Iran serait considéré comme un citoyen à double nationalité. Est-il possible de renoncer à cette citoyenneté?

M. Alexander : Il y a toujours une façon de renoncer à la citoyenneté. Personne ici au pays ne peut être forcé d'être citoyen d'un autre pays. En vertu des lois au Canada, on peut renoncer à la citoyenneté canadienne ou à celles des autres pays.

La sénatrice Eaton : À nos yeux, une telle personne y a renoncé.

M. Alexander : En effet. La renonciation ne règle peut-être pas notre divergence d'opinions avec Téhéran ou d'autres capitales qui considèrent la personne comme un citoyen, mais selon nous...

La sénatrice Eaton : Cette personne serait seulement un citoyen canadien, n'est-ce pas?

M. Alexander : C'est exact.

La sénatrice Seidman : Merci, monsieur le ministre. Cette explication étape par étape du processus de révocation en réponse à la sénatrice Eaton est très utile, parce que nous en avons beaucoup discuté ici. Je pense que vous avez clarifié la question, qui suscitait une certaine confusion, et je vous en remercie.

Je pense qu'il y a aussi une certaine confusion concernant la possibilité pour le citoyen d'être entendu durant le processus de révocation. Si la citoyenneté est révoquée, la personne a d'abord été condamnée devant les tribunaux. Je présume qu'elle a pu y prendre la parole. Cette personne a bel et bien la possibilité d'être entendue durant une audience, n'est-ce pas?

M. Alexander : C'est exact. La condamnation devant un tribunal canadien exige une audience et un procès publics. Pour que nous acceptions une condamnation équivalente à l'étranger, nous devons juger que ces normes ont été respectées aussi. Dans certains cas de révocation de la citoyenneté obtenue par la fraude, comme l'omission de signaler des liens avec le crime organisé, les graves violations des droits de la personne, les violations des droits internationaux ou l'adhésion à une force armée ou à un groupe armé organisé, nous allons d'abord intenter une poursuite en Cour fédérale. Le ministre va d'abord intenter une poursuite en Cour fédérale. La cour va examiner la preuve dans un procès ouvert et rendre un jugement. La personne peut bien sûr interjeter appel à la Cour d'appel fédérale, si la Cour suprême du Canada lui donne l'autorisation et que les circonstances le permettent.

En ce qui concerne les dossiers dont Nicole et moi parlions, de ces affaires qui ont trait au terrorisme, à la haute trahison, à la trahison et à l'espionnage, il y aurait une condamnation hautement médiatisée — et nous savons tous qu'il n'y en a pas eu beaucoup, au Canada, au cours des dernières années —, mais le ministre aurait le pouvoir de tenir une audience sur la base de facteurs réglementaires, si une telle audience publique était nécessaire.

Quoi qu'il en soit, la personne visée par la révocation aura été dûment informée de la procédure, elle aura eu la possibilité de faire des représentations écrites et, pour peu que les conditions soient réunies, elle aura également pu bénéficier de cette audience additionnelle.

La sénatrice Seidman : Merci. Ces réponses nous aident beaucoup.

Si vous me le permettez, j'aimerais poser une autre question au sujet de « l'intention de résider au Canada », pour reprendre les termes exacts du projet de loi. Encore une fois, il y a eu une certaine confusion au sujet d'une circonstance particulière. Nous espérons que vous serez en mesure d'apporter des précisions à ce sujet.

Nous avons entendu qu'un citoyen naturalisé pouvait perdre sa citoyenneté s'il travaille à l'étranger durant un certain laps de temps. Une personne qui présente une demande de citoyenneté doit s'engager à être physiquement présente au Canada durant quatre des six années suivantes et affirmer son intention de résider au pays — « de continuer à résider au Canada », pour reprendre le libellé du projet de loi. Or, on nous a dit qu'une personne qui a obtenu sa citoyenneté, qui travaille à l'extérieur du pays et qui est soudainement appelée à quitter le pays pour aller travailler ailleurs...

