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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 32 - Témoignages du 23 avril 2015


OTTAWA, le jeudi 23 avril 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour examiner, afin d'en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter. Commençons à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de Toronto.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto; je suis vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. Nous sommes ici aujourd'hui afin de continuer à examiner, en vue d'en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada, ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui un groupe de témoins de l'Assemblée des Premières Nations. Nous avons M. Peter Dinsdale, chef de la direction, qui nous présentera un exposé, je crois, ainsi que ses collègues, qui pourront répondre à nos questions, Mme Katie-Sue Derejko, analyste principale des politiques, Santé publique; Mme Jennifer Robinson, analyste principale des politiques; et Mme Brigitte Parent, analyste des politiques.

Merci à tous d'être avec nous. Soyez les bienvenus. Sur ce, c'est avec plaisir que je cède la parole à M. Dinsdale.

Peter Dinsdale, chef de la direction, Assemblée des Premières Nations : Bonjour et meegwetch.

Je m'appelle Peter Dinsdale et j'appartiens à la Première Nation de Curve Lake, en Ontario. C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous. Je voudrais d'abord souligner que nous nous trouvons sur des terres algonquines non cédées et remercier le peuple algonquin de nous permettre de nous réunir sur son territoire.

C'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous pour parler de l'incidence croissante de l'obésité au Canada, ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir pour les peuples et les collectivités des Premières Nations. L'APN considère comme une priorité d'engager le dialogue avec le gouvernement au sujet de l'incidence croissante de l'obésité au Canada du point de vue des Premières Nations.

Premièrement, je voudrais citer un extrait de l'article 23 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui dit : « Les peuples autochtones ont le droit d'être activement associés à l'élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d'autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres institutions ».

Deuxièmement, l'Assemblée des Premières Nations cherche depuis longtemps à éliminer l'écart entre les résultats en matière de santé des Premières Nations et ceux de la population canadienne en général.

Nous sommes heureux de constater que Santé Canada a aussi cet objectif; son mandat est notamment d'aider les Premières Nations à s'occuper des obstacles en matière de santé et des menaces de maladie, et à atteindre des niveaux de santé comparables à ceux des autres Canadiens.

Bien que nous ayons des objectifs semblables, le fait est que les membres des Premières Nations continuent de souffrir de façon disproportionnée d'une mauvaise santé physique et mentale.

Troisièmement, pour comprendre le rôle que joue le gouvernement dans l'examen et l'établissement de rapports sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada, il faut d'abord comprendre l'histoire du colonialisme et ses conséquences sur les Premières Nations. Il faut également comprendre que les relations tendues qu'entretiennent nos peuples avec le gouvernement et les institutions connexes ont des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des Premières Nations.

Il importe de souligner divers moments de l'histoire canadienne, comme l'adoption de la Loi sur les Indiens, la création du système des réserves, le statut juridique, les pensionnats, la rafle des années 1960, les services inadéquats aux habitants des réserves, le racisme systématique et le manque de compréhension et de considération relativement aux incidences de ces éléments.

De plus, lorsqu'il est question de la santé et du bien-être des Premières Nations, il est essentiel de reconnaître et de comprendre le lien important qui existe entre les déterminants sociaux de la santé comme la condition physique, sociale et environnementale, puisqu'ils sont étroitement liés au racisme, à la discrimination, à la colonisation, à la marginalisation et même à l'oppression.

Bien qu'une approche axée sur les déterminants sociaux de la santé soit nécessaire aux discussions sur les politiques et au rôle du gouvernement dans la lutte contre l'incidence croissante de l'obésité chez les Premières Nations, elle ne suffit pas à elle seule et elle doit être entreprise dans le respect des valeurs, des attitudes et des aspirations des Premières Nations.

Même si les études révèlent une augmentation du taux d'obésité et du nombre de personnes en surpoids au Canada, ce qui est inquiétant, c'est qu'il y a beaucoup plus de personnes en surpoids ou obèses parmi les adultes autochtones que parmi les adultes canadiens non autochtones.

Les recherches actuelles indiquent qu'une partie de la solution consiste à faire la promotion du mode de vie traditionnelle des Premières Nations, mais qu'il faut amorcer le travail de prévention de l'obésité avant la naissance d'un enfant, dans le ventre de sa mère, et se poursuivre après la naissance et tout au long de son cheminement scolaire.

Les cas de poids élevé à la naissance sont nettement plus fréquents chez les Premières Nations que chez la population canadienne en général. Les bébés de poids élevé à la naissance sont plus susceptibles de souffrir d'embonpoint. Il est alarmant de constater que le taux d'obésité chez les enfants des Premières Nations est toujours plus élevé que chez la population canadienne en général. L'Enquête régionale sur la santé la plus récente a révélé que près de trois enfants autochtones sur cinq souffrent d'obésité, et que pourtant, 87 p. 100 de leurs parents ou tuteurs se considèrent comme étant en excellente santé. Cette situation est devenue beaucoup trop commune dans nos collectivités et elle est de plus en plus acceptée.

Par contre, les déterminants sociaux de la santé influencent considérablement ces facteurs, tout comme les changements rapides et profonds du style de vie engendrés par la colonisation. On sait par ailleurs que l'activité physique procure plusieurs bienfaits, dont une réduction du risque de certains cancers, des maladies cardiovasculaires et du diabète. On considère également que le niveau d'activité physique est un bon indicateur du risque d'obésité chez les jeunes, puisque les personnes physiquement inactives sont plus susceptibles de souffrir d'obésité.

Les Premières Nations ont indiqué que de nombreux déterminants sociaux de la santé ont une incidence sur la participation à des activités récréatives et sportives, notamment l'accès à des installations récréatives, les frais d'inscription à des sports, le manque d'occasions de faire de l'activité physique, à l'école — s'il y en a une — comme dans la collectivité, et les activités sédentaires comme la télévision et l'informatique.

Dans le passé, les Premières Nations menaient un style de vie actif et difficile. Leurs membres chassaient, pêchaient, faisaient la cueillette de nourriture et de produits médicinaux, cuisinaient, organisaient des jeux traditionnels et des compétitions de crosse, de danse et de canot, par exemple.

De nos jours, les garçons et les filles sont moins attirés par ces activités traditionnelles à cause de multiples facteurs liés à la colonisation et aux influences occidentales contemporaines.

Voici quelques exemples illustrant la réalité complexe de l'obésité chez les Premières Nations et les raisons pour lesquelles nos efforts collectifs auprès du gouvernement pour régler la crise de l'obésité chez les Premières Nations doivent être pris en compte dès maintenant.

Tout d'abord, le manque critique de sécurité alimentaire et d'accès à des aliments sains et abordables dans de nombreuses collectivités des Premières Nations est tout à fait inacceptable. Les médias ne cessent de parler des prix exorbitants des aliments, et pourtant, les efforts déployés jusqu'à maintenant n'ont pas donné lieu à une diminution des coûts pour les nombreux consommateurs des Premières Nations aux prises avec des difficultés.

Dans les collectivités éloignées et nordiques, les coûts élevés, la mauvaise qualité, le manque de variété et l'inaccessibilité des aliments périssables sont d'autres obstacles qui empêchent l'achat d'aliments frais favorisant un régime alimentaire sain. À cela s'ajoute le fait qu'un trop grand nombre de nos collectivités n'ont pas accès à de l'eau potable et qu'elles doivent se tourner vers des solutions de rechange malsaines comme les boissons gazeuses et autres boissons à teneur élevée en sucre, ce qui contribue à l'augmentation du taux d'obésité.

L'augmentation alarmante des maladies liées à l'obésité se poursuit, notamment le diabète de type 2, les cancers et les maladies cardiopulmonaires.

L'effet le plus révélateur de l'épidémie d'obésité est sans aucun doute l'énorme pourcentage de personnes atteintes de diabète. Bien qu'il soit difficile de cerner une cause particulière de façon individuelle, il est généralement admis que l'obésité est le facteur de risque modifiable le plus important qui contribue au développement de la maladie.

Le diabète est devenu une maladie invalidante et mortelle, et les membres des Premières Nations en souffrent de trois à cinq fois plus que la population canadienne en général. On observe également une hausse des maladies concomitantes associées à l'obésité, particulièrement le diabète de type 2. Les patients qui en sont atteints ont souvent besoin de soins des pieds, lesquels sont nettement sous-financés.

Des preuves solides montrent que l'obésité cause le cancer. Il ne fait aucun doute qu'il y a de plus en plus de cas de cancer dans les collectivités des Premières Nations et que le système de soins de santé, les Services de santé non assurés et les budgets des collectivités des Premières Nations en matière de santé ne suffisent pas à couvrir les coûts des soins de santé et du transport associé aux traitements, en particulier dans les collectivités éloignées et isolées.

Les maladies chroniques liées à l'obésité représentent des coûts pour tout le monde. Les coûts relatifs au transport, aux traitements, aux appareils médicaux, aux fournitures et aux médicaments, ainsi que les coûts des soins destinés aux enfants et aux aînés seront astronomiques si l'on considère les taux croissants de maladies cardiovasculaires, de cancers et de diabète.

