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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 22 - Témoignages du 30 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, pour examiner, afin d'en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je viens de la Nouvelle-Écosse. Je préside le comité et je vais inviter mes collègues à se présenter eux-mêmes.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, Ontario, vice-président du comité.

Le président : L'ordre de renvoi émanant du Sénat du Canada nous invite à poursuivre notre examen de l'incidence croissante de l'obésité au Canada, de ses causes, de ses conséquences et des solutions d'avenir.

Nous allons entendre deux témoins ce matin. Je vais les présenter lorsque je les inviterai à prendre la parole. Après leurs exposés, vous pourrez poser vos questions.

J'invite pour commencer M. James DiNicolantonio, docteur en pharmacie et chercheur en santé cardiovasculaire, Preventive Cardiology, du Saint Luke's Mid America Heart Institute. Nous sommes ravis de vous avoir avec nous et je vous invite à présenter votre exposé.

James DiNicolantonio, docteur en pharmacie et chercheur en santé cardiovasculaire, Preventive Cardiology, Saint Luke's Mid America Heart Institute : Merci. Je m'appelle James DiNicolantonio. Comme vous l'avez dit, je suis un chercheur en santé cardiovasculaire au département de cardiologie préventive du Saint Luke's Mid America Heart Institute, Kansas City, au Missouri. Je suis également docteur en pharmacie. Le sujet dont je vais parler aujourd'hui concerne les glucides raffinés et les sucres ajoutés en tant que principaux facteurs de l'obésité.

La plupart d'entre nous connaissent bien la croyance dominante au sujet de la cause et du traitement de l'obésité. Elle est axée sur les calories. Nous mangeons trop et nous ne faisons pas suffisamment d'exercice. Cela nous place dans un équilibre calorique positif qui cause l'obésité; l'obésité doit donc se traiter en limitant le nombre des calories consommées et en faisant davantage d'exercice.

Le problème que pose le raisonnement axé sur les calories est qu'il part de l'idée que pour perdre du poids, il suffit de consommer moins de calories que celles que l'on brûle et que toutes les calories sont équivalentes. Peu importe le genre d'aliment que vous mangez. Qu'il contienne principalement du gras, des protéines ou des glucides, cela ne fait aucune différence. Que vous mangiez 1 000 calories de saumon ou de riz blanc, vous allez perdre du poids pourvu que vous limitiez le nombre des calories consommées. Bien sûr, lorsque vous limitez les calories consommées, votre métabolisme ralentit, ce qui va à l'encontre du but initial de la décision de limiter les calories. De plus, les gras favorisent la sensation de satiété, alors que les glucides raffinés et les sucres ajoutés favorisent la faim. L'argument fondé sur les calories ne tient donc pas compte de ces considérations liées au métabolisme.

Il existe aujourd'hui une pléthore d'études qui démontrent que le fait de limiter les glucides sans limiter les calories entraîne une perte de poids prolongée et surtout, une perte de poids qui touche principalement les graisses. L'exemple classique est l'étude de M. Alfred Pennington de 1949. Il a pris des membres de la haute direction de la société DuPont qui souffraient d'embonpoint et leur a fait suivre un régime faible en glucides. Ces personnes consommaient plus de 3 000 calories par jour et en réduisant les glucides, elles ont réussi à perdre près de deux livres par semaine.

Il y a un autre point de vue sur l'obésité. La consommation de glucides raffinés et de sucres ajoutés, ainsi que de sirop de maïs riche en fructose, modifie notre physiologie et nos hormones, ce qui est à l'origine d'un état de privation interne. Et c'est cette privation interne qui nous amène à manger davantage et à faire moins d'exercice. Pour l'essentiel, le fait de manger davantage et de faire moins d'exercice n'est pas la cause de l'obésité; c'est un effet secondaire qui découle de la surconsommation de ces types d'aliments.

Un exemple du fait que les hormones sont à l'origine de ces problèmes qui touchent le stockage des graisses est que ces glucides raffinés et sucres ajoutés causent une insulinorésistance, ce qui élève le taux d'insuline, une hormone. Lorsque cela se produit, si vous prenez deux personnes dont l'une a un niveau d'insuline élevé, cette personne accumulera davantage de graisses qu'une personne qui n'a pas un niveau d'insuline élevé, même si les deux consomment le même nombre de calories.

L'exemple parfait est celui d'un adolescent au moment de la puberté. Il grandit plus rapidement parce que ses hormones ont changé. Est-il vraiment difficile de croire que notre alimentation peut modifier nos hormones et nous faire grossir?

Un autre exemple du fait que ces aliments nous amènent à accumuler des graisses est que les niveaux élevés d'insuline ont pour effet d'accumuler les graisses dans les protéines de sorte que notre corps ne peut libérer cette source d'énergie pour l'utiliser, ce qui crée un état de semi-privation. De plus, l'insulinorésistance ne permet pas au glucose de pénétrer aussi facilement dans les cellules, et nos cellules sont littéralement en état de semi-privation; c'est la raison pour laquelle nous mangeons trop.

Un autre aspect des niveaux d'insuline élevés causés par la consommation de ces aliments est que ces niveaux ont pour effet de réduire la combustion des graisses et par conséquent, nous amènent à prendre du poids. Enfin, un niveau élevé d'insuline cause une résistance à la leptine. La leptine est l'hormone que libèrent nos cellules graisseuses et qui dit à notre cerveau que nous avons suffisamment d'énergie, que nous pouvons nous arrêter de manger; nous pouvons commencer à faire de l'exercice. Ce chemin est moins marqué lorsque l'on consomme trop de ce genre d'aliments.

Nous allons maintenant parler de la façon dont nous en sommes arrivés à la situation actuelle. Il y a environ 200 ans, nous consommions seulement quatre livres de sucre ajouté par année, par personne. Nous consommons aujourd'hui, aux États-Unis, jusqu'à 151 livres de sucre raffiné par année. Nos corps ne sont pas faits pour absorber une telle quantité de sucre.

Nous possédons des quantités considérables de données, y compris celles de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) (Enquête nationale sur la nutrition et la santé) qui établissent clairement que l'augmentation de l'obésité et du diabète aux États-Unis à partir de 1960 a été causée pratiquement à 100 p. 100 par l'augmentation de la consommation des glucides. Pendant cette époque, les graisses saturées n'ont pas augmenté. Nous consommions environ 375 grammes de glucides en 1960, quantité qui est passée à plus de 500 grammes après 1995. Pendant cette période, l'obésité a doublé passant de 13 à plus de 26 p. 100.

Il existe des études d'association qui montrent que les boissons sucrées augmentent l'indice de masse corporelle ainsi que l'obésité et une expérience prospective consistant à suivre 548 enfants a montré que, pour chaque portion supplémentaire de boisson sucrée, l'IMC augmentait de façon significative et que la fréquence de l'obésité augmentait également de façon significative.

Lorsque nous examinons les expériences portant sur des personnes qui choisissent librement leurs aliments, voici ce qui se passe dans la réalité, les gens boivent et mangent ce qu'ils veulent et autant qu'ils veulent. Quand on leur fournissait du sucre — dans cette étude particulière, on leur donnait des boissons gazeuses — ces gens augmentaient leur poids corporel de façon significative, alors que ceux qui ne recevaient pas de boissons gazeuses ou recevaient des boissons gazeuses avec un édulcorant artificiel perdaient du poids. Tous les patients faisaient l'objet de trois interventions, on leur donnait accès à des boissons gazeuses, à des boissons gazeuses avec édulcorant artificiel ou à aucune boisson gazeuse, et ce, pendant trois semaines.

Si nous leur avions proposé 500 calories de poulet, pensez-vous que leur poids aurait augmenté? Le but de cette expérience était de démontrer que, lorsque l'on donne à quelqu'un accès à du sucre et à des boissons gazeuses, cette personne prend du poids.

Au cours de la même expérience, lorsqu'on fournissait à ces personnes des boissons gazeuses, elles consommaient près de 400 fois plus de calories que si on ne leur offrait pas de boissons gazeuses. Elles consommaient au cours d'une journée 500 calories de plus que celles à qui l'on donnait des boissons-diètes. En fin de compte, lorsque nous augmentons notre consommation de boissons sucrées, cela augmente notre consommation totale de calories, ce qui démontre que les boissons sucrées nous amènent à consommer davantage de calories.

Ceux qui soutiennent que le sucre n'est pas plus dangereux que d'autres types d'aliments, lorsqu'on compare sa teneur en calories, ce qui est également faux, ne comprennent pas le problème. Si une calorie n'était qu'une calorie, peu importerait l'aliment consommé. La consommation totale de calories devrait être la même tout au cours de la journée, mais lorsque les hommes et les femmes ont commencé à boire des boissons gazeuses, ils ont commencé également à consommer davantage de calories.

Il y a une autre expérience qui appuie cet argument; c'est une étude ad libitum d'une population ayant libre choix; ces personnes pouvaient manger et consommer tout ce qu'elles voulaient. Quand on leur offrait du sucre, elles augmentaient de façon significative leur gras corporel. Elles ont pris trois livres et demie en 10 semaines, dont trois livres étaient de la graisse, alors que celles à qui on donnait des édulcorants artificiels avaient perdu du poids.

Qu'est-ce qui explique les résultats de cette expérience? Ceux à qui l'on fournissait du sucre ont augmenté de façon significative leur consommation totale de calories par rapport au montant de base. Ces personnes ont commencé à consommer plus de 350 calories de plus par jour. Elles ont augmenté de plus de 600 calories par jour leur consommation de calories par rapport au groupe qui utilisait des édulcorants artificiels. C'est ce qui arrive dans une population à libre choix. Pour l'essentiel, la personne qui consommait auparavant 2 350 calories, en consommait désormais 2 700 par jour, si on lui fournissait du sucre.

Ces études ne sont pas des aberrations. Dans une méta analyse de 2012, publiée dans le British Medical Journal, effectuée par Lisa Te Morenga et ses collègues, les chercheurs ont réuni 15 expériences aléatoires et contrôlées d'études ad libitum, qui démontraient clairement que l'augmentation de la consommation de sucre entraînait une prise de poids. Lorsque l'on réduit le sucre, le poids corporel diminue.

