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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 30 - Témoignages du 26 mars 2015


OTTAWA, le jeudi 26 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour faire l'étude article par article de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables collègues, nous sommes réunis à nouveau pour discuter du projet de loi S-208. Nous en sommes à la séance où je dois vous demander si le comité convient de passer à l'étude article par article du projet de loi S-218, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

Des voix : Entendu.

La sénatrice Frum : J'aimerais proposer une motion faisant en sorte que le comité ne procède pas à l'étude article par article aujourd'hui.

Le président : Vous l'avez apportée?

La sénatrice Frum : Oui.

Le président : Avez-vous des copies dans les deux langues officielles pour tous les membres du comité?

La sénatrice Frum : Oui.

Le président : Dans ce cas, la motion est recevable.

Sénatrice, la motion comprend-elle les projets de rapport? Ils doivent aussi être distribués.

Les documents ont été fournis aux interprètes et à tous les membres du comité, mais les membres du comité ont évidemment besoin de temps pour les lire. Si vous êtes d'accord, nous allons laisser le temps à tous les membres de lire les documents.

Les sénateurs ont-ils tous eu la chance de les lire?

Sénatrice Frum, vous avez présenté votre motion, je crois toutefois qu'il serait opportun que vous la lisiez en déclarant que vous la proposez.

La sénatrice Frum : Je propose la motion suivante :

Que le comité s'abstienne de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice;

Que, conformément à l'article 12-23(5) du Règlement, le comité recommande que le Sénat abandonne l'étude du projet de loi;

Que le comité adopte le projet de rapport;

Que le comité de direction soit autorisé à apporter les modifications nécessaires au rapport pour corriger toute erreur typographique ou grammaticale.

Le président : Merci, sénatrice. Le comité est maintenant dûment saisi de la motion, je cède la parole aux sénateurs.

Le sénateur Cowan : La sénatrice Frum veut-elle parler de sa motion?

La sénatrice Frum : Je voudrais en parler.

Le sénateur Cowan : Allez-y, j'interviendrai après.

Le président : Merci. Je me demandais si vous posiez une question.

Le sénateur Cowan : J'aimerais entendre la sénatrice Frum.

La sénatrice Frum : J'aimerais d'abord féliciter le sénateur Cowan d'avoir attiré l'attention du comité sur cette très importante question de politique publique.

En tant qu'ancienne membre du Comité des affaires juridiques, je reconnais tout à fait que la question abordée dans le projet de loi S-208 est urgente et importante. J'appuie et je comprends la motivation et la bonne volonté qui guide l'attention portée à cette question importante.

Toutefois, je crois qu'il est juste d'affirmer que presque tous les témoins entendus par le comité étaient d'avis que les fonctions décrites dans le projet de loi S-208 sont déjà assumées par l'actuelle Commission canadienne de la santé mentale. Les témoins en faveur du projet de loi étaient aussi d'avis que l'élargissement du mandat de la commission constituerait une démarche acceptable pour la gestion de ce domaine de politique publique. En effet, un témoin entendu hier, le Dr Simpson, affirmait qu'il serait étrange d'avoir deux commissions dont les mandats se chevaucheraient et qu'il serait gênant, pour reprendre ses mots, de retirer les responsabilités en matière de santé mentale et de justice de la commission actuelle pour les transférer à une nouvelle commission distincte.

Voilà pourquoi, nous avons cru qu'il était approprié que le comité, dans son projet de rapport, exhorte le gouvernement à élargir le mandat. Voici ce que comporte le dernier paragraphe du rapport :

Le comité reconnaît l'importance des travaux de la Commission de la santé mentale du Canada au sein du Service correctionnel/du système de justice, ceux qui sont en cours comme les travaux anticipés. Nous appelons instamment à ce que son mandat soit révisé et que des ressources adéquates soient allouées pour favoriser la mise en œuvre de son programme, qui devrait mettre davantage l'accent sur les personnes dans le milieu correctionnel.

Je pense que cette recommandation rend compte des témoignages entendus par le comité à savoir que la démarche préconisée par la majorité, y compris par le personnel actuel de la Commission canadienne de la santé mentale, serait de passer à l'action quant à ces politiques publiques.