On ne peut nier qu'il existe un lien entre l'obésité et la santé mentale des peuples des Premières Nations. Selon certaines études, la dépression est liée à l'apparition de l'obésité, et l'obésité peut entraîner l'apparition des symptômes de la dépression. La nourriture est une dépendance et une mesure de réconfort, et l'absence de programmes de santé mentale et de traitement des dépendances peut contribuer à la prise de poids.

Dans ce contexte, les infirmières qui prodiguent des soins à domicile et en milieu communautaire dans les collectivités des Premières Nations indiquent qu'elles ont davantage de difficulté à soulever et à déplacer les patients lourds, et certaines d'entre elles indiquent que l'équipement du programme des SSNA est de piètre qualité, et que les déambulateurs et les fauteuils roulants ne sont pas adaptés au poids élevé des patients. Cela entraîne des conséquences pour les patients et pour les fournisseurs de soins de santé. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, nous continuons à travailler de concert avec le gouvernement pour améliorer l'accès aux services du programme des SSNA et, en particulier, pour terminer le processus de revue conjointe que l'APN a entrepris avec Santé Canada l'automne dernier et qui se poursuivra à l'automne 2016.

Les Premières Nations constituent la population la plus jeune dont la croissance est la plus rapide au Canada. Cela joue en notre faveur à tous. Des Premières Nations fortes et en santé permettront de bâtir un Canada plus fort et plus sain. Par conséquent, il est urgent d'aider les Premières Nations à contrôler l'épidémie d'obésité et les maladies concomitantes qui y sont liées. Il faut particulièrement insister sur la prévention en matière de santé et la promotion de partenariats visant de saines habitudes de vie. La mise sur pied de partenariats avec des organismes communautaires peut contribuer à répondre aux besoins liés à la sécurité alimentaire et aux activités sportives et récréatives. Des organismes comme ONEXONE et le Club des petits déjeuners du Canada travaillent généreusement dans les collectivités des Premières Nations et tentent de réaliser des gains à court terme en fournissant des repas, que ce soit le petit déjeuner ou le déjeuner. Or, ces programmes ne sont pas viables à long terme et ils nécessitent l'intervention du gouvernement.

Toutefois, il faut comprendre que les programmes et les services conçus sans la participation des Premières Nations ne fonctionneront pas pour nous. En fait, le contrôle de la gestion des programmes et des services de santé par les Premières Nations doit être une priorité pour le gouvernement fédéral.

En terminant, l'APN souhaite formuler les recommandations suivantes. Nous continuons de demander du financement à long terme pour faire en sorte que les solutions à l'incidence croissante de l'obésité chez les Premières Nations soient axées sur la communauté et produisent des résultats significatifs. Cela permettra aux familles des Premières Nations de guérir des conséquences de la colonisation et des effets dévastateurs des pensionnats et de la pauvreté systémique; nos collectivités pourront s'engager sur la voie de la santé physique et mentale — la voie de la guérison.

De plus, nos collectivités ont besoin de soutien et d'investissement en matière de prévention, c'est-à-dire de programmes communautaires visant à sensibiliser les parents à un mode de vie sain et à un poids santé, ainsi que de programmes communautaires intergénérationnels visant à favoriser les relations des jeunes parents avec leurs familles et à rétablir les liens entre les collectivités et leur culture, dans le but de promouvoir l'allaitement et les pratiques éducatives. Il faut faire des investissements durables et suffisants dans une vaste gamme de services sociaux et de santé, notamment pour répondre aux besoins des Premières Nations en matière d'infrastructure de base, comme le logement, les milieux de travail et de loisirs sécuritaires, les installations récréatives, l'approvisionnement en eau potable, ainsi que les services de soutien en santé mentale.

Finalement, nous nous réjouissons de l'engagement continu du gouvernement et de ses efforts pour faire face à l'incidence croissante de l'obésité au Canada. Nous estimons qu'il est nécessaire d'en trouver les causes profondes, de déterminer les conséquences de l'inaction et de l'apathie, et de trouver des solutions d'avenir qui permettront aux collectivités des Premières Nations d'adapter, de réformer et de réorienter leurs programmes et leurs services en matière de santé en fonction de leurs propres priorités.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup de votre présence. Comme vous l'avez souligné, les collectivités des Premières Nations sont beaucoup plus affectées par l'obésité et les problèmes de santé qui en découlent que le reste de la population. Cela s'explique en bonne partie par les déterminants sociaux de la santé — un grand nombre de facteurs dont nous avons entendu parler à maintes occasions, dans le cadre de nombreuses discussions sur les soins de santé au Canada. Ces problèmes continuent de nuire aux collectivités des Premières Nations.

Je voudrais d'abord vous poser une question au sujet d'une chose que vous avez mentionnée et dont je n'avais jamais entendu parler. Qu'est-ce que la rafle des années 1960?

M. Dinsdale : Vous avez entendu parler des pensionnats. La rafle des années 1960, c'est lorsque les services d'aide à l'enfance ont retiré les enfants de leur communauté.

Le sénateur Eggleton : C'est bien ce que je pensais, mais je n'avais jamais entendu cette expression auparavant.

J'aimerais vous poser une question au sujet de la situation alimentaire. En 2011, le gouvernement a décidé de remplacer le programme Aliments-poste par le programme Nutrition Nord Canada. J'ignore si ce programme est offert dans d'autres régions éloignées du pays, étant donné qu'il n'y en a pas uniquement dans le Nord. Ce programme a-t-il permis d'augmenter le nombre d'aliments, en particulier les aliments nutritifs, qui sont offerts à un prix raisonnable pour le consommateur? Est-ce que le programme fonctionne bien, fonctionne en partie ou ne fonctionne pas du tout?

Katie-Sue Derejko, analyste principale des politiques, Santé publique, Assemblée des Premières Nations : L'un des problèmes, c'est que lorsque Nutrition Nord Canada a remplacé le programme Aliments-poste, certaines collectivités des Premières Nations ont perdu leur admissibilité à cause du fait qu'Affaires autochtones a modifié les critères du programme.

C'est l'un des premiers problèmes qu'a engendrés la mise en place de Nutrition Nord Canada. Dans le rapport qu'il a publié récemment, le Bureau du vérificateur général indique qu'actuellement, on ne peut démontrer que l'intégralité des contributions est transférée aux consommateurs. Des mécanismes de reddition de comptes n'ont pas été mis en place. La contribution est maintenant versée au détaillant, mais puisque le détaillant n'est pas tenu de divulguer sa marge bénéficiaire, nous n'avons aucun moyen de vérifier si la contribution profite aux collectivités. C'est un autre problème. Depuis que le rapport a été publié, le ministère des Affaires autochtones a indiqué qu'il réglerait cette question. Nous ne saurions dire si Nutrition Nord aide vraiment les collectivités.

Ce qu'elles nous disent, c'est que le coût des aliments est encore très élevé dans le cadre de ce programme. Les aliments admissibles à une contribution ne sont pas toujours ceux dont a besoin la collectivité ou ceux qu'elle souhaite. Beaucoup de produits ne figurent pas sur la liste, ce qui se traduit par un coût de la vie élevé. Certains aliments sont admissibles à une contribution, mais si, dans l'ensemble, les coûts des autres produits sont plus élevés, alors on doit tout de même réduire son budget quelque part, et bien souvent, on coupe encore dans le budget alimentaire.

Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il des collectivités éloignées qui ne font pas partie du Nord? Cela dépend peut-être de l'emplacement de la frontière de ce que l'on considère comme le Nord; on offre peut-être ce programme dans d'autres collectivités éloignées. Qu'en pensez-vous?

Mme Derejko : Vous parlez d'autres collectivités éloignées qui ne sont pas des Premières Nations?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Mme Derejko : Je présume qu'on leur offre, mais je n'en suis pas certaine. Je ne sais pas ce qu'elles pensent du programme.

Le sénateur Eggleton : Certaines collectivités ont été exclues du programme. Sur quoi cette exclusion est-elle fondée?

Mme Derejko : Je ne suis pas sûre de connaître exactement l'algorithme qui sert à déterminer les collectivités admissibles. Il est lié à la subvention pour les frais de carburant. Je pourrais vous faire savoir plus tard en quoi l'algorithme a changé.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Comme le président ne cesse de le mentionner lorsqu'il présente le sujet, je précise que nous mettons l'accent sur l'incidence croissante de l'obésité. S'agit-il d'une tendance à long terme? Par exemple, une hausse substantielle a été observée au cours des 30 dernières années, mais a-t-on observé la même chose dans les collectivités des Premières Nations, ou est-ce que ce problème d'obésité existe depuis plus longtemps?

