Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 38 - Témoignages du 18 juin 2015


OTTAWA, le jeudi 18 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, afin de poursuivre son étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis président du comité. J'invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec. Bonjour.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Chaput : Bonjour, je m'appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Bonjour. Je suis Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Je suis Art Eggleton, de Toronto, et je suis le vice-président du comité.

Le président : Je rappelle à tous que nous sommes ici pour continuer d'examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada, précisément ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Avant que nous commencions, j'ai deux choses à vous mentionner. Premièrement, comme nous devons donner des directives aux analystes en ce qui concerne la rédaction du rapport, nous allons terminer cette première partie de la réunion à midi. Deuxièmement, pour cette raison et parce que nous avons beaucoup de témoins, je vais permettre une question par sénateur à chaque tour. Nous allons faire plusieurs tours jusqu'à ce que nous ayons terminé.

J'invite Rodney Ghali, directeur général du Centre de prévention des maladies chroniques à l'Agence de la santé publique du Canada, à présenter son exposé.

Rodney Ghali, directeur général, Centre de prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui du poids santé et de l'adoption d'un mode de vie sain et actif, une priorité importante et continue pour l'Agence de la santé publique du Canada.

Depuis octobre, mes collègues et moi suivons votre travail avec grand intérêt. Comme vous l'ont déjà dit les nombreux experts qui ont comparu devant vous, l'obésité demeure un défi complexe au Canada et dans le monde entier.

Les taux actuels de surpoids et d'obésité n'ont jamais été aussi élevés au Canada. Aujourd'hui, près d'un enfant et d'un jeune sur trois souffre de surpoids ou d'obésité. Chez les adultes, c'est pratiquement un sur deux. Les taux chez les enfants et les jeunes ont presque doublé au cours des 30 dernières années.

Comme vous le savez, l'obésité augmente le risque d'apparition de maladies chroniques comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et le cancer. L'Agence de la santé publique du Canada a publié récemment un rapport comportant des projections sur l'incidence du cancer, qui met en lumière le fait que les cancers liés à l'obésité devraient augmenter jusqu'à 20 p. 100 au cours des 15 prochaines années.

Comme il fallait s'y attendre, nous commençons à voir des enfants obèses aux prises avec certains des problèmes de santé des adultes, tels que le diabète de type 2 et l'hypertension artérielle. Comme vous l'avez probablement déjà entendu dire, on estime que les coûts directs et indirects en matière de soins de santé du surpoids et de l'obésité atteignent jusqu'à 7,1 milliards de dollars par année.

En général, les Canadiens savent que bien manger et rester actif est important pour vivre une vie en santé. Cependant, comme vous l'ont déjà expliqué plusieurs témoins, de nombreux facteurs, tels que l'environnement dans lequel nous vivons et les technologies qui nous entourent influent sur notre capacité à faire des choix sains et peuvent mener à des comportements nuisibles en matière de santé.

Pour aborder les causes de l'obésité, un changement à l'échelle de la société doit avoir lieu en vue de modifier les environnements social et physique qui influent sur les habitudes alimentaires et les niveaux d'activité des enfants et des familles. Pour y parvenir, tout le monde a un rôle à jouer pour favoriser l'atteinte d'un poids santé — les gouvernements, les secteurs privé et sans but lucratif, les parents, les collectivités et les particuliers.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté des mesures importantes en vue de freiner l'obésité au Canada, et ce, en mettant en place les éléments nécessaires pour faire en sorte que nous puissions collectivement atteindre nos objectifs.

En septembre 2010, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé ont approuvé la Déclaration sur la prévention et la promotion, qui énonce une vision invitant les signataires à travailler ensemble, ainsi qu'avec d'autres, afin que la promotion de la santé et la prévention des maladies, des incapacités et des blessures soient une priorité.

Également en 2010, les ministres de la Santé ont adopté Freiner l'obésité juvénile : Cadre d'action fédéral, provincial et territorial pour la promotion du poids santé. Ils ont convenu de faire de l'obésité juvénile une priorité commune, de défendre cette question et de coordonner le travail dans les différentes sphères de la société canadienne. Le cadre reflète une approche commune pour faire reculer ce problème important.

En novembre 2011, les ministres de la Santé ont approuvé les recommandations et définitions des principaux domaines d'intervention pour les gouvernements afin de favoriser l'atteinte du poids santé et de réduire l'obésité juvénile.

En 2013, les ministres de la Santé ont publié Vers un Canada plus sain, le premier rapport d'étape sur le cadre destiné aux Canadiens. Le rapport souligne les mesures collectives prises pour faire progresser le cadre, ainsi que les données nationales les plus récentes sur les facteurs associés à l'obésité infantile et un poids santé. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent actuellement à l'élaboration du deuxième rapport, lequel devrait être approuvé par les ministres de la santé et les ministres responsables des sports, de l'activité physique et des loisirs plus tard cette année ou au début de l'année prochaine.

Toutes ces initiatives représentent un important pas en avant. Les gouvernements reconnaissent que freiner le surpoids et l'obésité nécessite un effort commun, et nous avons préparé le terrain afin que les gouvernements travaillent ensemble et avec d'autres secteurs. Les activités collectives entre tous les secteurs, et les actions complémentaires, aideront réellement les Canadiens à vivre plus longtemps et plus sainement.

Malgré les efforts concertés, les approches classiques de financement et de sensibilisation n'ont pas réussi à renverser ces tendances au Canada ou dans les autres pays. À l'Agence de la santé publique du Canada, un mode de vie sain et la prévention des maladies chroniques sont des priorités et nous continuons de travailler avec d'autres pour trouver des moyens efficaces d'aider tous les Canadiens à faire des choix plus sains, plus facilement.

Pour faire progresser les efforts en matière de prévention des maladies chroniques et d'adoption d'un mode de vie sain, nous devons déterminer plus rapidement les risques pour la santé publique, les tendances et les enjeux émergents qui touchent les Canadiens.

Nous accomplissons cela, en partie, par l'entremise de notre programme de surveillance au sein de l'agence. Nous interprétons minutieusement nos analyses dans les domaines de la santé mentale, du sommeil, de l'activité physique et des comportements sédentaires. Nous sommes toujours engagés à comprendre le fardeau lié aux résultats des maladies, et nous continuerons à réorienter nos efforts pour mieux comprendre les comportements qui peuvent être promus afin de faire progresser la santé.

Nous explorons également des actions novatrices. Nous sommes conscients que les approches classiques axées sur la conscientisation en matière de mode de vie sain et de prévention des maladies chroniques n'ont pas entraîné les résultats souhaités, alors c'est pourquoi nous cherchons de nouvelles solutions à ces problèmes complexes.

Nous nous sommes engagés à nous servir des données probantes et des connaissances acquises grâce à notre travail pour cibler divers changements. Les solutions qui sont jugées efficaces sont partagées et améliorées, et les leçons que nous tirons de tentatives moins réussies orientent nos travaux futurs.

J'aimerais prendre quelques moments pour vous parler des efforts que nous déployons pour moderniser nos approches en matière de santé publique. Au cours des dernières années, nous avons modifié nos politiques et nos programmes pour adopter une véritable approche pansociétale. Nous faisons participer des partenaires non traditionnels à nos initiatives en matière de santé publique pour tirer parti de leur ingéniosité et de leur expertise d'une manière inusitée en vue de travailler collectivement à l'atteinte de l'objectif commun, c'est-à-dire générer de meilleurs résultats en matière de santé pour les Canadiens.

Nous avons établi une nouvelle approche multisectorielle pour le programme de subventions et de contributions au sein de l'agence. Cette approche nous permet de travailler d'une façon plus intense et plus dynamique avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec les secteurs sans but lucratif et privé, afin d'aider les enfants, les jeunes et les familles à vivre une vie plus saine.

Cette nouvelle approche met l'accent sur les facteurs de risque courants — mauvaise alimentation, inactivité physique et tabagisme — qui sous-tendent les principales maladies chroniques. Elle intègre également une composante de partenariat obligatoire avec les secteurs sans but lucratif et privé, ce dernier devant contribuer financièrement à des projets financés. Nous avons mobilisé plus de 27 millions de dollars en investissements du secteur privé grâce à cette nouvelle approche.

Un exemple de projet qui a retenu l'attention à l'échelle internationale est le programme Air Miles pour le progrès social. Le projet incorpore de nouveaux outils uniques, tels que le recours à des incitatifs pour encourager des changements de comportement positifs. Dans le cadre de ce partenariat, plus de 75 000 membres du YMCA partout au Canada reçoivent un incitatif sous la forme de milles de récompenses Air Miles lorsqu'ils atteignent des objectifs en matière d'activité physique. Les résultats démontrent déjà que les participants sont deux fois plus actifs qu'avant la mise en œuvre de ce programme unique au monde il y a deux ans.

Un autre exemple est l'initiative Jeu d'échange, qui vise à permettre au gouvernement et à ses partenaires d'échanger directement avec les Canadiens d'une manière très différente. L'initiative a été lancée en 2014 par la ministre Ambrose ainsi que Canadian Tire, les Partenaires philanthropes LIFT et la Société Radio-Canada. Dans le cadre de ce partenariat, les Canadiens ont été invités à soumettre des idées sur des façons d'être plus actifs. Un groupe de juges très influents ont sélectionné les six meilleures idées parmi plus de 400 propositions. En janvier dernier, les six meilleures idées ont été présentées au cours d'une émission spéciale de la CBC qui a attiré plus de 3 000 téléspectateurs. Les Canadiens ont voté en ligne pour la meilleure idée.

L'idée gagnante était celle de l'autobus scolaire pédestre Trottibus proposée par la Société canadienne du cancer. Un financement de 1 million de dollars a été remis de la part de l'agence pour concrétiser cette idée.

L'initiative Jeu d'échange visait beaucoup plus qu'appuyer l'idée gagnante. Il s'agissait d'une occasion de faire participer des centaines de milliers de Canadiens à un dialogue dynamique pendant un an sur des façons d'amener les Canadiens à être plus actifs.

L'alimentation saine et l'activité physique régulière sont essentielles à une bonne santé. Nous réunissons de nombreux partenaires pour déterminer et mettre en œuvre des solutions. Nous utilisons notre financement pour mobiliser davantage d'investissements, élargir notre portée et stimuler les innovations. En réalité, il faudra du temps avant de constater des progrès significatifs. Les défis sociétaux complexes nécessitent des solutions à multiples facettes. Il n'y a pas de solution universelle. Cependant, le moment est propice pour aborder cet impératif de santé publique au Canada et dans le monde entier.