Nous allons maintenant parler des conflits d'intérêts avec l'industrie alimentaire. Il s'agissait d'un examen systématique, ce qui veut dire que cette analyse combinait toutes les expériences précédentes, et lorsque les chercheurs ont examiné toutes les expériences où il y avait des conflits d'intérêts financiers avec l'industrie alimentaire, 83,3 p. 100 de ces études montraient qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour établir une association positive entre les boissons sucrées, la consommation et le gain de poids. Par contre, lorsque les chercheurs ont examiné les expériences qui n'étaient pas associées à des conflits d'intérêts avec l'industrie alimentaire, ils ont constaté exactement le contraire — 83,3 p. 100 des études faisaient état d'une association positive avec le gain de poids.

En résumé, la situation de conflit d'intérêts avec l'industrie alimentaire touche de façon significative l'association des boissons sucrées avec le gain de poids.

Voilà qui termine mon exposé. Je vous remercie.

Timothy Caulfield, Chaire de recherche du Canada, Health Law Institute, Université de l'Alberta : Merci de m'offrir la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Il s'agit là d'un sujet extrêmement important et je suis très heureux que le gouvernement canadien ait décidé de s'en occuper.

Je vais principalement parler d'options stratégiques et de ce que les faits nous disent au sujet des options stratégiques.

Je propose, comme je l'explique dans mon mémoire, trois améliorations possibles et trois choses auxquelles il faudrait, d'après moi, accorder moins d'importance ainsi que les raisons pour lesquelles il faudrait réduire cette importance.

Comme vous l'avez probablement déjà entendu et le savez déjà, il s'agit là d'un problème très complexe qui fait appel à une approche multivolets pour ce qui est d'une perspective stratégique. Il faudra que les gouvernements régionaux, provinciaux et fédéral coordonnent leurs efforts et qu'ils utilisent toute une gamme d'outils juridiques.

L'histoire nous apprend que les outils juridiques donnent de bons résultats dans ce domaine, si nous pensons à des choses comme le tabagisme et l'alcool. Les outils juridiques ont démontré leur efficacité. Malheureusement, encore une fois, et je suis sûr qu'on vous l'a déjà dit, l'obésité est un phénomène beaucoup plus complexe que, disons, le tabagisme. Nous mangeons tous, nous avons tous besoin de manger; c'est un geste culturel et il est, par conséquent, difficile de modifier le comportement des gens dans ce domaine.

En outre, je suis une personne qui aime se baser sur les faits. Je privilégie les stratégies fondées sur des faits. Cet aspect est au cœur de mon travail d'expert en politiques de santé, de sorte que je trouve ce domaine très frustrant parce qu'il existe très peu d'études portant sur l'efficacité des outils juridiques.

C'est pourquoi il me paraît difficile de faire des recommandations définitives au sujet des outils réglementaires qu'il faudrait privilégier. Mais encore une fois, comme tous ceux qui sont dans la salle le savent, le problème est grave et nous devons faire quelque chose. C'est la raison pour laquelle j'estime que les recommandations que je vais présenter maintenant reposent sur des faits et qu'en outre, les conséquences imprévues de ces décisions stratégiques pourraient être positives qu'elles entraînent ou non une perte de poids au sein de notre population.

De plus, il est important de le savoir, et cela vient compléter des choses qu'on vous a déjà dites, vous savez probablement que les données relatives à la perte de poids sont sombres, si l'on se place au niveau de la population. Il est très difficile d'amener une population à perdre du poids. D'après une étude récente publiée dans Lancet, il n'y a pratiquement aucun pays qui ait réussi à réduire le taux d'obésité de sa population. Je pense néanmoins que nous devons tout de même intervenir.

Je pourrais vous présenter toute une série de recommandations, comme je le dis dans mon mémoire; je veux simplement démarrer la conversation en vous en présentant quelques-unes. La première recommandation est solide et nous disposons de données qui justifient sa mise en œuvre; à savoir, limiter la vente aux enfants de certains aliments, et en particulier la malbouffe.

Il existe de solides études qui démontrent que la publicité influence les préférences des enfants en matière d'aliments; elle influence ce que mangent les familles. Cet ensemble d'études est très solide. Il existe également certaines données qui démontrent que limiter la publicité peut influencer ces préférences, et certaines d'entre elles sont canadiennes.

Une de mes conclusions générales est que ces stratégies devraient amener le Canada à s'orienter vers une culture favorisant une alimentation saine, un mode de vie sain, et même si une telle orientation n'avait pas un effet spectaculaire sur l'obésité, ce serait une décision sage pour les enfants.

La deuxième recommandation, et elle s'intègre très bien avec le dernier exposé que vous avez entendu, consiste à taxer les boissons sucrées. Comme vous l'avez entendu, il existe de nombreuses études qui démontrent qu'il existe au moins une corrélation, et une association entre la consommation de boissons sucrées et le gain de poids. C'est une question dont je ne suis pas sûr de la réponse, parce que les études qui portent sur l'utilité de la lutte contre les boissons sucrées sont contradictoires. Les données sont quelque peu contradictoires, mais je pense que, dans l'ensemble, elles montrent que c'est bien une direction positive. Il existe des données relativement récentes qui proviennent du Mexique, un pays qui vient d'imposer une taxe de 10 p. 100 sur ces boissons et qui montrent que cette taxe peut avoir un impact positif sur la consommation de ces boissons.

Le problème bien sûr, comme un grand nombre de témoins l'ont peut-être déjà fait remarquer, est que nous ne savons pas si cela aura vraiment un effet sur les taux d'obésité. Nous savons que cela va entraîner une réduction de la consommation de ces boissons. Je suis optimiste par nature. J'aime croire que cela aura éventuellement un effet à long terme, mais nous ne le savons pas encore. Il y a aussi le risque que par compensation, les gens délaissent les boissons gazeuses pour consommer d'autres boissons malsaines. Ce sont là des choses qu'il faudrait surveiller.

Ma troisième recommandation — je triche un peu ici parce qu'elle est de nature très générale — est qu'il faut adopter des stratégies. C'est pourquoi tous les paliers de gouvernement doivent s'entendre pour coordonner leurs efforts. Nous devons adopter une stratégie qui aura pour effet de créer des environnements alimentaires sains. Cela englobe tout, depuis les hôpitaux, jusqu'aux écoles, aux universités où nous faisons la promotion d'une alimentation saine et si nous ne pouvons pas le faire au palier gouvernemental, il sera alors très difficile de mettre en œuvre une telle stratégie au niveau plus vaste de la société.

Encore une fois, il existe des données qui font ressortir l'importance — et cela s'harmonise avec le dernier exposé — d'avoir facilement accès à des aliments sains. Il existe certaines études qui montrent que les gens qui ont accès à des aliments sains risquent davantage de faire des choix sains. Cela s'appuie sur toute la recherche qui a porté sur la notion d'améliorations progressives, et c'est là une amélioration importante.

Comme je l'ai dit au début, ce que nous voulons promouvoir, d'une façon générale, est un mode de vie sain, une approche saine à notre manière de vivre. Peu importe que les gens perdent ou non du poids par la suite, toutes ces suggestions, et j'en ai d'autres, sont justifiées.

Je vais maintenant aborder trois aspects plus controversés dont nous devrions réduire l'importance. Je crains que la promotion de ces trois messages introduise de la confusion dans la discussion et dans les débats au sujet des stratégies en matière d'obésité.

Il y a tant de mythes au sujet de notre culture alimentaire. Cela est ridicule et m'irrite beaucoup. Il y a tellement de mythes; il y a tellement de régimes stupides; il y a tellement de mythes sur la meilleure façon de perdre du poids et le gouvernement doit diffuser un message simple et concret au sujet de ce que devraient manger les Canadiens.

Le premier mythe est l'idée que l'exercice est la première solution pour perdre du poids. Là encore, cela s'intègre très bien au dernier exposé que vous venez d'entendre.

L'exercice est effectivement une des meilleures choses que l'on puisse faire pour sa santé. Cela est certain. En fait, je dirais que faire de l'exercice et cesser de fumer sont peut-être les deux choses les plus importantes que l'on puisse faire pour être en bonne santé, mais il n'existe pas beaucoup d'études qui démontrent que l'exercice est une excellente stratégie pour perdre du poids. Nous pouvons parler de cet aspect. C'est là une affirmation quelque peu controversée. Je ne pense pas qu'elle soit controversée dans les études universitaires; elle est davantage controversée dans les articles des magazines populaires parce qu'il y a cette idée que c'est la bonne façon de perdre du poids. Une des raisons pour laquelle cela me paraît aussi important, c'est que l'industrie alimentaire risque de mettre de l'avant l'idée que l'on peut perdre du poids en faisant uniquement de l'exercice, et que l'on peut ainsi continuer à consommer des choses comme le Coca-Cola. Faites une demi-heure d'exercice et buvez un Coca-Cola, voilà le genre de message qui peut perdurer si nous ne faisons rien à propos de ce mythe.

Le deuxième est également, à mon avis, controversé. C'est l'idée d'utiliser l'information génétique, la génétique et les solutions de haute technologie pour résoudre le problème. Il existe à l'heure actuelle une grande tendance vers la personnalisation de la médecine. Cela me paraît être une évolution fantastique. Il se fait beaucoup de recherches très intéressantes dans ce domaine. Mais il existe très peu de données qui permettent d'affirmer que nous pouvons utiliser des solutions axées sur la haute technologie, comme la génétique, pour résoudre le problème de l'obésité dans la population.

Premièrement, il existe à l'heure actuelle très peu de données qui montrent que les analyses génétiques permettent de prédire utilement le risque d'obésité. Il est tout à fait exact que l'obésité a une composante génétique, mais avec la technologie actuelle, cette composante n'a pas une grande valeur prédictive. Deuxièmement, et probablement surtout, il existe très peu de preuves montrant que les gens changent leur comportement à cause de renseignements indiquant un risque génétique, même si les gens croient souvent qu'ils le feront.

Le dernier élément est celui qui est le plus important ici. Je crains qu'accorder de l'importance à ces solutions de haute technologie avec des choses comme la génétique diminue l'importance que nous accordons à la nécessité de changer la société.