M. Dinsdale : On constate qu'il existe depuis plus longtemps, si l'on suit, en général, le déplacement des Autochtones de leurs anciens établissements aux terres de réserve, un déplacement qui, selon la région du Canada d'où on vient, a eu lieu vers la fin des années 1800. Ce déplacement a certainement entraîné du jour au lendemain une modification radicale du mode de vie des Autochtones. Voilà l'incidence que la colonisation a eue. La télévision et les jeux vidéo ont aussi eu des effets occidentaux généraux, en créant différentes priorités et des moyens d'échapper la réalité. Ces facteurs ont également des répercussions sur les collectivités. Nous pouvons distinguer les hausses marquantes des tendances, mais les tendances progressent dans la même direction.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné que le Club des petits déjeuners du Canada intervenait généreusement dans des collectivités des Premières Nations en offrant des programmes de petits déjeuners à l'intention des enfants qui vont à l'école. Vous avez déclaré que ces programmes n'étaient pas viables à long terme et qu'ils exigeaient une intervention gouvernementale. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Dinsdale : En règle générale, tous ces programmes de petits déjeuners sont offerts par des clubs de bonne volonté et de services. Tant que les relations avec ces clubs seront maintenues, ces petits déjeuners pourraient être le seul repas que ces enfants prendront au cours de la journée. Le gouvernement doit intervenir afin que ces programmes soient maintenus à long terme quand les priorités de ces clubs changeront. Il y a évidemment un risque que ces programmes prennent fin.

Le président : Pour clarifier la réponse que vous avez donnée au sénateur à propos de l'exclusion de Premières Nations, cette exclusion ne reposait pas seulement sur leur emplacement géographique. D'autres facteurs étaient pris en compte pour sélectionner les collectivités qui seraient transférées d'un programme à l'autre.

Mme Derejko : Oui.

Le président : Ce n'était pas simplement une question d'emplacement géographique.

Mme Derejko : Oui, c'est ce que je crois comprendre.

Le président : Nous aimerions savoir si cet argument est clair.

La sénatrice Seidman : Je souhaitais continuer de discuter de la question des aliments qui vous a été présentée dans le contexte de Nutrition Nord. Toutefois, j'aimerais en parler d'une manière plus générale. Il ne fait aucun doute que la diète est liée à la santé. Comme vous l'avez déclaré dans votre exposé, monsieur Dinsdale, il est indéniable que les coûts exorbitants de la nourriture continuent d'être démontrés par les médias. J'ai été moi-même renversée d'apprendre que la laitue coûtait quelque 12 $ dans le Nord. Il est difficile de digérer cette nouvelle puis de tenter de comprendre comment nous pouvons faire mieux pour que les Premières Nations aient accès à des aliments sains et abordables. Vous avez également parlé de prévention et de programmes communautaires. Lorsque vous tentez de relier ces facteurs, à savoir la prévention, des diètes plus saines et une meilleure santé, comment démêlez-vous tout cela? Quelles suggestions pouvez-vous nous faire?

M. Dinsdale : À certains égards, j'examine ma famille à Ottawa. J'ai deux jeunes garçons de 10 et 8 ans et, depuis leur enfance, ils jouent au hockey dans tous les arénas de la ville. J'ai les moyens de les inscrire à ces activités et d'acheter leur équipement. Ils jouent au basketball. L'un d'eux souhaite suivre des cours de karaté. Ils jouent dehors. Je les amène pêcher et, en fait, ils viennent chasser avec moi. Nous exerçons toutes ces activités, mais si je vivais dans une collectivité éloignée, quel serait le même paradigme pour mes enfants? En passant, ils possèdent également des iPad, et ils passent beaucoup trop de temps à les utiliser et à regarder la télévision. Si je vivais dans une collectivité éloignée, à quoi aurais-je accès à ce moment-là? Mes enfants n'auraient peut-être pas accès à un aréna ou à une école où ils peuvent jouer au basketball. Ils n'auraient peut-être pas accès à des installations intérieures et des ligues de sports organisés. Mes enfants courent et jouent dehors, ce qui est formidable, mais ils le font tant qu'ils en ont envie avant de retomber dans le piège des mêmes antennes paraboliques et des mêmes appareils mis à leur disposition. C'est en grande partie une question d'infrastructure. Trop souvent, j'en suis certain, nous comparaissons devant les comités pour demander davantage d'argent. C'est un refrain qui n'en finit plus d'être repris, mais la véritable question est la suivante. Imaginez que vos enfants et vos petits-enfants grandissent dans ces collectivités. De quels services vous attendriez-vous qu'ils disposent?

Une partie du problème — qui, j'en suis désolé, dépasse votre étude sur l'obésité — est liée à la relation financière que nous entretenons avec le Canada. Les Premières Nations sont financées au moyen d'accords de contribution, exactement comme les festivals de vos collectivités. Le gouvernement se sert du même mécanisme de financement, qui ne permet pas de financer des installations à long terme. Les partenariats public-privé exigent certaines contributions, et leurs participants ont certaines attentes à long terme. Par conséquent, il ne nous reste plus qu'à conclure des accords d'une année à l'autre. Des ententes sont prises pour construire des écoles et des installations, et elles vont et viennent, mais ces collectivités n'ont pas la possibilité de planifier quoi que ce soit à long terme et de construire les infrastructures dont nous parlons, lesquelles favorisent des modes de vie sains.

Nous rencontrons d'autres difficultés politiques, comme le programme Nutrition Nord. J'ai vu des études qui démontraient que, dans certaines régions, l'alcool était vendu exactement au même prix en milieu urbain que dans des régions rurales. Les raisons pour lesquelles on peut acheminer du whisky à des collectivités éloignées pour le même prix qu'il se vend dans le Sud, mais qu'on ne peut pas faire de même pour la laitue m'échappent. C'est une importante question à laquelle nous devrions réfléchir. Quelles politiques avons-nous mises en œuvre, et comment leurs résultats sont-ils mesurés? J'ai répondu à votre question d'une manière décousue, mais le défi à relever comporte plus d'un volet. Il y a un problème systémique plus vaste qui est lié à nos lieux de résidence. Une grande partie de la solution concerne la question sur laquelle vous mettez l'accent, et nous vous en sommes reconnaissants, mais elle dépend aussi de mesures coordonnées à tous les niveaux.

La sénatrice Seidman : L'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations, qui a été menée entre 2008 et 2010, indiquait que plus de la moitié des ménages des Premières Nations étaient touchés par l'insécurité alimentaire, ce qui veut dire qu'ils ont du mal ou qu'ils sont incapables de fournir suffisamment de nourriture pour alimenter leurs membres. De plus, l'enquête a révélé que 17 p. 100 des adultes interrogés signalaient avoir faim ou sauter assez régulièrement des repas. L'incidence de l'insécurité alimentaire est plus élevée dans les grandes collectivités, tout comme l'incidence de l'obésité. Pourriez-vous expliquer la raison pour laquelle, selon vous, l'insécurité alimentaire est plus répandue dans les milieux urbains et les collectivités rurales que dans les collectivités éloignées?

Jennifer Robinson, analyste principale des politiques, Assemblée des Premières Nations : Fondamentalement, les familles des Premières Nations sont touchées par l'insécurité alimentaire pour les mêmes raisons que les autres familles le sont, c'est-à-dire surtout parce que les membres des Premières Nations qui habitent dans les centres urbains vivent sous le seuil de la pauvreté. Cela découle en quelque sorte des facteurs socioéconomiques dont Peter discutait. Nous ne pouvons pas mettre en œuvre une politique qui lutte précisément contre la pauvreté, mais nous pouvons mettre en œuvre des politiques qui aident les membres des Premières Nations à aller à l'école et à faire des études, et qui contribuent aux infrastructures des centres urbains afin que les Premières Nations aient l'impression de pouvoir vivre et travailler confortablement dans ces centres.

En fin de compte, si les Autochtones sont touchés par l'insécurité alimentaire et s'ils font sauter des repas à leurs enfants parce qu'à la fin du mois, ils n'ont pas l'argent nécessaire pour acheter du lait ou les produits de première nécessité dont ils ont besoin, cela se résume au fait qu'ils vivent plus souvent sous le seuil de la pauvreté que les autres Canadiens.

M. Dinsdale : Dans une vie antérieure, j'ai travaillé pour les centres d'amitié. Pendant sept années, j'ai occupé le poste de directeur général des centres et, dans ce contexte, nous avons mené toutes sortes d'études portant sur l'accès que les Autochtones des centres urbains ont aux services offerts dans ces collectivités. Trop souvent, les Autochtones considéraient que les services courants n'étaient pas à leur disposition. Les Autochtones ne se prévalaient pas de ces services, que ce soit ou non parce qu'ils avaient l'impression que les services étaient racistes, accaparés par les autres clients ou non adaptés à leurs besoins culturels. Donc, si la pauvreté est un énorme problème observé partout, les Autochtones considèrent que leur accès aux services est restreint. Par conséquent, pour lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire auxquelles les Autochtones font face, il est important d'assurer la coordination de programmes urbains.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie infiniment de votre exposé et de votre présence parmi nous aujourd'hui. Je siège au comité seulement aujourd'hui. Par conséquent, il se peut que je montre mon ignorance des autres témoignages. Je me demande si, dans le cadre de vos études et de votre collecte de statistiques, vous avez observé des différences importantes lorsque vous examiniez l'incidence de l'obésité et du diabète dans les réserves et hors de celles-ci, dans les collectivités éloignées et celles plus proches, dans les collectivités riches et prospères et celles qui éprouvent des difficultés financières. Y a-t-il des différences de n'importe quel genre, ou l'incidence est-elle la même partout?