Le sénateur Cowan : Je suis évidemment déçu que mes collègues conservateurs n'entendent pas appuyer ce projet de loi. Je suis certain que nous convenons tous être satisfaits par la grande variété de témoins qui ont été entendus. Je pense que nous sommes davantage sensibilisés à ces questions; mon principal objectif en présentant ce projet de loi. Je vous remercie monsieur le président, et je remercie tous les collègues pour l'attention prêtée aux témoignages et pour l'intérêt démontré.

Quand j'ai entrepris mes travaux sur la question, j'ai en effet cru que la bonne façon de faire était de modifier le mandat de la Commission canadienne de la santé mentale. Puis je me suis aperçu, comme nous l'avons entendu pendant les témoignages, qu'il n'existe pas de fondement législatif et que le mandat actuel de la commission expire dans 10 ans. Il n'existe aucune loi, que nous pourrions modifier, pour greffer ce volet en particulier au mandat de la commission ou pour en réorienter les travaux ou pour élargir son mandat.

Comme nous le savons, et comme la sénatrice Frum et tous les témoins l'ont dit, le mandat de la commission expire en 2017. Aucune garantie n'assure le renouvellement du mandat à l'expiration.

D'autres sénateurs et moi-même avons demandé à maintes reprises au gouvernement s'il allait s'engager à reconduire le mandat. Le 12 mars, j'ai avisé le sénateur Carignan, le leader du gouvernement au Sénat, de mes intentions à ce sujet en lui posant une question et je cite, en partie, sa réponse :

En ce qui concerne la fin du mandat de la commission, prévue pour 2017, vous savez probablement déjà que de nombreuses propositions sont présentées au gouvernement dans le cadre des délibérations sur le budget.

Il a ajouté qu'une des recommandations incluses dans le rapport de ce comité, qui a mené à la mise sur pied de la Commission canadienne de la santé mentale, porterait sur une clause de temporisation de 10 ans associée aux travaux de la commission. Et le sénateur Carignan a dit :

Je puis vous assurer que le gouvernement travaillera de près avec la Commission de la santé mentale pour tracer la meilleure voie à suivre.

Selon moi, il ne s'agit pas vraiment d'une garantie du renouvellement du mandat de la commission. Nous avons tous bon espoir qu'il sera renouvelé parce que la commission fait du bon travail, mais depuis il y a à peine deux semaines, aucune garantie du renouvellement n'a été fournie.

Les témoins ayant évoqué le chevauchement des mandats découlant de ce projet de loi supposaient que la commission poursuivrait son travail. Nous n'avons pas de telles garanties. Je ne comprends pas vraiment comment les travaux, que nous jugeons tous importants, je l'espère, pourront se poursuivre sans la reconduction du mandat de la Commission canadienne de la santé mentale.

Initialement, mon intention était d'étudier la Commission canadienne de la santé mentale pour déterminer si son mandat pourrait être élargi afin d'englober ce type de travail, mais j'ai découvert que c'était impossible. La solution de rechange : préparer un nouveau projet de loi pour mettre sur pied une nouvelle commission.

D'entrée de jeu, j'ai affirmé être réceptif à toute proposition pouvant améliorer la démarche proposée. Mme Szigeti, entendue hier, a formulé plusieurs propositions utiles pour améliorer le travail.

J'espère que nous convenons tous que les témoignages entendus pendant nos audiences étaient convaincants et qu'il existe un besoin pressant de régler tout un éventail de problèmes découlant du croisement et de l'interaction entre le système de justice pénale et le système de santé mentale, des problèmes qui ne sont tout simplement pas abordés aujourd'hui.

Il ne s'agit pas de critiques envers les agences ou les organismes qui font de l'excellent travail dans ce domaine, en particulier la Commission canadienne de la santé mentale. Toutefois, le croisement et l'interaction ne sont pas abordés, ce qui était l'objet de mon projet de loi. Il semblerait que la solution de rechange à la commission indépendante que j'ai proposée serait une commission renouvelée, dotée d'un mandat élargi et des ressources adéquates aux termes d'un cadre législatif convenable, du moins je l'espère.

