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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 31 - Témoignages du 2 avril 2015


OTTAWA, le jeudi 2 avril 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour étudier le projet de loi C-591, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse (pension et prestations).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, président du comité et originaire de Nouvelle-Écosse. J'aimerais commencer en demandant à mes collègues de se présenter, en partant de ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Chaput : Bonjour, je m'appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de Regina.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. Nous sommes ici aujourd'hui pour effectuer l'étude du projet de loi C-591, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Le parrain du projet de loi à la Chambre devait comparaître au début de la séance. Malheureusement, de sérieux problèmes l'ont obligé à retourner chez lui. Il ne pourra donc pas être ici.

Les règles autorisent le comité à procéder à l'examen du projet de loi. Le parrain a eu la gentillesse de nous remettre un mémoire écrit, qui a été, je crois, distribué à tous les membres. J'ai pensé qu'il conviendrait que le parrain du projet de loi au Sénat le lise, pas à titre de témoin, mais aux fins du compte rendu. Le sénateur Wallace a très gracieusement accepté de le faire.

Vous remarquerez que nous avons avec nous les témoins qui doivent comparaître après le parrain. Ils ont eu la gentillesse d'accepter d'être ici au début de la séance. Je leur souhaiterai la bienvenue, et je les présenterai quand je les inviterai à prendre la parole après la lecture du mémoire aux fins du compte rendu.

Sur ce, mesdames et messieurs, je demanderai au sénateur Wallace de lire le mémoire.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le président. Vous devrez, pendant quelques instants, imaginer que je suis David Van Kesteren, député de Chatham—Kent—Essex, dans la province de l'Ontario. Je dois dire que je ne peux rêver mieux que de personnifier David Van Kesteren.

C'est un honneur de représenter mes électeurs de Chatham—Kent—Essex et de présenter un projet de loi qui éliminera enfin un vide juridique en empêchant les personnes reconnues coupables du meurtre de leur conjoint ou de leur parent de recevoir la pension ou la prestation d'orphelin du Régime de pensions du Canada de leur victime.

Ce projet de loi est conforme à un principe de common law connu de longue date, appelé ex turpi causa, selon lequel les criminels ne devraient pas profiter de leur crime. Le projet de loi corrige une injustice commise à l'endroit des victimes et de leur famille en empêchant les personnes reconnues coupables de meurtre de tirer profit de leur crime.

Le meurtre d'un être cher suscite une horreur inimaginable. Pourtant, le Canada est chaque année le théâtre d'affaires tragiques au cours desquelles des personnes sont victimes de meurtre. Malheureusement, c'est parfois aux mains d'un membre de la famille.

La violence familiale est certes horrible, et pire encore lorsqu'elle se termine par un meurtre. Mais de voir en plus le meurtrier profiter de son crime en récoltant des allocations de survivant est une violation flagrante du principe ex turpi causa. C'est une injustice pour la famille de la victime, une injustice à laquelle il faut mettre fin.

Une trentaine d'individus par année seraient touchés par cette modification législative; de ce nombre, la moitié demanderait des allocations de survivant au titre du Régime de pensions du Canada, environ le tiers recevrait des prestations de sécurité de la vieillesse, et moins de 10 p. 100 recevraient des prestations d'orphelin.

Les homicides familiaux ne sont pas tous commis par un conjoint, un conjoint de fait ou un enfant, tous les cas n'aboutissent pas à des accusations de meurtre et à des verdicts de culpabilité, et ce ne sont pas toutes les victimes qui ont suffisamment contribué au Régime de pensions du Canada ou qui ont un bénéficiaire potentiel d'une allocation de survivant.

Le projet de loi n'a pas pour but de punir les familles, mais d'empêcher les meurtriers de profiter de leur crime.

L'approche proposée est réaliste, économique et conforme aux lois sur la protection de la vie privée. Elle respecte les domaines de compétences des provinces et des territoires, et permettrait au ministre d'être en mesure de s'acquitter de ses obligations.

Rien ne peut apaiser la douleur ressentie par les survivants d'une victime de meurtre. Aucune loi ne peut ramener ceux qui ont perdu la vie à la suite d'un geste de violence aussi cruel. Toutefois, ce projet de loi corrigerait une injustice à l'endroit des victimes et de leurs familles. Les personnes affligées par la perte d'un être cher n'ont pas à subir l'affront additionnel de voir celui qui est responsable de la mort de cet être cher récolter en plus les prestations de la victime.

J'espère que tous les sénateurs appuieront le projet de loi et qu'il sera rapidement édicté. Merci.

Le président : Merci beaucoup, sénateur.

Je me tournerai maintenant vers nos témoins, et, comme nous en avons préalablement convenu, j'inviterai en premier Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels : Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui du projet de loi C-591, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse (pension et prestations).

J'aimerais commencer par un bref aperçu du mandat de mon bureau. Créé en 2007, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels reçoit et examine les plaintes des victimes; favorise et facilite l'accès aux programmes et aux services fédéraux pour les victimes d'actes criminels en les renseignant et en les aiguillant; fait la promotion des principes fondamentaux de la justice auprès des victimes d'actes criminels; sensibilise les intervenants dans le domaine de la justice pénale et les décideurs au sujet des besoins et des préoccupations des victimes; et détermine les problèmes systémiques et les questions nouvelles qui ont une incidence négative sur les victimes d'actes criminels. Essentiellement, nous aidons les victimes de deux manières : individuellement et collectivement. Nous les aidons de façon individuelle en leur parlant tous les jours, en répondant à leurs questions et en étudiant leurs plaintes.

Nous les aidons de façon collective en examinant les questions importantes et en formulant des recommandations au gouvernement fédéral pour qu'il améliore les lois, les politiques ou les programmes afin d'aider davantage les victimes d'actes criminels.

Le projet de loi C-591 vise à modifier le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin que le délinquant déclaré coupable du meurtre d'un conjoint ou d'un parent ne puisse pas recevoir les prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse de la victime. J'appuie le projet de loi parce qu'il reconnaît que les délinquants ne devraient tirer profit d'aucune façon de la perpétration d'un crime.

La mort violente d'un être cher a des incidences traumatiques sur les victimes d'actes criminels. Ces dernières ne devraient pas avoir à subir davantage de victimisation, ainsi que l'angoisse de savoir que le délinquant qui est responsable de la mort de leur être cher reçoit les prestations de ce dernier. Même si le projet de loi fait ressortir une lacune importante en matière de politique, je crois qu'il peut être davantage renforcé par certains éclaircissements concernant les notifications.