M. Dinsdale : Je ne suis pas au courant de différences notables. Je pense que c'est, malheureusement, une expérience commune dont, selon moi, les sources sont identiques.

Le sénateur Tannas : Il n'y a donc aucune différence, ou, du moins, pas à notre connaissance? Aucune étude n'a été menée à ce sujet?

Brigitte Parent, analyste des politiques, Assemblée des Premières Nations : Certes, des études ont été menées afin de déterminer la corrélation qui existe entre le statut socioéconomique et l'incidence et la prévalence de maladies chroniques évitables. En ce qui concerne le diabète, par exemple, si vous ne pouvez pas vous permettre de participer à des activités récréatives ou permettre à vos enfants d'y participer, vos enfants ne seront pas nécessairement aussi actifs. Si votre collectivité ne possède pas les infrastructures requises ou n'offre pas les programmes nécessaires, ou si vous n'avez pas les moyens de prendre part à ces activités, les facteurs qui influeront sur le risque que vous courez de développer des maladies chroniques comprendront l'inactivité et un mode de vie sédentaire. Il y a certainement une corrélation entre le statut socioéconomique et l'état de santé, mais en ce qui concerne la comparaison entre les collectivités éloignées et les centres urbains, je ne suis pas certaine que des études aient été menées pour montrer, le cas échéant, la corrélation qui existe entre les Premières Nations éloignées et l'obésité, ainsi qu'entre les Premières Nations urbaines et l'obésité.

M. Dinsdale : L'autre problème, c'est que, lorsque les gens citent des statistiques selon lesquelles 50 p. 100 des Autochtones, ou d'autres pourcentages selon la province ou le territoire, vivent dans des régions urbaines, ce chiffre n'est pas stable. Les gens se rendent dans les centres urbains pour y travailler, mais ils retournent ensuite dans leur collectivité. Dans le meilleur des cas, leur situation de logement est difficile et comprend plusieurs personnes. Par conséquent, la population n'est pas stable. On ne peut pas coordonner une étude et déclarer qu'au cours des 10 dernières années, les gens qui vivent uniquement dans les milieux urbains ont tel ou tel état de santé comparativement aux gens qui vivent uniquement dans des collectivités éloignées. Les membres de la population déménagent très souvent de leurs terres ancestrales.

Le sénateur Tannas : Je pense qu'il vaudrait la peine de chercher quelques réponses à ces questions. J'ai eu la chance d'accompagner des représentants d'Affaires autochtones au cours de leur visite d'un certain nombre de réserves, tant éloignées que rapprochées des régions urbaines, et j'ai remarqué la présence de patinoires de hockey dans chacune d'elles, des patinoires intérieures, ce qui m'a impressionné. Je pense que c'est formidable.

Avant que nous fassions une croix sur tout cela, je repense à Michelle Obama et à ses initiatives visant à inciter les gens à tirer parti des ressources de leur collectivité. L'APN a-t-elle adopté une position en ce sens, ou des chefs de file ont-ils entrepris une initiative afin de recommander qu'on mette l'accent sur cet aspect?

M. Dinsdale : Oui, nous avons entrepris des initiatives comme indigèneACTION, à laquelle participe Waneek Horn Miller, un ancien olympien qui constitue un champion pour nous. En Colombie-Britannique, le Beefy Chiefs Challenge permet aux chefs qui souffrent d'embonpoint d'apporter leur contribution en faisant preuve de leadership.

L'épouse du premier ministre ne s'est pas attaquée à ce problème pour aider les Premières Nations en particulier, mais nous avons nos propres chefs de file, comme les États-Unis en avaient certainement auparavant.

Je n'ai pas cette étude sous les yeux en ce moment, mais elle indiquait que le taux d'obésité juvénile était trois à cinq fois plus élevé... Les parents des Premières Nations considèrent que leurs enfants sont en bonne santé. Je n'ignore pas le fait que nous soutenons un dialogue interne, mais je répète qu'en tant que parents ou grands-parents, nous souhaitons que nos enfants aient accès aux meilleures possibilités. Vous avez visité ces collectivités qui disposaient d'un plus grand nombre d'outils que les autres, mais je dirais que ce n'est pas une expérience commune à l'échelle nationale.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre excellent exposé. De nombreuses collectivités du Nord sont établies dans des régions éloignées ou peut-être dans des régions où l'accès à des aliments nourrissants, comme les aliments traditionnels — tels que le caribou, l'omble chevalier ou le poisson —, n'est pas suffisant. Je me considère chanceux d'avoir visité l'une de ces collectivités où nous avons été en mesure de goûter à ces aliments délicieux. Ils m'ont vraiment plu.

Je sais qu'en général, les activités de piégeage et de chasse ont diminué de 31 p. 100. Pouvez-vous parler du rôle que les aliments traditionnels jouent dans le maintien de la santé et du poids des Autochtones?

M. Dinsdale : Ils jouent assurément un grand rôle. Beaucoup trop souvent de nos jours, nos enfants ne pratiquent ni la chasse, ni la pêche. Je pense que de nombreuses raisons expliquent cet état de choses.

Je ne cherche pas à faire de la politique, mais je dirais que certains des changements apportés à la réglementation de l'environnement risquent grandement de rendre plus difficile la gestion des terres et de la faune. Diverses activités liées aux mines, aux pipelines et à d'autres secteurs sont problématiques, car elles ont une incidence sur les voies migratoires traditionnelles. Puis, il y a des problèmes de pollution. Voilà toutes les véritables difficultés qu'affrontent les collectivités. En ce qui concerne vos questions à propos des aliments traditionnels, avez-vous...

Mme Robinson : Je peux répondre un peu à cette question. Cet enjeu est lié à notre accès à notre territoire. Lorsque nous avons accès à notre territoire, et que nous passons aussi du temps à exercer des activités traditionnelles comme la chasse, la pêche et le piégeage, nous finissons par cuisiner des soupes traditionnelles. Les faits prouvent que les soupes que nous préparions dans le passé et qui étaient fondées sur notre mode de vie contenaient toutes les vitamines dont nous avions besoin pour assurer notre survie. Ce mode de vie aurait également été durable. Notre santé aurait découlé de notre mode de vie.

Voilà un fait que nous ne devrions pas perdre de vue. À l'APN, je travaille dans le domaine de la santé mentale et des toxicomanies, et bon nombre de nos programmes sont fondés sur notre culture et font en sorte que des collectivités entières puissent participer à leur culture. Les Autochtones retirent de ces programmes un sentiment de bien-être, d'espoir et d'appartenance, et les programmes donnent un sens à leur vie. Ces quatre éléments font partie du Cadre de continuum du mieux-être mental des Premières Nations. Ce cadre nous permet d'examiner les déterminants sociaux de la santé ayant un caractère plus général. Nous avons mentionné que ces déterminants étaient requis pour que nous puissions regagner le désir de mettre l'accent sur notre culture, de reprendre la même relation que nous avions dans le passé avec notre nourriture et avec la façon dont nous pouvons chasser et pêcher.

L'un des principaux points de mire de la prévention du suicide consiste à ramener la culture. Lorsqu'on leur en donne l'occasion, bon nombre de Premières Nations prennent elles-mêmes la décision d'entreprendre des voyages en canoë. Ces voyages sont extrêmement exigeants sur le plan physique, et ils comprennent de nombreuses activités traditionnelles et de nombreuses cérémonies. Certaines cultures interdisent la consommation de certains aliments pendant ces voyages, des aliments qui ont tous des effets sur différentes facettes de la santé de leurs membres. Ces interdictions ont une incidence sur la santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle des Autochtones. C'est ainsi que notre culture est liée à la façon dont nous déterminons comment nous allons nous alimenter à ces égards.

Le sénateur Enverga : Revenons au programme Nutrition Nord. Ce programme est-il structuré pour promouvoir ces genres d'aliments. J'adorerais déguster de nouveau l'omble chevalier et ces baies. Y a-t-il une façon de promouvoir leur consommation auprès des membres des Premières Nations? Ces aliments étaient vraiment excellents.

Mme Derejko : Nous entendons de nombreuses collectivités dire qu'elles aimeraient que des subventions soient accordées pour l'achat de matériel de chasse et d'autres instruments qui les aideraient à tirer parti de leur territoire. Ces outils sont difficiles à trouver et très coûteux. Leur difficulté d'accès limite la capacité des Autochtones de profiter de leur territoire. Certaines Premières Nations ont demandé que des articles de ce genre soient ajoutés aux produits subventionnés. Les lignes de pêche et les pièces de motoneige sont des articles qui les aident à explorer leurs terres. Comme ces articles sont difficiles et coûteux à obtenir, ils ont une incidence sur la capacité des Autochtones de chasser, de pêcher et de piéger. Ce serait bien s'ils pouvaient être subventionnés dans le cadre d'un programme comme Nutrition Nord.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous demanderais de tenir compte du fait que le comité examine un problème qui touche l'ensemble des Canadiens; pas seulement les Autochtones. Nous sommes tous Canadiens.

