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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 6 - Témoignages du 13 mai 2014


OTTAWA, le mardi 13 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude de la teneur des éléments des sections 15, 16 et 28 de la partie 6 du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures (SUJET : Partie 6 — Section 15 — Coopération en matière de réglementation). Le comité poursuit également son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte. Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures. Le comité a été chargé d'effectuer une pré-étude des sections 15, 16 et 28.

[Traduction]

Nos témoins d'aujourd'hui représentent le Centre pour la défense de l'intérêt public. Nous recevons John Lawford, directeur général et avocat général ainsi que Geoff White, conseiller juridique.

J'invite les témoins à faire leurs exposés.

John Lawford, directeur général et avocat général, Centre pour la défense de l'intérêt public : Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je m'appelle John Lawford et je suis le directeur général et l'avocat général du Centre pour la défense de l'intérêt public. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui pour parler du projet de loi C-31 et plus particulièrement de la section 16 de la partie VI, qui apporte des amendements à la Loi sur les télécommunications.

Le Centre pour la défense de l'intérêt public ou CDIP est un organisme caritatif sans but lucratif, constitué sous le régime de la loi fédérale en 1976. Le centre offre des services juridiques et de recherche au nom des consommateurs et, plus particulièrement, de ceux qui sont les plus vulnérables en ce qui touche la prestation d'importants services publics.

Je suis accompagné de Geoff White, conseiller juridique du CDIP. Nous sommes heureux de présenter nos observations sur les modifications proposées, et en particulier sur l'objectif visant à établir un montant plafond que les entreprises de service sans fil peuvent facturer aux autres entreprises de télécommunications en frais d'itinérance.

Aujourd'hui, notre message principal est qu'il est nécessaire et positif de se pencher sur les défis permanents que présente la concurrence qu'exercent les entreprises de télécommunications sans fil, en partie grâce au règlement sur les tarifs de gros, et c'est ce que cette partie du projet de loi cherche à faire. Toutefois, nous avons quatre points bien précis à présenter quant au projet de loi.

Premièrement, les tarifs d'itinérance de gros touchent directement la façon dont les Canadiens choisissent et utilisent leurs appareils sans fil et, par conséquent, ils ont une incidence sur la compétitivité.

Deuxièmement, à l'heure actuelle, les tarifs d'itinérance de détail élevés au Canada nuisent à la compétition dans le secteur du sans-fil. C'est pourquoi nous accueillons les efforts visant à contrer cette menace.

Troisièmement, la formule de calcul du taux contenue dans le projet de loi, même si c'est un pas dans la bonne direction, transfère temporairement les mêmes prix élevés que les titulaires peuvent exiger de leurs propres clients.

Quatrièmement, l'amendement est une occurrence exceptionnelle qui ne devrait pas être répétée puisqu'elle peut miner l'autorité du CRTC.

Geoff White, conseiller juridique, Centre pour la défense de l'intérêt public : Je vais présenter des détails sur les deux premiers points. Ce point stipule que les tarifs d'itinérance de gros touchent directement la façon dont les Canadiens sélectionnent et utilisent leurs appareils sans fil et par conséquent ont une incidence sur la compétitivité au détail.

L'itinérance, c'est-à-dire la capacité d'un client de transmettre des communications vocales et de données lorsqu'il se déplace à l'extérieur du réseau de son fournisseur de services est un élément important des mesures que prend le gouvernement pour promouvoir la compétitivité dans le marché du sans-fil. C'est important, parce que si l'itinérance obligatoire est bien conçue, elle permet aux nouveaux arrivés et aux compétiteurs régionaux d'avoir la chance d'offrir à leurs abonnés une couverture nationale pour les communications vocales, de données et de textes comme solution de rechange aux trois grandes entreprises nationales de service sans fil.

Les règles sur les tarifs d'itinérance de gros peuvent toucher directement la santé du marché au détail du sans-fil en aidant les entreprises de télécommunications régionales et de plus petite taille à concurrencer les grandes entreprises. Lorsque les tarifs d'itinérance de gros sont déraisonnablement élevés et que les conditions générales imposées par une entreprise à une autre sont trop restrictives, ces tarifs sont inévitablement transmis aux consommateurs sous forme de frais de détail. Les consommateurs canadiens, pour leur part, hésitent à s'abonner s'ils doivent assumer des tarifs d'itinérance intérieure importants. Le règlement sur les tarifs de gros vise à régler ce problème.

