Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 35 - Témoignages du 28 mai 2015
OTTAWA, le jeudi 28 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma droite.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Rivard : Sénateur Michel Rivard, des Laurentides, au Québec.
La sénatrice Chaput : Sénatrice Maria Chaput, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de Regina, Saskatchewan.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues. Je vais accueillir nos invités dans un instant.
Nous poursuivons notre étude visant à examiner l'incidence accrue de l'obésité au Canada, ses causes, ses conséquences et les mesures à prendre, et à en rendre compte.
Chers collègues, nous disposons de deux séances, et nous allons entendre deux témoins pour la première. J'utiliserai la formule « une question par personne par intervention ». Nous aurons plusieurs séries d'interventions, je l'espère.
Comme ils ne se sont pas battus pour voir qui sera le premier à prononcer sa déclaration, je vais les inviter à le faire dans l'ordre où ils figurent à l'ordre du jour. Dans le premier cas, j'ai l'honneur d'inviter Mary Collins, qui est maintenant directrice du secrétariat de la BC Healthy Living Alliance. Madame Collins, vous avez la parole.
L'honorable Mary Collins, C.P., directrice du secrétariat, BC Healthy Living Alliance : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis certes ravie d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de vous faire part de certaines de nos réflexions sur le sujet.
Votre étude de l'obésité a suscité tout un émoi dans le milieu de la promotion de la santé, et nous avons bien hâte de connaître les conclusions de votre rapport. J'espère que vous pourrez le terminer avant longtemps, car d'autres événements pourraient survenir.
Merci beaucoup d'avoir invité la BC Healthy Living Alliance à témoigner et à formuler ses commentaires au sujet de votre rapport. Nous sommes une alliance d'ONG consacrées à la vie saine et à la prévention des maladies chroniques, alors nous comptons parmi nos membres la Société canadienne du cancer, des organismes qui se spécialisent dans les maladies cardiaques et l'AVC et dans le diabète, en plus des autorités sanitaires et du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique. Nous nous penchons sur les facteurs de risque et sur les iniquités qui contribuent aux maladies chroniques.
Comme vous l'avez déjà entendu dire par de nombreux autres témoins, l'obésité — en fait, nous craignons que le terme « obésité » puisse parfois être associé à un stigmate, alors nous parlons de poids malsain — est un problème réel au Canada. Nous savons qu'il s'agit d'un facteur de risque pour un certain nombre de maladies chroniques. Presque tous les mois, des données probantes sont publiées au sujet du lien entre le poids malsain et les maladies cardiaques, le cancer — de fait, un rapport important a été publié tout juste avant-hier au sujet de taux de cancer — et le diabète. En outre, du point de vue de la santé mentale et du bien-être mental, le poids malsain est associé à l'anxiété et à la dépression. Les nouvelles recherches montrent que ces problèmes peuvent être exacerbés par le stigmate du poids.
Nous devons faire preuve de sensibilité au moment où nous tentons d'améliorer la santé globale, y compris le bien- être physique et mental des Canadiens, particulièrement pour ceux qui pourraient avoir un poids malsain ou être obèses.
Heureusement, des leçons de vie saine peuvent s'appliquer à tous les Canadiens de tous âges et de toutes tailles. Aujourd'hui, mon exposé portera principalement sur l'activité physique, puisque c'est de cela que vous nous avez demandé de parler, et sur la façon dont les gouvernements peuvent l'appuyer comme facteur important dans ce que nous appelons une approche pour l'ensemble de la société. L'activité physique favorise le bien-être mental et physique tout au long de la vie d'une personne. Elle est essentielle au développement sain des enfants comme des nourrissons — j'ai un nouveau petit-fils de neuf mois, et je vois déjà à quel point c'est important — et pour les aider à se faire des os et des muscles en santé ainsi qu'à acquérir des compétences en littératie physique qui leur seront utiles pour la vie.
À des stades ultérieurs de la vie — et il y a de plus en plus de données probantes pour les adultes âgés, comme moi- même —, l'activité physique est vraiment importante, comme sortir, marcher et faire quelque chose. Elle peut vraiment avoir un effet considérable sur la santé à long terme.
Je pense que la plupart des Canadiens le savent, mais les lignes directrices canadiennes en matière d'activité physique recommandent au moins 150 minutes par semaine d'activité modérée à vigoureuse pour les adultes et 60 minutes par jour, pour les jeunes et les enfants. Des données probantes récentes montrent que chaque minute est utile. Parfois, les gens disent qu'ils ne pourront pas atteindre les 150 minutes. C'est tout simplement trop. D'accord, n'abandonnez pas. Chaque minute est utile. Tout ce que vous faites pour rester actif aura une incidence importante.
Des données probantes récentes ont également montré que le taux de mortalité avait diminué de 20 p. 100 lorsque les gens étaient un peu actifs, même s'ils ne respectaient pas les lignes directrices. Ne vous inquiétez pas trop en pensant que tout le monde doit les respecter, car certaines personnes vont laisser tomber.
Les taux d'activité physique de la Colombie-Britannique — et je remarque que nous n'avons aucun sénateur de la Colombie-Britannique —, et vous le savez probablement, comptent parmi les meilleurs. Cette situation est liée en partie à notre climat. Si on va à Vancouver, tout le monde se promène en vélo. C'est formidable de voir la réapparition de cette activité dans notre collectivité. Ce que nous voyons également, c'est que la situation est différente dans les collectivités du Nord, au sein des populations à faible revenu socioéconomique et dans les petites collectivités qui sont souvent rurales. Les différences sont grandes, et nous disposons de beaucoup de données à ce sujet.
Je pense qu'il y a des parallèles avec les populations au sein desquelles le risque d'obésité et de maladies chroniques est élevé. On observe la même tendance chez les groupes à faible revenu, ruraux, du Nord et des Premières Nations. Au moment où nous prévoyons les endroits où nous pourrons changer le plus les choses, nous devrions réfléchir aux façons dont nous pouvons rendre l'activité prioritaire pour ces populations.
Comment pouvons-nous surmonter les obstacles? Comment pouvons-nous motiver les gens? Il n'existe aucune panacée. Il n'y a pas une seule chose que nous pouvons allumer comme par magie et qui fonctionnera pour tout le monde. En ce moment, nous effectuons un certain travail auprès d'hommes dans des camps au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le nord de la Colombie-Britannique. C'est vraiment intéressant de voir les diverses approches qu'il faut adopter pour travailler auprès de ces populations en ce qui a trait à la vie saine et à l'activité physique. Nous apprenons beaucoup. C'est un projet merveilleux.
Nous pouvons faire un certain nombre de choses, mais je veux me concentrer sur deux ou trois aspects où le gouvernement a peut-être un rôle à jouer. Je sais que vous vous dites : « Qu'est-ce que le gouvernement fédéral a à voir avec cela; beaucoup de ces aspects sont provinciaux et locaux? » Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle. Nous pensons que l'une des choses les plus importantes consiste à investir dans un aménagement des collectivités favorisant la marche et axé sur le transport en commun qui est propice à une vie active. Si les gens n'ont pas l'impression de pouvoir sortir pour marcher ou s'ils ne peuvent pas prendre de transport en commun, cela a une énorme incidence sur leurs taux d'activité physique.
Une étude récemment menée dans le Vancouver métropolitain — et, en ce moment, nous avons le grand référendum en cours — a révélé que les personnes qui prenaient le transport en commun étaient moins susceptibles dans une proportion de 22 p. 100 d'avoir un surplus de poids ou d'être obèses que celles qui faisaient la navette en vélo ou à pied, lesquelles étaient moins susceptibles dans une proportion de 48 p. 100 d'être obèses. Il s'agit d'une différence importante.
Un nouveau programme a été instauré en vue du grand événement de 2018 qui suppose un investissement visant à aider les collectivités à favoriser la marche. J'ai fait beaucoup de travail dans ce domaine. De toutes petites subventions peuvent aider les petites collectivités à procéder à un réaménagement et à aménager des trottoirs ou des sentiers, choses qui peuvent encourager les gens à sortir et à marcher. Nous pensons également que nous pouvons donner aux enfants et aux jeunes l'occasion d'adopter un style de vie actif en leur permettant d'acquérir des compétences en littératie physique et en les faisant participer à des programmes dans les écoles et grâce à certaines des choses que fait l'Agence de la santé publique du Canada afin d'appuyer les initiatives d'activité après l'école. Nous voudrions que ces initiatives se poursuivent et que les familles à faible revenu aient davantage accès au milieu du sport. Nous voulons aborder cela plus tard.
Par ailleurs, il importe de revitaliser les centres de loisirs et les parcs afin de mieux servir les collectivités grâce à certains des programmes et subventions qui sont offerts par le gouvernement. En Colombie-Britannique, nous savons que ces centres et parcs sont nombreux à avoir besoin de réparations et de mises à niveau; je suis certaine que c'est le cas partout au pays. Il y a ensuite le travail auprès des Premières Nations et des peuples autochtones afin d'accroître leur participation. Nous connaissons les taux élevés de diabète au sein de cette population.
Enfin, nous étudions les possibilités d'encouragement. Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez discuté de cet aspect, mais il s'agit d'inciter les gens, de leur donner un coup de pouce pour les encourager à faire des choses. Un certain nombre de nouvelles idées de programme sont élaborées au Canada compte tenu de la théorie et de l'encouragement, dont vous allez entendre parler plus tard, j'en suis sûre.
Nous devons miser sur les réseaux existants. Encore une fois, nous pensons que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à titre d'organisateur, de bailleur de fonds et de courtier du savoir. Vous disposez de nombreux leviers et réseaux pour faciliter l'adoption d'une approche intégrée de promotion de l'activité physique. Nous vous encourageons à examiner ces réseaux existants, où le gouvernement fédéral rassemble les gens, pour voir s'ils présentent des occasions de promouvoir l'activité physique. Par exemple, le Programme d'action communautaire pour enfants s'adresse à un public vraiment important et constitue un moyen de promouvoir la littératie physique auprès des enfants d'âge préscolaire.
Je voulais seulement conclure par un commentaire formulé par la sénatrice Nancy Greene Raine :
[...] Il est essentiel d'inciter les Canadiens à bouger, et les enjeux sont de taille, surtout pour les jeunes.
Cela vaut la peine de déployer des efforts afin de rendre les Canadiens actifs. L'inactivité a des conséquences néfastes sur notre économie. Des données probantes indiquent que les coûts directement et indirectement liés aux soins de santé s'élèvent à une somme allant de 4,6 à 7,1 milliards de dollars par année. Comparativement à un Canadien actif, une personne inactive sera hospitalisée 38 p. 100 plus longtemps, consultera son médecin de famille 5,5 p. 100 plus souvent et rencontrera une infirmière 12 p. 100 plus souvent. Encore une fois, nous recueillons beaucoup de données probantes au sujet des répercussions économiques liées à ces facteurs de risque. Hans Kruger a fait de l'excellent travail dans ce domaine. Je veux vous assurer que le secteur sans but lucratif et les administrations locales sont vos partenaires, mais nous avons besoin que le gouvernement fédéral participe et fasse des infrastructures et des programmes relatifs à l'activité physique une priorité. Il est temps de joindre le geste à la parole. C'est le moment de s'activer.
Le président : Merci, madame Collins. Je ferais simplement remarquer que nous comptons parmi nos membres une sénatrice de la Colombie-Britannique, qui n'a pas pu se libérer aujourd'hui, et, en fait, vous l'avez citée. Je n'irais pas plus loin que cela, puisqu'il s'agit d'une réunion télévisée, mais elle a eu un empêchement, et elle était bouleversée de ne pouvoir se libérer afin de se présenter aujourd'hui.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. Jonathon Fowles, qui représente aujourd'hui le personnel enseignant de base de L'exercice : un médicament Canada.
Jonathon Fowles, membre du personnel enseignant de base, L'exercice : un médicament Canada : Je vous remercie, monsieur le président et chers membres du comité, d'avoir invité L'exercice : un médicament Canada à comparaître devant vous afin d'aborder cet enjeu important pour les Canadiens. Pour commencer, je vais poser la question suivante au comité : Que diriez-vous si un seul médicament pouvait traiter des dizaines de maladies, y compris l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, la dépression et le cancer. Voudriez-vous que vos médecins le prescrivent à leurs patients? Vous le voudriez certainement. Cela incarne la vision de L'exercice : un médicament Canada. Des données probantes solides et irréfutables montrent qu'une dose adéquate d'exercice peut réduire le risque et la prévalence de nombreuses maladies chroniques, dans une proportion de 25 à 60 p. 100, et que l'exercice est plus sûr et efficient que la plupart des médicaments. Le comité se penche sur les taux accrus d'obésité au Canada et prépare un rapport à ce sujet, mais les données probantes montrent clairement que l'inactivité physique contribue à l'épidémie d'obésité et est un facteur majeur qui contribue à la détérioration de la condition physique et au déclin de la santé des Canadiens.
Une récente Enquête canadienne sur les mesures de la santé a montré que près de 50 p. 100 des Canadiens déclarent respecter les lignes directrices canadiennes en matière d'activité physique, mais qu'environ 15 p. 100 atteignent cette cible lorsqu'on la mesure objectivement. Vous vous demandez peut-être pourquoi cela pose problème. C'est que la diminution de taux d'activité physique dans tous les aspects de ce que nous faisons, de notre travail à nos précieux temps de loisir, et en passant par notre moyen de transport et nos activités à la maison, a un effet majeur sur notre corps et sur notre santé, et c'est important.
