Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 33 - Témoignages du 7 mai 2015
OTTAWA, le jeudi 7 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, afin d'examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse. J'invite mes collègues à se présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, sénatrice de Montréal, Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Wallace : John Wallace, sénateur du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, sénatrice de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis le vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues. Je vous rappelle tous que nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre notre étude de l'incidence croissante de l'obésité au Canada — ses causes, ses conséquences et la voie à suivre — en vue de produire un rapport à ce sujet.
Pour nous prêter main-forte, nous accueillons deux témoins. Je suis heureux de leur souhaiter la bienvenue. Je vous les présenterai au moment de les inviter à faire leur déclaration.
Comme nous l'avons convenu, la Dre Jennifer Blake, qui est directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, sera la première à prendre la parole.
[Français]
Dre Jennifer Blake, directrice générale, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant votre comité.
[Traduction]
La question à l'étude constitue un enjeu très important, et nous sommes heureux que le Sénat y porte attention.
Honorables sénateurs et membres du comité, je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous pour parler du problème de l'obésité au nom de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.
Étant donné que la mission de la SOGC est d'assurer la santé des femmes, je mettrai plus particulièrement l'accent sur les causes et les conséquences de l'obésité chez les femmes canadiennes.
Au Canada, le quart des femmes font de l'embonpoint et près d'un cinquième d'entre elles sont obèses. Comme vous le savez, l'embonpoint et l'obésité sont associés à de nombreuses maladies chroniques, dont le diabète, les maladies cardiaques et certains cancers, notamment le cancer du sein et le cancer de l'endomètre. En fait, on estime qu'il est possible de prévenir le tiers de tous les cancers en mangeant bien, en étant actif et en maintenant un poids santé.
Nous entendons dans la presse que les hormones ménopausiques, par exemple, causent le cancer du sein, ou qu'elles y sont associées, mais l'obésité augmente le risque d'avoir ce cancer dans la même proportion absolue, et pourtant, personne ne s'en préoccupe.
Bien entendu, l'alimentation est étroitement liée à ces taux effarants d'obésité et aux morbidités connexes. Notre alimentation de type occidental contribue considérablement à l'excès de poids, ainsi qu'à l'obésité, au diabète de type 2 et aux maladies cardiaques.
La prévention, l'amélioration du régime alimentaire et un rythme de vie plus actif constituent la solution pour réduire le nombre de morbidités associées à l'embonpoint et à l'obésité. Une perte de poids de l'ordre de 5 à 10 p. 100 peut avoir un effet très considérable. Une alimentation saine — et je ne parle pas de cures d'amaigrissement, mais bien de manger santé — peut non seulement réduire les risques d'obésité, mais aussi soulager d'autres symptômes associés à la santé des femmes. À titre d'exemple, les femmes en Chine, à Singapour et au Japon ressentent sans doute moins les symptômes de la ménopause en raison d'une alimentation faible en gras et à forte teneur en fibres.
Encourager les femmes à manger santé, à être plus actives et à faire régulièrement de l'exercice n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser. De nombreux facteurs contribuent à la capacité d'une personne à se procurer des aliments sains pour elle et pour sa famille, y compris sa forme physique, sa santé mentale, sa capacité cognitive, sa santé dentaire, la pauvreté, des facteurs culturels et les préférences du patient.
La sécurité alimentaire est un enjeu considérable pour de nombreux Canadiens, plus particulièrement ceux qui vivent dans des collectivités rurales et dans le Nord.
De la même façon, des facteurs externes tels que l'environnement physique jouent un rôle essentiel dans la capacité d'une personne à adopter un mode de vie sain : la présence de parcs, de sentiers récréatifs, d'espaces verts et d'endroits sécuritaires situés à l'extérieur.
Des déterminants sociaux de la santé tels que le logement, les possibilités économiques et la sécurité alimentaire sont liés au gain de poids excessif pendant la grossesse. Lorsque chercher un endroit sûr où passer la nuit et quelque chose à manger constituent d'importantes préoccupations, il est possible que la valeur nutritive des repas ne soit pas une priorité.
De plus, le stress modifie la façon dont notre corps métabolise les gras et il nous rend plus susceptibles de prendre du poids. Le stress socioéconomique est un facteur aggravant de l'obésité.
Améliorer l'accès aux aliments sains et réduire le stress lié aux facteurs socioéconomiques peut accroître la capacité physique, psychologique et émotionnelle d'une femme à s'alimenter sainement. Dans bien des cas, il est également essentiel de tenir compte des déterminants sociaux de la santé, y compris le maintien d'un poids santé, pour améliorer l'issue d'une grossesse.
En raison des nombreuses répercussions de l'obésité sur la santé et des difficultés associées à la perte de poids durable, l'adolescence est une période critique pour développer des habitudes de vie saines. Vous avez déjà entendu dire qu'un cinquième des enfants canadiens entre 5 et 17 ans font de l'embonpoint et que 12 p. 100 d'entre eux sont obèses. Chez les adolescentes, l'obésité peut entraîner des irrégularités menstruelles, une faible estime de soi et un développement plus lent. Les facteurs associés à l'embonpoint et à l'obésité chez les adolescents comprennent une consommation moindre de fruits et de légumes, une consommation excessive de boissons sucrées, un faible apport en fibres, l'omission du petit déjeuner, le fait de manger souvent au restaurant et une sédentarité accrue.
De nombreux adolescents arrivent à l'âge adulte sans avoir appris à l'école — où je voudrais que ce soit obligatoire — ou dans leur famille comment se nourrir et préparer des repas. De moins en moins de familles mangent ensemble. Pourtant, les recherches indiquent que les adolescents qui mangent des repas avec leur famille réussissent mieux à l'école, sont moins sujets à l'abus de substances, s'adaptent mieux socialement et ont une perception plus positive de leur avenir.
L'embonpoint et l'obésité peuvent nuire grandement à la fécondité des femmes. Dans la majorité des cas, les femmes souffrant d'embonpoint et les femmes obèses ovulent moins souvent ou pas du tout, ce qui entraîne l'hypofertilité ainsi que d'autres problèmes de santé relatifs au bilan énergétique et aux fonctions hormonales altérées. L'obésité est associée aux taux élevés d'androgènes, à l'intolérance au glucose, à l'irrégularité menstruelle et à la stérilité. On observe souvent ces symptômes chez les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, une condition qui était probablement bénéfique pour les femmes avant la disponibilité accrue et la surabondance de la nourriture.
À l'heure actuelle, 50 p. 100 des femmes atteintes de ce syndrome sont obèses. Le fait de perdre du poids tout au long de sa vie, ne serait-ce qu'une perte de poids de l'ordre de 2 à 5 p. 100, peut entraîner d'importantes améliorations cliniques, y compris une fonction métabolique et une fonction de reproduction accrues.
Au Canada, le tiers des femmes font de l'embonpoint ou souffrent d'obésité au début de leur grossesse. Ces femmes ont un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 25, ce qui les rend plus à risque — et il s'agit de quelques exemples parmi plusieurs — de souffrir de diabète gestationnel, de devoir accoucher par césarienne ou de donner naissance prématurément, alors que leur bébé est plus susceptible de souffrir d'hypertrophie fœtale, d'avoir un poids élevé à la naissance ou d'être atteint d'une maladie congénitale. Les bébés concernés sont moins susceptibles d'être nourris au sein et risquent davantage de faire de l'embonpoint pendant leur enfance. Ils sont également plus à risque de souffrir d'une maladie chronique à long terme.
Beaucoup de femmes croient encore qu'elles devraient manger deux fois plus pendant leur grossesse, mais il serait plus sain pour elles de manger deux fois mieux. Les besoins en énergie n'augmentent que modérément durant la grossesse. Ces besoins n'augmentent pas pendant le premier trimestre et seulement de 340 calories par jour durant le deuxième et de 450 calories pendant le troisième. À vrai dire, les femmes enceintes n'ont besoin que de deux ou trois portions indiquées dans le Guide alimentaire canadien pour assurer la croissance de leur bébé.
L'indice de masse corporelle préalable détermine largement le gain de poids pendant la grossesse, ce qui fait ressortir davantage le besoin d'atteindre et de maintenir un poids santé en bas âge. Les femmes souffrant d'embonpoint sont trois fois plus susceptibles d'avoir un poids supérieur à ce qui est recommandé selon les comparateurs utilisés. De plus, commencer une grossesse en faisant de l'embonpoint ou en souffrant d'obésité, pour ensuite prendre du poids les mois qui suivent, augmente davantage le risque d'issue défavorable de la grossesse, notamment le risque d'hypertension gestationnelle, de prééclampsie, de diabète gestationnel, de naissance par césarienne, de rétention pondérale après la grossesse, de naissance d'un gros bébé, de naissance prématurée et ainsi de suite.
Ces issues défavorables de grossesse augmentent le risque de diabète gestationnel, lequel fait grimper le risque d'hypertension, de prééclampsie, d'accouchement par césarienne, de prédiabète, de diabète de type 2 entraînant des changements rétiniens qui se poursuivent de 5 à 10 ans après la grossesse, de malformations fœtales, d'hypoglycémie néonatale, de macrosomie, de retard de croissance, de dystocie de l'épaule causant des blessures à la naissance, de taux élevé de bilirubine chez les bébés — la liste est interminable —, de mortalité néonatale ainsi que d'obésité et de diabète de type 2 chez les bébés.
