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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 33 - Témoignages du 6 mai 2015


OTTAWA, le mercredi 6 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner, afin d'en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis le président du comité. J'invite maintenant mes collègues à se présenter.

[Français]

La sénatrice Merchant : Bonjour, je m'appelle Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Chaput : Bonjour, je m'appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Frum : Je m'appelle Linda Frum, et je viens de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Je vous rappelle qu'aujourd'hui, nous continuons à examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada, ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Je suis très heureux d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui, et je les présenterai au moment de leur donner la parole. Puisque personne n'a insisté pour intervenir en premier, je vais suivre l'ordre du jour. J'invite donc d'abord la Dre Heather Ross, présidente de la Société canadienne de cardiologie, à prendre la parole.

Dre Heather Ross, présidente, Société canadienne de cardiologie : Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici.

Il y a une épidémie au Canada : l'obésité. Comme présidente de la Société canadienne de cardiologie et comme cardiologue au centre de cardiologie Peter Munk à Toronto, j'en vois les effets néfastes tous les jours.

La semaine dernière, un patient s'est présenté à ma clinique. Il souffre de grave insuffisance cardiaque. Son indice de masse corporelle est de 42. L'indice de masse corporelle, ou IMC, c'est le poids en fonction de la taille. L'indice de masse corporelle normal se situe entre 18,5 et 24,9. Ceux qui ont un indice de masse corporelle supérieur à 25 ont une surcharge pondérale et ceux qui ont un IMC supérieur à 30 sont obèses. Mon patient, lui, souffre d'obésité morbide. Il souffre aussi de diabète, ce qui signifie qu'une greffe de cœur serait beaucoup trop risquée. De plus, il est trop malade pour pouvoir tenter de perdre du poids. Cet homme de 33 ans, père de deux enfants, est une victime de l'obésité.

Combien d'autres victimes possibles y a-t-il?

Voici ce que nous savons : un quart des adultes canadiens sont obèses; les hommes et les femmes présentent le même risque; 36 p. 100 des Canadiens font du surpoids, et le problème prend de l'ampleur. Selon l'OMS, 2 milliards de personnes sont en surpoids ou obèses. En outre, le nombre de cas d'obésité a doublé de 1980 à 2008. Depuis 2003, la proportion de Canadiens obèses a augmenté de près de 20 p. 100. Les jeunes sont aussi vulnérables : 26 p. 100 des enfants et adolescents canadiens souffrent de surpoids ou d'obésité.

Il y a plus d'une façon de mesurer l'obésité. L'IMC est un outil important, mais il faut aussi tenir compte du tour de taille grâce auquel on mesure l'adiposité viscérale. L'adiposité viscérale, c'est le gras abdominal qui entoure les organes tels que le foie, le pancréas et les intestins et qui est associé à d'importants changements de la structure et de la fonction cardiovasculaire. Si le tour de taille est de 103 cm ou 40 pouces ou plus chez un homme et de 88 cm ou 35 pouces ou plus chez une femme, il y a obésité abdominale.

Au Canada, 29 p. 100 des hommes et 41 p. 100 des femmes se trouvent dans cette catégorie. La présence d'obésité abdominale fait croître les risques d'événements indésirables.

De nombreux facteurs contribuent à l'obésité : les facteurs génétiques, l'âge, une mauvaise alimentation, le manque d'activité physique régulière et un mode de vie sédentaire, les facteurs socio-économiques et environnementaux, dont la conception de nos localités, l'éducation et les modèles sociaux liés à l'obésité.

Quelles que soient les causes, nous devons tenir compte des conséquences. Les personnes obèses sont deux fois plus susceptibles de souffrir d'insuffisance cardiaque. Le surpoids et l'obésité sont un facteur de risque pour les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, mais ils contribuent aussi de façon importante au diabète, à l'hypertension, à la hausse du taux de cholestérol et à certains cancers.

Selon une étude réalisée en 2001 pour l'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS, et l'Agence de la santé publique du Canada, ou ASPC, l'obésité coûte annuellement à notre économie entre 4,6 et 7,1 milliards de dollars. Ce montant inclut les coûts directs des soins de santé ainsi que les coûts indirects, comme ceux attribuables à la perte de productivité.

Ce n'est pas qu'une crise de santé; c'est une crise économique, qui ne cesse de s'aggraver. Nous pouvons mesurer sa croissance au centimètre près. En effet, une augmentation du tour de taille de un centimètre accroît le risque d'incident cardiovasculaire futur de 2 p. 100.

Il faut dissiper le mythe selon lequel les gens en surpoids vivent plus longtemps, voire que l'obésité donne une certaine protection, ce qu'on a déjà appelé le paradoxe de l'obésité. Une méta-analyse récente confirme que l'augmentation du poids n'est pas saine. Il faut être bien clair : l'obésité nuit à la longévité.

Comment renverser l'épidémie d'obésité? Commençons par fixer quatre objectifs clairs. Nous pouvons augmenter de 20 p. 100 la proportion de Canadiens qui mangent chaque jour cinq portions de fruits et légumes; nous pouvons augmenter de 20 p. 100 la proportion de gens qui sont physiquement actifs; nous pouvons réduire de 20 p. 100 le nombre d'adultes obèses ou en surpoids; et nous pouvons ramener le taux d'obésité infantile de 8 à 5 p. 100. Voilà le défi à relever. Ces objectifs ont été proposés en 2009, à l'intention de la ministre fédérale de la Santé, dans le cadre de la Stratégie canadienne de santé cardiovasculaire et du plan d'action connexe. Dans le rapport financé par l'ASPC, ces mesures devaient être menées par la Société canadienne de cardiologie, la Fondation des maladies du cœur et les Instituts de recherche en santé du Canada. Ces objectifs ambitieux devaient être atteints en 2015, mais nous avons raté le délai.

Continuerons-nous d'échouer ainsi? Pour renverser la tendance en matière d'obésité, il faut que de nombreuses personnes agissent sur divers fronts, notamment les particuliers, tous les ordres de gouvernement, les professionnels de la santé et les établissements de ce secteur. Ce sont des questions complexes. Par exemple, le problème, ce n'est pas seulement le tissu adipeux, mais aussi l'endroit où il se dépose. Assurons-nous que le tour de taille fait désormais partie des rapports médicaux pour que les médecins puissent mieux conseiller les patients.

Les bons choix alimentaires sont importants pour tous, mais songeons plus particulièrement aux enfants et aux Autochtones, deux groupes très susceptibles de souffrir d'obésité et de ses conséquences. Il ne suffit pas de faire passer le message. La malbouffe est facilement accessible et ne coûte pas cher. Il faut envisager de taxer davantage les aliments et les boissons qui ne sont pas sains, et de subventionner les choix santé.

Enfin, nous le savons, on parle beaucoup de perte de poids, mais l'augmentation de l'activité physique est cruciale. Nous savons que les gens qui ont un poids santé et qui sont en bonne forme physique sont ceux qui ont le moins de risque de maladie.

Même de toutes petites améliorations peuvent avoir d'énormes effets. D'après une étude canadienne de 2014, une réduction relative de 1 p. 100 du nombre de gens en surpoids, à partir de 2012, allégerait le fardeau économique annuel de 3,2 milliards de dollars d'ici 2031. Il est bien trop tard pour le patient dont j'ai parlé au début. Il va mourir. D'autres peuvent être sauvés.

En réduisant l'obésité, nous réduirons la prévalence de nombreux graves problèmes de santé et nous pourrons aussi améliorer notre bien-être physique et économique.

Le président : Je donne maintenant la parole à Mme Catherine Pound, membre du Comité de nutrition et de gastroentérologie de la Société canadienne de pédiatrie.

Dre Catherine Pound, membre du Comité de nutrition et de gastroentérologie, Société canadienne de pédiatrie : Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le comité.

La Société canadienne de pédiatrie reconnaît la gravité de l'épidémie de surpoids et d'obésité au Canada. Le Canada a l'un des taux d'obésité infantile les plus élevés du monde industrialisé, se classant au 6e rang parmi les 34 pays de l'OCDE.

D'après les limites fixées par l'OMS, près de 20 p. 100 des Canadiens de 5 à 17 ans font de l'embonpoint et près de 12 p. 100 sont obèses. Leur nombre est encore plus élevé chez les populations vulnérables, particulièrement les enfants de descendance autochtone.

Le problème de l'obésité et du surpoids demande beaucoup au système de soins de santé. En 2008, les coûts économiques de l'obésité, comme la Dre Ross l'a dit, étaient de 4,6 milliards de dollars, en fonction des coûts associés aux maladies chroniques liées à l'obésité. Les pédiatres voient maintenant des enfants qui présentent des comorbidités qu'on ne voyait auparavant que chez les adultes, notamment la résistance à l'insuline, le diabète de type 2 et l'hypertension. Le surpoids et l'obésité chez les jeunes sont aussi associés à une santé émotionnelle fragile, à une baisse de l'estime de soi et à une détérioration du bien-être social. Nos jeunes obèses ou en surpoids deviendront des adultes obèses ou en surpoids si nous n'intervenons pas.

Il est essentiel d'insister sur l'importance des stratégies de prévention en raison de la difficulté de perdre le poids pris en trop, quand l'obésité est bien établie.

Le problème de l'obésité et du surpoids dépend de nombreux facteurs. Il y a des facteurs génétiques, économiques, culturels, environnementaux, nutritionnels, sans compter les facteurs liés à l'activité physique. On observe une corrélation avec les déterminants sociaux de la santé. Il faut changer durablement les comportements et les environnements sociaux actuels pour arriver à un équilibre entre l'apport calorique et la dépense énergétique.

Rares sont les enfants qui consomment quotidiennement la quantité de fruits et légumes recommandée. Pour les enfants de familles à faible revenu, l'accès à une saine alimentation est difficile, en raison du coût prohibitif des aliments nutritifs. L'obésité et l'insécurité alimentaire sont étroitement liées. En 2012, 1,15 million d'enfants canadiens vivaient dans des ménages où il y avait un certain degré d'insécurité alimentaire.

Le manque d'activité physique est aussi clairement un facteur dans cette équation. En effet, 93 p. 100 des enfants de 5 à 11 ans et 96 p. 100 des enfants de 12 à 17 ans ne respectent pas les Directives canadiennes en matière d'activité physique, selon lesquelles il faut faire 60 minutes d'activité physique d'intensité modérée à élevée tous les jours.