Je suis physiologiste de l'exercice et membre de la Société canadienne de physiologie de l'exercice, qui est partenaire des initiatives de L'exercice : un médicament et appuie ces initiatives au Canada. En tant que physiologiste de l'exercice, je suis étonné lorsque je constate que les dépenses quotidiennes en énergie des Nord-Américains ont diminué abruptement depuis les années 1960. Je suis choqué lorsque je vois que les données des évaluations de la condition physique des Canadiens montrent que nous sommes en fait plus ronds, plus lourds, plus faibles et moins souples et que notre capacité aérobique a diminué dans tous les groupes démographiques par rapport aux années 1980. Je ne suis pas surpris lorsque je constate que les deux tiers des Canadiens font maintenant de l'embonpoint ou sont obèses, quand je vois cette faible activité dans une société où les aliments malsains et transformés sont omniprésents. De plus, je suis consterné lorsque je vois qu'on en fait très peu pour appuyer et encourager le comportement sain et actif des Canadiens.
Le comité demande qu'on lui indique les mesures à prendre, et ma collègue, Mme Collins, a mentionné certaines des données probantes à cet égard. Des études récentes laissent entendre que l'augmentation de l'activité physique et la réduction de 1 p. 100 seulement des taux d'obésité au Canada pourraient nous faire économiser 5,2 milliards de dollars au total en coûts économiques par année d'ici l'an 2030. Si une proportion de 10 p. 100 de la population canadienne devenait plus active, cela produirait une amélioration nette du PIB de l'ordre de 7,5 milliards de dollars par année d'ici l'an 2040, sans compter les effets positifs sur le bien-être personnel et social et à d'autres égards.
Il faudrait clairement adopter une approche multisectorielle, ascendante, descendante, latérale et universelle pour régler le problème de l'obésité et la crise des soins de santé au Canada. L'exercice : un médicament est un élément de la boîte à outils, mais son importance tient au fait qu'elle est reconnue à l'échelon international. Au départ, elle a été lancée par l'American College of Sports Medicine en 2007, et elle est maintenant présente dans plus de 30 pays du monde. La Société canadienne de physiologie de l'exercice est l'exploitant national et le principal promoteur du programme au Canada, mais elle le fait essentiellement sans soutien financier externe.
Selon la vision d'EMC, l'activité physique fait partie intégrante de la prévention et du traitement des maladies chroniques dans le système de soins de santé canadien. Les objectifs d'EMC sont : augmenter le nombre de professionnels de la santé qui évaluent les patients, qui leur prescrivent de l'activité physique et qui leur donnent des conseils à ce sujet et encourager la reconnaissance et la consultation des professionnels de l'exercice qualifiés pouvant soutenir les Canadiens qui tentent de respecter les directives canadiennes en matière d'activité physique et d'élimination des comportements sédentaires.
Vous vous demandez peut-être pourquoi cette initiative est nécessaire. Même si les comportements associés au style de vie sont responsables d'environ les trois quarts de la prévalence des maladies chroniques dans la société, y compris l'obésité, seul un petit pourcentage des Canadiens se font prescrire un style de vie sain par leur principal fournisseur de soins de santé. Notre système de soins de santé actuel est très ancré dans un modèle de traitement correctif qui est axé sur les produits pharmaceutiques et les interventions thérapeutiques. Les médecins de premier recours et les autres professionnels de la santé associés font face à des obstacles importants lorsqu'il s'agit de prescrire l'exercice et sont nombreux à ne pas posséder les connaissances ou à ne pas disposer des ressources communautaires nécessaires pour appuyer l'aiguillage vers ces professionnels de l'exercice, si cette prescription était faite. Il n'est donc pas surprenant que plus de 75 p. 100 des adultes canadiens se fassent prescrire des médicaments afin d'atténuer les symptômes de leur mauvaise santé et que seulement 10 à 15 p. 100 des Canadiens se fassent prescrire de l'exercice pour aider à prévenir le déclin de leur santé. Cette situation doit changer maintenant si nous voulons réduire les taux d'obésité et mettre fin à la crise des soins de santé de notre vivant et de celui de nos enfants.
Vous vous demandez peut-être : que fait L'exercice : un médicament? Nous sommes un conseil consultatif multidisciplinaire d'experts en matière de santé et d'exercice qui travaille avec des organisations comme l'Académie canadienne de médecine du sport et de l'exercice et le Collège des médecins de famille du Canada afin de combler la lacune entre ces deux secteurs traditionnellement distincts et de mettre en œuvre des stratégies visant à promouvoir l'activité physique dans les soins cliniques. Mais ce vaisseau est grand, et notre gouvernail est petit. Si nous voulons changer de cap, nous avons besoin d'un appui solide de la part du gouvernement et des professionnels à tous les niveaux, aux échelons national, provincial et régional, comme cela a déjà été mentionné.
Afin de poursuivre cette initiative, nous demandons : d'abord, le soutien de L'exercice : un médicament Canada afin que l'organisme puisse sensibiliser les gens à l'échelle nationale et faciliter l'établissement de politiques et de formations qui permettront aux professionnels de la santé canadiens de prescrire et de promouvoir l'activité physique dans le cadre des soins de santé afin d'améliorer la santé des Canadiens — c'est à cela que servent les soins de santé —; et, ensuite, un appui, par du lobbying et des mesures législatives, des initiatives visant à faire du counseling en matière d'activité physique et de la prescription de l'exercice le choix facile en soins de santé. Cela veut dire des initiatives pour garder les Canadiens en santé, comme celles qui sont axées sur un coup de pouce; des politiques soutenant les professionnels de la santé qui procèdent à des évaluations, qui donnent des consignes et des conseils, qui rédigent des ordonnances et qui aiguillent les patients, et des politiques qui reconnaissent adéquatement les professionnels de l'exercice qualifiés comme des personnes qui rendent un précieux service en matière de soins de santé au sein des équipes de soins de santé et des collectivités de partout au Canada.
En conclusion, nous croyons que le soutien de L'exercice : un médicament Canada aurait des conséquences importantes sur les taux d'obésité et sur les niveaux de forme physique des Canadiens et que cela entraînerait des économies de coûts majeures pour le système de soins de santé et améliorerait la condition physique et la productivité du Canada en tant que pays. L'exercice : un médicament pourrait ensuite être le message qui aide à rendre les Canadiens aussi en santé voire plus en santé que le Suédois de 60 ans moyen. Nous connaissons très bien les messages publicitaires de ParticipACTION des années 1980. Merci de votre attention et de votre considération.
Le président : Merci beaucoup à vous deux. Je vais maintenant céder la parole à mes collègues pour la période de questions. Je leur rappelle que la séance prendra fin au plus tard à 11 h 30 et que la règle d'une question par intervention s'applique.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de vos exposés. Bon retour sur la Colline du Parlement, madame Collins.
Je veux aborder une question dont nous entendons constamment parler au sujet des enfants, c'est-à-dire l'inactivité, car ils passent vraiment beaucoup de temps devant la télévision ou à jouer à des jeux vidéo, à utiliser des ordinateurs, et cetera.
Votre organisation, ou d'autres organisations que vous connaissez, applique-t-elle des pratiques exemplaires particulières afin de mieux s'attaquer à cette situation, de faire sortir les jeunes et de leur faire adopter des activités plus physiques au lieu de passer un temps excessif devant des écrans, si vous pensez que cela pose problème.
Mme Collins : Il s'agit assurément d'un problème. Je vais peut-être commencer. Je pense que vous avez eu des nouvelles du Dr Tom Warshawski, de la Childhood Obesity Foundation. On a élaboré un bon programme pour les écoles concernant le temps passé devant les écrans afin d'informer les enfants à ce sujet, certainement en Colombie- Britannique... Je ne sais pas si le programme a été utilisé dans d'autres provinces également. C'est une étape. Ce n'est pas tout, et cela ne va pas fonctionner pour tout le monde parce que, encore une fois, les gens ne réagissent pas tous de la même façon, pas même les enfants. Nous pensons qu'il s'agit d'un bon programme et qu'il faudrait le poursuivre et l'appuyer.
Les initiatives après l'école, comme je l'ai mentionné, visant à s'assurer que les jeunes pratiquent une activité physique constituent une bonne pratique. Il y a également le travail effectué par l'Agence de la santé publique dans ce domaine. Le travail effectué auprès des parents, par des groupes d'éducation familiale, afin d'encourager les parents à limiter le temps passé devant la télévision est une autre initiative. Encore une fois, je pense qu'il est important de faire cela auprès des gens dont le revenu s'inscrit dans la fourchette du faible revenu socioéconomique, qui n'ont peut-être pas la possibilité de sortir et de participer à d'autres genres de programmes.
Je pense que nous pouvons en faire beaucoup, mais nous ne sommes certainement pas encore arrivés à nos fins. Qui a des enfants? Nous en avons tous. Parfois, il est tellement plus facile de les asseoir devant la télévision ou un ordinateur. On les voit utiliser des iPad dans les restaurants. Ils sont devenus très dépendants de ces appareils. En tant que parents, il est difficile de les en séparer. Il faut de la force et de la volonté pour s'assurer qu'ils sortent dehors et qu'ils participent à un autre sport ou qu'ils s'adonnent à d'autres activités récréatives.
M. Fowles : Les données probantes montrent que les enfants et les jeunes passent de 38 à 42 heures par semaine devant un écran, en dehors de l'école. C'est un emploi à temps plein devant des jeux vidéo, devant leur iPad. Nous n'avons pas nécessairement un trouble déficitaire de l'attention. Nous avons un trouble déficitaire de la nature pour les jeunes : ils ne passent pas assez de temps dehors. Mark Tremblay dirait que, pour chaque heure qu'un enfant passe dehors, son niveau d'activité physique est beaucoup plus élevé que celui des enfants qui ne le font pas.
On peut faire de nombreuses choses, notamment dans les écoles. Des initiatives visent à promouvoir les ordinateurs portatifs et l'utilisation de ces ordinateurs, parfois presque au détriment des programmes d'éducation physique. Ma fille a six ans. J'ai des enfants qui veulent bouger tout le temps. Personnellement, je pense que c'est comme ça qu'ils sont faits. Je ne peux pas arrêter mes enfants de bouger, sauf si je les mets devant un écran. C'est ce qu'ils veulent faire. Ils veulent sortir jouer avec leurs amis. Ils veulent être dehors et sauter sur des barres de suspension. Nous n'arrêtons pas d'adopter des lois qui éliminent l'activité physique de tout ce qu'ils font. Nous avons retiré les barres de suspension parce qu'elles sont trop dangereuses. Nous avons retiré les ballons de soccer des terrains parce que quelqu'un pourrait en recevoir un sur la tête. Eh bien, ils jouent. Ce sont des enfants. C'est ce qu'ils font. Nous avons surréglementé le jeu, au Canada. Il faut que nous invitions les enfants à recommencer à jouer et, ce faisant, nous devons inviter les parents à jouer avec leurs enfants. Mon fils, qui a quatre ans, n'arrête pas de me demander : « Papa, pouvons-nous jouer au base- ball? Papa, pouvons-nous jouer au soccer? » Si je ne peux pas le faire, qui peut le faire? Je sors et je joue avec lui. C'est de cette façon que je pratique beaucoup d'activités physiques, en étant présent.
En tant que Canadiens, nous devons incarner et appuyer l'activité et l'intégrer dans notre culture, presque de nouveau. Nous pourrions appuyer nos cadres familiaux là-dessus, sur le fait d'être actifs plutôt que de s'isoler. On observe ce phénomène constamment au restaurant, où chaque enfant fixe son propre appareil, et les deux parents regardent leurs messages textes, et personne ne se parle. Lorsqu'on va dans un café, maintenant, personne ne se parle parce que tout le monde fixe son appareil. Si nous pouvons trouver comment faire preuve de créativité pour ce qui est d'incarner l'activité physique et le concept social connexe dans ce que nous faisons, je pense que cela aurait un effet important sur la façon dont les gens se sentent et sur ce qu'ils peuvent faire.
Mme Collins : Je pense que c'est également lié à des questions touchant la sécurité de nos collectivités. Je suis certaine que, quand nous étions petits, nous étions nombreux à jouer dehors toute la journée. Les parents ont peur de laisser leurs enfants faire cela, de nos jours. Nous devons trouver des façons de contourner ce problème également.
M. Fowles : Nous devons régler le problème de la peur : cet étranger, ce danger, ou appelez cela comme vous voulez. Les parcs sont très accessibles au Canada, mais les gens ne les utilisent pas parce qu'ils ont peur. En fait, la plupart des données probantes montrent que nos taux de criminalité sont inférieurs à ceux d'il y a 20 ans, mais les gens ont l'impression qu'ils ne peuvent pas aller au parc pour jouer, ce qui, selon moi, est malavisé.
La sénatrice Seidman : Madame Collins, dans votre liste de ce que nous pouvons faire à ce sujet, vous mentionnez le fait que « nous pouvons chercher des moyens d'encourager l'adoption de comportements plus sains ». Vous aviez dit que vous alliez revenir là-dessus. Je voudrais vous donner l'occasion, si vous le voulez bien, de revenir sur cet aspect, car il est extrêmement intéressant. En outre, vous avez mentionné le Royaume-Uni et les États-Unis. Il est toujours important d'examiner quelles sont les pratiques exemplaires des autres pays qui font face à la même situation.
Si vous le pouvez, voudriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « encourager l'adoption de comportements plus sains »?
Mme Collins : Je pense que nous en sommes au tout début de ce volet, même si je suppose que vous pourriez peut- être dire que certaines des publicités traditionnelles de type ParticipACTION supposent un certain encouragement. Une part du nouveau travail effectué suppose maintenant de donner des incitatifs aux gens. Je ne sais pas si des exposés vous ont été présentés à ce sujet, mais certains projets ont été mis en œuvre au Canada. En Colombie-Britannique, il y a quelques années, grâce au ministère de la Santé et à l'une des chaînes de supermarchés, si on achetait des fruits et légumes frais et qu'on faisait ce genre de choses, on obtenait plus de points à notre régime de Canada Safeway. On effectue actuellement un certain travail dans ce domaine afin d'élargir ces types de projets et de voir comment ils fonctionnent. Encore une fois, les gens ne vont pas tous réagir de la même façon. Je pense que nous devons faire attention de dire qu'il n'y a pas de solution unique.