J'aimerais en premier lieu expliquer le contexte. L'enquête canadienne la plus récente sur les homicides révèle que les policiers ont enquêté sur 543 cas d'homicide en 2012. Selon un rapport de Statistique Canada, environ 20 p. 100 des homicides résolus en 2012 concernaient des partenaires intimes. Des 143 homicides perpétrés par un membre de la famille en 2012, 20 p. 100 avaient été commis par un enfant contre un parent, ce qui représente environ 28 cas. En ce qui concerne les victimes d'homicide tuées aux mains d'un partenaire intime, le projet de loi C-591 s'appliquerait seulement aux personnes qui satisfont aux normes de cotisation. Cela dit, le projet de loi C-591 aura des conséquences importantes pour les proches des victimes, et cette raison seule en fait une initiative utile.

Au mois d'octobre dernier, j'ai présenté au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées des recommandations visant à améliorer le projet de loi C-591.

J'ai alors recommandé, à l'instar d'autres personnes, que le projet de loi soit amendé pour qu'il s'applique non seulement aux cas de meurtre, mais aussi aux affaires d'homicide involontaire lorsqu'il y a déclaration de culpabilité. Je suis heureuse de constater que cet amendement a été apporté au projet de loi.

Cela dit, je sais que le projet de loi ne s'appliquera pas aux cas d'homicide involontaire pour lesquels une condamnation avec sursis est prononcée. Les nouvelles dispositions pourront ainsi s'appliquer avec une certaine souplesse dans les circonstances exceptionnelles où il ne convient peut-être pas d'interdire le paiement de prestations du titre du RPC ou de la LSV.

Une question qui reste à régler et que j'aimerais aborder concerne le processus par lequel le ministère de l'Emploi et du Développement social du Canada, ou EDSC, est informé qu'une personne déclarée coupable de meurtre ou d'homicide involontaire peut être admissible aux prestations de la victime au titre du RPC ou de la LSV.

Il ressort du projet de loi C-591 et des débats qui se sont déroulés à la Chambre des communes que ce sont les victimes qui devront informer EDSC. S'en remettre aux victimes pour informer EDSC est problématique. Il peut être très difficile de gérer soi-même les exigences relatives à la planification successorale et aux prestations financières, encore plus à la suite de la perte traumatisante d'un être cher victime d'un homicide. Je recommande fortement que soit créé un mécanisme par lequel EDSC serait informé des déclarations de culpabilité sans que cette responsabilité soit confiée aux victimes. Toute mesure visant à alléger le fardeau administratif incombant aux victimes mérite d'être étudiée.

À tout le moins, le gouvernement fédéral devra travailler avec les provinces et les territoires pour faire en sorte que les organismes d'aide aux victimes et d'application de la loi informent les victimes des exigences en matière de notification, le cas échéant. Il sera essentiel pour les victimes de recevoir cette information afin que le délinquant ne puisse pas tirer de bénéfice financier de la mort de leur être cher.

Pour conclure, j'aimerais remercier le comité de son examen du projet de loi C-591 et de ses travaux liés à cette question importante. Je crois que ce projet de loi comble une lacune connue dans la loi et contribue à faire en sorte que les délinquants ne puissent pas tirer de bénéfice financier de leurs crimes. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et j'attends vos questions avec impatience.

Le président : Merci beaucoup. Je souhaite maintenant de nouveau la bienvenue à Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada.

Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Je suis enchantée de témoigner de nouveau devant vous. Merci beaucoup de m'avoir invitée.

Comme vous le savez, le projet de loi C-591 modifierait le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin que les personnes reconnues coupables du meurtre au premier et au deuxième degré ou de l'homicide involontaire d'un cotisant ne soient pas admissibles aux prestations. La Société John Howard est un organisme caritatif s'intéressant aux réactions efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences de la criminalité. Des représentants de cette société ont déjà comparu devant de nombreux comités parlementaires afin d'exprimer leurs préoccupations au sujet du déni des droits et de la protection de la loi concernant les prisonniers et les personnes condamnées pour avoir commis des infractions. Le projet de loi C-591 ne nous préoccupe pas à cet égard.

Le principe ex turpi causa non oritur actio, qui interdit que quelqu'un profite de son crime, est bien établi dans la common law. Les tribunaux l'ont fait passer avant les lois du Parlement. Comme un tribunal britannique l'a conclu, la règle veut que nous interprétions les lois du Parlement de manière à ce qu'elles n'exigent pas l'exercice de fonctions, même quand elles sont en théorie absolues, si cela permettait à quelqu'un de profiter d'un crime grave.

Comme le fait d'empêcher quelqu'un de profiter d'un crime même si la loi prévoit des prestations est un principe bien établi de la common law, il y a lieu de se demander pourquoi le projet de loi C-591 est nécessaire. Les personnes reconnues coupables d'avoir assassiné des cotisants ne devraient pas pouvoir recevoir des prestations au titre du Régime de pensions du Canada ou de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Je serais fort étonnée si un grand nombre de personnes condamnées pour meurtre recevaient de telles prestations.

C'est l'élément rétroactif du projet de loi C-591 qui nous préoccupe. Pour que l'intéressé ne puisse recevoir de prestation, le ministre doit être informé et convaincu qu'il a été déclaré coupable d'une des infractions énumérées. La non-admissibilité se fonde sur la déclaration de culpabilité, mais le paragraphe 44.1(4) proposé autorise le recouvrement des prestations non seulement après, mais également avant la date de déclaration de culpabilité. Le fait que ce projet de loi autorise le recouvrement des prestations avant que le ministre ait été autorisé à refuser ces prestations soulèvera, selon moi, des questions d'ordre juridique et en ce qui concerne la Charte.