Pour terminer, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d'examiner cet enjeu important et de nous avoir permis de parler des nouvelles approches que nous adoptons dans le cadre de nos politiques et de nos programmes pour avoir une plus grande influence. Nous nous réjouissons à l'idée d'examiner les résultats de votre rapport. Je vous remercie.

Le président : Nous allons maintenant écouter M. Hasan Hutchinson, directeur général du Bureau de la politique et de la promotion de la nutrition de Santé Canada. Il est accompagné de M. William Yan, directeur, Direction des aliments.

Hasan Hutchinson, directeur général, Bureau de la politique et de la promotion de la nutrition, Santé Canada : Je vous remercie beaucoup. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour représenter Santé Canada, en compagnie de M. Yan.

Notre direction générale appuie et favorise la santé nutritionnelle et le bien-être des Canadiens au moyen d'un certain nombre de tâches. Premièrement, nous établissons des politiques, des règlements, des normes et des lignes directrices se rapportant à la sécurité et à la qualité nutritionnelle des aliments vendus au Canada, par exemple, établir des exigences liées à l'étiquetage nutritionnel. Deuxièmement, nous fournissons et faisons la promotion de renseignements sur l'alimentation saine et nutritive, y compris le Guide alimentaire canadien. Troisièmement, nous mettons sur pied des initiatives de sensibilisation et d'éducation fondées sur des données probantes et nous dirigeons des initiatives plus générales visant à améliorer l'environnement alimentaire et à faciliter les choix santé, ou nous contribuons à de telles initiatives. Quatrièmement, nous menons des recherches scientifiques et de la surveillance après la mise en marché à l'appui du mandat de Santé Canada d'aider les Canadiens à maintenir et à améliorer leur santé. Cinquièmement, nous offrons des conseils et présentons des renseignements à d'autres organismes gouvernementaux, à l'industrie, aux organismes de santé et aux consommateurs afin d'appuyer la prise de décisions éclairées.

De plus, la direction générale se charge des réponses liées à la nutrition du portefeuille de la santé conformément au cadre Freiner l'obésité juvénile, dont M. Ghali vient de parler.

Santé Canada a pour but de classer les Canadiens parmi les populations les plus en santé au monde. Nous savons que la saine alimentation contribue à la santé à tous les stades du développement et est essentielle pour diminuer le risque de maladies chroniques et d'obésité liées à la nutrition. Les choix alimentaires sont influencés par les facteurs individuels et collectifs, y compris les environnements sociaux et physiques. Aussi, Santé Canada a recours à un spectre d'interventions qui ciblent les personnes, les intermédiaires et le milieu politique plus général.

Le Guide alimentaire canadien, l'une des initiatives bien connue sur la nutrition de Santé Canada, traduit la science de la nutrition et de la santé en un modèle de saine alimentation pour la population canadienne. Il s'agit du document le plus populaire du gouvernement du Canada et constitue la base des politiques et des programmes du pays.

Nous reconnaissons la nécessité de demeurer pertinents et nous nous employons à moderniser la façon dont nous communiquons ces lignes directrices en matière d'alimentation. Par exemple, nous venons tout juste de lancer l'Assiette Bien manger, un outil visuel destiné au consommateur qui simplifie un modèle de saine alimentation, et une application mobile qui permet aux consommateurs de personnaliser le guide alimentaire en fonction de leur situation personnelle.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, il appartient également à Santé Canada d'établir des politiques sur l'étiquetage en matière de santé et de sécurité. Le Canada a été l'un des premiers pays à établir des exigences obligatoires pour l'étiquetage nutritionnel sur les produits alimentaires, notamment le tableau de la valeur nutritive que les entreprises doivent afficher sur la plupart des aliments préemballés vendus au Canada. Cette exigence obligatoire est entrée pleinement en vigueur en 2007 et oblige les entreprises à afficher sur leurs produits un tableau de la valeur nutritive énumérant les 13 éléments nutritifs de base, y compris les lipides, les sucres et le sodium. L'objectif du TVN est de transmettre de l'information d'une manière précise et uniforme à propos du contenu nutritif des aliments et de permettre aux consommateurs de choisir et de comparer les produits de façon à pouvoir faire des choix alimentaires éclairés et sains.

Santé Canada a également établi des critères réglementaires pour des expressions comme « faible teneur en sucre » et « sans sucre » afin de s'assurer qu'elles sont cohérentes et exactes et qu'elles n'induisent pas les consommateurs en erreur.

Vous avez aussi probablement entendu parler de notre récente annonce sur les améliorations proposées au règlement sur l'étiquetage nutritionnel, qui rendra les étiquettes plus conviviales pour le consommateur. Entre autres modifications proposées, mentionnons que les calories seront affichées de façon plus évidente, qu'une valeur quotidienne sera proposée pour les sucres et que les portions seront réglementées afin de garantir une meilleure uniformité entre les produits similaires, en plus de mieux refléter la quantité d'aliments que consomment habituellement les Canadiens au cours d'un repas.

Nous avons également proposé des changements en vue de rendre la liste des ingrédients plus facile à lire et d'aider les consommateurs à retracer les sources de sucres ajoutés aux aliments. Ces modifications visent à offrir aux Canadiens les renseignements nutritionnels qui leur sont nécessaires pour prendre des décisions éclairées au sujet des aliments qu'ils achètent et préparent pour eux et leur famille.

Nous reconnaissons cependant que les choix alimentaires sont influencés par de nombreux facteurs et que, bien que nous jouions un rôle important dans la présentation des meilleurs renseignements aux consommateurs sur la saine alimentation et le contenu nutritionnel des aliments, nous devons en faire plus. L'une des priorités stratégiques du cadre Freiner l'obésité juvénile est d'améliorer notre environnement alimentaire et, plus particulièrement, d'accroître l'accès aux aliments nutritifs et leur disponibilité. Santé Canada appuie les améliorations à apporter à l'environnement alimentaire en collaborant avec les provinces, les territoires, les autorités de santé publique, les organismes de santé et les intervenants de l'industrie alimentaire afin de faire mieux connaître la meilleure façon d'offrir et de promouvoir des options plus saines aux consommateurs tout en respectant la nécessité de l'industrie alimentaire de demeurer compétitive. Au bout du compte, ces efforts mèneront à des changements stratégiques qui favoriseront une saine alimentation grâce à une plus grande facilité d'opter pour des aliments nutritifs.

Les directives, l'éducation, les politiques et les règlements de Santé Canada sont fondés sur les meilleures données scientifiques disponibles. Nous collaborons avec d'autres organisations telles que le gouvernement des États-Unis afin d'élaborer les apports nutritionnels de référence. Nous travaillons également avec Statistique Canada pour recueillir des données sur la consommation afin de mieux comprendre ce que consomment les Canadiens, et avec le World Cancer Research Fund et l'Organisation mondiale de la Santé afin d'évaluer les interventions politiques.

Jumelé à notre cycle d'examen des données probantes pour les lignes directrices en matière d'alimentation, Santé Canada est au premier rang dans le développement des connaissances et l'échange sur la nutrition et leur incidence sur les maladies chroniques et l'obésité. Je souhaite conclure en me joignant aux sentiments de plusieurs témoins. Aucune organisation ne peut résoudre ce problème seul. Santé Canada continuera de collaborer avec ses partenaires et intervenants internes et externes dans le but d'aider les Canadiens à adopter une saine alimentation, non seulement pour inverser la tendance de l'obésité, mais aussi pour améliorer la santé globale et le bien-être de notre société.

Merci beaucoup de m'avoir donné cette occasion. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : La parole est maintenant à Mme Jane Aubin, vice-présidente exécutive, chef des affaires scientifiques aux Instituts de recherche en santé du Canada, qu'on appelle communément les IRSC.

Dre Jane Aubin, vice-présidente exécutive, chef des affaires scientifiques, Instituts de recherche en santé du Canada : Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du comité. Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités ici aujourd'hui, mes collègues du portefeuille de la santé et moi-même. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter quelques exemples des excellentes recherches financées par le gouvernement du Canada dans le domaine de l'obésité.

Comme le comité le sait, les Instituts de recherche en santé du Canada, ou les IRSC, sont l'organisme fédéral qui appuie l'excellence dans la recherche en santé dans les universités, les hôpitaux et les centres de recherche partout au pays.

Les IRSC sont formés de 13 instituts de recherche. En tant que chef des affaires scientifiques, je supervise la stratégie scientifique de notre organisation. Plusieurs de nos instituts financent la recherche liée à l'obésité. Cependant, c'est l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète qui a le mandat précis d'appuyer la recherche sur l'alimentation et le métabolisme dans le but d'étudier les causes de l'obésité, les techniques de prévention, de dépistage et de diagnostic, les traitements ainsi que les systèmes de soutien.

Les IRSC investissent des sommes importantes dans la recherche sur l'obésité. En effet, entre 2006-2007 et 2013-2014, ils y ont consacré 259 millions de dollars. Durant cette période, les investissements ont augmenté de près de 30 p. 100, ce qui a contribué à propulser les chercheurs canadiens à l'avant-scène dans le domaine au niveau international. À l'échelle mondiale, le Canada se classe dans les 5 premiers pays au chapitre du nombre total de publications scientifiques sur l'obésité. L'excellent travail des chercheurs du Canada nous aide à évaluer et à mettre en évidence les interventions et les stratégies de prévention les plus efficaces pour nous attaquer à l'obésité au pays et ailleurs.

Par exemple, les IRSC appuient le travail du Dr Scott Leatherdale, de l'Université de Waterloo. Ses recherches produisent des données utiles pour planifier, adapter et cibler des initiatives scolaires où elles sont le plus susceptibles de produire des retombées. Dans l'un de ses projets, le Dr Leatherdale a étudié le lien entre l'environnement bâti autour des écoles et l'embonpoint. Il a constaté que plus il y a de restaurants-minute et d'épiceries à proximité d'une école, plus les jeunes qui la fréquentent sont susceptibles de faire de l'embonpoint. De plus, il dirige actuellement l'étude Compass, qui étudie les associations entre les changements aux politiques et aux programmes scolaires ainsi qu'à l'environnement bâti autour des écoles et les changements touchant les comportements des jeunes relativement à la santé, notamment ceux liés à l'obésité.