Certains témoins ont expliqué pourquoi un fondement législatif est important. À titre d'exemple, je renvoie mes collègues au témoignage de M. Sapers, qui a dit qu'un fondement législatif, sur lequel s'appuie son bureau, offre stabilité et continuité, et ainsi, la commission ne se demanderait plus si elle existera après 2017. Il a ajouté que le fondement législatif pourrait quand même être lié à une clause de temporisation ou à un examen périodique, mais il estime que le fondement législatif de son bureau est très important.

Je réitère ce que j'ai déjà dit à maintes reprises. J'ai énormément de considération pour le personnel de la Commission canadienne de la santé mentale et pour son excellent travail dans de nombreux domaines. Toutefois, comme nous le reconnaissons probablement tous, son mandat est très large, il englobe un grand éventail de questions de santé mentale et la commission n'a pu aborder que quelques problèmes liés à la justice pénale et à la santé mentale — l'objet même de mon projet de loi.

J'espère que nous convenons tous qu'il faut en faire plus. J'espère aussi que mes collègues appuieront au moins mes recommandations sur l'élaboration d'un fondement législatif aux fins de la Commission canadienne de la santé mentale assorti d'un mandat élargi pour inclure de nombreux aspects qui en valent la peine, comme nous en convenons tous sans doute, et que j'ai voulu aborder dans mon projet de loi. Sinon, j'espère que nous serons tous d'accord pour recommander le prolongement du mandat de la Commission canadienne de santé mentale ainsi que l'attribution de ressources adéquates pour une période raisonnable.

J'ai préparé un document faisant état de mes observations. Je ne sais pas si c'est le bon moment, j'ai des copies en français et en anglais que je serai heureux de distribuer à mes collègues. Les observations sont brèves alors je pourrais tout simplement les lire aux fins du compte rendu. J'imagine que nous débattrons ensuite de la façon de procéder. Est- ce acceptable?

Le président : Je céderai la parole au sénateur Eggleton, puisqu'il est le prochain intervenant sur ma liste afin de savoir s'il souhaite intervenir avant de procéder.

Le sénateur Eggleton : Je propose que nous votions les deux premières motions proposées par la sénatrice Frum afin de déterminer si nous passons ou non à l'étude du projet de loi S-208 et du rapport destiné au Sénat.

Selon le résultat du vote, je propose que nous passions à l'étude du projet de rapport de la sénatrice Frum, supposant qu'après le premier vote nous abandonnerons l'étude du projet de loi S-208. J'aimerais ensuite pouvoir parler davantage du projet de rapport. Peut-être que la proposition du sénateur Cowan pourrait être étudiée aussi.

Le président : J'aimerais savoir si cette procédure convient au comité? Dans l'affirmative, vous pourriez vous prononcer sur la première partie, et nous traiterions de la question. C'est bien ce que vous voulez faire?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Le président : Nous sommes saisis de la motion dans son intégralité, y compris de la seconde partie. Le sénateur Eggleton demande que nous la divisions en deux pour débattre d'abord de la première partie, qui correspond aux deux paragraphes se terminant par : « le comité recommande que le Sénat abandonne l'étude du projet de loi ». Si cette partie est adoptée, nous passerions tout de suite à l'étude du projet de rapport. Est-ce que tous les sénateurs comprennent et sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Sénateur Eggleton, c'est accepté. Je cède la parole à nouveau au sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Oui je pense que c'est tout à fait convenable.

Le président : Nous sommes maintenant saisis de la première partie de la recommandation. Le sénateur Eggleton a la parole.

Le sénateur Eggleton : Je n'appuierai pas les deux premières parties de la motion de la sénatrice Frum. J'ai un point de vue différent quant aux témoignages entendus en comité. Selon moi, ils n'ont pas tous dit que la meilleure façon de procéder était par l'intermédiaire de la Commission de la santé mentale. C'est ce que certains ont affirmé. Toutefois, d'autres ont aussi dit qu'il devrait y avoir un fondement législatif — c'est ce qu'a affirmé le représentant de la Criminal Lawyers Association — et qu'il serait bénéfique qu'un organisme distinct soit dédié à cette question. Ils étaient clairement en faveur de cela.

