Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 23 - Témoignages du 6 novembre 2014
OTTAWA, le jeudi 6 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 27, pour étudier la teneur des éléments des sections 5, 7, 17, 20 et 24 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi d'exécution du budget no 2. SUJET : section 5.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie de Nouvelle-Écosse. Je demanderai à mes collègues de se présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman de Montréal, Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Chaput : Bonjour, je m'appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Merchant : Bonjour, je m'appelle Pana Merchant, de la Saskatchewan.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis le vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues. Je vous rappelle que nous traitons des éléments contenus dans la section 5 de la partie 4 du projet de loi C-43 et que nous avons deux séances aujourd'hui. Dans la première, nous avons deux groupes de témoins que j'inviterai à faire leur exposé dans l'ordre qui a été convenu. Je vous rappelle que cette séance se terminera au plus tard à 11 h 30. Sur ce, j'invite Marie Chen, avocate au Centre d'action pour la sécurité du revenu, à faire son exposé.
Marie Chen, avocate, Centre d'action pour la sécurité du revenu : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de m'avoir invitée. Vous devez avoir reçu un document détaillé, que je ne lirai pas dans son intégralité.
Notre document comprend une description du Centre d'action pour la sécurité du revenu, mais je passerai directement à ce dont nous parlons, à savoir les articles 172 et 173 de ce projet de loi. Que stipulent ces articles?
On y propose d'amender la norme nationale du Transfert canadien en matière de programmes sociaux prévus dans la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Le transfert vise à financer les programmes sociaux provinciaux, dont l'aide sociale. La norme nationale est une condition du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Les provinces ne peuvent pas imposer de période minimale de résidence pour restreindre l'admissibilité à l'aide sociale sans risquer de perdre ou de voir réduire leur financement au titre de ce transfert.
En vertu de ces amendements, certaines personnes ne sont plus protégées par cette norme. Ce retrait de protection concerne notamment les immigrants, les demandeurs d'asile et les gens sans statut régularisé. Ces amendements ont donc des conséquences pour certains groupes de personnes, en fonction de leur statut d'immigration.
Le projet de loi affectera essentiellement les demandeurs d'asile qui arrivent au Canada. Cela ne fait aucun doute. Le gouvernement fédéral l'a d'ailleurs confirmé et il convient de remarquer que le projet de loi affecte tous les demandeurs d'asile, et pas seulement ceux qui sont déboutés. Il touche tous ceux qui ont présenté une demande d'asile et qui attendent une décision, qu'elle soit favorable ou non.
Les demandeurs d'asile sont un groupe particulièrement vulnérable. Ils quittent leur foyer, et ils fuient les persécutions, la guerre et les troubles civils. Beaucoup ont vécu des expériences traumatisantes. Ils laissent derrière eux leur maison, leurs biens et leur gagne-pain. Il se peut qu'ils ne parlent ni l'anglais ni le français et ils doivent se débattre dans un environnement qui ne leur est pas familier. Beaucoup d'entre eux sont en plus désavantagés à cause de ce qu'ils sont, une femme, un enfant ou un membre d'une minorité visible. Beaucoup n'ont rien d'autre que ce qu'ils ont apporté avec eux et n'ont aucun moyen de subsistance. Certains d'entre eux peuvent se prévaloir d'un permis de travail, mais, en l'occurrence, ils doivent attendre qu'il leur soit accordé. Ceux qui n'y sont pas admissibles n'auront aucun moyen de subsistance. Dans ces circonstances, l'aide sociale est essentielle à leur survie.
En vertu du droit international et de sa charte, le Canada est tenu de respecter certaines obligations en matière des droits de la personne. En tant que signataire de la Convention relative au statut des réfugiés, le Canada est tenu de protéger ces derniers. En conséquence, les gens qui ont fait une demande d'asile au Canada ont le droit d'être ici en attendant de connaître leur statut de réfugié. Nous ne parlons pas ici de gens qui sont considérés comme sans-papiers. Ces gens ont le droit d'être au Canada aux termes de la Convention sur les réfugiés en quête d'asile.
Le Canada a d'autres obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui reconnaît le droit de chacun à la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant, et en particulier à une alimentation, à un habillement et à un logement adéquats. Le Canada est donc tenu de garantir ces droits sans discrimination.
Notre Charte offre une protection contre les traitements cruels et inusités, de sorte que tous les demandeurs d'asile ont le droit d'être traités de façon humaine, juste et équitable en vertu de nos lois. Le projet de loi prévoit le contraire.
Quelle est la portée du projet de loi? Il propose d'autoriser les provinces à retirer à ce groupe très vulnérable la forme d'aide la plus essentielle et la plus minime. De par sa nature, l'aide sociale est un programme de revenus de dernier recours destiné à assurer les besoins les plus essentiels. Dans tout le Canada, les prestations au titre de l'aide sociale sont extrêmement faibles. Elles sont bien en deçà du seuil de pauvreté. En Ontario, par exemple, l'aide sociale représente à peu près deux cinquièmes des revenus considérés comme le seuil de pauvreté. On ne parle même pas de seuil de pauvreté, mais de deux cinquièmes de ce seuil. Voilà le type de revenus dont nous parlons.
Retirer ce minimum vital d'aide sociale est nuisible, cruel et inhumain. Sans cette aide sociale, les demandeurs d'asile n'auront aucun moyen de subsistance; ils seront totalement démunis et n'auront aucun moyen de se nourrir et de se loger. Face à cela, ils souffriront de stress et seront amenés au désespoir, et leur santé physique et mentale se détériorera inévitablement. Les malades n'auront pas accès aux médicaments. Ils seront forcés de s'adresser aux œuvres de bienfaisance, qui sont déjà surchargées.
Les problèmes de santé augmentent le recours aux services d'urgence. Nous savons qu'il est beaucoup plus coûteux d'offrir des abris que d'offrir de l'aide aux personnes qui cherchent à se loger. Ces coûts supplémentaires seront refilés aux provinces, il ne s'agit donc pas du tout ici de faire des économies.
Dans son rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, votre comité a reconnu que les demandeurs d'asile sont particulièrement désavantagés par rapport au logement et au revenu. Ce projet de loi les rendra encore plus pauvres.
Il faut aussi considérer les coûts à long terme. Les réfugiés sont de futurs Canadiens susceptibles de devenir des membres productifs de la société. De nombreux demandeurs sont finalement acceptés dans le cadre du système d'octroi de l'asile ou d'autres processus d'immigration mis à leur disposition. Ils doivent déjà relever les défis que présentent la réinstallation et l'intégration dans notre société. Les priver d'aide sociale rendra ces défis encore plus difficiles.
Certes, ce projet de loi laisse aux provinces la possibilité d'adopter une condition de résidence minimale, mais nous croyons que cette responsabilité relève directement du gouvernement fédéral. C'est le gouvernement fédéral qui a présenté ce projet de loi qui vise les réfugiés et qui affaiblit la norme nationale. C'est le gouvernement fédéral qui impose ce projet de loi. À ce que nous sachions, il ne donne pas suite à une initiative des provinces et il n'y a eu aucune consultation concernant cet important projet de loi.
En levant la restriction relative à la condition de résidence minimale, le gouvernement fédéral ferme les yeux sur l'absence de condition minimale et il y est même favorable. C'est comme s'il disait aux provinces : « Ne vous gênez pas. Allez-y. Vous pouvez décider d'une condition de résidence minimale sans crainte de sanctions, votre transfert ne sera pas réduit. »
Dans notre document, nous parlons des conséquences d'un affaiblissement de la norme nationale du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Nous croyons qu'il a des conséquences sur la force du Canada en tant que pays fédéral qui est plus que la somme de ses provinces et de ses territoires. Nous croyons qu'il sape la valeur de ce transfert pour réduire la pauvreté et pour assurer à tous les Canadiens un niveau de vie minimum.
Il mine la capacité du gouvernement fédéral d'assurer l'harmonisation, la reddition de comptes et l'équité dans la prestation des programmes sociaux.
Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux est très important et représente une énorme partie du financement réservé à ces programmes. Le projet de loi aura pour effet de miner sa portée et d'accroître plutôt que de réduire la pauvreté. C'étaient les points saillants que je souhaitais faire valoir. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le président : Je cède maintenant la parole à Janet Dench, directrice exécutive du Conseil canadien pour les réfugiés.
Janet Dench, directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés : Merci de nous avoir invités à vous communiquer nos inquiétudes. Je dirais que nos membres sont consternés par ces dispositions et par les répercussions qu'elles auront sur eux et la clientèle qu'ils desservent.
J'espère que vous avez un exemplaire du mémoire que nous vous avons soumis. Je vous en communiquerai les points saillants.
Marie a dit que les réfugiés sont l'un des groupes les plus vulnérables, ce qui est tout à fait vrai. C'est dans les premières semaines et les premiers mois après leur arrivée au Canada que les demandeurs d'asile sont les plus vulnérables. C'est à ce moment-là qu'ils ont le plus besoin de l'aide sociale. C'est encore plus vrai depuis les changements apportés en décembre 2012 au processus de détermination du statut de réfugié. En effet, les réfugiés sont soumis à un stress et à des pressions énormes pour assumer, dès les premières semaines de leur arrivée au Canada, leurs obligations à titre de demandeurs d'asile. Il est donc pour eux d'autant plus important d'avoir accès à l'aide sociale pendant cette période.