Il s'agit d'une des principales causes de risque accru de naissance par césarienne. Les femmes souffrant d'embonpoint accouchent difficilement. Je reviens tout juste des États-Unis, où l'obésité est un des grands facteurs responsables des taux de mortalité maternelle deux fois, voire trois fois, plus élevés qui y sont observés. Les conséquences accrues des issues défavorables de grossesse sur la santé entraînent également une hausse des coûts pour le système de santé en raison des ressources supplémentaires qui sont nécessaires pour soigner les bébés et les mères.
Les études qui concluent à l'importance de la nutrition in utero se multiplient. Selon les résultats des recherches, il est possible que la nutrition in utero fixe le développement, le métabolisme et le risque de maladie chronique à l'âge adulte du fœtus en croissance. Les bébés dont les mères ont gagné du poids durant la grossesse sont plus susceptibles de souffrir d'embonpoint pendant l'enfance et l'âge adulte, et ils risquent davantage de développer une maladie. C'est un risque multigénérationnel.
De façon générale, les travaux de recherche indiquent que le gain pondéral excessif accroît le risque de surpoids et d'obésité de l'enfant de 30 à 40 p. 100. Au moment d'examiner la voie à suivre, il est important de reconnaître que la grossesse et l'adolescence constituent deux périodes d'intervention clé dans la vie d'une femme, des périodes qui présentent un potentiel élevé de réduction de l'obésité et d'amélioration de la santé, non seulement pour les femmes qui nous entourent, mais aussi pour celles des générations futures.
Sur le plan de la santé publique, il nous faut une stratégie nationale en matière de nutrition pour les adultes et les femmes enceintes. La grossesse est une période cruciale où il est possible d'intervenir pour réduire ces incidences intergénérationnelles à long terme. Les femmes qui sont informées des recommandations relatives au gain de poids au début de leur grossesse et qui ont accès à de l'information et à du soutien sont plus susceptibles de prendre le poids recommandé pendant leur grossesse. Le milieu de vie et de travail, l'accès à des aliments sains, la possibilité de faire de l'activité physique et le soutien du conjoint et de la famille sont également des facteurs qui influent sur le gain de poids pendant la grossesse.
La grossesse est une période cruciale pour favoriser des changements intergénérationnels durables. Faciliter l'accès à l'éducation et réduire les obstacles à un environnement sain pendant cette période critique devraient être une priorité en matière de santé publique. Compte tenu des répercussions intergénérationnelles du poids avant la conception et du gain de poids pendant la grossesse, les efforts pour réduire l'obésité doivent commencer bien avant la grossesse. Les adolescentes doivent être mieux informées au sujet de la nutrition et de la préparation des aliments.
En améliorant la santé nutritionnelle et les connaissances des adolescentes en la matière, nous pouvons faire en sorte qu'elles n'entreprennent pas une grossesse si leur poids est malsain et qu'elles possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour améliorer la santé de leur future famille.
Il est également essentiel de répondre aux besoins des populations vulnérables en assurant la sécurité alimentaire de tous les Canadiens. L'effet de nos efforts s'en trouverait amplifié, et cela permettrait non seulement d'améliorer la nutrition et de lutter contre l'obésité, mais aussi, en même temps, d'améliorer la situation relative à d'autres préoccupations pressantes en matière de santé sociale.
Enfin, nous demandons au gouvernement du Canada d'investir dans l'établissement d'une base de données nationale sur la santé maternelle. Ces données porteraient notamment sur la mortalité, le contrôle de la morbidité et la surveillance. En ayant accès à des données fiables, nous pouvons élaborer des stratégies pour intervenir de manière plus efficace et plus exhaustive. Ce n'est qu'en procédant ainsi que les Américains ont pu déterminer que c'est l'obésité qui est à l'origine de l'augmentation actuelle des taux de mortalité maternelle dans leur pays. Au Royaume-Uni, un processus rigoureux similaire a permis une analyse valable de ces chiffres.
À la SOGC, nous adressons aux professionnels de la santé d'importantes recommandations sur la façon de consulter les patients. À l'heure actuelle, nous élaborons une directive clinique concernant la nutrition des femmes tout au long de leur vie. De plus, nous venons tout juste de lancer un site web de sensibilisation du public sur la grossesse pour que les femmes puissent consulter l'information fondée sur des données probantes fournies par des spécialistes de la santé.
La Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique se concentre également sur cette question en raison de ses répercussions importantes sur les femmes et les générations futures. Elle va bientôt publier des recommandations internationales sur l'adolescence, la santé avant la grossesse et la nutrition maternelle. La SOGC et ses membres sont bien placés pour améliorer le cycle de santé intergénérationnel qui est transmis d'une mère à son enfant, mais ils ne peuvent pas agir seuls. Nous nous réjouissons de l'occasion de travailler avec votre comité sur ce dossier important. Nous vous félicitons de prendre le temps d'en apprendre davantage au sujet des effets de l'obésité sur la santé des femmes et des membres de leur famille.
Le président : Docteur Dent, je vous prie de commencer votre exposé.
Dr Robert Dent, médecin, Association canadienne des médecins et chirurgiens bariatriques : Je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux de voir que votre groupe se penche sur cette question. Je représente l'Association canadienne des médecins et chirurgiens bariatriques, une organisation qui a vu le jour en 2006. Son mandat est de rassembler les médecins et les chirurgiens qui s'intéressent plus particulièrement à la médecine et à la chirurgie bariatriques dans le but de faire progresser les connaissances, de faciliter et de favoriser la recherche, d'offrir et de soutenir des programmes de formation continue, d'élaborer des politiques et des approches novatrices en matière de soins cliniques, de promouvoir les points de vue des médecins et des chirurgiens bariatriques du Canada, et de faciliter la communication avec le public, le milieu médical et les ministères de la Santé de tous les ordres de gouvernement afin de sensibiliser les gens aux risques pour la santé de l'obésité, notamment l'obésité grave et morbide, au fardeau financier et sanitaire qu'elle représente, et ainsi de suite.
La Dre Blake a très bien présenté les chiffres. Nous sommes parfaitement d'accord à ce sujet. Il y a une tendance préoccupante, car la prévalence de l'obésité au Canada était nettement moindre en 1985. Plus tard, en 2004, nous voyons que le taux d'obésité oscille autour de 25 p. 100. Pour ce qui est de l'embonpoint, on parle d'environ la moitié de la population canadienne.
En ce qui a trait à la prévalence de l'obésité dans les pays de l'OCDE, de 2004 à 2008, nous constatons que nous occupons le quatrième rang à l'échelle mondiale. Dans cette étude, les États-Unis se situent au premier rang, le Mexique et la Nouvelle-Zélande semblent nous devancer, et le Royaume-Uni nous suit de très près. Dans la version en couleur du graphique, on constate que certains de ces chiffres ont été autodéclarés et que d'autres représentent des mesures de poids, qui sont toujours supérieures aux données autodéclarées.
Nous devons donc nous rendre à l'évidence : un Canadien sur deux fait de l'embonpoint, et un sur quatre est obèse. Chez les adultes canadiens âgés de 20 à 64 ans, un âge auquel on ne devrait pas mourir, 1 décès prématuré sur 10 est attribuable à l'obésité. L'obésité chez les enfants et les adolescents a triplé depuis plus de 20 ans.
Quelle est la situation de la médecine bariatrique au Canada? J'ai joint une série de travaux de recherche effectués par Marie-France Langlois au Québec. La synthèse de ces travaux est à la page suivante. Il s'agit de cette grille. On constate que nous avons tout simplement très peu d'établissements qui soignent l'embonpoint. Nous parlons d'un problème qui touche de 20 à 25 p. 100 de la population, ce qui en fait le problème de santé chronique le plus répandu au pays. Pourtant, nos établissements de soins sont vraiment inadéquats.
Comment en sommes-nous arrivés là? C'est une véritable épidémie. Cette augmentation de la prévalence du surpoids nous ramène au vieux concept de l'apport énergétique par rapport à la dépense énergétique. L'apport énergétique nous vient de la nourriture que nous absorbons; nous dépensons de l'énergie en faisant de l'exercice et en pratiquant d'autres activités.
Voyons ce qu'il en est. Il y a quelques conclusions à tirer de tout cela. Disons d'abord et avant tout que l'apport énergétique semble avoir diminué aux États-Unis entre 1940 et le début du XXIe siècle. Ce sont des chiffres tirés d'études démographiques. Alison Stephen présente le tout de manière plutôt humoristique. Aux aliments produits aux États-Unis, on a ajouté ceux qui sont importés avant d'en soustraire les exportations et les aliments gaspillés, selon l'étude d'un échantillon aléatoire de poubelles domestiques. On en arrive ainsi à une diminution de l'apport alimentaire. Une étude démographique semblable menée au Royaume-Uni a donné à peu près les mêmes résultats. L'apport énergétique est donc de toute évidence variable, mais ce n'est pas nécessairement la seule cause du problème.
Qu'en est-il des dépenses énergétiques? Lorsqu'il était à Queen's, Peter Katzmarzyk a mené une étude sur la prévalence de l'inactivité. Il a en fait essayé d'établir le pourcentage de la population dont les dépenses énergétiques quotidiennes étaient inférieures à trois calories par kilogramme. Cela correspond à environ 210 calories par jour. Il faut marcher quelque trois kilomètres pour atteindre ce niveau. Sur une période de deux décennies, soit de 1980 à 2000, il a constaté que les gens étaient de plus en plus nombreux à ne pas franchir ce seuil. Il semble pourtant y avoir une augmentation des activités physiques planifiées.