Terry Coleman, le représentant de l'Association canadienne des chefs de police nous a parlé d'un comité engagé auprès de la commission — et comme je l'ai dit hier, nous aimons tous la commission — mais le comité a été démantelé. Il avait en fait l'intention de travailler dans ce domaine. De nombreux témoins ont décrié qu'il ne reste plus que deux ans au mandat de la Commission de la santé mentale qui disparaîtrait par la suite. Alors, parlez-vous au nom du gouvernement?

Le président : Restons en dehors de ça.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais obtenir une déclaration du gouvernement. Je suis reconnaissant de ce que vous avez inclus dans la dernière partie de votre projet de rapport, mais nous avons besoin d'entendre le gouvernement dire qu'il prévoit prolonger le mandat de la commission. Je pense que nous devons aussi dire que le fondement législatif est nécessaire et qu'il ne s'agit pas d'un programme pouvant être reconduit ou non, bon gré mal gré. La santé mentale est un enjeu majeur de notre époque. La santé mentale dans le système de justice pénale est tout à fait liée à cet enjeu, étant donné les statistiques dont nous avons tous pris connaissance et il faut admettre qu'elles sont épouvantables. Les statistiques dénombrant les personnes atteintes d'un problème de santé mentale sont astronomiques. Nous parquons les personnes atteintes de troubles mentaux dans les pénitenciers et les prisons.

Je pense que ce type de problème mérite l'attention qu'on y accorde dans le projet de loi S-208 du sénateur Cowan. Vous dites que c'est ce que fait la commission. Je viens de vous dire ce que M. Coleman a dit, mais aussi le juge Schneider, qui a dit devant le comité que la commission parle surtout d'aspiration en justice pénale. Elle n'a aucun mandat en la matière. Je commenterai votre projet de rapport plus tard, mais il suggère que ce serait plutôt simple à mettre en place. Je ne crois pas que ce soit le cas.

Je pense que l'absence de fondement législatif que le projet de loi S-208 accorderait à la commission combinée à l'incertitude — vous hochez la tête, mais il existe de l'incertitude quant à l'avenir de la commission. Nous devrions passer à l'étude article par article.

Je voterai contre les deux premières parties de la motion. Si elles sont adoptées, je commenterai le projet de rapport. Si elles sont rejetées, je demanderai que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi S-208. Je ne sais pas si je vous ai convaincu.

Le président : Sommes-nous prêts à passer au vote? Que le comité s'abstienne de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice; que, conformément à l'article 12-23(5) du Règlement, le comité recommande que le Sénat abandonne l'étude du projet de loi.

Ceux qui sont en faveur de la motion?

Le sénateur Eggleton : Vote par appel nominal.

Le président : Vous demandez un vote par appel nominal?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Le président : Je vais faire une observation avant de passer au vote. En tant que président, en général je m'abstiens de voter ces questions, mais j'ai écouté attentivement ce débat très important. Je pense que ce dont nous avons discuté à la suite des questions importantes présentées par le sénateur Cowan nous ont amenés à bien comprendre le contexte de ces questions. Étant donné mes expériences passées j'ai une compréhension générale de ce domaine et de la manière de traiter des dossiers de cette ampleur. Je pense qu'il faut réfléchir aux questions soulevées, mais j'ai une opinion claire sur la manière dont on devrait le faire. Je ne suis pas contre les objectifs, mais j'ai une opinion claire à savoir où ces questions devraient être traitées. Je vais par conséquent voter et le président doit voter en premier.

Je suis en faveur de la motion de la sénatrice Frum.

Jessica Richardson, greffière du comité : L'honorable sénateur Ogilvie?

Le sénateur Ogilvie : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Cowan?

Le sénateur Cowan : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Enverga?

Le sénateur Enverga : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Manning?

Le sénateur Manning : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Merchant?

La sénatrice Merchant : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Munson?

Le sénateur Munson : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Nancy Ruth?

La sénatrice Nancy Ruth : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Raine?

La sénatrice Raine : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Stewart Olsen?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui.

Mme Richardson : Pour, 8; contre, 4.

Le président : La première partie de la motion est adoptée, huit contre quatre.