Le second point inquiétant est que même s'ils ne sont pas nommés dans le projet de loi, les demandeurs d'asile sont ceux qui sont les plus touchés par ses dispositions. Le projet de loi établit en effet certaines catégories de personnes, à savoir les demandeurs d'asile, susceptibles d'être victimes de discrimination. Nous croyons que le Canada devrait faire le contraire et donner aux réfugiés, en raison de leur vulnérabilité, une protection supplémentaire plutôt que de les soumettre à un traitement aussi sévère.
Je tiens aussi à parler des obligations à assumer au titre des droits de la personne. Marie a parlé des obligations du Canada aux termes des traités internationaux sur les droits humains qu'il a signés. J'aimerais signaler en particulier la Convention relative aux droits de l'enfant et dire que ce serait eux qui seraient le plus touchés par la perte d'accès à l'aide sociale. En vertu de la convention, le Canada doit assumer d'importantes obligations, et notamment assurer leur droit de bénéficier de la sécurité sociale. Particulièrement en ce qui concerne les réfugiés, le Canada doit prendre les mesures qui conviennent pour faire en sorte que l'enfant d'un demandeur d'asile bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire dont il a besoin.
J'aimerais maintenant parler de la portée du projet de loi sur les demandeurs d'asile et sur le secteur communautaire, particulièrement les organisations que le Conseil canadien pour les réfugiés représente. Plus tôt cette année, le conseil a terminé des recherches sur les conséquences des changements apportés au système de détermination du statut de réfugié. Nous avons préparé deux rapports. Le premier fait un portrait du système vu par les demandeurs d'asile. Pour le préparer, nous avons interviewé des demandeurs d'asile qui nous ont fait part de leur expérience. Nous avons ensuite publié un second rapport intitulé Keeping the door open : NGOs and the new refugee claim process, dans lequel nous étudions les points de vue des ONG, qui sont les premières à servir cette clientèle.
D'après ces recherches, les demandeurs d'asile et les organisations qui s'en occupent sont soumis à un stress énorme. Les demandeurs d'asile en particulier se sentent soumis à d'énormes pressions causées par la rapidité et les exigences du système. Et c'est quelque chose qu'il faut leur dire, qu'en plus d'avoir à surmonter tous ces obstacles, ils doivent s'attendre à vivre dans la rue et, éventuellement, à chercher désespérément un foyer d'accueil ainsi que de la nourriture pour eux et leurs enfants.
Des ONG qui viennent en aide aux demandeurs d'asile nous ont dit qu'elles subissent des pressions énormes, notamment pour des raisons de financement. Le fédéral ne verse pas un sou aux organisations qui offrent des services directement aux demandeurs. Le système s'en remet de plus en plus aux demandeurs pour fournir notamment la traduction de leurs documents, et ce sont les ONG qui finissent bien souvent par devoir s'en occuper, tout comme de leur trouver un abri et de subvenir à leurs besoins de base.
Certains de nos membres et des organisations que nous avons sondés tiennent des refuges pour les réfugiés. Ils leur fournissent un lit et du soutien. Ils se financent par l'entremise des contributions versées par l'assistance sociale aux demandeurs d'asile. Si on leur retire ce financement, c'est l'ensemble du modèle de ces refuges qui sera remis en question et, comme Marie l'a mentionné, il y a de fortes chances que les réfugiés aboutissent dans les refuges municipaux.
Avant de terminer, j'aimerais vous parler de l'expérience britannique, parce que cela pourrait nous donner une idée de ce qui nous attend si le Canada emprunte cette voie. En 2003, le Royaume-Uni a adopté une nouvelle loi qui avait pour effet de priver certains demandeurs du soutien de base de l'État. Divers rapports ont été publiés sur la question. J'attire votre attention dans notre mémoire sur celui publié par le British Refugee Council intitulé Hungry and homeless. Je peux vous dire que ce qu'on y trouve donne froid dans le dos, car on comprend ce qui attend les réfugiés qui arrivent au pays et qui sont laissés à eux-mêmes — ces gens vivent dans la rue, dorment aux portes des ONG ou des organismes gouvernementaux. La situation est tout particulièrement préoccupante pour les femmes seules, qui sont très vulnérables dans ce genre de situation, et qui doivent dormir dans des lieux dangereux ou accepter d'aller chez des étrangers qui les invitent à la maison. Cette situation les expose bien sûr à de nombreux risques.
En 2005, la Chambre des lords a statué que le déni du soutien de l'État à certains réfugiés équivalait à un traitement inhumain et dégradant en violation de la Convention européenne sur les droits de l'homme puisqu'ils se trouvaient privés des nécessités absolues de la vie. La Cour fédérale du Canada a statué en citant cette cause que les restrictions du gouvernement canadien en matière de soins de santé prodigués aux réfugiés constituaient un traitement cruel et inusité en violation de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela soulève donc d'importantes questions, à savoir si en privant ainsi les demandeurs d'asile d'assistance sociale, un tribunal serait amené à conclure qu'il s'agit là d'un traitement cruel et inusité et que cela contrevient à la Charte.
Le président : Merci à vous deux. Je vous ai accordé chacune quelques minutes de plus en raison de la nature de vos exposés. Je vais maintenant vous demander d'être succinctes dans vos réponses, car j'aimerais que toutes les questions apparaissent au compte rendu.
Le sénateur Eggleton : Je dois dire que je suis d'accord avec l'idée que le projet de loi vient miner le travail du comité qui a publié le rapport Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de lutte contre l'exclusion. Il vient aussi miner nos ententes internationales, en particulier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le droit de chacun à la sécurité sociale, notamment d'être nourris, logés, vêtus, et cetera, de façon adéquate. Ce sont des ententes que le Canada a signées. Ce projet de loi est carrément cruel. C'est une mauvaise politique.
Savez-vous quel pourcentage des demandeurs d'asile reçoit de l'assistance sociale?
Mme Dench : Non.
Le sénateur Eggleton : Il n'y a pas de statistiques sur cela. Comme vous travaillez sur le terrain, à combien l'évalueriez-vous? Diriez-vous que ce sont la majorité ou la moitié des demandeurs?
Mme Dench : Je dirais la majorité, certainement. Certains arrivent avec un peu d'argent en poche, quelques milliers de dollars peut-être, ou ont de la famille qui les accueille. Je dirais que la plupart reçoivent de l'assistance sociale, à tout le moins pendant quelques semaines ou quelques mois, jusqu'à ce qu'ils obtiennent un permis de travail.
Le sénateur Eggleton : Depuis combien de temps sont-ils au pays habituellement lorsqu'ils demandent de l'assistance sociale?
Mme Dench : Il y a deux façons de procéder pour présenter une demande. Une est à la frontière, soit à l'aéroport ou à un poste frontalier terrestre, et dans ce cas, ils doivent présenter une demande sur-le-champ. L'autre façon, c'est une fois qu'ils sont au pays, mais la procédure a changé en décembre 2012.
Le sénateur Eggleton : C'est pour la demande d'asile. Je posais la question au sujet de la demande d'assistance sociale.
Mme Dench : Oui, mais les réfugiés ne peuvent pas obtenir d'assistance sociale tant qu'ils n'ont pas fait une demande d'asile. Nous abordons la question dans notre rapport. Il arrive que des réfugiés veuillent présenter une demande d'asile, mais ils ne peuvent pas le faire tant qu'ils n'ont pas en main tous les documents. Ils doivent s'occuper de leur demande et pendant ce temps, ils n'ont pas droit à l'assistance sociale; ils n'ont pas de revenu et n'ont pas accès aux soins de santé. Une personne qui est malade ou qui a des problèmes cardiaques doit d'abord remplir toute la paperasse, et il y en a beaucoup, avant d'avoir droit à l'assistance sociale.
Le sénateur Eggleton : Ils peuvent être sans ressources pendant un bon bout de temps — pour acheter de la nourriture, des vêtements, ou avoir un toit au-dessus de leur tête.
Mme Dench : Les organisations qui s'occupent d'eux trouvent cela difficile, parce qu'elles doivent s'occuper d'eux même si elles n'ont pas d'argent pour le faire.
Le sénateur Eggleton : La plupart des demandeurs à l'heure actuelle, 89 000, se trouvent en Ontario. Savez-vous ce que le gouvernement de la province pense de tout cela? Non? D'accord.
Les raisons invoquées par le gouvernement fédéral sont notamment, un, faire des économies, et deux, rendre le Canada moins attrayant pour les faux réfugiés. Que pensez-vous de cela?
Mme Chen : Je dirais que ces économies sont illusoires. Il n'y a pas d'économies à faire ici. En fait, les coûts vont augmenter, car la pauvreté augmentera, et le comité a déjà reconnu que la pauvreté a un coût. Si la pauvreté augmente, les coûts qui y sont associés augmenteront eux aussi.