Alors, comment expliquer ce phénomène? Il faut faire un peu d'histoire sociale. À l'occasion d'une inhabituelle journée pluvieuse au Mexique, je suis tombé sur une pile de vieux magazines. J'y ai trouvé une publicité de dactylo électrique dans un numéro de 1955 de Life. Dans une annonce contraire à la rectitude politique — et ne tirez pas sur le messager —, la secrétaire dit à son patron qu'elle est ravie de pouvoir utiliser cette machine qui lui demande, selon les gens d'IBM, moins d'énergie pour taper pendant toute une journée qu'elle n'en dépenserait pendant 20 minutes sur une dactylo ordinaire. Si on fait le calcul, cette secrétaire engraisserait de quatre livres par année si elle ne modifiait pas son régime alimentaire. Les diapositives suivantes nous montrent les effets de différentes innovations technologiques : deux livres par année pour les postes téléphoniques supplémentaires; encore deux livres pour les ouvre-portes automatiques de garage; et 10 livres par année pour la télécommande de la télévision.
Nous voyons ainsi notre société se vider subtilement de ces occasions de dépense énergétique jusqu'à ce que l'on renonce à toute subtilité avec l'invention de l'ordinateur. Désormais, des gens pouvaient travailler à l'écran pendant toute la journée et y consacrer encore toute la soirée à la maison sans dépenser quelque énergie que ce soit, si ce n'est pour maintenir leur rythme cardiaque et leur température corporelle à 10 degrés au-dessus de la température ambiante. Il y a donc une baisse stupéfiante de l'activité physique au sein de notre société.
Cela m'a amené à me poser une question encore plus importante : pourquoi ne sommes-nous pas tous en surpoids? Il faut surtout s'étonner du fait que 75 p. 100 d'entre nous ne sommes pas obèses et que la moitié d'entre nous ne faisons pas d'embonpoint. Je vous parle dans la perspective d'un chercheur. Je me suis intéressé pour ma part plus particulièrement aux fondements génétiques de l'obésité.
Il va de soi que la suralimentation et la diminution de l'activité physique sont des causes importantes de l'obésité. Mais il faut considérer également nos gènes. Pas moins de 600 régions de la carte génétique humaine ont une incidence sur notre poids. Si vous en avez une ou deux qui sont particulièrement actives, il vous faudra faire beaucoup plus d'efforts que les autres pour maintenir votre poids. Si vous en avez une série qui sont faibles, le résultat pourrait être le même.
On commence alors à s'intéresser, non seulement aux mutations ponctuelles, mais aussi au fardeau génétique découlant de ces gènes qui ont pu subir une transformation chimique modifiant leur fonctionnement.
C'est ce qui se produit dans votre domaine, docteure Blake, lorsqu'une mère ne mange pas à sa faim. Son fœtus développe alors des habitudes de stockage des graisses qui augmentent d'autant les risques d'obésité plus tard dans sa vie. Il n'y a donc pas seulement le problème des mères qui prennent trop de poids, mais aussi celui de celles qui sont trop maigres ou qui fument, ce qui entrave le fonctionnement de leur placenta.
Les gènes sont mon sujet de prédilection, mais je ne vais pas entrer dans les détails.
Il y a aussi les médicaments prescrits par les médecins. Certains médicaments psychiatriques entraînent de forts gains de poids, et il y a des virus qui ont le même effet. Si vous vous intéressez à ces questions, nous pourrons en discuter.
En conclusion, il faut dire que l'obésité n'est pas uniquement attribuable à deux des sept péchés capitaux, à savoir la paresse et la gourmandise. C'est un problème plus complexe. Les risques de morbidité et de mortalité sont élevés.
C'est le dernier bastion pour la discrimination licite. Une personne qui fait de l'embonpoint peut faire l'objet de discrimination. Il est possible qu'elle ne puisse pas obtenir l'emploi qu'elle convoite et pour lequel elle est qualifiée. C'est un problème démographique.
Il faut retenir que la problématique comporte deux facettes. C'est d'abord un problème médical qui doit être réglé par un médecin, et nous avons besoin de meilleurs outils à cet effet. C'est aussi un problème démographique que l'on peut illustrer encore une fois par la comparaison entre l'apport et la dépense en énergie. En considérant latéralement le jeu de bascule, on peut voir à la diapositive suivante tous les autres facteurs à l'origine de l'épidémie. Il y a des éléments biologiques qui peuvent influer sur certains individus, mais reste quand même que notre population évolue dans un environnement très propice au gain de poids.
Docteure Blake, vous avez parlé de quelques-uns de ces problèmes de nutrition. Vous avez mentionné le stress. Je pense que vous avez aussi abordé les aspects sécurité et activité physique. Il fut une époque où les enfants se rendaient à l'école à pied. Les parents vont maintenant les reconduire parce qu'ils craignent pour leur sécurité. Il y a toute une série de facteurs qui peuvent avoir une influence au sein de notre société.
C'est d'ailleurs pour cette raison que je me réjouis autant de l'initiative que vous avez prise en amorçant cette étude. Nous devons traiter les patients obèses dans le cadre de notre pratique, mais c'est vous qui êtes chargé de prendre les décisions pouvant influer sur les facteurs qui entrent en jeu dans notre population. Il y a déjà quelques exemples de mesures semblables, comme ces petits tableaux au dos des emballages des produits vendus dans les supermarchés pour indiquer la quantité de calories et de protéines, notamment. Les restaurants offrent maintenant aussi quelque chose de semblable.
Je vais en rester là pour l'instant.
Le président : Je vais maintenant donner la parole à mes collègues qui ont des questions à poser à nos témoins.
Le sénateur Eggleton : Merci à tous les deux pour votre présence et vos exposés.
Docteure Blake, je me réjouis que vous ayez parlé des déterminants sociaux de la santé, comme le logement, les perspectives économiques et la salubrité des aliments, et des impacts que ces éléments peuvent avoir sur le régime alimentaire d'une personne, son niveau d'activité physique et son mode de vie en général, ainsi que sur ses risques d'obésité ou d'embonpoint.
Je n'ai vu aucune donnée statistique concernant les personnes pauvres ou à faible revenu — les chiffres de Statistique Canada sont établis en fonction de quintiles de revenu. Avez-vous des données qui indiqueraient que les répercussions peuvent être plus fortes pour ces gens-là? Je présume que les personnes à faible revenu risquent d'être davantage touchées, mais existe-t-il des statistiques le démontrant?
Dre Blake : Il y en a. Ce ne sont toutefois pas des statistiques canadiennes car, comme je l'ai indiqué, nous ne disposons pas d'une telle base de données. Comme nous ne menons pas d'enquêtes confidentielles permettant des analyses comme celles effectuées au Royaume-Uni et aux États-Unis, je vais m'en tenir aux données de ces pays-là. Ces données démontrent clairement — et je parle ici des femmes enceintes — qu'il existe une forte corrélation entre un statut socioéconomique inférieur et le risque d'obésité.
C'est attribuable à différents facteurs dont l'accès aux marchés d'alimentation et la façon dont les prix sont établis. Il est bien connu que les denrées alimentaires courantes ne sont pas vendues au même prix dans les quartiers les plus démunis, ce qui empêche les résidents de ces quartiers d'avoir accès à quelques-uns des aliments frais et sains que nous tenons pour acquis dans nos épiceries. Aux États-Unis, on constate une augmentation de la mortalité maternelle qui est associée de façon disproportionnée à l'obésité au sein de groupes minoritaires vulnérables qui sont identifiables. Les risques de maladie cardiovasculaire sont notamment considérés comme extrêmement élevés pour les femmes dans certains États américains. Il y a donc des données sur la mortalité maternelle qui permettent non seulement de conclure que l'obésité est un facteur, mais aussi de constater que le risque augmente en fonction du degré d'obésité. Plus une mère est obèse, plus elle risque de mourir de complications cardiovasculaires.
C'est également un phénomène biologique en raison de l'impact du stress sur le cortisol et le métabolisme des graisses. Les femmes dans cette situation se retrouvent dans un véritable cercle vicieux.
Le sénateur Eggleton : Aux fins de l'étude que nous avons entreprise, il serait bon que nous puissions avoir des données statistiques sur l'obésité en fonction des niveaux de revenu établis par Statistique Canada.
Dans la perspective de la santé publique, vous avez également indiqué que nous avions besoin d'une stratégie nationale en matière d'alimentation pour les adolescentes et les femmes enceintes. Est-ce qu'une grande partie du travail en ce sens a déjà été accomplie par votre association ou par d'autres groupes? De quoi avons-nous besoin pour pouvoir aller de l'avant?
Dre Blake : Il y a du travail qui est fait. Nous nous employons actuellement à rédiger des lignes directrices sur la nutrition des femmes qui devraient être publiées sous peu. Nous nous intéressons aux femmes aux différentes étapes de leur vie. Nous visons à la fois les adolescentes et les femmes. Notre rôle se limite à émettre des lignes directrices. Il faut une intervention stratégique de nos différents ordres de gouvernement pour que des changements significatifs puissent être apportés via l'application des lignes directrices que nous diffusons.
Le sénateur Eggleton : Ne serait-il pas logique que l'Agence de la santé publique du Canada prenne en charge cette initiative?
Dre Blake : Ce serait logique et l'agence pourrait être un partenaire très précieux.
Le sénateur Eggleton : Docteur Dent, vous nous avez donné un aperçu des raisons pour lesquelles, selon vous, la prévalence a augmenté au fil des ans en vous servant de cartes et de graphiques fort révélateurs, sans compter une photo de chat assez intéressante. Comme vous l'avez souligné, nous faisons partie des décideurs. D'après vous, quelles politiques devrions-nous envisager à l'échelon fédéral ou même suggérer aux provinces dans ce dossier?