De même, moins de 20 p. 100 des enfants de 3 à 4 ans et de 10 à 16 ans suivent les Directives canadiennes en matière de comportement sédentaire à l'intention des enfants et des jeunes. Selon ces directives, le temps passé chaque jour devant un écran devrait être limité à moins d'une heure pour les plus jeunes et à moins de deux heures pour les plus âgés. C'est important, car les enfants qui passent plus de deux heures par jour devant un écran sont deux fois plus à risque d'être obèses que ceux qui passent moins d'une heure par jour devant un écran.

Il faudra des changements importants, ce qui nécessitera sans doute la contribution de nombreux intervenants pour accroître la responsabilisation individuelle. Ces interventions comprendront probablement une sensibilisation accrue aux répercussions du surpoids et de l'obésité sur la santé, ainsi que le renforcement des comportements sains qui nous protègent contre l'obésité. Il sera important de faire intervenir les Canadiens et leurs familles, le système de santé, les écoles, les milieux de travail, le secteur alimentaire et les gouvernements.

Il faut explorer et mettre au point des stratégies de prévention. Les politiques et les lois peuvent favoriser des collectivités et des environnements sains, mais ces interventions doivent respecter les choix individuels et les coutumes. Il faut veiller à ce que les politiques et les mesures législatives n'aient pas d'incidence sur les populations vulnérables.

Il faut favoriser des stratégies qui commencent dès la période néonatale. Ainsi, un programme national d'appui à l'allaitement doit être reconnu pour son effet protecteur contre le surpoids et l'obésité. Il faut également se pencher sur la publicité sur les aliments et les boissons pour enfants, car elle risque de contribuer à l'obésité infantile. Il faut aussi envisager la mise au point de programmes destinés à augmenter l'activité physique et à améliorer l'accès à des installations récréatives communautaires.

En outre, les campagnes d'information et de sensibilisation sociale sont essentielles pour transmettre un message percutant et uniforme à la population canadienne.

La définition d'objectifs et la mise en œuvre de programmes de surveillance pour examiner les effets de l'intervention sont d'une importance capitale. La recherche continue sur les déterminants du surpoids et de l'obésité, ainsi que sur les solutions efficaces, mérite un soutien absolu.

La Société canadienne de pédiatrie espère, comme d'autres, que des mesures d'interventions soutenues, réfléchies et concertées seront élaborées en vue d'atteindre un objectif concret : réduire les cas d'embonpoint et d'obésité, ainsi que le fardeau des maladies connexes chez les jeunes Canadiens.

Le président : Nous vous remercions toutes les deux. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité, en commençant par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie infiniment de vos exposés. Je me rends compte que nous avons surtout entendu, dernièrement, des témoins qui débattent de la question de savoir si les personnes qui font de l'embonpoint ou qui sont peut-être même légèrement obèses sont nécessairement en mauvaise santé. C'est peut-être plus une question d'habitudes alimentaires. Autrement dit, les conséquences pour la santé sont attribuables à leurs habitudes alimentaires, mais pas nécessairement à leur poids. Qu'en dites-vous?

Dre Ross : C'est une excellente question. Pendant longtemps, les gens pensaient qu'un léger excès de poids était en quelque sorte, une protection. Ce paradoxe sur l'obésité, comme on l'a appelé, a été remis en question récemment. Quelqu'un qui fait de l'embonpoint, mais qui est en forme, s'exposera à moins de risques grâce à sa condition physique. Pour n'importe quelle catégorie de poids, une personne qui est en meilleure forme physique, dans la même catégorie de poids, courra beaucoup moins de risques. Le poids est représenté par une courbe en forme de J. Une personne trop mince peut être à risque si son IMC est inférieur à 18,5.

Selon la plus récente méta-analyse, il est clair que même l'embonpoint reste associé à un risque accru, et ce, même chez les gens dont l'IMC est inférieur à 30. L'un des messages que nous souhaitons faire passer, c'est que la forme physique élimine à coup sûr certains risques; il est néanmoins essentiel de ne pas donner à penser que l'embonpoint, en fait, n'est pas un problème.

Le sénateur Eggleton : Êtes-vous d'accord?

Dre Pound : Oui, tout à fait.

Le sénateur Eggleton : Docteure Ross, vous avez parlé de plusieurs mesures que, à votre avis, le gouvernement pourrait prendre, mais vous avez aussi dit qu'il a manqué le coche en ce qui concerne certaines cibles et stratégies qui lui avaient été proposées en 2009. Je ne vois pas de publicité ni de marketing. Certains se sont dits d'avis que le gouvernement fédéral devrait exercer un certain contrôle sur ces aspects. Qu'en pensez-vous?

Dre Ross : Je suis d'accord. Ces sept minutes ne me suffisent pas pour présenter toutes les propositions que j'aurais volontiers faites; mais vous avez vu juste. Comme l'a dit la Dre Pound, surtout en ce qui concerne la publicité de boissons sucrées qui visent les enfants, ce sont des moyens pour nous d'essayer de modifier les comportements, et c'est vraiment ce dont il s'agit. Il serait possible de faire de grandes avancées dans le domaine de la publicité sur la malbouffe et certaines boissons sucrées que les gens voient à la télévision ou dans les médias sociaux, publicité qui nous préoccupe.

Dre Pound : Je le pense aussi. Les enfants, nous le savons, sont particulièrement vulnérables à ce type de message. S'il y a une chose à laquelle il faut d'abord s'attaquer, c'est, à mon avis, la publicité qui s'adresse aux enfants et adolescents; c'est absolument essentiel. Ailleurs, des interdictions ont été imposées à ce type de publicité. Il est probablement trop tôt pour dire si cette mesure a eu de véritables répercussions sur l'embonpoint et l'obésité. C'est faisable, et on peut espérer que cela aura des effets positifs avec le temps.

Le sénateur Eggleton : Passons maintenant à la question du tour de taille. Je suis heureux que vous l'ayez soulevée. Je me suis toujours demandé ce qu'était un IMC efficace. Vous en avez parlé, et vous pouvez répondre, toutes les deux, à ma question. D'après vous, cette mesure s'applique-t-elle à tous les âges ou à un âge particulier?

Dre Ross : Selon les données recueillies, ce serait tous les âges. L'IMC est un outil tellement facile, parce qu'il suffit de connaître la taille et le poids. Il a eu du succès parce que c'était tellement facile à mesurer. Il est aussi assez facile de prendre un ruban à mesurer, lors d'une visite chez le médecin, pour mesurer un tour de taille. Certaines études très pertinentes ont clairement démontré une corrélation entre le tour de taille, les résultats d'une tomodensitométrie ou d'autres imageries du tissu adipeux viscéral ou profond. C'est l'épaisse couche de graisse à l'origine du syndrome métabolique qui nous inquiète et qui est particulièrement prévalent chez les Autochtones et les Sud-Asiatiques; il y a aussi un risque accru de diabète. La graisse est un organe endocrinien très complexe, ce que peu d'entre nous savent. Elle sécrète bien des choses qui entraînent cette hausse du risque de diabète et d'autres problèmes. Si on ajoute aux données le tour de taille — et je ne veux pas suggérer qu'on fasse le test de tomodensitométrie à tout le monde, parce que ce serait aller trop loin —, bref, on pourra ainsi obtenir ces renseignements supplémentaires.

L'autre mise en garde, c'est le cas des gens très musclés. Si l'on s'en tient à leur IMC, leur poids et leur taille, on risque de conclure que ces gens ont une surcharge pondérale. Mais quand on mesure le tour de taille, en raison de la masse corporelle maigre, on se rend compte que ce n'est pas le cas. Dans certains cas, le tour de taille révèle qu'un groupe court un risque encore plus élevé. Dans d'autres cas, quelqu'un qui se situe dans une des catégories de surpoids court un risque moindre en raison de sa masse corporelle maigre.

Dre Pound : Si on l'appliquait aux enfants, cela pourrait faciliter les choses aussi parce que l'IMC des enfants est beaucoup plus complexe. On l'obtient de la même façon, mais les seuils d'IMC changent constamment, en fonction de l'âge.

Le sénateur Eggleton : Cela pourrait se faire à la maison aussi.

Dre Ross : On peut le faire quand on achète des jeans. Nous connaissons presque tous notre tour de taille.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés. Au terme de nos audiences, nous espérons évidemment pouvoir faire des recommandations qui se traduiront par des mesures concrètes dans un domaine plutôt confus, à en croire ce que nous en disent les témoins.

Je veux vous interroger sur le régime alimentaire, parce qu'apparemment, le régime alimentaire a une incidence sur l'obésité. Mesdames, vous avez toutes les deux parlé de l'importance stratégique de prévention et de la nécessité de nous concentrer, tout au long du cycle de vie, sur les comportements sains.

J'ai quelques questions à vous poser sur le Guide alimentaire canadien. Faites-vous des recommandations relativement à l'utilisation de ce guide par l'entremise de votre organisation? Pensez-vous qu'il s'agit d'un guide utile et, à votre avis, pourrait-il avoir d'autres utilités? Je voudrais simplement qu'on parle de l'importance de s'y mettre très tôt.

Dre Pound : Certainement, on en parle beaucoup en pédiatrie. C'est un peu difficile, parce que les quantités d'aliments changent au fur et à mesure qu'un enfant grandit. Ce dont on parle surtout, c'est l'importance des fruits et des légumes et la nécessité d'en augmenter la consommation, ce qui est souvent problématique parce que nous avons affaire à des enfants de divers milieux, dans des segments vulnérables de la population. Comme je le disais tout à l'heure, nous savons que le prix des aliments est prohibitif. Dans la mesure du possible, nous insistons sur l'importance de ces aliments et nous encourageons nos patients et les membres de leur famille à prendre cette voie.

Dre Ross : Je suis d'accord. C'est une chose de promouvoir une stratégie, mais c'en est une autre de la mettre en œuvre. C'est là que le défi se pose. Il y a plein de modèles mathématiques qui ont été établis pour examiner l'investissement initial et les retombées possibles en aval. Une étude a d'ailleurs démontré que chaque dollar investi dans la prévention et la saine alimentation rapporte des économies de 5 $ sur le plan des coûts des soins de santé. Dans une autre étude, on a conclu qu'aux États-Unis, une taxe d'un cent par once de boisson sucrée se traduirait par une économie de 17 milliards de dollars et des recettes fiscales de 13 milliards.