Les dispositions relatives à la prestation d'orphelin limitent le refus à ceux qui ont reçu une peine pour adulte et qui ont 18 ans ou plus. C'est probablement un sujet qui me passionne, car j'ai longtemps été directrice générale de la Section de la justice applicable aux jeunes à Justice Canada, mais je ne suis pas certaine de comprendre ce qui justifie cette exclusion. Cela signifie que ceux qui sont déclarés coupables d'avoir tué un parent ou un cotisant à 17 ans et qui reçoivent une peine pour adulte pourraient recevoir des prestations. C'est habituellement l'imposition de la peine pour adulte qui indiquerait qu'il s'agit d'une infraction très grave pour laquelle la présomption de responsabilité réduite de la Charte a été réfutée. En pareil cas, je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi vous ne vous contenteriez pas d'indiquer qu'un jeune qui a tué un cotisant et qui reçoit une peine pour adulte ne devrait pas recevoir de prestation. Je ne suis pas sûre de comprendre pourquoi vous fixez la limite d'âge à 18 ans, car ce faisant, vous pourriez bien restreindre ce qui aurait été l'application en common law du principe ex turpi causa non oritur actio.

En conclusion, un principe bien établi veut que les gens ne profitent pas de leur crime, et le projet de loi cadre avec ce principe juste. Nous recommandons d'apporter un amendement au paragraphe 44.1(4) proposé. Le recouvrement des prestations devrait se limiter au pouvoir du ministre de les refuser à l'intéressé par suite de sa déclaration de culpabilité et ne devrait pas s'appliquer aux paiements effectués avant cette déclaration de culpabilité.

Le président : Merci. Nous recevons également Marianna Giordano, directrice, Politique et législation du RPC à Emploi et Développement social Canada. Les ministères ne présentent habituellement pas de mémoire sur les projets de loi d'initiative parlementaire, mais ils sont disponibles pour répondre aux questions sur le sujet.

Bienvenue, madame Giordano, devant le comité ce matin.

Marianna Giordano, directrice, Politique et législation du RPC, Emploi et Développement social Canada : Merci.

Le président : Je vais laisser mes collègues poser des questions. Nous procéderons normalement pour les questions aujourd'hui, puisque le temps nous le permet.

Le sénateur Wallace : Madame O'Sullivan, d'après votre exposé, c'est une question évidente, mais importante. Pour le parrain du projet de loi, il est essentiel d'assurer l'équité du système de justice pénale et de l'améliorer dès que nous le pouvons. Je présume donc que vous et votre organisation conviendriez que le projet de loi appuierait les victimes de crime et, de fait, renforcerait le système de justice pénale du Canada. En conviendriez-vous?

Mme O'Sullivan : Eh bien, oui. Ce projet de loi comblera une lacune en faisant en sorte que les gens ne profitent pas de la perpétration de leur crime, comme nous l'avons indiqué en termes juridiques.

Le sénateur Wallace : Madame Giordano, le ministère a comme pratique de ne pas verser de prestation quand un conjoint a été tué par quelqu'un qui, autrement, recevrait ces prestations. D'après ce que je comprends, le projet de loi vise à codifier ce principe dans la loi. Je crois comprendre que le ministère agit ainsi depuis des années et le fait encore aujourd'hui.

Mme Giordano : Oui, le ministère a comme pratique de ne pas payer les gens déclarés coupables du meurtre de leur conjoint ou de leur parent. Cependant, le projet de loi s'applique également aux homicides involontaires, chose que ne faisait pas le ministère par le passé.

Le sénateur Wallace : Quelle est la politique du ministère relativement à la récupération de sommes qui auraient été payées avant qu'on se rende compte que cela allait à l'encontre de cette politique? Autrement dit, des paiements ont été versés à une personne qui a été ultérieurement déclarée coupable de meurtre.

Mme Giordano : La politique du ministère était de déclarer la personne inadmissible. On considérait que la personne n'avait jamais été admissible, et elle était réputée être en situation de trop-payé depuis le début des versements.

Le sénateur Wallace : Dans les circonstances où le ministère souhaite récupérer les sommes payées en trop ou payées avant d'avoir obtenu suffisamment de renseignements sur la situation du bénéficiaire dans le cadre du Régime de pensions du Canada et, je présume, de la Sécurité de la vieillesse, l'examen des préjudices que cela peut causer au moment où le remboursement de la dette est exigé ou demandé est-il laissé à la discrétion du ministère?

Mme Giordano : Une disposition du Régime de pensions du Canada — et une disposition du programme de la Sécurité de la vieillesse — accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire sur les trop-payés si ces derniers entraînent des préjudices liés à une échéance trop serrée pour la personne qui doit les rembourser. Dans certaines circonstances, la dette ou les trop-payés peuvent être remis.

Le sénateur Wallace : En ce qui concerne les dispositions relatives à la rétroactivité dans le projet de loi, si on découvrait ultérieurement que des paiements n'auraient pas dû être versés, la décision de déterminer que cela pourrait causer des contraintes excessives et que le remboursement des trop-payés ne serait donc pas exigé serait laissée à la discrétion du ministre. Est-ce vrai?

Mme Giordano : Lorsqu'une personne se trouve en situation de trop-payé, nous sommes tenus de demander le remboursement de cette somme. Si la personne peut démontrer que cela lui causerait des contraintes excessives, la décision de remettre la dette est laissée à la discrétion du ministre.

Le sénateur Eggleton : Madame Giordano, selon vous, le projet de loi ne fait une différence que pour les homicides involontaires coupables et les territoires?

Mme Giordano : Non, la rétroactivité est appliquée.

Le sénateur Eggleton : Elle est déjà prévue. Les dispositions que vous imposez déjà et dont on parle dans le projet de loi visent les prestations versées au survivant, je présume, et non les prestations du Régime de pensions du Canada ou de la Sécurité de la vieillesse de la personne déclarée coupable de meurtre — il s'agit de la pension de survivant de la personne assassinée.

Mme Giordano : C'est strictement limité à la pension de survivant d'une personne qui a été déclarée coupable de meurtre.

Le sénateur Eggleton : Mais pas à sa propre pension de retraite.

Mme Giordano : Non, cela ne concerne pas la pension de retraite ou d'invalidité à laquelle elle a contribué.

Le sénateur Eggleton : Comment entendez-vous parler de ces cas? Quel est le processus qui vous permet de les découvrir? Habituellement, une condamnation est obtenue après les événements. Comment êtes-vous mis au courant?

Mme Giordano : Habituellement, un membre de la famille, un organisme ou les médias nous informent que cette personne a été déclarée coupable. Le ministère confirmera ensuite que la personne a été déclarée coupable et les prestations cesseront d'être versées et un avis de trop-payé lui sera envoyé.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous une idée du type de cas visés? Connaissez-vous le nombre de cas signalés comparativement au nombre qui ne le sont pas?