Les IRSC sont aussi fiers d'appuyer le travail du Dr David Hammond, lui aussi de l'Université de Waterloo, chercheur participant à l'étude Compass. Les recherches du Dr Hammond évaluent les politiques et règlements de santé existants et explorent les retombées de nouvelles interventions. Le Dr Hammond a déterminé que l'affichage du nombre de calories sur les menus peut aider à réduire l'apport excessif en énergie chez les étudiants universitaires. Dans une autre étude, il a montré que les enfants sont trois fois plus susceptibles de demander un repas santé lorsqu'aucun jouet n'est offert avec un repas mauvais pour la santé. Les résultats de cette étude semblent indiquer que la mise en place de politiques visant à restreindre l'offre de jouets avec des repas mauvais pour la santé pourrait favoriser les choix plus sains dans les restaurants-minute.

Comme vous pouvez le constater, les IRSC appuient une variété de chercheurs exceptionnels dans ce domaine et sont très fiers de leur travail. D'ailleurs, vingt des témoins qui ont comparu devant le comité ont reçu des fonds des IRSC depuis leur création en 2000.

Monsieur le président, comme le comité l'a déjà appris, les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada sont particulièrement touchés par l'obésité. C'est en partie pourquoi les IRSC ont lancé une initiative phare appelée Voies de l'équité en santé pour les Autochtones. L'initiative a pour but de mieux comprendre comment concevoir, offrir et mettre en œuvre des programmes et des politiques favorisant la santé et l'équité en santé dans quatre domaines prioritaires, dont le diabète et l'obésité. Il y a quelques mois à peine, en mars 2015, le rassemblement annuel inaugural des Voies de l'équité a eu lieu à Ottawa. Cet événement a rassemblé environ 140 chercheurs, partenaires communautaires, organisations autochtones et membres du portefeuille de la santé qui ont discuté de l'initiative Voies de l'équité, échangé des connaissances, établi des partenariats et préparé le terrain en vue d'engendrer des retombées.

Lors de ce rassemblement, l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des IRSC a animé une séance pour permettre l'apprentissage mutuel, l'échange de connaissances et le mentorat parmi les participants aux possibilités de financement de l'initiative Voies de l'équité.

Dans le cadre de l'initiative Voies de l'équité, les IRSC appuient le travail d'excellents chercheurs qui sont à la recherche de moyens de combattre l'obésité dans les populations autochtones.

Par exemple, Jon McGavock, de l'Université du Manitoba, étudie l'efficacité de méthodes novatrices en milieu scolaire pour prévenir l'obésité et le diabète de type 2 chez les enfants des Premières Nations. Cette idée a vu le jour en réponse au fait que l'alimentation et l'activité physique seules n'ont aucune incidence durable sur l'indice de masse corporelle ou la diminution du tour de taille chez les enfants. Les interventions de Jon McGavock sont plutôt axées sur la résilience. Il étudiera plus précisément les raisons pour lesquelles les enfants de milieux défavorisés, et plus particulièrement les jeunes des Premières Nations, sont plus susceptibles de faire de l'embonpoint ou de devenir obèses. Ce projet de recherche a pour but de contribuer à la mise au point de programmes parascolaires qui protégeraient les jeunes qui vivent dans la pauvreté d'une prise de poids excessive.

Monsieur le président, j'aimerais enfin mentionner un événement important que les IRSC sont fiers de commanditer chaque année avec des partenaires du secteur privé comme la Fondation des maladies du cœur. Le Sommet canadien sur l'obésité est un congrès interdisciplinaire unique en son genre qui constitue autant un événement de réseautage qu'un rassemblement sur la recherche de pointe, étant donné qu'il favorise l'échange de connaissances et permet de mieux comprendre les causes, les complications, les traitements et les approches de prévention liés à l'obésité. Cette année, le sommet a eu lieu à Toronto du 28 avril au 2 mai. Les participants étaient des professionnels de la santé, des chercheurs, des responsables des politiques, des représentants de l'industrie et des médias, et des membres du portefeuille de la santé.

Au sommet de cette année, la ministre de la Santé a annoncé un investissement de 4,5 millions sur cinq ans pour soutenir trois nouvelles équipes de recherche visant à améliorer les soins bariatriques offerts aux Canadiens par la prévention, le traitement et la prise en charge de l'obésité. Ces soins englobent notamment les interventions et les changements concernant le mode de vie, les thérapies cognitivo-comportementales, la pharmacothérapie et les interventions chirurgicales. Les fonds proviennent des IRSC et de partenaires des secteurs public et privé, comme le Réseau canadien en obésité, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario et le Fonds de recherche du Québec - Santé. L'objectif est d'aider les personnes obèses à perdre du poids et à améliorer leur santé globale et leur qualité de vie.

Lors du sommet, les IRSC ont organisé une activité pour présenter ces trois nouvelles équipes de recherche en soins bariatriques. L'une de ces équipes est dirigée par le Dr Geoff Ball, de l'Université de l'Alberta, qui étudiera la prévalence de l'obésité sévère chez les enfants, les risques pour la santé qui y sont associés et les facteurs qui amènent les médecins à proposer des soins bariatriques.

Pour conclure, monsieur le président, les IRSC sont déterminés à continuer de collaborer avec leurs partenaires publics et privés pour appuyer des chercheurs canadiens de renommée internationale dans le domaine de l'obésité afin de veiller à l'amélioration des services et des traitements par l'application de résultats de recherche. De plus, nous nous réjouissons à l'idée de financer de nouveaux projets de recherche par l'entremise de nouvelles initiatives des IRSC, tel que l'initiative phare Environnements et santé, qui vise à soutenir la recherche en vue de modifier les environnements dans lesquels les gens vivent, travaillent et apprennent.

Je tiens à vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question importante. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à Statistique Canada. Nous accueillons Josée Bégin, directrice de la Division de la statistique de la santé, et Julie Bernier, directrice de la Division de l'analyse de la santé. Je crois savoir que vous allez vous partager le temps, et que c'est Mme Bégin qui va commencer.

Josée Bégin, directrice, Division de la statistique de la santé, Statistique Canada : Merci, monsieur le président, et honorables sénateurs. Nous voulons tout d'abord vous remercier de nous avoir invitées et de nous permettre de vous présenter quelques données sur l'obésité recueillies par Statistique Canada.

Dans notre exposé, nous vous parlerons brièvement de nos sources d'information actuelles sur l'obésité. Je vous parlerai ensuite des sources d'information dont nous disposerons au cours des prochaines années, et Julie Bernier vous donnera quelques résultats d'analyse sur l'obésité, l'activité physique et la nutrition.

Statistique Canada dispose actuellement de trois sources d'information sur l'obésité. La première est l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes qui porte sur les citoyens âgés de 12 ans et plus. Il s'agit de renseignements autodéclarés. Nous posons des questions comme : Quel est votre poids? Quelle est votre taille? Considérez-vous que vous êtes obèse, en surpoids ou d'un poids normal?

L'ESCC permet aussi de recueillir des renseignements sur l'activité physique pendant les loisirs, notamment le type d'activité et le temps qui y est consacré, de même que de l'information sur les déplacements au travail et à l'école à pied ou à vélo.

Nous disposons aussi de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé qui porte sur les citoyens âgés de 3 à 79 ans. Contrairement à l'Enquête sur la santé des collectivités canadiennes, l'Enquête sur les mesures de santé nous permet de recueillir des renseignements directement auprès des répondants en combinant une visite à domicile avec une visite à notre clinique mobile. Les données sur l'obésité sont : la taille, debout et assis; le poids; le tour du cou, de la taille et des hanches; les replis cutanés; et l'activité physique. Pour mesurer l'activité physique, nous utilisons un appareil que la personne porte sur elle pendant sept jours et qui enregistre ses activités.

Notre autre source d'information est l'Enquête sur la nutrition qui nous sert à recueillir des renseignements sur les habitudes alimentaires des Canadiens de un an et plus, de même que sur leur consommation de vitamines et de suppléments minéraux et sur d'autres facteurs de santé. Dans ce cas, nous recueillons de l'information sur le poids et la taille du répondant, de même que sur ses activités physiques des sept derniers jours qui ont eu une durée d'au moins 60 minutes par jour, que ce soit à l'école, à l'extérieur de l'école, ou pour le plaisir.

Vous trouverez tous les détails de ces enquêtes à l'annexe 1 de notre mémoire.

J'aimerais maintenant vous parler des sources d'information sur l'obésité à venir à Statistique Canada.

Premièrement, dans le cadre de l'Enquête canadienne sur les mesures de santé, nous continuerons de recueillir, au cours des prochaines années, des données directement auprès des répondants sur leur poids, leur taille et leurs activités physiques.

Deuxièmement, la collecte de données pour l'Enquête sur la nutrition est en cours et se poursuivra jusqu'en décembre 2015. Les résultats seront publiés à l'automne 2016.

Enfin, en plus des données autodéclarées sur la taille, le poids et l'activité physique recueillies dans le cadre de l'Enquête sur la santé des collectivités canadiennes, nous recueillerons aussi de l'information sur les comportements sains, notamment l'utilisation du guide alimentaire, en 2016 et 2020.

En plus de ces enquêtes, nous travaillons aussi à la préparation d'une enquête pilote sur la santé des enfants et des adolescents pour l'automne 2016. Nous n'avons pas encore terminé de rédiger les questions, mais nous savons que certaines porteront sur le poids et la taille, la consommation de fruits et légumes, les boissons, les repas, les habitudes et les troubles alimentaires, et l'activité physique.

Vous trouverez plus d'information sur cette enquête à l'annexe 2 de notre mémoire.

Julie Bernier, directrice, Division de l'analyse de la santé, Statistique Canada : Je vais maintenant vous présenter les résultats de nos travaux sur l'obésité, l'activité physique et la nutrition.

Dans certaines de nos anciennes publications, nous utilisions les seuils d'indice de masse corporelle de l'International Obesity Task Force pour définir l'obésité chez les enfants. En se basant sur les mesures directes de la taille et du poids recueillies dans une enquête de Santé Canada, nous avons estimé qu'en 1978, 2 p. 100 des Canadiens de 2 à 17 ans étaient obèses, et qu'en 2004, ce pourcentage était passé à 8 p. 100.

Dans nos publications récentes, nous utilisons les seuils de l'OMS pour classer les enfants et les adolescents en fonction de leur indice de masse corporelle. Je le mentionne parce que vous trouverez des données différentes pour 2004 dans les publications selon les seuils utilisés.

En utilisant cette nouvelle norme et en continuant de procéder à des mesures directes, nous avons estimé qu'entre 2004 et 2013, le pourcentage des enfants et des adolescents obèses est demeuré stable à environ 12 p. 100. Toujours pendant cette période, le pourcentage estimé des enfants et des adolescents qui étaient en surpoids est aussi demeuré stable à environ 20 p. 100.