M. Alexander : Ce n'est pas un problème.

La sénatrice Seidman : ... verrait sa citoyenneté révoquée ou serait dans une situation où sa citoyenneté pourrait être révoquée, sous prétexte qu'elle — cette personne — aurait remis en question son intention de résider au Canada.

M. Alexander : Non, absolument pas. L'intention de résider ne concerne que l'exigence de résider au Canada quatre ans sur six pour obtenir la citoyenneté. Nous voulons que les gens aient l'intention de respecter ces obligations de manière à ce qu'elles les respectent effectivement. Je ne remets pas votre argument en question de quelque façon que ce soit. Je sais que vous essayez de clarifier les choses. Mais je n'arrive pas à comprendre tout à fait comment qui que ce soit peut présumer qu'une personne, un résident permanent, respectera cette exigence de résider quatre ans sur six sans avoir l'intention de le faire, comme si ce genre de chose arrivait par accident.

Il s'agit donc d'une mesure de gros bon sens. C'est une précision qui vient éclairer une zone grise qui ouvrait la porte aux abus, mais il n'est interdit à personne de changer d'intention. Si vous changez d'intention avant d'avoir respecté l'exigence des quatre ans, vous n'obtenez pas la citoyenneté ou, du moins, pas à ce moment-là de votre vie. Si vous changez d'avis le lendemain de la cérémonie, vous pouvez quitter le pays sans problème.

La sénatrice Seidman : Je crois que le problème en est un de clarté. C'est ce qui a donné lieu à cette confusion, puisque le texte du projet de loi est « a l'intention, si elle obtient la citoyenneté [...] de continuer à résider au Canada ».

Assurément, une personne qui voudrait obtenir sa citoyenneté devrait avoir l'intention de résider au Canada, de continuer à résider au Canada. Nous comprenons cela.

Le problème concerne ce qui se passe une fois que la personne obtient sa citoyenneté, car certains témoins nous ont dit que cela créerait deux classes de citoyens, soit une pour les citoyens de naissance et une autre pour les citoyens naturalisés. Je crois que vous avez très bien clarifié cette question en affirmant qu'une personne qui obtient sa citoyenneté jouit exactement des mêmes privilèges que n'importe quel autre citoyen, et que personne ne peut lui enlever sa citoyenneté si elle accepte un emploi à l'étranger.

M. Alexander : Nous avons tous les mêmes droits.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le président : Ce problème a été soulevé par plusieurs témoins et leurs déclarations ont été très claires à ce sujet. La sénatrice a posé une question à laquelle il est très important pour nous de répondre. C'est pourquoi nous sommes ravis que vous soyez là aujourd'hui, monsieur le ministre, et que vous ayez apporté cette clarification très précise en la matière. Je vous en remercie.

La sénatrice Cordy : Monsieur le ministre, je vais vous prendre au mot au sujet de ce que vous venez de dire, soit qu'une personne qui obtient la citoyenneté canadienne peut accepter un emploi à l'étranger ou accepter une bourse de recherche aux États-Unis sans que cela ait quelque incidence que ce soit sur sa citoyenneté. Cependant, l'alinéa 3(1)c.1) du projet de loi indique : « a l'intention, si elle obtient la citoyenneté, selon le cas : (i) de continuer à résider au Canada ». Je sais comment vous interprétez cela, mais quelle interprétation en fera votre successeur? Selon moi, cela signifie clairement qu'il vous faudra rester au pays si l'on vous accorde votre citoyenneté. J'ai reçu un certain nombre de courriels de personnes qui se disent très préoccupées. L'un de ces courriels m'a été envoyé par un scientifique et ingénieur à qui il arrive très souvent de travailler à Londres, en Angleterre, et qui se disait très inquiet de ne plus pouvoir accepter de contrats à l'étranger si ce projet de loi était adopté. Or, si j'en crois ce que vous nous dites, il pourra continuer à le faire. Est-ce exact?

M. Alexander : Tout à fait.

La sénatrice Cordy : Quelle est l'intention de cette disposition particulière du projet de loi : « de continuer à résider au Canada »? Pourquoi a-t-on ajouté cette précision si, dans les faits, l'intention est celle que vous dites?