Dans notre deuxième point, nous estimons que les tarifs d'itinérance élevés nuisent à l'objectif qui consiste à mousser la compétitivité dans le secteur du sans-fil. Nous accueillons donc toutes les mesures visant à contrer cette menace.

Comme le commissaire à la concurrence l'a signalé récemment, les fournisseurs de service actuels disposent du « pouvoir du marché » et le marché est « ... caractérisé par d'autres facteurs qui, combinés à la forte concentration des marchés et aux obstacles importants à l'entrée et à l'expansion, créent un risque de comportement coordonné dans ces marchés. » En d'autres mots, les trois grandes entreprises peuvent se servir des tarifs d'itinérance de gros qu'elles facturent à d'autres entreprises de télécommunications comme des outils pour supprimer la compétition, de sorte que les Canadiens paient des tarifs d'itinérance plus élevés qu'ils ne le feraient dans un environnement compétitif.

Cela a été un véritable problème ces dernières années, puisque des compétiteurs de plus petite taille devaient payer des tarifs d'itinérance déraisonnables et non viables dont l'ordre de grandeur était plus important que les tarifs que les trois grandes entreprises se facturaient entre elles pour ce type de tarifs et même plus élevés que les tarifs que les plus petits compétiteurs pouvaient obtenir auprès des principales entreprises de télécommunications américaines.

C'est donc à juste titre que le CRTC vient tout juste de tenir des audiences publiques pour déterminer si les tarifs de gros exigés pour l'itinérance sont injustement discriminatoires aux termes de la Loi sur les télécommunications. En outre, le CRTC a déjà entamé un autre processus public pour examiner les autres questions générales entourant la compétitivité du marché du sans-fil, y compris le partage de tours et les ententes de partage de réseaux.

M. Lawford : Notre troisième point est que, même si la formule tarifaire prévue dans le projet de loi est un pas dans la bonne direction pour accroître l'équité en matière de tarifs d'itinérance, cette formule fera en sorte que les prix plus élevés que les titulaires peuvent exiger de leurs propres clients en raison de leur pouvoir commercial seront transférés à d'autres.

Les organismes de réglementation des télécommunications peuvent établir les tarifs d'itinérance de gros de diverses façons et je fais appel à votre patience pour cette discussion technique. Ces tarifs peuvent être établis en fonction du coût majoré, du tarif de détail réduit ou d'un plafond. Toutefois, le projet de loi ne propose que l'application du tarif de détail au tarif de gros : essentiellement, les tarifs facturés par les titulaires à leurs propres clients de détail deviennent les tarifs de gros qui seront exigés des compétiteurs afin que leurs clients puissent utiliser le réseau des titulaires lorsqu'ils sont en itinérance. C'est une façon approximative de déterminer quel est le tarif courant pour les communications de type voix, textes ou données, mais cela ne permet pas de déterminer si le tarif courant est convenable pour assurer la compétitivité en cas d'itinérance aux termes de la Loi sur les télécommunications, et c'est ce que le CRTC devra déterminer dans un processus public ouvert et spécialisé.

Le tarif proposé dans le projet de loi n'est pas fondé sur le coût de la prestation des services, de sorte que peu importe la marge qu'obtiennent les titulaires de la part de leurs propres clients de détail, cette marge fera partie des tarifs d'itinérance de gros. Si ces tarifs d'itinérance sont déjà élevés, et nous estimons qu'ils le sont en raison du manque de compétition et du pouvoir commercial dont disposent les titulaires, et même une fois que le projet de loi sera adopté, tout le monde continuera de payer des tarifs d'itinérance élevés, il se pourrait qu'ils soient moins élevés qu'auparavant, mais ils risquent d'être toujours trop chers jusqu'à ce que le CRTC se penche sur la question. Veuillez noter qu'une importante banque d'investissements ainsi qu'un cabinet d'experts-conseils en technologie ont présenté des observations semblables récemment. Toutefois, nous reconnaissons qu'étant donné l'urgence et l'importance de cette question et puisque les trois grandes entreprises se replient sur leurs droits et que les autres compétiteurs luttent pour survivre ou se demandent s'ils doivent entrer dans le marché à l'échelle nationale, cette approche pourrait être acceptable dans l'intérim.