Il y a d'autres façons de faire, au travail; on peut mettre sur pied des équipes dont les membres vont peut-être sortir pour faire des choses ensemble. Je sais qu'AIR MILES a fait beaucoup de travail à cet égard également. Les employés de cette entreprise sortent pour marcher le midi, et certains prix peuvent être décernés. Nous le faisons dans les camps du Nord. Nous sortons du camp, et des prix sont décernés aux gens qui le font. Beaucoup de gens sont motivés lorsqu'ils peuvent obtenir quelque chose en retour après avoir fait quelque chose de bien. C'est à peu près à cela que nous pensons lorsque nous parlons du facteur « encouragement ».
La sénatrice Stewart Olsen : Je vais avoir beaucoup de difficulté à m'en tenir à une seule question, mais je vais le faire.
Madame Collins, je m'intéresse beaucoup aux camps, mais ma question s'adresse à M. Fowles.
Quand vous parlez de prescrire l'exercice, que voulez-vous dire? La plupart des médecins, des infirmières praticiennes et des personnes de ce genre que je connais rencontrent leurs patients et leur disent : « Vous devez sortir et marcher. » Mais ce n'est pas utile. Les gens le font ou ne le font pas, mais la plupart ne le font pas. Ou bien ils disent : « Vous devez faire plus d'exercice. » Lorsque vous parlez de prescription, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Fowles : Oui, certainement. Il est vrai que le simple fait de dire aux gens de faire de l'exercice ne fonctionne pas. C'est un peu comme la résolution du 1er janvier : je vais me mettre en forme. Oui, c'est cela. Si on n'a pas établi de plan à cet égard, c'est-à-dire ce qu'on va faire, quand on va le faire, pour combien de temps, à quelle intensité, avec qui et quelles sont les mesures de soutien dont on a besoin afin de réaliser ce plan d'action, il ne se concrétisera pas. C'est là qu'échoue la recommandation concernant l'activité dans le domaine des soins de santé. Les professionnels de la santé sont nombreux à dire : « Soyez actifs », mais, si cette recommandation ne prend pas la forme d'un genre de prescription précise, il peut tomber à plat.
L'un des programmes offerts par L'exercice : un médicament est un vrai carnet d'ordonnances sur lequel on peut inscrire « 30 minutes, trois fois par semaine, à intensité modérée », et cela renforce le message. Par exemple, si un patient consulte son médecin et qu'il dit : « Vous devriez probablement manger mieux et être plus actif, mais voici votre ordonnance de médicaments. » Le patient sort de ce rendez-vous avec cette feuille de papier qui indique que c'est important, et le médecin a parlé d'autres choses, mais il ne se souvient pas vraiment de ce qui a été dit. Cette ordonnance de médicaments renforce un certain message et atténue l'autre message.
L'une des initiatives que nous menons consiste à amener les médecins à rédiger cette ordonnance, et seulement 10 p. 100, tout au plus, des professionnels de la santé rédigent réellement une recommandation précise. De nombreux professionnels de la santé pourraient parler du tabagisme avec leurs patients, mais combien d'entre eux disent vraiment qu'ils devraient arrêter de fumer? Voilà la grande différence entre ce qu'on ordonne à son patient de faire et ce qu'on l'aide à faire. On a besoin de ressources pour appuyer le message, tout comme on a besoin de mesures de soutien de l'abandon du tabagisme vers lesquelles aiguiller cette personne, mais le renforcement du message augmente de plus de 50 p. 100 la probabilité que cette recommandation sera adoptée. Quant aux médecins qui rédigent réellement des ordonnances, cette pratique entraîne une augmentation du niveau d'activité physique de la population qu'ils servent d'environ 10 p. 100. Je reconnais que les gens ne seront pas tous réceptifs à cette méthode. Nous avons récemment mené un sondage à Winnipeg, un simple sondage sur la santé. Lorsque j'ai tenu un atelier de L'exercice : un médicament pour un groupe de médecins locaux dans cette ville, un journaliste de CTV News est venu et m'a interrogé, et il a effectué un petit sondage sur le Web. La question était la suivante : « Si votre médecin vous prescrivait de l'exercice, votre activité augmenterait-elle, et feriez-vous de l'exercice? » Environ 800 personnes ont répondu à ce sondage en une journée, et environ 35 p. 100 d'entre elles ont répondu par l'affirmative. Il s'agit d'une proportion assez importante en fait. Les gens ne vont pas tous réagir directement à cette ordonnance, mais, si 35 p. 100 d'entre eux le font, c'est beaucoup mieux que les 15 p. 100 de Canadiens qui ont besoin de lignes directrices. Je pense qu'on peut clairement faire certaines choses à cet égard.
Mme Collins : Puis-je seulement ajouter quelques commentaires, car nous avons une certaine expérience dans ce domaine, nous aussi. Il y a quelques années, nous avons exécuté un projet avec des médecins dans le cadre duquel ils prescrivaient la marche, et, en fait, cela n'a pas très bien fonctionné. Nous avons tiré des leçons de nos erreurs. Le suivi n'avait pas été suffisant, et nous n'avions pas fourni aux médecins d'information au sujet des endroits où les gens pouvaient aller. À présent, une ligne d'activité physique a été instaurée en Colombie-Britannique, et elle est très utile. On peut téléphoner et obtenir tous les renseignements de ce genre. En Colombie-Britannique, nous venons tout juste de parachever une nouvelle stratégie d'activité physique qui a été dirigée par le ministère de la Santé, et à laquelle nous avons pris part en tant qu'ONG communautaire, tout comme les médecins. Ce volet va faire partie de cette stratégie. Les médecins ne seront pas les seuls à y prendre part, parce que nous avons insisté très fortement pour dire que tous les fournisseurs de soins de santé primaires... votre dentiste, votre physiothérapeute.
Je vous inviterais à examiner une autre chose. Je suis allée en Norvège, il y a quelques années, et j'ai vu là-bas d'excellents programmes qui fonctionnent de la même façon. Lorsque le médecin aiguillait une personne, il y avait un suivi; les gens devaient vraiment consulter. Il ne s'agissait pas simplement de dire : « Bon, voici une ordonnance : allez- vous en chez vous. » Les résultats tirés de cette approche étaient très bons.
M. Fowles : L'autre initiative de L'exercice : un médicament Canada est de promouvoir l'aiguillage vers des professionnels de l'activité physique qualifiés à des fins de suivi. Si vous avez besoin de médicaments, vous pouvez aller voir le pharmacien, et celui-ci vous dira comment les prendre et avec quelle nourriture. Mais l'aiguillage doit viser une personne en qui vous avez confiance. Par exemple, quelqu'un qui souffre du diabète ou d'une maladie cardiovasculaire doit être aiguillé vers une personne qui sait ce que signifie l'ordonnance et connaît l'intensité du problème et les précautions à prendre, au besoin.
En ce moment, dans notre société, les kinésiologues ne sont réglementés à titre de professionnels qu'en Ontario. C'est très récent, ce n'est le cas que depuis deux ans seulement. Partout au Canada, nous avons besoin d'un soutien beaucoup plus grand au sein des collectivités de sorte que les personnes puissent aller chercher l'aide dont elles ont besoin pour être plus actives.
La sénatrice Merchant : Vous avez en quelque sorte répondu à ma question. De toute évidence, selon ce que vous avez dit, il y a un écart entre les renseignements et les connaissances que vous possédez et le fait de rejoindre la collectivité dans son ensemble. Vous dites que nous perdons du terrain à tous les niveaux.
Vous pouvez être d'accord ou pas, mais nous ne donnons peut-être pas des renseignements qui sont clairs et exacts et que les gens peuvent vraiment suivre. Par exemple, nous savons que l'étiquetage est obligatoire sur les emballages. Nous avons appris de cette étude que les gens ne suivent pas vraiment ni ne comprennent l'étiquetage. Il en est peut- être de même avec l'exercice. J'ai lu quelque part que l'exercice est en réalité une prescription pour l'incapacité du gouvernement d'adopter des programmes, parce que le fait de dire simplement le mot « exercice » serait censé régler le problème.
Peut-être que d'autres pays font quelque chose pour mobiliser les gens, pour leur faire comprendre que c'est important. Nous disons que c'est important. Nous nous contentons d'en parler, mais, de toute évidence, nous ne mettons pas les choses en pratique.
M. Fowles : Deux choses. D'abord, nous avons maintenant des lignes directrices harmonisées. Les 150 minutes d'activité physique d'intensité modérée à élevée des Directives canadiennes en matière d'activité physique sont harmonisées avec pratiquement tous les problèmes de santé chroniques importants. Si vous regardez les lignes directrices de l'ACD ou de la Société de cardiologie ou les lignes directrices en matière de traitement de l'hypertension, elles sont maintenant toutes les mêmes. Il y a quelques années, ce n'était pas le cas. C'est une chose qui va permettre de clarifier le message. L'autre aspect de la question, c'est que c'est vrai; il n'y a pas de stratégie nationale concernant l'activité physique au pays. Le document Canada Actif 20/20 présente, en gros, le plan détaillé et le cadre pour la façon dont nous pouvons y arriver, en adoptant une approche descendante et multisectorielle pour promouvoir l'activité physique dans les collectivités, les centres de soins de santé et les écoles, mais il n'y a pas de leadership à cet égard. Lorsque je pense à la façon dont l'Agence de la santé publique du Canada peut activer des ressources incroyables lorsque survient une crise du SRAS ou de la maladie de la vache folle, ou quelque chose comme cela... Tous les jours, le nombre de Canadiens qui meurent prématurément en raison de l'inactivité physique excède toutes les crises mises ensemble; pourtant, il n'y a pas d'urgence. Aucune stratégie nationale pour promouvoir l'activité physique et la santé des Canadiens n'existe à cet égard. Ma question est de savoir pourquoi ce n'est pas le cas.
Mme Collins : J'aimerais ajouter à ce sujet que nous avons tous participé à Canada Actif 20/20, mais que le projet semble avoir été abandonné. Je ne sais même pas où il en est en ce moment. Encore une fois, les gens réagissent de façons différentes. Il y a des personnes actives, qui font du vélo et toutes ces choses. Beaucoup de gens résistent simplement à l'idée de faire de l'activité physique. Je ne sais pas comment vous vous sentez tous. Je suis un peu comme cela moi-même. Je n'aime pas me faire dire quoi faire, et on doit donc choisir soigneusement nos mots pour vraiment rejoindre les personnes qui peuvent résister.
Une des choses que nous remarquons, certainement, c'est que les gens sont sociables, et il importe de les rassembler pour qu'ils fassent des choses ensemble. Il faut amener des groupes à marcher — des personnes âgées dans des centres commerciaux, d'autres personnes sur le lieu de travail ou pendant l'heure du dîner — où les gens le font ensemble et ne se sentent pas trop isolés.
Le président : Je vais le dire à mes collègues : ma liste est pleine maintenant, et nous terminerons à 11 h 30. Je vais accepter une question avant que nous ne terminions.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur Fowles, dans votre texte, vous dites que l'exercice est un médicament et vous souhaitez que les Canadiens soient en aussi bonne santé que les Suédois qui ont atteint l'âge de 60 ans. Cela s'applique donc aux personnes âgées de 20, 30, 40 et 70 ans. C'est un bon modèle, car chaque fois qu'on parle de la Suède, que ce soit en matière de fiscalité, de climat ou de programmes sociaux, c'est l'exemple parfait. On aime donc se comparer à la Suède.
Si je reviens à la santé, qui est notre sujet d'aujourd'hui, j'ai plus de 60 ans et je crois avoir atteint le poids santé, qui tient compte de la taille et de l'âge. On travaille plusieurs heures par semaine et on marche d'un bureau à l'autre. Qu'est-ce qui pourrait être fait de plus, en tenant compte bien sûr d'une alimentation saine? Qu'est-ce qui pourrait être fait de plus pour des personnes avec qui je me compare, qui ont de 60 à 70 ans? Quel exercice, à part la marche, pourrait être fait régulièrement pour que nous puissions revenir à ce qui est souhaité dans votre programme L'exercice : un médicament Canada?
[Traduction]
M. Fowles : Le tsunami touchant les soins de santé au Canada, c'est que les taux d'incidence du diabète augmentent pratiquement tous les 10 ans. Ils montent en flèche. L'autre chose que nous observons, c'est que les taux bruts de prévalence du diabète ont doublé tous les 10 ans au cours des 20 dernières années. Au-delà de 60 ans, il y a une grande augmentation du taux de diabète. Le principal facteur qui en est à l'origine est l'utilisation des muscles. Marcher est une chose; cela permet de brûler des calories. Mais ce que nous ne faisons pas dans la société d'aujourd'hui, c'est de solliciter nos muscles dans une activité vigoureuse. La deuxième partie des directives canadiennes en matière d'activité physique concerne des activités de renforcement des muscles et des os à faire au moins deux jours par semaine. C'est parce que de 80 à 90 p. 100 du taux de sucre dans le sang est déposé dans les muscles. Toutes ces choses que nous avons dans la société, comme les souffleuses et les tondeuses à siège, sont pratiques pour réduire la quantité de travail que nous faisons dans le haut du corps. Le fait de faire des choses simples, comme un entraînement à l'aide d'une bande élastique, permet de solliciter la masse musculaire et peut aider à réduire les niveaux de glycémie très rapidement ainsi que le taux d'hémoglobine A1C, ce qui permet de réduire le risque de diabète.