M. Alexander : C'est parce que, pour remplir l'exigence de résidence de quatre ans sur six nécessaire pour se voir accorder la citoyenneté, une personne doit avoir l'intention d'être physiquement présente sur le territoire.

La sénatrice Cordy : Mais ce n'est pas ce que dit cette disposition. Ce qu'elle dit en précisant « si elle obtient la citoyenneté » c'est que la personne doit déjà être citoyenne, puis qu'elle doit « continuer à résider au Canada ».

M. Alexander : Il n'y a aucune obligation pour un citoyen du Canada de rester physiquement au Canada une fois qu'il a obtenu sa citoyenneté, alors il n'y a ici aucune question d'interprétation.

La sénatrice Cordy : D'après ce que je comprends, ce n'est pas ce que dit le projet de loi, mais j'espère sincèrement que les choses sont telles que vous le dites et que le prochain ministre verra ces dispositions du même œil.

M. Alexander : Je ne vois pas très bien comment cela pourrait être interprété autrement.

La sénatrice Cordy : Eh bien, de continuer à résider au Canada après avoir obtenu la citoyenneté. Cela signifie que vous êtes un citoyen canadien...

M. Alexander : Les mots « après avoir reçu la citoyenneté » ne sont pas dans le projet de loi.

La sénatrice Cordy : Le texte dit « a l'intention, si elle obtient la citoyenneté », il est donc question d'une condition antérieure.

M. Alexander : Si elle obtient la citoyenneté, la personne sera ou aura été au Canada quatre ans sur six. C'est à cette intention que l'on fait allusion.

La liberté de circulation garantie par la Charte canadienne des droits et libertés s'applique à chacun d'entre nous. L'obtention de la citoyenneté a toujours été assujettie à l'exigence de résidence, et ce que nous cherchons à faire est de demander aux gens de confirmer qu'ils ont l'intention de résider pour remplir ces conditions. Mais je pourrais demander à Nicole de clarifier cette question, car je ne suis pas avocat.

Mme Girard : La seule chose que je pourrais ajouter à ce que le ministre a déjà dit — et je crois qu'il a été très clair à ce sujet —, c'est que le texte que vous lisez dans le projet de loi doit être compris dans la perspective plus large de ce que sont ces exigences. Il est ici question des exigences pour devenir un citoyen du Canada. Ce sont des exigences qui s'appliquent jusqu'au moment où il est reconnu que vous les avez respectées et que vous devenez citoyen canadien. Aucune des modifications des exigences mises de l'avant dans le projet de loi ou des exigences de la loi ne s'applique une fois la citoyenneté obtenue, et je crois que le ministre a été très clair là-dessus.

Je vois où vous voulez en venir avec cela, mais ce qui est dit dans le projet de loi ne s'applique qu'à la question qui nous occupe, soit l'obtention de la citoyenneté. Comme le ministre l'a dit, une fois la citoyenneté obtenue, la personne peut modifier ses intentions, changer ses plans. Elle est libre de voyager et de travailler. J'espère que mes explications vous aident.

La sénatrice Cordy : Eh bien, je vais vous croire sur parole, mais je trouve encore cela assez vague. Et je ne suis pas avocate non plus. On dit « si elle obtient la citoyenneté », ce qui est une condition antérieure. Merci.

La sénatrice Seth : Merci, monsieur le ministre. Je vous félicite d'avoir présenté si clairement ce projet de loi. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le projet de loi C-24 vise à renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne. Pourriez-vous nous expliquer précisément comment il le fait?