Dr Dent : J'aimerais bien pouvoir vous répondre, mais ce sont d'autres questions qui me viennent à l'esprit. D'abord et avant tout, d'importants efforts de recherche s'imposent pour mieux comprendre ce qui se passe au sein de notre société. J'estime personnellement, et il y a certaines données qui le confirment, que ces tableaux sur les emballages des produits alimentaires ont leur utilité. Les premières recherches à ce sujet ont donné des résultats plutôt décevants, mais pour ceux parmi nous qui devons traiter des personnes obèses, c'est vraiment un bon outil de sensibilisation. Je pense qu'il pourrait y avoir des améliorations dans ce sens-là.
Les menus de restaurant indiquant non seulement les prix, mais aussi la teneur en calories et des renseignements du genre sont vraiment importants, tout comme les différentes mesures pouvant être prises pour favoriser l'activité physique. Les résultats sont variables, mais il faut vraiment avoir une idée de ce qui peut être fait pour encourager les gens à être plus actifs. Je crois que l'initiative ParticipACTION a produit certains résultats, mais on n'en entend plus guère parler.
Il y a eu des allègements fiscaux pour des produits comme les équipements de hockey, mais cela a peut-être pour effet d'aggraver le problème, car bien des parents se retrouvent maintenant inactifs à regarder leurs enfants jouer. J'aurais bien aimé avoir de bonnes solutions à vous proposer, mais j'ai davantage d'interrogations.
Le sénateur Eggleton : J'aurais une question pour vous deux. Qu'en est-il du marketing et de la publicité visant les enfants, à la télévision par exemple?
Dre Blake : Je ne connais pas nécessairement aussi bien les recherches effectuées à ce sujet, mais il semble exister des preuves assez concluantes de l'efficacité de la publicité, comme en témoigne l'ampleur prise par cette industrie. Il est malheureusement beaucoup plus difficile de susciter de l'intérêt dans le cadre de certaines de nos initiatives en santé publique. Je pense que l'on a su prendre des mesures efficaces comme la réduction de la publicité sur la malbouffe destinée aux enfants, et je crois que cela peut être bénéfique.
Par ailleurs, on pourrait aussi chercher à modifier les codes du bâtiment de manière à donner accès à des escaliers invitants dès l'entrée d'un édifice, plutôt que d'obliger ceux qui veulent monter à pied à emprunter un escalier de secours dissimulé dans un coin sombre. Différentes politiques pourraient être élaborées pour favoriser l'activité physique. Je veux souligner comme l'a fait le Dr Dent que ce ne sont pas tant les visites au gymnase qui importent; il faut surtout chercher à incorporer l'activité physique à tout ce que nous faisons.
Dr Dent : Je pourrais vous donner l'exemple de l'Institut de cardiologie où de beaux tableaux ont été installés dans les escaliers qui sont très propres. L'Hôpital d'Ottawa n'en a pas fait autant et personne n'utilise jamais les escaliers, alors qu'il y a toujours quelqu'un dans ceux de l'Institut de cardiologie. Ces deux établissements relèvent pourtant de la même administration. Des mesures comme celles-là sont très importantes.
Quant à la publicité visant les enfants, ce n'est pas non plus ma spécialité. Je sais que les enfants regardent beaucoup la télé et que l'on devra absolument s'employer à transformer les habitudes et les mœurs de nos concitoyens. Je crois que les enfants ont été emportés par une vague différente de celle qui a touché leurs parents avec l'arrivée de l'ordinateur. Ils se servent maintenant de téléphones intelligents et d'appareils semblables. Mais ce sont aussi des outils qui peuvent être utilisés à bon escient, notamment pour le suivi de l'activité physique, ce qui en fait peut-être une avenue intéressante.
La sénatrice Seidman : Merci à vous deux pour vos exposés.
Docteure Blake, vous avez beaucoup parlé d'un régime alimentaire sain. Vous avez aussi abordé des aspects qui m'intéressent tout particulièrement en traitant de prévention, de recherche et de sensibilisation du public et des professionnels. De fait, votre société produit des lignes directrices cliniques nationales tant à l'intention des citoyens que des professionnels de la santé, sur d'importantes questions touchant la santé des femmes. À la lumière de ce que nous ont dit des témoins précédents, ce sont tous là des aspects primordiaux de cette problématique.
Lorsque vous parlez par exemple de grossesse et de l'importance de bien s'alimenter et de ne pas trop prendre de poids, je pense à tous ces cours prénataux que l'on dispense maintenant. Pouvez-vous nous en dire plus long sur ces lignes directrices que votre société émet à l'intention de la population et des médecins dans ce contexte?
Dre Blake : Nous avons effectivement des lignes directrices bien documentées en matière d'obésité et de grossesse. Nous nous apprêtons à publier nos lignes directrices qui portent sur l'alimentation aux différentes étapes de la vie, y compris la grossesse. Nous avons un site web où l'on trouve de l'information sur l'alimentation pour les femmes et nous avons bien sûr travaillé en collaboration avec les responsables du Guide alimentaire canadien et de Santé Canada pour en arriver à bon nombre de ces recommandations. C'est un travail qui a entièrement été appuyé par notre société, car nous estimons qu'il est dans l'intérêt public d'œuvrer pour une meilleure alimentation.
Nous constatons, et je pense que notre société a tout lieu de s'en inquiéter vivement, que les mères les mieux nanties sont très préoccupées par leur alimentation et surveillent chacune de leur bouchée au point d'en devenir presque angoissées par rapport aux risques encourus. On constate par ailleurs dans d'autres segments de notre société que certaines mères ne nourrissent que peu d'espoir pour elles-mêmes. En pareil cas, il est très difficile d'espérer un avenir meilleur pour la prochaine génération alors que l'on a difficilement accès à des aliments frais et sains. Nous devons donc déplorer au sein de notre société une véritable polarisation quant à l'état de santé des femmes enceintes, ce qui nous inquiète au plus haut point.
La sénatrice Seidman : Comme vous l'avez mentionné à plusieurs reprises dans votre exposé, votre société a de toute évidence adopté une approche fondée sur les faits dans ce domaine en modulant ses interventions en conséquence. Selon ce que vous nous avez dit, les recherches ont démontré que les femmes mises au courant des recommandations en matière de gain de poids dès le début de leur grossesse et ayant accès à de l'information sur une alimentation saine et des activités physiques appropriées sont davantage susceptibles d'atteindre le poids voulu pendant leur grossesse.
Avez-vous des exemples de travaux de recherche interventionnelle qui confirmeraient cela? Nous avons en effet besoin d'éléments probants de la sorte pour pouvoir formuler des recommandations pouvant être appliquées.
Dre Blake : Puis-je vous faire parvenir cela ultérieurement?
Le président : Oui, par l'entremise de notre greffière.
Dre Blake : Ce sera avec plaisir.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.
Docteur Dent, j'aimerais que vous nous parliez de la chirurgie bariatrique en tant que telle. Comme il est question de données probantes et de pratiques éprouvées, pourriez-vous m'indiquer quelles recherches ont été menées pour déterminer les effets à long terme de cette chirurgie sur la stabilité pondérale et la santé des patients?
Dr Dent : Oui. Il faut d'abord savoir qu'il y a plusieurs types de chirurgies bariatriques. C'est la gastroplastie Roux-en-Y qui est la mieux documentée. L'extrémité supérieure de l'estomac est rétrécie et séparée de la partie principale. Elle est reliée à l'intestin grêle environ au tiers de sa hauteur. Les gens mangent moins, mais le résultat visé vient du fait que l'on court-circuite l'estomac et environ le tiers de l'intestin grêle. L'absorption ne se fait pas aussi bien. Il y a également une transformation majeure des hormones intestinales.
C'est l'intervention la plus efficace à notre disposition. D'après une étude suédoise sur l'obésité, la perte escomptée correspond à environ 37 p. 100 du poids original.
L'autre avantage de cette chirurgie est son impact sur le diabète de type 2. Il s'agit essentiellement d'un traitement chirurgical de cette forme de diabète qui disparaît chez environ 85 p. 100 des patients ainsi opérés.
Je n'ai pas ici la bibliographie de la recherche à ce sujet, mais il existe des preuves très solides indiquant qu'il s'agit d'une bonne solution à long terme. On sait également qu'il y a des risques d'échec, tant à long terme qu'à court terme. Quelque 20 p. 100 des patients finissent par regagner du poids. Peu importe ce qu'ils font pendant les 18 premiers mois, ils vont habituellement maigrir. Leur poids se stabilise alors pour augmenter par la suite. Pour environ 10 p. 100 des gens, la chirurgie ne fonctionne tout simplement pas. Je peux certes vous trouver la documentation disponible à cet effet, si la chose vous intéresse, mais c'est en gros ce qui se passe.
Le président : Si vous pouviez transmettre à notre greffière un document de référence ou une adresse web où trouver ces informations, ce serait grandement apprécié.
La sénatrice Merchant : Bonjour et merci à vous deux.
Docteure Blake, vous avez indiqué que le gouvernement pourrait notamment constituer une base de données sur la santé maternelle. Pouvez-vous d'abord me dire si votre organisation a demandé au gouvernement de le faire?
Par ailleurs, en quoi est-ce que cela consisterait exactement?
Dre Blake : Nous en avons discuté avec le gouvernement, car les statistiques à cet effet ne sont pas mises en commun à l'échelle nationale. Il faudrait que chaque province accepte de partager ses données, et que des ressources fédérales soient mises à contribution pour compiler le tout. De plus, les modèles qui ont fonctionné dans d'autres pays misaient sur la contribution des professionnels de la santé aux fins des analyses requises.