Le troisième aspect dont je vais parler est le fait que l'on mentionne constamment et partout les régimes spéciaux, les suppléments et les régimes bidon. On pourrait penser que cet aspect ne devrait pas être abordé comme sujet de discussion avec le comité, mais il me paraît important. Les gouvernements du monde entier pourraient être plus agressifs en exigeant la vérité dans la publicité, par exemple, pour lutter contre le genre de fausses informations que fait circuler l'industrie des régimes de perte de poids. Il y a des études qui indiquent que les gens arrêtent d'écouter lorsqu'on les bombarde de tous ces renseignements contradictoires au sujet des régimes et de la nutrition.

Cela me ramène à une remarque que j'ai faite il y a un instant. Je suis convaincu qu'il faut que le gouvernement canadien diffuse un message sain, cohérent et clair sur ce qu'est un régime sain et à quoi ressemble un mode de vie sain. Ce devrait être là le but principal : la promotion d'un mode de vie sain.

Je vais m'arrêter ici et j'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Caulfield.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie tous les deux pour vos exposés. Je vais d'abord m'adresser à M. DiNicolantonio, qui vient apparemment de Kansas City. J'espère que les gens de cette ville ne sont pas trop tristes après la partie de baseball d'hier soir. Cette équipe a connu une bonne année, meilleure que mon équipe de Toronto.

Vous semblez dire que toutes les calories ne se valent pas. Avec certaines calories, vous ne perdez pas de poids alors que d'autres calories pourraient vous aider à le faire. Vous avez parlé de réduire les glucides au cours de votre exposé, ce qui ressemble à de nombreux régimes, comme celui du Dr Atkins et de certains autres qui l'ont suivi. Votre message central est-il qu'il ne suffit pas de surveiller les calories, mais également de surveiller le genre d'aliments consommés?

M. DiNicolantonio : C'est exact, ce sont ces glucides qui s'absorbent très rapidement. Je ne parle pas des légumes, des lentilles et des aliments vrais et sains qui contiennent beaucoup de glucides naturels qui se décomposent lentement, qui viennent avec des fibres et tous ces autres minéraux et vitamines qui sont bons pour la santé. Je faisais référence aux glucides qui s'absorbent rapidement, notamment la bière, mais en particulier, à des substances comme le miel. Les jus de fruits ne sont pas non plus à écarter, ni les sirops, comme le sirop d'agave s'ils contiennent du fructose. Le fructose est une molécule qui a non seulement pour effet de favoriser la résistance à l'insuline, mais qui crée également une très forte dépendance. Les études faites sur les animaux montrent qu'ils préfèrent le sucre à la nicotine et à la cocaïne. S'ils mangent des aliments qui leur conviennent bien et que vous ajoutiez ensuite du sucre, de nombreuses études ont démontré qu'ils vont mal se nourrir jusqu'à en mourir parce qu'ils consomment trop de sucre. Le sucre crée une dépendance et nous amène à trop en consommer. Mon enfant me demande du sucre, jamais des protéines ou des graisses. Le sucre crée un état de manque; il fait apparaître des symptômes de sevrage et entraîne une consommation excessive de cette substance. On ajoute ces substances à nos boissons et à nos aliments; 80 p. 100 des aliments vendus dans les supermarchés aux États-Unis contiennent du sucre ajouté, c'est donc une question grave.

Le sénateur Eggleton : Merci. Voilà qui est très clair.

Vous avez tous les deux utilisé l'expression « boissons sucrées ». Cela semble indiquer, d'après moi, que vous parlez non seulement des boissons sucrées, mais également des édulcorants artificiels. Parlez-vous des deux? Parmi les édulcorants qui sont sur le marché, y en a-t-il qui sont meilleurs que d'autres? Il y en a un certain nombre qui sont apparus et qui ont disparu et maintenant, la dernière mode semble être d'utiliser le stévia pour remplacer le sucre. Il n'y a pas de consensus clair au sujet de l'innocuité de ces produits. Quel est votre avis sur cette question?

M. DiNicolantonio : Pour ce qui est de l'innocuité, je ne pense pas qu'il existe des études à long terme qui nous permettent de dire ce qui est sans danger et ce qui ne l'est pas. Lorsque je fais référence aux sucres ajoutés, je fais référence aux édulcorants qui contiennent une substance appelée fructose. Le sucre ordinaire, que l'on appelle également le sucrose, contient 50 p. 100 de fructose et 50 p. 100 de glucose. S'il contient du fructose, il entraîne une résistance à l'insuline et tous ces effets secondaires sur le métabolisme. Le fructose est principalement métabolisé par le foie et le foie ne peut le métaboliser sans éventuellement entreposer des graisses. Le glucose peut être métabolisé dans l'ensemble du corps. Lorsque je parle de boissons sucrées, je fais également référence aux boissons sportives comme le Gatorade et aux boissons du genre limonade qui contiennent ce sucre, ce sirop de maïs à taux de fructose élevé. Il ne s'agit pas uniquement des boissons gazeuses, mais de toutes celles qui contiennent du fructose.

M. Caulfield : C'est une excellente question. Je vais l'examiner du point de vue des stratégies. Cela crée un réel problème pour les stratégies parce qu'il y en a tellement qui visent les boissons gazeuses. Le problème, comme vous venez de le faire remarquer, est que les jus de fruit ont le même effet. Je dirais que les jus de fruit sont tout simplement des boissons gazeuses sans les bulles. En fait, je dirais, comme l'a déjà fait remarquer M. DiNicolantonio, que les calories liquides d'une boisson ne donnent pas la même sensation de satiété. Les gens ne sentent pas qu'ils ont assez bu. Du point de vue des stratégies, il me paraît délicat de taxer ces boissons, parce que je pense que ces boissons énergétiques sont aussi mauvaises que le Coca-Cola dans ce domaine. Il ne faudrait pas penser uniquement aux boissons gazeuses. Nous devons réfléchir aux répercussions sociales des calories sous forme liquide, en général.

Le sénateur Eggleton : Je m'interroge également sur la meilleure façon de mesurer l'obésité. On utilise plus fréquemment l'IMC que les autres mesures. Certains disent que le tour de taille est la mesure qui permet de savoir qui est en surpoids et qui est obèse. Quel est votre avis sur cette question?

M. DiNicolantonio : Je pourrais commencer par dire que si vous voulez une mesure simple, c'est le rapport tour de taille et tour de hanche qui est le meilleur. Mais ici nous parlons en réalité de la graisse qui entoure nos organes et non pas de la graisse sous-cutanée. Nous savons, à partir des expériences de Kimber Stanhope, que le fructose cause l'adiposité viscérale. C'est la graisse que vous ne pouvez pas voir. Elle se trouve sous votre cavité abdominale. Elle est située dans la cavité péritonéale. Vous ne pouvez la voir que par IRM.

Nous parlons de la graisse corporelle, mais nous ne pouvons pas la voir. Les graisses s'introduisent dans le foie, dans nos reins et dans notre pancréas. Les graisses s'accumulent dans nos muscles. Comment pouvons-nous suivre tout ceci? Si nous parlons de poids corporel, nous pouvons nous muscler et prendre ainsi du poids, mais nous serons en bonne santé. Nous pouvons perdre du poids, mais nous pourrions en fait avoir davantage de graisse et moins de muscle. Il ne faut vraiment pas parler de ce phénomène en termes de kilos. L'IMC est une très mauvaise mesure parce qu'une personne peut être musclée, de petite taille et très en forme, mais elle serait considérée comme n'étant pas en bonne santé. Il faut aller au-delà de l'IMC. Le rapport taille et hanches est un peu plus précis. Le tour de taille reflète jusqu'à un certain point l'adiposité viscérale, mais pas toujours. Bien sûr, nous n'allons pas utiliser l'IRM pour tout le monde pour mesurer l'embonpoint, mais c'est la question. On parle de quelqu'un qui est maigre à l'extérieur et qui a de la graisse à l'intérieur. C'est ce que fait le fructose.

M. Caulfield : Vous allez entendre très souvent ce genre de message et c'est une excellente chose que ce soit toujours le même message. Je pense également que mon collègue vous dirait que, d'une façon générale, cette mesure n'est pas un bon indice de la santé lorsqu'on l'applique chez les individus. L'IMC est utile pour la recherche sur la santé de la population et c'est une mesure pratique pour comparer des pays, des populations, et peut-être même lorsque l'on mesure l'efficacité de la mise en œuvre d'une stratégie donnée ou même d'une stratégie. Je pense que l'IMC est toujours utile au niveau de la population, mais le secteur de la recherche reconnaît de plus en plus que ce n'est pas une mesure efficace de la santé de l'individu.

Il y a un exemple que je prends toujours, c'est celui des Jeux olympiques et du départ de la finale du 100 mètres; ces coureurs sont peut-être les êtres humains les plus en forme de la planète terre, mais du point de vue de l'IMC, ils sont probablement tous obèses ou en surpoids. Sur une base individuelle, on peut utiliser d'autres mesures. L'IMC conserve son utilité pour mesurer le niveau épidémiologique d'une population.

La sénatrice Stewart Olsen : M. DiNicolantonio, j'aimerais préciser quelque chose qui est un peu difficile pour nos spectateurs et c'est votre emploi du mot « boisson gazeuse ». Dans certaines de vos diapositives, il n'y a que le mot « boisson gazeuse ». Parlez-vous des boissons gazeuses sucrées et des Coca-Cola sucrés? Je sais que vous avez parlé de boissons gazeuses diètes ou non sucrées.

M. DiNicolantonio : C'est en fait la terminologie qui était utilisée dans cette expérience, mais il est évident que je fais référence à n'importe quel type de calorie sous forme liquide qui contient du fructose. Le problème est en fait là.

La sénatrice Stewart Olsen : M. Caulfield, je crois que cette étude va sans doute être une des études les plus déprimantes que nous ayons jamais effectuées, parce que pour certaines personnes, le seul plaisir dans la vie est celui de manger.

J'essaie d'imaginer comment nous pourrions réglementer ce qui est essentiellement un besoin fondamental. Les gens vont très mal accepter ce genre de chose — perdre leur liberté. Je sais que vous êtes en faveur de mesures de ce genre, mais cela me parait difficile. Avez-vous des idées?