J'aimerais que chacun d'entre vous réponde à ma question. Vous avez parlé de votre soupe. J'ai déjà visité la réserve au Cap-Breton, et j'ai constaté que les gens cuisinent beaucoup d'aliments traditionnels et qu'ils en servent dans leurs centres récréatifs et d'autres endroits. Ce sont des aliments très sains. Plutôt que de travailler en vase clos, j'aimerais que nous travaillions tous ensemble, car nous n'allons pas régler le problème de l'obésité en revenant en arrière. Nous devons avancer. Vous devriez communiquer ces recettes de soupes traditionnelles. Un plus grand nombre d'enfants devraient apprendre le mode de vie traditionnel des Premières Nations.

Nous devrions mettre en place des programmes visant à transmettre ce genre de choses. Avez-vous déjà envisagé cela? Je viens d'une collectivité pauvre du Nouveau-Brunswick. Un grand nombre des enfants là-bas ont un excès de poids, tout comme beaucoup d'adultes. J'ai déjà habité dans le Nord, et c'est pourquoi j'estime que si nous travaillons tous ensemble, nous pourrions promouvoir l'alimentation traditionnelle des Autochtones parce que je crois que c'est un régime alimentaire très sain.

Que pensez-vous de l'idée de faire connaître ce mode d'alimentation?

M. Dinsdale : J'aimerais parler de l'approche qui consiste à mettre en place une stratégie pancanadienne. Si nous partions tous du même point, je serais entièrement d'accord avec vous. C'est un peu comme avoir une approche pancanadienne en ce qui concerne l'économie et le taux de chômage. Nous travaillons tous ensemble...

La sénatrice Stewart Olsen : Je ne veux pas...

M. Dinsdale : Permettez-moi de terminer.

La sénatrice Stewart Olsen : Je suis désolée...

Le président : Pouvez-vous le laisser répondre?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui, et j'interviendrai ensuite.

M. Dinsdale : Le problème en ce qui concerne les stratégies pancanadiennes, c'est que, généralement, elles ne peuvent pas être mises en œuvre par les Premières Nations pour de nombreuses raisons systémiques. Nous n'avons pas accès aux mêmes ressources pour appliquer ces stratégies dans nos communautés.

Je comprends la volonté d'adopter une telle stratégie, mais il existe des problèmes systémiques qu'il faut régler, comme l'accès à des installations et l'éloignement. Lorsqu'une première nation s'établit quelque part, elle y reste pour toujours essentiellement. Lorsqu'on établit des collectivités non autochtones dans le nord de l'Ontario, des collectivités minières, elles finissent par disparaître. Les gens quittent l'endroit. Lorsqu'il n'y a plus d'économie, les gens s'en vont. Les Premières Nations ne peuvent pas faire cela. La collectivité ne peut pas aller s'installer ailleurs lorsque ce n'est plus viable sur le plan économique de rester là où elles se trouvent. Elles ne sont pas en mesure de faire cela. L'ajout de terres aux réserves par le gouvernement fédéral fait en sorte que nous ne pouvons pas quitter le nord de l'Ontario et acheter des terres ailleurs. Ce n'est tout simplement pas permis. Les collectivités sont condamnées à rester là.

Je ne crois pas qu'il est juste de dire qu'une collectivité qui vit dans une région pauvre du pays est confrontée aux mêmes difficultés que les communautés isolées des Premières Nations. Ce n'est absolument pas le cas. Ces communautés ne peuvent pas se déplacer; elles ne sont pas en mesure de le faire.

La sénatrice Stewart Olsen : Si je puis me permettre, je tiens à dire que ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Dinsdale : D'accord.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai dit que les problèmes sont les mêmes dans toutes les collectivités, et je crois que nous devons surmonter... Il s'agit d'un problème de santé grave qui touche l'ensemble du Canada.

M. Dinsdale : Tout à fait.

La sénatrice Stewart Olsen : Nous cherchons des moyens d'atténuer ce problème. J'aimerais que les Premières Nations nous expliquent ce qu'elles ont fait ou ce qui pourrait être fait, car nous pourrions peut-être tous en bénéficier. C'est plutôt ce que je disais. Il y a beaucoup de communautés éloignées. Je ne veux pas du tout laisser entendre que ce n'est pas difficile. La vie dans le Nord, dans des communautés isolées, est difficile. Je le sais. Toutefois, il n'est pas seulement question des communautés isolées. Comme le sénateur Tannas l'a dit, il est question aussi des communautés urbaines; nous parlons de tout le monde. Je dirais que la plupart d'entre nous avons déjà eu un problème de poids ou avons été préoccupés par notre poids.

Ce n'est pas un problème propre aux Autochtones. D'après ce que j'ai observé chez les Micmacs du Nouveau-Brunswick, j'ai l'impression que nous pouvons trouver d'autres façons d'aborder le problème si nous y réfléchissons tous. J'aimerais parler un peu de cela, si vous le voulez bien.

Le président : J'aimerais d'abord essayer de mettre les choses en contexte. Monsieur Dinsdale, je pense que vous avez formulé une observation extrêmement importante en ce qui concerne les éléments qui ont une incidence sur les communautés autochtones, particulièrement celles qui vivent dans des réserves partout au pays.

Je vais essayer d'orienter la question de la sénatrice sur un aspect que nous pourrions examiner, c'est-à-dire la possibilité que des aliments traditionnels puissent être bénéfiques pour la société canadienne dans son ensemble et peut-être également des régimes alimentaires adoptés par d'autres communautés canadiennes.

Je vais vous donner l'exemple d'un autre pays. L'Argentine a mis sur pied récemment un programme dans le cadre duquel on a pris des photos de cinq déjeuners à base d'aliments consommés dans les régions rurales. L'Argentine n'est pas un pays riche, alors elle a simplement distribué ces photos dans l'ensemble du pays à titre d'exemples de déjeuners sains.

J'aimerais orienter la question de la sénatrice dans ce sens pour que nous puissions faire avancer la discussion...

La sénatrice Stewart Olsen : Il a exprimé mon idée mieux que moi. C'est ce dont je voulais parler, c'est-à-dire ce genre de collaboration...

Le président : Avez-vous ciblé, en vous fondant sur vos traditions et votre expérience, des aliments très sains qui pourraient être bénéfiques pour l'ensemble des Canadiens et peut-être des aliments dans d'autres communautés canadiennes qui pourraient l'être également et qu'on pourrait faire connaître?

Mme Robinson : Même si vous avez reformulé la question pour mettre l'accent sur les éléments positifs et sur ce que nous pouvons faire pour progresser et s'informer mutuellement, on ne peut pas oublier ce que Peter a dit au sujet des différences. Parmi les communautés des Premières Nations, 93 d'entre elles n'ont pas accès à l'eau potable. On peut alors difficilement leur demander de préparer une soupe, même dans le cas de notre propre peuple, avec de l'eau qu'elles ne peuvent même pas boire.

Dans le cadre d'une approche pancanadienne, nous pourrons dans certains cas travailler ensemble, mais, en même temps, les Premières Nations devront s'occuper seules de bien des choses, n'est-ce pas?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui.

Mme Robinson : En général, quand il est question d'obésité dans le monde, nous parlons de stratégies applicables par différents ordres de gouvernement. Amener la population en général à réduire sa consommation de sodium s'est révélé à maintes reprises efficace pour réduire les maladies cardiovasculaires. Comment peut-on aborder ce problème au sein de chaque population?

Cela dit, il y a beaucoup de problèmes de dépendance dans les communautés des Premières Nations. Un programme a été mis en place à l'Université de la Saskatchewan. On a fait un peu comme ce que vous avez décrit, c'est-à-dire qu'on a créé des cartes qui présentent des recettes préparées avec des aliments sains pour aider les gens à bien s'alimenter.

La sénatrice Stewart Olsen : Il y a alors des pratiques exemplaires?

Mme Robinson : Nous avons beaucoup de pratiques exemplaires que nous pouvons communiquer. Nous pourrions probablement préparer un document sur ce sujet.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aimerais bien que vous fassiez cela.

M. Dinsdale : Nous parlons de traitement, mais pas nécessairement de prévention. Pour ce qui est du traitement, nous constatons une meilleure coordination des approches et des remèdes traditionnels avec les approches et les remèdes occidentaux. De nombreux remèdes traditionnels sont utilisés pour traiter le diabète.

La sénatrice Stewart Olsen : Oui, je le sais.

M. Dinsdale : Je n'ai pas encore vu ce genre de partage de recettes. On privilégie le poisson frais, les framboises et les bleuets, le gibier et les légumes racines. Tout cela est à notre portée.

Pour ce qui est de la préparation, cela pourrait être transmis. Il y a des progrès dans la prestation des services de santé, et cela constitue un élément important également.

La sénatrice Stewart Olsen : C'est bien d'encourager les gens à adopter ces aliments. Il faudrait en intégrer d'autres comme votre thé d'épinette.