Nous savons que les refuges coûtent cher. Loger quelqu'un dans un refuge coûte beaucoup plus cher que de lui fournir une aide au logement. Nous savons que les services d'urgence coûtent très cher, et que les gens en santé n'en ont pas besoin. Nous savons que la pauvreté entraîne la maladie et les problèmes de santé. Tous ces facteurs font grimper les coûts, sans compter le coût social. Les problèmes liés à l'intégration sociale et à l'inclusion sociale ne disparaîtront pas, et ils vont même au contraire augmenter. Il n'y a donc pas d'économie à réaliser. Les coûts vont au contraire augmenter.
Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il de la fraude?
Mme Chen : Nous avons des mécanismes en place pour la contrer. Le gouvernement fédéral a modifié dernièrement le système de détermination du statut de réfugié pour prétendument accroître son intégrité. Nous devrions donc déjà avoir les mécanismes qu'il faut en place. Le projet de loi n'a rien à voir avec cela. Je conteste même l'idée qu'il y a un grand nombre de faux réfugiés ou de demandes frauduleuses. Les statistiques indiquent plutôt le contraire. Le projet de loi n'a rien à voir avec tout cela, car il ne fait pas la différence entre les demandes qui sont acceptées et rejetées. Il s'applique à toutes les personnes qui revendiquent le statut de réfugié au Canada.
Mme Dench : Nous nous inquiétons des conséquences que cela aura sur les réfugiés. Pour ce qui est de l'effet de dissuasion, je vous invite à vous pencher sur l'expérience du Royaume-Uni et les recherches qui ont été menées sur la question pour voir si les gens disent « Allons au Royaume-Uni, la vie est belle là-bas ». Les recherches indiquent en fait que la plupart des gens ne savent pas où ils iront et ne connaissent pas les lois du pays. Les postulats de cette nature sur la dissuasion ne sont pas basés sur les faits.
La sénatrice Merchant : Je me suis toujours dit que la décision la plus importante que les gens ont à prendre sur la planète, c'est celle de quitter leur pays, leur famille, tout ce qui leur est familier, pour se mettre en quête d'un autre endroit dans le monde où ils pourront vivre un peu plus en paix et assurer l'avenir de leur famille. Ma famille vient de la Grèce. Leur situation n'était pas la même, mais je sais à quel point il leur a été difficile, même avec la famille, de venir s'installer à Regina avec cinq enfants.
J'aimerais d'abord savoir quel pourcentage des réfugiés sont des femmes et quel pourcentage sont des enfants? On entend parfois parler de gens qui envoient leurs enfants sur des bateaux pour les éloigner du danger. Je crains aussi que les provinces n'aient pas été consultées du tout sur cette question.
Je ne veux pas poser trop de questions, mais vous pourriez peut-être répondre à celles-là.
Mme Dench : Je n'ai pas de statistiques sur le pourcentage de femmes. Depuis quelques années, nous avons de plus en plus de difficultés, malheureusement, à obtenir de bonnes statistiques de CIC ou de l'Agence des services frontaliers du Canada. Autrefois, lorsque nous en avions, un peu moins de 50 p. 100 des demandeurs étaient des femmes. Il y a aussi assurément beaucoup d'enfants, et c'est bien sûr une source de préoccupation particulière.
Mme Chen : Je vais répondre à la question au sujet de la consultation des provinces.
Lorsque nous avons commencé à nous pencher sur l'ancêtre de ce projet de loi, le projet de loi d'initiative parlementaire C-585, nous avons mené une petite enquête pour savoir s'il s'agissait d'une initiative des provinces, qu'est-ce qui avait précipité cela, et nous avons appris que les gens ont été pris par surprise. Personne ne nous a dit avoir eu vent de consultations.
Je pense que si on regarde l'évolution du projet de loi, ou le fait que ses articles 172 et 173 proviennent textuellement d'un projet de loi d'initiative parlementaire, on peut en déduire qu'il n'y a pas eu de consultations. Il s'agissait à l'origine d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Nous pensons que cette façon de faire dénote l'absence de consultations, et il y a tout lieu de se demander pourquoi. Il faut demander au gouvernement fédéral ce qui a précipité ce projet de loi, qui a été consulté, et si personne n'a été consulté, pourquoi. Il s'agit d'un changement très important dans une loi fédérale qui touche à une norme nationale qui concerne les fonds qui sont alloués dans le but d'assurer la prestation de programmes sociaux responsables et cohérents partout au Canada afin de réduire la pauvreté.
Il s'agit d'une disposition très importante, et elle provient d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et elle se retrouve maintenant dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget, et c'est ce qui nous pose problème. Qui a été consulté? Nous savons que les audiences du comité seront très brèves. Il n'y a rien à faire. La question est réglée.
Je suggère que le comité renvoie la balle au gouvernement fédéral et lui pose ces questions, car à notre connaissance, il n'y a pas eu de consultations, comme l'indique l'origine du projet de loi.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de vos exposés. Ils suscitent assurément la réflexion.
Je vais vous parler à vous, en fait, parce que je pense que quelqu'un doit défendre les provinces dans votre exposé. Ma province veut désespérément attirer des immigrants. Nous voulons accueillir des immigrants et nous serions heureux d'accueillir des réfugiés. J'ai quelques réserves au sujet de votre façon d'extrapoler les scénarios. Je ne pense pas que le gouvernement qui est le plus près de la population va se comporter comme vous l'avez dit. En fait, je pense que cela pourrait être mieux pour les réfugiés. Pour être franche avec vous, je pense que plus le gouvernement est proche des gens, plus grandes sont son ouverture et sa compassion.
Je tiens à le mentionner et peut-être à vous faire réfléchir à ce que vous laissez entendre à propos du traitement que les provinces réserveraient à ces personnes. Je me dois de défendre les provinces là-dessus.
Mme Dench : J'aimerais réagir à cela. Merci d'avoir posé la question. Contrairement à ce que vous dites, nous ne pensons pas que les provinces vont couper les ponts. Ce ne serait pas dans leur intérêt et c'est certainement un point que nos membres font faire valoir aux différents gouvernements provinciaux.
Il vaut aussi peut-être la peine de revoir ce qui s'est passé en Colombie-Britannique. En 1995, le gouvernement de la Colombie-Britannique a imposé une obligation de résidence permanente de 90 jours, qui a plus tard été invalidée ou retirée. La province a également adopté une exception pour les demandeurs du statut de réfugié, reconnaissant leurs besoins particuliers, je présume.
Vous avez raison, ce n'est pas nécessairement cela qui va arriver, mais j'imagine qu'il s'agit aujourd'hui de déterminer si la loi fédérale devrait être modifiée pour permettre l'imposition d'une période obligatoire de résidence permanente pour certaines catégories d'immigrants, dont les demandeurs d'asile.
Si, par exemple, on avait une loi fédérale qui interdisait aux provinces d'imposer une période de résidence permanente aux hommes, que feriez-vous? Vous inviteriez les provinces. Vous diriez qu'il est juste d'imposer une période de résidence permanente aux femmes. En pratique, cela ne se fait pas, mais on dit que ce groupe de personnes pourrait être assujetti à de telles exigences.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vois où vous voulez en venir, mais encore une fois, j'ai tendance à croire que les gouvernements sont assez responsables, particulièrement les gouvernements provinciaux. Je n'imagine pas les gouvernements faire ce genre de choses, mais je comprends ce que vous voulez dire.
Mme Dench : Alors pourquoi adopter de telles dispositions?
La sénatrice Stewart Olsen : Comme je le disais, je crois qu'il est préférable d'impliquer les provinces. Certaines pourraient être très encourageantes. Je ne veux pas me lancer dans un débat. Je vous demande simplement d'éviter de supposer que tout sera terrible. En fait, je crois que cela pourrait améliorer les choses.
Mme Chen : Je pense que c'est davantage une question de risque, d'ouvrir la porte, comme Mme Dench le disait. Nous ne supposons pas que les provinces vont imposer des périodes minimales de résidence permanente, mais nous savons qu'en temps de contraintes financières, si une option s'offre aux provinces pour économiser de l'argent, elles en profitent. Nous savons que de telles mesures ont été prises, et cette disposition permet aux provinces de le faire d'une manière qui a des répercussions sur des personnes très vulnérables. C'est ce qui nous préoccupe.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends très bien ce que vous dites. Je fais pleinement confiance aux dirigeants provinciaux, et si une telle chose devait se produire, comme ce fut le cas en Colombie-Britannique, cela soulèverait un tollé. Les gens voudraient affirmer que nous sommes prêts à accueillir des réfugiés et que nous les traitons bien. Je ne suis pas dans la même position que vous, mais je vous demanderais d'avoir foi en la bonne volonté de nos provinces.
La sénatrice Seth : Merci pour vos exposés. Je vois que le projet de loi C-43 propose un amendement. Je m'adresse à Marie Chen. Vous avez écrit ici quelque chose à propos d'un amendement qui permettrait aux provinces d'imposer des périodes minimales de résidence permanente à certains groupes d'immigrants — aux demandeurs d'asile et aux personnes qui n'ont pas encore régularisé leur statut —, afin de limiter leur admissibilité à l'assurance sociale, sans financement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, TCPS. L'amendement vise certains groupes en se fondant uniquement sur leur statut d'immigrant. Qui sont ces personnes? Pouvez-vous me donner un exemple pour l'illustrer?