Nous avons un certain nombre de programmes communautaires en Nouvelle-Écosse qui sont dirigés depuis des sous-sols d'église et des centres du diabète, entre autres, où un groupe d'aînés se réunissent pour s'entraîner à l'aide de bandes élastiques et prennent un café ensemble. Leur nouvel emploi de retraité consiste à faire de l'exercice et à prendre soin d'eux. Ceux qui le peuvent réussissent à être en santé, à avoir de l'énergie et à vivre une longue vie, en toute autonomie. C'est une chose que l'exercice permet. Il permet non seulement d'ajouter des années à la vie, mais aussi une vie aux années, en ce sens qu'on peut maintenir une qualité de vie élevée jusqu'à ce que quelque chose se produise, et non pas subir un long et lent déclin. C'est ce que l'exercice, particulièrement l'exercice axé sur la résistance, peut permettre de faire.
La sénatrice Frum : Ma question rejoint celle de la sénatrice Stewart Olsen. La plupart des Canadiens voient leur médecin une fois par année tout au plus. Une bonne partie de votre exposé, monsieur Fowles, portait sur le rôle des professionnels de la santé. Je comprends qu'ils voient d'autres types de professionnels, mais en ce qui concerne le fait d'essayer de régler ce problème dans le cabinet du médecin, cela me semble un espoir un peu vain, parce que les gens ne sont pas toujours nécessairement francs avec leur médecin. Ils leur promettent toutes sortes de choses et ils ne le voient qu'une fois par année. Cela ne me semble tout simplement pas vraiment utile.
M. Fowles : Je reconnais que L'exercice : un médicament et l'initiative visant à amener les médecins et d'autres professionnels de la santé à prescrire l'exercice dans le cadre des soins de santé est une pièce d'un grand puzzle. Je le reconnais et l'admets. Je pense que c'est une initiative valable, parce que de 70 à 80 p. 100 des Canadiens voient leur principal fournisseur de soins de santé au moins une fois par année. Ce qu'il faut retenir, lorsque vous parlez de renseignements sur la santé et de ce qui en constitue la principale considération, c'est que les renseignements qu'ils reçoivent de leur médecin sont toujours classés au premier rang. La recommandation d'un médecin ou d'un autre professionnel de la santé associé a un effet puissant sur le changement du comportement si une personne est prête à recevoir ce message.
Cela ne fonctionne pas pour tout le monde. Par exemple, si un médecin recommande à une personne de cesser de fumer, tous diront que cela contribuera grandement à améliorer sa santé. L'adoption des directives canadiennes en matière d'activité physique procure des bienfaits qui sont égaux ou supérieurs au fait de cesser de fumer, si les personnes réussissent à faire 50 minutes d'activité physique. Un médecin doit parler à entre 50 et 120 personnes pour qu'une seule d'entre elles cesse de fumer. Mais s'il parle à 8 à 12 personnes, l'une d'entre elles finira par faire 150 minutes d'activité physique par semaine. Lorsqu'il est question des ressources qui interviennent dans les programmes de cessation du tabagisme, un dixième d'entre elles pourraient produire autant ou plus de bienfaits. Cela met les choses en perspective.
Le sénateur Wallace : En écoutant vos exposés, je repense à ma propre jeunesse. J'ai fait beaucoup de sports de compétition. Cela m'a plu; j'ai adoré cela. Je me souviens des camps d'entraînement et des sprints courts — j'ai détesté cela, j'ai détesté avoir à me mettre en forme. Mais j'ai adoré jouer. J'ai adoré le jeu, le plaisir et la camaraderie — l'exercice, pas tellement. J'ai été en mesure de me tromper moi-même. Lorsque je jouais, je faisais de l'exercice, mais je m'amusais; donc, je ne pensais pas vraiment aux bienfaits pour la santé.
Madame Collins, vous avez parlé de votre petit-fils. Mon petit-fils a 4 ans, et il est comme un missile à tête chercheuse thermique. Je n'ai pas à lui dire quoi faire, il le fait, tout simplement. Dans ce contexte, cela me frappe qu'il faille, à des âges différents, utiliser des motivations différentes pour encourager les gens à être actifs. Les très jeunes enfants trouveront leur propre façon; pour les enfants de 9 et 10 ans et les adolescents, les choses sont différentes, une fois de plus. Si l'ordinateur leur apparaît plus amusant que l'exercice, c'est là qu'ils seront.
Monsieur Fowles, lorsque vous parlez de la prescription qui est nécessaire pour encourager l'activité, peu importe l'âge, ce qu'il faut retenir, c'est que les gens doivent trouver du plaisir et du divertissement dans ce qu'ils font? S'ils se disent : « Je suis sur ce tapis roulant parce que je dois en faire pendant 30 minutes », et nous avons tous fait cela, bon nombre d'entre nous décidons simplement de ne pas en faire. Ce n'est pas agréable.
Devons-nous créer des installations, des circonstances et des façons novatrices pour que cela puisse être amusant à tous les niveaux? Où peut-il y avoir du jeu, pour que cela ne soit pas du travail? Ne s'agit-il pas vraiment de l'essentiel de sorte que nous puissions duper les gens? Vous retrouverez la santé, mais vous ne le faites pas parce qu'on vous dit de le faire comme un simple exercice.
Mme Collins : Je suis entièrement d'accord avec vous, sénateur Wallace. C'est assurément ce qui fonctionne pour moi. Encore une fois, je me rends compte que tout le monde est différent, mais c'est une partie importante, c'est-à-dire d'en faire une activité amusante, sociale et interactive pour qu'on n'ait pas à être seul. Certaines personnes adorent courir seules, mais beaucoup de gens ne réagissent pas aux choses de cette façon.
Oui, il serait très bien d'avoir ce genre de programmes. Dans les complexes de logements sociaux, une autre façon de faire serait de faire participer un animateur ou un motivateur, de rassembler les gens autour d'une activité amusante ou d'une activité physique, et cela pourrait être fait avec leur famille. Nous pourrions faire beaucoup de choses.
Nous ne sommes pas de grands défenseurs de la publicité. Cela a peut-être fonctionné dans les années 1980, mais nous ne croyons pas que cela fonctionne si bien aujourd'hui. Je pense que l'on doit faire des choses sur le terrain, avec des gens, et, de nouveau, les rendre amusantes.
M. Fowles : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il existe différentes stratégies pour différents groupes. Je suis d'accord avec le fait que cela doit être une activité amusante et sociale. Dans le cadre de Canada Actif 20/20, il y a une participation multisectorielle dans les sports et le perfectionnement des athlètes à long terme, dans les écoles et ailleurs aussi.
De mon point de vue, dans le cadre de L'exercice : un médicament, il est vrai que si vous dites à quelqu'un de faire quelque chose, celle-ci fera en fait le contraire. Si vous dites à quelqu'un qu'il doit faire de l'exercice, la personne réduira probablement son niveau d'activité physique. C'est ce que font nos ateliers et notre formation. Ils enseignent ce qu'est le counseling en activité physique. De cette façon, la personne ou le patient est aux commandes et peut choisir sa destinée en décidant comment il deviendra plus actif. Encore une fois, c'est un virage à 180 degrés pour ce qui est du modèle de prescription, qui consiste à poser des questions à une personne au sujet de ses activités physiques, de lui demander quelles sont les activités qu'elle aime pratiquer, puis de lui demander ce qu'elle pourrait envisager de faire pour contribuer à sa santé. L'élément important, c'est que le fournisseur de soins de santé accentue le message selon lequel le fait d'être actif va contribuer à la santé, à la condition physique et au bien-être social des personnes. Elles servent surtout de guide, lorsqu'elles sont faites correctement. De nouveau, c'est une partie du problème. De nombreux professionnels de la santé ne reçoivent aucune formation concernant l'intervention sur le mode de vie. C'est une autre initiative de L'exercice : un médicament Canada. L'initiative est sur les campus pour changer le programme des écoles de médecine et fournir une formation afin de faire savoir aux personnes comment conseiller des gens à l'égard de l'activité physique afin d'accentuer un message et d'habiliter une personne à adopter un mode de vie actif sur le plan physique de la façon qu'elle aimerait le faire.
[Français]
La sénatrice Chaput : C'est malheureux que la sénatrice Raine ne soit pas ici, car elle serait tellement heureuse. Il n'y a aucun doute que l'exercice physique doit faire partie de la vie de tout le monde. On doit normaliser à nouveau l'activité physique. Elle l'était dans le passé, et des sénateurs ont donné plusieurs exemples à ce sujet, mais elle ne l'est plus maintenant pour toutes sortes de raisons.
On a parlé des écoles. Ne croyez-vous pas qu'il serait important que, à nouveau, on puisse privilégier les programmes de curriculum dans les écoles — je sais qu'elles relèvent de la compétence provinciale — en matière d'activité physique, comme dans le passé, afin que toutes les écoles offrent ces programmes d'activité physique aux enfants?
Il y a aussi les garderies. Il y a de petits enfants dans ces garderies. Il n'y avait pas de garderies il y a 40 ans, mais maintenant, il y en a. Que pourrions-nous faire, justement, pour commencer à normaliser l'activité physique à cet âge, afin que les enfants suivent tous les prescriptions des médecins? Les petits enfants sont là pour apprendre et ils veulent apprendre. Que faire avec ces enfants dans l'ensemble du Canada qui sont prêts à recevoir un message quelconque et qui pourraient développer de meilleures habitudes?
[Traduction]
Mme Collins : Absolument. En Colombie-Britannique, nous avons bel et bien des lignes directrices destinées aux garderies pour ce qui est d'exiger d'elles qu'elles prévoient de l'activité physique. C'est la même chose avec les écoles. Elles sont arrivées il y a quelques années. Un des défis a été le fait que, du moins du côté des écoles, les enseignants ne savent pas nécessairement quoi faire, et cela a été un problème. On a eu l'impression que les lignes directrices n'avaient pas vraiment été mises en œuvre de façon si efficace dans certaines parties de la province.
Nous avons mis l'accent sur la nouvelle stratégie en matière d'activité physique qui doit être renforcée. Nous devons avoir les outils et les ressources nécessaires de manière à permettre aux enseignants de savoir quoi faire pour que les enfants s'amusent tout en étant actifs physiquement.
Là encore, cela exige des partenariats à tous les ordres de gouvernement afin d'aider à mettre en œuvre ce genre de programmes.
M. Fowles : Deux choses. D'abord, il y a eu une grande initiative il y a 20 ans pour retirer les professeurs d'éducation physique des écoles. Je pense que c'était une erreur colossale, parce qu'il y avait des professeurs de mathématiques, des enseignants bien intentionnés qui essayaient de faire quelque chose pour développer le savoir-faire physique, et il faut de l'expertise pour le faire correctement. C'est très important de réintroduire ces enseignants dans le programme. Tout comme je l'ai dit à propos du fait d'aller chez le médecin, où on vous donne un médicament sous ordonnance et on vous parle d'autres choses, vous accentuez un message, mais en affaiblissez un autre.
Dans les écoles, nous renforçons la technologie. Nous adoptons la technologie et disons que vous avez besoin d'ordinateurs portables et de toutes ces choses, et nous réduisons les heures consacrées à l'éducation physique. Nous réduisons les heures de dîner. Ma fille a 15 minutes sur l'heure du dîner pour jouer dehors, parce qu'elle doit être de retour dans la salle de classe. Pourquoi? Il est clair qu'en faisant plus d'exercice, vous améliorez votre mémoire, diminuez vos problèmes d'attention et améliorez votre attention à l'école. Pourquoi donc la période du dîner ne serait- elle pas consacrée au moins pendant une demi-heure à l'augmentation du rendement scolaire et à l'amélioration de la santé de tous les enfants chaque jour?
La sénatrice Beyak : Merci de vos exposés. J'ai un petit-fils de 11 mois, et je partage donc votre joie. Mes questions vont dans le même sens que celles du sénateur Wallace. Ma grand-mère avait 102 ans. Elle était grosse et en forme, et elle n'a jamais pris de médicaments de sa vie. Mais elle faisait de l'exercice tous les jours. Elle cuisinait et était propriétaire d'un salon de thé au coin des rues Yonge et Bloor. Pourriez-vous nous dire comment rendre l'exercice plus amusant? Elle se levait et faisait de l'exercice durant chaque publicité lorsqu'elle regardait la télévision. Elle dansait dans la cuisine et était une personne très heureuse. Comment pouvons-nous rendre l'exercice plus amusant, parce que beaucoup d'entre nous ne sont pas des skieurs alpins — j'aimerais bien l'être — ni ne font partie d'équipes sportives de compétition?
Mme Collins : Il faut réfléchir à beaucoup de choses. Nous sommes tous assis ici. Pourquoi sommes-nous assis? Pourquoi ne sommes-nous pas debout? Beaucoup d'environnements de travail ont des bureaux permettant d'être debout pour que les personnes ne soient pas assises toute la journée. Elles se lèvent et se déplacent. Il s'agit de choses comme le fait de danser durant les publicités. De dire : « Dansons pendant que nous regardons la publicité. »
Je pense que beaucoup de choses peuvent être faites pour rendre l'activité physique plus amusante. Comme vous l'avez dit, vous pouvez avoir ce que les gens peuvent percevoir comme un surplus de poids, mais vous pouvez être en santé si vous êtes également actif physiquement et mangez des fruits et des légumes. Nous devons faire attention de ne pas stigmatiser les gens en raison de problèmes de poids.
M. Fowles : Il est vrai de dire que la condition physique est un bien meilleur indicateur de la santé que l'obésité. L'autre chose au sujet du plaisir, c'est que Canada Actif 20/20 est une chose multisectorielle qui permettrait de normaliser l'activité physique pour tous les Canadiens, et cela peut faire partie de la construction sociale.