Dans notre quatrième point, nous faisons valoir que le fait de modifier la Loi sur les télécommunications avant que le CRTC n'ait terminé son examen n'est pas la meilleure façon d'obtenir les résultats escomptés. Nous aurions préféré que le gouvernement laisse le CRTC poursuivre son mandat qui consiste à établir les tarifs et à réglementer le marché du sans-fil. Étant donné toutefois la situation décrite dans notre premier point sur l'état du marché nous comprenons la raison pour laquelle cette approche est adoptée. Nous proposons que des modifications rapides et ciblées faites avant que l'organisme de réglementation n'ait pu procéder à un examen complet des questions ne deviennent pas une pratique courante, puisque cela pourrait au bout du compte miner l'autorité du CRTC.

Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Comment comparez-vous les tarifs d'itinérance canadiens à ceux de l'Europe et des États-Unis? En Europe, on peut facilement se déplacer dans 15 pays en moins d'un mois. Quelles sont leurs normes?

M. Lawford : La situation européenne est différente. Dans une première étape, les autorités de réglementation paneuropéennes ont établi un tarif de gros pour les frais d'itinérance et elles ont imposé un plafond. Cela a été fait il y a quatre ou cinq ans, et le plafond est tombé au fil du temps. Au cours d'audiences, elles ont effectué le même genre d'enquête que le CRTC et ont conclu que les tarifs de gros, là-bas ainsi qu'ici, étaient bien supérieurs aux coûts, et peut- être de 10 à 100 fois plus qu'ils devraient être. Mais afin de promouvoir la concurrence et d'accroître l'utilité des services sans fil au sein de la communauté européenne, elles ont dit qu'il fallait baisser les prix de gros dans l'espoir de faire diminuer les tarifs de détail.

L'Europe ne s'est pas arrêtée là. Après avoir observé le marché pendant deux ou trois ans, les instances réglementaires ont remarqué que les tarifs de détail ne baissaient pas assez rapidement et sont donc intervenues pour réglementer les tarifs de détail. Nous ne proposons même pas de faire cela au Canada. Elles ont dû imposer un plafond pour les tarifs de détail, encore une fois selon une échelle mobile, tarifs qui sont désormais assez faibles.

La situation est particulière en Europe. Le régulateur a été plutôt interventionniste. Nous envisageons une première étape, c'est-à-dire la réglementation des tarifs de gros et la mise sur pied d'un cadre pour les services de gros.

Aux États-Unis, nous n'avons pas seulement des frais d'itinérance plus élevés mais moins de concurrents offrant des services d'itinérance nationaux pour la communication vocale, de textes ou de données. C'est la comparaison la plus importante, je crois.

M. White : Je vais vous donner un exemple qui a été déposé comme preuve devant soit le CRTC soit Industrie Canada lorsqu'ils ont étudié la question. Un nouveau concurrent a donné l'exemple du fait que ça coûte moins cher d'appeler d'un bout à l'autre du pays aux États-Unis que d'appeler à l'intérieur d'une région au Canada quand vous voyagez aux États-Unis. En fait, cela coûte moins cher de téléphoner à l'extérieur de notre pays que de placer un appel au niveau régional.

Le sénateur Eggleton : Je crois comprendre qu'il s'agit d'une disposition transitoire pendant que le CRTC effectue son étude et en attendant ses recommandations, et que cela ne touche que le gros. Précisément, c'est le tarif de gros pratiqué par les trois grandes entreprises pour les plus petites et non ce qu'elles demandent à leurs clients. Je crois comprendre que les seuls bénéficiaires de cette mesure seront ceux qui ont un contrat avec les petites entreprises. Est-ce que je me trompe?

M. Lawford : C'est effectivement ce qui va se passer. Vous avez raison, sénateur. Il s'agit d'une situation où les trois grandes entreprises ont conclu des ententes lorsqu'elles ont besoin de passer entre leurs réseaux et qui ne ressemblent pas à celles conclues avec les petits acteurs.

Pour être honnête avec vous, ce sont les clients des petites entreprises qui en bénéficieront. Les petits acteurs vont y gagner, mais nous pensons que c'est bon pour la concurrence parce que ça créera une pression sur les titulaires afin qu'ils abaissent leurs tarifs, étant donné que leurs clients verront les frais d'itinérance de leurs concurrents.