Cela signifie qu'il faut partager ces données et examiner les causes antécédentes, directes et contributives pour chaque mère décédée.
Nous sommes chanceux au Canada, car peu de mères décèdent, mais nous constatons la même tendance. Selon les dernières données publiées, nous sommes passés de la 19e à la 20e place à ce chapitre dans le monde, mais ce n'est pas parce que les autres s'améliorent; c'est parce que nous sommes moins efficaces. Beaucoup de facteurs contribuent à cela, notamment l'âge de plus en plus élevé de la mère. La morbidité maternelle au moment de la grossesse et l'obésité sont deux facteurs dont il faut absolument tenir compte.
On se dit souvent que les mères choisissent d'avoir des enfants plus tard, mais c'est rarement le cas. C'est un phénomène sociétal. Peu de femmes choisissent de reporter leur grossesse jusqu'à la dernière minute. C'est pour des questions liées aux relations ou touchant à l'emploi. De nombreux facteurs contribuent à ce phénomène, mais il reste que c'est néfaste pour la santé des femmes.
Si nous ne recueillons pas ces données et que nous n'analysons pas les causes, nous ne pourrons pas changer la situation. Si nous ne mesurons pas la situation, nous ne pourrons rien changer. C'est donc un besoin urgent.
La sénatrice Merchant : Je comprends. Est-ce directement lié à notre étude sur l'obésité?
Dre Blake : C'est un dossier distinct, mais il y a un lien entre les deux.
La sénatrice Merchant : Les nouveaux médecins reçoivent-ils une meilleure formation sur la façon d'informer les femmes des difficultés liées à l'obésité?
Dre Blake : Concernant l'obésité?
La sénatrice Merchant : Oui. Je fais référence aux femmes qui deviennent enceintes, qui sont en âge de le devenir — je crois que vous avez parlé de ce groupe — ou qui sont enceintes. Par le passé, les collèges n'enseignaient pas aux médecins comment informer les femmes des effets indésirables de l'obésité sur leurs nourrissons.
Si je ne m'abuse, vous avez parlé de deux étapes : la grossesse et l'adolescence.
Dre Blake : De façon générale, les étudiants en médecine et les stagiaires sont plus sensibilisés aux conséquences de l'obésité sur la santé que lorsque vous et moi avons reçu notre formation. Nous avons probablement été formées à la même époque.
En est-il question à toutes les visites, avec toutes les patientes? Il y a tellement de choses à aborder pendant ces courtes visites. Souvent, les médecins hésitent à en parler, car ils ne veulent pas donner l'impression de faire la morale à leurs patientes. Il peut s'agir d'un sujet très délicat pour ceux qui ont un surpoids.
C'est une conversation de nature délicate. Si vous soulevez la question avec une adolescente qui manque de confiance en elle, elle aura l'impression que vous lui dites qu'elle est grosse. Les conséquences peuvent être très sérieuses.
Ce n'est pas un sujet facile à aborder. Il faut avoir les compétences et avoir obtenu la formation nécessaires, et avoir une relation de confiance avec la patiente. À mon avis, une personne ne peut y arriver seule; il s'agit d'une responsabilité collective. Cela ne nous dégage pas de notre responsabilité, mais ce n'est pas simple.
La sénatrice Merchant : Docteur Dent, on nous dit que l'obésité est une épidémie. Est-ce une dépendance? Pour ceux qui ont une dépendance à l'alcool, par exemple, il y a les Alcooliques Anonymes. Il y a des groupes organisés permettant aux gens de trouver une solution ou de s'entraider. Pour le tabagisme, il y a des publicités pour des timbres ou des façons d'aider les gens.
Vous voulez aider les personnes obèses. Je suis au courant de vos efforts.
Qu'en pensez-vous? Qu'il s'agisse d'une épidémie ou d'une dépendance, je sais que vous faites des efforts. Vous avez notamment créé un programme. Je vois beaucoup de publicités à la télévision pour des diètes, mais ce que vous offrez, c'est une approche à volets multiples. Ce n'est pas simplement une diète; vous traitez d'autres choses. J'aimerais que vous nous parliez de votre programme.
Devrait-on créer quelque chose dont les gens pourraient profiter? Certaines personnes peuvent participer à votre programme, mais qu'en est-il de la population en général?
Dr Dent : D'abord, à savoir s'il s'agit d'une épidémie, ce que nous constatons, c'est une hausse de la prévalence. Il ne s'agit pas d'une épidémie au même titre qu'une maladie infectieuse. C'est plutôt le résultat de l'abandon de l'exercice physique dans notre société. La plupart d'entre nous dans le domaine sont d'avis que le manque d'activité physique est le principal facteur de cette hausse de la prévalence.
Votre deuxième question était : est-ce une dépendance? Habituellement, on développe une dépendance. Oui, certains peuvent présenter une tendance génétique à la dépendance à l'alcool ou à la cigarette, par exemple, mais habituellement, on développe une dépendance. Pour l'obésité, c'est différent.
N'oublions pas que la carte du gène humain comprend 600 régions ayant un lien avec le poids. Environ 70 p. 100 de ces régions se trouvent dans le cerveau et sont habituellement liées à des problèmes de satiété. Une personne mince peut manger une quantité donnée de nourriture et se sent rassasiée, alors qu'une autre personne, en raison de mutations génétiques, ne se sent rassasiée qu'après avoir consommé 1 000 calories supplémentaires et, par conséquent, elle prend du poids.
Les gens voient cela comme une dépendance à la nourriture ou, comme on le disait auparavant, comme de la gloutonnerie. Mais, il s'agit d'un problème génétique. Les personnes concernées ne se sentent rassasiées qu'après avoir trop mangé.
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une dépendance. D'ailleurs, il y a suffisamment de données qui démontrent que ce n'en est pas une.
Alors, qu'en est-il des programmes de traitement? En 1992, j'ai créé un programme à l'Hôpital d'Ottawa. Depuis, ce programme est devenu un programme combiné offrant tous les traitements à long terme connus en matière de gestion du poids.
Il ne faut pas oublier que l'obésité est une maladie chronique. C'est très similaire à l'hypertension. Ceux qui souffrent d'hypertension savent que s'ils prennent leurs médicaments, leur problème est maîtrisé. Malheureusement, nous ne sommes pas aussi avancés en ce qui a trait à l'obésité. La gestion de l'obésité est possible uniquement grâce à des interventions continues.
Donc, voyons les trois seules interventions à long terme. Premièrement, apprendre de nouvelles habitudes de vie afin de compenser les conséquences des facteurs génétiques, notamment. Il faut apprendre des techniques compensatoires. On parle donc d'une modification du style de vie par rapport à la consommation alimentaire et à l'exercice physique.
Deuxièmement, les médicaments. Nous commençons seulement à avoir des médicaments pour le traitement de l'obésité. Aux États-Unis, il y en a quatre; au Canada, il n'y en a qu'un, et il n'est pas encore disponible sur le marché
Troisièmement, la chirurgie bariatrique qui modifie la physiologie gastro-intestinale. Il s'agit d'une intervention de longue durée. Notre clinique pratique ces trois interventions à long terme.
D'autres cliniques, que je ne nommerai pas, se concentrent sur la perte de poids, mais n'offrent rien à long terme. Je suis très critique à l'égard de ces cliniques.
C'est ce que nous avons mis sur pied et les résultats sont concluants. Toutefois, ce n'est pas très connu. Si je ne m'abuse, nous étions les premiers au pays à offrir un programme combiné pour pratiquer ces trois interventions à long terme.
La sénatrice Merchant : Vous parlez du facteur génétique. Je me demande si les choses ont changé, car vous nous avez fourni des statistiques selon lesquelles l'obésité est en hausse. La composante génétique a-t-elle changé?
Dr Dent : C'est une très bonne question, même une question très sophistiquée. Le matériel génétique a-t-il changé?
Pas en ce qui concerne les paires de base. Les changements aux paires de base prendraient, disons, 30 000 ans avant de se manifester dans le code génétique. Mais, les facteurs qui y sont liés peuvent changer. Acétylés ou méthylés, ils peuvent réagir différemment. L'environnement peut modifier leur comportement.
C'est ici que la question de la malnutrition fœtale entre en ligne de compte. Cela a été découvert par les Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale. À l'époque, des femmes enceintes consommaient 400 calories par jour d'aliments peu nutritifs; c'était des bulbes de tulipe. Les Hollandais ont conservé de très bonnes statistiques et se sont rendu compte, 25 ans plus tard, que ce segment de la population avait une prévalence incroyable d'obésité. C'est ce que l'on appelle le phénomène épigénétique.
C'est pourquoi je dis que votre question est sophistiquée, car nous commençons seulement à réaliser que, même si les paires de base demeurent inchangées, les gènes peuvent être modifiés. Ils se comportent ensuite différemment.
Nous commençons maintenant à nous interroger sur les mères fumeuses. Au cours des 20 dernières années, de sérieux avertissements ont été imprimés sur les paquets de cigarettes pour inciter les femmes enceintes à ne pas fumer. Lorsqu'une femme enceinte fume, elle crée des dommages au placenta. Ainsi, le fœtus n'est pas aussi bien nourri. On appelle ces bébés des bébés « petits à terme ». Ces nourrissons risquent fort de souffrir d'obésité plus tard, et ce, parce que leurs gènes ont été modifiés. D'autres recherches sur le sujet doivent être réalisées.