M. Alexander : La citoyenneté représente tout ce qui a de la valeur pour nous. C'est évidemment notre statut juridique au Canada. C'est notre droit de voter et notre droit d'avoir un passeport, mais c'est aussi beaucoup plus que cela. C'est notre participation à une collectivité, à une société et à une économie, la possibilité de fonder une famille, de poursuivre une carrière, de lancer une entreprise et aussi de nous entraider. Pour la plupart des gens, je crois, la citoyenneté témoigne de l'incroyable force de l'esprit de bénévolat de notre société civile au Canada, du Club Rotary aux groupes de nouveaux Canadiens et aux clubs de sports, aux groupes de toutes sortes auxquels appartiennent les Canadiens. Notre citoyenneté, c'est tout cela. Quand les gens pensent au fait d'être Canadien, ils pensent à toutes les possibilités qui nous sont offertes à tous ces égards dans ce pays, et elles nous sont offertes parce que les Canadiens — les nouveaux Canadiens, les Canadiens naturalisés, les personnes nées au Canada — travaillent d'arrache-pied depuis des générations pour bâtir ces institutions, assurer la paix, instaurer la primauté du droit et créer notre prospérité. Nous voulons protéger cela. Notre pays est l'un des plus accueillants, sinon le plus accueillant au monde pour les immigrants, les nouveaux citoyens, mais nous nous attendons à ce que les nouveaux arrivants et les nouveaux citoyens protègent cet héritage et s'en inspirent également. Ils ne peuvent le faire s'ils ne le connaissent pas, d'où l'exigence de la présence effective.

Je pense que si les Canadiens connaissaient toute l'ampleur de la fraude qui a été commise ici en matière de résidence, ils seraient dégoûtés de savoir que des milliers de personnes ont obtenu la citoyenneté canadienne de manière frauduleuse, sans réellement vivre au pays, car cela ne...

La sénatrice Seth : C'est trop facile.

M. Alexander : Cela ne vous donne pas l'expérience, le contact direct avec le Canada, sur lequel repose la citoyenneté. C'est l'une des façons dont nous renforçons sa valeur.

L'autre façon, c'est de s'assurer que les règles sont respectées. Dans notre pays, la primauté du droit est essentielle et les institutions de justice sont très développées. La dernière chose que nous voulons, c'est que nos programmes d'immigration ou de citoyenneté fassent l'objet d'abus, d'où la nécessité de réglementer les activités des consultants en citoyenneté, de mettre en place des mesures d'intégrité et de révoquer la citoyenneté de ceux qui ont triché ou qui nous ont trompés. Tout cela se trouve ici.

Cela permet d'augmenter et de renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne. Pour être honnête, sénatrice, je crois que les Canadiens sont particulièrement fiers de leur citoyenneté, car nous avons bien réussi depuis la crise financière. Nous avons bien fait aux Jeux olympiques. Nous avons eu des raisons, récemment, d'être particulièrement fiers. Notre pays est relativement stable et pacifique comparativement à d'autres, même à certains qui l'étaient auparavant.

Voilà pourquoi la citoyenneté canadienne est particulièrement précieuse actuellement, selon moi, et pourquoi le renforcement de sa valeur fait presque l'unanimité. Nous protégeons la valeur de la citoyenneté canadienne et, lorsque c'est possible, nous la renforçons.

La sénatrice Seth : Merci beaucoup. C'était très intéressant.

Le président : Monsieur le ministre, il y a une question qui a été soulevée par les intervenants, et je n'arrive pas à bien comprendre pourquoi, pour tout dire. Nous avons entendu, même de la part des gens qui ont soulevé cette question, que la citoyenneté canadienne a une grande valeur dans le domaine de la citoyenneté, et ce, pour diverses raisons qui ont été expliquées durant nos séances — la valeur de notre société ouverte, nos lois, notre système judiciaire, le statut de citoyen canadien dans le monde.

Or, certaines de ces personnes disent que le fait de passer à quatre années sur six aura en quelque sorte pour effet de freiner le désir des gens de demander notre citoyenneté. Pourtant, d'après les données qu'on nous a fournies, notre critère de quatre années sur six se situe, au mieux, dans la moyenne — en fait, dans la moyenne inférieure — par rapport aux autres pays du monde.

Pourriez-vous m'aider à comprendre pourquoi cela freinerait le désir des gens? En fait, l'objectif est d'obtenir la citoyenneté afin d'être un Canadien vivant au Canada. Comment cela pourrait-il avoir une incidence? Je ne comprends tout simplement pas.