Un des plus grands obstacles dont nous avons parlé, toutes les deux, concerne la saine alimentation. Dans certaines régions du Canada, même si on aimerait mieux manger, les aliments pour le faire ne sont tout simplement pas trouvables. Il n'existe pas, dans ces localités, un marché biologique ou une fruiterie au coin de la rue.

Dre Pound : Avant de parler du Guide alimentaire canadien, il est important d'examiner une nourriture fondamentale accessible à tous, soit le lait maternel. Les gens ne se rendent pas compte nécessairement de son importance cruciale ni du fardeau que représente le non-allaitement pour le système de santé. Dans une étude récente, des chercheurs se sont penchés sur plusieurs fratries, dont un membre avait été allaité et l'autre pas. À l'âge de 14 ans, il y avait une différence de 14 livres entre les deux. Tous les autres facteurs étant les mêmes, un enfant allaité a un énorme avantage sur un autre qui ne l'est pas, et ce, pour toutes sortes de raisons.

La sénatrice Seidman : Vous soulevez des points essentiels sur la façon dont nous devrions nous y prendre. Nous pouvons dire que oui, nous devons agir de telle ou telle manière, mais docteure Ross, vous avez dit qu'il nous fallait augmenter de 20 p. 100 la proportion de gens consommant cinq portions de fruits et de légumes par jour. Comment faire?

D'aucuns disent que les lignes directrices du Canada en matière d'alimentation ne fonctionnent pas très bien. Il y aurait peut-être d'autres manières de les réviser, par exemple, ou il pourrait y avoir d'autres moyens d'orienter les gens en changeant ces lignes directrices pour cibler divers aspects. Avez-vous une opinion là-dessus?

Dre Ross : L'étiquetage alimentaire est une des améliorations les plus importantes, car je pense que beaucoup de gens ne se rendent pas compte d'une réalité : un produit peut avoir un nom évocateur pour insinuer un choix santé, mais il est en fait rempli d'additifs.

L'étiquetage, qui prend de l'ampleur au Canada, a connu d'énormes progrès. Je crois que les restaurants devraient tous être obligés d'indiquer le contenu de leurs mets. Quand les gens pensent au poulet, ils se disent que c'est meilleur pour la santé, et même si la publication des ingrédients qu'il contient est obligatoire, cela ne les arrêtera pas pour autant. Par contre, je pense que bon nombre de personnes qui veulent consommer une salade santé avec du poulet vont y penser deux fois si elles savent ce que le plat contient.

Je crois que l'étiquetage va changer la donne. L'élimination des gras trans a été une grande victoire, ainsi que la réduction du sodium dans une panoplie de produits transformés. Ce sont des mesures qui sont à portée de main, et ils devraient être mis en œuvre.

La sénatrice Merchant : Merci beaucoup de vos exposés; en fait, vous reprenez bon nombre des observations que nous avons déjà entendues au sujet de l'étiquetage et de la consommation accrue de fruits.

Vous êtes toutes les deux médecins, alors j'aimerais me concentrer d'abord sur ce que les médecins peuvent faire. Vous vous êtes penchées principalement sur les enfants et les comportements adoptés très tôt qui déterminent avec le temps si une personne devient obèse ou pas.

Pour commencer, pensez-vous que les médecins sont formés pour conseiller leurs patients? Ont-ils assez de temps pour le faire lors d'un rendez-vous? Il y a peut-être d'autres facteurs qui les empêcheraient d'avoir le temps de parler, comme les pratiques de facturation.

Vous dites que l'éducation est essentielle. Pouvez-vous nous expliquer comment les médecins peuvent aider les femmes enceintes et les jeunes mères à instaurer la pratique de l'allaitement au sein de leur famille?

Dre Pound : Nous pouvons toujours en faire plus, c'est sûr, et vous avez raison de dire que le temps des médecins est toujours restreint. Mais chaque médecine a un cabinet qui gère le temps différemment. Quoi qu'il en soit, la clé demeure la prévention, et il faut s'y mettre très tôt.

Dans le cas des femmes qui en sont à leur première grossesse, les médecins devraient leur parler de la prévention, de l'alimentation, de l'allaitement, de la saine nutrition et de la façon dont elles vont gérer et mettre en œuvre de tous ces éléments dans leur cadre familial. C'est à ce moment que le médecin peut commencer à chercher des ressources pour une famille qui pourrait ne pas en avoir les moyens.

Les médecins peuvent défendre les intérêts de leurs patients, formuler des recommandations et discuter de la subvention d'aliments santé, par exemple.

Dre Ross : Tous ces points sont valables. En ce qui a trait à notre formation à l'université, sachez que j'ai obtenu mon diplôme il y a bien longtemps. Je peux vous dire qu'à l'époque, on ne nous enseignait pas la nutrition. Bon nombre des enjeux majeurs actuels n'étaient pas abordés dans les cours de médecine, et la nutrition était certainement l'un d'eux.

Je crois qu'il est essentiel que les médecins prêchent par l'exemple. Nos patients nous voient souvent comme des modèles, d'où l'importance de joindre le geste à la parole.

Vous avez raison par ailleurs lorsque vous dites que les généralistes n'ont pas toujours le temps de bien conseiller leurs patients, mais il existe d'autres ressources. Songeons, par exemple, aux diététiciens. Si un médecin trouve difficile de parler de la nutrition — et nous savons que cela ne devrait pas être le cas —, il existe quand même d'autres ressources comme les diététiciens. Le temps ne devrait pas faire obstacle quand il y a d'autres moyens de s'y prendre.

La sénatrice Merchant : En deuxième lieu, vous avez proposé une solution possible pour éliminer la malbouffe des habitudes alimentaires des jeunes : la taxation accrue. J'y pense, et je me dis que dans le cas des populations vulnérables, les Premières Nations, les collectivités éloignées, la taxation accrue rendrait leur nourriture encore plus inabordable. C'est peut-être une bonne solution, mais on ne peut l'appliquer dans le cas de gens vulnérables. Que pouvons-nous faire ou recommander pour contourner cet obstacle?

Dre Ross : Vous avez tout à fait raison, et il a été démontré que la taxation, accompagnée de subventions, fonctionne mieux que la taxation à elle seule.

Un des problèmes avec la taxation, c'est que si on ne taxe pas toutes les choses qui devraient l'être, les gens vont choisir des produits qui sont toujours abordables, mais pas nécessairement sains. Il faut toujours se rappeler que même si les gens mangent quelque chose de sain, la question des calories ne peut être mise de côté. Ils pourraient bien manger des aliments sains ou boire des boissons santé, mais en trop grande quantité.

Alors, parfois, la taxation, à elle seule, n'est peut-être pas la meilleure idée, mais les subventions pourraient aider, surtout dans les régions frappées par l'insécurité alimentaire, et particulièrement au sein de la population autochtone, qui est, selon moi, énormément à risque d'obésité, en plus d'être déjà vulnérable aux maladies cardiovasculaires à cause de la prévalence du syndrome métabolique. Les taxes, à elles seules, ne sont pas la solution. Il faut privilégier un mélange équilibré de taxes et de subventions.

La sénatrice Merchant : Vous avez dit avoir proposé quelques mesures à la ministre de la Santé. Est-ce que l'une de ces mesures était la création de subventions?

Dre Ross : Cela faisait partie des problèmes abordés par la Stratégie canadienne de santé cardiovasculaire, au nombre d'autres aspects, dont un meilleur approvisionnement en aliments dans le Nord. Il ne s'agit pas seulement de la sécurité alimentaire, mais aussi de la disponibilité des aliments dans certaines régions du Nord. C'est un problème qui est mentionné dans la Stratégie de santé cardiovasculaire.

Le président : Par rapport à la première question de la sénatrice, j'ai lu aujourd'hui un article à propos d'une étude visant à déterminer si les omnipraticiens parlent aux enfants ou à leur famille à propos de questions de poids. Selon le rapport, il s'agit d'un pourcentage infime des médecins. La majorité des médecins ne pensent pas qu'il s'agit d'une responsabilité qui leur incombe. Voilà ce que révèle le rapport. De toute façon, l'article est paru aujourd'hui.

Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés.

Santé Canada est responsable de la création et de la promotion d'un guide alimentaire intitulé Bien manger avec le Guide alimentaire canadien. Pourtant, vous avez mentionné qu'on devrait manger plus de fruits, 20 p. 100 de plus de tel aliment et 20 p. 100 de plus de tel autre aliment. Est-ce que le Guide alimentaire est lacunaire? Est-ce qu'on devrait le changer?

Dre Ross : Ce n'est pas qu'on devrait manger 20 p. 100 plus de fruits; c'est qu'on devrait amener 20 p. 100 plus de Canadiens à manger les cinq portions de fruits et de légumes. Le problème, c'est que le Guide alimentaire précise très bien ce qu'on devrait faire, mais comme on l'a mentionné, la majorité des familles ne suit pas ces balises autant que nécessaire. Ce que nous souhaitons, c'est une plus grande conformité à ces lignes directrices alimentaires.

Le sénateur Enverga : Serait-il possible pour nous de modifier le guide pour les enfants et les adultes et peut-être pour les personnes obèses? Pourrions-nous le changer pour qu'il soit plus adapté à chaque individu ou à chaque groupe d'âge?

Dre Pound : Je n'ai pas de bonnes réponses à cette question. Si on commence à modifier le Guide alimentaire pour différentes populations, cela n'en finira jamais. L'important, c'est de retenir les lignes directrices. Nous voulons que les gens mangent santé; comment faire? Nous voulons leur dire de mieux manger, mais pour les populations autochtones en particulier — j'ai travaillé dans le Nord il y a quelques années —, les prix sont tellement élevés pour les fruits et légumes. Avant de procéder à la taxation de la malbouffe, je pense que ce serait beaucoup mieux de subventionner les aliments santé, particulièrement pour les populations à faible revenu. Le coût de la vie et de la saine alimentation chez les populations qui sont déjà génétiquement à risque est complètement démesuré par rapport au reste du pays.

Le sénateur Enverga : On a déjà parlé des problèmes d'étiquetage. Les gens comprennent mal les étiquettes. J'ai proposé de changer les méthodes d'étiquetage, particulièrement pour les enfants. S'il y a trop de calories, on affiche un dessin d'un éléphant; s'il y en a moins, on met une souris. Pensez-vous que cela serait plus approprié pour que les enfants puissent comprendre les étiquettes?