Mme Giordano : Je n'ai aucune idée du nombre de cas qui sont signalés comparativement à ceux qui ne le sont pas. Nous savons qu'en moyenne, nous annulons les paiements versés à une ou deux personnes par année.

Le sénateur Eggleton : Une ou deux personnes par année. Permettez-moi de poser une question au sujet de la disposition liée à l'homicide involontaire coupable. Cela a été ajouté au comité. Je crois que Catherine Latimer serait probablement en mesure de répondre à cette question.

D'après ce que je comprends, certains cas d'homicide involontaire coupable n'entraînent pas de peine d'emprisonnement, et ces cas ne sont pas inclus. Avez-vous des commentaires au sujet de l'inclusion de l'homicide involontaire coupable? Tous les cas d'homicide involontaire coupable justifient-ils la mise en œuvre de cette mesure, ou êtes-vous d'avis qu'il existe des cas dans lesquels elle n'est pas justifiée?

Mme Latimer : L'homicide involontaire coupable est l'infraction pour laquelle les divers scénarios peuvent varier de quasi-accident sans intention criminelle manifeste aux circonstances très graves.

Donc en ce qui concerne les circonstances moins graves, par exemple lorsqu'une personne a lancé une boule de neige à la blague et a ainsi involontairement causé la mort d'une personne, le degré de gravité n'est pas suffisant pour justifier la suspension des prestations. Il s'agit de l'une des infractions les plus difficiles à traiter, car divers scénarios peuvent se produire et un large éventail de peines très différentes peuvent être imposées. Donc, oui, je pense qu'il s'agit d'une disposition qui mérite un examen attentif.

Le sénateur Eggleton : À votre avis, devrait-elle être éliminée ou mieux définie dans le projet de loi?

Mme Latimer : Il serait peut-être préférable, comme on le fait souvent dans les lois pénales, de préciser qu'il s'agit d'un homicide involontaire coupable pour lequel on a imposé une peine de plus de 5 ans. On saurait ensuite qu'il s'agit d'un homicide involontaire coupable aux circonstances plus graves. Parfois, certaines circonstances peuvent être très inoffensives, même si une personne est décédée.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Merci.

La sénatrice Seidman : J'aimerais revenir sur les questions du ministère, madame Giordano, pour tenter de comprendre encore une fois les chiffres mentionnés par le sénateur Eggleton et les questions liées aux notifications. N'y a-t-il donc aucun mécanisme de notification officiel en ce moment?

Mme Giordano : Non, il n'y a aucun mécanisme de notification officiel. Il serait très difficile d'avoir un tel mécanisme, car on ne recueille pas les renseignements nécessaires. La question de la condamnation est réglée par les tribunaux provinciaux et territoriaux, et ils n'établissent pas le lien entre la victime et la personne déclarée coupable. Les provinces doivent également respecter les lois sur la protection de la vie privée, et il se peut qu'elles n'aient pas le pouvoir de recueillir ces renseignements, car ils ne sont pas nécessaires à l'exécution des programmes. Cela devient donc un élément difficile à automatiser.

La sénatrice Seidman : D'accord. Et nos autres témoins qui ont comparu aujourd'hui ont dit que la notification, c'est-à-dire un mécanisme qui vous signale l'inadmissibilité d'une personne, est une question complexe qui présente peut-être des défis, mais qui est tout de même importante. Selon vous, comment pourrait-on procéder? Avez-vous des idées à cet égard?

Mme Giordano : En ce moment, le projet de loi prévoit qu'il faut informer le ministère de l'événement. Si nous automatisions cela, il faudrait probablement apporter un grand nombre de modifications aux lois provinciales. Cela concerne au plus 30 personnes par année, et ce serait donc un défi assez important.

La sénatrice Seidman : On continuera donc d'utiliser une approche improvisée?

Mme Giordano : Oui, et il faudra informer le ministre.

La sénatrice Seidman : Est-ce que Mme O'Sullivan ou Mme Latimer aimeraient offrir des suggestions à cet égard?

Mme O'Sullivan : Oui, je crois qu'il s'agit de savoir comment la victime sera mise au courant au sujet du RPC, à moins que quelqu'un lui transmette ce renseignement.

Je respecte les commentaires formulés au sujet de la protection de la vie privée et des défis posés par la loi, mais je suis également d'avis que si le gouvernement fédéral poursuit le dialogue avec les provinces et les territoires, il trouvera peut-être une façon de régler ce problème.

Si ce n'est pas possible, à tout le moins, il y a d'autres solutions. Par exemple, la plupart des personnes déclarées coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré, et pas nécessairement d'homicide involontaire coupable, seront détenues dans un établissement fédéral. Comme les gens le savent peut-être, les victimes peuvent s'inscrire auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et du Service correctionnel du Canada, afin de veiller à ce que ces organismes soient en communication avec elles. Il y a environ 7 800 victimes inscrites auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et du Service correctionnel du Canada. Il est donc important de veiller à ce qu'elles reçoivent ces renseignements. Par exemple, ces organismes lanceront bientôt un portail web sur lequel les victimes inscrites peuvent avoir accès à des renseignements.

Manifestement, nous ne voulons pas que les victimes reçoivent seulement une notification par hasard, par exemple par l'entremise des médias ou d'une autre source. Évidemment, la solution idéale serait de mettre en œuvre une sorte de mécanisme de signalement. Je suis consciente que cela pourrait représenter un défi, mais il y a d'autres solutions. Nous voulons veiller à ce que le ministre fédéral établisse des dialogues avec les autres ministères pour veiller à ce que toutes les sources par lesquelles les victimes peuvent avoir accès aux renseignements soient offertes et que ces sources contiennent les renseignements appropriés. Il s'agit seulement d'une idée pour veiller à ce qu'il y ait...

Le président : Avant de donner la parole à Mme Latimer, je crois que nous devons apporter des éclaircissements au mot « victime ».

Faites-vous référence à la famille de la victime? La victime est décédée, n'est-ce pas?

Mme O'Sullivan : Oui, je suis désolée. Je fais référence aux familles ou aux personnes qui ont perdu un être cher à la suite d'un meurtre, car lorsqu'on parle de la victime, ces personnes sont également touchées. Je vous remercie d'avoir apporté ces éclaircissements.