Mme Chen : Le projet de loi fonctionne à l'envers. À l'heure actuelle, la norme nationale veut qu'il soit interdit d'imposer une période de résidence minimale pour qui que ce soit. Le projet de loi, lui, interdit d'imposer une période de résidence minimale aux citoyens canadiens, aux résidents permanents, aux personnes protégées, aux personnes détenant un permis de travail temporaire et aux victimes de la traite de personne. Il faut donc voir quelles sont les catégories non couvertes. Certaines personnes sont exclues de cette protection, c'est-à-dire les demandeurs d'asile, les personnes qui n'ont pas régularisé leur statut d'immigrant, et celles qui attendent le traitement de leur demande de résidence permanente, et ce, même si elles sont au pays en toute légalité. On vise ainsi tous ceux qui ne sont pas énumérés dans les amendements. On procède donc à l'envers.
La sénatrice Seth : D'accord. À votre avis, quelle est la période de résidence minimale qui a été recommandée? Pensez-vous que le but de cette disposition pourrait être de prévenir les abus et la fraude, entre autres? Pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Chen : Le projet de loi ne précise pas la durée de la période minimale de résidence. C'est laissé à la discrétion des provinces. Je pense qu'on nous a déjà demandé si le projet de loi ne visait pas à prévenir les cas d'abus du système, et nous avons répondu à la question plus tôt. Notre réponse était que le projet de loi n'a rien à voir avec la prévention des cas d'abus, parce que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit déjà des mécanismes à cet effet, tout comme les différentes lois provinciales sur l'aide sociale. Nous avons des mesures très rigoureuses en place. Les personnes qui présentent une demande d'aide sociale doivent satisfaire à toutes les conditions établies pour en bénéficier, et tout cela est vérifié. Alors déjà, nos critères d'admissibilité sont très sévères. Le projet de loi n'a donc rien à faire avec les cas de fraude. Cela n'a rien à voir.
La sénatrice Seth : L'amendement vient donc changer le fait qu'on ne prévoit pas de période minimale.
Mme Chen : Le projet de loi ne propose aucune période de résidence minimale. C'est laissé à la discrétion des provinces. Les provinces pourraient, en théorie, choisir d'imposer une période de résidence minimale de trois mois, six mois ou un an. Il n'y a pas de limite.
La sénatrice Seth : Puis-je poser une autre question?
Le président : Vous pouvez en poser une dernière.
La sénatrice Seth : À part le Royaume-Uni, est-ce qu'un autre pays a imposé une telle restriction, et si oui, quelles ont été les répercussions?
Mme Dench : Je crois que tous les pays du monde reconnaissent que les demandeurs d'asile ont besoin du soutien de l'État à leur arrivée. Dans bien des pays d'Europe, ce soutien n'est pas offert directement par l'aide sociale. Le gouvernement fédéral ou local va plutôt verser une aide spéciale aux demandeurs d'asile. Souvent, le montant offert est minime, et bien des pays européens se sont valu des critiques à cet égard. En Allemagne, par exemple, un cas a été porté devant les tribunaux, car le montant versé aux demandeurs n'avait pas été majoré depuis des années, et c'était tout simplement insuffisant pour assurer la survie des bénéficiaires. Les tribunaux ont tranché que c'était inhumain.
On mène une campagne actuellement au Royaume-Uni pour dénoncer le soutien offert, qui ne suffit pas pour faire vivre une personne. C'est une question très controversée, mais selon mes recherches, il n'y a pas un seul pays en Europe qui ne verse aucun soutien aux demandeurs d'asile. J'espère sincèrement que le Canada ne se dirige pas dans cette direction, et c'est en partie pour cette raison que je suis ici aujourd'hui.
La sénatrice Seth : Merci beaucoup pour votre réponse.
Le président : Je précise, concernant les exemples que vous avez donnés, qu'une province pourrait aussi n'imposer aucune période minimale.
Mme Chen : C'est exact. La province pourrait décider de ne pas adopter une telle mesure.
Le président : Je voulais que tout soit clair.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés. La sénatrice Seth a déjà posé certaines des questions que j'avais en réserve, mais je m'interroge au sujet des statistiques qui nous ont été données. On dit ici que l'Ontario accueille 54 p. 100 des réfugiés. Selon les statistiques, l'Alberta n'en accueille que 6 p. 100. S'il y a une province où on a besoin de travailleurs, c'est bien l'Alberta. Je suis étonné qu'ils choisissent l'Ontario. Avez-vous une idée pourquoi ils le font?
Mme Dench : C'est une excellente question, et il serait sans doute approprié d'étudier la chose à fond. Je pense qu'on a vu une augmentation des demandes du statut de réfugié en Ontario au cours des dernières années. C'est entre autres en raison de la complexité du processus de demande d'asile et de la disponibilité de l'aide et des services d'experts en la matière. S'il n'y a pas beaucoup de demandeurs en Alberta ou en Saskatchewan, il devient plus difficile de soumettre une demande dans ces provinces. Les demandeurs sont donc peut-être portés à essayer dans une autre province, ou c'est ce qu'on leur conseille de faire. Nos recherches nous ont notamment permis de constater que certaines organisations accompagnent des demandeurs situés en dehors de la région qu'elles desservent. Par exemple, une organisation d'Halifax peut recevoir des appels du Nouveau-Brunswick, parce qu'il n'y a pas de services offerts au Nouveau-Brunswick pour aider les gens à préparer leur demande du statut de réfugié.
Alors une façon de remédier à cela serait d'offrir de meilleurs services de soutien à l'échelle du pays, de manière à ce que les demandeurs d'asile puissent préparer leur dossier en sachant qu'ils bénéficient de conseils avisés.
Le sénateur Enverga : Pas que j'encourage les gens à quitter l'Ontario pour l'Alberta, mais est-ce que ce ne serait pas plus productif si votre organisme aidait les demandeurs à s'installer en Alberta ou dans les autres provinces où on a grandement besoin de travailleurs?
Le président : Je vais vous interrompre. L'étude porte sur des éléments précis du projet de loi budgétaire, alors nous devons nous en tenir au contenu de l'amendement. Si votre réponse nous ramène sur ce sujet, c'est parfait, mais nous ne pouvons pas nous aventurer sur les raisons qui poussent les gens à choisir une province plutôt qu'une autre.
Mme Dench : Bien sûr, mais je crois que cela me permettrait de parler des répercussions qu'aurait cette disposition sur les demandeurs d'asile qui sont au Canada depuis un bon moment, car il a seulement été question de leur arrivée. C'est à ce moment qu'ils seront le plus touchés, mais je crois que cela pourrait aussi avoir une incidence sur leur mobilité au sein du pays.
On constate par exemple que certains demandeurs d'asile ne trouvent pas d'emploi dans la province où ils se trouvent, et ils entendent dire qu'il y a beaucoup de travail en Alberta. Ils aimeraient y aller pour trouver du travail. Mais si l'Alberta impose une période minimale de résidence, ces personnes pourraient en déduire qu'il serait trop risqué d'aller s'établir là-bas, car rien ne garantit qu'elles auraient un emploi immédiatement et elles se retrouveraient ainsi sans moyens de subsistance. Cela n'aide donc pas les mouvements interprovinciaux vers les offres d'emploi.
Le sénateur Enverga : Monsieur le président, si je pose la question, c'est parce que cette disposition donne plus de pouvoir aux provinces, et peut-être que cela pourrait inciter l'Alberta à ouvrir ses portes. C'est à cela que je pensais. C'est peut-être pour cette raison que le projet de loi a été rédigé, pour veiller à prendre soin des réfugiés.
Mme Chen : Le projet de loi n'accorde pas davantage de pouvoirs aux provinces. Elles peuvent déjà imposer une exigence de résidence. D'ailleurs, en vertu de la norme nationale, si les provinces exigent un délai minimal de résidence, elles réduiront leurs paiements au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
La norme nationale vise à assurer l'uniformité de la prestation de l'aide sociale à l'échelle du Canada. Par conséquent, toutes les provinces peuvent exiger un délai minimal de résidence, mais elles risquent de réduire leurs versements au titre du TCPS.
Il ne s'agit donc pas de donner plus de pouvoirs aux provinces. Il s'agit plutôt de déterminer comment les provinces et le gouvernement fédéral peuvent offrir des services d'une manière uniforme, équitable et responsable. Il n'est pas du tout question de pouvoirs accrus.
Le président : Je comprends. C'est exactement là où je voulais en venir.
Soit dit en passant, étant donné le besoin criant de main-d'œuvre en Alberta, cette province serait probablement la moins susceptible d'imposer de telles mesures, mais les points que vous avez soulevés sont très pertinents. C'est ce que nous voulions savoir.
Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Chaput.
[Français]
La sénatrice Chaput : Mesdames, vos inquiétudes et vos préoccupations, d'après moi, sont fondées. Mais le projet de loi C-43 sera adopté, ce qui veut dire que cet amendement le sera aussi. C'est juste une question de temps.
Puisque vous défendez si bien les droits des réfugiés et que cet amendement dit qu'il appartiendra aux provinces de décider si elles imposent de telles exigences ou non, avez-vous l'intention d'en discuter avec les provinces d'ici la fin de l'année? Surtout avec les provinces qui reçoivent le plus grand nombre de réfugiés. Comme mon collègue le disait, l'Ontario, le Québec et l'Alberta en accueillent beaucoup.