Le sénateur Eggleton : Ce que je comprends c'est qu'elles demandent beaucoup plus aux petites entreprises : 5 à 10 fois plus. Si le tout s'harmonise, je ne suis pas certain que les Canadiens en sortiront gagnants.

Combien de Canadiens ont des contrats avec les trois grandes entreprises? Quel pourcentage?

M. Lawford : Les trois grandes entreprises ont 90 p. 100 du marché.

Le sénateur Eggleton : Il y aura peut-être 10 p. 100 du marché, des consommateurs, qui verront vraiment des avantages dans tout cela?

M. Lawford : Prenons l'entreprise WIND, par exemple. Son but serait de lancer des plans nationaux d'appels, de messagerie et de données. En théorie, elle penserait — et Vidéotron ferait le même calcul si elle lançait un nouveau réseau — qu'elle gagnerait ainsi une part du marché. Ce ne serait pas la part de 10 p. 100 qu'elle a actuellement, mais le pourcentage grimperait à 11, 12, 15 p. 100 et cela créerait des pressions tarifaires sur les titulaires.

Le sénateur Eggleton : Néanmoins, la grande majorité est avec les trois plus grandes entreprises.

Ayant entendu parler de cet amendement et des raisons qui le motivent, les Canadiens s'imaginent que les frais d'itinérance vont baisser du jour au lendemain, mais ce n'est aucunement garanti.

M. Lawford : Il n'y a pas de garantie immédiate. Comme nous l'avons dit, nous croyons que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. De nouveaux acteurs peuvent regrouper certains produits afin d'exercer une pression concurrentielle sur les trois grandes entreprises en espérant qu'elles diminueront leurs frais d'itinérance afin d'obtenir des clients. D'autres mesures devront certainement être prises à l'intérieur du marché du sans-fil. Ce n'est qu'un aspect secondaire de l'enjeu et vous avez raison de dire qu'il touche surtout les concurrents.

Le sénateur Eggleton : Si les plus petites entreprises deviennent plus concurrentielles, pensez-vous que cela créera une pression sur les trois grandes afin qu'elles baissent leurs prix pour leurs clients au détail?

M. Lawford : C'est ce que l'on pense. On ne sait toujours pas quand cette évolution va s'amorcer, mais ce qui freine la concurrence au Canada, c'est, à notre avis, l'absence d'un quatrième acteur au niveau national. Les trois grands établissent leurs prix et mènent leurs campagnes au niveau national. Si vous voulez soulager l'ensemble de la population et pas seulement celle qui vit dans les quelques provinces où il y a quatre acteurs comme le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan, il faut avoir un quatrième acteur national. Honnêtement, ce qui a retenu le déploiement national, c'est le fait que les frais d'itinérance sont trop élevés pour que les plans d'appels et de messagerie à volonté soient déployés par leurs concurrents.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné le modèle européen; est-ce un bon exemple à suivre? Est-ce qu'on devrait encourager le CRTC à envisager cette possibilité, et à se pencher, outre les frais de gros, sur les frais au détail?

M. Lawford : Je crois que les consommateurs européens ont eu de bons résultats, grâce à des baisses de prix et à la possibilité de se déplacer sans souci d'un pays à l'autre. Je pense que nous serions en faveur de cela. Le CRTC le prendrait probablement en considération.

Ce qui pourrait être utile, c'est que le gouvernement fasse savoir au CRTC qu'il faut suivre le dossier et ne pas s'arrêter aux tarifs de gros. Si le problème persiste après quelques années, il devra se pencher sur le marché au détail.

Le sénateur Eggleton : Ce sont de bons conseils. Merci.

Le président : Comme WIND témoignera à la fin du mois, nous aurons l'occasion de connaître sa version.

[Français]

La sénatrice Verner : Monsieur Lawford, je vais m'adresser à vous en français. Vous avez répondu partiellement, mais peut-être que vous avez autre chose à ajouter. Comme vous le savez, l'objectif ultime du gouvernement est de réduire la facture du consommateur.

Depuis février dernier, il y a l'arrivée de Vidéotron, le joueur tant attendu pour le gouvernement. Ce que je comprends, c'est que, dans certaines parties du pays, il y aura effectivement davantage de compétition. Cependant, les trois grands joueurs peuvent-ils vraiment se permettre de réduire les prix uniquement dans certaines régions du pays ou seront-ils forcés de le faire partout au pays?