Le président : Je savais que c'était le cas, mais j'ai pensé qu'il vaudrait mieux apporter des éclaircissements à cet égard.

Mme O'Sullivan : Absolument. Merci beaucoup.

Mme Latimer : J'ai déjà reçu des prestations d'orphelin, et je me souviens que j'ai dû faire une demande et obtenir des documents à cet égard chaque année pendant laquelle j'étudiais à temps plein. Il me semble qu'il devrait y avoir une indication dans le formulaire qui informe la personne que si elle est ultérieurement reconnue coupable du crime, elle ne sera plus admissible à ces prestations. Étant donné qu'il s'agit d'un processus de demande, on pourrait peut-être ajouter une telle indication, afin que les gens assument la responsabilité de s'informer ou d'envoyer une notification.

La sénatrice Seidman : C'est une façon de fournir l'information, et c'est exactement ce dont Mme O'Sullivan parlait, et la personne est intégrée au processus.

Mme Latimer : Cela ne suit donc pas nécessairement la victime.

La sénatrice Seidman : D'accord. Merci.

La sénatrice Merchant : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux trois témoins.

Je suis la porte-parole du projet de loi. En passant, j'appuie le projet de loi, car c'est la pratique actuelle dans la common law. Cela provient de la Magna Carta, et ce n'est donc pas nouveau. Il s'agit seulement d'intégrer cet élément dans la loi, et j'appuie donc le projet de loi.

Mais je me pose également une question. Dans notre pays, nous n'imposons pas de peine rétroactive, et étant donné que la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry s'efforcent d'aider les meurtriers et les criminels à réintégrer leur vie et à s'amender, je me pose des questions au sujet de la rétroactivité. Je sais que vous avez dit qu'il y avait des mesures par lesquelles on peut évaluer chaque cas séparément. Toutefois, j'ai communiqué avec la Société Elizabeth Fry et la Société John Howard, et j'ai reçu une réponse de la Société Elizabeth Fry. J'aimerais obtenir vos commentaires. Je vais citer la réponse que j'ai reçue, car elle est très courte :

Il y a des femmes qui ont été reconnues coupables d'avoir tué un partenaire violent dans des situations où elles n'ont pu invoquer la légitime défense ou n'ont pas eu l'occasion de le faire. Pour une raison quelconque, il s'agissait de réactions face à la violence qui n'ont pas été jugées être des actes de défense. Ces femmes ont fait appel à une force jugée plus grande que nécessaire dans les circonstances. Or, il semble injuste de les empêcher d'avoir accès au Régime de pensions du Canada ou au Programme de la Sécurité de la vieillesse.

Madame Latimer, pourriez-vous m'expliquer le problème dans ce cas?

Mme Latimer : Je crois que la Société Elizabeth Fry soutient que la légitime défense peut être invoquée par les femmes victimes de violence, et dans certains cas, en raison d'un rapport de force inégal, une personne est victime de mauvais traitements dans le milieu familial. Toutefois, les jeunes victimes de mauvais traitements ne peuvent pas invoquer un tel type de défense légitime, et il s'ensuit que si un jeune est victime de mauvais traitements physiques et qu'il se défend, il sera probablement plus souvent reconnu coupable, car il ne peut pas invoquer cette défense légitime parfois accordée aux femmes.

La Société Elizabeth Fry fait probablement valoir le point selon lequel si c'est la façon par laquelle une personne se défend lorsqu'elle est victime de mauvais traitements dans une relation violente, devrait-on vraiment lui refuser les prestations auxquelles elle aurait eu droit si elle n'avait pas eu à se défendre?

La sénatrice Merchant : Vous êtes donc d'avis qu'il s'agit d'une question à laquelle il faut réfléchir?

Mme Latimer : Je crois qu'il s'agit d'une question à laquelle il faut réfléchir. Je remarque que le projet de loi semble prévoir un pouvoir discrétionnaire, car le ministre doit être informé et ensuite convaincu. Doit-il simplement être convaincu que la déclaration de culpabilité a été prononcée ou que la condamnation est liée à une infraction d'homicide involontaire coupable ou de meurtre suffisamment grave pour faire cesser le versement des prestations?

La sénatrice Merchant : J'ai également parlé avec l'ancien chef de police de Prince Albert, une ville de la Saskatchewan. Vous savez qu'il y a un pénitencier à Prince Albert.

Mme Latimer : En effet.

La sénatrice Merchant : Il a eu affaire à ce genre de situation. Il est également préoccupé par les préjudices que la rétroactivité pourrait causer aux personnes qui ont commencé une nouvelle vie et qui ont peut-être une nouvelle femme et une famille. Même si ce sont des meurtriers — et je n'essaie pas de les défendre —, le chef de police pensait aux programmes qui les aident à s'amender. Apparemment, un hôpital sera construit à Prince Albert. Ce sera une première au Canada, on a obtenu l'approbation provinciale et le projet est lancé : la ville disposera d'une installation au sein de l'hôpital où on s'occupera de ce type de criminels d'une façon différente. En effet, au lieu de se contenter de les emprisonner, on tentera de travailler avec eux et de les amener à s'amender. Vous faites la même chose.

Il était préoccupé par l'effet de ces dispositions sur une nouvelle famille, par exemple.

Mme Latimer : Il soulève un point important. Les prisonniers ont une dette élevée à leur sortie de prison, car on leur impose une panoplie de sanctions et d'obligations pécuniaires supplémentaires.

C'est un point qui nous préoccupe beaucoup, car ils se retrouvent dans une situation où ils ont l'occasion de mener une vie sans criminalité et de contribuer à la société s'ils sont en mesure de s'acquitter non seulement d'une sanction appropriée, mais également de sanctions pécuniaires supplémentaires. C'est une grave préoccupation dans ce contexte, mais également dans d'autres contextes.

À mon avis, dans ce cas particulier, il serait difficile de justifier que le meurtrier ait droit aux prestations liées à la personne qu'il a assassinée. Il serait préférable de tenter de trouver différents mécanismes pour fournir une certaine stabilité économique aux personnes libérées de prison.

La sénatrice Merchant : Je suis d'accord. Nous parlons de la question de la rétroactivité, et nous cherchons à savoir si cela pourrait pousser la personne à commettre d'autres crimes parce qu'elle ne peut tout simplement pas survivre.