M. Caulfield : Vous avez raison. Chaque fois que l'on propose ce genre d'interdiction ou de réglementation, il y en a qui crie « liberté » et « nounoucratie ». Vous avez vu la situation à New York, et peut être aujourd'hui en Californie, parce qu'on parle de taxer les boissons gazeuses. On a connu la même chose au Mexique et cela a suscité un mouvement de résistance.

Dans le monde entier, on a tenu des groupes de discussion et effectué des enquêtes. D'une façon générale, les gens sont légèrement favorables à ce genre de mesures. C'est une des raisons pour lesquelles des idées comme le « mythe génétique » m'inquiètent. Il y a une étude effectuée à Yale qui montre que, si l'on présente l'obésité comme un problème individuel ou comme une maladie, les gens ont moins tendance à accepter l'intervention du gouvernement ou les stratégies gouvernementales. Cela s'appelle jouer sur la présentation du phénomène. S'il est présenté comme un problème social plus large, alors les gens sont davantage enclins à l'accepter.

Dans ce domaine, il existe, d'une façon générale, un appui assez large pour les interventions du gouvernement et on a effectué des études précises sur des mesures comme l'interdiction du marketing visant les enfants. Ce genre de mesure est généralement bien accepté. Les taxes ont également été relativement bien acceptées. La résistance devient plus forte lorsque le gouvernement refuse certaines choses à la population, lorsque cela devient une interdiction générale ou lorsque le gouvernement dit que la population ne peut plus manger tel aliment.

C'est un défi, mais à l'heure actuelle, il existe un consensus assez large en faveur de l'intervention du gouvernement dans ce domaine, en particulier lorsqu'on essaie de pousser la population dans une direction, ce qui revient à faire la promotion des choix santé et que le gouvernement ne dit pas : « Vous ne pouvez pas avoir accès à cet aliment. »

La sénatrice Stewart Olsen : Nous commençons à entendre deux messages : nous ne voulons pas stigmatiser les obèses, mais nous ne voulons pas que les gens soient obèses. C'est là un grave problème. C'est ce que nous avons essayé de faire lorsque nous avons taxé les cigarettes. Cela n'a pas fonctionné. La seule chose qui ait vraiment donné des résultats avec le tabagisme a été la pression exercée par les pairs et le fait que les gens ont commencé à dire : « Ne m'envoie pas ta fumée dans le visage. » Je ne sais pas très bien comment nous allons pouvoir régler tout cela.

M. Caulfield : C'est une question vraiment superbe et je souris parce que, dans mon mémoire, j'ai une section qui traite du biais anti surpoids. Je l'ai sautée parce que je ne voulais pas mentionner trop de choses et que je voulais que mon message demeure simple.

Vous avez raison. Le biais anti surpoids est une des raisons, parmi de nombreuses autres, qui fait que cette question est très complexe. Il ne faut pas blâmer l'individu, mais l'individu fait partie de l'ensemble. Les choix des individus font partie de l'ensemble. C'est un véritable défi. Il y a également des études qui ont montré que le renforcement de la stigmatisation, comme l'augmentation du biais anti surpoids, complique les choses pour les personnes qui veulent perdre du poids.

La sénatrice Stewart Olsen : Absolument.

M. Caulfield : C'est un défi phénoménal. C'est pourquoi il faut promouvoir les modes de vie sains. Je pense que le gouvernement peut jouer ce rôle.

Il existe des données sur la question forme ou surpoids et M. DiNicolantonio pourrait vous en parler; si vous adoptez un style de vie sain, que vous perdiez du poids ou non, vous serez en meilleure santé. Si vous êtes plus actif, mangez davantage de fruits, de légumes et de céréales entières, alors vous serez en meilleure santé que vous perdiez du poids ou non. La population sera en meilleure santé. J'ai toujours tendance à favoriser les stratégies qui font la promotion d'un mode de vie généralement sain, en espérant que cela aura également pour effet de réduire l'obésité.

Le président : Monsieur DiNicolantonio, voulez-vous ajouter quelque chose à cela?

M. DiNicolantonio : J'aimerais faire un commentaire sur les stratégies en matière de santé. Pourquoi ne pas donner aux sociétés qui fabriquent des aliments un incitatif qui les amènerait à produire des aliments sains et nutritifs? Pourrions-nous subventionner les aliments sains?

Le président : Nous avons noté cette suggestion. Merci.

La sénatrice Merchant : Merci à nos invités. J'éprouve quelques difficultés parce que je ne pense pas que le gouvernement puisse vraiment dire aux gens comment ils doivent vivre. Ce sont les gens qui doivent s'occuper eux- mêmes de cet aspect. On peut toujours donner de l'information, comme vous l'avez fait ce matin. Monsieur Caulfield, vous vous intéressez davantage à un mode de vie sain, par opposition à perdre du poids. Notre étude porte sur l'obésité.

Je ne suis pas sûre que le gouvernement doive dire aux gens comment ils devraient vivre. Je trouve cela difficile.

Pouvez-vous nous parler des aliments sains que les gens devraient consommer? Par exemple, vous avez parlé des jus de fruit, mais que pensez-vous des fruits? Quel est le niveau de sucre dans un fruit? Peut-on manger trop de fruits?

M. DiNicolantonio : Je pense que les fruits et les légumes sont des aliments sains. Tout ce que les chasseurs-cueilleurs pouvaient ramasser, ou les aliments que vous faites pousser, ce sont tous des aliments sains. Les amandes sont un aliment sain. Votre gouvernement peut-il se permettre d'avoir une population en mauvaise santé? Nous disons que nous ne pouvons pas contrôler les gens. Restera-t-il suffisamment de fonds publics si toute la population est malade? Si nous n'arrivons pas à contrôler ce phénomène, il va toucher la population entière. Je pense que parmi les aliments sains, il y a des choses comme les animaux qui sont élevés en liberté. Il n'est pas mauvais de manger des graisses saturées, si elles viennent d'un animal nourri à l'herbe. C'est un mythe très courant.

Il y a de nombreux peuples qui mangent de vrais aliments, s'ils mangent des animaux qui se nourrissent d'herbe, comme les Masai en Afrique, les Indiens d'Amérique, les Esquimaux qui mangeaient principalement du caribou, des phoques et des choses de ce genre. S'il y a une étiquette sur l'aliment, alors habituellement il n'est pas bon pour vous. S'il y a plus que quelques ingrédients sur l'étiquette d'un aliment, alors vous pouvez tenir pour acquis que cet aliment a été transformé et qu'il n'est donc pas bon pour la santé.

M. Caulfield : J'accepte très bien l'idée que le gouvernement ne devrait pas se mêler de la vie des citoyens. C'est un véritable défi. En tant que professeur de droit, cet aspect est au cœur du travail que nous effectuons dans ce domaine. Le gouvernement essaie toujours de promouvoir la santé. Nous avons des règles pour la circulation routière, pour le tabagisme, pour la fréquentation des écoles par les enfants et pour l'exploitation des restaurants. Je pourrais continuer longtemps.

C'est bien manifestement une question très grave pour le monde développé. Certains affirment que c'est le problème numéro un en matière de santé publique sur la planète terre à l'heure actuelle. Il faut donc faire quelque chose.

Lorsque je dis que je souhaite favoriser un mode de vie sain, c'est ce que je veux dire. Je pense également que nous devrions réfléchir aux stratégies favorisant la perte de poids. Une des raisons est que nous disposons à l'heure actuelle de nombreuses études qui montrent comment amener une population à perdre du poids. Je pense que nous devrions adopter des stratégies dans le but d'aider la population à perdre du poids, mais aussi à mentionner les répercussions plus larges de l'adoption d'un mode de vie sain, ce qui améliorera la santé de la population.

L'autre aspect sur lequel je n'ai pas insisté est l'importance de l'obésité chez les enfants. Nous voulons veiller à ce que la génération suivante soit en bonne santé, qu'elle ait un poids santé, une attitude saine à l'égard des aliments et qu'elle comprenne ce qu'est un régime sain.

Le gouvernement doit, d'après moi, intervenir et il bénéficie sur ce point d'un appui dans la population canadienne.

J'aimerais également parler d'un régime santé. Encore une fois, je regarde cela de très haut. Je pense que le message doit être simple et clair : des fruits et des légumes, des céréales entières et des protéines faibles en gras. Il faut que le message soit simple. Le seul régime pour lequel nous disposons de solides données cliniques est le régime méditerranéen ou une variation de ce régime. Il faut que le message soit simple.

La sénatrice Merchant : Je suis heureuse de l'entendre. Je me demandais où je pourrais acheter ces aliments très sains. Où pourrais-je trouver la viande que mangent les Masai? Pour les familles, il faut être réaliste. Où les familles vont-elles acheter leur nourriture? La viande est pleine d'antibiotiques, les légumes de fertilisants et de choses qui vont à l'encontre de la qualité recherchée. L'agriculture biologique n'a pas vraiment décollé. Ces produits sont coûteux et tout le monde ne peut pas se les permettre. J'aimerais savoir où les familles, qui veulent appuyer vos idées et qui s'inquiètent de leurs enfants, vont-elles acheter leur nourriture? Bien sûr, nous souhaitons que tout le monde soit en bonne santé parce que les coûts des services de santé touchent chacun d'entre nous. Comment mettre tout cela en pratique?

M. Caulfield : C'est un aspect qui me tient à cœur. Votre commentaire illustre magnifiquement une des dernières remarques que j'ai faites dans mon exposé. Il faut éviter de donner des messages confus. Il faut donner à la population canadienne un message simple : mangez beaucoup de fruits et des légumes, mangez des céréales entières, ayez une alimentation équilibrée. Je pense que toutes ces autres choses, les OGM, les aliments biologiques et le reste sont marginaux. Lorsque nous nous adressons à la population, il faut être clair sur les fondamentaux. Que les gens mangent davantage de fruits et de légumes, davantage de noix et des protéines saines. Il faut simplifier les choses et cela pourrait changer énormément la situation. Nous pourrons ensuite nous demander si ces aliments sont biologiques.