Dre Blake : Nous savons que ces changements épigénétiques peuvent également être causés par des produits chimiques et autres éléments présents dans l'environnement et potentiellement dans notre chaîne alimentaire. Le Canada a fait preuve de leadership en interdisant l'utilisation du BPA connu pour causer des changements épigénétiques, mais il pourrait y avoir d'autres menaces semblables encore inconnues dans notre chaîne alimentaire.
Le président : Je crois qu'il est important de retenir de cette réponse que le caractère génétique fondamental de la structure humaine dans ce domaine est inconnu, mais que des facteurs épigénétiques peuvent les modifier. Je crois qu'il est très important de marquer cette distinction.
La sénatrice Stewart Olsen : Ce sont des discussions fascinantes. Merci beaucoup.
En tant que société, nous avons convenu que le tabagisme était extrêmement nocif et avons adopté une approche très péjorative. En d'autres mots, nous avons dit que le tabagisme était dangereux pour la santé. C'est maintenant écrit sur les paquets de cigarettes et un peu partout. Avant, fumer, c'était un peu la norme.
Une telle approche est plus difficile avec les personnes obèses ou qui ont un surpoids, car c'est un sujet délicat. Vous dites qu'il faut éviter de blesser les gens. C'est intéressant.
Selon vous, devrait-on emprunter la même voie et dire que l'obésité est dangereuse, qu'elle cause ceci ou cela? Devrait-on publier des photos et dire aux gens que l'obésité les tuera? Il y a toute une école de pensée qui prétend le contraire, que tout va bien.
Dre Blake : Je ne dirais pas que tout va bien, mais il est aussi difficile de dire aux gens que l'obésité les tuera, à moins d'avoir de très bonnes solutions à leur offrir, mais les outils à notre disposition sont limités. Vous connaissez probablement mieux que moi les données, mais semble-t-il que ceux qui sont obèses à 18 ans sont plus susceptibles de le demeurer, peu importe ce qu'on fait.
C'est dans ce genre d'occasions cruciales qu'il faut intervenir : pendant la grossesse, à l'enfance et à l'adolescence. Si l'on attend qu'ils deviennent des clients du Dr Dent, il ne sera pas trop tard, mais nous aurons loupé ces occasions.
Dr Dent : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Cette approche conviendrait très bien si tout le monde partait du même point, mais ce n'est pas le cas. Si vous êtes prédisposés à prendre du poids à cause de vos gènes, bonne chance. Vous n'afficherez peut-être jamais un poids normal, peu importe combien d'exercice vous faites, et ça, il faut en tenir compte.
Je ne veux pas critiquer ce que nous avons fait avec le tabagisme, car les résultats sont concluants. Sur une de mes diapositives, on peut voir une publicité sexy des années 1950 qui montre une femme en train de fumer et qui prétend que c'est une pratique merveilleuse. L'autre image montre une personne qui se cache derrière une structure architecturale pour fumer.
On peut utiliser certaines de ces méthodes, mais gentiment. Il ne faut pas oublier que l'obésité est la dernière frontière de la discrimination légale. Nous ne voulons pas être discriminatoires.
La Dre Blake et moi sommes sur la même longueur d'onde. Vous avez clairement fait valoir qu'il faut faire preuve de compassion et de gentillesse pour parler aux gens qui ont un problème de poids.
La sénatrice Stewart Olsen : D'accord, mais malgré notre compassion et notre gentillesse, ça ne fonctionne pas.
Dr Dent : Vous avez fait preuve de compassion et de gentillesse par les mesures que vous avez prises. Vous menez cette étude. Mais il faudrait peut-être modifier ce modèle.
La sénatrice Stewart Olsen : Ma prochaine question — et je trouve cela fascinant — porte sur votre brève allusion aux virus et à la modification physiologique des intestins. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
Dr Dent : Certainement. J'aurais une histoire intéressante à vous raconter du point de vue de la recherche. Nikhil Dhurandhar, un médecin indien, discutait avec un ami vétérinaire. Il lui a dit : « Tu sais, il existe un virus dans les poulets qui favorise la prise de poids. » Bien entendu, cette découverte a été très populaire dans le secteur agroalimentaire, car il était maintenant possible d'engraisser plus rapidement les poulets.
Il a cherché un tel virus chez l'humain et a trouvé l'adénovirus de type 36. Il y en a quelques autres qui affectent les cellules souches qui entrent dans le fibroblaste ou les adipocytes; bref, ces gens sont beaucoup plus susceptibles de prendre du poids ou de devenir obèses, et c'est totalement inattendu.
Il a finalement réussi à faire publier certains de ses articles — c'était si étrange, qu'il a fallu du temps. Il est devenu chef des causes infectieuses de l'obésité à l'institut Pennington, en Louisiane, et très respecté dans le milieu scientifique. C'est aussi une très belle histoire.
Il y a aussi des questions relatives aux bactéries intestinales. Un domaine qui n'a pas encore été exploré, c'est la capacité de chacun à bien absorber les éléments nutritifs par les intestins; certains en sont incapables. La raison pour laquelle c'est un domaine encore inexploré, c'est que ce n'est pas facile; il faut travailler avec des échantillons de selles et ce n'est pas tout le monde qui veut faire cela.
La sénatrice Raine : Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation. Il est facile de dire : « Ne fumez pas, vous allez en mourir. » C'est une autre chose de dire : « Ne mangez pas, vous allez en mourir. » Les deniers publics que nous pouvons investir pour inciter les gens à bien manger sont limités, comparativement aux énormes budgets de marketing dont disposent les sociétés pour promouvoir des produits malsains. Selon vous, sur le plan politique, devrions-nous étudier la possibilité d'apposer des étiquettes de mise en garde contre les calories vides, comme sur les boissons sucrées? Nous avons fait quelque chose de semblable avec les paquets de cigarettes. Il faut ajouter à l'étiquette de valeur nutritive et aider les consommateurs à éviter certains produits.
Dre Blake : L'étiquetage aide certainement les personnes intéressées et concernées; jamais on ne pourrait être contre une telle démarche. Certaines épiceries ont commencé à mettre des indicateurs sur les aliments ayant une valeur nutritionnelle intéressante. À ce que l'on dit, toutefois, ces aliments se trouvent dans le périmètre extérieur de l'épicerie.
Je suis très favorable à l'étiquetage. Si je vais dans un établissement de restauration rapide qui affiche les valeurs nutritionnelles, je suis plus susceptible de tourner les talons en disant que je ne veux rien. C'est une stratégie efficace.
Dr Dent : C'est une solution qui mérite d'être examinée davantage. Les Suédois l'ont fait en disposant un symbole vert sur les aliments sains. L'idée d'une stratégie axée sur le consommateur me plaît. Voilà pourquoi j'aime l'idée des menus dans les restaurants ou des étiquettes à l'arrière des produits. Il faut s'efforcer de diffuser de l'information à cet égard. Quand les gens évaluent l'efficacité de ces mesures, ils trouvent des statistiques défavorables ou les jugent inefficaces, mais c'est en partie par manque d'information. Je pense qu'il faut travailler davantage à cet égard. J'aime l'idée d'afficher des symboles sur les aliments.
Nous devons faire attention. Souvenez-vous que la carte du gène humain compte 600 régions; nous ne pouvons donc pas généraliser quand il est question d'obésité. Une diète faible en gras conviendra à certains, alors qu'un régime à faible teneur en hydrates de carbone sera préférable pour d'autres. N'empêche que de nombreux aliments sont très néfastes, peu importe les gènes qu'on possède.
La sénatrice Raine : Je vous ai interrogés au sujet des boissons parce que l'OMS a indiqué que pas plus de 5 p. 100 de nos calories devraient venir des sucres ajoutés. Ce taux est actuellement de 10 p. 100, mais l'organisme l'abaisse à 5 p. 100. Je ne pense pas qu'il y ait de taux recommandé au Canada.
Je doute que la plupart des gens se rendent compte de ce qui se passe s'ils boivent une boisson gazeuse chaque jour. Bien des gens en boivent plus qu'une. Je pense que nous devons nous attaquer à ce problème d'une manière ou d'une autre. L'Association canadienne des boissons a exprimé son complet désaccord à cet égard, nous remettant des documents montrant que les données scientifiques ne justifient pas qu'on s'attaque précisément aux sucres ajoutés pour combattre l'obésité.
À titre de décideurs, nous sommes influencés par ceux qui vendent ces produits. Il nous faut obtenir des réponses des domaines scientifique et médical pour nous aider à prendre des décisions stratégiques.
Dre Blake : Si nous cherchons à déterminer un facteur qui permettra de résoudre le problème, je pense qu'il n'en existe pas.
Le problème est complexe, et nous serions bien avisés de nous tourner vers la théorie de la complexité pour tenter de déterminer comment nous agirons. Il faut intervenir par rapport à un éventail de facteurs en comprenant parfaitement notre préprogrammation. Nous sommes génétiquement programmés pour vivre en période de disette, pas pour la vie que nous menons maintenant. Nous sommes programmés pour trimer dur chaque jour de notre vie en mettant à contribution tant notre corps que notre esprit. Nous ne sommes pas programmés pour notre mode de vie moderne. Aucun changement que nous apporterons ne constituera une solution miracle. Nous devrons progresser en passant par une multitude de petites étapes, lesquelles s'additionneront pour avoir une incidence notable. J'en suis convaincue. C'est ainsi que nous en sommes arrivés à la situation actuelle, et c'est ainsi que nous retrouverons un meilleur état de santé.