Mme Dench : Le Conseil canadien pour les réfugiés a des organismes membres à travers le Canada, dans toutes les provinces, et c'est sûr que c'est une question qui est à l'ordre du jour. Ce dossier nous est arrivé assez rapidement. Vous l'avouerez que l'on n'a pas eu beaucoup de temps pour organiser des rencontres. Mais je pense que l'on peut compter sur nos membres pour interpeller les instances provinciales. En fait, notre consultation nationale se tiendra à la fin novembre et ce dossier sera à l'ordre du jour. Nous allons discuter comment réagir à cette modification à la loi, si jamais le projet de loi est adopté.
[Traduction]
Mme Chen : Si je puis me permettre, le CASR a participé à l'élaboration de ce projet de loi, et nous collaborons avec de nombreux groupes œuvrant dans le domaine de la santé, des groupes communautaires qui s'occupent non seulement des réfugiés, mais qui se soucient également de la réduction de la pauvreté, des travailleurs communautaires et des fournisseurs de services. Nous savons que nous irons encore plus loin, et nous poursuivrons cette démarche si le projet de loi est adopté.
Nous espérons que le comité formulera certaines recommandations, au moins pour indiquer que ce n'est pas une bonne idée. Cela n'annonce rien de bon pour personne, et ce, tous niveaux confondus. Toutefois, nous n'en resterons pas là.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Je partage votre frustration à l'égard du délai minimal de résidence des réfugiés qui est en quelque sorte dissimulé dans un projet de loi de 460 pages. Hier, le comité était saisi du soi-disant projet de loi d'exécution du budget. Nous avons discuté de la banque de données génétiques, de l'Agence de la santé publique, et aujourd'hui, il est question des réfugiés, et selon moi, aucun d'entre eux ne devrait faire partie d'un document budgétaire, alors je partage tout à fait vos préoccupations.
Lorsque j'ai lu quelques-unes des observations faites récemment par le ministre Alexander au sujet du programme de santé pour les réfugiés, j'ai constaté qu'il semblait confondre les réfugiés et les immigrants. Pourriez-vous tirer les choses au clair et nous dire ce qu'est exactement un réfugié, parce que quand je lisais les propos du ministre, les deux termes étaient presque interchangeables. Qu'est-ce qu'un réfugié et à quoi sont-ils confrontés lorsqu'ils arrivent au Canada?
Mme Dench : La situation prête à confusion, et cela dépend en partie du contexte. Légalement parlant, un réfugié est une personne qui correspond à la définition établie par la Convention des Nations Unies et le Protocole relatif au statut des réfugiés. Il s'agit d'une définition internationale qui se trouve également dans les lois canadiennes. Les lois canadiennes renferment également d'autres dispositions qui sont un peu plus générales. Nous employons également le terme « personne protégée », qui couvre à la fois les conditions précises des réfugiés, mais aussi d'autres conditions plus générales.
Ce qu'il est important de souligner, c'est que les personnes qui arrivent au Canada et qui présentent une demande de statut de réfugié peuvent déjà être des réfugiés. Le processus de détermination du statut de réfugié sert à déterminer s'ils sont des réfugiés. Il ne vise pas à faire de ces personnes des réfugiés.
Lorsque nous parlons des demandeurs du statut de réfugié, nous ne savons pas s'ils sont des réfugiés, mais nous avons déjà des obligations à leur égard, alors il serait faux de dire qu'il n'y aura pas d'incidence sur les réfugiés, mais seulement sur les demandeurs du statut de réfugié, parce que nous savons que bon nombre des demandeurs sont des réfugiés.
La sénatrice Cordy : Par conséquent, lorsqu'on parle de la définition de « réfugié », qui est une définition des Nations-Unis — et qui se trouve également dans les lois canadiennes —, si on la modifie, cela a une incidence énorme sur les réfugiés. Nous savons que le gouvernement et la majorité des membres du comité ont voté en faveur de l'abolition du programme de santé pour les réfugiés, et nous savons que cette décision a été renversée cette semaine par les tribunaux et que ce programme sera rétabli.
Je suis d'accord avec la sénatrice Chaput lorsqu'elle dit que la majorité des membres du comité se prononceront probablement en faveur de cette partie du projet de loi, et qu'il est très probable que le projet de loi soit adopté par une majorité de sénateurs au Sénat.
Selon vous, ce projet de loi pourrait-il être contesté devant les tribunaux, tout comme l'a été la décision concernant le programme de santé pour les réfugiés?
Mme Dench : Évidemment, on peut tracer des parallèles avec l'expérience du Royaume-Uni et la façon dont la Cour fédérale du Canada a évoqué cette décision en statuant que les coupures dans le domaine de la santé constituaient un traitement cruel et inusité. Je pense qu'il faudrait se poser la question suivante : Qu'arrivera-t-il ensuite si une province impose une exigence de résidence? Je ne crois pas qu'on puisse se présenter devant les tribunaux simplement à cause de ces modifications à la loi, quoique je ne sois pas une avocate, et peut-être que Marie ne sera pas d'accord avec moi là- dessus.
Je suis également préoccupée par la perte de l'appui du public à l'égard des réfugiés. Nous sommes non seulement inquiets de savoir si ces dispositions seront mises en œuvre ou non, mais nous craignons aussi que certains candidats aux élections provinciales disent : « C'est ce que nous ferons », et que cela suscite un sentiment d'hostilité envers les réfugiés.
Comme nous l'avons vu dans de nombreux pays partout dans le monde, c'est une réalité : on se sert des réfugiés à des fins politiques, particulièrement au moment des élections. Il est très dangereux de s'aventurer dans cette voie. Je pense que nous sommes chanceux au Canada d'avoir une forte tradition de soutien aux réfugiés et de pouvoir être fiers de protéger les réfugiés, mais ces dernières années, ce soutien a été remis en question, et c'est pourquoi, à notre avis, il est important que tous nos dirigeants et tous nos citoyens se prononcent résolument en faveur de la protection des réfugiés.
Mme Chen : Je dirais que si une exigence de résidence est imposée par une province quelconque, cela pourrait être contesté en vertu de l'article 7 de la Charte, qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne; de l'article 12, qui traite de la protection contre les traitements cruels et inusités, dont font partie les coupures dans le domaine de la santé; et je dirais même de l'article 15, qui garantit le droit à l'égalité. On refuse des prestations d'aide sociale à des gens simplement pour ce qu'ils sont. C'est de la pure discrimination.
Il est troublant de devoir contester devant les tribunaux les coûts associés à une contestation judiciaire. Il s'agit d'un groupe de gens très vulnérables. Il est extrêmement coûteux de contester une décision devant les tribunaux; et le tribunal lui-même, selon moi, est une tribune de dernier recours. Je crois que nous devrions régler ces problèmes avant qu'ils ne surviennent. Nous devrions les prévenir. Nous devrions être plus proactifs, plutôt que de devoir réagir et de devoir ensuite contester devant les tribunaux une loi qui est injuste et inhumaine.
Le sénateur Eggleton : La norme nationale qui est proposée ici — les citoyens canadiens, les résidents permanents, les victimes de la traite de personnes qui détiennent un permis de résidence temporaire et les personnes protégées —, que pensez-vous de ces deux dernières catégories? Sommes-nous en train de dire que les personnes victimes de la traite de personnes sont acceptées comme réfugiés, mais que les autres personnes, qui arrivent notamment de pays déchirés par la guerre — la Syrie, le Soudan, le Congo ou peu importe — ne le sont pas? Quel est votre avis là-dessus?
Mme Dench : En ce qui concerne le permis de résidence temporaire pour les victimes de la traite de personnes, je considère qu'il y a une lacune dans la loi. Chose certaine, au Conseil canadien pour les réfugiés, nous aimerions voir quelque chose d'officiel dans la loi, de sorte que les victimes de la traite de personnes bénéficient d'une protection adéquate au Canada, mais il n'y a rien en ce moment dans les lois actuelles. Seules quelques lignes directrices ministérielles indiquent que les victimes du trafic humain devraient avoir accès à un permis de résidence temporaire.
Le fait que cette mesure ne figure que dans des lignes directrices m'amène à me poser les questions suivantes : Qu'arrivera-t-il si un futur ministre change ces lignes directrices ou les retire complètement? Qu'adviendra-t-il de cette disposition?
Je pense que les victimes de la traite de personnes devraient jouir d'une protection adéquate. On a soulevé des préoccupations concernant l'accès à ces permis de résidence temporaire et, en fait, les changements apportés à la loi ont fait en sorte que certaines victimes de la traite de personnes n'ont même pas accès à ces permis. Il y a donc plusieurs lacunes à ce chapitre.
Le sénateur Eggleton : Qui sont les personnes protégées?
Mme Dench : Je suis désolée, c'est la définition, le libellé qui figure dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et les personnes protégées englobent les personnes qui correspondent à la définition de réfugié conformément à la convention ainsi que quelques autres catégories. Par conséquent, les personnes dont la vie est en danger ou qui risquent la torture peuvent également correspondre à la définition de « personne protégée ». Lorsqu'on voit le terme « personne protégée » dans ce type de document juridique, on parle souvent de « réfugié ».
Le président : Je vous remercie, mesdames Dench et Chen, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Vous avez exposé vos positions très clairement. Je pense que nous comprenons tous très bien les arguments que vous avez fait valoir.