Par exemple, je parle à des parents, et ceux-ci disent que, pour faire leur activité physique, ils regardent leurs enfants jouer au soccer. Je leur demande : « Pourquoi restez-vous plantés là? » Ils répondent : « Parce que tous les autres parents restent plantés là. ». Si vous décidiez de marcher avec tous les autres autour du terrain, vous marcheriez tous ensemble, et cela serait donc normal. J'ai lancé cette initiative, et, dans toutes ces communautés maintenant, on voit des gens qui marchent autour des stades de soccer et des patinoires. Nous avons construit une piste de marche autour de la patinoire de l'Université Acadia, et celle-ci est maintenant utilisée tout le temps. On a normalisé le fait que c'est correct de le faire, et le fait de s'asseoir va devenir de moins en moins correct.
Nous avons besoin de ce soutien pour une stratégie nationale en matière d'activité physique qui en fait une habitude.
Le président : Je vais maintenant poser quelques questions. Je peux peut-être prolonger un peu la période des questions. Notre prochain témoin qui comparaît par vidéoconférence se trouve actuellement dans un métro à New York. Nous verrons comment cela se passe. Nous sommes en communication, pour ainsi dire.
Je me disais que, parce que tous les enfants se servent de leur téléphone cellulaire et utilisent leurs pouces tout le temps, nous sommes peut-être dans une période d'évolution et deviendrons un ensemble de pouces. Nous nous opposons peut-être à l'évolution dans tous ces efforts pour changer les choses.
Je voulais également reconnaître certaines des activités que M. Fowles et ses collègues du département de kinésiologie de l'Université Acadia font, qui ont eu des répercussions extraordinaires et qui viennent renforcer nombre des choses qui sont dites ici, y compris le commentaire de la sénatrice Beyak et d'autres intervenants. Au département, il y a, par exemple, un programme axé sur la santé du cœur. Cela s'adresse aux personnes qui ont eu une crise cardiaque ou qui ont une raison d'être préoccupées par leur activité cardiaque.
Ces personnes se sont investies dans ce programme de façon si sérieuse que, lorsque Noël ou l'été arrive, elles veulent être en mesure de continuer, et cela dure depuis plusieurs années maintenant.
L'important, c'est que, avec toutes les choses que vous avez dites ici aujourd'hui, si on peut mettre quelque chose à la disposition des personnes, créer une mesure incitative pour qu'elles y participent, fournir des encouragements et en faire une activité de groupe, une activité communautaire, cela deviendra un événement pour elles. Elles sont impatientes d'y prendre part. Elles sont pour la plupart à la retraite. C'est un concept très positif. Histoire de faire de la publicité pour l'Université Acadia, celle-ci compte un certain nombre de programmes, qui visent tous les publics, depuis les enfants jusqu'à des personnes de ces groupes d'âge. D'ailleurs, c'est ennuyant, lorsqu'on utilise l'installation tout seul : la réussite est telle que la salle de conditionnement physique est encombrée.
M. Fowles : C'est un bon problème.
Le président : Cela dépend de votre point de vue. C'est absolument le cas. C'est une mesure absolue d'une grande réussite. Je veux vous applaudir, vous et vos collègues, non seulement pour votre prêche, mais aussi pour votre pratique et pour avoir obtenu toutes sortes d'exemples de réussites.
J'aimerais revenir tout particulièrement à la question du concept de la prescription. Tout d'abord, j'aimerais dire que je suis entièrement d'accord avec vous deux en ce qui concerne toutes les choses que vous avez soulevées et sur lesquelles vous vous êtes concentrés ici aujourd'hui de façon très constructive.
Mais, de nouveaux faits sont maintenant soulevés en ce qui a trait à ce qu'on appelle la prescription ou des incitatifs pour que les personnes fassent de l'exercice. Une étude de l'Université de Cambridge, que vous connaissez probablement, s'est récemment penchée sur cette question. La question est de savoir combien de temps vous pourriez continuer, par exemple, de fournir un accès gratuit à un programme de conditionnement physique. Combien de temps pouvez-vous continuer d'offrir un cadeau, pour ainsi dire? Peut-être que c'est un coupon pour encourager les personnes à continuer. On a mené une étude selon laquelle le fait de soudoyer les gens pour qu'ils vivent plus sainement ne fonctionne que pendant trois mois, puis ils laissent tomber. C'est ce qu'une étude de l'Université de Cambridge a révélé. Je ne vous ai donné un exemple que d'une seule initiative qui a connu un énorme succès pendant des années, et il y a donc des façons de faire ces choses.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Fowles. Le fait d'obtenir la prescription du médecin, la discussion, le fait de l'écrire, peu importe ce que vous êtes en mesure de réussir à faire faire aux médecins pour que la personne commence à faire une sorte d'activité, dites-moi, quelle est votre expérience en ce qui a trait au suivi et au long terme?
M. Fowles : Plusieurs choses. D'abord, la sénatrice Seidman a parlé du coup de pouce, de la façon dont l'exercice est un médicament et des mesures incitatives dans le cadre des soins de santé.
Une des choses que nous essayons aussi de promouvoir s'appelle les signes vitaux de l'exercice ou les signes vitaux de l'activité physique. Un des indicateurs de santé les plus importants, comme le rythme cardiaque, la pression artérielle, la température et le rythme de la respiration, c'est le niveau d'activité physique, en ce sens que c'est probablement un des plus grands indicateurs de votre santé globale.
Il faut que les médecins mesurent cela à chaque fois. Ils rédigent ensuite une ordonnance. Puis, ils peuvent faire un aiguillage ou recommander un programme. C'est là qu'il doit y avoir un suivi. Les ressources et les programmes communautaires qui fonctionnent doivent être dirigés par des professionnels de l'activité physique qualifiés qui savent ce qu'ils font et savent comment gérer des personnes et leurs besoins personnels. Si une personne a un problème au genou, un problème à l'épaule, et cetera, nous pouvons modifier le programme en ce sens.
Il importe d'avoir des programmes dans des collectivités qui peuvent soutenir les personnes pour qu'elles soient actives de la façon qu'elles veulent l'être.
Il y a ce coup de pouce. Il y a des types de motivation différents : intrinsèque et externe. Pour les personnes dont le niveau de motivation d'ensemble est peut-être bas, un motivateur intrinsèque peut aider à tirer parti de certaines choses pour peut-être les inciter à s'activer. Mais il est vrai que c'est de courte durée. Un programme d'activité physique approprié permet de renforcer la confiance au fil du temps.
Ce que nous appelons des étapes du changement ou des théories du comportement indiquent que les personnes ont besoin d'une plus grande confiance pour faire plus de choses. L'entraînement axé sur la résistance, par exemple, exige un certain degré de confiance pour que l'on puisse savoir quels exercices on doit faire, comment soulever les poids et de quelle façon. J'ai besoin de connaissances, j'ai besoin de compétences et je dois m'exercer à le faire. Le fait de simplement dire à quelqu'un une fois de suivre un entraînement axé sur la résistance ne fonctionnerait probablement pas. Nous avons donc besoin de pouvoir l'aiguiller vers un programme communautaire, où il y a un professionnel de l'activité physique qui sait ce qu'il fait. Cette partie aide les gens, en gros, à renforcer leur confiance, jusqu'à ce qu'ils arrivent au point où ils peuvent le faire par eux-mêmes, et ils acquièrent un degré de confiance élevé et une motivation intrinsèque une fois qu'ils commencent à voir les bienfaits de ce travail pour la santé.
Par exemple, les Canadiens âgés pourraient dire : « Je peux maintenant lever les bras au-dessus de la tête. Je n'ai jamais été en mesure de faire cela. » Ou : « Je peux monter des escaliers sans être essoufflé. » Ils peuvent maintenant commencer à se motiver de façon intrinsèque.
Le recours à un motivateur extrinsèque est mal pensé, mais il a sa place. C'est là où, par exemple, le fait d'intégrer les signes vitaux de l'exercice dans le cadre des dossiers médicaux électroniques et l'interaction avec le soutien aux patients peut influencer quelqu'un qui fait 50 minutes d'exercice, alors qu'il devrait en faire 150, parce que nous examinons comment nous pouvons le préparer. Ensuite, la meilleure combinaison serait de le faire passer aux ressources communautaires.
Le président : Notre invitée est arrivée, et je vais donc conclure. La séance a été formidable. J'aimerais aussi dire que ce sont les étudiants en kinésiologie qui travaillent auprès des aînés. Je pense que les aînés adorent avoir l'attention de ces jeunes. En tant que personne d'un certain âge, je dois dire, pour revenir sur le dernier point de M. Fowles, que cela crée une dépendance. Je ne peux plus m'en passer.
M. Fowles : Et vous le ferez maintenant par vous-même, sans l'aide de quiconque. C'est là que nous voulons amener les gens.
Le président : Et ce sont les exercices axés sur la force qui me procurent le plus grand degré de motivation.
Vous avez tous deux été absolument incroyables. Vous avez adopté une approche très dynamique et constructive à l'égard de cette question pour nous et nous avez beaucoup aidés.
Chers collègues, je suis ravi d'accueillir Nina Teicholz, journaliste d'enquête et auteure. Elle est l'auteure de The Big Fat Surprise, et elle se joint à nous depuis New York par vidéoconférence. Je pense que nous connaissons son livre. Je l'ai entendue en parler à plusieurs occasions. Je pense que nous allons nous régaler.
Sans plus attendre, je vais l'inviter à présenter son exposé, puis je vais donner la parole aux collègues.
Madame Teicholz, c'est à vous.
Nina Teicholz, journaliste d'enquête et auteure, The Big Fat Surprise, à titre personnel : Merci beaucoup de me fournir l'occasion de témoigner. Comme vous l'avez dit, je suis l'auteure de The Big Fat Surprise. Je pense qu'il importe aussi d'inclure le sous-titre, qui est Why Butter, Meat & Cheese Belong in a Healthy Diet. Le livre a été publié l'année dernière par Simon & Schuster, et il a été nommé meilleur livre de 2014 par The Economist et le Wall Street Journal, entre autres. Il a également reçu de nombreuses critiques favorables, y compris celles du British Medical Journal. Si je le mentionne, c'est parce qu'il est important de savoir que ses arguments ont été pris au sérieux par des experts dans le domaine.
Donc, quelles sont les causes nutritionnelles de l'obésité, du diabète et des maladies cardiaques, affections physiques qui ont augmenté de façon spectaculaire au Canada et aux États-Unis? La plupart des experts vous diront que le public consomme trop de malbouffe et ne fait pas un bon travail pour ce qui est de suivre les conseils diététiques officiels. Mais quelles preuves a-t-on de cela?
Regardez l'illustration 1. J'espère que vous l'avez tous. Nous pouvons voir que, dans l'ensemble, le public a suivi les conseils des experts. Les Canadiens, comme leurs voisins américains, mangent beaucoup plus de fruits, de légumes, de noix, de poulet et de grains entiers. Toutes ces lignes-ci sont en hausse, certaines d'entre elles de façon spectaculaire. En même temps, les Canadiens limitent leur consommation de viande rouge, d'œufs, de beurre, de lait entier et d'autres produits laitiers. Il est à noter également que la consommation de sucre a diminué, c'est une mesure approximative de la malbouffe. Je n'ai pas pu trouver de chiffres précis sur la malbouffe.
Ces données ne semblent pas soutenir l'hypothèse selon laquelle l'obésité est attribuable au fait que le public consomme trop de malbouffe et néglige de suivre les lignes directrices alimentaires du gouvernement.
Est-il possible que les Canadiens soient gros parce qu'ils ont suivi les conseils du gouvernement? Après tout, ces épidémies d'obésité et de diabète ont bel et bien commencé presque au même moment où le gouvernement a commencé de dire au public de limiter le gras et de se tourner vers un régime axé sur les plantes et les graines. Il y a en réalité de nombreuses données qui étayent cette hypothèse.
Pourquoi le régime du gouvernement causerait-il l'obésité et le diabète? Vous pouvez voir que les Canadiens, en éliminant de leur assiette la viande, les œufs et les produits laitiers, se sont mis à consommer davantage de glucides, de pain, de pâtes et de céréales. Vous pouvez le voir dans l'illustration 2. C'était les lignes directrices sur l'alimentation de 1992. Vous pouvez voir un petit bout de la grande partie extérieure de l'arc-en-ciel. Ce n'est que pâtes, pommes de terre et pain. Ce sont tous des aliments à base de glucides.
L'illustration 3 est tirée des anciennes lignes directrices, lesquelles ont été pratiquement les mêmes que celles de toutes les années passées, où l'on insiste beaucoup moins sur les glucides et où une bonne moitié des aliments recommandés provient des animaux, soit les produits laitiers, les œufs et la viande.
Quel est le problème avec les glucides? Dans notre corps, ils deviennent du glucose. Le glucose déclenche la sécrétion d'insuline. L'insuline est une hormone. Elle est la reine de toutes les hormones pour ce qui est d'emmagasiner les gras. Dans les expériences menées sur les animaux, il est pratiquement impossible de faire gagner du poids aux animaux sans la présence d'insuline et de glucose. L'exposition chronique à l'insuline au fil du temps annihile la capacité du corps de la traiter. Cela mène à ce qui est appelé la résistance à l'insuline et à ce qui est la cause principale du diabète de type 2.
Je ne crois pas que les preuves scientifiques appuient actuellement l'idée selon laquelle l'augmentation des glucides est assurément la cause de l'épidémie d'obésité. Il peut y avoir d'autres facteurs. Cependant, il existe une abondance de preuves qui montrent que le fait de limiter les glucides est plus efficace que tout autre régime pour la perte de poids, le contrôle de la glycémie — qui est le facteur crucial pour ce qui est de la gestion du diabète — et l'amélioration des facteurs de risque clés concernant les maladies cardiaques, y compris les niveaux de cholestérol HDL et de triglycérides.
Une mesure importante que le Canada pourrait prendre pour améliorer la santé du public serait d'abandonner ce régime riche en glucides introduit en 1992 et de retourner à un régime plus équilibré qui comprend tous les groupes alimentaires, comme vous l'avez dit précédemment.