La sénatrice Raine : Au cours de ma vie, j'ai été témoin de bien des changements dans nos écoles. Nous y avons fait entrer les ordinateurs et y avons éliminé les cours d'éducation physique et d'économie domestique. Notre éducation est maintenant déficiente sur les plans de l'éducation physique et de la santé. Vos organisations envisagent-elles d'exercer des pressions à ce sujet? Certaines provinces font bien meilleure figure que d'autres à cet égard. Les preuves émergent, mais nous semblons réticents à agir.
Dre Blake : Certainement. Pourquoi enseigne-t-on le calcul et non la nutrition à l'école? Je pense que les mathématiques sont importantes, mais on peut inculquer bien des principes de mathématiques, de chimie et d'éducation civique en enseignant la nutrition et l'exercice physique. Les données montrent clairement que quand les jeunes sont actifs physiquement, leurs cerveaux fonctionnent mieux. Il faudrait absolument que ces cours soient réintégrés dans nos écoles pour établir ces habitudes.
Dr Dent : Je partage cet avis. Notre organisation tente d'intervenir en ce sens également, mais ce serait formidable si nous déployions un grand effort concerté.
La sénatrice Raine : Avez-vous des vidéos à montrer dans les écoles, sur la chirurgie bariatrique, par exemple?
Dr Dent : Je n'en connais aucun. Nous avons certainement des liens avec le Réseau ontarien des services bariatriques, une organisation sœur.
La sénatrice Frum : Je voulais donner suite à quelque chose. La Dre Blake a fait une affirmation alarmante et intéressante, selon laquelle une personne obèse à 18 ans sera certainement ou très probablement obèse toute sa vie.
Des 25 p. 100 de Canadiens obèses, combien le sont à 18 ans? Devrions-nous leur offrir une chirurgie bariatrique immédiatement, quand ils ont 18, 19 ou 20 ans?
Dr Dent : C'est difficile à dire. J'ignore à quel âge ces 25 p. 100 de la population sont devenus obèses. Je n'ai rien vu à ce sujet dans la documentation, mais je n'ai pas effectué de recherche. Je pense que c'est une excellente question, et je partage l'avis de la Dre Blake sur ce point.
Selon l'évolution naturelle du surpoids, si on a du poids en trop au départ, ce poids augmentera de 2 à 5 p. 100 par année. Donc, si on a une surcharge pondérale à 18 ans, on continuera d'engraisser. Devrions-nous envisager la chirurgie bariatrique? Je ne pense pas que nous devrions le faire actuellement. Il s'effectue énormément de recherches, et rapidement, dans ce domaine. Je pense que d'ici une ou deux décennies, nous disposerons de médicaments efficaces pour traiter directement le problème. Selon moi, les initiatives sociales et politiques aideront à résoudre le problème. La chirurgie bariatrique est irréversible et change vraiment l'anatomie d'un jeune. Compte tenu des connaissances dont nous disposons, nous sommes très réticents à recourir à cette méthode actuellement. Si une personne pèse 400 livres et est isolée socialement, on serre les dents et on y va certainement. C'est ainsi qu'on envisage les choses actuellement.
Nous devons nous rappeler que, en Amérique du Nord, on considère que le taux de mortalité est de 1 sur 200 dans les 30 jours suivant la chirurgie bariatrique, et c'est sans compter le taux à long terme. La cause de décès la plus courante à long terme est le suicide. Pourquoi donc? Peut-être est-ce parce que nous n'absorbons pas aussi bien le tryptophane, qui sert à produire de la sérotonine. C'est peut-être une question de dynamique : les gens attribuent tous leurs problèmes à leur poids, mais une fois ce poids perdu, les problèmes sont encore là.
Nous ne pouvons pas prendre la chirurgie bariatrique à la légère. En outre, il s'agit d'une intervention onéreuse, qu'il serait difficile de pratiquer à large échelle.
La sénatrice Frum : Je suis très impressionnée qu'un chirurgien bariatrique soit défavorable à la chirurgie bariatrique. C'est chose rare. Mais c'est formidable d'entendre un médecin s'opposer à une chirurgie. Je vous en remercie, mais j'aimerais savoir si vous considérez qu'il se pratique suffisamment de chirurgies bariatriques au Canada. Si notre population figure au quatrième rang mondial au chapitre des taux d'obésité, nos taux de chirurgies bariatriques devraient-ils être à l'avenant?
Dr Dent : C'est une question importante. En Ontario, nous faisons figure d'exception au chapitre de l'accessibilité à la chirurgie bariatrique. Au Québec, le temps d'attente est d'environ cinq ans, mais ce n'est pas encore terrible. En Alberta, il s'offre au moins quelques programmes de chirurgie bariatrique, mais elle se trouve loin derrière les autres provinces. Je pense donc qu'il faut accroître l'accès à la chirurgie bariatrique pour qu'elle soit aisément accessible dans toutes les régions du pays, pas seulement en Ontario.
La sénatrice Seidman : Il ne fait aucun doute que vous nous avez tous les deux clairement indiqué que le problème est complexe et qu'il faut s'y attaquer de plusieurs côtés à la fois. Il n'existe pas de solution simple. Je pense qu'il importe également d'admettre que dans le cas du tabagisme, on a adopté une approche de santé publique qui s'est étalée sur des dizaines d'années et qui a permis d'agir sur plusieurs plans. Je ne dis pas que nous devrions nécessairement procéder de la même manière, seulement que c'est ainsi qu'on s'est attaqué au problème du tabagisme en raison de ses conséquences considérables sur la santé.
Je continuerais la conversation que la sénatrice Raine a commencée au sujet de l'éducation. C'est un facteur extrêmement important, comme cela l'a été dans le cas du tabagisme.
Docteure Blake, vous avez affirmé que du point de vue de la santé publique, nous devons adopter une stratégie nationale en matière de nutrition pour les adolescents et les femmes enceintes. Si je pense à la stratégie nutritionnelle nationale, aux témoins que nous avons entendus ici et à la confusion qui règne dans le domaine de l'épidémiologie nutritionnelle, où les conseils et les indications ont changé au fil des décennies, je vous demanderais comment il est possible d'élaborer une telle stratégie. Est-ce possible? Devrions-nous nous servir du Guide alimentaire canadien aux fins d'éducation?
Vous vous occupez de l'éducation médicale dans notre société. Comment établiriez-vous un lien avec cela? J'aimerais savoir, si nous envisageons un effort concerté déployé de façon systémique, comment nous y prendrions-nous?
Dre Blake : Selon moi, nous devrions nous fixer comme objectif de conférer des connaissances et des compétences sur les aliments et la nutrition à tous ceux qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires. Nous pourrions commencer à l'école intermédiaire, pour atteindre les jeunes qui ne terminent pas leurs études secondaires. Il importe qu'ils possèdent les connaissances fondamentales.
Quand je travaillais à l'Hôpital pour enfants malades, je m'occupais d'une clinique pour adolescentes enceintes. Nous devions essentiellement aider ces jeunes filles à connaître les produits vendus en épicerie, puis leur montrer comment se servir de ces ingrédients pour concocter un repas.
Mais il y a moyen de le faire à l'école de façon amusante. Cela n'a pas à être fastidieux et ce n'est pas un luxe. En fait, pour les jeunes qui éprouvent des difficultés scolaires, il pourrait être vraiment utile d'aller à école, peut-être pour suivre les anciens cours d'économie domestique, et de s'amuser en cuisinant, en apprenant et en mangeant des aliments nutritifs.
Je me souviens d'une affiche que j'ai vue il y a longtemps dans une petite cuisine dirigée par une octogénaire, et cette affiche disait : « Les baisers s'envolent, la cuisine reste. » Mais quand je parle à mes patientes, rares sont celles qui ont un souper familial, qui ont le temps de préparer un repas à la fin de la journée et de s'asseoir pour manger. Nous avons perdu cette compétence fondamentale, qui est importante pour notre santé, nos relations et nos familles.
Si le savoir ne se transmet pas dans les chaumières, parce qu'on n'y cuisine pas et que les gens prennent quelque chose dans le réfrigérateur pour le manger devant la télévision, l'éducation ne se fera pas à la maison. Je sais que les écoles se sentent surchargées de travail, mais je pense que l'éducation, le niveau d'activité, la nutrition et les connaissances et les compétences en alimentation doivent être fondamentaux.
La sénatrice Seidman : Nous faisons de l'éducation dans les écoles, mais qu'en est-il des parents, par exemple, qui font l'épicerie?
Dre Blake : Nous apprenons beaucoup de nos enfants.
Dr Dent : Je voudrais souligner quelque chose que la Dre Blake a dit et que je considère vraiment important; c'est le fait de savoir en quoi consiste un repas. Il faut que le repas soit défini, que ce soit par un sac-repas ou une assiette. C'est quelque chose que nous passons notre temps à enseigner en gestion du poids. Mais pour bien des enfants, les deux parents travaillent; ils ouvrent donc le réfrigérateur qui, avec un peu de chance, contiendra quelque chose de nutritif. Mais ils n'ont aucune idée de quoi un repas défini a l'air.
Les établissements de restauration rapide ne sont pas l'endroit idéal pour l'apprendre. Je pense donc qu'on pourrait mettre l'accent sur quelque chose de très fondamental comme cela. Il faut leur montrer en quoi consiste un vrai repas, puis comment cuisiner. Je voulais simplement souligner ce point.
La sénatrice Seidman : Êtes-vous en train de nous dire que nous pourrions faire quelque chose de différent ou nous servir davantage des directives du Guide alimentaire canadien, par exemple? Il me semble que vous nous dites que nous pourrions peut-être faire quelque chose de différent, de plus fondamental ou de plus accessible afin d'aborder le sujet. Est-ce bien ce que vous nous dites?