L'activité physique et la nutrition sont deux déterminants potentiels de l'obésité. À partir d'une mesure directe de l'activité physique, nous avons constaté que les enfants sont plus actifs pendant l'heure du lunch et en semaine, tandis que les adolescents le sont souvent plus après l'école et la fin de semaine.

Les lignes directrices qui ont l'appui de l'Agence de la santé publique contiennent des recommandations pour les activités d'intensité modérée et élevée, de même que pour les activités d'intensité élevée seulement. Sept pour cent des enfants et des adolescents atteignent la recommandation pour la combinaison d'activités d'intensité modérée et élevée, soit 60 minutes par jour. Quarante-quatre pour cent atteignent la recommandation pour les activités d'intensité élevée, soit trois fois ou plus par semaine pendant une très courte période de temps. Les Canadiens, adultes et enfants compris, sont sédentaires plus de 60 p. 100 du temps qu'ils passent éveillés.

Enfin, à partir des données recueillies dans l'ECSS sur la nutrition de 2004, soit la dernière série de données sur la nutrition recueillies — la nouvelle s'en vient, comme Josée l'a mentionné —, nous avons publié des données sur la consommation de sucre qui ont beaucoup retenu l'attention.

Le Canadien moyen consomme 26 cuillères à thé de sucre par jour. Chez les enfants et les adolescents, 44 p. 100 du sucre qu'ils consomment provient de ce qu'ils boivent, soit les boissons. Une partie provient du lait et des jus de fruits, mais les calories provenant de ces deux boissons tendent à diminuer au fur et à mesure que les enfants avancent en âge et se mettent à consommer d'autres catégories de boissons. Chez les adultes, 35 p. 100 du sucre provient des boissons.

La Division de la recherche de Statistique Canada a aussi produit d'autres données sur l'activité physique et la nutrition. Je vous ai remis une liste des publications qui sont parues au cours des quatre ou cinq dernières années et des résultats. Nous avons aussi des publications qui portent sur les méthodes et les techniques utilisées pour effectuer les mesures et valider les données.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de faire un exposé aujourd'hui.

Le président : Je rappelle à mes collègues que nous utiliserons la formule une question par sénateur par tour. Je vous demanderais de poser votre question à un témoin précis pour commencer.

Quant aux témoins, si le sénateur vous demande si l'un d'entre vous a quelque chose à ajouter — et je sais que vous avez beaucoup de choses à dire et que vous pouvez parler longuement de tous les sujets —, si vous avez quelque chose de nouveau à ajouter, faites-moi signe que vous voulez aussi répondre. Toutefois, si vous n'avez pas de nouveaux éléments à ajouter, ne répétez pas ce qui a été dit. Nous n'avons pas beaucoup de temps et j'aimerais que nous puissions poser le plus de questions possible.

Sur ce, je cède d'abord la parole au sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Je vais poser ma question à M. Hutchinson et lui demander de nous parler du Guide alimentaire canadien, qui comme vous l'avez mentionné, est le document du gouvernement le plus populaire. Depuis sa parution, toutefois, l'obésité a atteint des proportions épidémiques, ce qui veut dire que cela n'a pas été très utile dans ce cas.

Nous avons entendu quelques critiques à son sujet pendant nos réunions. On disait qu'il n'était pas mis à jour régulièrement, qu'il n'a pas beaucoup changé depuis la première parution, qu'il ne repose pas sur des données scientifiques, qu'il vise à combler les besoins nutritifs plutôt que de promouvoir la variété, et qu'il ne contient pas suffisamment d'information sur les aliments à éviter.

Vous avez dit aujourd'hui que vous venez de lancer l'Assiette Bien manger. J'aimerais savoir comment cela s'intègre à tout le reste.

Ma grande question est en fait la suivante : quand Santé Canada prévoit-elle mettre à jour son guide alimentaire et prévoit-elle à cette occasion organiser de vastes consultations publiques?

M. Hutchinson : Je vous remercie d'avoir posé ces questions, sénateur Eggleton. Oui, vous avez raison, c'est le document le plus populaire... eh bien, il fut un temps où les formulaires d'impôt étaient plus « populaires », mais je pense que la palme nous revient encore.

Vous vouliez savoir essentiellement si nous examinons les données probantes et si nous allons mettre à jour le guide. Je vais me concentrer sur ces éléments, car nous pourrions parler tout l'après-midi de vos autres préambules.

Nous avons lancé un cycle d'examen des données probantes, toutes sortes de données, qui sont nécessaires à l'élaboration des directives alimentaires. Nous examinons en fait trois groupes de données. Le premier groupe porte sur les données classiques qui sont contenues dans le guide. On pense ici aux apports nutritionnels de référence ou à la simple mise à jour des nutriments que nous connaissons et des effets des aliments sur la santé, dans le but d'avoir un portrait plus complet de ce que nous mangeons et de notre santé. C'est le volet des données scientifiques classiques qui entrent dans l'équation.

Un autre groupe de données que nous examinons — et nous avons commencé à le faire il y a environ deux ans — porte sur la façon dont les Canadiens et les intervenants se servent du guide alimentaire. Dans ce cas, en collaboration avec StatCan, nous avons créé un échantillon représentatif d'une bonne dizaine de milliers d'individus en utilisant l'Enquête sur la santé dans les communautés canadiennes. Nous sommes allés au-devant des consommateurs pour savoir comment ils se servent du guide et comment ils l'ont intégré dans leur quotidien. Nous avons également effectué une étude très approfondie sur les différents intervenants qui se servent de nos politiques et les intègrent dans les leurs, notamment les provinces, les territoires, les diététistes et d'autres professionnels, afin de bien comprendre toutes les utilisations qui en sont faites.

Le troisième groupe de données que nous examinons est celui du contexte canadien qui sous-tend notre guide. Il s'agit ici notamment de recueillir des données sur les habitudes alimentaires des Canadiens, sur leurs habitudes de consommation et sur l'évolution de l'approvisionnement.

Depuis deux ans, nous examinons soigneusement ces trois groupes de données. En février dernier, nous avons publié notre étude sur la façon dont les Canadiens et les intervenants se servent du guide alimentaire. Il est utilisé par les Canadiens et il est aussi utilisé par les différents intervenants au pays. Nous savons, par exemple, qu'il fait partie intégrante des politiques des provinces et des territoires.

Pour l'examen des données scientifiques portant sur les apports nutritionnels de référence, ou ANREF, nous travaillons avec les États-Unis et l'Institut de médecine, et nos travaux portent principalement depuis quelques années sur la vitamine D et le calcium. L'information a été mise à jour, tout comme les données sur ces nutriments dans le guide.

Pour ce qui est de l'examen des données scientifiques sur le lien entre les différents types d'aliments et la santé, nous sommes en train d'en faire la synthèse et d'y mettre la dernière main. Nous diffuserons l'information au cours des prochains mois.

Une fois toute l'information rassemblée, il faut ensuite décider des directives alimentaires que nous allons établir et des mesures que nous allons prendre. On peut penser à trois types de mesures. Premièrement, il se peut que des personnes ne comprennent pas bien l'information et qu'il faille mettre en place de nouvelles activités d'éducation et de sensibilisation. Il se peut aussi qu'il y ait des erreurs d'interprétation, alors il va falloir modifier nos directives. Ou encore, on peut se rendre compte que les données ont tellement changé qu'il faut préparer de toutes nouvelles directives et un tout nouveau guide pour les Canadiens. C'est là où nous en sommes. Encore une fois, la décision sera prise à la lumière des données que nous avons. Nous ne dirons pas à priori que nous ferons telle chose sans avoir les données nous indiquant que c'est la bonne approche.

Une de vos questions connexes portait sur la façon dont nous commençons à le présenter au consommateur. Il y a environ 10 jours, nous avons lancé un outil, l'Assiette Bien manger, en réponse aux commentaires des consommateurs et des intervenants sur l'utilisation du Guide alimentaire canadien. Comme ils avaient parfois de la difficulté à comprendre le nombre de portions et leur taille, nous avons adopté l'approche de l'assiette, qui nécessite de moins grandes compétences en numératie et en littératie. Notre message central sera que les légumes et fruits doivent représenter la moitié de l'assiette. Nous venons de lancer cette campagne, et nous avons l'intention d'aller beaucoup plus loin. Encore une fois, l'idée est de présenter les recommandations alimentaires sous diverses formes. À mon avis, cette approche — plus facile à comprendre intuitivement — pourra être utilisée par des diététistes et d'autres professionnels de la santé dans leurs interactions avec le consommateur.

Nous avons lancé une application mobile du guide alimentaire pour ceux qui voudraient des informations plus détaillées sur le nombre de portions et sur la taille des portions. Les gens peuvent ainsi consulter le guide alimentaire sur leur tablette ou leur téléphone cellulaire en tout temps. L'application permet de représenter les guides en fonction de votre sexe et de votre catégorie d'âge. On y trouve les recommandations, mais vous pouvez aussi indiquer le type d'aliments que vous consommez de façon à obtenir des informations sur les portions et sur la quantité d'aliments que vous devriez consommer. C'est l'un des principaux problèmes qui ont été soulevés lorsque nous parlions du guide alimentaire; les gens avaient de la difficulté à comprendre les portions recommandées dans le guide alimentaire.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés.

Un enjeu dont nous avons souvent parlé et qui a été soulevé par divers témoins, c'est l'idée d'interdire la publicité d'aliments destinée aux enfants. Les Instituts de recherche en santé du Canada, l'ASPC et Santé Canada mènent tous de la recherche fondée sur des données probantes.

Je ne sais trop à qui poser la question, mais j'aimerais avoir une réponse de l'un ou de chacun d'entre vous. Avez-vous étudié l'efficacité de l'interdiction de la publicité destinée aux enfants au Québec? Si oui, quelles sont vos conclusions?

M. Hutchinson : Personne d'autre ne veut intervenir? Très bien; je vais répondre, dans ce cas.

Ce que nous avons fait par rapport à l'étude de la publicité destinée aux enfants — j'utilise « nous » au sens large, car dans le cadre de l'initiative Freiner l'obésité juvénile, nous avons aussi travaillé avec les provinces et territoires —, c'est qu'en 2010, lorsque nous avons préparé les initiatives dont Rodney a parlé, en collaboration avec diverses administrations, nous avons décidé d'accorder un appui concret à l'initiative de l'industrie sur la publicité destinée aux enfants et d'aider l'industrie à la renforcer. C'est sur cet aspect qu'a porté la participation des gouvernements.

De leur côté, les provinces et les territoires régissent le nombre de publicités et ce domaine précis. Encore une fois, dans le cadre de l'initiative Freiner l'obésité juvénile, les écoles et les centres de loisirs — les divers lieux où l'on retrouve des enfants — relèvent plutôt de la compétence des provinces et des territoires. Ces administrations ont pris des mesures concrètes en ce sens.