Mme Latimer : Je suis d'accord. Mme Giordano m'a rassurée lorsqu'elle a dit qu'il était possible, dans certains cas, d'annuler le remboursement rétroactif s'il cause des préjudices.

La sénatrice Frum : J'aimerais revenir aux questions du sénateur Eggleton sur les homicides involontaires coupables. J'aimerais également donner la chance à Mme O'Sullivan de répondre à la question.

Croyez-vous que l'exemption pour les cas d'homicide involontaire coupable avec sursis réussit à couvrir les cas comme celui mentionné par Mme Latimer?

Mme O'Sullivan : Je pense que oui. Cette décision revient essentiellement aux juges, car ils ont les compétences et les qualifications nécessaires pour juger les affaires dont ils sont saisis. On leur présente toutes les preuves. Comme nous le savons tous, les procès pour homicide involontaire coupable ou les procès pour meurtre sont des procès d'envergure où l'on présente toutes les preuves aux juges. Ces juges ont les qualifications et les compétences nécessaires pour prendre cette décision. S'ils jugent que des circonstances atténuantes justifient une condamnation avec sursis, la décision leur revient.

Par rapport au coût de la criminalité pour la société, il convient de souligner qu'il ne faut jamais perdre de vue que selon le ministère de la Justice, les victimes assument 83 p. 100 du coût de la criminalité au pays. Lorsqu'on parle des répercussions économiques associées aux homicides, je peux vous dire que cela s'accompagne d'une série de questions concurrentes. Ces personnes ont aussi besoin de ces mesures d'appui, car elles devront aussi composer avec toutes ces questions.

Je tiens à garder à l'esprit que lorsque nous examinons ces situations, si nous voulons des collectivités saines et sécuritaires, il faut examiner de façon globale les besoins de tous. Je vous remercie de la question. Les juges sont compétents et sont qualifiés pour prendre cette décision en fonction des preuves qui leur sont présentées.

La sénatrice Frum : Pour plus de clarté, serait-il peu probable, rare ou impossible qu'un juge impose une peine d'emprisonnement à une personne qui aurait commis un homicide involontaire?

Mme O'Sullivan : Je ne peux parler de décision précise. Ces décisions relèvent des tribunaux. À titre d'exemple, nous avons entendu dire que dans les cas où l'accusé serait une femme souffrant du syndrome de la femme battue, cela pourrait être le genre de situation où l'on tiendrait compte de ce facteur dans la décision. Je ne peux dire ce qu'il en est pour chaque cas individuel. Notre système de justice pénale est ainsi conçu. Ces décisions relèvent des intervenants compétents du système de justice pénale.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Je suis tout à fait favorable au projet de loi. Nul ne devrait tirer profit de son crime. Toutefois, étant donné que les victimes ont contribué au régime de pensions — au RPC et à d'autres programmes de prestations —, ma question est la suivante : qu'advient-il de cet argent? Le gouvernement le conserve-t-il? Le verse-t-il à quelqu'un d'autre?

Mme Giordano : C'est lié à la structure du Régime de pensions du Canada, qui est un régime d'assurance sociale fondé sur le principe du partage des risques. Ce n'est pas tout le monde qui recevra toutes les prestations. Vous êtes assurés en cas d'invalidité; il est à espérer que vous n'aurez jamais à recevoir de prestations d'invalidité, mais vous y contribuez.

Étant donné qu'il s'agit d'un risque partagé, les fonds sont reversés au régime. Le RPC comporte un compte distinct qui ne sert qu'au versement des prestations, à l'administration d'un régime et aux investissements. Supposons que vous êtes en couple. Au décès de votre conjoint, vous recevez la prestation de survivant. À votre décès, si vous n'êtes pas de nouveau en couple, personne ne reçoit votre prestation de survivant.

Ce n'est pas tout le monde qui reçoit les prestations. Ce serait la même chose dans les cas dont il est question. Ces personnes ne seraient pas admissibles aux prestations, et ces prestations ne seraient pas versées. Toutes sommes prélevées seraient remises dans le RPC.

Le sénateur Enverga : Disons qu'ils ont deux bénéficiaires. Ont-ils des bénéficiaires désignés pour la prestation de survivant?

Mme Giordano : Le RPC ne fonctionne pas selon un modèle de désignation de bénéficiaires pour la prestation de survivant. La pension de survivant est versée au conjoint ou au conjoint de fait du défunt. La prestation d'orphelins est versée aux enfants à charge du cotisant décédé, tandis que la prestation de décès est versée à sa succession. En l'absence d'une succession, la prestation peut être versée à des personnes nommées.

Le sénateur Enverga : Supposons que nous ne pouvons verser la prestation au bénéficiaire parce qu'il a tué le cotisant. Nous pourrions trouver une façon de verser cette somme à certains fonds de façon à aider d'autres victimes d'actes criminels. C'est ce que j'aimerais voir.

Mme Giordano : Le projet de loi ne traite pas de cette question.

Le sénateur Enverga : C'est peut-être dans un autre projet de loi.

Le président : Il s'agit d'une mesure législative distincte, sénateur. Donc, nous en resterons là.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma première question s'adresse à Mme Giordano. Quels changements à vos responsabilités et à celles du ministère en question l'adoption du projet de loi C-591 apportera-t-elle? Pouvez-vous me dire s'il y aura des défis particuliers qui seront liés à ce projet de loi?

Mme Giordano : Les changements seront très mineurs, parce qu'on fait déjà essentiellement ce que le projet de loi nous propose au moyen d'une politique basée sur le principe de la common law, ex turpi causa, selon lequel une personne ne devrait pas bénéficier de son crime. Le changement que nous allons faire est celui de réviser notre politique opérationnelle pour aviser les gens partout au pays que l'homicide sera maintenant inclus dans la loi et devra donc être pris en considération.

La sénatrice Chaput : Est-ce qu'il faudra prévoir un mécanisme formel pour recueillir l'information? Est-ce que les provinces et les territoires auront un rôle à jouer dans le recueil de l'information?

Mme Giordano : Il n'y a pas de coûts qui y sont liés; peut-être de faibles coûts, mais rien qui exigerait l'appui des provinces. Les provinces ne seront pas impliquées dans ce projet de loi. Les provinces sont impliquées lorsqu'il y a des changements majeurs au RPC, par exemple, lorsqu'on modifie le taux de cotisation et les prestations, et lorsque la gestion du compte change. Les circonstances sont définies dans la loi et, ici, il ne s'agit pas d'une circonstance dans le cadre de laquelle les provinces doivent donner leur consentement.