Je viens d'écrire un article au sujet des aliments biologiques et j'ai mentionné qu'il n'existait aucune donnée solide établissant que les aliments biologiques étaient plus nutritifs que les autres. Lorsqu'il s'agit de savoir ce qui est moins bon pour la santé et s'il y a davantage de pesticides, je crois que les données sont plus douteuses. Nous ne disposons encore d'aucun élément indiquant que les aliments conventionnels contiennent des niveaux dangereux de pesticide. L'essentiel est de consommer une quantité appropriée de fruits et de légumes, et non pas de chercher à savoir s'ils contiennent des pesticides et s'ils sont biologiques.

L'impact de l'agriculture biologique comparée à l'agriculture conventionnelle sur l'environnement est encore très controversé et ce n'est pas le sujet dont traite ce comité.

Le président : Avez-vous d'autres commentaires à faire sur ce point, monsieur DiNicolantonio?

M. DiNicolantonio : D'une façon générale, je suis d'accord avec le témoin. Il faut demeurer simple et axer le message sur une chose aussi simple que de manger davantage de fruits et de légumes. Pour ce qui est des aliments biologiques, je viens de publier un commentaire qu'on m'avait demandé de faire sur une grande méta-analyse publiée dans le British Journal of Nutrition, qui regroupait 350 études et montrait que les aliments biologiques étaient moitié moins toxiques pour ce qui est du cadmium, des métaux lourds et des pesticides et contenaient davantage de phytonutrients. Cela vient en fait du sol, de sorte que les aliments biologiques ne sont pas meilleurs par nature. Je souscris à l'idée qu'il faut que le message soit simple. Il faut que la population mange de vrais aliments et subventionner les aliments sains est un bon début.

La sénatrice Seidman : Nous pourrions aussi débattre de la confusion que crée le manque de cohérence des lignes directrices nutritionnelles et des indices utilisés pour les mesurer, et nous pencher sur la question de l'étiquetage. Je dirais, monsieur DiNicolantonio, qu'en tant que chercheur dans le domaine de la santé cardiovasculaire, vous comprenez sûrement que ce domaine est peut-être à l'origine du paradigme qui a servi de norme de référence dans l'étude de la cohorte de Framingham et qui a mené à l'élaboration des lignes directrices nutritionnelles qui ont dominé le milieu pendant des décennies. Ces lignes directrices étaient centrées sur la problématique des gras saturés et laissaient complètement de côté les problèmes liés aux sucres.

En ce qui concerne les lignes directrices nutritionnelles, les indices, leur cohérence et ce sur quoi ils sont fondés, j'aimerais connaître votre opinion à tous les deux. Que pourrions-nous faire, selon vous, pour aider les Canadiens? Vous avez tous deux parlé de lignes directrices de base simples, mais le fait est que nous n'avons pas de telles lignes directrices. Nous avons des indices et des tableaux d'information nutritionnelle. Quels types de lignes directrices et d'étiquetage nutritionnels pourrions-nous adopter pour aider les Canadiens à comprendre les points essentiels?

Puisque vous avez tous deux évoqué le cas du Mexique, j'aimerais rappeler que ce pays a imposé une taxe de 8 p. 100 sur les aliments dont le contenu calorique est supérieur à 275 calories par 100 grammes. Comment réagissez-vous à cela? Sur quelle base scientifique cette initiative s'appuie-t-elle, et à quel point est-elle valide?

M. DiNicolantonio : La taxation sélective sur les aliments à haute teneur calorique est une mauvaise façon de composer avec le problème. Nous savons que les aliments qui ont un effet rassasiant contiennent davantage de gras et de calories par gramme. Pour l'instant, oublions la densité calorique de l'aliment. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir si cet aliment mènera à la consommation continue de nourriture. En général, c'est ce que font les aliments à plus basse teneur calorique — ceux qui contiennent plus de sucres et peu de gras.

En ce qui concerne les lignes directrices, je suivrais celles de American Heart Association, qui recommande un maximum quotidien de six cuillères à thé de sucre pour les femmes et de neuf pour les hommes, ou encore celles de l'Organisation mondiale de la Santé qui a récemment réduit à moins de 5 p. 100 la consommation de sucres recommandée pour un état de santé idéal. Cela va à l'encontre de l'Institute of Medicine, qui dit que 25 p. 100 des calories nécessaires peuvent provenir de sucres ajoutés. Je pencherais pour le message le plus cohérent, celui qui consiste à réduire la consommation de sucres ajoutés à moins de 10 p. 100 de l'apport calorique total.

M. Caulfield : Je commencerai par l'exemple du Mexique. Comme je l'ai mentionné en introduction, j'ai du mal à recommander l'imposition d'une taxe sur les sucres, parce que je suis quelqu'un qui se fie aux données probantes et selon moi, aucune preuve concluante ne vient étayer l'existence d'une relation positive entre la consommation de boissons sucrées et le gain de poids. Une méta-analyse des données existantes effectuée en 2013 donne à penser que cette mesure peut mener à une réduction de l'obésité, mais je ne suis pas totalement vendu à cette idée. Je crois que cette mesure entraînera une réduction de la consommation de ces types de boissons, ce que je ne peux qu'approuver. Comme je l'ai dit, elle pourrait favoriser la promotion d'un mode de vie sain et, espérons-le, donner lieu à une diminution du taux d'obésité.

En ce qui concerne les lignes directrices nutritionnelles, j'abonde entièrement dans votre sens. Le Guide alimentaire canadien porte vraiment à confusion. J'ai essayé de le suivre pour un de mes livres, mais je n'arrivais pas à comprendre clairement la question des portions. J'aime beaucoup l'approche utilisée aux États-Unis et qu'on a baptisée « Mon assiette ». Elle est beaucoup plus simple. C'est celle que j'utilise quand je m'adresse au grand public. Pensez à tout ce que vous allez manger au cours d'une journée comme étant le contenu d'une assiette quotidienne : 50 p. 100 doivent être composés de fruits et de légumes; l'autre moitié comprend une portion de grains entiers, une portion de protéines et une toute petite part de malbouffe. Les gens ont beaucoup plus de facilité à penser en termes d'assiette quotidienne.

Je crois sincèrement qu'il existe cinq ou six choses que les gens peuvent faire pour accomplir 95 p. 100 du parcours vers une vie en bonne santé. Tout le reste est accessoire. Ne pas fumer, faire de l'exercice régulièrement en y incluant un peu d'exercices vigoureux, manger de vrais aliments, comme nous l'avons dit plus tôt, essayer de maintenir un poids santé, ce qui n'est pas facile, et recourir à quelques stratégies de prévention telles que le port du casque à vélo, le port de la ceinture de sécurité en voiture et de bonnes nuits de sommeil. L'autre étant l'entretien de bonnes relations avec son entourage et l'amour d'une autre personne. Si vous faites tout cela, vous aurez parcouru 95 p. 100 du chemin vers un mode de vie sain. Voilà un message que le gouvernement pourrait faire valoir.

La sénatrice Seidman : Aucun d'entre vous n'a abordé le sujet de l'étiquetage. Je sais que dans un certain sens, ce sujet ne cadre pas nécessairement avec le message que vous livrez et qui consiste à présenter des éléments de base sur la façon de gérer notre apport alimentaire quotidien. Dans notre société, l'étiquetage est une réalité bien concrète, tout le monde fait son épicerie. Je suis convaincue que j'y passe une heure de plus que nécessaire rien qu'à essayer de comprendre les étiquettes, qui sont tellement compliquées et tellement confuses.

Avez-vous une recommandation pour simplifier tout cela? Vous préconisez la simplicité et je serais entièrement d'accord pour une simplification de l'étiquetage.

M. Caulfield : Oui. L'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas insisté sur l'étiquetage — je l'ai mentionné brièvement dans mon mémoire et je crois que M. DiNicolantonio serait d'accord avec moi — c'est que la vraie nourriture n'a pas besoin d'étiquette. Les fruits, les bananes et les asperges se passent d'étiquette. En outre, des données probantes recueillies en Australie révèlent qu'un message simple, fondé sur l'utilisation d'un code couleur allant du vert au rouge, comme celui des feux de circulation, peut s'avérer la meilleure façon de transmettre des recommandations générales.

Des collègues de l'Université de l'Alberta ont également mis au point une approche fondée sur le système des feux de circulation. Le vert désigne les aliments sains, le jaune ceux de qualité nutritionnelle médiocre et le rouge, les aliments à bannir ou à restreindre. Le problème consiste à déterminer quels aliments vous allez classer dans ces catégories. Je crois qu'il y aurait bien des désaccords autour de cette question. Je ne suis pas d'accord avec mes collègues sur un grand nombre d'aliments qu'ils ont classés dans la catégorie jaune et qui, selon, moi, auraient dû être dans la rouge, mais mise à part cette difficulté, je pense qu'un message aussi simple que celui-là est probablement la meilleure façon de faire.

M. DiNicolantonio : J'aimerais souligner deux autres points. Cessons d'indiquer les calories en gros caractères gras et commençons plutôt à attirer l'attention sur les sucres ajoutés, car comme je l'ai dit plus tôt, le fait de nous centrer sur les calories nous a amenés à éviter les aliments rassasiants dont la haute teneur en calories provient des gras, pour nous tourner vers des aliments riches en glucides hautement raffinés ou à forte teneur en sucres ajoutés.

Commençons à mettre l'accent sur les sucres ajoutés et à reléguer les calories au second plan, parce que c'est la qualité des aliments qui détermine notre consommation totale de calories quotidiennes. Nous voulons que la quantité d'aliments consommés soit dictée par la qualité et non par le nombre de calories indiqué sur l'étiquette.

Le sénateur Seidman : Existe-t-il des normes internationales en matière d'étiquetage? La grande question sera d'établir ce qui est sain et ce qui ne l'est pas. Je suis d'accord avec M. Caulfield, de sérieuses questions se posent à cet égard.

Pouvez-vous nous faire des recommandations à la lumière des lignes directrices internationales ou de pays qui ont réussi à régler ce problème?

M. Caulfield : Il y a des protocoles de recherche en cours partout dans le monde, et même au Canada. L'Australie est un bon exemple. Le Royaume-Uni a également utilisé différents types d'approches en matière d'étiquetage. Je crois qu'il y a plusieurs pays auxquels s'adresser. Même à l'intérieur d'un même pays, il y a beaucoup de variation sur la manière d'étiqueter les aliments.