De plus, nous étudions diverses mesures qui ont été prises partout dans le monde et au Québec, comme vous l'avez indiqué. Nous étudions les données provenant d'autres pays pour essayer de déterminer quelle serait l'approche adéquate à adopter à l'avenir. De toute évidence, en ce qui concerne l'initiative Freiner l'obésité juvénile, nous commençons à examiner les résultats obtenus au cours des cinq premières années avec nos partenaires provinciaux et territoriaux. Nous essayons vraiment de déterminer, ensemble, quelles approches nous devrions adopter à l'égard de la publicité destinée aux enfants.

Le président : Deux sénateurs doivent partir pour assister à une réunion du Comité des finances nationales, qui est saisi d'un important projet de loi d'exécution du budget. La sénatrice Chaput était la prochaine sur la liste; la sénatrice Merchant la remplace dans la rotation et peut maintenant poser des questions.

La sénatrice Merchant : Merci beaucoup, monsieur le président; je vous en suis reconnaissante. La sénatrice Chaput vient tout juste de partir. Elle m'a demandé de poser cette question aux représentants de Statistique Canada. Elle a indiqué que vous faites une autre étude, un projet pilote, dont vous avez parlé. Elle voulait connaître l'objet de l'étude et savoir quels groupes sont ciblés. Elle voulait savoir si certaines questions seront directement liées à la publicité destinée aux enfants. Ce sont ses questions; vous pourrez peut-être y répondre.

Mme Bégin : Le projet pilote dont j'ai parlé dans mon exposé portera sur les enfants et les jeunes, donc sur les enfants de 1 à 17 ans. Nous n'avons pas encore déterminé l'ensemble du contenu. Nous travaillons avec nos partenaires, dont l'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada, pour mettre au point le contenu. Nous avons aussi entrepris des essais auprès de groupes de consultation pour avoir une idée du degré de compréhension à l'égard du concept et des questions.

Le lancement du projet pilote est prévu pour l'automne 2016. L'enjeu des questions sur la publicité a fait l'objet de discussions lors des réunions de notre groupe de travail. Je crois savoir qu'il a été décidé d'attendre de voir la réaction des participants aux groupes de discussion pour savoir s'ils peuvent y répondre ou s'il convient de cibler les questions sur une durée plus précise, mais cela a fait l'objet de discussions. Toutefois, aucune décision n'a été prise quant à l'inclusion de ce genre de questions dans l'enquête pilote.

La sénatrice Raine : Je remercie chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui.

Le gouvernement américain a récemment interdit l'utilisation de gras trans. Je me demande simplement si le gouvernement canadien emboîtera le pas.

William Yan, directeur, Direction des aliments, Agence de la santé publique du Canada : Je vous remercie de la question, sénatrice. En effet, cela a été annoncé il y a deux jours. Les États-Unis ont confirmé que désormais, l'huile partiellement hydrogénée, qui contient des gras trans, ne sera plus considérée comme généralement sûre. Les entreprises qui voudront utiliser ce produit dans n'importe quel produit alimentaire devront présenter une demande à la FDA pour obtenir une autorisation.

Au Canada, nous nous intéressons à la question des gras trans depuis de nombreuses années déjà. Le Groupe de travail sur les graisses trans a publié en 2007 un rapport qui contient des recommandations sur la teneur en gras trans que l'on devrait retrouver dans l'approvisionnement alimentaire, tant dans les huiles que dans les produits alimentaires.

Depuis, Santé Canada a adopté une approche à volets multiples pour s'attaquer au problème des gras trans dans les aliments. Nous avons eu recours à la réglementation pour exiger l'inscription des gras trans dans le tableau de la valeur nutritionnelle de tous les produits alimentaires emballés pour que les consommateurs sachent qu'un produit contient des gras trans et pour qu'ils en connaissent la teneur.

Deuxièmement, depuis 2007, nous surveillons l'approvisionnement alimentaire pour savoir si l'industrie a réellement réduit la teneur en gras trans des produits.

L'étude, qui a été terminée en 2009, a démontré que la teneur en gras trans des produits alimentaires préemballés avait été réduite de 75 p. 100. Depuis, d'autres études menées à l'Université de Toronto ont démontré que dans les deux années suivantes, de 2009 à 2011, 97 p. 100 des produits testés ont atteint les objectifs de teneur en gras trans établis par le groupe de travail. En fait, les acteurs de l'industrie ont reformulé leurs produits et ont maintenant éliminé les gras trans de la plupart d'entre eux. Cependant, on retrouve toujours des gras trans dans quelques catégories de produits, et nous travaillons avec l'industrie pour trouver des solutions afin d'en réduire l'utilisation.

Par ailleurs, les données sur la consommation au Canada montrent que dans certains segments de la population, la consommation de gras trans correspond maintenant aux objectifs fixés par l'Organisation mondiale de la Santé. Il s'agit d'un exemple éloquent de la façon dont nous avons utilisé la réglementation, la surveillance et la recherche de façon combinée pour encourager l'industrie à modifier la formulation des produits. Cela a permis de réduire la consommation de gras trans au Canada au niveau actuel, beaucoup plus faible que celui qu'on observait avant d'entreprendre nos activités en ce sens.

Nous surveillerons la situation aux États-Unis. En fait, les Américains n'ont pas interdit officiellement les gras trans. Ils ont simplement indiqué que les gras trans ne sont plus considérés comme sûrs. Ils étudieront les demandes et détermineront si les gras trans peuvent toujours être utilisés dans certains produits, mais les entreprises devront démontrer que leur utilisation n'a aucun effet néfaste pour la santé.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos exposés. Nous avons tellement d'informations qu'il est difficile de se limiter à une seule question. Toutefois, ma question porte sur l'étiquetage.

Monsieur Hutchinson, vous avez mentionné que l'étiquetage devrait être très clair et que chaque étiquette vous fournira une panoplie de renseignements fascinants sur chacune des catégories d'aliments.

Quelle est la stratégie pour la mise en œuvre de cette mesure? Par exemple, indiquez-vous la quantité de sucre contenu pour chaque marque de boisson gazeuse? J'en ai entendu parler dans un reportage à la télévision. L'étiquette devra-t-elle indiquer la teneur totale en sucre? Est-ce ainsi que vous comptez procéder? Comment cela va-t-il fonctionner?

M. Hutchinson : Je vais laisser M. Yan répondre à cette question aussi.

M. Yan : Vendredi dernier, la ministre Ambrose a annoncé que nous proposons une modification exhaustive de la réglementation en matière d'étiquetage. Ces modifications sont maintenant publiées dans la partie I de la Gazette du Canada dans le cadre d'une consultation entreprise vendredi dernier. Les Canadiens auront jusqu'au 26 août pour présenter leurs observations sur tous les changements proposés. Bon nombre des modifications importantes que nous avons faites visent à répondre aux préoccupations soulevées par les consommateurs au cours de la dernière année, tant en personne à l'occasion de réunions que dans les sondages en ligne. Parmi les plaintes les plus courantes que nous avons entendues, il y avait, premièrement, la difficulté à comparer des produits alimentaires semblables parce que les portions ne sont pas identiques. Deuxièmement, les gens ont indiqué que beaucoup de renseignements ne peuvent être consultés parce qu'ils sont illisibles. Troisièmement, ils ont indiqué vouloir plus de renseignements sur le sucre. Dans les changements que nous avons proposés, nous avons ciblé ces trois éléments importants pour améliorer l'étiquetage. Par exemple, certains éléments devront être mis en évidence sur l'étiquette, notamment les calories et la taille des portions. Nous augmentons la taille de la police de caractère et le contraste de la liste des ingrédients de façon à ce que les gens n'aient pas à retirer leurs lunettes pour être capables de connaître les ingrédients du produit. Nous avons mis à jour toutes les données sur la VQ, la valeur quotidienne, pour veiller à ce qu'elles soient scientifiquement fondées. Plus important encore, nous rendons obligatoire, pour la première fois, la déclaration de la valeur quotidienne pour le sucre total. Par conséquent, lorsqu'un consommateur consultera l'emballage d'un produit, il pourra savoir que le produit en question contient un certain pourcentage de la valeur quotidienne, qu'il pourra ensuite comparer à la règle que nous utilisons pour sensibiliser les consommateurs. Cette règle est la suivante : une VQ de 5 p. 100 signifie que le produit contient une faible quantité de cet élément nutritif, tandis qu'une VQ de 15 p. 100 indique qu'il y en contient beaucoup. Donc, si les gens voient une VQ de 25 p. 10 en sucre total, ils sauront immédiatement que cet aliment contient beaucoup de sucre et qu'ils devraient faire preuve de prudence et le consommer avec modération. Si le pourcentage est de 5 p. 100 ou moins, ils pourront probablement en consommer un peu plus étant donné qu'il contient peu de sucre. Pour le consommateur, c'est une façon rapide de connaître la teneur en sucre d'un produit.

En outre, le Canada sera le premier pays à exiger que l'industrie regroupe tous les sucres de la liste des ingrédients sous le titre « sucre ». Si vous regardez l'étiquetage actuel, vous verrez que diverses formes de sucre peuvent se retrouver un peu partout sur l'étiquette en fonction de la quantité, de sorte qu'il est difficile pour le consommateur de savoir combien de sucres différents entrent dans la composition du produit. En regroupant tous les sucres sous un même titre, ils pourraient se retrouver plus haut sur la liste parce que la quantité totale de sucre pourrait être plus élevée que ce qui était déclaré auparavant.

Encore une fois, en consultant la liste des ingrédients, le consommateur pourra rapidement savoir combien de sucres ont été ajoutés et il connaîtra, par conséquent, la teneur en sucre du produit.

Comme je l'ai indiqué, tous ces changements nécessitent une modification de la réglementation et doivent donc passer par le processus de consultation de la Gazette du Canada. Au terme de la période de consultation, Santé Canada analysera les commentaires obtenus après la publication dans la partie I de la Gazette du Canada. Nous devrons peut-être modifier les règlements proposés, puis le règlement définitif sera publié dans la partie II de la Gazette du Canada.

Il a été proposé d'accorder à l'industrie jusqu'à cinq ans pour apporter les changements définitifs. Ainsi, les acteurs de l'industrie auront le temps de modifier leurs étiquettes et cela permettra aussi aux petites entreprises qui ont déjà fait imprimer des étiquettes de les écouler avant d'utiliser les nouvelles étiquettes. Cela ne veut pas dire qu'il faudra attendre cinq ans pour voir de nouvelles étiquettes. On en verra apparaître sur le marché peu de temps après l'entrée en vigueur des règlements, mais l'industrie aura jusqu'à cinq ans pour modifier toutes les étiquettes.