M. Alexander : Eh bien, je ne peux prédire l'avenir, mais on dit toujours que le passé est garant de l'avenir. En ce sens, tout ce que nous avons fait jusqu'ici pour améliorer l'intégrité de notre système d'immigration, réduire les arriérés, mettre fin aux abus et renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne au moyen des évaluations des connaissances et des compétences linguistiques, déjà resserrées par le gouvernement, au moyen du guide Découvrir le Canada et des mesures de révocation prévues pour établir qui a réellement résidé ici et qui ne l'a pas fait, et des mesures permettant de mettre fin aux abus... Chacune de ces mesures a contribué à faire augmenter le taux de demandes. Et je ne parle pas seulement du nombre de demandes — car nous accueillons plus d'immigrants que jamais auparavant —, mais d'un taux supérieur de demandes de citoyenneté et d'un taux supérieur de naturalisation.

Vous pourriez faire valoir que plus nous resserrons les règles — et nous les resserrons un peu en ce qui concerne les compétences linguistiques, la résidence, soit un an de plus —, plus cela devient attrayant. Les gens voient la valeur accrue de notre citoyenneté, et cela les attire encore davantage.

Vous avez raison. Comparativement à d'autres pays qui accueillent de nombreux immigrants, nous avons tout de même une restriction relativement mineure de résidence. Elle est identique à celle de l'Australie, qui impose un an de moins que celle des États-Unis et du Royaume-Uni. Bien d'autres pays d'Asie et d'Europe imposent des périodes de résidence beaucoup plus longues et des exigences linguistiques beaucoup plus strictes également.

[Français]

La sénatrice Chaput : Monsieur le ministre, le projet de loi C-24 apportera des changements majeurs au rôle des juges de la citoyenneté. Leur responsabilité était, entre autres, d'évaluer et de recommander des exemptions. Comment se fera la transition du rôle des juges de la citoyenneté? Est-ce qu'on aura encore de ces juges et que feront-ils?

M. Alexander : Oui, les juges sont encore là et ils sont en ce moment les seuls à pouvoir prendre certaines décisions quant à la citoyenneté. Dans le cadre du nouveau système prévu par ce projet de loi, il y aura un groupe plus important de fonctionnaires qui pourront prendre des décisions concernant la citoyenneté. Nous avons un nombre limité de juges; je crois que nous en avons 31,5, dont certains sont à temps partiel. Nous ne sommes pas en mesure de gérer le volume de demandes que nous recevons. Donc, le rôle des juges se poursuivra, mais les fonctionnaires pourront les épauler à cet égard.

À l'avenir, on prévoit un rôle beaucoup plus important pour les juges quant à la promotion de la citoyenneté. On veut qu'ils fassent la promotion des règles, des responsabilités et des connaissances linguistiques que la citoyenneté canadienne exige. Maintenant, ils n'ont tout simplement pas le temps de le faire auprès des écoles, des universités et d'autres auditoires.

Bien sûr, ils continueront à présider les cérémonies. Ils continueront à décider des cas difficiles où il y a des doutes quant à la période de résidence, par exemple, mais on les encouragera à réorienter notre réseau mondial pour faire la promotion du Canada et de la citoyenneté canadienne.

La sénatrice Chaput : De qui vont-ils relever? Dans le projet de loi, on mentionne les ministres, les fonctionnaires, mais aussi les juges.

M. Alexander : Le programme de la citoyenneté relève du ministère, par l'entremise du sous-ministre et du ministre. Mais les juges se rapportent à un juge en chef.

La sénatrice Chaput : Et ce sera encore le cas?

M. Alexander : Le juge en chef se rapporte à moi.

[Traduction]

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question de la révocation de la citoyenneté canadienne pour les personnes ayant une double nationalité — dont vous avez parlé plus tôt. D'entrée de jeu, je crois réellement que cela n'a que trop tardé. Je siège au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, et nous examinons actuellement la question de l'interdiction de territoire d'individus qui arrivent au pays. Le terrorisme soulève des préoccupations — le fait que nous l'importions ou non dans une certaine mesure.