La sénatrice Chaput : Merci. J'aimerais poser une question à Mme Latimer ou à Mme O'Sullivan. Est-ce que vous avez été consultées au préalable au sujet de ce projet de loi? Est-ce que vous auriez aimé y voir des modifications? Je crois que dans votre présentation, madame Latimer, vous aviez fait la suggestion d'ajouter quelque chose, mais est-ce qu'il y a eu des consultations au préalable?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Nous n'avons pas été consultés. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. En outre, on ne nous consulte pas non plus pour les projets de loi émanant du gouvernement, à moins qu'on veuille obtenir des recommandations, comme pour la Charte des droits des victimes, par exemple. Donc, les mesures législatives sont préparées par les députés ou par le gouvernement, puis nous présentons nos observations.

[Français]

La sénatrice Chaput : Alors, que pensez-vous de ce projet de loi?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Oui, nous appuyons le projet de loi.

Mme Latimer : Nous n'avons pas été consultés non plus. Nous appuyons certainement les principes sous-jacents du projet de loi. Dans mon exposé, j'ai parlé de mes préoccupations à l'égard de la disposition sur l'application rétroactive, parce que le ministre a le droit de refuser le versement de prestations au moment de la déclaration de culpabilité, et on semble vouloir remonter à la période antérieure à la déclaration de culpabilité afin de déterminer si des montants ont été payés en trop.

De plus, je ne sais pas trop pourquoi on y mentionne toujours l'âge de 18 ans. À mon avis, si un jeune contrevenant s'est vu imposer une peine applicable aux adultes pour le meurtre ou l'homicide involontaire du cotisant, il conviendrait de le déclarer inadmissible.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de témoigner au comité. J'ai une question pour Mme Giordano. Y a-t-il un processus d'appel? Je pense en particulier aux questions qui ont été soulevées concernant les conjoints et les enfants victimes de violence. Y aurait-il un processus d'appel dans de tels cas?

Mme Giordano : La plupart des décisions du ministre peuvent faire l'objet d'un appel. Le ministère confie d'abord l'examen du dossier à un autre analyste, qui étudiera les circonstances de l'affaire. Ensuite, les gens peuvent faire appel devant le Tribunal de la sécurité sociale de la Division générale. L'étape suivante est la Division des appels. Enfin, la Cour d'appel fédérale peut examiner les décisions. Donc, les décisions peuvent faire l'objet d'un appel.

Le sénateur Eggleton : Le projet de loi ne semble pas vraiment être nécessaire. Il y a un ou deux cas par année, ils peuvent aussi être examinés en vertu des dispositions concernant les conjoints de fait qui sont énoncées ici. En fait, l'élément sur l'homicide involontaire a été ajouté à l'étape du comité et ne faisait même pas partie du projet de loi initial. J'aimerais revenir à cet aspect brièvement parce que la sénatrice Frum a de nouveau soulevé la question auprès de Mme O'Sullivan.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les tribunaux examineront toutes les preuves et qu'ils pèseront le pour et le contre afin de prendre la bonne décision quant à la peine à imposer. De toute évidence, le projet de loi n'apportera qu'une distinction, soit la distinction, dans les cas d'homicide involontaire, entre l'imposition d'une peine ou non, lorsque la sentence est suspendue.

Mme Latimer affirme qu'aller jusqu'à cinq ans, peut-être, pourrait permettre d'englober les cas qui exigeraient un examen plus minutieux. Je ne sais pas où se situe la différence. Par exemple, je ne sais pas si la limite est clairement établie dans le cas d'une personne qui se verrait imposer une peine d'un an ou de deux ans plutôt qu'une condamnation avec sursis après avoir vécu une situation de violence.

J'essaie de déterminer si je serais plus à l'aise d'appuyer cette disposition de cinq ans ou d'appuyer la disposition actuelle, celle sur la condamnation avec sursis. Pouvez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

Mme O'Sullivan : Selon la façon dont le projet de loi est présenté, par rapport à la condamnation avec sursis, parce qu'il faut garder à l'esprit que l'homicide involontaire... même si les actions démontrent que l'intention était de causer un préjudice grave. Il faut aussi garder à l'esprit la question de la négociation du plaidoyer, qui intervient dans bien des cas. Il pourrait s'agir d'une négociation de plaidoyer de culpabilité à une accusation moins grave d'homicide involontaire. Beaucoup de facteurs différents entrent en jeu. Je m'en remets au comité. Il est question d'homicide involontaire, il faut savoir que ces gens auraient dû être conscients que leurs actions causeraient un préjudice grave. Ce sont là certains aspects que vous devez examiner. Le projet de loi englobe l'homicide involontaire, comme nous l'avons demandé, et d'autres organismes en ont demandé l'inclusion.

Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il de la disposition sur les peines applicables aux adultes, qui s'appliquent aux personnes âgées de 18 ans et plus? Comme Mme Latimer l'a souligné, il pourrait s'agir d'un jeune de 17 ans qui tue un parent. Je pense que nous avons vu plusieurs cas de ce genre.

Cela fonctionne à l'envers. Il semble, selon ce qui est...

Mme O'Sullivan : Mme Giordano peut me corriger si je me trompe, mais je crois comprendre que l'argent irait à la succession, même si la famille ne devrait pas avoir à souffrir du fait que la succession ou le parent puisse tout de même toucher cet argent.

Mme Giordano : Voici comment fonctionne la prestation d'orphelin : pour les personnes âgées de moins de 18 ans, la prestation est versée à la personne qui assure la garde et la surveillance de l'enfant. Par conséquent, cette personne aura probablement reçu l'argent après la condamnation. Si nous recouvrions cette somme, nous devrions alors réexaminer le dossier, et la personne en question serait probablement l'une des victimes, selon la définition donnée par Mme O'Sullivan, soit un membre de la famille qui aurait probablement perdu son conjoint parce que leur enfant aurait tué son parent. Après cela, il faudrait recouvrer l'argent parce qu'il aurait été versé pour subvenir aux besoins du conjoint. Du moment que l'enfant n'est plus sous la garde du conjoint survivant, la prestation ne peut être versée qu'à la personne ou à l'organisme qui a la garde et la surveillance de l'enfant.