C'est exactement ce qui s'est produit en 2002 lorsque nous avons adopté la réglementation sur l'étiquetage avec mention du pays d'origine. Nous avons accordé à l'industrie jusqu'à cinq ans pour que tous les produits aient les bonnes étiquettes, mais nous avons vu des changements bien avant.

Le sénateur Enverga : Avez-vous prévu d'adopter ce genre d'étiquettes pour les enfants?

M. Yan : L'étiquette est conçue pour tous les Canadiens.

Le président : C'est une étiquette normalisée.

M. Yan : Exactement.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Merchant : Ma question s'adresse à M. Ghali. Vous avez créé un portail des pratiques exemplaires. J'aimerais avoir plus de renseignements à ce sujet. En ce qui concerne les propos de Mme Aubin sur les difficultés propres aux Premières Nations, aux collectivités autochtones, votre portail contient une page — Méthodes autochtones éprouvées — dédiée à ces questions.

M. Ghali : C'est exact.

La sénatrice Merchant : J'aimerais savoir comment vous relayez cette information aux intervenants et aussi savoir si cela a suscité des réactions.

M. Ghali : L'Agence de la santé publique du Canada a une plateforme en ligne qu'on appelle le Portail canadien des pratiques exemplaires dont l'objectif est de regrouper les pratiques exemplaires et les pratiques les plus prometteuses liées à une panoplie d'interventions visant l'adoption de modes de vie sains. On parle des pratiques utilisées sur le terrain par les gouvernements, les organisations non gouvernementales et d'autres pour inciter les Canadiens à être plus actifs et pour prévenir les maladies chroniques.

Les interventions sont examinées à l'aide d'une méthodologie d'évaluation rigoureuse fondée sur les données scientifiques existantes pour déterminer si elles satisfont aux exigences de pratiques exemplaires ou d'une pratique prometteuse. Le portail comporte des centaines de pratiques exemplaires et prometteuses liées à un éventail de programmes. Vous avez raison. On trouve sur le portail une page intitulée Méthodes autochtones éprouvées, qui a été récemment mise en ligne en collaboration avec des organismes autochtones de partout au Canada, de façon à adapter, en fonction des données existantes, la façon dont nous examinons la méthodologie pour déterminer si une intervention quelconque constitue une pratique prometteuse ou exemplaire.

Nous avons travaillé avec les parties prenantes dans les communautés pour faire connaître le portail des pratiques exemplaires en général, mais cette source de connaissances en particulier.

Comme mes collègues l'ont déjà souligné, nous adoptons à cet égard une approche à facettes multiples. L'agence collabore avec les communautés des Premières Nations hors réserve dans le cadre de certaines interventions dont nous faisons la promotion. Des collègues des IRSC travaillent avec les communautés des Premières Nations à l'intérieur et à l'extérieur des réserves afin de mieux comprendre les conditions qui inciteront davantage les gens à être plus actifs, à fumer moins et à manger mieux. Nous espérons qu'au fil du temps, les connaissances réunies dans le cadre de ces efforts collectifs se retrouveront sur le portail et seront diffusées grâce à notre travail et à celui des autres.

La sénatrice Nancy Ruth : Mes questions concernent le Guide alimentaire canadien.

Le sénateur Eggleton a demandé s'il faudrait indiquer ce qu'il ne faut pas manger ou boire dans le guide, et j'aimerais savoir si vous le faites ou non. Si vous le faisiez, quelle incidence cela aurait-il sur les sociétés, selon vous?

Quand vous préparez votre Assiette Bien manger, élaborez-vous un plan de repas hebdomadaire? Il faudrait indiquer ce qui constituerait une semaine de repas sains et le faire quatre fois pour que les gens puissent suivre quelque chose au lieu de simplement avoir une assiette.

M. Hutchinson : En ce qui concerne les aliments à éviter, le Guide alimentaire canadien comprend une jolie boîte mauve qui dresse la liste des aliments prohibés. Il s'agit habituellement d'aliments à haute teneur en gras, en sucre ou en sodium. Ces aliments tendent évidemment à être des produits très transformés que nous voulons que les gens ne consomment pas; c'est donc très clair.

En fait, je pense avoir remarqué le guide alimentaire brésilien sur une table là-bas. Un examen de ce guide vous montrera qu'il reprend presque mot pour mot ce qu'indique notre guide alimentaire en ce qui concerne les aliments dont il faut limiter la consommation. Je pense qu'il les qualifie d'« aliments ultratransformés » ou quelque chose comme cela.

Le guide comprend une boîte distincte énumérant les aliments à éviter et, ici encore, l'information concorde avec les recommandations des guides alimentaires américains, brésiliens et australiens. Les aliments à éviter sont clairement indiqués, et ce genre de message revient un certain nombre de fois dans le guide en ce qui concerne la préparation de repas à la maison. Les gens doivent réduire la quantité de gras, de sucre et de sodium, qu'ils achètent des aliments ou qu'ils aillent au restaurant. Cela ne figure pas dans le guide alimentaire, mais dans nos documents d'information.

La sénatrice Nancy Ruth : Les industries ont-elles réagi en ce qui concerne les boissons ou les jus sucrés? Je suppose que vous ne nommez pas de produit.

M. Hutchinson : Les boissons sucrées figurent dans la liste, à l'instar des gâteaux, des muffins et d'autres aliments semblables. Quand nous avons mené des consultations d'envergure en 2006 et publié les résultats en 2007, nous avons recueilli 7 000 commentaires. Je présume que c'est au cours de cette initiative que plusieurs groupes de l'industrie ont formulé des recommandations.

Au final, quand on mène ce genre de vaste consultation, c'est encore à nous qu'il revient de faire les meilleures recommandations possibles, fondées sur les preuves les plus probantes. Nous faisons donc des mises en garde assez sérieuses au sujet des aliments que nous souhaitons que les Canadiens limitent ou évitent.

La sénatrice Nancy Ruth : Sachez que j'ai tapé « Guide alimentaire canadien » sur mon iPad et il n'est pas facile du tout à trouver. Je ne l'ai pas encore déniché.

Le président : Nous nous occuperons de cette question technologique plus tard.

Monsieur Yan, je veux revenir à la question du sénateur Eggleton. Je pense ne pas avoir entièrement compris votre réponse.

L'étiquette sur les aliments indique le nombre total de lipides en grammes et en pourcentage de la valeur quotidienne. En dessous, la teneur en gras saturés et en gras trans est précisée. Le total de ces deux sortes de gras arrive à un chiffre de loin supérieur à la valeur quotidienne en lipides. Autrement dit, le total des lipides n'inclut pas les gras trans, n'est-ce pas?

M. Yan : Oui. Je peux éclaircir ce point. À l'heure actuelle, l'étiquette doit obligatoirement révéler la teneur en gras saturés et en gras trans, qui est indiquée en grammes.

La valeur quotidienne correspond au total des gras trans et des gras saturés, c'est-à-dire tous les lipides ensembles. La valeur quotidienne des gras trans n'apparaît pas de façon distincte sur l'étiquette.

En fait, en juillet dernier, nous avons proposé de déclarer séparément le pourcentage de la valeur quotidienne des gras trans et des lipides totaux. Nous avons reçu de nombreux commentaires des consommateurs ainsi que des parties prenantes du domaine de la santé et de l'industrie. Les gens s'entendaient généralement pour dire que cette mesure serait inutile, car les gras trans peuvent venir de diverses sources. Par exemple, les viandes contiennent des gras trans naturels. Or, nous ciblons ce que nous appelons les gras trans industriels, générés par la transformation des huiles. Les gens considéraient que l'inscription d'une valeur quotidienne distincte pour les gras trans aurait des répercussions négatives sur la consommation des produits sains contenant des gras trans naturels, au sujet desquels nous ne pouvons pas faire grand-chose, quand ils ne contiennent pas de gras trans industriels. Voilà pourquoi au final, nous avons proposé de maintenir le statu quo, qui consiste à indiquer la teneur en gras trans, sans en préciser la valeur quotidienne de façon distincte.

Le président : Votre objectif, comme vous l'avez indiqué en répondant au sénateur Eggleton, est un pourcentage de gras trans de 2 p. 100 dans les aliments.

M. Yan : Selon la recommandation du groupe de travail sur l'huile, ce pourcentage ne doit pas dépasser 2 p. 100. Pas plus de 5 p. 100 de la concentration en gras ne devrait venir des gras trans pour l'ensemble des produits alimentaires. C'est un peu compliqué, car on ne peut déterminer cet apport à partir de l'étiquette; il faut donc s'adonner à quelques calculs. Il faut connaître la quantité de gras au départ et savoir quelle part est constituée de gras trans.

Le président : Je comprends que c'est compliqué. Je comprends aussi que des matières naturelles contiennent des gras trans. Mais nous parlons du problème que posent les gras trans ajoutés. Aucune quantité de gras trans ajoutés n'est sécuritaire. Mais je ne comprends pas; c'est 97 p. 100 de quoi qui atteint votre objectif?

M. Yan : Lors de l'étude réalisée à l'Université de Toronto, les chercheurs ont examiné toutes les étiquettes d'aliments principalement transformés afin d'en déterminer la teneur en gras trans et en lipides totaux. Ils ont effectué des calculs pour s'assurer que le pourcentage de gras trans était inférieur à 5 p. 100. Si le produit correspondait à ce barème, alors il atteignait l'objectif recommandé par le groupe de travail en 2007.

On ne peut viser un objectif de 0 p. 100, même pour l'huile, car toute huile transformée contiendra une infime quantité de gras trans. C'est inévitable. Les analyses montrent que même les huiles santé en contiennent une petite quantité.

Le président : Un pourcentage de 5 p. 100 ne constitue pas une trace.

M. Yan : C'est 5 p. 100 pour l'ensemble du produit.

Le président : Je comprends. Vous parlez de grammes et non de milligrammes; 5 p. 100 de gras constituent donc une quantité substantielle et non microscopique.

M. Yan : En effet. C'est la recommandation finale du groupe de travail constitué de professionnels des soins de santé qui a effectué plus d'un an d'analyses; la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC a aussi avalisé cette recommandation.

Le président : L'industrie l'a également fait, n'est-ce pas?