Dre Ross : Je pense qu'il est essentiel d'étiqueter les produits de manière honnête. Mon étiquette préférée, c'est la valeur nutritive par portion. On regarde l'étiquette et on se dit que le nombre de calories est acceptable. On regarde le paquet et on imagine qu'il contient une seule portion, mais on découvre qu'il en contient quatre. Comme personne ne voudrait manger tout le paquet, on change l'étiquetage. Le résultat, c'est qu'on a l'impression que tout va bien parce qu'il n'y a que 180 calories et 8 grammes de lipides. Mais la personne qui achète le produit va manger le paquet en entier.

Il y a des moyens subtils de faire de l'étiquetage de manière malhonnête. Je pense que vous avez raison; il faut que l'étiquetage soit honnête. Vous pouvez donner votre avis sur l'idée de l'éléphant et de la souris, mais il faut vraiment préconiser un étiquetage honnête. Et ce n'est simplement pas le cas.

Dre Pound : Cette idée de l'éléphant et de la souris m'inquiète à cause du message que cela transmet. Peut-être qu'on pourrait utiliser des couleurs, comme le rouge, le jaune et le vert.

Dre Ross : Absolument; les enfants sont très sensibles à cela.

Le sénateur Enverga : Ils aiment peut-être toutes les couleurs, mais les animaux...

Dre Pound : Normalement, ce sont les parents qui achètent la nourriture pour les enfants.

Le président : Étant donné les références au guide alimentaire et la façon dont la discussion se déroule, je pense qu'on devrait mentionner que le Guide alimentaire canadien recommande un certain nombre de portions pour chaque catégorie d'aliments, selon l'âge, et cetera. Docteure Ross, vous avez dit que vous aimeriez voir une augmentation de 20 p. 100 du nombre de gens qui consomment réellement les quantités précisées dans le guide.

Dre Ross : C'était justement là où je voulais en venir.

Le président : Je tenais à le préciser aux fins du compte rendu.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup de votre présence. Savez-vous s'il y a un pays où on fait de bons progrès dans ce domaine? Y a-t-il un modèle de réussite sur le plan de la perte de poids, que ce soit chez la population en général ou bien dans un segment précis de la population comme les Autochtones ou les jeunes? Voilà ma première question.

Je vais poser toutes mes questions d'un seul coup. Pensez-vous qu'il serait efficace d'avoir des porte-parole? J'aimerais savoir si vous êtes au courant des statistiques concernant l'initiative de Michelle Obama et de l'impact que son initiative a eu comparativement aux programmes fiscaux ou aux subventions. Pouvez-vous répondre à ce commentaire et à ma première question?

Dre Ross : Ce sont d'excellentes questions. Aux États-Unis, le taux d'obésité est toujours beaucoup plus élevé que chez nous. Cependant, il y a des pays où il est clair que le taux d'obésité est moins élevé. Les pays scandinaves en sont un exemple. Leurs taux d'obésité sont restés stables alors que les nôtres ont augmenté. Plutôt que de s'attaquer au problème et d'amener les gens à perdre du poids, je pense qu'ils ont simplement moins de cas d'obésité que nous.

Ces pays ont pu promouvoir l'importance de rester en forme. J'ai voyagé dans les pays scandinaves, et cette idée de rester en forme est incroyable. Comme la Dre Pound l'a dit, les gens passent plus de temps dehors et moins de temps devant l'écran. On ne peut pas séparer l'aspect alimentaire de l'aspect physique, mais je trouve que, au Canada, nous avons perdu l'idée de garder la forme, et cela est attribuable en partie, selon moi, aux médias sociaux, à Internet, à la télévision, et cetera. Je pense qu'il y a d'autres pays qui se portent mieux.

En ce qui concerne les porte-parole, je pense qu'on ne peut pas sous-estimer leur impact. On peut voir tous ces athlètes qui font de la publicité pour des boissons énergisantes, et les gens pensent qu'il s'agit de boissons santé alors qu'en fait, elles contiennent beaucoup de calories. Je pense qu'on peut bien se servir des porte-parole. Cette approche a très bien fonctionné grâce à l'intervention de certains athlètes, entre autres, dans le cas de la sensibilisation à la dépression. Je crois qu'on peut faire des progrès à cet égard.

Dre Pound : Je suis certainement d'accord, surtout en ce qui concerne les enfants et les jeunes. Ce serait une excellente idée d'éliminer les publicités actuelles pour la malbouffe et de recourir plutôt à un porte-parole qui va vraiment parler aux enfants. Les enfants sont très réceptifs à ce genre de messages. Cela fonctionnerait bien avec les enfants.

La sénatrice Raine : Nous comprenons tous qu'il n'y a pas de solutions faciles, mais j'aimerais vos commentaires sur ce que font vos organisations afin de promouvoir des activités saines et de réintroduire l'exercice physique, le savoir-faire physique dans les écoles, et peut-être même l'économie domestique pour enseigner la cuisine aux élèves. Est-ce que vous ciblez ces éléments dans vos deux organisations? Il est évident qu'on a éliminé l'éducation physique et ajouté les ordinateurs, et je pense qu'il faut un retour du balancier.

De nombreuses études ont démontré qu'un enfant ayant fait des exercices d'aérobie avant les cours apprend mieux. Vos organisations interviennent-elles sur ce front?

Dre Pound : Du point de vue de la Société canadienne de pédiatrie, il y a beaucoup de messages à caractère social et de campagnes de sensibilisation. Il y a des porte-parole qui font toujours la promotion de l'activité physique, de l'exercice et de l'alimentation saine. À part cela, je ne connais pas d'autres initiatives.

Dre Ross : La Société canadienne de cardiologie est à l'autre bout de l'échelle. En tant que porte-parole des médecins et des chercheurs dans le domaine cardiovasculaire, elle mène des recherches sur l'impact de l'obésité, la diffusion des messages et la communication de l'impact. Parmi les experts mondiaux en la matière, on trouve un certain nombre de Canadiens, et nous intervenons sur ce plan.

L'organisation qui s'occupe généralement de la sensibilisation à l'activité physique est la Fondation des maladies du cœur, qui est l'un de nos partenaires. Nous représentons les médecins et les scientifiques; donc, nous n'avons pas exactement un programme au sujet de l'activité physique, à part ce que font les porte-parole. La plupart des messages sont communiqués par la Fondation des maladies du cœur, mais c'est un excellent point.

La sénatrice Raine : Connaissez-vous le programme Exercise is Medicine?

Dre Ross : Non, pas personnellement.

La sénatrice Raine : C'est un programme de formation pour des médecins, après les études universitaires, qui vise à expliquer comment prescrire un programme d'exercice.

Dre Ross : Dans ce contexte-là, oui.

La sénatrice Raine : Nombreux sont les médecins qui savent qu'ils devraient prescrire un programme d'exercice, mais ils ne savent comment le faire. Ils ne peuvent pas tout simplement écrire une ordonnance. Quelques médecins le font, mais je crois que c'est quelque chose qui est nécessaire.

Dre Ross : Encore une fois, nous représentons le groupe de réadaptation cardiaque aussi. Ce groupe examine le rôle de l'exercice dans la réadaptation à la suite d'une maladie cardiaque, d'une crise cardiaque, d'un accident vasculaire cérébral, d'une insuffisance cardiaque, et cetera. Nous faisons beaucoup de travail dans le domaine, mais, pour répondre à votre question, nous n'intervenons pas au chapitre de la prévention primaire, et c'est le problème. Nous jouons un rôle énorme dans la réadaptation cardiaque et sa promotion à l'échelle nationale. Mais là encore, à cette étape du processus, il est déjà un peu trop tard, même si nous pouvons réaliser des progrès importants, et nous le faisons d'une manière plutôt dynamique.

La sénatrice Raine : Je crois qu'il est juste de dire que nous sommes conscients du fait qu'il y a diverses instances dans la prestation des services d'éducation et de santé. Il ne s'agit pas d'une compétence fédérale. Mais nous pouvons constater le problème qui en découle lorsque ces éléments sont négligés. Quand on examine l'augmentation des taux d'obésité, surtout chez les enfants, on se rend compte que le système de santé de l'avenir n'est pas durable.

Comment pouvons-nous collaborer pour éviter de travailler en vase clos et pour déterminer qui fera quoi? Comment entrevoyez-vous les rôles précis de vos deux organisations nationales dans cette démarche?

Dre Ross : Nous étions très emballés de venir ici, en partie, pour discuter et pour faire partie du dialogue. Quand nous nous sommes regroupés pour élaborer la Stratégie canadienne de santé cardiovasculaire et le plan d'action, nous étions plus de 1 500 personnes; tous ces gens ont collaboré et contribué à ce plan d'action, sous la direction du Dr Eldon Smith. Quand nous l'avons présenté en 2009, nous avons estimé que le plan devait faire intervenir la Société canadienne de cardiologie; la Fondation des maladies du cœur, qui œuvre dans le domaine de la prévention primaire, et les Instituts de recherche en santé du Canada, parce qu'il était essentiel, à nos yeux, que nous allions vraiment de l'avant.

En ce qui concerne l'obésité, je vous ai fait part de nos quatre recommandations. Nous avons formulé plusieurs autres recommandations en matière de santé cardiovasculaire dans ce pays, et chacune de ces recommandations était liée à un plan détaillé. Je serai heureuse de vous remettre le rapport.

Nous travaillons très fort pour essayer de voir comment composer avec cette question. J'ai beaucoup trop de patients comme celui dont je vous ai parlé. Ils sont nombreux à souffrir d'une maladie; pourtant, ils n'auraient peut-être jamais eu à venir me voir s'ils avaient été informés. Alors, nous sommes complètement investis dans ce travail.

La sénatrice Raine : La santé cardiovasculaire est traitée en vase clos, mais il y a aussi le diabète, le cancer, le désespoir et la dépression. Donc, nous avons ces cloisons, et il va falloir qu'on trouve un moyen de faire circuler cette énergie et de réveiller les gens pour leur faire comprendre qu'il s'agit d'une crise. C'est le défi, je présume.

Dre Ross : Je suis d'accord.