Une de mes préoccupations au sujet de l'étiquetage — et cela revient à ce que j'ai dit tout à l'heure —, c'est qu'il me semble que l'étiquetage nous éloigne de la vraie nourriture. Je crois que nous devrions insister sur le fait que les aliments qui doivent être étiquetés sont généralement des aliments transformés et emballés. Je le répète, s'il est une chose que le gouvernement peut faire pour améliorer la situation, c'est inciter la population à consommer davantage de produits qui ne sont pas vendus dans un emballage.

La sénatrice Seth : Le professeur Caulfield et M. DiNicolantonio ont laissé entendre que devant l'incidence croissante de l'obésité au sein de la population, la politique devait tenir compte de l'existence du problème alimentaire lié aux aliments à forte teneur en glucides. Savez-vous que, en 2014, l'OCDE a établi l'existence d'une relation entre le surpoids et le niveau de scolarité? Selon cette même organisation, les services de counseling nutritionnel d'un médecin ou d'un diététicien constituent la stratégie ayant le plus grand impact en matière de prévention de l'obésité et de prolongation de l'espérance de vie en santé.

À votre avis, le Canada devrait-il se concentrer davantage sur le financement de l'éducation et l'amélioration des niveaux de scolarisation en tant qu'outils de prévention de l'obésité? Devrait-il aussi accroître la capacité de counseling des médecins et des diététistes? Serait-ce une solution efficace?

M. Caulfield : Ce sont de très bonnes questions. Elles montrent bien la complexité du problème. Il ne fait aucun doute qu'il existe une dimension socio-économique au phénomène de l'obésité et de sa prévalence au sein de certains groupes. On a également la preuve, par exemple, que les personnes qui vivent dans un environnement sain, comme le milieu scolaire, sont plus susceptibles de manger sainement. Des données troublantes indiquent, par exemple, que les enfants prennent beaucoup de poids durant l'été, alors qu'ils ne se trouvent plus dans un environnement où il y a moins de surveillance sur ce qu'ils mangent.

Si je vous ai bien comprise, l'éducation doit faire partie de la solution. Aussi, je pense qu'il faut commencer à apprendre aux enfants à cuisiner, et à leur parler d'aliments sains et de saines habitudes alimentaires dès le primaire. Je pense que cela ne se fait pas autant que par le passé et j'estime qu'il faudrait réintégrer cet enseignement dans le programme scolaire. J'ai un collègue à Ottawa, Yoni Freedhoff, qui travaille très fort en ce sens. Selon lui, le problème de l'obésité est en grande partie attribuable au fait que les gens sont déconnectés de la nourriture et qu'il faut réintroduire la préparation des repas dans notre culture.

Je ne suis pas certain d'avoir répondu à toute votre question, mais je crois que l'éducation et la promotion de l'éducation font partie de la solution.

M. DiNicolantonio : Je suis d'accord avec vous, mais je pense qu'il est important d'envoyer le bon message. Depuis les années 1970, on a fait circuler le mauvais message que tout était affaire de faible teneur en gras. Je suis d'accord avec votre premier point, mais je crois qu'il est maintenant temps de faire passer le bon message.

La sénatrice Seth : Comment s'y prendre?

M. DiNicolantonio : Je crois qu'il faut mettre l'accent sur la réduction des glucides et des sucres rapidement absorbables et montrer du doigt que ce sont eux, et pas nécessairement les gras, les principaux responsables de l'obésité et du syndrome métabolique. À mon avis, c'est ça le message clé.

La sénatrice Seth : Aujourd'hui, vous m'avez appris quelque chose quand vous avez parlé des boissons gazeuses. Beaucoup de gens ne savent pas que certaines boissons gazeuses contiennent peu de calories et que tout dépend du type de ce que vous choisissez. Il est très important de sensibiliser le public à ce fait. Comment devons-nous communiquer le message? Je suis certaine que la plupart des gens ne comprennent pas cela. Voilà les points importants sur lesquels il faudrait insister auprès des diététistes afin de contribuer à l'amélioration des connaissances sur l'alimentation.

M. DiNicolantonio : Je crois que la confusion existe même au sein de l'American Diabetes Association, l'ADA. On dit aux personnes diabétiques qu'elles doivent consommer un minimum de 120 grammes de glucides, car on considère que cela correspond à la quantité de glucose dont le cerveau a besoin. Cette assertion est à la fois juste et fausse, parce que le corps peut transformer les lipides et les protéines en glucose. Il n'est donc pas nécessaire de consommer des glucides exogènes pour vivre. On peut consommer des lipides purs et des protéines pures, et se porter très bien. Soixante-quinze pour cent du cerveau peut fonctionner avec les corps cétoniques produits dans le foie à partir des acides gras. L'autre 25 p. 100 fonctionne avec le glucose produit de façon endogène, ce qui ne requiert pas de glucides exogènes.

La plupart des gens ne sont pas au courant de cela et l'ADA continue à promouvoir les glucides, parce que les gens croient à tort que le cerveau cessera de fonctionner s'il manque de glucides. Or, cela est tout à fait faux.

Le sénateur Enverga : Nous parlons d'étiquetage nutritionnel et de message, mais n'oublions pas la publicité. Je pense qu'il y a peut-être un problème dans notre façon de définir les gens. Comment savoir si une personne est tout simplement corpulente ou si elle a un surplus de poids? À quel moment le surplus de poids devient-il de l'obésité? Est-il possible d'expliquer cela à tout le monde et faire en sorte que chacun puisse contrôler son apport alimentaire?

M. Caulfield : À vrai dire, c'est l'un de mes sujets préférés. Je fais toujours des présentations sur ce sujet.

Les êtres humains ne sont pas très doués pour s'autoévaluer, être conscients de leur apparence et de leur poids. Et ils le sont encore moins lorsqu'il s'agit d'évaluer leurs enfants. Des études ont montré qu'une très forte proportion de parents d'enfants obèses croient que leurs enfants ont un poids normal. Et souvent, les gens obèses croient avoir un poids normal.

Quand je fais un exposé sur le sujet, j'y mêle beaucoup d'humour. Pardonnez-moi cette remarque un peu légère, mais je crois que la méthode donne des résultats. Souvent, je me lève en déclarant que la plupart des hommes — données à l'appui — sont moins grands, plus gros et plus laids qu'ils le pensent et qu'il existe des données pour le confirmer.

De puissants biais cognitifs interviennent chez chacun d'entre nous. Ces déviations de la perception touchent l'idée que nous nous faisons de notre apparence et de ce que nous mangeons. Nous sous-évaluons tous ce que nous mangeons. Vous avez déjà tenu un journal alimentaire? C'est incroyable. J'en ai tenu un et je me suis aperçu que je mangeais 40 p. 100 plus que ce que je croyais. Les personnes qui tiennent un journal alimentaire se mentent à elles- mêmes. Même lorsqu'elles pensent parler en toute honnêteté, il existe un écart de 20 p. 100 entre leurs estimations et la réalité. De même, les gens surévaluent le nombre de calories qu'ils brûlent en faisant de l'exercice. Une étude récente a montré qu'ils croient brûler quatre fois plus de calories qu'ils ne le font en réalité. Les gens sont terribles pour évaluer le nombre de calories contenues dans les aliments. Ils sous-estiment de 100 p. 100 le nombre de calories contenues dans la nourriture servie au restaurant et ils croient qu'un aliment contient 400 calories tandis qu'il en contient 800. Nous sommes tous victimes de ces biais cognitifs. Il est très difficile de les combattre, mais en être conscients constitue un pas dans la bonne direction.

M. DiNicolantonio : Voilà un point de vue très intéressant, mais on peut aussi être gros et en forme, comme on peut être mince et en mauvaise santé. On sait également que la minceur associée à une mauvaise santé correspond à de l'obésité métabolique. Comment reconnaître les personnes qui sont minces, mais en mauvaise santé? Un taux élevé de triglycérides et un faible taux de cholestérol HDL sont de bons indicateurs diagnostiques. En fait, il s'agit tout simplement d'un marqueur de l'insulinorésistance. La résistance à l'insuline stimule l'hypertension artérielle et l'obésité. Comment faire pour identifier les personnes atteintes d'obésité métabolique? Le taux élevé de triglycérides et le faible taux de cholestérol HDL sont des moyens faciles, bien préférables à la mesure du poids de l'intéressé.

Le sénateur Enverga : Vous voulez dire qu'il n'y a aucun moyen de savoir à quoi s'en tenir, s'il faut arrêter de consommer ceci ou cela ou quand arrêter, c'est bien cela? Quand doit-on se nourrir plus? Il n'y a donc pas moyen?

M. Caulfield : Il n'y a pas de formule magique, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je pense qu'il est inutile de faire passer une série de tests. Je ne crois pas, par exemple, que tous les Canadiens devraient subir des tests de dépistage. C'est pourquoi je dis — je me répète, je sais! — qu'il faut promouvoir un mode de vie sain. En adoptant un mode de vie sain, on améliore sa santé. Cela dit, l'IMC, le tour de taille et tous ces éléments d'évaluation peuvent servir à entamer un examen personnel.

La plupart des hommes — j'aime bien m'en prendre à eux parce que ce sont des créatures plus simples — commencent à prendre du poids dès l'université. C'est le cas de la plupart des gens. Soixante pour cent de la population souffre de surpoids ou d'obésité. C'est un problème global, et je pense que le message peut s'adresser à la population générale. Il n'est pas nécessaire de viser des personnes en particulier.

Le sénateur Enverga : Pourrait-on envisager une directive disant, par exemple, « si vous dépassez ce poids de 10 livres »...? Y a-t-il moyen de faire ça pour aider la population?

Le président : Une réponse rapide pour terminer. Je pense que vous avez tous les deux répondu à la question générale de la promotion d'un mode de vie sain par opposition au dépistage spécifique. Je pense qu'ils ont tous les deux clairement dit qu'on ne peut pas faire ce que vous demandez.

Le sénateur Enverga : Et pourtant il faudrait. On a besoin d'une norme générale.

M. Caulfield : On espérait que l'IMC joue ce rôle, mais cet indicateur à lui seul ne suffit pas.

Le président : Sénateur, nous discuterons de cette question en comité après réception de l'étude.