Passons à la deuxième partie.

Le sénateur Cowan : Merci, collègues. J'espère que mes observations vous paraîtront acceptables, je les propose à titre peut-être de solution de rechange à la proposition de la sénatrice Frum. J'ai une copie dans les deux langues officielles. Je peux peut-être demander qu'on les distribue. Elles sont brèves.

Étant donné que le comité a décidé de ne pas procéder à l'étude du projet de loi, je recommanderais que les questions en jeu soient traitées par une Commission canadienne de la santé mentale renouvelée, élargie et dont le mandat aura été prolongé. Les observations que je propose tiennent compte de cette décision. Respectueusement, je crois qu'elles représentent un point de vue plus équilibré de ce que nous avons entendu. Mon intention était de tenir compte du point de vue de la majorité sur la manière de procéder, puis du point de vue de la minorité.

Si possible, je lirai aux fins du compte rendu ce que je propose. Pendant que j'en fais la lecture, des copies dans les deux langues officielles seront distribuées aux collègues.

Les témoignages entendus par le Comité étaient incontestables. Les Canadiens aux prises avec des troubles de santé mentale sont nettement surreprésentés dans le système de justice pénale. Comme M. Howard Sapers, Enquêteur correctionnel du Canada, a déclaré lors de son témoignage :

« Le point de rencontre entre la santé mentale et la justice est à la fois important et complexe. Au fil des ans, on a cherché sans relâche à mieux comprendre la question et à s'y retrouver. Il se peut que le temps soit venu de créer un organisme de haut niveau qui met davantage en lumière les défis et les pratiques exemplaires, et qui dirige des discussions importantes à ce sujet. »

D'ailleurs, le comité en convient. Nous appuyons l'objet du projet de loi S-208 énoncé dans le préambule et sommes d'accord pour que le gouvernement fédéral prenne la situation en main afin de réduire la surreprésentation dans le système de justice pénale des Canadiens aux prises avec des troubles de santé mentale. Il ne s'agit plus de s'entendre sur ce qui doit être fait, mais bien sur la meilleure façon d'atteindre les objectifs convenus.

De l'avis de certains membres du Comité, la Commission de la santé mentale du Canada, que le gouvernement actuel a mise sur pied pour donner suite à une recommandation du Comité, était la mieux placée pour exercer la mission, les pouvoirs et les fonctions expliqués dans le projet de loi S-208. Forte de son expertise, elle possède déjà un réseau établi de spécialistes, d'intervenants essentiels ainsi que de représentants des provinces et territoires. Elle a par ailleurs clairement indiqué sa volonté de s'acquitter des tâches énoncées dans le projet de loi si on lui confiait le mandat et les ressources nécessaires.

D'autres membres ont pourtant exprimé des craintes : le mandat de la Commission vient à terme en 2017, et le gouvernement n'a pas manifesté l'intention de le renouveler. En outre, la Commission est déjà saisie de nombreux et importants dossiers en santé mentale qu'elle entend régler si son mandat est renouvelé; or, on s'inquiète qu'elle ne puisse assurer un leadership ciblé pour honorer correctement le mandat énoncé dans le projet de loi. Enfin, certains membres se disent préoccupés que la Commission, organe non créé par voie législative, manque de continuité et de stabilité (sans parler de son obligation inexistante de rendre des comptes au Parlement), toutes des qualités nécessaires pour exercer les pouvoirs et responsabilités d'importance prépondérante énoncés dans le projet de loi S-208.

Tout bien considéré, le Comité estime qu'une entité telle la Commission de la santé mentale du Canada serait en mesure de s'acquitter des tâches expliquées dans le projet de loi si elle était adéquatement financée et dirigée, option préférable à la création d'une commission proposée dans le projet de loi.

Même si nous recommandons que le projet de loi S-208 ne soit pas étudié maintenant, nous préconisons tout de même que le Sénat demande instamment au gouvernement de confier à la Commission de la santé mentale du Canada un nouveau mandat, qui serait modifié pour faire état des missions, pouvoirs et fonctions énoncés dans le projet de loi S-208 et que la nouvelle Commission dispose des ressources financières nécessaires pour s'acquitter de ses nouvelles responsabilités.