Dre Pound : C'est l'avantage de la Société canadienne de pédiatrie, parce que nous nous occupons des jeunes, et non pas des adultes. Nous ne travaillons pas en vase clos. Nous nous occupons de la santé générale des enfants; nous ne nous concentrons pas sur un seul organe, mais sur toute la personne. La Société canadienne de pédiatrie encourage beaucoup ses médecins membres à utiliser des lignes directrices préventives. Ces lignes directrices servent également aux examens de santé des bébés pendant les visites annuelles; ainsi, les médecins suivent des lignes directrices pour discuter des sujets importants comme l'activité physique et une nutrition saine.

La Société canadienne de pédiatrie a déjà mené des campagnes de sensibilisation réussies sur son site web. Elle diffuse beaucoup d'information aux médecins et aux parents. Elle continue de transmettre ce genre de message concernant une alimentation saine, l'activité physique et l'importance de tous les aspects dont nous avons parlé.

La sénatrice Stewart-Olsen : Votre exposé éveille en fait beaucoup de craintes, et cela devrait faire peur à beaucoup de Canadiens.

Je ne sais presque pas quoi poser comme question, car il existe tant de confusion. Vous avez dit que le tissu adipeux est un organe endocrinien, ce qui me surprend. Je ne savais pas que c'était le cas. Je sais qu'il sécrète des hormones et des choses semblables.

Mais, dans votre exposé, vous semblez préconiser des changements à l'égard de la motivation — comment inciter les gens à changer. Je pense que nous n'en sommes pas là.

Toute ma vie, j'ai entendu parler de surplus de poids. Les jeunes en entendent parler tout le temps. Les enfants qui souffrent de surpoids sont montrés du doigt à l'école, et c'est le cas depuis des années et des années. Cela ne semble pas changer grand-chose.

Je me demande ceci quand on entend parler de la santé — nous en entendons tous parler et je ne crois pas qu'il y ait un manque de connaissances. En général, les gens savent très bien qu'ils mangent mal, mais ils le font quand même; ils vont dans des établissements de restauration rapide, alors qu'ils ne le devraient pas, mais ils continuent quand même à y aller.

Je ne sais pas si vous auriez des suggestions sur la façon de motiver les gens à être en santé. Je serais très contente de les entendre, mais je pense que c'est là que le bât blesse. Par ailleurs, nous nageons dans la confusion, car tout ce qui était mauvais pour la santé il y a 10 ans semble ne plus l'être aujourd'hui. Il y a toutes sortes de choses de ce genre. Les messages contradictoires portent vraiment à confusion. Ce n'est pas clair pour moi.

Si vous avez quelque chose à dire sur la façon de motiver les gens, je pense que cela nous aiderait beaucoup.

Dre Pound : L'éducation est la clé, et il faut s'y attaquer à divers niveaux. Nous parlons d'une révolution culturelle, et elle doit se produire partout en même temps : dans le cabinet du médecin, comme dans les écoles. D'ailleurs, il arrive trop souvent que, dans les écoles primaires, on commande de la pizza lors de la journée des petites gâteries. Eh bien, ce n'est pas un aliment sain. Tout d'un coup, c'est une récompense pour les enfants; on leur dit que c'est fantastique. Pourquoi pas une journée de fruits? Pourquoi ne pas donner des fruits et des légumes à tous les enfants, chaque jour ou une fois par semaine, et remplacer la pizza comme gâterie?

Il est important de créer des programmes qui abordent cet aspect; il faut aussi apporter des changements au niveau de l'école, ainsi qu'au niveau des publicités qu'on voit.

Il faut cibler beaucoup de niveaux en même temps, puisqu'on n'obtiendra pas de résultats si on se concentre sur un domaine à la fois. L'échec sera garanti, puisqu'il y a tellement de facteurs qui agissent en parallèle, d'où la nécessité d'une approche axée sur la collaboration. C'est le seul moyen de s'y prendre. Ce n'est pas facile, mais c'est la seule manière d'obtenir le moindre succès.

Dre Ross : Je pense aussi qu'on doit recommencer à parler de la condition physique. Voici ce qui me frappe quand on songe à certains des grands changements : lorsque j'étais enfant, on sortait jouer dehors. Aujourd'hui, les enfants se servent de leurs pouces pour jouer.

On est constamment entouré de nourriture, exactement comme la Dre Pound l'a dit — de tous les côtés. Les gens doivent renouer avec l'exercice d'une manière ou d'une autre. C'est un enjeu important pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Moins d'un tiers des adultes font 150 minutes d'exercice modéré par semaine. Il s'agit d'une heure par jour, et on demande 150 minutes par semaine, mais on ne réalise pas cet objectif.

On peut voir ce qui se passe quand on rend l'exercice physique intéressant grâce à un dispositif comme Fitbit. Songeons au nombre de personnes qui s'en servent. Ces gens tiennent à faire leurs 10 000 pas. Quand ils rentrent chez eux, ils vérifient leur résultat. J'ai maintenant des patients qui deviennent compétitifs. S'ils ont fait 8 261 pas, ils font le tour de leur pâté de maisons jusqu'à ce qu'ils se rendent à 10 000.

Ce genre de motivation est à la mode, et les gens se présentent maintenant avec leurs gadgets et ils en sont fiers.

Si on peut essayer de renforcer ce genre de comportement, on espère pouvoir peut-être faire des percées. Mais je suis d'accord pour dire que ce changement doit se faire sur plusieurs fronts — pour revenir à ce que vous avez dit, il ne s'agit pas d'un seul élément, mais d'une multitude d'éléments.

Dre Pound : La peur est un grand facteur. On le voit chez les jeunes enfants et les familles. Je me souviens que quand j'étais jeune, c'était correct d'aller jouer au parc toute seule. Maintenant, la vie paraît dangereuse. Si votre enfant de sept ans joue seul devant la maison, il va se faire enlever.

Il faut éduquer les gens. C'est surtout vrai pour les populations plus vulnérables qui ont un statut socioéconomique moins élevé. Les gens gardent leurs enfants à la maison par peur de les laisser sortir seuls. Je n'ai pas de solution, mais c'est une partie importante du problème.

Dre Ross : Il y a aussi l'effet de l'urbanisation, qui entraîne la perte sans précédent des espaces verts. Avec la croissance des villes, nous devons réfléchir à la façon dont nous les construisons dans le but de ne pas perdre ces espaces dont nous avons profité au fil des ans.

Dre Pound : Il y a une autre raison pour laquelle le message doit venir simultanément de tous les niveaux, et c'est une situation qu'on voit trop souvent à la clinique. Je vois un enfant qui fait de l'embonpoint et je lui dis qu'il doit faire plus d'exercice. Je lui dis qu'il doit faire de la marche ou d'autres activités. Lorsque l'enfant revient me voir, je lui demande s'il a fait de l'exercice, et il me répond que non, car ses parents ne veulent pas l'accompagner. C'est là que je me rends compte que j'ai échoué, car j'aurais dû dire aux parents qu'ils doivent, eux aussi, faire de l'exercice. Cela revient à ce que vous avez dit au sujet des vases clos. Je me suis occupée de l'enfant, mais pas nécessairement de la famille. Mais si on envoie le message de toutes parts et en même temps, l'exercice physique peut être perçu comme une activité amusante dont toute la famille peut profiter. La famille entière peut faire une marche, et l'enfant ne dira plus qu'il n'a pas pu marcher parce que ses parents étaient devant la télé à manger des croustilles.

[Français]

La sénatrice Chaput : Je vous remercie, mesdames. Ce comité est difficile, parce qu'on y traite de sujets de grande importance qui sont si vastes, alors que nous devons nous fixer des objectifs. Nous ne pouvons pas faire tout pour tout le monde.

Parlez-moi un peu plus de la réalité des parents qui, souvent, pour préparer les repas, vont au supermarché. Ils vont acheter des légumes et des fruits, mais ils vont acheter des tomates en boîte, du jus de tomates, et toutes sortes d'autres conserves. Vous nous avez parlé brièvement tout à l'heure du sodium, mais il y a également le sucre et, ensuite, les gras saturés par rapport aux gras insaturés dont on discute beaucoup aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'on fait avec tout cela? Quelle est votre opinion à l'égard des gras, par exemple? Les gras saturés par opposition aux gras insaturés? Est-ce que le beurre est meilleur que pour la santé que la margarine? Est-ce que le jus de tomates est meilleur que la sauce tomate?

Dre Pound : Ce n'est pas une question facile.

La sénatrice Chaput : Je vois mes filles qui doivent faire l'épicerie pour cuisiner les repas de mes petits-enfants, et c'est leur réalité. Elles n'ont pas de jardin derrière la maison comme nous en avions à l'époque.

Dre Pound : Je pense que la façon de s'en sortir, en commençant, c'est d'éviter autant que possible les gras saturés. Les quantités élevées de sucre aussi. Acheter des fruits et légumes qui ne sont pas en conserve, des fruits et légumes frais, c'est toujours utile.

Quant aux parents qui cuisinent les repas de leurs enfants, c'est difficile à cause de toutes les allergies et des restrictions qui sont en place dans les écoles. Cependant, les recommandations restent les mêmes : il faut se concentrer sur les fruits et les légumes, des repas cuisinés à la maison; plus c'est commercial, plus, généralement, il y a des sucres et du gras. Donc, il faut s'en tenir à des aliments de base, finalement.

[Traduction]

La sénatrice Chaput : Voulez-vous ajouter quelque chose?

Dre Ross : J'adore parler de margarine et de beurre. Il n'y a pas de mal à utiliser du beurre. Au bout du compte, ce qui importe, c'est la quantité de beurre que l'on consomme. Voilà le défi. Des fois, on nous dit qu'un aliment est mauvais pour la santé, mais les gens ont tendance à extrapoler, alors ils pensent qu'ils n'ont pas le droit d'en manger plus qu'une certaine quantité. Mais si, de façon générale, vous mangez bien, vous pouvez aussi consommer du beurre; ce n'est pas la fin du monde.

Un de mes défis, c'est le défi Costco. Je ne veux pas m'en prendre à une compagnie en particulier, mais encore là, les consommateurs chez Costco sont à nouveau pris avec les étiquettes sur les produits et leur volume. Combien d'entre nous ont ouvert un sac de croustilles pour ensuite le vider au complet? Le problème, c'est que, même avec de gros sacs de croustilles, on finit par manger tout. Si on achète des croustilles chez Costco, cela devient dangereux. Je le répète, c'est une question d'éducation, d'emballage, de bon étiquetage et de portions limitées. On n'en a pas vraiment parlé aujourd'hui, mais c'est très important.