Nous disposons aujourd'hui de quantité de données tirées d'études cliniques sur ce régime faible en glucides qui montrent qu'il ne faudrait pas penser qu'il s'agit d'un régime à la mode dangereux, mais clairement d'une option possible pour les gens qui souffrent de troubles métaboliques, y compris l'obésité, le diabète et les maladies coronariennes.
Dans le passé, on pensait que ce régime faible en glucides était dangereux et qu'il causait du tort. Mais les essais cliniques, qui maintenant ont visé tous les types de populations — les hommes, les femmes, les personnes obèses, les personnes qui présentent un syndrome métabolique —, et des essais qui, dans certains cas, ont duré jusqu'à deux ans, ce qui est considéré comme la norme de référence en recherche clinique pour démontrer tout effet nocif potentiel —, ont démontré que le régime donnait d'excellents résultats pour tous ces problèmes de santé et qu'il est sûr.
Qui plus est, il existe aujourd'hui une énorme quantité de données probantes selon lesquelles le régime faible en gras — celui que le Canada recommande — est tout à fait inefficace pour ce qui est d'aider les gens à perdre du poids ou à lutter contre une maladie, y compris le diabète, les maladies coronariennes ou le cancer. C'est la raison pour laquelle les experts américains ne recommandent plus le régime faible en gras.
Il n'y a rien de plus dans nos règles alimentaires — les principales étant celles de la USDA et de l'American Heart Association — quant à la réduction de la consommation totale de matières grasses, et le vice-président de notre comité du guide alimentaire de la USDA a dit récemment qu'il n'y a aucune recommandation officielle sur les régimes pauvres en matières grasses, parce que ce régime provoque la dyslipidémie, associée à un taux élevé de mauvais cholestérol.
Outre la dyslipidémie, ce régime faible en gras, qu'on suit depuis des décennies, a entraîné d'autres effets nocifs sur la santé. Premièrement, il semble que l'apport nutritionnel soit insuffisant. L'actuel comité du guide alimentaire de la USDA a récemment publié un rapport dans lequel elle reconnaissait que tous ses modèles alimentaires actuels — qui sont pour ainsi dire identiques à ceux du Canada — ne permettaient pas d'atteindre les cibles relativement au potassium, à la vitamine D, à la vitamine E et à la choline. L'apport en vitamine A est tout juste suffisant, et c'est seulement en consommant des aliments artificiellement fortifiés, principalement des céréales de grains raffinés, que ces modèles alimentaires fournissent un apport adéquat en calcium, en fer et en vitamine B12.
Deuxièmement, en laissant de côté les gras saturés qu'on trouve dans les aliments d'origine animale, nous nous sommes tournés vers les gras non saturés, c'est-à-dire les huiles végétales comme les huiles de canola, de soya et de maïs. Ces huiles font partie de notre alimentation depuis le début des années 1900. Auparavant, on utilisait principalement pour la cuisson le beurre et le saindoux. Le principal problème de ces huiles végétales est que, lorsqu'elles sont chauffées à des températures qui n'ont même pas à être élevées, elles se dégradent et s'oxydent, créant des centaines de produits d'oxydation, dont certains sont des toxines connues. Ces produits d'oxydation se trouvent dans toutes sortes d'aliments frits dans ces huiles. Et ce n'est pas le seul problème de santé associé à ces huiles.
La solution consisterait à recommencer à utiliser des gras de cuisson naturellement stables, qui ne s'oxydent pas à la chaleur, à savoir le beurre, le saindoux, le suif, les graisses animales. Au début, les restaurants McDonald faisaient frire leurs frites dans du suif.
Nous n'utilisons plus ces sortes de gras aujourd'hui, parce qu'elles contiennent des gras saturés. On croit, pour la même raison, que la viande, le beurre, le fromage et les produits laitiers sont mauvais pour notre santé, mais les restrictions touchant les gras saturés se révèlent une erreur. Si je dis cela, c'est que les données probantes retenues contre les gras saturés, et j'en parle longuement dans mon livre, n'ont jamais été très solides. On tente, depuis cinq ans, de refaire l'analyse de ces données probantes. Des experts scientifiques en chef dans ce domaine — dont des chercheurs de Harvard, Cambridge et de l'Université de la Californie à Berkeley — ont mené deux grandes méta-analyses pour revoir toutes les données probantes, dont certaines qui avaient été laissées de côté et n'ont été incluses que tout récemment, et ils ont conclu qu'on ne pouvait affirmer que les gras saturés provoquaient des maladies coronariennes.
Il incombe aux autorités responsables de la nutrition de reconnaître la validité de ces données scientifiques. Pourquoi serait-il avisé de supprimer les limites touchant les gras saturés et de permettre aux aliments d'origine animale de réintégrer notre régime alimentaire? Je vais vous exposer quatre raisons.
Premièrement, ces aliments permettraient au public d'avoir un apport nutritionnel suffisant. Les nutriments absents du régime actuel — comme le fer, le calcium et toutes les vitamines liposolubles — sont plus abondants dans les aliments d'origine animale, et ils s'y présentent dans la forme la plus biodisponible qui soit.
Deuxièmement, les gens trouveraient dans ces aliments un régime à plus haute teneur en graisses. Si les régimes faibles en matières grasses ne donnent pas de bons résultats, comment faire pour suivre un régime à forte teneur en gras? À moins de consommer des bols entiers d'huile d'olive comme un paysan italien ou de ne consommer exclusivement que des noix et des graines, il est difficile d'augmenter la teneur en gras de son alimentation sans manger de ces aliments. Ce sont des aliments contenant naturellement du gras.
Troisièmement, ces aliments sont une bonne option quand on veut abandonner le régime riche en glucides. Plutôt que des pâtes, du pain ou du riz, au repas, et outre les fruits et les légumes, vous pouvez manger d'autres types d'aliments. Autrement, il n'y a pas suffisamment d'aliments dans votre panier d'épicerie.
Quatrièmement, les gras et les protéines ont la capacité unique de rassasier. Les scientifiques ne comprennent pas pourquoi, mais ils savent que les gens ne sont pas portés à trop manger de gras et de protéines. Les gens ne peuvent pas manger trop de steak ou de côtelettes de porc, mais ils peuvent facilement manger trop de biscuits, de craquelins, de collations, de pâtes et de pain. D'ailleurs, une idée circule au sujet de cette épidémie d'obésité : si nous consommons davantage de calories, de nos jours, c'est que nous essayons de nous rassasier de glucides. Les gens mangent trop de glucides. En intégrant davantage de matières grasses et de protéines à leur régime, les gens pourraient mieux contrôler leur apport calorique.
Pour terminer, ce sont des aliments délicieux qui font partie de presque tous les régimes traditionnels. Ils ramènent les gens à leur propre culture alimentaire. Nous ne devons pas tous devenir méditerranéens. Ces aliments ont formé la base de nos repas pendant des milliers d'années, jusque dans les années 1960, lorsque les nutritionnistes ont conçu l'idée que ces aliments causaient des maladies coronariennes.
Je crois qu'il est extrêmement urgent de corriger les politiques nutritionnelles erronées des 25 dernières années. Il est évident qu'elles ne sont pas bonnes pour la santé publique. Des données scientifiques rigoureuses soutiennent aujourd'hui les mesures qu'il faut prendre pour apporter ces réformes nécessaires. J'espère que votre gouvernement, dans l'intérêt d'une meilleure santé pour tous les Canadiens, aura le courage de faire ces changements importants.
Encore une fois, merci de m'avoir invitée à témoigner.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de vous être adressée à nous et d'avoir écrit un intéressant livre à ce sujet. Vous avez à coup sûr fait tomber nombre d'idées reçues. Je crois que c'est en grande partie pour le mieux.
J'aimerais revenir sur la conclusion de votre livre, où vous dites qu'un régime sain doit comprendre beaucoup de produits laitiers, de viande, de fruits et de légumes, mais peu de glucides. Vous n'y parlez pas du poisson, et je me demandais quelle place il devrait y occuper. Vous soutenez, bien sûr, comme vous l'avez fait aujourd'hui, que ce régime serait rassasiant et qu'il n'entraînerait pas un apport calorique trop élevé.
Nombre de ces produits coûtent un peu plus cher que certains des aliments un peu moins nourrissants que l'on trouve aujourd'hui sur le marché. Je dis cela en raison du fait que les gens à faible revenu comptent beaucoup sur les produits moins nourrissants, car ils ne peuvent pas se payer tous les aliments plus sains, la viande ou les légumes de meilleure qualité dont vous avez parlé.
Que pourrions-nous faire pour nous assurer que les gens à faible revenu puissent se payer ces sortes de choses?
Mme Teicholz : Pour commencer, je crois que le gouvernement devrait envisager la question du coût dans son ensemble, étant donné que les gouvernements versent des subventions et font toutes sortes de choses pour soutenir leurs recommandations stratégiques. Le coût des maladies — l'obésité, le diabète, les maladies coronariennes — pour la population est énorme. Vous pourriez peut-être réduire un peu ce fardeau en ne subventionnant pas le maïs et le soya comme nous le faisons aux États-Unis. Nous subventionnons ces aliments, alors ils sont moins chers. On pourrait plutôt verser des subventions qui permettraient la réalisation d'économies d'échelle par, disons, un plus grand nombre de fermes laitières. L'industrie des fermes laitières a été anéantie, aux États-Unis.
Je crois que vous pourriez voir des économies d'échelle, à mesure que la demande augmentera, ce qui rendrait ce régime plus abordable. Ce n'est pas tout le monde qui devrait manger de la viande d'animaux nourris à l'herbe. Je crois que les options classiques sont tout aussi bonnes. Elles fournissent quand même les vitamines, les minéraux et le gras nécessaires.
Je crois que le gouvernement doit penser à long terme, examiner le coût total de ce type de maladies pour déterminer quelles doivent être ses priorités. Vous avez le pouvoir de le faire.
Le sénateur Eggleton : Et quelle est la place du poisson dans tout ça?
Mme Teicholz : Je réserve mon jugement pour ce qui est du poisson. J'ai fait beaucoup de recherches, que je n'ai pas intégrées à mon livre, sur les oméga-3. Ils n'ont pas de capacité particulière de prévenir les maladies coronariennes. Je crois que le poisson est un aliment fantastique, mais pour le moment, je crois que c'est le seul repas qui ne prête pas à controverse. C'est la seule chose que les gens n'hésitent pas à commander au restaurant.
Les océans ont été vidés de leurs poissons. Je crois que le poisson, c'est bien. Je crois tout simplement que nous devrions élargir l'éventail des aliments que nous jugeons sains et envisager d'autres sortes d'aliments. Cela soulagerait un peu les ressources halieutiques aussi. Nous ne pouvons pas tous manger toujours du poisson.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, c'est un excellent livre et un excellent exposé.
Vous laissez entendre que le problème de l'obésité vient peut-être du fait que les Canadiens et les Américains suivent trop bien leur guide alimentaire national. J'aimerais vous poser une question : compte tenu des informations que vous nous avez données, du fait que le savoir scientifique penche de plus en plus en faveur de votre théorie, disons-le comme cela, que suggéreriez-vous que les gouvernements fassent pour modifier leur guide alimentaire?
Mme Teicholz : Je crois que la première chose à faire, pour un gouvernement, serait de supprimer les restrictions touchant les gras saturés, de façon à permettre aux gens de recommencer à consommer des aliments d'origine animale. Une fois qu'ils auront recommencé à manger davantage ces aliments, ils trouveront dans leur régime un apport nutritionnel suffisant. Ils auront un régime plus riche en gras. Ce serait plus sain. Cette seule mesure en fera plus que toute autre sorte de changements, à mon avis, pour améliorer la santé d'une population.
Deuxièmement, je dirais que, pour les gens qui présentent des troubles métaboliques — lorsqu'on présente les premiers signes de l'obésité, du diabète ou d'une maladie coronarienne, cela signifie d'une certaine façon que notre métabolisme est déséquilibré —, le régime faible en glucides, qui s'avère si prometteur, devrait au moins leur être offert à titre de traitement possible.
La sénatrice Frum : Je vais essayer de poser rapidement deux questions.
Ma première question est la suivante : est-ce que, sur le plan du gras, tous les animaux sont considérés comme égaux? Certaines de vos recommandations sont tellement contraires à tout ce que l'on nous dit depuis 30 ans que j'en suis ébranlée. Il m'est difficile d'accepter l'idée de consommer de la viande rouge tous les jours, sept jours sur sept, mais est-ce acceptable ou devrais-je également manger du canard, du poulet et des choses comme ça?
Vous avez dit que ce régime était bénéfique pour tous les groupes, mais vous n'avez pas parlé des enfants. Est-ce que ces recommandations s'appliquent également aux enfants? Il semble en effet que les enfants ont besoin et envie de glucides plus que de protéines.
Mme Teicholz : Pour commencer, parlons des enfants. Nous avons tous envie de glucides quand nous mangeons des glucides. Je ne crois pas que les glucides aient leur place dans un régime. Je crois que, pour les enfants, il est bien plus nécessaire que le régime fournisse un apport nutritionnel suffisant. Dans leur cas, il est encore plus urgent d'inclure le lait, la viande, le beurre.
En fait, avant que la science de la nutrition ne s'embourbe dans la question de savoir ce qui préviendrait les maladies coronariennes chez les hommes d'âge moyen, les nutritionnistes cherchaient à savoir ce qui favorisait la croissance et la reproduction et ce qui pouvait de manière fiable relancer la croissance ou combler les retards de croissance chez les enfants, et cela consistait tout simplement à leur donner du lait entier, du foie ou du beurre.
Pour que les enfants grandissent en santé, il est extrêmement important de leur donner suffisamment de gras et de leur donner des aliments qui leur assurent un apport nutritionnel suffisant, c'est-à-dire des aliments d'origine animale. Il se peut bien que les enfants semblent avoir faim de glucides, mais c'est parce que, dans notre pays, ils vont à l'école et ils doivent survivre avec les repas donnés à l'école, qui sont l'équivalent d'une tranche de bologne. À la fin de la journée, ils sont affamés.