Monsieur le président, il me semble avoir tenu compte de la décision de la majorité ne souhaitant pas étudier le projet de loi. La recommandation de tous serait d'appuyer la prolongation du mandat de la commission et d'exhorter le gouvernement à l'accorder. Ma proposition de rapport tient compte des points de vue de la majorité, tout bien considéré, et du point de vue de ceux qui favorisent une solution de rechange. Je proposerais respectueusement ces observations à titre de solution de rechange à ce qu'a proposé la sénatrice Frum.

Le président : J'aimerais avoir une idée de votre point de vue. Permettez-moi de vous poser une simple question. Selon vous, votre proposition doit-elle remplacer le préambule suggéré par la sénatrice Frum, ou pourrait-elle, peut- être, remplacer le dernier paragraphe de sa proposition, avant d'être poursuivie par la suite?

Le sénateur Cowan : Non. J'espère que ce seront les observations que le comité acceptera. Je suis tout à fait d'accord pour laisser la formulation à la discrétion du comité de direction, mais j'ai bien tenté de faire ressortir les deux aspects de la question.

Le président : Je comprends. Pourquoi ne pas procéder comme nous l'avons fait pour la proposition du sénateur Eggleton, et couper la poire en deux? Pourquoi ne pas demander au comité de trancher d'abord? Permettez-moi de demander aux autres membres du comité s'ils considèrent que cela pourrait être l'observation. Il est évident que les deux parties proposent des observations, de sorte que la question des observations à annexer n'est pas pertinente. Il s'agit plutôt de savoir comment nous procéderons.

Une possibilité consisterait à accepter votre proposition comme document d'observation, et l'autre possibilité serait d'avoir une combinaison des deux. J'aimerais entendre le parrain du projet de loi d'abord, puis avoir une idée de l'opinion des autres membres du comité.

La sénatrice Frum : Merci, monsieur le président. Je tiens à souligner qu'il existe des similitudes et des parallèles à établir entre les deux séries d'observations. Je n'ai rien contre l'idée que le comité directeur choisisse de combiner les deux séries d'observations afin de créer une observation qui lui conviendrait et qui pourrait être proposée au comité. Ça me conviendrait. J'aurais du mal à remplacer les observations du sénateur Cowan avec ce rapport, parce qu'il contient certains éléments avec lesquels je ne suis pas à l'aise.

Par exemple, la suggestion voulant que la CSMC ait dit être prête à assumer la tâche décrite dans le projet de loi S- 208. C'est effectivement le cas. Dans les recommandations figurant dans le plan qu'elle a établi en 2012, elle décrit cinq points de décisions qu'elle a déjà identifiés comme étant...

Le sénateur Cowan : N'est-ce pas là ce que je dis?

La sénatrice Frum : Eh bien, vous parlez d'une volonté de s'attaquer à la tâche énoncée dans le projet de loi S-208. Cela indique que la commission le ferait à l'avenir si on lui donne le mandat et les ressources nécessaires, mais en fait, elle a déjà commencé à s'attaquer à ces questions. Elle n'a pas fait fi de ces enjeux.

Le sénateur Cowan : Je n'ai pas dit qu'elle l'avait fait.

La sénatrice Frum : Eh bien, selon moi, la formulation de ce paragraphe... écoutez, comme je l'ai dit, de façon générale, je ne suis pas entièrement en désaccord avec ce que nous avons ici, mais j'ai quelques questions précises sur la formulation.

Par exemple, dans le paragraphe suivant, vous dites qu'on s'inquiète qu'elle ne puisse assurer un leadership ciblé pour honorer correctement le mandat énoncé dans le projet de loi S-208. Je ne suis pas certaine que c'est ce que nous ayons entendu. Je ne pense pas qu'elle ne...

Le sénateur Cowan : Nous l'avons entendu.

La sénatrice Frum : Eh bien, je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Cowan : Eh bien, nous pouvons regarder la transcription principale.