M. Yan : Ainsi que l'industrie.

Le sénateur Eggleton : Je veux poursuivre sur l'étiquetage. L'une des autres choses qui m'ont choqué dans votre réponse à la question du sénateur Enverga, c'est le délai de cinq ans. Cela me dépasse. Les mauvaises habitudes alimentaires posent des risques pour la santé et coûtent cher au gouvernement; j'espère donc que vous pourrez réduire ce délai à deux ans.

Ma question concerne l'étiquetage sur le devant des emballages. Quand les gens sillonnent les allées de l'épicerie, ils ne voient pas le tableau de la valeur nutritive sur le côté ou à l'arrière. Il est à espérer que ce tableau sera plus facile à comprendre une fois qu'il aura subi les modifications que vous avez décrites. C'est très prometteur, sauf en ce qui concerne le délai de cinq ans.

En ce qui concerne l'étiquetage sur le devant des emballages, dont un certain nombre de témoins a traité, nous avons reçu des exemples. Au Royaume-Uni, on utilise un système de feux de circulation verts et rouges. Il y a aussi le système NuVal mis au point par l'Université Yale, et certains ont proposé de combiner les deux. Par exemple, Loblaws a des étiquettes bleues qui figurent bien en évidence sur le devant des emballages. Que proposez-vous pour rendre l'étiquetage sur le devant des emballages plus facile à comprendre, certainement plus facile à comprendre que l'étiquette, même avec les révisions, probablement?

M. Yan : Nous avons reçu de nombreux commentaires lors de notre consultation sur l'étiquetage. Certains consommateurs et intervenants du domaine de la santé nous ont indiqué que l'étiquetage sur le devant des emballages pourrait constituer un outil utile pour aider les consommateurs à effectuer de meilleurs choix.

Selon ce que nous avons entendu et certains sondages que nous avons effectués récemment, la majorité des Canadiens veulent utiliser le tableau de la valeur nutritive comme référence. Ils se plaignent que certains aspects ne sont pas faciles à utiliser; nous avons donc pris des mesures pour tenter d'améliorer la situation. Les Canadiens croient que le tableau de la valeur nutritive contient des renseignements plus fiables et plus justes. Vous avez raison de dire qu'il existe un certain nombre de systèmes d'étiquetage. L'exemple de Loblaws que vous avez évoqué est différent, puisque l'information est présentée sur la tablette, à côté du prix, plutôt que sur l'étiquette. Ce système repose sur une combinaison de divers symboles. Le système du guide étoiles, symbole de Loblaws, qui propose les aliments Menu Bleu, présente l'information sur les tablettes.

De nombreuses études sont réalisées pour évaluer l'efficacité réelle de ces systèmes. Il importe vraiment que la manière dont les étoiles sont décernées soit juste, car les fondements des systèmes ne sont pas toujours uniformes. Les consommateurs peuvent parfois être induits en erreur, selon les fondements des systèmes de cotation. Santé Canada se penche sur tous ces systèmes pour voir s'il y a moyen d'assurer une certaine uniformité. Le Royaume-Uni a un système de feux de circulation. Nous savons que l'an dernier, l'Australie a lancé un système d'étoiles en matière de santé. Dans ce cas, le gouvernement a établi certains critères qui formeront la base du système, mais il n'a pas élaboré le système pour l'ensemble du pays. Tous ceux qui veulent concevoir un système de cotation devront utiliser ces critères pour assurer l'uniformité des systèmes.

À l'heure actuelle, Santé Canada examine les divers facteurs et est en train de décider si nous devons faire quelque chose pour utiliser l'étiquetage sur le devant des emballages afin de compléter ce que nous faisons avec l'étiquette apposée à l'arrière et tous les changements que nous apportons au tableau de la valeur nutritive.

La sénatrice Seidman : Je vais poursuivre sur le sujet de la publicité. La semaine dernière, nous avons entendu des représentants du CRTC, des Normes canadiennes de la publicité et de l'Association canadienne des annonceurs. Nous avons discuté du document intitulé L'initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants : Rapport de conformité 2013. J'ai demandé comment certaines catégories d'aliments étaient conformes aux normes d'une saine alimentation pour pouvoir faire l'objet de publicité destinée aux enfants. On a expliqué que ces aliments remplissent les critères, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte des lignes directrices sur la nutrition que contient le Guide alimentaire canadien ou qu'ils satisfont aux critères se rapportant aux allégations de réduction du risque de maladies, aux allégations fonctionnelles selon le Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'ACIA, aux allégations relatives à la teneur nutritive selon le même guide de l'ACIA ou encore, qu'ils satisfont aux normes requises pour participer aux programmes Visez santé de la Fondation des maladies du cœur, et cetera. C'étaient les critères appliqués jusqu'à la fin de l'année dernière.

J'ai trouvé cela aberrant; j'ai donc demandé des éclaircissements sur la liste de produits conformes ayant fait l'objet de publicité en 2013. Par exemple, les roulés aux fruits figurent dans la liste, mais nous avons entendu dire que ces produits sont bourrés de sucre. On m'a répondu que bon nombre des produits, comme les roulés aux fruits, les craquelins Goldfish de Pepperidge Farm, et j'en passe, constituent une source de calcium, de vitamine C ou d'autre chose. Voilà pourquoi ils satisfont aux critères sur les allégations relatives à la teneur nutritive.

Je vous en parle parce que je trouve cela plutôt perturbant. J'aimerais savoir comment nous envisageons de renforcer les critères liés à la teneur nutritive pour que nous puissions faire face à ce type de publicité.

M. Hutchinson : Vous avez tout à fait raison. Vous parlez du rapport de conformité de 2013. Pendant les premières années de l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants, nous avons travaillé ensemble — le groupe de Rodney, celui de Will et le mien — pour évaluer les nouveaux critères, et nous nous sommes entretenus avec les intervenants pour leur donner notre point de vue à ce sujet. Vous avez raison. À ce moment-là, la conformité était plutôt chose facile, car un produit n'avait qu'à remplir un critère concernant la teneur nutritive. Bien entendu, la situation a changé, car les responsables ont annoncé des critères plus stricts qui entreront en vigueur à la fin de cette année; nous avons donc bon espoir que la conformité sera beaucoup plus rigoureuse. Ce n'est pas que les responsables de l'initiative avaient tort, puisqu'ils ont veillé à ce que certains critères soient bel et bien remplis, mais il faut examiner l'ensemble des différents critères et les intégrer au reste. Les nouveaux critères qu'ils ont mis de l'avant sont plus stricts, pour ainsi dire, et il est à espérer que les produits jugés conformes seront plus sains. En tout cas, nous surveillerons cet aspect et nous essaierons d'analyser la situation et, au besoin, d'interagir avec eux.

La sénatrice Seidman : Santé Canada a-t-il le pouvoir d'interdire carrément la publicité destinée aux enfants?

M. Hutchinson : Je vais devoir vous transmettre cette information plus tard.

Le président : Pourriez-vous la fournir à la greffière?

M. Hutchinson : J'hésite à me prononcer sur ce point précis.

Le président : Nous comprenons. Merci.

La sénatrice Raine : J'aimerais revenir sur les lipides. Certains témoins nous ont dit que, dans le cas des personnes qui souffrent du syndrome métabolique, un régime riche en lipides et faible en glucides leur est plus bénéfique. Nous savons que depuis probablement les années 1980, le public se fait dire par de nombreuses sources que les gens ayant un surpoids devraient suivre un régime faible en lipides. Comment allez-vous informer le public qu'un régime faible en lipides n'est pas bon pour les gens qui souffrent d'embonpoint, à supposer que ce soit un fait établi scientifiquement?

M. Hutchinson : Vous avez raison. Les médias ont diffusé beaucoup de renseignements, qui ont remis en question la validité du régime alimentaire faible en lipides. À vrai dire, la somme de la preuve appuie quand même l'idée qu'il faut réduire la consommation de gras saturés pour assurer la santé en général. Cela dit, ce qui pose problème ou ce qui mérite des précisions, c'est la question de savoir par quoi remplacer les lipides. Dans les années 1980 et 1990, dans la foulée des messages préconisant la réduction des matières grasses, nous avons assisté à la création d'aliments remplis de glucides et de sucres ajoutés, mais en raison de leur faible teneur en matières grasses, ils étaient qualifiés d'aliments sains, et c'est là que le bât blesse. Dans nos lignes directrices, nous recommandons toujours aux gens de réduire leur consommation de lipides, de sucres et de sodium; il faut tenir compte de l'ensemble des trois. À l'heure actuelle, les meilleures preuves montrent qu'il faut réduire la consommation de gras saturés, mais la question est de savoir par quoi on doit les remplacer. Si vous les remplacez par des gras polyinsaturés, vous réduisez votre risque de maladies cardiovasculaires, et les preuves sont très claires à ce sujet. Par contre, si vous les remplacez par des aliments remplis de sucre au lieu de gras polyinsaturés, il n'y aura aucun effet sur la réduction des risques liés, entre autres, aux maladies cardiovasculaires.

Par ailleurs, le message sur les lipides ne visait pas leurs effets sur les diverses maladies cardiovasculaires, mais plutôt la réduction de la quantité de calories consommées du point de vue de l'obésité. C'est un aspect qui a été mis en lumière par notre examen de la preuve pour déterminer comment les gens interprètent les lignes directrices en vigueur. Je le répète : du point de vue scientifique, la réduction de la quantité de gras saturés est la bonne chose à faire, mais l'essentiel est de savoir par quoi les remplacer. On ne peut pas se mettre à consommer soudainement beaucoup de sucres pour remplacer ces gras saturés. Il faut nuancer le message, et c'est ce qui a été mal compris; nous n'avons pas été assez clairs sur le plan du message. De toute évidence, nous chercherons à trouver de meilleures façons de faire comprendre aux Canadiens le message concernant les lipides.

Mme Bernier : D'après l'information que nous avons recueillie en 2004 dans le cadre de notre grande enquête sur la nutrition, et d'après les réponses fournies par un grand nombre de répondants, nous avons examiné les quantités de sucres, de lipides, de fibres et de protéines que les gens consomment, puis nous les avons comparées selon le groupe de poids, comme les catégories « poids santé », « obèse » et « surpoids ». Nous sommes arrivés à la conclusion que le profil alimentaire était le même. La différence, c'était l'apport calorique. Par conséquent, l'important, c'était de savoir si une personne consommait 20 p. 100 plus d'aliments qu'une autre, et non pas de savoir de quoi est composé son plat.

Le président : Donc, la composition plutôt que la quantité. Merci.

Le sénateur Enverga : Nous essayons de clarifier les étiquettes. Nous avons dit tout à l'heure que les gras trans ne sont pas un bon type de gras. Ils sont mauvais pour la santé. Au lieu de les appeler « gras trans », pourquoi ne pas dire simplement « mauvais gras » pour que les gens comprennent?