Le président : Je crois que nous avons bien compris, madame la sénatrice. Nous pouvons peut-être passer à un autre intervenant.

[Français]

La sénatrice Chaput : Il est évident qu'il faut une stratégie pour combattre l'obésité. Il y en a une à l'échelle mondiale et une à l'échelle nationale, mais il faut aussi une stratégie qui prendrait en considération les besoins spécifiques des communautés, qui ne vivent pas toutes la même réalité, qui n'ont pas toutes le même accès, la même chance et les mêmes outils, ou des outils développés en fonction de leur réalité.

Monsieur Dinsdale, ma question s'adresse à vous, mais les autres témoins peuvent aussi commenter. Lorsque vous répondiez à la question de la sénatrice Seidman, vous avez parlé des infrastructures. Si j'ai bien compris, lorsque les Premières Nations ont des besoins en infrastructures et qu'elles doivent faire une demande d'aide financière, est-ce que c'est le même programme qui est utilisé, par exemple, celui du festival? Ai-je bien compris? S'il y a des besoins en infrastructures dans l'une de vos régions éloignées, quel programme peut aider ces régions à obtenir l'infrastructure? Car c'est nécessaire pour aider les jeunes à combattre l'obésité. Cela leur offre un accès et leur donne une chance égale. Quelle est la problématique de l'infrastructure?

[Traduction]

M. Dinsdale : C'est un problème énorme. Je ne veux pas nommer incorrectement un programme, mais je sais qu'il existe des programmes de construction d'écoles dans le cadre desquels on peut présenter une demande au ministère des Affaires autochtones. Il y a une liste d'attente, mais beaucoup de communautés obtiennent du financement. Lorsque j'ai parlé des ententes de contribution, je parlais davantage de la prestation des services d'éducation en général et de la planification associée à cela.

Dans le contexte d'un cadre financier, il faut se demander comment Ottawa obtient du financement. Comment les diverses institutions d'une municipalité obtiennent-elles du financement? Les Premières Nations n'ont pas accès aux sommes réservées pour les infrastructures dans les deux derniers budgets fédéraux. Elles obtiennent du financement autrement. C'est un obstacle très important.

Je pense qu'il doit y avoir un équilibre en ce qui concerne la capacité des Premières Nations, en tant que gouvernements, de répondre aux besoins de leur peuple. Nous sommes confrontés à un problème. Un aspect n'a pas encore été réglé au sein de la fédération. Je sais que cette question ne concerne pas votre mandat; et je m'excuse de l'aborder. Les conférences constitutionnelles relatives à l'article 35 n'ont pas permis de déterminer à quel ordre de gouvernement appartiennent les gouvernements des Premières Nations. Cette question n'est pas résolue.

Le problème, c'est que les gouvernements des Premières Nations sont traités comme des municipalités, alors qu'ils fournissent à leur communauté des services qu'offrent les provinces ou même le gouvernement fédéral. Cela crée un véritable problème pour ce qui est de la gouvernance. Ils ne peuvent pas actuellement développer leurs infrastructures et les financer grâce à des programmes et à un cadre financier appropriés. Il reste encore des choses à régler.

[Français]

La sénatrice Chaput : À votre avis, combien y a-t-il de collectivités, dans vos régions éloignées, qui ont très peu accès à des infrastructures convenables? Quels sont les effets de ce manque d'accès? Le cas échéant, ces effets touchent combien d'enfants, de jeunes dans ces collectivités éloignées?

[Traduction]

M. Dinsdale : Il est très important de bien répondre à cette question. J'aimerais présenter un document sur les installations d'eau potable et de traitement des eaux usées qui existent dans les communautés. J'aimerais vous dire combien de communautés ont accès à l'eau potable et combien ont des installations appropriées et des écoles afin de bien répondre à la question.

J'ai une idée, mais je ne veux pas vous donner de chiffres erronés. J'aimerais pouvoir faire cela.

Le président : Vous pouvez transmettre votre document à la greffière.

La sénatrice Chaput : Je vous remercie.

La sénatrice Raine : Nous sommes ravis de vous accueillir. Nous savons tous que les problèmes auxquels sont confrontés les Canadiens en général sont accentués chez les Premières Nations en raison des circonstances uniques qu'elles vivent.

Je voudrais changer un peu de sujet. Je sais que le sucre raffiné ne fait pas partie du régime alimentaire traditionnel des peuples autochtones du Canada, mais il y a, bien entendu, le sirop d'érable, et, grâce aux Autochtones, le reste du monde connaît maintenant ce produit. Cependant, la consommation de sucre raffiné, en plus de la consommation d'alcool, a créé bien des problèmes.

J'aimerais savoir si vous avez des renseignements au sujet de deux éléments. Premièrement, a-t-on mené des recherches sur des facteurs génétiques propres aux Autochtones qui auraient une influence sur leur capacité de métaboliser le sucre? Deuxièmement, et je pense que Mme Robinson pourrait répondre, est-ce que la dépendance au sucre est reconnue comme une dépendance en tant que telle? A-t-on mis en place des programmes pour traiter cette dépendance au sucre, qu'on comprend bien maintenant je crois?

Mme Robinson : Je ne pense pas qu'il y a eu beaucoup de recherches sur les facteurs génétiques. Je sais qu'en Colombie-Britannique, en particulier, on a mené des études sur des communautés des Premières Nations qui ont adopté un régime traditionnel, et on a constaté que les gens avaient un poids santé.

Il n'y a pas d'études qui ont été publiées dans des revues savantes, mais je sais que des communautés ont mis en place des programmes qui misent sur l'adoption d'un régime alimentaire davantage traditionnel.

Ce régime inclut bien entendu la consommation de petits fruits lorsqu'ils sont en saison. Je ne parle pas d'y ajouter du sucre et d'en faire des confitures que l'on mange tout au long de l'année. Lorsqu'ils sont en saison, on les mange frais. Autrement, s'il existe une méthode de conservation qu'on utilisait jadis, les gens emploient cette méthode.

Pour ce qui est de la dépendance au sucre, je peux vous dire que dans les centres de traitement en particulier, il y a une nutritionniste qui vérifie la valeur nutritive des aliments. Cela cadre bien avec l'approche adoptée par les Premières Nations en matière de traitement des problèmes de santé mentale et de dépendance. Nous portons donc une attention particulière dans nos centres de traitement aux aliments que nous servons aux clients et nous leur enseignons comment manger sainement et comment réduire leur consommation de sucre raffiné.

Cela fait partie de la prévention et de la promotion d'un mode de vie sain. On ne parle pas nécessairement d'une dépendance au sucre.

La sénatrice Raine : Devons-nous effectuer des recherches sur les facteurs génétiques en ce qui concerne certaines maladies?

M. Dinsdale : Sur le plan théorique, ce serait intéressant de mener ce genre de recherche. En ce moment, le principal obstacle est le taux d'obésité, qui est lié à l'alimentation des gens. C'est aussi le principal problème pour l'ensemble des Canadiens.

Brigitte, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, pardonnez-moi. Selon moi, il faudrait mener des études sur les pratiques exemplaires et sur la promotion d'un mode de vie sain, comme Mme Robinson l'a dit. Du point de vue des programmes, ce qui importe le plus ce sont les résultats.

La sénatrice Raine : Ce qui me frappe, c'est la tendance à vouloir instaurer dans les petites communautés éloignées des valeurs et des concepts propres au Sud ou aux régions urbaines. Il est bien d'avoir dans une communauté une patinoire et des espaces intérieurs pour faire de l'activité physique et jouer, mais vouloir bâtir un aréna et former des équipes de hockey, ce n'est pas réaliste parce que la population n'est pas assez importante pour permettre l'organisation de sports d'équipe.

Lors de mes visites dans des collectivités des Premières Nations, j'ai été très impressionnée de voir que la danse, le tambour et d'autres activités culturelles traditionnelles ont pris de l'ampleur.

M. Dinsdale : Oui.

La sénatrice Raine : En ce qui concerne les infrastructures, nous devrions peut-être construire des installations qui sont utiles au lieu d'essayer de copier ce qui se fait dans le Sud.

M. Dinsdale : Je vous remercie pour cette observation.

La sénatrice Raine : Nous connaissons cependant l'histoire de Carey Price, qui est un jeune homme qui a grandi dans une communauté très éloignée et qui est maintenant le meilleur gardien de but, pourrait-on dire, au monde. Nous voulons donc que chacun puisse réaliser ses rêves.

M. Dinsdale : Malheureusement, il ne va passer à la deuxième série, mais je crois que c'est un tout autre sujet.

Pour ce qui est des installations récréatives, il faut dire qu'elles ne seraient pas utilisées uniquement pour le hockey. Je crois que cela n'a pas été très bien formulé. Je crois que les pow-wow, le tambour et toutes sortes d'activités, notamment des sports traditionnels comme la balle au mur, qui ont toujours été pratiqués dans le Nord, auraient lieu dans ces installations. Il est important d'avoir un endroit pour toutes ces activités.