La sénatrice Cordy : Les remarques formulées aujourd'hui sont tout à fait intéressantes, je vous en remercie.

Ce qui retient mon attention, c'est l'idée de limiter la commercialisation d'aliments malsains — notamment les aliments riches en sucre — auprès des enfants. Il me semble que c'est simple, du moins jusqu'au moment où le gouvernement s'en mêle, et c'est là que les choses se compliquent.

Ce genre d'initiative a-t-il donné des résultats ailleurs? Si l'on envisage de limiter la commercialisation de produits auprès des enfants, devrait-on viser certaines heures de la journée, par exemple le samedi matin ou entre 16 heures et 20 heures ou 21 heures, ou conviendrait-il plutôt d'intégrer le projet aux programmes destinés aux enfants, ce qui pourrait se révéler plus difficile parce qu'il faudrait examiner les émissions de chaque chaîne. Qu'en pensez-vous?

M. Caulfield : Ce sera très difficile pour un certain nombre de raisons. Premièrement, la publicité destinée aux enfants passe aujourd'hui par de multiples canaux, comme les médias sociaux. On trouve sur Internet énormément de jeux auxquels sont associées des publicités destinées aux enfants. Nous sommes d'avis — ainsi que l'ont suggéré des collègues comme Kim Raine, de l'Université de l'Alberta — qu'il vaudrait mieux interdire complètement toute commercialisation d'aliments sans valeur nutritive auprès des enfants. Ce sera très difficile à mettre en œuvre pour certaines des raisons que nous avons déjà évoquées ici, mais je pense que ce serait un début.

Mais il y a bien sûr le problème des fuites de l'étranger. Nos émissions viennent en grande partie des États-Unis, et les enfants y seront exposés. Je crois qu'il faut penser en termes assez larges pour toutes les raisons dont je viens de parler.

On constate en effet, là encore, que les faits semblent militer en faveur d'une réduction de l'exposition des enfants à de la mauvaise publicité. Autrement dit, oui, en instaurant ce genre d'interdiction générale ou de restrictions, on réduit le degré d'exposition des enfants à ce genre d'information. Et ce pourrait être une bonne chose puisque nous savons que cette exposition a un effet sur les préférences alimentaires. Ce que nous ne savons pas précisément, c'est si cela peut, à long terme, réduire les taux d'obésité.

Ma position de repli est que, même si ce n'est pas le cas, cela demeure une bonne politique parce qu'on y fait la promotion d'une alimentation plus saine, d'une réduction des aliments additionnés de sucre, et cetera. Oui, quelques éléments l'attestent, et je pense que l'interdiction devrait être large.

La sénatrice Cordy : A-t-on déjà pris ce genre de mesures quelque part?

M. Caulfield : Au Québec.

La sénatrice Cordy : Il est vrai que beaucoup de nos émissions viennent des États-Unis. Il faudrait donc s'entendre sur des mesures des deux côtés.

Vous avez tous les deux suggéré de formuler des messages simples axés sur l'adoption d'un mode de vie sain, et je crois que c'est vraiment la voie à suivre. Je pense que l'information diffusée sur le volume de sucre dans les boissons gazeuses commence à avoir de l'effet, car les ventes sont en baisse. La chose la plus efficace que j'aie vue est l'image du nombre de cubes de sucre contenus dans une cannette de boisson gazeuse. Je crois que c'est l'impact visuel de l'image en comparaison de ce qui pourrait être écrit sur l'étiquette ou de toute autre information sur ce contenu.

Devrait-on simplement faire de la publicité visuelle pour faire comprendre cela? Je pense que les gens comprennent qu'il s'agit du contenu d'une boisson gazeuse. Mais je ne crois pas qu'ils se rendent compte qu'il peut s'agir aussi bien d'une boisson énergétique ou d'un jus de fruit.

M. Caulfield : Je suis d'accord. À mon avis, on devrait viser toutes les boissons additionnées de sucre, y compris les boissons énergétiques. Rien ne permet de penser que la consommation de boissons énergétiques est une bonne chose, même pour la performance athlétique. Il y a fort peu de raisons de croire que les gens ont un quelconque besoin de ce genre de boisson. Je suis convaincu qu'il faudrait viser un large éventail de boissons. Une autre étude intéressante révèle le degré de confusion des gens. Il s'agit d'une étude américaine sur l'état d'esprit des gens en matière de saine alimentation : le résultat est que les gens trouvent plus facile de remplir leur déclaration d'impôt que de décider ce qu'ils doivent manger. Si nous en sommes là, c'est une bien triste réalité.

Mon collègue Arya Sharma a effectué la même étude au Canada — vous en avez peut-être entendu parler — et obtenu les mêmes résultats. Les gens ne savent pas du tout à quoi s'en tenir. Commençons donc par un message simple, par les rudiments, et construisons à partir de là.

M. DiNicolantonio : Je suis tout à fait d'accord. Supposons que nous avons devant nous une canette de 12 onces de boisson gazeuse et que l'étiquette indique un contenu de 39 grammes de sucre. La plupart des gens ne comprendront pas ce que cela veut dire. Si on peut traduire en image, disons, le nombre de cuillerées correspondant aux portions de sucre — mettons 10 cuillerées de sucre dans un verre de coke de 12 onces, c'est clair visuellement, et il est plus facile pour tout le monde de comprendre le volume de sucre contenu dans ce type d'aliment.

La sénatrice Cordy : Ce n'est pas clair. Quand je fais mes courses à l'épicerie, je vois des gens qui vérifient les ingrédients sur l'étiquette d'une cannette ou d'un emballage. Ils cherchent un moment, puis choisissent un produit à faible teneur en sucre. Mais, si vous lisez bien la liste des ingrédients, la teneur en sodium est très élevée. Rien n'est clair pour les Canadiens ou pour les Américains et pour les consommateurs en général. C'est ce que j'ai constaté quand j'ai commencé à vérifier les étiquettes des emballages. Le sodium n'est pas bon pour la santé non plus. Le sénateur Eggleton a soulevé une question tout à l'heure au sujet des édulcorants artificiels. D'après ce que j'ai entendu dire sur l'aspartame, je n'ai pas très envie d'en ingérer. Alors nous allons décourager les gens de consommer une boisson gazeuse ordinaire pour les inciter à préférer une boisson remplie d'aspartame? Je ne sais rien du stévia, mais c'est la dernière nouveauté. Alors, que faire?

M. Caulfield : Voilà, les gens lisent les étiquettes, et l'idée d'une aura santé associée à un produit est un problème supplémentaire. Peut-être l'avez-vous déjà constaté : quand un produit est non sucré, sans gras, biologique, exempt de gluten et sans OGM, les gens estiment qu'il est sain et ils vont en consommer encore plus. Nous en revenons ici à l'idée d'un message simple sur les principales composantes d'un produit.

Pour ce qui est des édulcorants artificiels — et je crois que M. DiNicolantonio l'a indiqué plus tôt, les données relatives aux torts qu'ils causeraient sont équivoques. On ne dispose pas de données solides dans un sens ou dans l'autre. On en trouve aussi bien pour que contre. Je ne suis pas inquiet, mais peut-être suis-je naïf. Je pense qu'il faut éviter toutes ces boissons sans exception. Selon les données de corrélation, les boissons additionnées de sucre font augmenter votre appétit pour certaines des raisons déjà indiquées, en corrélation avec la prise de poids. Malheureusement, ces études permettent de relier les éléments sans pour autant donner une idée du lien de causalité. C'est pourquoi je ne crois guère à la valeur des boissons à saveur artificielle, mais j'attends qu'on obtienne d'autres données. M. DiNicolantonio pourra peut-être nous en dire plus.

M. DiNicolantonio : Je crois aussi que le message doit rester simple. Il faut aussi prendre la mesure des conséquences imprévues de recommandations invitant la population à réduire la consommation de boissons additionnées de sucre. Nous ne voulons pas que les gens consomment plus de boissons gazeuses diètes. Ce n'est pas sain. Et cela risque d'augmenter l'appétit et de favoriser l'ingestion de micro-organismes altérés et nocifs susceptibles de provoquer également une résistance à l'insuline.

Les avis sont partagés concernant les boissons gazeuses diètes. Nous ne voulons pas que les gens passent des boissons additionnées de sucre aux boissons diètes. Là n'est pas la question. Nous voulons qu'ils consomment de vrais aliments. Le message doit inciter à réduire la consommation de boissons additionnées de sucre parce que, selon les statistiques actuelles, chaque personne en consomme de 40 à 50 gallons par année. On voit bien qu'il y a surconsommation de ces substances. Comme nous l'avons vu, les calories liquides ne rassasient pas autant, de sorte que les conséquences imprévues de la réduction de la consommation de boissons additionnées de sucre seront bien moindres que les avantages obtenus.

La sénatrice Nancy Ruth : Je lis régulièrement les étiquettes pour connaître la teneur en sel et en sucre des produits, surtout si je n'ai pas besoin de mes lunettes. L'étiquetage est à mon sens un enjeu énorme, et il n'y a pas de raison de ne pas agrandir l'imprimé des étiquettes.

Je voudrais soulever la question du rassasiement. Par exemple, si je mange une banane, je ne suis pas aussi rapidement rassasiée que si je mange une pomme, parce qu'il faut plus de temps pour mâcher une pomme. Quand vous parlez de ce cadre alimentaire, pensez-vous aux aliments qu'on peut manger rapidement, comme une banane, plutôt qu'à ceux qui prennent plus de temps à ingérer, comme une pomme?

M. Caulfield : Là encore, certains éléments l'attestent. Je ne suis pas un adepte des smoothies et je ne partage pas l'engouement pour les jus. Ce sont des calories liquides faciles à ingérer. Lorsque je m'adresse au public, je dis : imaginez les fruits qui se trouvent dans le smoothie et que vous devez les manger un par un. Vous vous sentirez beaucoup plus rassasié, et ce pour toutes sortes de raisons en plus de celles qu'a mentionnées M. DiNicolantonio. Autrement dit, du point de vue biologique, ces aliments sont plus rassasiants. Il faut plus de temps pour les manger, et les faits attestent cette idée.