Pour la prochaine séance, nous accueillons Daniel MacDonald, chef, TSC/TPCS et politiques pour le Nord, Division des relations fédérales-provinciales, à Finances Canada; et Mark Davidson, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Si j'ai bien compris, monsieur Davidson, vous allez nous présenter un exposé. Vous pouvez commencer.
[Français]
Mark Davidson, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, Citoyenneté et Immigration Canada : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Je m'appelle Mark Davidson, je suis le directeur général des Relations internationales et intergouvernementales au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada. Je suis accompagné de mon collègue de Finances Canada, M. Daniel MacDonald.
[Traduction]
Nous sommes ici pour répondre aux questions techniques que vous avez concernant les modifications apportées à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, en vertu de la partie 4 de la section 5 du projet de loi C-43.
Dans l'ensemble, les modifications proposées à la LAFGFP visent à accorder aux provinces et aux territoires une plus grande marge de manœuvre pour imposer un délai minimal de résidence à la plupart des étrangers avant qu'ils puissent avoir accès à l'aide sociale sur leur territoire. La compétence liée à l'aide sociale relève des gouvernements provinciaux et territoriaux, et les modifications proposées respectent pleinement cette compétence. Il revient donc à chaque province et à chaque territoire de déterminer l'admissibilité aux prestations d'aide sociale. Cela signifie aussi que, s'ils décidaient d'instaurer une période de résidence visant les étrangers, les provinces et les territoires décideraient également de la durée de cette période de résidence.
À l'heure actuelle, les provinces et les territoires ne peuvent pas imposer un délai minimal de résidence pour bénéficier de l'aide sociale, sans réduire leurs paiements au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Les mesures proposées à la LAFGFP accorderaient une plus grande marge de manœuvre aux provinces et aux territoires en éliminant cet obstacle en ce qui concerne les étrangers.
[Français]
Je veux être clair : ces modifications ne s'appliquent pas aux citoyens canadiens, aux résidants permanents, aux personnes protégées, c'est-à-dire les réfugiés, et les victimes de la traite de personnes qui détiennent un permis de séjour temporaire valide.
Dans le cadre de ces modifications proposées, si les provinces et les territoires décidaient d'imposer une période de résidence, la plupart des étrangers pourraient être visés par un délai minimal de résidence, dont les suivants : les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants étrangers, les visiteurs et les demandeurs d'asile.
[Traduction]
Il est important de souligner que, aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, pour obtenir un visa de visiteur ou un permis d'études ou de travail, tous les étrangers doivent démontrer qu'ils peuvent subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge pendant la durée de leur séjour. Les modifications proposées à la LAFGFP coïncident avec cette exigence.
En effet, ces mesures accordent aux provinces et aux territoires la marge de manœuvre supplémentaire nécessaire pour établir un délai minimal de résidence avant que les étrangers soient admissibles à l'aide sociale, qui relève de leur compétence, sans réduire leurs paiements au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
Elles fournissent aux provinces et aux territoires des outils supplémentaires pour façonner leurs régimes de prestations d'aide sociale, s'ils décident d'en tirer parti.
Merci. Mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci infiniment. Je vais commencer par donner la parole au sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : D'abord, qu'est-ce qui justifie le dépôt de ce projet de loi maintenant? Qui le réclame, pourquoi et qui a été consulté?
M. Davidson : Sénateur, la nécessité de rééquilibrer les pouvoirs ou d'abolir les pénalités à l'encontre des provinces voulant établir des exigences de résidence dans le contexte de la LAFGFP est apparue pendant les conversations que nous avons eues avec le gouvernement de l'Ontario, dans un exercice de réflexion sur des mesures stratégiques pour réagir à la réforme du statut de réfugié. Nous avons donc eu de multiples conversations avec des gens du gouvernement de l'Ontario, qui nous ont menés à nous pencher sur les prestations très généreuses que le Canada versait aux demandeurs d'asile par le passé, et nous nous sommes demandé s'il y avait lieu de modifier certaines choses pour dissuader les gens de déposer des demandes d'asile inappropriées. Il y a donc eu de multiples discussions, avec des représentants de l'Ontario en particulier, puisque comme vous l'avez déjà dit vous-même aujourd'hui, un pourcentage élevé de ces personnes s'installent en Ontario.
Pendant ces échanges, les Ontariens nous ont rappelé qu'il y a une disposition de la LAFGFP, la loi fédérale, qui limite le pouvoir des gouvernements provinciaux de faire un choix politique qui relève pourtant de sa compétence, ou qui prévoit à tout le moins des sanctions contre les provinces qui feraient ce choix. Avec le temps, nous avons réexaminé la LAFGFP et nous nous sommes rendu compte qu'il serait justifié que le gouvernement fédéral abolisse cette pénalité dans un domaine de compétence provinciale.
Le sénateur Eggleton : C'est donc le gouvernement de l'Ontario qui l'a demandé?
M. Davidson : Je ne dirais pas que le gouvernement de l'Ontario l'a demandé en tant que tel, mais c'est certain que cette question s'est imposée pendant les conversations que nous avons eues avec ses représentants dans un passé récent.
Le sénateur Eggleton : Vous avez dit dans votre présentation que les provinces ne seraient pas pénalisées, en ce sens que leurs paiements de transferts en matière de programmes sociaux ne seraient pas réduits. Le président nous a dit tout à l'heure que l'Ontario pourrait décider de ne pas imposer de délai du tout. Quel est donc le but? Si le gouvernement veut réduire ses coûts, s'il veut réduire le fardeau des demandes de statut de réfugié illégitimes sur le Trésor, comment cela sera-t-il possible si vous ne commencez pas à utiliser la définition même des paiements de transfert qui établit à quelle population ils sont destinés?
M. Davidson : Permettez-moi de clarifier une chose. Cette disposition n'aura pas d'incidence sur le paiement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, les montants versés ne changeront pas, et je pourrais peut-être donner la parole à mon collègue pour qu'il nous l'explique.
Daniel MacDonald, chef, TSC/TPCS et politiques pour le Nord, Division des relations fédérales-provinciales, Finances Canada : Absolument. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux est en fait un transfert en bloc versé aux provinces et aux territoires pour les aider dans les domaines de l'éducation postsecondaire, de l'aide sociale, des programmes sociaux et des garderies.
Les sommes allouées prennent la forme d'allocations théoriques, de manière à respecter les compétences provinciales et territoriales, et sont calculées en fonction de la proportion de la contribution fédérale. Les provinces et les territoires peuvent dépenser ces sommes dans ces domaines selon leurs propres priorités. Cette disposition ne change en rien les sommes que reçoivent les provinces en allocations au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
Le sénateur Eggleton : Pas pour l'instant, mais elle pourrait avoir une incidence plus tard si cela devient la définition des paiements de transferts. Une fois que ce sera inscrit dans la loi, il sera tout à fait possible de l'utiliser de cette manière.
Si l'Ontario décide de ne rien imposer, qu'il n'y a pas de délai, alors vous nous dites que la province de l'Ontario ne manquera pas de fonds en conséquence, pas plus qu'une autre province, d'ailleurs. Vont-elles tout de même recevoir des transferts fédéraux en matière de programmes sociaux pour les réfugiés dès le premier jour si c'est ce qu'elles choisissent de faire?
M. Davidson : Le but est d'éliminer la règle fédérale qui pénalise les provinces pour une décision de politique publique qui relève de leur compétence. C'est essentiellement l'enjeu ici.
Le sénateur Eggleton : Le gouvernement fédéral ne peut pas exactement faire fi des questions liées aux réfugiés. Nous avons des responsabilités en vertu de cette loi en matière d'immigration et de réfugiés; nous avons toujours assumé ces responsabilités, donc il ne me semble pas judicieux du tout de nous en laver les mains.
Par ailleurs, vous fondez tout votre argumentaire sur des discussions qui ont eu lieu avec des représentants de l'Ontario. Le gouvernement de l'Ontario n'a rien demandé. Vous n'avez nommé aucune autre province avec laquelle vous en auriez discuté, vous n'avez mentionné personne d'autre à qui vous en auriez parlé. Avez-vous consulté d'autres personnes?
M. Davidson : Dans le cadre de ma fonction de directeur général responsable des relations fédérales-provinciales, j'ai eu des conversations avec les représentants d'autres provinces. Lorsque nous avons fait l'exercice avec l'Ontario, nous avons pris conscience des difficultés qu'ont créées les prestations généreuses de l'Ontario et le manque de communication entre le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement fédéral dans le contexte des demandeurs d'asile, après quoi nous en avons bien sûr informé les autres provinces, mais pour ce qui est des détails de ce mécanisme, non, sénateur, nous n'en avons pas discuté en profondeur avec les représentants des provinces.
Le sénateur Eggleton : Aucune province ne l'a demandé?
M. Davidson : Non.
[Français]
La sénatrice Chaput : Ce projet de loi modifie la norme nationale. Il donne plus de marge de manœuvre aux provinces qui ont le choix de le faire ou non. Et en même temps, le projet de loi élimine les pénalités qui existaient auparavant.