Autre chose : si vous ne consommez pas de lait entier, si vous ne consommez que du lait écrémé, d'une part vous n'avez pas l'impression d'être rassasié, et d'autre part, votre organisme ne peut pas absorber les vitamines ou les minéraux présents dans le lait, si on en a supprimé le gras, car ce sont des vitamines liposolubles.
Je m'excuse, j'ai oublié votre autre question.
La sénatrice Frum : Sept jours par semaine. Est-ce acceptable?
Le président : Il était question de la qualité des gras.
Mme Teicholz : Les maillons de la chaîne sont différents d'un acide gras saturé à un autre. Je crois dans le fond qu'il manque de bonnes recherches qui montreraient les répercussions différentes des différentes sortes d'acides gras saturés. Ils font partie de notre régime depuis des millénaires. Il me semble qu'ils doivent être sains. Je dois avouer qu'il n'y a pas de données probantes selon lesquelles les acides gras saturés seraient responsables d'une maladie quelconque. Les seuls indices d'un problème potentiel, c'est lorsque les acides gras saturés sont consommés en même temps que des aliments à forte teneur en glucides, ce qui pourrait entraîner certains effets inflammatoires. Mais à la base, rien n'a montré que les gras saturés, peu importe le type, ne sont pas bons pour la santé.
On me pose souvent la question : « Est-ce que cela veut dire que je peux manger de la viande et du beurre à tous les repas de la journée? » Dans nombre de civilisations, les gens mangent beaucoup plus de ce type d'aliments que nous. Le simple fait d'éliminer les restrictions extrêmes que nous leur avons imposées serait un très grand pas en avant.
La sénatrice Merchant : J'ai vécu assez longtemps pour être devenue méfiante à l'égard de toutes les théories dont on fait la promotion, puisque chaque décennie ou chaque génération a son lot d'auteurs et de promoteurs. Tous prétendent se fonder sur des données scientifiques, et je crois que, de nos jours, on peut prouver à peu près tout ce qu'on veut prouver.
Je vais formuler ma question comme un commentaire : je ne crois pas que notre planète puisse supporter un régime alimentaire fondé sur les animaux et le gras animal. Vous avez dit qu'il n'était pas nécessaire pour tous de manger de la viande d'animaux nourris à l'herbe, mais c'est bien trop exigeant, pour la planète, d'élever les animaux de la façon dont vous le prescrivez.
Deuxièmement, qu'en est-il de tous les antibiotiques, de toutes les hormones, de tout ce à quoi les gens commencent à s'intéresser quand on parle du lait, du fromage et du gras animal? Ce sont mes questions, mais d'autres facteurs entrent en jeu.
Mme Teicholz : Je n'ai pas entendu votre dernière phrase.
La sénatrice Merchant : Contentez-vous de répondre, s'il vous plaît.
Mme Teicholz : Ces arguments ont beaucoup de poids, aujourd'hui, aux États-Unis, entre autres l'argument suivant : ce régime est-il durable? Je crois que la question de la durabilité de l'environnement est une question très importante.
Premièrement, je crois que nous devons nous demander quel régime est sain. J'ai passé neuf ans à faire des recherches pour mon livre, et il est extrêmement important de distinguer les différents aspects scientifiques.
Ma première question est celle-ci : quel régime est bon pour la santé? La question qui vient ensuite est celle-ci : que pouvons-nous faire pour que ce régime soit durable? Allons-nous choisir un régime qui n'est pas bon pour la santé? Nous devons ensuite soupeser tout cela sous l'angle des politiques. Disons par exemple que nous décidons d'adopter un régime végétarien. Mais nous aurons à vivre avec le fait que ce régime entraîne beaucoup de cas de diabète, d'obésité, de maladies coronariennes, et c'est pourquoi nous devons bien peser ces choix. Mais il nous faut d'abord distinguer les questions scientifiques et nous demander quel régime est bon pour les humains. Nous pourrons ensuite décider si nous devons en faire notre priorité.
Le savoir scientifique à l'égard de la durabilité, en réalité, n'en est qu'à ses premiers balbutiements, et il faut se demander si l'élevage des animaux est moins durable que la monoculture, qui, à sa façon, détruit toutes sortes de biodiversité et a ses propres lacunes au chapitre de la viabilité écologique.
Ces questions touchent à de nombreux enjeux complexes.
Je crois, pour commencer, que les experts en nutrition ne devraient pas faire des évaluations scientifiques du domaine de l'environnement, et je crois en outre que la science de l'environnement a encore beaucoup de chemin à faire. Un simple exemple : on considère maintenant que les vaches sont une cause du réchauffement de la planète. Aux États-Unis, on a observé une diminution de 30 p. 100 du cheptel bovin au cours des 30 dernières années; comment alors rendre les vaches responsables du réchauffement de la planète?
Il y a beaucoup de recherche à faire sur ces questions. En outre, les vaches paissent sur des terres qui, dans la plupart des cas, ne peuvent pas servir à la culture. C'est un enjeu très complexe, et on ne peut pas le ramener à une simple équation. Si nous ne mangeons plus de viande, pourrons-nous vivre de poisson? Nos océans ont été vidés de leurs poissons. Nous devons réfléchir en profondeur à ces questions, et nous devons les traiter séparément des questions concernant notre alimentation.
Quant à l'utilisation des hormones et des antibiotiques, nous nous posons un certain nombre de questions sur nos méthodes d'élevage, sur les pratiques exemplaires, sur les façons de produire une viande saine et d'approvisionner une population qui compte des centaines de millions de personnes. Encore une fois, je crois que c'est un enjeu extrêmement important, et distinct de la question de l'alimentation. Si un régime alimentaire contenant davantage d'aliments d'origine animale est meilleur pour la santé, il faudra se demander comment assurer une production saine, durable et de grande qualité. Voilà au bout du compte les questions qu'il faut se poser.
La sénatrice Beyak : Merci de cet excellent exposé. J'ai lu votre livre; vos recherches sont incroyables. J'accorde foi à vos écrits depuis de nombreuses années. Je fais partie d'une longue lignée de gens grassouillets et en santé qui ne prennent pas de médicaments et qui mangent de la manière dont vous le suggérez.
J'ai lu et entendu dire que de nombreux problèmes qui affectent les femmes de mon âge, de plus de 65 ans, par exemple la perte de cheveux, une vilaine peau, des problèmes de thyroïde, tiendraient au fait que nous avons éliminé beaucoup de ces choses. Le sel est iodé; nous avons besoin d'un peu d'iode. Nous avons besoin de choline et de vitamines. J'aimerais que vous commentiez l'un ou l'autre de ces enjeux.
Mme Teicholz : Je ne connais pas précisément ces enjeux, mais je sais que les femmes ne réagissent pas de la même manière que les hommes au régime alimentaire. Jusqu'à la fin des années 1990, on ne réunissait absolument aucune donnée sur les femmes, et toutes les recommandations touchant le régime alimentaire étaient fondées sur des données concernant exclusivement les hommes. Toute information qui était fournie au sujet des femmes était en quelque sorte supprimée.
Il y avait toutefois des données prouvant que les femmes de plus de 50 ans dont le taux de cholestérol était élevé — c'est le principal facteur de risque qui ait jamais été étudié — avaient tendance à vivre plus longtemps, mais cette information n'était jamais incluse dans les articles ni dans les résumés. Personne n'en parlait, et, aujourd'hui, combien de femmes se font dire par leur médecin : « Dites donc, vous avez un taux de cholestérol élevé? C'est bien. Vous allez vivre plus longtemps. »
Les femmes qui suivent le régime faible en gras qui leur a été prescrit — c'est tiré de l'Initiative sur la santé des femmes, la plus grande étude jamais menée dans l'histoire de la science de la nutrition — présentent davantage de résultats négatifs que les hommes, en particulier en ce qui a trait à la santé du cœur. Le taux de cholestérol HDL, le bon cholestérol, descend plus rapidement chez les femmes que chez les hommes. Il descend chez toutes les personnes qui suivent un régime faible en gras, ce qui indique que le risque de maladie du cœur augmente davantage chez les femmes. Les femmes respectent davantage leur régime alimentaire. Elles se préoccupent davantage de leur apparence; elles font de plus grands efforts, et c'est pourquoi elles suivent le régime faible en gras avec davantage d'assiduité.
Je ne suis pas surprise de voir certains de ces autres problèmes. L'un des autres problèmes énormes des femmes aujourd'hui est l'ostéoporose, et c'est peut-être parce que nous ne consommons pas assez de calcium. L'absorption du calcium dépend des vitamines liposolubles. Quand vous suivez un régime faible en gras, sans trop d'aliments d'origine animale, vous n'absorbez pas suffisamment de ces vitamines et vous n'avez pas cet apport nutritionnel. Sur le plan nutritionnel, notre régime est pauvre.
Le sénateur Eggleton : Votre livre répond probablement à la question, et j'imagine que la réponse est très longue. J'aimerais que vous me fassiez un résumé, de façon que cela figure au compte rendu.
À votre avis, pourquoi le régime faible en gras a-t-il duré si longtemps, c'est-à-dire jusqu'à 60 ans, malgré le fait, comme vous le dites, qu'il manquait de données scientifiques? Pourriez-vous résumer les mythes et les lacunes des études qui en sont arrivées à cette conclusion? Il est la norme depuis très longtemps.
Mme Teicholz : En réalité, c'est une histoire incroyable, mais je vais tenter d'être brève. Cela tient autant à la politique qu'à la science. L'hypothèse selon laquelle les gras saturés causent des maladies coronariennes a été formulée en 1961 par l'American Heart Association, et cette hypothèse est devenue un dogme officiel avant que la science n'entre en jeu. Elle a été adoptée par les institutions, suivant les grandes institutions, et elle s'est incrustée comme une sorte de dogme; il est devenu très difficile de s'en écarter par la suite.
C'est la raison principale, c'est-à-dire le fait qu'un groupe de scientifiques était investi dans ce régime. Ils ont ensuite pris le contrôle du financement de la recherche, ils ont mené des études, ils ont examiné les études et ils ont siégé à tous les comités de rédaction. C'est encore vrai aujourd'hui. Ces scientifiques contrôlent ce que disent les experts. Ils croient tous sincèrement depuis de nombreuses années que le gras saturé cause des maladies coronariennes, alors ils n'ont pas remis ces études en question.
Deuxièmement, les gens qui les remettaient en question... C'est la raison pour laquelle vous recevez aujourd'hui une journaliste. Je devrais être une scientifique. Il y a eu des scientifiques qui ont protesté et se sont dits sceptiques face au dogme dominant, mais ils ont vu leur carrière en souffrir et ont perdu leurs subventions de recherche. Je ne cesse de documenter cela dans mon livre, la façon dont on a imposé le silence aux critiques. Ensuite, vers le milieu des années 1980, il n'y avait plus de critiques. Les générations suivantes de chercheurs ont constaté qu'ils ne pourraient être des scientifiques s'ils s'opposaient au dogme officiel, alors les critiques ont disparu.
Troisièmement, l'industrie a joué un rôle dans toute cette histoire de la science de la nutrition, ces 50 dernières années. Tout a commencé, en réalité, au début des années 1900, lorsque les grandes entreprises de fabrication d'aliments ont appris à s'organiser, et elles ont fait des pressions sur la science, à la source même. Elles ont rapidement compris — et, je le répète, cela se passe encore comme ça aujourd'hui — qu'il fallait chercher à influer non pas sur les sénateurs ou sur des gens comme vous et moi, mais sur les scientifiques eux-mêmes, qu'il fallait financer les départements universitaires et les centres de recherche, influencer la science là où elle mène ses activités.
Les entreprises qui fabriquaient de l'huile végétale étaient particulièrement impliquées. Procter & Gamble a beaucoup influé sur le lancement de l'American Heart Association, qui a alors recommandé d'utiliser de l'huile végétale plutôt que des gras saturés. Les entreprises de fabrication d'huile végétale ont donc été particulièrement puissantes, mais dans toute cette histoire, les entreprises alimentaires ont en général été assez puissantes.
Tous ces facteurs, l'industrie et les grandes institutions qui ne veulent pas passer pour des girouettes et changer d'opinion, et l'investissement professionnel de générations entières de scientifiques... Aujourd'hui, ce sont trois générations de scientifiques qui ont investi dans cet état de fait, et c'est pourquoi je pense qu'il sera très difficile de revenir en arrière, et c'est pourquoi votre leadership est nécessaire.
Le sénateur Eggleton : Merci pour ce résumé. C'était excellent.
La sénatrice Seidman : Nous demandons toujours des données scientifiques à l'appui de choses comme les comportements sains, et il ne fait aucun doute que, dans le cas qui nous occupe, les données probantes sont venues d'une des plus grandes études épidémiologiques qui aient été menées, l'étude coronarienne de Framingham.
Dans votre livre, vous expliquez qu'il est difficile d'utiliser la théorie épidémiologique pour comprendre la nutrition. Nous cherchons constamment des données probantes, nous sommes une société fondée sur les données. Je crois que la sénatrice Merchant l'a mentionné : on lance tous les 10 ou 20 ans une nouvelle idée quelconque à laquelle tout le monde doit accorder foi et qui chamboule tout ce à quoi nous aurions pu croire dans le passé.
Je sais que vous n'êtes pas une épidémiologiste, mais vous en traitez dans votre livre. Pourriez-vous nous dire pourquoi la théorie épidémiologique a compliqué les choses pour ce qui concerne les données sur la nutrition?
Mme Teicholz : C'est une excellente question, et cela tient vraiment à la raison même pour laquelle nos recommandations en matière de nutrition ont dérapé, depuis la toute première recommandation de l'American Heart Association, en 1961, qui était fondée sur une étude épidémiologique.