La sénatrice Nancy Ruth : Je suis heureuse d'entendre ce que vous dites, puisque cela s'inscrit dans la même veine que ce que je voulais demander. Ce matin, à la CBC, on annonçait que la British Medical Association affirme que l'obésité n'est pas une question d'exercice, mais qu'elle a plutôt à voir avec la quantité de sucre ingéré. C'est là où il faut couper. Il semble en effet que l'exercice n'a pas grand-chose à voir avec la réduction des cas d'obésité.

En ce qui concerne les installations sportives — comme pour le handball, ou d'autres sports —, je me posais des questions au sujet du hockey, car beaucoup de filles ne jouent pas au hockey et ne s'y intéressent pas. Je sais à tout le moins que cela ne m'a jamais intéressée. Y a-t-il des exercices sexospécifiques dont vous tenez compte lorsque vous construisez ces complexes récréatifs? Comment faites-vous pour veiller à ce que les filles y trouvent aussi leur compte? Voilà ma question.

M. Dinsdale : Tout d'abord, je crois que c'est une question dont il est extrêmement important de tenir compte, car j'estime que, très tôt et bien trop souvent, les garçons se mettent à jouer du tambour et les filles se contentent de les regarder. Elles chantent derrière eux. Elles ne dansent pas. Bien entendu, dans un contexte traditionnel, il y a des danses très ciblées pour les hommes et pour les femmes. Les femmes pratiqueront la danse de la robe à franges et d'autres danses qui leur sont réservées. En ce qui concerne la programmation des loisirs dans ces établissements, il est extrêmement important de mettre l'accent sur des activités particulières aux femmes et aux filles, de leur offrir des choix.

Pour le basketball et le volleyball, nous avons vu se constituer des ligues réservées aux femmes. Je crois qu'il y a aussi un certain nombre d'activités sexospécifiques traditionnelles qui gravitent autour de cela. À mon sens, ce sont tous d'importants indicateurs.

La sénatrice Nancy Ruth : La chasse et la pêche sont-elles réservées aux garçons ou si ce sont maintenant des activités mixtes?

M. Dinsdale : Je dirais que ce sont des activités mixtes. Je crois qu'il y a plus d'hommes qui les pratiquent, bien entendu, mais ce sont assurément des activités mixtes.

La sénatrice Frum : J'ai lu la même étude que la sénatrice Nancy Ruth, et je réfléchissais à cela, ce matin, précisément dans cette optique. Le problème est davantage lié à la nourriture qu'à l'exercice physique, et l'accès à la nourriture dans les collectivités éloignées est un problème qui crève les yeux. C'est une question difficile.

En ce qui concerne la composante physique — attendu que cela est aussi lié à la santé mentale, laquelle a une incidence sur la façon d'envisager l'alimentation; tout cela fait partie d'un cercle —, je vois les choses du même œil que la sénatrice Raine. Ce n'est pas un secret pour personne : le hockey est un sport qui coûte cher. C'est le sport que nous préférons, mais c'est celui qui coûte le plus cher. En dehors du hockey, il y a tant d'autres activités récréatives très peu coûteuses que l'on peut offrir aux enfants. Vous avez parlé du karaté. Que faut-il pour pratiquer le karaté? Un costume blanc. En fait, vous n'en avez même pas besoin. Le soccer est très peu coûteux. Idem pour le baseball.

M. Dinsdale : Bien sûr.

La sénatrice Frum : La danse, le tambour. Ma question porte sur le programme scolaire des Premières Nations et sur la possibilité d'y ajouter plus d'activités physiques et de rendre ces activités obligatoires. Est-ce une possibilité que vous envisagez?

M. Dinsdale : L'éducation est un sujet plutôt délicat pour nous — et j'espère que vous êtes en mesure de comprendre cela —, mais il y a effectivement des conseils scolaires qui ont réaménagé l'année scolaire pour permettre à toute la collectivité d'aller chasser l'oie à l'automne ou au printemps.

Nous avons les activités traditionnelles. Nous avons les aliments traditionnels. La communauté se rassemble. Nous avons la culture. Certains conseils scolaires conçus par des Premières Nations ont réussi à intégrer ces éléments. Tous les établissements d'éducation accordent désormais une plus grande importance à l'intégration des activités physiques et récréatives. Ils comprennent à quel point les gens bougent, et ils reconnaissent le bien que cela peut faire aux enfants.

Je crois que la chose est convenue. J'estime néanmoins que le fait que les Premières Nations vont ouvrir ces types de camps où il sera possible pour les collectivités de chasser et de pêcher est un revirement intéressant.

La sénatrice Frum : Pardonnez mon ignorance en la matière, mais en ce qui concerne le contrôle exercé sur le programme scolaire, peut-être que certaines collectivités ont besoin d'une intervention accrue de l'école pour rendre l'éducation physique obligatoire.

M. Dinsdale : L'un des problèmes que nous avons maintenant, c'est que la situation est très disparate d'un bout à l'autre du pays. La plupart des programmes relèvent des provinces, et ils sont tous adaptés de différentes façons. Je ne crois pas qu'il y ait une norme pour l'instant.

L'une des choses qui doivent être faites, c'est de développer ces infrastructures. Il faut développer les conseils scolaires des Premières Nations. Il faut développer le programme d'études des Premières Nations, ce qui comprend la langue, la culture et ces composantes récréatives dont vous parlez.

Dans l'Est, l'Entente sur l'éducation des Mi'kmaq fournit quelques exemples concernant la prise de contrôle des programmes. Il se produit également des choses intéressantes en Colombie-Britannique à cet égard. Je crois que nous avons des raisons d'espérer. Je ne pense pas qu'il s'agit d'un problème systémique pour l'instant.

La sénatrice Raine : Cette intervention est un suivi. Je sais qu'il y a un programme scolaire en Colombie-Britannique sur lequel le directeur de l'école est intervenu. C'est une école qui accueille des Autochtones et des non-Autochtones. Les enfants se rendent à l'école une heure plus tôt qu'à la normale et font de l'activité physique avant le début des cours. C'est une démarche qui poursuit beaucoup de bons objectifs. Il y a un programme nommé SPARK qui intervient en ce sens.

Au final — et c'est quelque chose que tout le monde réalise maintenant —, la question se résume à la quantité de calories ingérées par rapport à la quantité de calories brûlées. En ce qui concerne les calories ingérées, vous avez dit ne pas comprendre pourquoi, dans le Nord, le whisky coûte la même chose qu'ici, mais pas la laitue. Je peux comprendre pourquoi il en est ainsi. Le whisky est vendu dans un contenant et il peut être expédié dans le Nord en temps opportun et à faible coût. Il restera bien sagement sur les tablettes jusqu'à ce que quelqu'un l'achète.

M. Dinsdale : Oui, mais vous devez quand même l'expédier là-bas, madame la sénatrice.

La sénatrice Raine : Vous devez l'expédier, mais la laitue est un produit périssable. Elle a besoin d'être réfrigérée. Il lui faut beaucoup d'autres choses en plus. J'espère que nous allons mettre le cap sur des aliments traditionnels et sur des aliments non périssables qui sont sains. Des haricots en boîte sont un aliment sain et peu coûteux. Je ne crois pas qu'il faille s'attendre à trouver dans le Nord le type de nourriture que l'on sert dans les restaurants du Sud.

M. Dinsdale : Je pense qu'en grande partie, vous avez tout à fait raison. Une course de cinq kilomètres vous permet de brûler 300 calories. Puis, vous mangez une barre énergétique et vous buvez une bouteille de Gatorade et vous venez de prendre 450 calories. Vous ne vous aidez pas en faisant cela. Vous aurez peut-être un système cardiovasculaire plus performant, mais votre consommation de sucre est encore excessive et vous continuerez à prendre du poids.

Cela dit, vous pourriez être végétalien et manger des Doritos en buvant du Coke à longueur de journée. Vous pouvez mettre la pédale douce de manière à ne pas dépasser votre apport calorique limite de 2 100 calories ou quelque chiffre que ce soit. Vous allez quand même être malade. C'est l'apport calorique par rapport aux calories brûlées. C'est aussi une question de qualité, et c'est ce à quoi vous faisiez allusion. Dans les collectivités des Premières Nations, il nous faut plus d'aliments traditionnels, comme vous venez de le proposer.

Le sénateur Enverga : J'ai vu un grand nombre de guides alimentaires. Existe-t-il des guides alimentaires au sujet de notre nourriture traditionnelle? Un guide qui dirait de remplacer le pain par du maïs ou quelque chose du genre? Existe-t-il des guides comme celui-là à l'heure actuelle?

M. Dinsdale : J'ai vu des exemples de collectivités qui avaient une alimentation saine. Étant donné les aliments particuliers que l'on mange dans le Nord, je ne crois pas que le Guide alimentaire canadien soit tout à fait approprié pour ces régions. Je n'ai pas vu d'effort systémique, mais j'ai vu des collectivités particulières s'efforcer de décrire les aliments traditionnels et la façon d'atteindre un équilibre là-bas.

Le sénateur Enverga : Croyez-vous que ce serait mieux ou que ce serait une bonne chose d'avoir un guide alimentaire axé sur la tradition, sur la nourriture traditionnelle?