On peut bien manger, mais trop manger. C'est ainsi qu'on devient obèse. Ce qui compte, c'est la qualité et la quantité de nos aliments. Des aliments qui sont supposément mauvais pour nous ne le sont pas si on fait preuve de modération. C'est ce que j'ai appris à la maison.

La sénatrice Frum : Docteure Pound, j'aimerais revenir aux statistiques que vous avez citées et selon lesquelles environ 7 p. 100 des 5 à 11 ans font de l'exercice pendant une heure par jour, et 4 p. 100 des 12 à 17 ans font de l'exercice vigoureux une fois par jour.

En réalité, c'est le même genre de questions que posait la sénatrice Greene Raine : si nous recommandons une heure d'activité physique vigoureuse chaque jour pour les enfants, il faudra collaborer avec les écoles, sinon où d'autre les enfants auront-ils l'occasion de le faire? Ne trouvez-vous pas? Encore une fois, le problème, c'est que nous sommes des législateurs fédéraux, et cette question ne relève pas de notre compétence, ni de la vôtre, car vous ne contrôlez pas les écoles. Mais nous pouvons toujours élaborer une stratégie, n'est-ce pas?

Dre Pound : Je suis entièrement d'accord pour dire que l'école a un rôle à jouer, mais comme je l'ai dit, l'éducation est clé, car l'initiative peut aussi commencer avec la famille. Dans notre société, les enfants ont un horaire trop chargé. Ils quittent l'école et font une heure de patinage, de natation ou d'autres choses. Quand on regarde ce que font ces enfants, on constate qu'ils restent immobiles sur le terrain de basket et discutent avec leurs copains. Ils ne font pas vraiment d'activité physique. Ils restent à l'écart et vérifient leur téléphone. Par contre, les parents se sentent bien au bout du compte, car leurs enfants ont fait une activité d'une heure. Mais ce n'est pas le cas. L'enfant est resté sans bouger, à vérifier son téléphone ou à discuter avec des amis. Cela revient, encore une fois, au changement culturel dont nous parlions. Au lieu de les inscrire à 23 activités après l'école, les parents pourraient les inscrire à cinq programmes et, le reste du temps, ils pourraient jouer à la maison, courir partout et faire ce que font les enfants. Ils n'ont pas besoin d'un programme particulier pour courir; ils courent, c'est ce qu'ils font.

La sénatrice Ringuette : À moins d'être trop gros.

Dre Pound : C'est vrai. Si les enfants passaient leur temps à courir, avec un peu de chance, ils ne seraient pas devenus gros. Si on pouvait changer la culture et faire passer ce message par l'entremise d'un porte-parole ou par le truchement de campagnes de publicité, alors oui, les enfants pourraient faire de l'activité physique à l'école. Ils en font déjà un peu lors de la récréation. Les enfants courent et font toutes sortes de choses. Je crois que ce n'est pas uniquement la responsabilité de l'école; il incombe également aux parents de s'en assurer.

La sénatrice Frum : En faisant moins d'activités après l'école, seront-ils plus concentrés sur le jeu?

Dre Pound : Je crois que oui.

La sénatrice Frum : C'est bien. Docteure Ross, nous avons discuté des raisons pour lesquelles les gens ne s'alimentent pas bien. Nous avons parlé de quelques-unes d'entre elles aujourd'hui. Vous nous avez donné une statistique effarante : 25 p 100 des adultes sont obèses. Est-ce que la dépendance à la nourriture existe, comme la toxicomanie et la dépendance à l'alcool? Si oui, pouvons-nous nous attaquer aux problèmes de la même façon que pour d'autres types de dépendances?

Dre Ross : Évidemment, il existe toute une gamme de troubles de l'alimentation, allant de l'anorexie et de la boulimie aux habitudes alimentaires influencées par les émotions et aux frénésies alimentaires. Je crois fermement qu'une dépendance liée à une habitude alimentaire est possible. Il peut s'agir d'une maladie très grave et fatale, comme l'anorexie et la boulimie, ou encore d'habitudes alimentaires qui ne sont pas une véritable dépendance alimentaire. Certaines personnes vont dire : « J'ai passé une mauvaise journée, j'ai besoin de boire quelque chose. » Cela représente une habitude — et, en passant, je ne dis pas que c'est bien. De la même façon, d'autres vont dire : « J'ai passé une mauvaise journée, je vais manger du chocolat. » Donc, oui, c'est possible.

Ces choses-là existent — mais il y a aussi des choix santé. Si vous cherchez à manger quelque chose, vous pouvez opter pour un fruit ou un légume. Ce serait bien de convaincre les gens à faire un choix santé s'ils ont vraiment besoin de manger quelque chose. C'est un excellent point. Je ne sais pas comment y arriver. Nous avons consacré énormément de temps et d'efforts sur d'autres types de dépendance, et nous n'avons toujours pas réussi à trouver de solutions. Il s'agit de dépendances qui ne sont pas nécessaires pour vivre. Le fait de fumer est une dépendance, mais vous n'avez pas besoin de fumer pour vivre. Vous avez besoin de manger pour vivre; donc, il s'agit de trouver un équilibre entre l'alimentation saine et l'alimentation excessive ou malsaine. Après tout, on a besoin de manger. C'est une excellente question, et je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Eggleton : Le sénateur Tannas a voulu savoir si nous pouvions nous inspirer d'autres pays pour régler ces enjeux.

Vous avez parlé des pays scandinaves, où il existe une culture de l'exercice. Bien des témoins sont venus nous dire qu'effectivement l'exercice était important. Toutefois, ce n'est pas aussi important que ce que l'on mange. Notamment, le Dr Lustig nous a mis en garde contre le sucre et le sucre ajouté qui seraient l'ennemi numéro un. D'autres témoins nous ont dit — et cela vient sans doute renforcer l'argument que vous avez présenté dans votre dernière réponse sur la dépendance — que c'est le secteur de l'alimentation qui a créé un point d'extase, en ajoutant aux aliments du sel, du sucre et du gras, si bien qu'on ne peut pas se contenter d'une seule croustille. Diriez-vous que l'équilibre dépend davantage de ce qu'une personne ingurgite?

Deuxièmement, à cet égard, qu'en est-il des autres pays, notamment des pays scandinaves? Qu'a-t-on fait dans ces pays pour apporter des améliorations à la consommation de nourriture? Si je comprends bien, il s'agit d'une combinaison d'exercices et de consommation d'aliments, n'est-ce pas?

Dre Ross : La seule raison pour laquelle je pense que la forme physique est un élément crucial, c'est que beaucoup de recherches démontrent qu'une personne qui a une surcharge pondérale, même au point de frôler l'obésité, mais qui est en bonne forme physique, pourrait être exposée à un risque bien moindre grâce à l'exercice physique. C'est donc un élément crucial pour rabaisser le risque.

Je ne dis pas par là que l'embonpoint est acceptable. Pas du tout. Si nous réussissions à résoudre les problèmes des calories et des lipides, sans tenir compte de la forme physique, nous n'aurions pas autant un pays libre de maladies cardiovasculaires. Pour atteindre notre objectif, les deux éléments sont d'une importance cruciale. Voilà pourquoi je tiens à ce qu'on n'exclut pas la forme physique. Nous savons qu'un mode de vie sédentaire et l'inactivité physique représentent une autre crise dans notre pays.

Lors de mes nombreux voyages à l'étranger, j'ai eu l'occasion d'aller dans des épiceries à Oslo. J'ai parcouru les allées pour vérifier le nombre de rayons consacrés aux couennes de porc, aux croustilles et aux tablettes de chocolat. Comparativement au Canada et aux États-Unis, on trouve, dans les épiceries à Oslo, moins de rayons consacrés aux aliments qui ne sont généralement pas bons pour la santé. La prévalence est moindre.

Par conséquent, je pense que les habitudes alimentaires sont différentes là-bas. On mange plus de poisson. Les aliments contiennent probablement moins de sucre transformé. C'est ce que j'ai pu constater quand je me suis rendue là-bas et j'y suis allée plusieurs fois.

Si je ne m'abuse, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont moins de cas d'obésité que le Canada. C'est sans doute lié aux modifications et aux différences dans le régime alimentaire et dans l'exercice physique. En outre, étant donné la différence de climat, l'exercice est sans doute plus accessible, même si, pour ma part, je préconise les sports d'hiver.

Bien des Canadiens ont du mal à sortir pendant l'hiver. Il y a une tendance cyclique pour ce qui est du poids des Canadiens. Ils ont tendance à engraisser pendant les mois d'hiver. Tout le monde veut faire quelque chose à cet égard, et il est possible que certains le fassent, mais l'objectif n'est pas tout à fait atteint. Voilà pourquoi on commence à constater une augmentation du poids avec l'âge.

Il nous faut donc tenir compte de tous ces éléments qui sont indissociables, car le problème comporte plusieurs volets. Il faut donc une approche adaptée à ce phénomène.

Le sénateur Enverga : Vous avez dit plus tôt qu'il nous faudrait préconiser un mode de vie plus actif. Le gouvernement offre aux parents un crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, si bien qu'ils peuvent permettre à leurs enfants de jouer au soccer.

Voici ma question. Nombre d'adultes voudraient adhérer à des clubs de santé ou participer à toutes sortes de programmes alimentaires. Pensez-vous qu'il serait utile d'offrir un crédit d'impôt pour la forme physique des adultes? Croyez-vous que cela pourrait aider? Dans quelle mesure les programmes de perte de poids de 10 livres en 10 jours sont-ils efficaces? Selon vous, cette idée a-t-elle du mérite du point de vue d'une politique publique? Est-ce une chose sur laquelle nous pourrions nous pencher?

Dre Ross : Je serais ravie si on me donnait un crédit d'impôt pour la condition physique. L'idée est innovatrice et vraiment intéressante.

Nous avons parlé de certaines grandes sociétés qui offrent un accès à de l'équipement de conditionnement physique, ce qui a abouti à des améliorations. Dans la plupart des cas, les gens qui sont membres d'un gymnase le fréquentent davantage que s'ils n'avaient pas d'abonnement. Il est vrai qu'il y en a d'autres qui sont membres d'un gymnase et qui ne le fréquentent pas, mais l'abonnement accroît les chances d'y aller.