L'autre chose qu'il faut savoir par rapport aux enfants de moins de 18 ans, c'est que nous n'avons pas accès à ces informations. Donc, la loi protège les enfants de moins de 18 ans; par conséquent, le ministère n'a pas accès à ces renseignements.

Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne vos activités actuelles pour le traitement de ces dossiers, en vertu de cette mesure législative, ce critère de 18 ans et plus n'aurait aucune incidence sur vos processus actuels?

Mme Giordano : C'est exact.

La sénatrice Raine : Obtenir des précisions sur les nuances de cette mesure législative a été très utile. Je crois comprendre que les données de l'état civil relèvent des provinces. Lorsqu'une personne décède, la cause du décès est-elle consignée dans le registre de l'état civil? Si la cause du décès est une blessure par balle ou une blessure d'armes à feu... Le meurtre ou l'homicide involontaire sont-ils considérés comme une cause de décès? Je ne crois pas que ce soit le cas. Y a-t-il une façon quelconque de recouper les informations? Ma question porte sur la nécessité pour la victime d'entreprendre des démarches et de présenter une demande pour obtenir la prestation. Il n'existe aucune autre façon de lancer le processus.

Mme Giordano : Je ne sais pas si la cause du décès, comme le meurtre, est inscrite au formulaire d'information sur le décès du bureau de l'état civil. Toutefois, je ne crois pas que le bureau de l'état civil utilise des mentions comme « assassiné par le conjoint » ou « assassiné par le conjoint de fait »; il faut aussi savoir si le conjoint de fait satisfait à la définition établie dans le RPC et la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

La sénatrice Raine : J'ai été surprise de constater qu'il n'existe aucun registre national des condamnations pour meurtre et pour homicide involontaire.

Mme Giordano : Je ne suis pas une spécialiste de...

Mme O'Sullivan : Je sais qu'à l'échelle nationale, il y a un comité appelé le Comité POLIS qui étudie les informations et statistiques des services policiers. Votre comité pourrait se pencher là-dessus parce que la plupart des services de police ont un système de gestion des dossiers. De tels systèmes et des procédures de déclaration uniforme de la criminalité sont en place et il est à espérer qu'ils sont maintenus de façon uniforme partout au pays. Évidemment, je ne peux parler au nom des provinces ou des services de police. Je suppose que la question de la faisabilité pourrait être posée à certains de ces organismes. Je tiens à faire écho à vos propos selon lesquels les études de faisabilité tiennent compte des coûts. Il pourrait y avoir une étude, ou un comité pourrait être mandaté pour déterminer s'il est possible de le faire pour plus de 30 cas par année sans que le coût soit prohibitif. Il serait peut-être possible de faire un suivi auprès de certaines entités. C'est une suggestion.

La sénatrice Merchant : J'aimerais revenir sur ce que le sénateur Eggleton a dit il y a quelques minutes sur la nécessité de ce projet de loi, parce que beaucoup de ces choses se font déjà. Je sais qu'il est bien de codifier les choses et de les intégrer à la loi, et cela fait déjà partie de la common law, et nous avons des juges très compétents, comme vous l'avez indiqué.

Il a aussi été question d'une autre situation. Je crois que c'est Mme Elizabeth Fry qui l'a souligné. Elle a indiqué que les gens qui seront libérés après avoir purgé une peine qui était auparavant de 25 ans et qui est peut-être de 35 ans maintenant, selon l'accusation portée, ne sont aucunement favorables à la rétroactivité, même si vous dites que cela se fait déjà.

Lorsqu'une personne est libérée, elle a besoin de soutien. Si vous recouvrez les sommes qu'elles ont déjà perçues, vous devrez alors tendre l'autre main et les appuyer par l'intermédiaire d'autres mécanismes que nous avons pour appuyer les gens qui ne peuvent subvenir à leurs propres besoins. Ces gens se demandaient s'il s'agissait d'une manœuvre politique pour apaiser certaines personnes ou se demandaient quelles seraient les modalités.

Mme Latimer : Je pense que vous soulevez un enjeu fondamental et complexe. Lorsque les gens sortent de prison, ils sont habituellement confrontés à de graves problèmes liés à la pauvreté, à l'itinérance et à des préjugés réels qui les empêchent de trouver un travail. Il s'agit pour eux d'une situation très difficile et je pense qu'en tant que société, nous devons trouver des solutions pour améliorer leurs perspectives d'emploi et accroître leurs probabilités d'obtenir un emploi.

La question qui nous occupe est quelque peu différente. Si ces gens savaient qu'ils étaient accusés ou qu'il était probable qu'ils soient soupçonnés ou condamnés — bien qu'il est possible qu'ils aient été condamnés à tort et qu'ils aient été pris au dépourvu —, on peut se demander pourquoi ils ont présenté une demande de prestations. À certains égards, une personne doit savoir que si elle est condamnée, elle n'a pas droit aux prestations.

En common law, il existe un autre principe fondé sur la justice selon lequel nul ne peut profiter ou tirer avantage du crime qu'il a commis. Je pense que c'est, en quelque sorte, le principe fondamental dans le cas présent.

Vous soulignez une préoccupation légitime et réelle : les problèmes liés à la réinsertion sociale et à la réintégration sur le marché du travail des personnes qui ont été incarcérées pendant de longues périodes.

Le président : Merci, chers collègues. Merci aux témoins. Madame Latimer, je pense que cette dernière discussion couvrait ce que vous avez dit par rapport à divers enjeux et certainement à plusieurs points de vue. Il y a une nette distinction entre, d'une part, une personne qui a besoin de l'aide de la société pour subvenir à ses besoins et, d'autre part, quelqu'un qui souhaite tirer profit d'un acte criminel. Cela semble être un enjeu très clair sur lequel le projet de loi est axé. Vous avez tous cerné plusieurs aspects importants. La question de la compréhension et de la discrétion qui est offerte en raison de la nature des circonstances liées à la récupération de prestations qui ont déjà été versées est un élément important. Cela figure dans le projet de loi. Vous vous concentrez également sur cet aspect. Vous nous avez beaucoup aidés. Nous serons certainement en mesure de prendre une décision à cet égard lorsque nous en serons à l'étude article par article.

(La séance est levée.)


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