Quel est le problème des études épidémiologiques? Elles montrent des associations, mais pas des causes. C'est une différence cruciale. Vous observez une population pendant une longue période et vous observez les gens qui meurent, à la fin de l'étude; vous revenez ensuite en arrière pour tenter d'en connaître les causes.
Vous pouvez faire toutes sortes d'associations. C'était peut-être le gras. C'était peut-être quelque chose que vous n'avez même pas pensé à mesurer. C'était peut-être l'exposition aux ordinateurs. Peut-être que les ordinateurs causent des problèmes. Mais en fait, il s'agit seulement d'associations. Il faut des essais cliniques contrôlés aléatoires pour révéler les causes. Je ne vais pas aller dans les détails pour expliquer pourquoi c'est vrai.
La science de la nutrition est un domaine complexe. Il est difficile de nourrir les gens dans un environnement contrôlé où vous pouvez déterminer exactement ce qu'ils mangent, mais c'est ce qu'il faut faire dans le cadre d'un essai clinique. Nous nous sommes plutôt fiés à ces études épidémiologiques, beaucoup plus faciles à réaliser. Les grandes études épidémiologiques consistent tout simplement à faire remplir un questionnaire chaque année aux gens. La plupart des études épidémiologiques font un échantillonnage du régime alimentaire des gens au début et à la fin d'une période de 20 ans. Ces études sont faciles à faire et ont eu énormément d'influence, étant donné l'énorme volume des données. Il y a tellement de chiffres et ils sont tellement impressionnants que c'est à eux que nous devons des conseils nutritionnels clés comme la prise de suppléments de vitamine E et le traitement hormonal de substitution. Ils se sont révélés erronés, par contre. Un certain professeur de Stanford est retourné à la source et a examiné toutes les observations des études épidémiologiques qu'il a pu trouver pour tenter de voir si elles étaient confirmées dans des essais cliniques randomisés, et, quatre fois sur cinq, les conclusions étaient fausses. Une autre analyse a montré qu'elles n'avaient jamais raison. Une seconde analyse, portant sur les conclusions des études épidémiologiques en matière de nutrition, a montré qu'il n'était jamais possible de les confirmer dans le cadre d'essais cliniques, lorsque ces essais étaient réalisés.
Il est extrêmement important de s'appuyer sur des données tirées d'essais cliniques. Elles sont beaucoup plus fiables. Un très grand nombre d'essais cliniques ont été réalisés dans les années 1970 sur la question de savoir si oui ou non les gras saturés causaient des maladies coronariennes. En tout, 15 500 personnes ont été visées par de tels essais, qui ont duré dans certains cas jusqu'à 12 ans. Cet ensemble d'essais cliniques aléatoires a permis de démontrer que les gras saturés ne causent pas de maladies coronariennes. Comme c'était très embarrassant — ces études étaient menées principalement par le département d'épidémiologie et l'école de santé publique de Harvard, qui possèdent deux des plus grandes bases de données épidémiologiques —, ils ont constamment repris ces données pour soutenir le régime végétarien. Toutefois, il n'y a eu aucun essai clinique sur le régime végétarien ou sur le régime principalement végétarien. L'étude qui s'en rapprocherait le plus est celle qui a porté sur près de 50 000 femmes, dans le cadre de l'Initiative sur la santé des femmes. C'est le plus important essai jamais réalisé dans le domaine de la science de la nutrition, et il a démontré que le régime que vous recommandez actuellement, c'est-à-dire un régime faible en gras et riche en fruits, en légumes et en grains entiers, n'est d'aucune efficacité pour lutter contre quelque maladie que ce soit.
Ce qui est important — pour vous, vos conseillers du domaine de la nutrition, vos experts — c'est de reconnaître en priorité l'importance des informations tirées des essais cliniques lorsque vous évaluez les recommandations scientifiques. Ce n'est pas ainsi que cela se passe actuellement dans notre pays, et je crois que cela mène à beaucoup de conseils erronés.
La sénatrice Seidman : Je comprends. Je veux tout simplement faire attention... Quand nous parlons d'épidémiologie, il faut que ce soit clair qu'il y a les données touchant la population, la santé de la population, mais il y a également l'épidémiologie clinique et les essais cliniques sous-jacents à tout cela. C'est un autre niveau. Ce sont des recherches directes, fondées sur des données probantes concernant des individus par opposition à des données fondées sur la population qui, comme vous le dites, sont tirées du suivi d'une cohorte au fil du temps, mais ne constituent pas des données probantes; elles fournissent seulement des corrélations. Je crois tout simplement qu'il faut prendre garde de ne pas présenter toutes les recherches épidémiologiques comme s'il s'agissait uniquement de données fondées sur la population et de recherches visant la corrélation. Ce n'est pas nécessairement vrai. Cela dit, je comprends ce que vous dites.
Mme Teicholz : Puis-je répondre?
La sénatrice Seidman : Bien sûr.
Mme Teicholz : Les données fondées sur la population s'appellent des données écologiques. Il s'agit pour moi d'observer l'ensemble des statistiques sur la santé des Canadiens au fil du temps. C'est le pire type de données, car il n'y a aucune information personnalisée. Les études épidémiologiques dont je parle se déroulent à l'échelon individuel. Tout type d'étude épidémiologique ne peut révéler que la corrélation, pas la cause. Il est impossible de tirer des liens de cause à effet de ces données.
Le président : Merci beaucoup. J'ai remarqué, à la lecture de votre livre, que je devais faire attention, car j'étais d'accord avec tout ce que vous dites. Je suis assez vieux pour me rappeler toute cette période, et je connaissais bien quelques-unes des remarquables conclusions qui ont été formulées pendant toute cette période. J'ai une formation scientifique, et j'étais d'autant plus curieux de lire cet ouvrage.
Je vais vous poser une question, puis je vais faire quelques observations.
Il y a un aspect qui n'a fait l'objet d'aucune question, et j'aimerais le soulever. Qu'en est-il de la possibilité qu'il existe une corrélation entre la viande rouge et le cancer du côlon?
Mme Teicholz : Les données selon lesquelles la viande rouge causerait le cancer, encore une fois, sont des données épidémiologiques, et la corrélation avec le cancer du côlon est assez faible. Je crois que le risque relatif est de 1,29. On estime qu'un risque relatif qui est inférieur à 2 ne mérite pas vraiment une grande attention, il est trop faible pour être considéré comme autre chose qu'un effet du bruit.
En passant, on vient, en fait, de mettre à jour le rapport sur le cancer dans le monde. Il s'agit de l'examen le plus complet de l'ensemble des données relatives au cancer. J'examinais justement la dernière publication. Selon le rapport, le risque de développer un cancer du côlon est le même avec la viande rouge qu'avec les fruits. Je crois qu'il faut prendre ces données avec un grain de sel. Les risques relatifs n'atteignent pas des seuils qui méritent d'être pris en considération.
Au risque de me faire dire que je vois des complots partout, je dirais que le manque d'objectivité dans le domaine existe depuis si longtemps qu'on met l'accent sur certaines conclusions, alors qu'on en occulte d'autres. On ne nous dit jamais que les fruits pourraient causer le cancer du côlon, mais on entend beaucoup que c'est une possibilité avec la viande rouge. Je crois qu'il faut aborder la question sous une nouvelle perspective.
Le président : Je voulais faire ajouter ce point au programme. Selon notre règlement, nous ne pouvons aborder que ce qui nous est soumis dans le cadre de nos séances. Il s'agit d'une question que nous voulions ajouter au programme. Je suis ravi de votre réponse.
Puisqu'on parle de programmes contrôlés — et vos commentaires d'aujourd'hui m'intéressent particulièrement et, bien sûr, ils figurent tout au long de votre livre —, il n'est pas rare, dans n'importe quel champ scientifique, de voir des personnes devenir de véritables gourous lorsque les conclusions sont incertaines ou lorsqu'il y a plus d'une variable qui semble importante à la conclusion finale. Prenons, par exemple, les études sur les maladies graves, comme les maladies du cœur, les AVC, le diabète, et cetera, et le problème est similaire à celui que vous décrivez tout au long de votre livre.
Au bout du compte, comme vous l'avez bien vu dans le cadre de vos recherches, les organismes subventionnaires sont régis par des comités, entre autres, et l'influence des sommités d'un domaine donné a non seulement une incidence déterminante, mais aussi, comme dans le cas présent, un effet continu à long terme sur le choix des initiatives d'envergure à financer. D'après mon expérience, plus les conclusions sont incertaines — c'est-à-dire, disons, lorsqu'on va d'une réaction chimique précise à des enquêtes épidémiologiques et aux corrélations —, plus une théorie dominante s'installe facilement. J'ai vraiment apprécié la façon dont vous avez abordé la question dans votre livre, et l'incroyable impact qu'elle a eu.
L'une des questions plus faciles à cerner lorsqu'on se penche sur une étude soi-disant scientifique concerne l'exercice d'une influence extérieure éventuelle sur les conclusions du chercheur principal. Dans le cas des études qui ont débuté par l'étude de cas, il est évident que les préoccupations modernes en matière de conflit d'intérêts auraient soulevé des doutes importants beaucoup plus tôt si on les avait prises en considération à de nombreux moments durant cette période. J'ai trouvé que vous avez approché cela avec vigilance, et cela se reflète également dans votre travail.
Pour terminer, je vais formuler des commentaires personnels, puis je vous inviterai à résumer tout ce que vous aimeriez porter à notre attention. Comme je l'ai déjà mentionné, je suis chimiste et je me rappelle, il y a longtemps, quand le beurre a été mis à l'index et banni des habitudes alimentaires, et qu'on nous a tous dit de passer à la margarine. C'était une question de santé pour le cœur et le reste du corps.
Premièrement, comme chimiste, je n'aurais jamais touché à la margarine, même si on m'y forçait, et j'ai simplement rejeté l'idée qu'un bon aliment comme le beurre puisse devenir un péché mortel. Pendant toute ma vie, de soi-disant études se sont penchées sur la question et ont alternativement déclaré le beurre bon et mauvais au moins quatre fois. Mais cela n'est qu'un aparté, ce n'est pas une question que je vous pose.
Comme dernier point à la séance, j'aimerais revenir en arrière et vous donner l'occasion de nous résumer toutes les observations que vous aimeriez présenter ou de souligner à nouveau les éléments précis que vous avez présentés aujourd'hui et que nous devrions, selon vous, prendre en considération vu leur importance. Vous l'avez dit haut et fort, et nous vous avons entendue, mais j'aimerais vous donner le dernier mot.
Mme Teicholz : Merci. Je n'ai pas préparé de conclusion ou de déclaration finale pour résumer.
Avant tout, je vous remercie de m'avoir invitée. Il s'agit d'une question très controversée, comme vous le savez. Ce que vous avez choisi d'examiner est défendu par de puissantes institutions. Le changement ne sera pas facile. L'industrie alimentaire et bien d'autres vont s'opposer à vous tout au long de vos démarches. Présentement, il y a un colossal mouvement qui prend de l'ampleur. L'ensemble du mouvement pour la viabilité écologique s'est rangé derrière le concept du régime alimentaire à base de végétaux. On compte certains des écrivains les plus populaires et les plus estimés de notre époque parmi ses partisans. Michael Pollan, Mark Bittman et à peu près toute la presse de New York appuient ces idées. C'est un énorme défi à relever.
Pour moi, le point saillant de la dernière année est une importante étude qui a réexaminé les gras saturés et conclu que ceux-ci n'entraînent pas de maladies cardiaques. Je me suis tenue au courant de toutes les manchettes concernant les gras saturés pendant les neuf dernières années où j'écrivais mon livre, et la dernière année a été exceptionnelle. On a publié des milliers d'articles sur la possibilité que les gras saturés ne causent pas de maladies cardiaques, alors qu'avant il n'y en avait aucun. Au moment même où on en vient à espérer une libération quelconque ou un tournant dans le monde scientifique, le souffle du mouvement écologique se lève et un véritable raz-de-marée de soutien pour le végétarisme déferle sur la cause de la nourriture animale. Les aliments végétaux n'ont rien de mal, mais un régime alimentaire riche en glucides est nocif pour la santé, comme des essais cliniques l'ont démontré.
L'industrie pharmaceutique en entier s'ajoute également à votre liste d'ennemis, puisque ce sont eux qui ont posé l'hypothèse relative au cholestérol LDL. Elle a un parti pris pour les régimes faibles en matières grasses, puisque ce genre d'habitude alimentaire vise à abaisser le taux de cholestérol LDL. Il s'agit de forces opposées au progrès, mais je veux vous remercier à nouveau de m'avoir invitée et je vous applaudis de vous pencher sur cette importante question.
Le président : Merci beaucoup. J'aimerais souligner un élément qui revient souvent — vous l'avez mentionné dans vos derniers commentaires — et qui est particulièrement évident dans bon nombre de cas : c'est l'argent qui mène. La question tourne surtout autour de ce que vous avez soulevé relativement aux modes qu'on met de l'avant et aux causes et aux conclusions que l'on peut tirer.
À titre indicatif, notre comité vient tout juste de terminer une étude triennale sur les médicaments sur ordonnance au Canada. Nous avons tout abordé, du processus d'essais cliniques jusqu'aux conséquences imprévues. Je suis convaincu que notre comité est unique dans sa capacité d'aborder certaines de ces questions importantes, ou de se pencher sur la façon dont les questions que vous avez présentées aujourd'hui sont envisagées.
Sur ce, je tiens à vous remercier chaleureusement, tout d'abord, d'avoir écrit votre livre et, ensuite, de nous avoir entretenus avec éloquence de toutes les questions que vous avez soulevées. Le comité y attache une grande importance. Je remercie les membres du comité des questions qu'ils vous ont posées. La séance est levée.
(La séance est levée.)