L'idée est intéressante. À ma connaissance, cela ne s'est pas fait ailleurs. Je suis sûre que le secteur des gymnases se réjouirait d'un tel crédit d'impôt. Je pense que l'idée est très intéressante et motivante. J'aime l'idée.

Dre Pound : Pour ma part, je pense que l'idée est emballante, mais voici ce qui m'inquiète : tout comme dans le cas du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, il y a une bonne partie de la population, vulnérable et à risque, qui ne peut pas en profiter, car il faut payer d'avance, et ces gens n'en ont pas les moyens. Très bien pour ceux qui le peuvent. Toutefois, les gens qui sont dans le groupe le plus à risque ne peuvent pas en profiter. Il faudrait trouver d'autres moyens de leur venir en aide.

Dre Ross : Il faudrait faire intervenir le facteur temps. On n'aurait pas besoin d'un abonnement. Ce crédit d'impôt pour la condition physique se fonderait sur le temps. Je trouve l'idée d'un tel crédit d'impôt attrayante.

Dre Pound : C'est intéressant.

Le sénateur Enverga : Que pensez-vous d'un crédit d'impôt pour ceux qui adhéreraient à un programme de perte de poids de 10 livres en 10 jours? Est-ce que cela serait positif? En feriez-vous la recommandation?

Dre Ross : Comme l'a dit la Dre Pound, un crédit d'impôt pour ceux qui en ont besoin, pour le groupe de population le plus vulnérable, serait ce que je préconiserais sur le plan de l'alimentation.

Dre Pound : J'ai des réserves au sujet de ces programmes de perte de poids de 10 livres en 10 jours.

Dre Ross : Il est nécessaire de modifier du tout au tout son mode de vie. C'est la seule façon de procéder sur le plan du poids. Il faut faire un changement en profondeur qui puisse être géré pour le reste d'une vie.

Pour ce qui est de la santé cardiovasculaire, les gens dont le poids grimpe et chute courent un énorme risque. Souvent, dans ce genre de programme, la perte de poids est suivie d'une reprise de poids, et ainsi de suite. Cela comporte de gros risques. On souhaite changer les comportements, et il faut que le changement soit durable. Je préconise la condition physique.

Le président : Il y a les possibilités d'ordonnance d'abonnement à un gymnase, à des activités, et cetera, et cela se fait à plusieurs endroits dans la région. J'ai lu encore aujourd'hui une étude là-dessus. Elle démontre que, dans les trois mois après l'expiration de la subvention, la personne se trouve à la case zéro. Il faut que le traitement soit continu.

Dre Ross : C'est tout à fait vrai. On a pu constater cela dans les programmes de réadaptation cardiaque. À moins que les gens aient un accès soutenu, malheureusement, ils reviennent à leurs anciennes habitudes.

La sénatrice Seidman : Nos deux témoins sont ici au nom d'organisations nationales, comme vous l'avez dit, lesquelles représentent des médecins à divers titres. En ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, ces organisations représentent également des scientifiques, sans se limiter aux cliniciens praticiens. L'énoncé de mission de chacune des deux sociétés exprime clairement un souhait d'amélioration de la politique publique.

Vous avez abordé quantité de sujets ici aujourd'hui et vous avez fait valoir diverses idées. Je voudrais que chacune de vous me dise si les organisations que vous représentez ont déjà pris part à certaines interventions qui se sont avérées une réussite, soit pour la prévention ou la réadaptation.

Dre Ross : C'est une excellente question. Nous ne sommes pas une grosse organisation. Nous regroupons plus de 2 000 membres. Nous choisissons un secteur et nous nous y consacrons à fond.

Par le passé, nous avons témoigné devant un comité sénatorial concernant les questions d'accès aux soins, car il s'agit là d'une priorité dans le domaine de la médecine cardiovasculaire. Actuellement, nous mettons beaucoup d'accent sur les soins de qualité, les améliorations possibles à cet égard et l'évaluation de la qualité des soins dispensés au Canada. C'est un programme important pour l'instant, et nous faisons du travail de sensibilisation en ce qui concerne les soins de qualité.

Notre organisation a choisi de mettre en lumière les secteurs que nous estimons être d'une importance cruciale. Nous voulons atteindre un objectif dans certains secteurs plutôt que de déployer nos efforts sur toute une gamme d'enjeux.

Cela dit, nous avons constitué un groupe de réadaptation très nombreux et très dynamique pour ce qui est des maladies cardiovasculaires. Notre organisation a préparé et publié des lignes directrices sur la réadaptation cardiaque et la condition physique à la suite de diverses maladies cardiaques. En ce qui a trait à l'obésité, je pense que notre présence ici prouve notre intérêt et notre engagement.

Dre Pound : Quant à la Société canadienne de pédiatrie, elle fait régulièrement des recommandations sur divers sujets liés à la santé publique par l'entremise de déclarations des médecins. Toutefois, s'agissant de l'obésité et de la question de savoir si nous obtenons des résultats positifs, je n'ai pas de bonne réponse à vous fournir. Je me ferai un plaisir de me renseigner là-dessus et de faire parvenir une réponse aux membres du comité.

Le président : À cet égard, auriez-vous l'obligeance de communiquer directement avec notre greffière?

Dre Pound : Absolument.

Dre Ross : Dans la même veine, nous allons vous faire parvenir la Stratégie canadienne de santé cardiovasculaire et le plan d'action connexe, grâce auxquels nous espérions aboutir à des résultats dans le dossier de l'obésité à la lumière des recommandations que nous avons formulées en 2009.

La sénatrice Merchant : Avec l'aide de ma voisine et amie, je vais poser une question qui n'est pas celle que j'avais l'intention de poser au départ.

Étant donné qu'on a parlé ici de l'exercice physique et des abonnements à un gymnase, pouvez-vous nous parler des bienfaits de la marche à pied? Quelle doit être la distance parcourue? Est-ce que notre climat a quelque chose à voir avec cela? Il s'agit là d'un exercice qui est à la portée de presque tout le monde. Une personne obèse risque de ne pas pouvoir s'adonner à des activités très vigoureuses, mais elle peut marcher. Pouvez-vous nous dire quels sont les bienfaits de la marche à pied et quelle devrait être la distance parcourue en une journée?

Dre Ross : C'est une excellente question. De façon générale, la vaste majorité des gens peuvent marcher. Il est recommandé de marcher pendant 150 minutes à vive allure toutes les semaines, et cela serait considéré comme un exercice modéré. Ce n'est pas très difficile pour un adulte.

En général, lorsqu'il s'agit de prescrire des exercices à une personne qui n'a pas de risque de maladie cardiovasculaire, on recommande de commencer par une marche de 15 minutes par jour, puis d'y ajouter 5 minutes chaque semaine ou toutes les deux semaines, jusqu'à ce qu'on arrive à 30 ou 45 minutes. On recommande cette promenade à un bon rythme, cinq fois par semaine.

C'est ainsi qu'on arrive à 150 minutes : 30 minutes, cinq fois par semaine.

Pour les personnes qui ont des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, il faut parfois recommander une consultation chez le médecin avant qu'elles entament un programme d'exercice, pour veiller à ce que le programme soit sûr pour elles. Dans le cas des personnes qui ont d'importants antécédents familiaux, qui souffrent d'hypertension ou d'hyperlipidémie, qui fument ou qui sont diabétiques, nous leur demandons souvent de consulter d'abord leur médecin pour vérifier que le programme d'exercice régulier leur conviendra.

Pour certains, le meilleur programme est la réadaptation cardiologique, soit un programme d'exercice supervisé. Dans ce cadre, la prescription d'exercice est assortie d'une surveillance de la tension artérielle et de tout autre signe de problème.

Après la réadaptation cardiologique, les patients reçoivent une prescription d'exercice. J'appuie tout à fait ce qu'on leur dit à cette occasion, à savoir que cette prescription d'exercice est tout aussi importante qu'une ordonnance. Quand on achète des médicaments sur ordonnance à la pharmacie, on n'y repense pas à deux fois, et le programme d'exercice prescrit par votre omnipraticien ou votre spécialiste pour la réadaptation cardiologique doit être vu du même œil, avec la même attention.

Le programme de marche est très facile à suivre et peu coûteux. Il faut un environnement sûr, et cela dépend de votre milieu de vie.

Au Canada, deux extrêmes météorologiques peuvent compromettre un programme de marche, dans le cas de patients en cardiologie. Il y a d'abord les canicules estivales, lorsque le taux d'humidité ou le facteur humidex est élevé. Dans ces cas-là, nous ne recommandons pas la marche, parce que c'est une difficulté supplémentaire. Ensuite, il y a les jours de froid intense, qui font aussi l'objet d'avertissement météorologique : la marche à l'extérieur est alors déconseillée.

Pour les citadins, comme je le dis souvent, dans les centres commerciaux, il fait toujours 70 degrés, sans risque d'intempéries. D'ailleurs, beaucoup de centres commerciaux urbains ont un programme de marche matinal, avant l'ouverture des commerces et des restaurants de malbouffe. Il y a donc moyen de marcher, peu importe où vous vivez. En revanche, dans les régions isolées et rurales, le climat peut demander plus de prudence. Mais moi, je crois beaucoup aux programmes de marche.

Dre Pound : C'est vrai aussi pour les enfants. J'encourage les enfants aussi à marcher. Les directives recommandent une heure d'activité d'intensité modérée à vigoureuse, et une marche rapide est considérée comme une activité physique modérée. C'est une belle activité qu'on peut faire en famille, et c'est une façon d'amener toute la famille à faire de l'exercice.

La sénatrice Raine : Sur ce dernier point, j'ajouterai que lorsque l'on marche rapidement avec les enfants, ils doivent marcher encore plus rapidement parce qu'ils ont de toutes petites jambes. C'est donc efficace.

Nous vivons véritablement dans un environnement obésogène, et nous le voyons de bien des façons. Recommanderiez-vous, d'abord, d'interdire la commercialisation d'aliments et de boissons auprès des enfants de 16 ans et moins, par exemple, en disant que la publicité devrait être destinée aux adultes, car ce sont eux qui doivent faire ces choix?

En outre, il y a les programmes alimentaires dans les écoles qui sont évidemment très importants. Il existe d'excellents programmes dans nombre de provinces. Pensez-vous qu'on pourrait légiférer en la matière? Il est vrai que nous ne pouvons pas le faire au niveau fédéral, mais est-ce que vos organisations recommandent une telle mesure?