Dr Dent : Oui.
La sénatrice Merchant : Comme il s'agit d'un problème complexe et que vous indiquez que les connaissances évoluent constamment, considérez-vous que l'IMC est encore un outil fiable pour évaluer l'obésité? C'est un outil que les gens sont en mesure de comprendre et qu'on peut utiliser à la maison. Est-ce un faux prophète ou est-ce un bon moyen de base pour évaluer sa situation? Est-ce encore un outil utile?
Dr Dent : Voilà une autre excellente question.
Pour obtenir son indice de masse corporelle, ou IMC, il suffit de diviser son poids en kilogrammes par sa taille en mètres carrés. Ce n'est pas mal pour les études de la population, mais cela ne vaut rien pour les personnes. Par exemple, Sylvester Stallone, au faîte de sa carrière, avait un indice de masse corporelle de 35; pourtant, il n'était pas gros. Il possédait simplement une masse musculaire considérable qui ajoutait des kilos à son poids, alors que la taille restait la même.
Ce qu'il faut vraiment examiner, c'est la graisse corporelle. En clinique, c'est un facteur étonnamment difficile à évaluer. Nous disposons de trois moyens boiteux pour l'évaluer. Il y a le poids corporel. Ce n'est pas trop mal pour les hommes, car quand ils perdent du poids, c'est habituellement de la graisse qu'ils perdent. Mais ce n'est pas un bon outil pour les femmes, car même si elles suivent un programme à la lettre, une simple fluctuation des liquides organiques peut donner l'impression qu'elles ont pris du poids.
Si on s'intéresse exclusivement au poids, on peut donner aux gens une fausse évaluation qui pourrait couper court au comportement. On peut aussi se fier à la circonférence corporelle, mais cette méthode a un gros problème de précision. Si on prend la mesure deux centimètres trop haut, on peut se retrouver avec un résultat trop élevé de deux centimètres. Il y a donc un problème. De plus, d'autres facteurs influencent le tour de taille.
Le troisième outil est un dispositif sur lequel on se tient debout ou qu'on tient en main et qui devine la composition corporelle. C'est probablement le pire des trois outils. Mais comme il est très efficace pour évaluer le pourcentage d'eau dans le corps, nous l'utilisons.
Sur le plan de la recherche, nous pouvons procéder à une absorptiométrie à rayons X en double énergie, à un tomodensitogramme et à d'autres tests pour évaluer la graisse corporelle, mais on ne peut le faire en clinique.
La réponse est que l'IMC n'est pas mal pour la recherche, mais ne convient pas du tout pour les gens. Il y a une lacune inhérente, car c'est la graisse et non le poids qui pose un problème.
Dre Blake : La situation est encore plus complexe chez les femmes post-ménopausées, car leur taux d'œstrogènes et leur masse musculaire diminuent d'année en année, et elles éprouvent des difficultés avec leur poids. C'est un des principaux problèmes dont se plaignent les femmes à la ménopause. Elles doivent cependant faire très attention pour éviter de souffrir de sarcopénie, c'est-à-dire de subir une perte de masse musculaire qui s'accompagne d'un risque bien plus élevé de fractures osseuses en cas de chute et d'une mauvaise santé en général.
Le président : Vous avez rendu la question qui nous intéresse aujourd'hui encore plus complexe. Vous avez même rendu plus complexes certains outils courants, comme l'IMC. Félicitations.
Cependant, quand on examine plus attentivement les problèmes, on en revient à certaines des propositions simples du début, c'est-à-dire que l'IMC est un bon indicateur pour la population. Une fois le problème détecté chez quelqu'un, la personne concernée devrait consulter son médecin de famille pour vérifier s'il y a d'autres problèmes. Il est évident que ce n'est pas en mesurant l'IMC qu'on réglera le problème de l'obésité. Ce qu'il faut savoir, c'est quelle direction prendre.
Docteur Dent, en ce qui concerne le problème des décès qui surviennent après une chirurgie bariatrique, vous avez indiqué que certains ont lieu à très court terme. Sont-ils habituellement attribuables aux infections et à d'autres complications semblables? C'est une intervention qui se pratique beaucoup chez les personnes obèses, lesquelles sont bien plus susceptibles d'éprouver de tels problèmes que les personnes plus minces.
Dr Dent : Les décès sont habituellement répartis entre ceux qui surviennent au cours des 30 jours suivant la chirurgie et ceux qui se produisent après. Qu'est-ce qui pourrait entraîner le décès au cours des 30 premiers jours? D'abord, les risques de formation de caillot dans les jambes, de maladie thromboembolique et d'embolie pulmonaire, qui peuvent provoquer un décès, sont plus élevés chez les personnes obèses. C'est ce qui est le plus compliqué avec les chirurgies du tube digestif. Il y a des points de suture le long d'une paroi gastrique qui sécrète de l'acide; la guérison est donc difficile. Il peut se produire des épanchements et des hémorragies qui peuvent entraîner le décès. Une mauvaise cicatrisation peut empêcher le passage des aliments dans le tube digestif. Après les 30 premiers jours, il n'y a habituellement pas de décès, mais des complications. Il faut faire attention quand on interprète les statistiques, car au cours des sept à huit dernières années, on a universellement procédé par chirurgie laparoscopique, sans incision importante, en pratiquant simplement cinq petits trous pour introduire un laparoscope. Cette méthode a permis de réduire considérablement le taux de mortalité. On peut voir, dans la documentation plus ancienne, que lorsqu'on ouvrait l'abdomen, ce taux était bien plus élevé.
Le président : Je veux faire la distinction entre le taux de suicide, un phénomène qui, selon vous, découle peut-être de changements de la composition hormonale, et les problèmes que la personne obèse amène généralement avec elle à la table d'opération.
Dr Dent : Le taux de survie est meilleur avec la chirurgie que sans intervention.
Le président : Je ferais une brève observation sur l'éducation pour souligner que nous savons que cela ne réglera pas le problème. L'éducation n'a pas permis d'éradiquer les problèmes d'envergure. Cela fait partie des difficultés quand on veut améliorer les choses dans bien des domaines. Il faut déterminer comment on peut communiquer l'information aux gens de manière à avoir une incidence. Vous avez employé un terme que j'interprète comme étant une sorte de concept d'effet visuel. En Argentine, on diffuse des images visuelles de bons repas dans le domaine public. Par exemple, on propose cinq déjeuners typiques composés d'aliments locaux pour illustrer en quoi consistent des déjeuners sains. N'importe qui peut voir ces affiches et très facilement s'y identifier et comprendre le message, peu importe le niveau d'instruction.
Bien des solutions sont envisagées pour tenter de communiquer le message de manière à ce que l'ensemble de la population le reçoive et que quiconque puisse s'y identifier très rapidement, peu importe le niveau d'éducation. Ce sera un défi complexe que de tenter de convaincre les restaurants d'afficher la teneur en calories et la composition des aliments; nous remettrons donc peut-être cela à plus tard.
La contribution à l'obésité est clairement touchée ici. J'aimerais vous demander ceci : une fois que vous serez partis d'ici, s'il vous vient à l'esprit une étude qui fait une corrélation entre l'obésité et l'âge, en particulier chez les moins de 20 ans, ayez l'obligeance de nous la transmettre.
Docteure Blake, nous savons qu'il existe des statistiques sur la grossesse et l'état de la mère pendant cette période. Nous avons quelques statistiques, mais si vous en avez sur ce sujet en particulier, ce serait formidable. Une de ces statistiques pourrait avoir une portée plus générale et concerner les moins de 20 ans considérés comme étant obèses pour faire une corrélation avec la manière dont leur vie progresse. Comme c'est une question qui a été soulevée au cours des exposés et des discussions, il serait très intéressant de recevoir de l'information à ce sujet.
Docteure Blake, j'ai aimé que vous employiez le terme « théorie de la complexité ». Nous savons qu'il est utilisé dans bien des domaines dans le cadre d'une analyse très poussée réalisée sur des sujets allant de l'activité militaire au microbiome afin de voir comment elle pourrait nuancer les choses au fil du temps. Avec l'évolution de la technologie informatique, le forage de données, l'infonuagique et tout cela, nous pourrions être capables d'utiliser ces moyens de manières que nous n'avions jamais envisagées au sujet de ces groupes.
L'autre question que vous avez soulevée concerne les sous-groupes de la population dans ce domaine. Nous savons que pour chaque catégorie de maladie, qu'il s'agisse de cardiopathie ou d'autres affections, certains sous-groupes de la population sont plus vulnérables à divers facteurs qui peuvent contribuer au problème. Peut-être que dans l'avenir, nous pourrons combiner l'ensemble des observations sur la population, la théorie de la complexité et la capacité informatique pour mieux identifier les sous-groupes et leur prodiguer des conseils généraux sur le sujet.
Je reviendrai toutefois au point que vous nous avez certainement permis de saisir : le défi auquel nous sommes confrontés quand vient le temps de formuler des recommandations qui pourraient réellement conduire à une orientation positive. Vous nous avez proposé un certain nombre d'idées que nous pouvons étudier. S'il se trouve qu'il existe une corrélation dans le groupe des moins de 20 ans qui se poursuit tout au long de la vie et qui s'ajoute au problème maternel, c'est un domaine qu'il pourrait être très utile d'examiner afin de peut-être formuler des recommandations en matière de politiques.
Je vous remercie beaucoup de cette matinée stimulante passée à examiner cette fascinante question.
La séance est levée.
(La séance est levée.)