Restons-en aux vrais aliments pour l'instant et laissons la comparaison entre la banane et la pomme pour plus tard. Contentons-nous de passer un message général et concret à la population pour l'instant. Si nous arrivons à augmenter de quelque façon la consommation de vrais aliments dans la population canadienne, nous pourrons alors nous occuper de ces détails.

M. DiNicolantonio : Je n'ai rien d'autre à dire. Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur Eggleton : Je suis à l'eau désormais, quant à moi. Notre réflexion progresse ici.

J'ai lu des publications américaines et canadiennes sur les moyens employés par les entreprises pour faire croire aux gens que ce qu'ils consomment est plus sain que ce ne l'est en réalité. J'en suis à la question de la publicité destinée aux enfants. Les boîtes de céréales indiquent qu'elles contiennent des fruits, mais, en réalité, il y a beaucoup de sucre. Les entreprises se sont concertées et ont déclaré qu'elles cesseraient de faire de la publicité destinée aux enfants. Certaines ont dit qu'elles arrêteraient complètement et d'autres, qu'elles ne le feraient qu'à l'égard des aliments approuvés... encore faudrait-il savoir de quoi il s'agit. Quelques-unes des plus grandes marques — Coca-Cola, McDonald, et cetera — ont participé à cette concertation. C'était il y a environ un mois.

Pouvons-nous avoir « confiance », mot que je déteste? Qu'en pensez-vous? Les gens croiront-ils vraiment que ces entreprises vont vraiment cesser de viser les enfants alors qu'elles vont simplement trouver d'autres moyens de le faire?

M. Caulfield : Les entreprises savent réagir rapidement et trouveront d'autres moyens de faire de la publicité auprès des enfants, un point c'est tout.

J'utilise souvent un exemple qui renvoie à la question de l'exercice dont j'ai déjà parlé. Cela se produit plus particulièrement durant les Jeux olympiques ou de grands championnats sportifs. La publicité porte sur les Jeux olympiques, et une campagne publicitaire met en scène un enfant jouant avec son père, partageant un moment de plaisir et ensuite une boisson. Cette publicité vise-t-elle l'enfant? Je n'en sais rien, mais le message dit qu'il faut être actif, en bonne santé, puis boire un Coke.

Je reste extrêmement sceptique. Des études ont permis de constater que ces interdictions ou réductions volontaires n'ont pas donné beaucoup de résultats. Les entreprises doivent trouver des moyens d'atteindre les enfants et elles veulent les fidéliser. La fidélisation, ça fonctionne, on le sait. L'adolescent qui aime le Coke l'aimera probablement toute sa vie. C'est le cas de mon fils. Et c'est un vrai problème.

Je pense vraiment que la référence aux aliments sains est un problème réel. Il y a des cycles. La mode actuelle est aux produits sans gluten. Tout ce qui est sans gluten est considéré comme sain alors que rien ne permet de dire que c'est le cas. Ces produits contiennent pourtant souvent plus de sodium et d'autres substances qui ne sont pas saines. Cette aura santé et les moyens employés pour projeter cette image sont problématiques.

La sénatrice Merchant : Nous avons parlé des sucres et des glucides ce matin. Pourriez-vous nous dire quelque chose sur les matières grasses? Est-il possible d'en consommer trop? Vous sembliez dire que les régimes pauvres en graisses ne fonctionnent pas. Pourriez-vous nous parler de la surconsommation de matières grasses?

M. DiNicolantonio : Certainement. Nous faisons la cuisine avec des matières grasses. On emploie selon le cas du beurre, de l'huile d'olive ou des acides gras polyinsaturés oméga-6. Cela comprend le maïs, le carthame, les graines de coton; quant aux graines de soja, elles contiennent un peu d'oméga-3. Mais les graisses saturées s'oxydent difficilement. Cela veut dire qu'il n'y a pas de liaisons doubles et qu'elles ne peuvent pas s'oxyder, alors que les acides gras polyinsaturés, comme l'huile de soja, l'huile de maïs et l'huile de carthame, qui font partie de notre régime depuis 1920, ne sont pas sains. Les résultats de la plus récente méta-analyse ont été publiés en 2013 par Chris Ramsden et ses collègues dans le British Medical Journal : ils révèlent que, si on remplace les graisses saturées — même si elles contiennent du gras trans — par des graisses polyinsaturées comme l'huile de maïs et l'huile de carthame, on enregistre une augmentation de la mortalité et des décès pour cause de maladie cardiovasculaire. Il semble que ces acides gras oméga-6 soient très oxydables et qu'ils soient couramment employés dans les cuisines de restaurant. Nous sommes en train de passer des gras trans aux acides gras polyinsaturés si facilement oxydables au lieu de continuer à utiliser le suif de bœuf ou le beurre, qui eux ne s'oxydent pas facilement. Le risque de maladie cardiovasculaire, voire de cancer, que présente le stress oxydant induit par les acides gras oméga-6 est un énorme problème. Ces huiles sont également oxydées par leur mode d'extraction à l'aide d'hexane ou d'autres produits chimiques. Elles sont intégrées à nos produits et sont considérées comme saines parce qu'elles pourraient faire baisser le taux de cholestérol. On ne se pose pas la question de leur oxydation. Je pense qu'il y a un énorme malentendu sur les graisses saturées. On pense que ce n'est pas sain, alors que, à mon avis, c'est très sain. Et on pense que les oméga-6 sont sains parce qu'ils font baisser le taux de cholestérol, alors que les résultats d'évaluations comparatives randomisées indiquent exactement le contraire.

Le sénateur Enverga : Nous parlons de toutes sortes d'aliments, d'aliments sains et tout ça, de fruits, de légumes... mais je m'interroge sur les aliments transformés. Sont-ils généralement bons ou que devrait-on vérifier?

Le président : Très bien. Nous ne voulons pas d'une analyse intégrale du secteur des aliments transformés ici. Si vous voulez faire une brève remarque, je vous en prie. Sinon, passons à autre chose.

M. Caulfield : C'est simple, il faut essayer d'éviter les aliments transformés.

M. DiNicolantonio : Je suis d'accord.

Le président : Cette réunion a été très intéressante. Vous avez tous les deux été très clairs. Vos commentaires étaient limpides, à une exception près. Professeur Caulfield, lorsque vous avez parlé de la bière, vous m'avez complètement perdu.

M. Caulfield : Je plaide coupable, parce que je bois du café noir, de l'eau et de la bière.

Le président : Nous voilà dans le même « cadre alimentaire ». je dois dire que j'ai eu grand plaisir à vous écouter tous les deux nous expliquer qu'il n'existe pas de façon simple de décider qui est obèse et qui ne l'est pas en fonction de ces seuls indicateurs. Vous avez clarifié le fait que certains indicateurs peuvent être utiles à titre général, mais qu'il faut ensuite les interpréter en fonction de l'intéressé. En fait, si l'on veut faire une analyse scientifique, il faut examiner l'organisme, ses organes, un par un, et cela n'aide en rien la personne ordinaire dans sa vie quotidienne.

Il faut en revenir au mode de vie. Cela semble être la tendance à suivre. Et c'est compréhensible. C'est simple et cela s'intègre au cadre que vous avez tous deux indiqué et à une série d'éléments simples à comprendre en matière de mode de vie sain.

Il en ressort un problème, une fois encore. On en parle bien sûr dans les ouvrages spécialisés, et les diverses entreprises se font la lutte — qu'il s'agisse de sucre ou de gras —, encore que le secteur du sucre n'apprécie guère qu'on se mette à penser que c'est le sucre qui est le problème primordial. Du point de vue de l'étiquetage, vous employez l'indicateur en vigueur en Australie, à savoir le feu de circulation, mais pour en arriver là, il faut régler un certain nombre de choses.

Si le sucre est le gros méchant, pourquoi ne pas utiliser un feu de circulation indiquant la teneur en sucre par unité dans l'aliment en question? Si l'on s'en tient à l'idée que c'est vraiment le sucre qui est en cause, pourquoi ne pas mettre une étiquette simple, claire, « familiale », qui indiquerait la teneur en sucre par volume ou unité dans tel ou tel aliment?

M. Caulfield : Je ne tiens pas à mettre fin à cette très intéressante discussion sur ce qui pourrait constituer un désaccord, mais je pense que le sucre est un énorme problème pour toutes les raisons qui ont été évoquées ici. Je pense que le gouvernement devrait adresser un message plus simple à la population et éviter de viser une substance en particulier. Le message s'adresse à la population. Cela dit, je suis d'accord avec tout ce qui a été dit ici. Je pense que nous devons essayer de faire comprendre à la population ce qu'est un régime alimentaire sain et qu'un tel régime contient peu de produits additionnés de sucre. Je crois que, ainsi, le message sera plus cohérent et durable et que les gens pourront plus facilement l'intérioriser.

M. DiNicolantonio : Je suis d'accord. Mais je crois aussi qu'il serait également utile d'inclure les sucres ajoutés dans ce système d'avertissement, parce que la plupart des gens ne comprennent pas le mal que font ces sucres. S'il était possible de le préciser sur l'étiquette, cela serait utile, mais, évidemment, le message est d'abord de consommer de vrais aliments, n'est-ce pas! Nous devons donner aux gens qui vont lire ces étiquettes jour après jour des indications utiles, et c'est un bon moyen de le faire.

Le président : Je suis d'accord avec le professeur Caulfield au sujet des édulcorants artificiels. J'ai dit hier que j'avais une formation de chimiste et je peux vous dire que je ne consommerais aucun de ces produits pour un certain nombre de raisons, puisque j'en connais la structure et les problèmes qu'ils ont posés.

Je mêle rarement ma vie personnelle à ces enjeux, mais je peux vous dire que j'ai fait de l'exercice toute ma vie et que, selon l'IMC, j'ai été en surpoids toute ma vie. Je ne pense pas que d'autres indicateurs donneraient le même résultat. Les questions dont vous avez tous les deux si bien illustré la complexité aujourd'hui, nous les partageons, et il importe de les réduire à un enjeu simple qui puisse donner une certaine direction à la population.

Au nom du comité, je vais réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure : vous avez fait tous deux des exposés et donné des réponses remarquablement claires, et je ne saurais vous remercier assez d'être venus nous voir aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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