M. Yan : Le tableau des valeurs nutritives est censé être fondé sur des données scientifiques. Les termes « bon » et « mauvais » sont très qualitatifs. Ils sont peut-être plus faciles à comprendre, mais ils ne tiennent pas vraiment la route du point de vue de l'examen scientifique auquel le tableau doit être soumis. C'est probablement la meilleure réponse que je puisse vous donner. Je comprends ce que vous dites : sur le plan de la facilité de compréhension, ce serait une bonne chose à faire, mais sur le plan scientifique, il serait difficile de dire seulement « bon » ou « mauvais ».

Le président : Parlant de bon et de mauvais, j'aimerais revenir sur la question des gras trans. Certains produits naturels non transformés contiennent des gras trans. Le terme « trans » désigne la configuration d'une liaison double dans la chaîne latérale des acides gras d'un lipide. Est-il vrai que, dans la plupart des cas, notre système a la capacité de dégrader les gras trans de source naturelle, non transformée, sans nous causer du tort?

M. Yan : À titre de précision, par « dégrader », voulez-vous dire « décomposer » les gras trans?

Le président : Les utiliser. Si nous en consommons dans des aliments naturels, subirons-nous un tort résiduel?

M. Yan : Non. Il y a un niveau acceptable de consommation de gras trans.

Le président : Je parle maintenant uniquement de gras trans, et j'ai une question secondaire. D'après ce que je crois comprendre, les gras trans ne sont pas généralement néfastes pour la santé, à condition que les quantités soient raisonnables. Si quelqu'un ne mangeait que des gras trans, peut-être que ce serait nocif. Je crois aussi comprendre que dans les gras trans dérivés d'aliments naturels, la liaison double occupe une position différente dans la chaîne carbonée. Est-ce exact?

M. Yan : Oui. Certaines études récentes portent sur la différence entre les gras trans naturels et les gras trans industriels pour déterminer s'il y a des effets négatifs ou des avantages potentiels. Les données ne sont pas claires et nettes. Les Producteurs laitiers du Canada ont fait beaucoup de recherches là-dessus.

Mais l'essentiel, c'est que l'Organisation mondiale de la Santé recommande de limiter sa consommation de gras trans à, au plus, 1 p. 100 de son apport énergétique total, auquel cas il n'y a pas d'effets négatifs sur la santé. C'est ce que nous ciblons pour la population — si les gens peuvent limiter leur consommation de gras trans à 1 p. 100 ou moins, alors il ne devrait pas y avoir de danger pour la santé.

Le président : J'aimerais revenir à ma question. Est-il vrai — et vous pourriez le confirmer — que la position de la liaison double dans la chaîne latérale est différente et que les gras trans non naturels sont beaucoup plus difficiles à digérer et causent plus d'effets sur la santé que les gras trans qui surviennent naturellement et qui ne sont pas transformés? Est-ce exact?

M. Yan : Je ne pense pas que les preuves nous permettent de trancher cette question à ce stade-ci. Beaucoup de recherches sont en cours dans ce domaine pour comprendre exactement quelles sont les différences entre les divers types de gras trans et pour déterminer le résultat global sur le plan de la santé.

Le président : Si nous en sommes arrivés à la conclusion que les gras trans constituent un danger et que nous devrions en réduire la consommation, alors nous avons sûrement dû conclure que certains gras trans posent un problème. Par ailleurs, si nous avons établi que la quantité de gras trans dans les aliments naturels n'est pas suffisamment élevée pour nous causer du tort, c'est donc dire que le problème est attribuable aux gras trans qui proviennent d'aliments transformés; n'est-il pas vrai?

M. Yan : Malheureusement, on ne peut pas répondre à cette question par un simple « oui » ou « non ». Nous convenons tous que les gras trans devraient être réduits à un niveau minimal.

Le président : J'aimerais passer à d'autres questions. Vous ne répondez pas à ma question directement. Je veux que cela figure au compte rendu.

La sénatrice Merchant : Madame Aubin, vous avez parlé de la proximité des écoles aux épiceries, mais qu'en est-il des supermarchés? Pourquoi ne pas modifier l'aménagement des supermarchés de telle sorte qu'on ait une section consacrée aux aliments sains? De nos jours, quand on entre dans un supermarché, tout se trouve sous le même toit — la pharmacie, et cetera —, ce qui porte à confusion. Les supermarchés occupent de grandes surfaces.

Avez-vous songé à peut-être... vous avez déterminé la composition des plats, mais qu'en est-il de l'environnement auquel font face les familles? Quand on se rend à un supermarché, pourquoi ne pas avoir des sections pour que les gens sachent où concentrer leurs achats? Au lieu d'avoir des étiquettes bleues et jaunes, pourquoi ne pas opter pour une solution de rechange?

Mme Aubin : Je vous remercie d'avoir posé cette question; merci aussi de proposer cette idée. J'ignore si les IRSC financent des études qui portent expressément sur le point que vous venez de soulever concernant les épiceries. Un de mes collègues le saurait peut-être.

Toutefois, nous finançons actuellement une gamme d'études liées aux divers aspects de l'environnement bâti — et votre question sur les épiceries représente ce que j'appellerais « l'effet de l'environnement bâti » — et son interaction avec l'obésité.

Je vais vérifier pour voir si nous finançons directement un projet qui ressemble à ce dont vous venez de parler, mais c'est une idée très intéressante qui peut faire l'objet de discussions dans le cadre des diverses réunions que nous organisons avec les intervenants.

M. Hutchinson : J'ai indiqué dans mes observations préliminaires que nous effectuons pas mal de recherches sur l'influence de l'environnement sur l'alimentation et la façon dont nous pouvons aider les gens à faire des choix plus sains. Nous avons réalisé des travaux dans le contexte scolaire et résidentiel pour examiner les compétences alimentaires, mais nous avons récemment mis l'accent sur la vente au détail.

En collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada, nous cofinançons certains travaux et évaluations avec le Bureau de santé publique de Toronto en vue d'étudier certains milieux socioéconomiques défavorisés, de déterminer comment créer des dépanneurs qui offrent des choix santé et d'étudier l'impact des kiosques mobiles qui distribuent des fruits et légumes. Nous avons collaboré avec le Bureau de santé publique de Toronto dans le cadre d'un certain nombre d'études qui portent sur l'emplacement des produits santé dans les magasins et les types de stratégies promotionnelles nécessaires pour que les consommateurs choisissent ce genre de produits; d'ailleurs, le mois dernier, nous avons organisé plusieurs ateliers afin de déterminer comment rendre cette approche viable pour les petits dépanneurs.

Ce que nos ateliers ont fait ressortir, c'est que si nous pouvons accroître le pouvoir d'achat de ces dépanneurs familiaux grâce à une entente comme celle des clubs d'achat de fruits et légumes — un modèle qui a été mis à l'essai dans la région de Toronto —, ces commerces pourront faire des profits. Résultat? Les gens auront ainsi accès aux fruits et aux légumes.

En outre, nous avons récemment élargi ces efforts grâce à une collaboration avec l'organisme Eastern Health, à Terre-Neuve-et-Labrador, pour mettre en pratique les leçons tirées du Bureau de santé publique de Toronto et les appliquer aux régions rurales et éloignées. Nous travaillons donc avec l'Université Memorial et l'organisme Eastern Health de Terre-Neuve-et-Labrador — à titre de précision, nous n'effectuons pas le travail proprement dit, mais nous appuyons les volets évaluation et innovation, en plus de fournir des conseils sur la façon de procéder. En tout cas, nous envisageons de recenser les différentes sortes de dépanneurs et de déterminer quelles mesures prendre dans un contexte rural éloigné, d'après ce que nous avons appris à Toronto.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il s'agit d'un aspect crucial pour permettre aux gens de faire des choix santé sans difficulté. On a beau leur inculquer toutes les recommandations alimentaires et tous les messages, mais s'ils n'ont pas accès à ces aliments, cela ne servira pas à grand-chose. C'est pourquoi nous tenons à bien préciser que nous travaillons également sur des interventions en matière de politiques afin d'essayer de rendre le milieu alimentaire plus propice à des choix santé.

Le président : Nous avons eu droit à une discussion intéressante. Plusieurs témoins nous ont dit qu'il n'est pas nécessaire d'apposer une étiquette de mise en garde sur les aliments naturels qui n'ont subi aucune transformation industrielle. Ils ne font pas allusion aux aliments susceptibles de contenir des substances qui présentent un danger pour la santé. Même si les aliments naturels posent des risques, ce n'est pas ce dont il s'agit. Ils parlent, en général, de la notion d'un guide alimentaire; autrement dit, qu'il s'agisse de l'ajout délibéré de glucides ou de sucres par substitution à une autre substance ou du traitement thermique des aliments durant leur transformation, toute transformation apporte des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé.

Il me semble que ma question sur la position de la liaison double dans la chaîne latérale, qui diffère selon qu'il s'agit d'aliments naturels ou d'aliments transformés, est une question sur laquelle Santé Canada devrait se pencher, et ce, dans le cadre d'un essai clairement conçu. Je suis d'accord avec M. Yan pour dire que les conclusions des diverses études sont ambiguës. À mon avis, il ne devrait pas y avoir de confusion. Je crois qu'il y a lieu de trouver réponse à cette question.

Toutefois, notre comité n'a pas pour mandat d'ordonner des essais cliniques sur des questions particulières. Quoi qu'il en soit, nous avons affaire ici à un problème complexe, et nous tenterons de préparer un rapport qui sera, nous l'espérons, utile pour les Canadiens.

Je tiens à remercier mes collègues d'avoir posé des questions très perspicaces tout au long de cette étude, questions qui ont suscité beaucoup de réponses, certaines desquelles nous pourrons mettre à profit. Cela nous a permis de comprendre les difficultés en matière d'alimentation, de santé et d'activité physique.

L'interaction de l'être humain avec son environnement est complexe, ce qui ne facilite pas la réglementation de la part du gouvernement. Face à cette réalité, nous devons essayer de produire un rapport sensé qui sera d'une certaine utilité pour les Canadiens.

Merci à tous d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

Je m'apprête à suspendre la séance, et je demanderais à l'auditoire de bien vouloir libérer la salle immédiatement. La prochaine séance se fera à huis clos. Mes collègues aiment parfois bavarder avec les témoins à la fin d'une séance et, le cas échéant, je vous invite à poursuivre vos conversations à l'extérieur. Nous reprendrons à huis clos dès que la salle aura été vidée.

(La séance se poursuit à huis clos.)


Haut de page