Voici maintenant ma troisième question. Lorsqu'il s'agit de quantifier, il faut prendre des mesures, et la plupart des gens ne peuvent pas calculer leur IMC. Mais ne vaudrait-il pas mieux établir des catégories distinctes pour chaque taille en fonction du tour de taille, de sorte qu'on puisse simplifier les choses pour les parents?

Et voici ma dernière question. Selon vous, si quelqu'un laisse son enfant engraisser, s'agit-il d'une forme de maltraitance?

Dre Pound : Je vais essayer de répondre à vos quatre questions.

Je suis tout à fait convaincue que la commercialisation auprès d'enfants de moins de 16 ans devrait être restreinte. Les enfants sont extrêmement vulnérables à la publicité. Ils ne sont pas encore capables de faire preuve de discernement. Selon moi, il est absolument évident que la publicité devrait être restreinte.

Je pense que les programmes dans les écoles devraient être encouragés au maximum. On devrait légiférer à cet égard, car, à mon avis, l'école joue un rôle égalisateur. Tous les enfants doivent aller à l'école, sauf ceux qui sont scolarisés à la maison. En tout cas, la plupart des enfants aboutissent à l'école. Les enfants de milieux socioéconomiques défavorisés iront à l'école, tout comme les enfants plus nantis. L'école est l'endroit où les enfants dont les parents n'ont pas nécessairement les moyens de les inscrire à des programmes parascolaires, ou à d'autres activités assorties d'un crédit d'impôt pour la condition physique, peuvent participer à certaines activités. Ainsi, je pense qu'il faut encourager au maximum les situations permettant à tous les enfants de participer à des activités.

Pour ce qui est de déterminer l'IMC des enfants au moyen d'une mesure précise, je pense que ce serait un peu difficile. C'est là qu'interviendrait le médecin. La plupart des enfants voient leur médecin annuellement. Le médecin devrait être capable de faire les calculs de l'IMC et devrait pouvoir prendre le tour de taille. La sensibilisation auprès de nos médecins est cruciale à cet égard, et il faut les encourager à discuter de ces sujets avec la famille. Ainsi, ils devraient prendre le poids de l'enfant, et ils savent comment s'y prendre. C'est dans nos lignes directrices. Les pédiatres et les médecins de famille sont censés peser et mesurer les enfants chaque année et inscrire les résultats sur une courbe de croissance. Ils peuvent alors décider selon la courbe de croissance, qui est vraiment facile à interpréter, si l'enfant souffre d'embonpoint ou d'obésité. Si c'est le cas, alors ils doivent formuler des recommandations et dans le cas contraire, ils devraient quand même faire des recommandations préventives. Cela doit se faire au cabinet du médecin.

Votre dernière question est un peu plus délicate. Laisser un enfant grossir, est-ce de la maltraitance? Je pense que le mot « maltraitance » est un peu fort.

La sénatrice Raine : Est-ce de la négligence?

Dre Pound : Pour l'heure, je ne sais pas quelle est la position de la Société canadienne de pédiatrie là-dessus, si bien que je vous donnerai une réponse personnelle. C'est comme toute autre chose en médecine. Si un médecin prescrit clairement des antibiotiques pour un état de santé et que les parents ne les administrent pas, je pense qu'ils pourraient être accusés de négligence en cas de conséquences négatives.

En l'occurrence, c'est un peu la même chose. Si un médecin prescrit des exercices à un enfant et que les parents ne tiennent pas compte de sa recommandation, alors oui, je pense que ce serait une cause de négligence, à supposer que les parents aient compris les recommandations et qu'ils n'aient rien fait. Par contre, s'ils ont essayé de faire quelque chose et qu'ils ont échoué, alors je dirais qu'il faut plus d'éducation et de ressources. Peut-être qu'il incombe aux médecins d'être plus clairs. Si on fait fi des recommandations, alors l'enfant risque de contracter des maladies et d'ajouter un lourd fardeau au système de soins de santé.

La sénatrice Chaput : Le lait, c'est bon pour les enfants ou non?

Dre Pound : C'est bon, avec modération. Cette règle s'applique à tout.

Dre Ross : Un peu de lait, c'est bon. C'est l'un de nos plus grands défis, qu'il ne faut pas oublier. Nous parlons beaucoup de la qualité des aliments, mais la quantité est tout aussi importante. Le lait ne fait pas de mal, mais si l'on remplace deux litres de Coca-Cola par deux litres de lait, le nombre de calories augmente de beaucoup. C'est une valeur qu'il faut surveiller. La qualité des aliments, c'est l'un de nos plus grands défis, mais il ne faut pas oublier la valeur calorigène, d'où l'importance de directives claires en la matière.

Dre Pound : Le lait peut causer bien des problèmes si on en consomme trop. Tout enfant qui consomme plus de 500 millilitres de lait par jour court le risque de multiples complications, l'obésité et l'embonpoint n'étant que deux d'entre elles. Puisque nous parlons de lait, je voudrais dire un mot sur l'allaitement. Allaiter, c'est essentiel pour réduire l'embonpoint et l'obésité, qui ont atteint une ampleur épidémique.

Le président : Pour rebondir sur la question de la sénatrice Raine sur la négligence à l'égard des enfants, un autre rapport sur l'obésité a été rendu public aujourd'hui. Récemment, certains ont saisi les tribunaux pour que l'obésité soit inscrite aux lois sur les droits de la personne, l'objectif étant de prévenir la discrimination sur la base de l'obésité. Dans l'une de ces causes, l'individu en question pesait près de 400 livres. Il a été renvoyé d'un centre de garde d'enfants. Les tribunaux ont statué que ce n'était pas un motif de licenciement. Vous le savez bien, une personne de cette taille ne peut nouer ses lacets ni s'occuper de petits enfants.

Nous avons un point de vue social sur ce qui est acceptable. Certains affirmaient que c'était mieux de faire de l'embonpoint qu'une insuffisance pondérale, ce qui a amené bien des gens à croire que faire de l'embonpoint ne posait pas problème. Inscrire l'obésité dans les lois sur les droits de la personne de certains pays pourrait avoir une importance considérable sur la perspective de la société sur cette question.

Docteure Pound, vos propos sur les graisses saturées m'ont étonné. Les graisses saturées semblent susciter chez vous une réaction négative. J'imagine que vous faites référence aux graisses saturées naturelles. La Dre Ross a parlé du beurre et de produits de remplacement. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les graisses saturées?

Dre Pound : Nous évoquions tout à l'heure l'importance de la modération. Trop consommer un aliment en particulier, quel qu'il soit, sera néfaste. Nous savons qu'une trop grande consommation de graisses saturées est néfaste pour la santé cardiovasculaire, mais en consommer une petite quantité avec une petite quantité de sucre ne fera de mal à personne.

Le président : Comme vous le savez, on a tendance à qualifier les graisses saturées de presque acceptables dans une alimentation normale. Certains l'ont fait valoir dans leurs publications, y compris dans des livres. Cette tendance a poussé la population vers le sucre, et nous savons que la biologie des graisses saturées est très différente de celle du sucre. Comme le sait l'un de mes collègues, en ma qualité de chimiste, je fais très peu confiance aux substituts aux produits naturels. Les répercussions de ces substituts ont été considérables.

Je suis d'accord avec la Dre Ross sur la question du beurre. Je me souviens de l'époque où... eh bien, je n'en dirai pas trop. Je n'ai pas une très grande estime pour la personne qui s'est enrichie en publiant des livres sur divers régimes tout en minimisant les conséquences du beurre; puis, nous avons connu la margarine. Nous avons vite appris que les substituts étaient susceptibles d'être pires que l'original. Durant ma vie, nous avons connu quatre périodes où le beurre était tantôt bon, tantôt mauvais.

Dre Pound : Je vous ai bien compris. Si l'on retire un produit des rayons, il sera remplacé par un autre qui aura lui aussi des conséquences négatives. Le secret, c'est d'avoir une alimentation saine; et la modération est essentielle. On peut manger un peu de tout, sans toutefois perdre de vue l'importance d'une alimentation saine.

Le président : Que ce soit dans les questions, les réponses ou les exposés, nous avons souvent dit aujourd'hui que c'était une question complexe. Vous avez parlé des changements qu'a connus la société. Au cours des 30 dernières années en particulier, nous sommes devenus beaucoup plus sédentaires. Pensez aux enfants et à la baisse spectaculaire de l'énergie qu'ils doivent dépenser pour une interaction sociale normale. Nous avons presque peur que les enfants aient à se déplacer à pied dans leur quartier. Certaines commissions scolaires ont pris des règlements interdisant aux enfants de se rendre à l'école à pied s'ils habitent à plus d'un kilomètre. L'autobus est obligatoire pour tous ceux qui habitent à plus d'un kilomètre.

Je suis très reconnaissant de ne pas avoir grandi à cette époque. Quand j'étais gamin, il n'y avait pas d'autobus scolaire, surtout pas dans les régions rurales. Il est facile de comprendre que nous aimions les terrains vacants. Nous y jouions à toutes sortes de jeux. Aujourd'hui, un terrain vacant est délimité et immédiatement mis en état pour des travaux. Je vais m'arrêter là, mais je voudrais simplement indiquer que, tout au long de notre étude, nous avons entendu parler des changements importants apportés à nos modes de vie, et ce, à partir de la petite enfance. Les conséquences de ces changements s'accumulent au fil du temps.

Je voudrais faire une dernière observation sur les régimes alimentaires. Docteure Ross, vous nous avez parlé des variations physiologiques que subissent ceux qui suivent un régime. Des études scientifiques montrent que le corps s'adapte à un certain poids. Une perte de poids change notre physiologie, ce qui incite notre corps à consommer davantage, ayant reconnu que le poids plus élevé était la valeur désirée.

Nous traitons d'une situation complexe. Vous nous avez beaucoup aidés à en comprendre l'ampleur. Sommes-nous plus prêts à formuler des recommandations précises pour résoudre ce problème en trois étapes faciles? Je n'en suis pas si sûr. En tout cas, j'ai trouvé notre discussion d'aujourd'hui passionnante. Vous nous avez fourni des réponses claires et éloquentes, et je vous en remercie.

La séance est levée.

(La séance est levée.)


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