Je veux revenir sur cette disposition. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y a eu très peu de cas — et nous avons beaucoup de chance — dans le passé où ce genre de situation s'est produite et où d'autres lois sont entrées en ligne de compte. Je crois qu'actuellement, on estime qu'il pourrait bien y avoir une trentaine de Canadiens — et selon certains observateurs bien informés, il pourrait y en avoir une centaine —, dont certains ayant la double citoyenneté, qui combattent dans des pays comme la Syrie.

J'aimerais simplement entendre vos observations en ce qui concerne l'avenir, étant donné que cela se produit maintenant dans notre société. À votre avis, cette disposition sera-t-elle encore plus importante, compte tenu de ce à quoi nous pourrions être confrontés sur le plan de l'importation de terroristes?

M. Alexander : C'est une question préoccupante, sénateur Lang, et je vous remercie de l'avoir soulevée.

Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a relativement peu de condamnations pour terrorisme, trahison ou espionnage au Canada, même au cours de toute une décennie. Mais vous avez raison : d'après les plus récents renseignements obtenus par notre agence de sécurité, une centaine de Canadiens auraient quitté le pays pour se joindre à des groupes terroristes dans une région ou une autre du monde. On pense qu'il pourrait également y en avoir une trentaine en Syrie. Certaines de ces personnes ont peut-être la double nationalité. Je dois dire que je ne suis au courant d'aucun cas. Il faudra se pencher sur cette question en temps et lieu.

Manifestement, le terrorisme continue d'être une menace importante pour l'ordre mondial, la paix et la sécurité internationales et l'existence de certains États. Il suffit de penser à l'Irak, dont la situation s'est probablement détériorée davantage durant cette séance; de grandes villes tombent entre les mains d'un important groupe terroriste lié à Al-Qaïda. Le Pakistan, l'Afghanistan, le Yémen, la Somalie et beaucoup de pays du Maghreb et du nord de l'Afrique sont confrontés à des menaces terroristes. Nous devons les prendre au sérieux.

Il nous faut continuer à protéger le Canada et il nous faut convaincre les Canadiens qu'ils n'ont rien à gagner à prendre part à ces combats, qui non seulement entraînent la mort de Canadiens — plusieurs ont été tués ces dernières années — et la mort de civils victimes des combats, mais qui renversent également l'ordre institutionnel dans des régions entières du monde. Le Moyen-Orient est bien différent de ce qu'il était en 2011, au début du printemps arabe.

Le sénateur Lang : Puis-je ajouter quelque chose à ce sujet? On peut dire sans se tromper que le Canada a changé également, compte tenu du fait même que nous tenons cette discussion publique.

Vous en avez parlé brièvement, mais peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur cette disposition qui concerne la révocation de la citoyenneté canadienne des personnes ayant une double nationalité. Selon vous, comment cela pourra-t-il dissuader les gens, à l'avenir, de participer à ce type d'activités?

M. Alexander : Cela nous ramène à la question de la valeur de la citoyenneté. Si nous pouvons dire à une jeune personne ayant la double nationalité — elle n'a pas à être jeune, mais certaines le sont... Et nous ne nous préoccupons pas seulement des Canadiens naturalisés; il existe un phénomène de terrorisme d'origine intérieure, dans lequel les gens peuvent être amenés à adhérer au message d'un groupe extrémiste, et ce, simplement en naviguant sur Internet.

À mon avis, si nous disons à ces personnes que si elles continuent dans cette voie dangereuse, elles perdront peut-être leur citoyenneté, cela aura un effet dissuasif. Je ne crois pas que l'ambiguïté soit de mise à ce chapitre; c'est pourquoi nous sommes prêts à considérer le terrorisme au même titre que la trahison, les combats contre les Forces canadiennes et les crimes les plus graves liés à l'espionnage, et à dire que ce sont des actes qui sont incompatibles avec la citoyenneté canadienne. Nous n'allons pas révoquer la citoyenneté des personnes qui n'ont qu'une seule citoyenneté, puisque nous ne pouvons pas rendre une personne apatride, mais les peines sont très lourdes dans ces cas, et nous avons mis en place de nouvelles peines pour le terrorisme, même en ce qui a trait au fait de quitter le pays afin de se livrer à des activités terroristes, et nous sommes prêts à les appliquer lorsque les preuves le justifieront.