La sénatrice Frum : Ensuite, dans le paragraphe suivant, vous parlez d'une entité fédérale existante telle la Commission de la santé mentale, plutôt que de parler uniquement de la Commission de la santé mentale; c'est manifestement à elle que reviennent ces tâches. Je ne suis donc pas certaine de l'utilisation des mots « telle la Commission de la santé mentale ».

Ensuite, dans le dernier paragraphe, je ne suis pas certaine que nous souhaitions forcer la commission à adopter tout ce que contient le projet de loi S-208 comme si ça ne faisait pas déjà partie de son mandat. Je pense qu'elle devrait avoir la liberté d'aborder la santé mentale et les services correctionnels comme bon lui semble, comme elle le fait déjà. Je ne suis pas certaine qu'il soit nécessaire de lui imposer une façon de faire, celle contenue dans le projet de loi S-208.

Cela dit, ce que vous dites correspond à ce que dit le rapport, et je pense que c'est pour cette raison que le comité directeur pourrait probablement trouver une espèce de formulation de compromis.

Le président : Je cède la parole au sénateur Eggleton, puis je formulerai une observation générale.

Le sénateur Eggleton : Je propose que nous référions les deux textes au comité directeur qui essaiera de les combiner. Le dernier paragraphe des deux documents est vraiment le plus important, et ils sont très semblables. Je pense donc que tout ce qui vient avant n'est pas le plus important, mais je reconnais la nécessité de mettre les choses en contexte. Je pense que nous pouvons formuler une combinaison des deux propositions.

Ce n'était pas notre premier choix. Notre premier choix aurait été de rejeter le projet de loi S-208, mais nous nous retrouvons maintenant dans une situation où la recommandation du comité est adoptée, de sorte que je pense que nous pourrons trouver une solution acceptable pour tous.

Le sénateur Cowan : Je suis d'accord. Je serais heureux de laisser le soin à mes collègues de procéder, tout en conservant le droit de formuler des critiques au sujet de votre produit.

Le président : Je pense que les règles du Parlement stipulent que les comités directeurs qui ont recours au titre officiel du comité sont incapables de commettre des erreurs.

Le sénateur Cowan : Ils sont infaillibles.

Le président : C'est le mot que je cherchais. Je ne l'ai pas trouvé à temps. Merci.

Laissez-moi m'assurer que j'ai bien compris et que vous comprenez tous ce que je pense avoir clairement entendu le sénateur Eggleton dire.

Je l'ai entendu dire que selon lui, le dernier paragraphe de chaque document résume l'essentiel de la discussion, et selon lui, ces deux paragraphes pourraient être le point de départ qui servira au comité directeur à rédiger un rapport pour le Sénat — il doit s'agir d'un rapport au Sénat, étant donné qu'il s'agit d'un projet de loi et pas seulement d'observations. Ce serait « le Rapport ». Vous comprenez?

Des voix : D'accord.

Le président : Les membres du comité sont-ils d'accord?

Des voix : Oui.

Le président : Y a-t-il des voix dissidentes?

Je considère qu'il s'agit de la décision du comité.

J'aimerais maintenant revenir aux commentaires que j'ai formulés plus tôt. Selon moi, les audiences que nous avons tenues ont été très importantes. Je pense que nous avons tous appris certaines choses qui nous permettent de beaucoup mieux comprendre les efforts en cours pour faire face à ces enjeux et aux défis que nous aurons à relever.

Je pense qu'il faut féliciter le sénateur Cowan d'avoir mis en lumière cette étape importante de l'avancement des enjeux entourant la santé mentale. Je pense que les questions au sujet desquelles il y a eu un désaccord sont simplement des étapes à franchir pour avancer dans la résolution de cette question.

Je crois fermement que la Commission de la santé mentale ou un organisme du même genre doit évoluer, en se fondant sur les années d'expérience acquise jusqu'à maintenant. C'est tout à fait clair à mes yeux, et ce l'était d'ailleurs avant les audiences, mais c'est beaucoup plus clair aujourd'hui en raison du témoignage, que dans tout ce processus il doit y avoir un accent clair placé sur le système de justice criminelle et ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale dans ce système.

Nous avons beaucoup entendu parler de l'importance de déceler les problèmes avant qu'ils ne se retrouvent mêlés au système de justice criminelle, mais une fois que c'est le cas, de nombreuses questions sont importantes, en plus des questions touchant la santé mentale.