Dans le cas des pénalités, est-ce que le gouvernement fédéral a déjà retenu le financement d'une province ou d'un territoire, parce que justement, les provinces ou les territoires ne s'étaient pas conformés à la norme nationale? Y a-t-il déjà eu des cas semblables?
[Traduction]
M. MacDonald : Cette disposition apparaît dans diverses lois fédérales qui se sont succédé depuis la fin des années 1950.
Je sais qu'il y a eu un cas en Colombie-Britannique, au milieu des années 1990, où l'on a brièvement imposé un délai de résidence minimal. Un autre témoin l'a mentionné. C'était sous le régime d'une version précédente de cette loi qu'on appelait le Régime d'assistance publique du Canada, un ancien programme qui a été remplacé par l'actuel Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
Personne n'a jamais imposé de délai de résidence minimal sous le régime du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, de sorte qu'il n'y a jamais eu de retenue imposée à une province en conséquence.
[Français]
La sénatrice Chaput : S'il n'y a pas eu de problème par le passé, pourquoi la modifier?
[Traduction]
M. Davidson : Comme je l'ai déjà dit, madame la sénatrice, le but ici est de retirer un passage de la loi fédérale qui pénalise les provinces ou qui pourrait pénaliser une province ou un territoire qui déciderait d'exercer ses propres compétences constitutionnelles.
La sénatrice Chaput : Mais ce n'est jamais arrivé auparavant.
M. Davidson : C'est vrai, sous le régime de cette disposition précise, comme mon collègue l'a expliqué.
Le sénateur Enverga : Selon ce que vous avez dit, il semble que ce projet de loi vise à améliorer les relations entre la province et le gouvernement fédéral, n'est-ce pas?
M. Davidson : Il vise effectivement à abroger une pénalité à laquelle les provinces s'exposent si elles exercent leurs propres responsabilités constitutionnelles. De ce point de vue, en effet, il met en évidence les différences importantes entre le rôle du gouvernement fédéral et celui des provinces.
Le sénateur Enverga : Vous avez peut-être entendu notre conversation à ce sujet avec les derniers témoins. Vous mentionnez que ces modifications ne s'appliquent pas aux citoyens canadiens, aux résidents permanents ni aux personnes protégées, comme les réfugiés. Parlez-vous de tous les réfugiés ou seulement des réfugiés illégaux?
Le président : Je vais vous demander de préciser la question, parce que le résumé que vous venez de faire n'est pas tout à fait exact. Pouvez-vous clarifier la question en ce qui concerne les réfugiés? C'est la partie qui porte à confusion.
M. Davidson : Comme Mme Dench l'a expliqué, le terme employé dans le projet de loi, qui est le même que celui qu'on trouve dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, est « personne protégée », de sorte que la limite au pouvoir des provinces de faire ce choix stratégique s'applique aux citoyens canadiens et aux résidents permanents, qui jouissent tous deux de leurs pleins droits de mobilité en vertu de la Charte canadienne. Elle s'applique aussi aux personnes protégées, qui sont des personnes considérées comme des réfugiés, par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou par les agents des visas dans le contexte du programme de réinstallation des réfugiés. Cette exclusion s'applique aussi, enfin, au groupe spécial de personnes jugées particulièrement vulnérables, qui sont arrivées au Canada en tant que victimes de la traite des personnes et qui détiennent un permis de séjour temporaire dans ce contexte.
La sénatrice Seth : Je vous remercie de votre exposé.
Monsieur Davidson, vous avez écrit ici qu'il est important de souligner que, aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, pour obtenir un visa de visiteur ou un permis d'études ou de travail, tous les étrangers doivent démontrer qu'ils peuvent subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge pendant la durée de leur séjour.
Quel est le genre de documentation qu'ils doivent produire pour attester de leur sécurité financière?
M. Davidson : Madame, cela varie énormément d'une personne à l'autre.
J'ai passé la première moitié de ma carrière à travailler comme agent des visas et à traiter ce genre de cas. Il peut s'agir parfois d'une personne qui a un emploi dont on sait qu'il est bien payé, comme il peut s'agir d'étudiants, par exemple, pour qui nous chercherons de plus amples renseignements pour avoir la certitude qu'ils ont les moyens de payer leurs études et de vivre au Canada. La documentation variera beaucoup d'une personne à l'autre. C'est clairement une question très présente dans les décisions entourant la délivrance de ce genre de documents, tant à l'étranger qu'à la frontière.
La sénatrice Seth : J'ai vu des cas rejetés, pour lesquels les gens ont demandé des justifications et ont appris qu'ils avaient été refusés parce que leurs déclarations de revenus de leur pays d'origine ne suffisaient pas pour appuyer leur demande.
M. Davidson : Oui, madame la sénatrice, il peut effectivement arriver qu'une personne ait l'impression d'avoir fourni suffisamment de documents, mais il revient à la personne de s'assurer qu'elle a vraiment fourni assez d'information pour satisfaire l'agent des visas. Si ce dernier juge la documentation insuffisante ou s'il considère qu'elle n'atteste pas de suffisamment d'appui, il a le pouvoir, selon la loi, de rejeter la demande.
La sénatrice Seth : Merci.
La sénatrice Cordy : Pour revenir aux observations du sénateur Eggleton, il n'y a aucune province qui a réclamé ce projet de loi, même s'il les touche très directement. Qui a réclamé ces modifications?
M. Davidson : C'est un projet de loi du gouvernement, il a donc été élaboré dans le contexte d'une analyse normale. Le gouvernement s'est interrogé sur les lacunes observables dans les lois, s'est demandé quels problèmes devaient être corrigés. Dans ce cas-ci, comme je l'ai dit, quand on s'est rendu compte qu'il y avait un problème parce que le gouvernement fédéral pourrait potentiellement pénaliser des provinces pour avoir pris des décisions de politique publique qui relèvent de leur propre compétence, le gouvernement a décidé que c'était suffisamment important pour mériter une inclusion dans ce projet de loi.
La sénatrice Cordy : La demande n'est pas venue des provinces directement touchées par ces dispositions. Aucune n'a rien demandé de tel. Après analyse et après avoir constaté des lacunes pour lesquelles les provinces n'ont pas demandé de correctifs, le gouvernement a décidé de son propre chef que la meilleure façon d'analyser la situation serait de déposer un projet de loi d'initiative parlementaire, je suppose.
M. Davidson : Comme je l'indiquais, le problème a été soulevé lors de conversations que nous avons eues avec les représentants du gouvernement ontarien. À l'issue de notre analyse de la situation, il y a effectivement eu deux projets de loi d'initiative parlementaire. On a ensuite décidé que la question était suffisamment importante pour qu'on l'intègre à un projet de loi émanant du gouvernement.
La sénatrice Cordy : Ou bien était-ce déjà au départ un projet de loi émanant du gouvernement qui était déguisé en projet de loi d'initiative parlementaire. J'ai des conversations avec bien des gens et cela ne signifie pas pour autant que je vais vouloir en faire un projet de loi. Je ne sais pas trop pourquoi on prend une telle mesure alors que les provinces n'ont rien demandé.
Vous avez dit que ces changements ne s'appliquent pas aux réfugiés, mais on indique pourtant le contraire dans toute la documentation dont j'ai pris connaissance comme dans nos notes d'information. Les témoins qui ont comparu avant vous ont également souligné que les réfugiés seraient touchés. Qu'est-ce qui vous fait croire qu'ils ne le seront pas?
M. Davidson : Les témoins en question parlaient des demandeurs d'asile. J'ai moi-même signalé dans mon exposé que les gens auxquels on n'avait pas encore accordé le statut de réfugié et qui n'étaient donc pas des réfugiés au sens de la loi fédérale pourraient être touchés si une province décide d'exercer son pouvoir constitutionnel.
La sénatrice Cordy : Un revendicateur du statut de réfugié sera donc touché.
M. Davidson : Il pourrait l'être si la province ou le territoire choisit d'exercer sa compétence.
La sénatrice Cordy : Tout bien considéré, je serais d'accord avec le sénateur Eggleton. Ce sont des réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies. C'est une loi canadienne et on semble pourtant vouloir se décharger de cette responsabilité sur le dos des provinces. Mais c'est peut-être simplement mon interprétation personnelle.
Vous avez aussi précisé que les victimes de la traite de personnes qui détiennent un permis de séjour temporaire ne seront pas touchées, ce qui est une bonne chose. Les témoins précédents nous ont toutefois indiqué qu'il pouvait être très difficile pour ces victimes d'obtenir un permis de séjour temporaire et que l'attente à cet effet pouvait être longue.
M. Davidson : Concernant le premier point que vous soulevez, l'exclusion proposée ici visant à assurer une protection additionnelle s'appuie sur une définition prévue dans la loi canadienne. C'est celle de « personnes protégées » en vertu du paragraphe 95(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. C'est la définition actuellement établie dans la loi fédérale pour les personnes protégées, et elle inclut les réfugiés.
Pour ce qui est des victimes de la traite de personnes, ce projet de loi ne modifie en rien la façon dont leur dossier est traité.
La sénatrice Cordy : Ce n'est pas ce que je voulais laisser entendre. Je dis simplement que si ces personnes n'arrivent pas à obtenir un permis de séjour temporaire, elles pourraient, malgré l'exclusion, être assujetties à un délai de résidence. Merci.