Cette question préoccupe beaucoup les Canadiens. Je pense qu'ils sont très lucides en ce qui concerne le terrorisme. Ils ne veulent pas que nous exagérions ni que nous semions la peur. Ils veulent que nous soyons raisonnables et réalistes quand nous examinons la situation dans le monde. Selon moi, ils comprennent qu'il s'agit d'une menace réelle et que nos lois doivent refléter la gravité de cette menace et empêcher par tous les moyens que les Canadiens ne fassent partie du problème du terrorisme.

Le président : Merci. Monsieur le ministre, votre comparution aujourd'hui montre clairement à quel point il est important et utile que le ministre comparaisse devant un comité sénatorial à propos de toute mesure législative. C'est une chose que le comité prend très au sérieux. Comme vous l'avez constaté, nous sommes portés, compte tenu de notre expérience, à inviter le ministre à comparaître en dernier plutôt qu'en premier, comme on le fait habituellement. Je pense que la séance d'aujourd'hui illustre très bien la pertinence de cette méthode, car durant nos audiences, les gens soulèvent des questions auxquelles seulement les personnes qui ont joué un rôle direct relativement à ce projet de loi peuvent répondre avec crédibilité.

C'est le cas ici pour ce projet de loi; presque tous les témoins qui ont comparu devant nous ont convenu qu'il était plus que temps d'apporter des changements, mais ils ont soulevé des questions importantes, dont nous avons discuté aujourd'hui. L'une de celles qui ont suscité le plus de discussions et d'émotion, c'est l'idée que sitôt on obtient sa citoyenneté et qu'on décide d'aller poursuivre des études à Harvard, on perd sa citoyenneté canadienne. Il est difficile pour moi de comprendre comment on pourrait faire cela dans un monde moderne et une société démocratique comme la nôtre. Quoi qu'il en soit, avant que le sens et l'intention du projet de loi ne soient clairement interprétés, nous devons nous fier à ce que nous entendons d'une manière générale. Nous entendons maintenant ceux qui ont collaboré de près à l'élaboration du projet de loi et qui en comprennent les détails.

J'espère que vos réponses ont aidé les membres du comité à prendre leur décision finale en ce qui concerne ces questions importantes. De mon point de vue, vous nous avez fourni une aide extrêmement précieuse aujourd'hui en ce qui concerne toutes ces questions. Je remercie sincèrement les fonctionnaires qui sont assis à la table avec vous, et je sais qu'il y a d'autres fonctionnaires dans la salle qui auraient pu répondre à des questions plus larges dans ces domaines. Je tiens à les remercier également de leur présence.

Avez-vous d'autres observations à formuler, monsieur le ministre, avant que je lève la séance?

M. Alexander : Je dirai simplement que nous devrions tous être reconnaissants envers ceux qui travaillent dur dans le domaine de la citoyenneté à CIC. Ils ont déjà atteint d'excellents résultats cette année, soit l'attribution de la citoyenneté à 100 000 personnes dans les cinq premiers mois de l'année, grâce aux investissements et aux préparatifs liés aux dispositions de ce projet de loi.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président, et à remercier aussi tous les autres sénateurs. La qualité des discussions à votre comité et aux autres comités sénatoriaux parle d'elle-même. C'est un plaisir d'être ici, et ces échanges sont très enrichissants. Nous vous souhaitons bon succès pour le reste de vos travaux ici et au Sénat.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Je tiens à remercier mes collègues pour ces séances. Nous sommes impatients de nous pencher sur le projet de loi durant l'étude article par article, qui sera notre dernière occasion d'en discuter. Sur ce, monsieur le ministre, merci encore.

(La séance est levée.)


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