Encore une fois, je tiens à revenir au sénateur Cowan et à lui exprimer ma reconnaissance d'avoir mis en lumière cet enjeu important. Je tiens à remercier tous les membres du comité d'avoir, encore une fois, réussi à s'entendre et à trouver une façon de formuler des recommandations concernant un enjeu aussi incroyablement important.

Voilà pour mes observations. Je tiens à souligner que, selon moi, nous avons reçu de très bons témoins.

La sénatrice Seidman : À la lecture de vos observations, sénateur Cowan, je comprends pleinement l'importance de l'enjeu que vous avez mis en lumière afin que nous saisissions mieux l'urgence de la nécessité de faire face à ces questions dans le système de justice criminelle, les enjeux concernant la santé mentale et la justice criminelle, et il ne fait aucun doute que les audiences ont été très utiles.

J'aimerais également vous remercier d'avoir proposé vos observations par écrit, parce qu'il s'agissait selon moi d'une façon très utile d'orienter la discussion d'aujourd'hui. Vous dites très clairement ici, et je suis parfaitement d'accord avec vous, que la question n'est pas de déterminer ce qui doit être fait, mais plutôt la meilleure façon d'atteindre les objectifs établis. Je suis entièrement d'accord avec vous à ce sujet.

Merci beaucoup. Je suis certaine que nous serons en mesure de combiner les deux rapports de façon satisfaisante tout en mettant l'accent sur l'urgence de la situation.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai aussi apprécié la discussion. Selon moi, elle a été très positive et nous a ouvert les yeux de nombreuses façons. Je me demandais si, dans notre rapport au Sénat, nous pourrions inclure une mention du travail réalisé par le sénateur Cowan dans ce domaine, afin qu'il soit clairement indiqué qu'il est le principal responsable de l'avancement de cette question. Je ne suis pas certaine que ce soit possible, mais je pense que ce serait une bonne chose.

Le président : Ce sentiment est clairement partagé par nous tous, je pense. Je me demande si la meilleure façon de procéder serait de le mentionner lorsque la motion fera l'objet d'un examen au Sénat.

La sénatrice Stewart Olsen : Ce serait parfait.

Le président : Je suis certain que ce sera possible et je pense que si nous nous entendons, nous pourrons veiller à ce que ceux qui parleront de la motion — la porte-parole du projet de loi indique clairement qu'elle est prête à en parler et à souligner ce point très important. Cela vous satisfera-t-il, sénatrice?

La sénatrice Stewart-Olsen : Ça me convient.

Le sénateur Munson : C'est un de ces moments agréables que nous vivons au Sénat, et j'ai apprécié le débat. J'ai siégé au Comité des affaires sociales, de sorte que lorsque la formulation sera choisie et qu'on trouvera un terrain d'entente, peut-être au sujet du rapport, il pourrait y avoir une petite conférence de presse donnée par vous, monsieur le président, et les autres membres du comité ici, pour démontrer à la population que les sénateurs de tous les partis peuvent s'unir pour une cause commune, puisqu'il s'agit d'un enjeu extrêmement important et d'actualité. Merci.

Le président : Nous y réfléchirons, sénateur. Je tiens à vous rappeler que nous allons mettre l'accent sur le dernier paragraphe de chaque document et réunir tout ça comme point de départ pour le rapport. La greffière m'a demandé de demander au sénateur Cowan et à la sénatrice Frum de lui envoyer une copie électronique de leurs documents, ce qui accélérerait le travail de fusion des deux documents.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais que nous mettions l'accent sur plus que simplement le dernier paragraphe. Les deux documents contiennent, je pense, des conclusions malheureuses, de sorte que j'aimerais que le comité directeur examine les deux documents dans leur entièreté.

Le président : Je veux toutefois être certain que le comité directeur prendra la décision finale, et il nous faut des orientations; la motion qui a été adoptée, la recommandation du sénateur Eggleton de se pencher sur les deux derniers paragraphes, de même que les observations, seront prises en considération. Notre analyste en a pris bonne note et nous ferons de notre mieux.

Sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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