M. Dinsdale : Tout à fait. Il se pourrait que ce soit le genre de choses où l'on s'aperçoit que tous les chemins mènent à Rome. Oui, cela pourrait être un moyen efficace pour certaines collectivités. Si les gens ont des pratiques alimentaires saines, qu'ils mangent des aliments nutritifs et qu'ils consomment des portions appropriées, je suis convaincu que nous nous rapprocherons du but.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais que l'on revienne sur l'incidence que l'obésité a sur la santé. Vous avez souligné le pourcentage astronomique de personnes atteintes de diabète et le fait que l'obésité est le principal facteur de risque modifiable quant au développement de cette maladie.

L'Association médicale canadienne affirme que la moitié des coûts de soins de santé au Canada est liée à ce qu'elle appelle les déterminants sociaux de la santé. Autrement dit, notre système de santé ne représente qu'environ 25 p. 100 des coûts de la santé à l'échelle du pays.

C'est un facteur très important. Vous avez d'ailleurs souligné que les besoins en matière d'eau potable, de logements décents, d'installations récréatives et de toute autre chose font partie de l'équation, en plus de l'alimentation.

Pouvez-vous nous dire un mot à ce sujet? Êtes-vous d'accord avec cette affirmation de l'Association médicale canadienne selon laquelle les principaux déterminants de la santé au Canada sont les déterminants sociaux?

M. Dinsdale : L'association est tellement persuasive qu'il serait difficile de ne pas être d'accord. Nous voyons cela comme s'il s'agissait d'un outil pour examiner les politiques, et c'est pour cette raison que nous avons fait valoir ces éléments dans notre exposé. Est-ce que quelqu'un souhaite en dire plus long à ce sujet?

Mme Derejko : Je crois que c'est assurément le cas et qu'il en va de même dans le monde entier. C'est aussi ce qui est reconnu par l'OMS, c'est-à-dire par l'Organisation mondiale de la santé. Je crois que ce que nous avons vu dans d'autres pays, c'est ce que l'OMS appelle l'« approche intégrant la santé dans toutes les politiques », ce qui signifie que tous les secteurs du gouvernement se concertent et examinent l'incidence qu'auront leurs politiques sur la santé. Les coûts sont associés au système de santé, mais ce n'est pas nécessairement ce qui est à l'origine. Jusqu'ici, c'est probablement la Finlande qui offre l'un des meilleurs exemples quant à la façon d'utiliser cette approche de « la santé dans toutes les politiques », et je pense que c'est une chose intéressante que le Canada devrait examiner de plus près.

Le président : Monsieur Dinsdale, vous et vos collègues avez montré une compréhension hors du commun de la complexité du monde dans lequel nous évoluons, et notamment de l'incidence que cette complexité peut avoir sur le monde auquel vous vous intéressez de façon particulière. J'aimerais formuler deux ou trois observations en fonction de certaines choses que vous avez dites.

Sénatrice Raine, je vais terminer la séance là-dessus, alors si vous avez une question, posez-la tout de suite. Je poursuivrai quand vous aurez fini.

La sénatrice Raine : Je voulais avoir de plus amples renseignements sur le programme IndigènACTION et sur l'incidence que ce programme peut avoir sur la vie des enfants.

M. Dinsdale : Je ne voudrais pas créer des attentes trop élevées. C'est quelque chose que nous faisons à l'interne, durant nos assemblées, et ce sont des choses que nous essayons de faire ensemble. Pour la sensibilisation, nous travaillons avec Nike et Tim Hortons. Nous avons fait des recherches à l'échelle du pays sur le concept de vie active et le besoin de bouger. Il y a beaucoup d'échanges au pays au sujet de l'activité physique, des loisirs et des sports. On cherche à répondre à la question suivante : comment peut-on faire bouger les gens? Quelles sont les politiques en vigueur à cet égard? Pour dire vrai, à l'échelon provincial, il n'y a généralement pas de politiques en matière d'activité physique. Et s'il y en a, elles ne sont assurément pas adaptées aux besoins particuliers des Premières Nations ou des Autochtones, au besoin de faire bouger les enfants dans certaines régions.

Nous tentons entre autres d'amorcer une conversation sur les politiques. L'une des choses que nous faisons dans le cadre d'IndigènACTION consiste à donner l'exemple aux jeunes et aux autres durant nos assemblées en les invitant à prendre part à des courses amicales. Woneek Horn-Miller nous fait faire de douloureux exercices et d'autres choses dans la veine, alors nous essayons d'enseigner certains comportements de cette manière.

Le président : Je crois que nous avons parlé abondamment de la question de l'activité physique, mais les témoignages que nous avons entendus et les preuves qui sont à notre disposition nous indiquent clairement que l'activité physique est une chose importante dans la vie en général, mais que le manque d'activité n'est pas nécessairement la cause principale de l'augmentation des cas d'obésité. L'activité physique n'est pas une panacée. Lorsqu'il est question d'obésité, il faut regarder la société dans son ensemble et pas seulement certains aspects. Je crois que vous nous avez fourni des réponses très pragmatiques à nos questions à ce sujet.

Mon attention a été retenue par l'un des problèmes que vous avez décrits comme étant une difficulté que les Premières Nations ont dans le contexte canadien en général. Tout ce que nous avons à faire, c'est de penser aux 10 provinces et au gouvernement fédéral, puis de penser aux problèmes auxquels les collectivités autochtones doivent faire face. C'est facile pour nous de ne penser qu'aux provinces et aux difficultés de conclure des ententes sur ces problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.

J'ai aussi été frappé par votre commentaire au sujet de la surveillance que les parents exercent sur les enfants. J'ai grandi en région rurale et ce que vous avez évoqué m'a ramené des souvenirs très clairs de foyers et de familles où l'on pressait les enfants à manger et à montrer qu'ils étaient en santé en mangeant plus qu'il ne le fallait. Dans ce contexte, lorsque les enfants semblaient occuper beaucoup d'espace, ils étaient perçus comme étant en santé. Je n'irai pas plus loin, mais je peux m'identifier personnellement à cette observation que vous avez faite. Il s'agit d'une idée fort répandue dans la société en général.

Je tenais entre autres à revenir à la question du sénateur Tannas, mais en vous la posant un peu différemment. En ce qui concerne les collectivités autochtones, pouvez-vous en nommer une qui, dans votre esprit ou selon votre expérience, sort du lot en ce qui concerne l'ensemble des problèmes de santé et d'obésité sur lesquels s'est penchée votre étude? Existe-t-il un exemple qui vous ferait dire : « Si nous pouvions tous être comme cette collectivité, nous pourrions peut-être... »?

M. Dinsdale : Je serais heureux que cela soit aussi simple, car je déménagerais là.

Bien entendu, nous voyons des tendances. Tout ce mouvement des Premières Nations et des peuples autochtones du Canada qui réclament leur identité patrimoniale se manifeste de différentes façons. Les gens parlent du mouvement Idle No More, mais je crois qu'il s'agit de la manifestation d'une élévation du niveau de conscience, et que nous assistons à un retour aux façons traditionnelles de vivre. Parfois, cela s'appelle la « décolonisation », d'autres fois, l'on parle de « désincrustation ». Que fait-on pour désincruster ces comportements? Regardez notre régime alimentaire. Comment fait-on pour désincruster ces habitudes alimentaires que nous avons acquises et revenir aux façons traditionnelles de manger? Nous constatons qu'il y a un mouvement en ce sens, et c'est extrêmement sain.

Cela a à voir avec l'alcool et la drogue, qui sont un problème distinct. Mais en ce qui concerne notre comportement traditionnel, ces aspects ne sont pas réglés. Et il s'agit d'un développement important. Il n'y a pas toujours de corrélation avec une saine alimentation. Et j'apprécie l'attention que l'on met sur le côté consommation. De façon plus générale, nous avons vu une augmentation — en partie attribuable aux médias — de l'intérêt dans les sports de toutes sortes. Les collectivités des Premières Nations de la Colombie-Britannique se sont trouvé un intérêt marqué pour le soccer et le basketball. Il est aussi question d'autres sports, comme le hockey. Assurément, les collectivités mettent l'accent sur ces choses, ce qui est extrêmement sain. En outre, les danses traditionnelles et les choses de cette nature connaissent un regain de popularité sans précédent. Il s'agit d'une tendance plus générale. Je ne crois pas que cela soit le fait d'une seule collectivité. C'est une tendance encourageante.

Le président : C'est une excellente réponse. En fait, c'est un peu ce à quoi je m'attendais parce que c'est ce que nous constatons. Nous voyons des tendances et des changements. Les choses évoluent dans une certaine direction. Il y a des exemples dont nous pourrions nous inspirer et certaines choses que nous pourrions appliquer. S'il y avait une recette magique, nous serions enchantés de la connaître. Mais comme il n'y en a pas, nous allons devoir trouver nos solutions générales.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier d'avoir été là aujourd'hui et à vous dire à quel point nous avons aimé la façon dont vous avez examiné ces questions avec nous. Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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