Le sénateur Eggleton : Pour que les choses soient bien claires à la suite des questions posées par la sénatrice Seth et le sénateur Enverga, nous parlons en fait des revendicateurs du statut de réfugié, ou des demandeurs d'asile, si vous préférez. Ce sont ces gens-là qui sont à risque.
Lorsque les réfugiés de la mer sont arrivés du Vietnam, je suis certain que personne n'a cherché à connaître le solde de leurs comptes en banque. Il s'agissait de toute évidence de réfugiés qui étaient sans le sou, et c'est le lot de bien des gens qui arrivent au Canada. Le problème c'est de savoir ce qui se passe entre le moment de leur arrivée et celui où une décision est rendue quant à leur statut de réfugié. Quelle est la durée moyenne de ce délai?
M. Davidson : Sénateur Eggleton, les réfugiés de la mer sont arrivés dans le contexte d'un programme de réinstallation. Mme Dench a fait une observation concernant le soutien offert par le Canada aux réfugiés, et je suis tout à fait d'accord avec elle.
Mon ministère, le gouvernement dans son ensemble, tous les anciens gouvernements du Canada et la société canadienne en général ont toujours bien compris la valeur de l'immigration et l'importance de notre tradition humanitaire en faveur de la protection des réfugiés.
Les réfugiés de la mer faisaient partie de ceux que l'on appelle maintenant les « personnes protégées ». Le Canada est un chef de file mondial en la matière. Peu de pays ont des programmes de réinstallation d'envergure. Le Canada est certes du nombre. La disposition à l'étude ne changera rien à cette réalité.
Vous avez ensuite demandé, sénateur, combien de temps il faut pour traiter un dossier semblable. Dans le contexte du programme de réinstallation, notamment pour les réfugiés de la mer, on considère normalement qu'il s'agit de résidents permanents. Ils obtiennent ce statut dès leur arrivée au Canada.
Pour les personnes qui revendiquent le statut de réfugié, que ce soit en arrivant à la frontière ou lorsqu'elles sont déjà au pays, les réformes mises en place au sein du système de détermination du statut de réfugié au cours des dernières années ont permis de réduire considérablement le temps de traitement. Je crois qu'il faut en moyenne de trois à quatre mois à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour rendre une décision, ce qui est beaucoup plus rapide qu'il y a quelques années à peine.
Le sénateur Eggleton : C'est peut-être plus rapide, mais je ne crois pas que l'on puisse parler de réformes.
Durant cette période de trois ou quatre mois, si la province décide d'imposer un délai de résidence de trois mois, qu'est-ce que les personnes visées peuvent faire pendant ce laps de temps? Crever de faim?
M. Davidson : Cela ferait partie des éléments que le gouvernement provincial doit prendre en compte pour déterminer s'il souhaite tirer parti ou non du fait qu'il n'y aura plus de sanctions qui seront imposées s'il choisit d'exercer sa compétence.
Si la province décide d'aller de l'avant, elle verra comme toujours à s'assurer que les mesures nécessaires sont prises pour aider les personnes dont la situation est particulièrement précaire.
Je répète que ce projet de loi ne vise pas à obliger les provinces à agir de la sorte. Il a pour but de supprimer la pénalité qui leur est imposée lorsqu'elles choisissent d'exercer leur compétence.
Le sénateur Eggleton : Si le délai de trois mois ou d'une autre durée est ainsi mis en place, est-ce que le montant du Transfert social canadien sera réduit en conséquence?
M. Davidson : Absolument pas.
M. MacDonald : Pouvez-vous répéter la question?
Le sénateur Eggleton : Si une province fait part de son intention d'imposer un délai de résidence de trois mois aux revendicateurs du statut de réfugié, en quoi le calcul des transferts fédéraux à cette province sera-t-il modifié? Comme elle va dépenser moins d'argent en raison de ce délai de résidence de trois mois, on peut présumer qu'elle en recevra moins.
M. MacDonald : Précisons tout d'abord que le Transfert social canadien aux gouvernements provinciaux et territoriaux vise les secteurs que j'ai mentionnés précédemment, à savoir la garde d'enfants, l'éducation postsecondaire, les programmes sociaux et l'aide sociale, mais n'est assorti d'aucune condition quant à la façon dont on utilisera les fonds transférés par le gouvernement fédéral. C'est donc à la province qu'il incombe de déterminer en fonction de quelles priorités ce financement sera réparti, ce qui fait que le montant du transfert ne dépend pas des sommes versées en aide sociale, si je puis m'exprimer ainsi.
Par ailleurs, si un délai de résidence est imposé conformément aux modalités prévues pour la modification apportée via ce projet de loi, le ministre de l'Emploi et du Développement social n'aura pas à communiquer avec la province pour confirmer que la condition établie n'a pas été respectée et procéder à une déduction conformément à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Le sénateur Eggleton : Vous éludez la question. À mon sens, le montant du transfert social est établi en fonction des sommes que l'on estime devoir dépenser, ou tout au moins de certains chiffres sur lesquels on peut se baser. Si une province choisit d'imposer un délai, il faut présumer que vous allez lui verser moins d'argent. En revanche, si les personnes en question se retrouvent dans la rue ou dans des refuges, ce qui est très coûteux pour une société, est-ce que la province pourra également demander une compensation?
M. MacDonald : Je vais d'abord répondre à la première partie de votre question. Vous vouliez savoir si le montant des fonds versés dans le cadre du Transfert social canadien varie en fonction des sommes réellement dépensées. Suivant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, il y a un montant total de financement auquel on applique un facteur d'indexation automatique. Ce montant est réparti entre les provinces et les territoires en fonction de leur population. Cette partie de l'équation demeure inchangée.
M. Davidson : Qu'une province décide ou non d'imposer cette exigence, le montant qu'elle reçoit du gouvernement fédéral ne changera pas.
Le sénateur Eggleton : Pourquoi donc apporter un tel changement? Cela n'a aucun sens. Aucune province n'en a fait la demande et vous dites que les sommes versées ne seront pas réduites, bien que j'en doute, car le gouvernement pourra toujours invoquer cette définition pour diminuer le montant du transfert.
La sénatrice Merchant : J'essaie simplement de voir qu'est-ce que cela va changer dans la pratique au sort de ces réfugiés qui veulent s'installer au Canada.
Vous avez dit que le Canada est une destination convoitée. La panique s'est répandue il y a quelques années lorsque quelques bateaux remplis de passagers sont arrivés au large de la côte Ouest. Je ne sais pas exactement combien il y avait de réfugiés. J'ignore s'ils sont allés directement en Saskatchewan; je crois qu'ils ont transité par un autre endroit.
Pouvez-vous me dire ce qui est arrivé à ces gens-là, combien de temps il a fallu pour traiter leur dossier? Se sont-ils retrouvés dans la rue? Ont-ils été détenus quelque part? Quel a été le délai de traitement pour le dossier de ces gens-là seulement? Je ne sais pas combien ils étaient; je pense qu'il y en avait 300. Comment se sont passées les choses pour eux et en quoi les nouvelles dispositions proposées vont améliorer leur sort?
M. Davidson : Je suis désolé, sénatrice, mais je ne connais pas les détails de la situation que vous évoquez. Je ne peux donc pas vraiment vous dire ce qu'il est advenu des gens qui sont arrivés au pays dans ce contexte.
Quant aux impacts possibles de ce projet de loi, si la province d'accueil choisit d'imposer un délai de résidence pour avoir accès à l'aide sociale, elle pourra le faire en sachant très bien que le gouvernement fédéral ne pourra pas la pénaliser pour avoir décidé d'exercer sa propre compétence.
La sénatrice Merchant : Autrement dit, le gouvernement fédéral s'en lave les mains. Il ne veut pas s'acquitter de sa responsabilité de venir en aide à ces gens désespérés au point de parcourir d'aussi longues distances. Comme je le disais précédemment, c'est le dernier recours pour ces femmes et ces enfants. Le gouvernement fédéral s'en lave donc maintenant les mains. Les provinces n'ont rien demandé, mais on a décidé de se décharger de cette responsabilité sur leur dos.
M. Davidson : Si vous me permettez de répondre, sénatrice, le champ d'application de ce projet de loi est très restreint. Il s'agit simplement de dire à la province que le gouvernement fédéral ne lui imposera pas de sanctions en réduisant le Transfert social canadien si elle choisit d'exercer son pouvoir.
La sénatrice Merchant : Je comprends.
M. Davidson : Absolument rien dans ce projet de loi n'a pour effet de réduire nos obligations envers la protection des réfugiés ni d'entacher nos traditions humanitaires en la matière dont nous sommes tous, je crois, extrêmement fiers. Ce projet de loi ne mine aucunement notre capacité d'agir et ne laisse pas non plus entrevoir une diminution du soutien de notre pays pour les personnes vivant des situations humanitaires semblables.
Le président : Merci. Je pense que nous comprenons bien la situation. Nous comprenons certes les préoccupations soulevées relativement aux impacts possibles dans certaines circonstances. Il nous restera maintenant à déterminer ce que nous comptons recommander.
Je veux vous remercier tous les deux d'avoir répondu aussi clairement à des questions parfois difficiles compte tenu de certains aspects particuliers de la problématique.
(La séance est levée.)