M. Lawford : Pour l'instant, les trois grands joueurs établissent les prix de façon régionale et lorsque c'est nécessaire. Au Québec, en Saskatchewan et au Manitoba, les prix sont un peu plus bas qu'ailleurs, mais dans les autres régions du pays, le prix est plus élevé. Je n'ai pas les données avec moi présentement, mais je pourrai les faire parvenir au greffier.

Pour l'instant, c'est comme ça, mais avec l'arrivée d'un nouveau concurrent, la théorie est que cela va créer une pression et faire baisser les prix partout au pays.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie d'être venus. J'apprécie vos exposés; ils étaient très succincts.

Le sénateur Eggleton a parlé du public qui s'attend à une baisse des tarifs. Or, aucun d'entre nous n'y croit. Même si le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent sur des publicités qui le laissaient entendre, je ne pense pas que ce sera le cas.

Je veux parler du problème général des prix abusifs, qui visent à maintenir le marché dans sa forme actuelle, c'est-à- dire constitué des trois grandes entreprises, à l'exclusion de toutes les autres. Les gouvernements ont pris des mesures importantes, et nous avons déjà fait des exposés devant ce comité pour parler du nouveau spectre et faire en sorte que les trois grandes entreprises ne puissent pas en acheter une partie afin de créer le cadre souhaité, soit davantage de concurrence.

Nous avons constaté des prix abusifs sur les services d'itinérance, mais cela n'est pas unique à l'industrie des télécommunications. On les a constatés aussi dans l'industrie aérienne. Chaque fois qu'une ligne régionale semble grignoter une partie du contrôle d'Air Canada, cette dernière coupe ses prix pour rendre impossible sa survie.

Je me demande alors si ce n'est pas le Bureau de la concurrence, plutôt que le CRTC, qui devrait se pencher sur cette question pour l'ensemble des industries et non pas uniquement pour le secteur des télécommunications.

M. Lawford : C'est une idée intéressante que le Bureau de la concurrence puisse se pencher sur la pratique des prix abusifs. En général, je sais qu'il examine constamment leurs lignes directrices et, si je ne m'abuse, on procède en ce moment même à un examen de la loi à ce chapitre.

La réponse habituelle de l'industrie — non pas que je veuille parler en son nom — c'est qu'elle est déjà réglementée. Le Bureau de la concurrence évite habituellement de naviguer dans ces eaux, même si nous avons pu voir — Geoff pourrait vous en parler plus longuement et nous avons évoqué le sujet dans notre déclaration préliminaire — que le Bureau de la concurrence adopte plutôt une approche de défense des droits. Il a ainsi témoigné devant le CRTC qui examinait si les prix que vous avez mentionnés étaient injustement discriminatoires. Les principes retenus correspondent en gros aux critères du Bureau de la concurrence. Le témoignage laissait entendre que les trois grandes disposent en effet d'un pouvoir commercial et qu'elles agissent de façon coordonnée pour empêcher l'arrivée d'autres concurrents.

On ne s'est pas avancé davantage, mais je crois que le Bureau de la concurrence pourrait procéder à une étude du marché, industrie par industrie. Ce n'est peut-être pas ce que vous lui demandez de faire, mais je crois que ce serait dans ses cordes.

Pour ce qui est d'une approche face aux industries réglementées par le gouvernement fédéral, il pourrait être intéressant de voir si le Bureau pourrait faire une étude de marché pour l'ensemble des secteurs. Je ne peux pas parler pour le bureau, mais ce serait intéressant.

M. White : Il était important que le Bureau de la concurrence dépose son mémoire devant le CRTC lorsque ce dernier examinait cette question parce qu'il y a eu beaucoup de débats et d'études qui ont été financés et qui plaident en faveur de laisser les trois grandes entreprises fixer les prix à leur guise. Le Bureau de la concurrence a présenté une évaluation des faits en disant au CRCT qu'effectivement il y avait en l'occurrence un pouvoir commercial qui pouvait être utilisé au détriment des concurrents. Lorsqu'on parle des « concurrents », il faut préciser qu'il ne s'agit pas uniquement des petites entreprises arrivées sur le marché à l'occasion de la vente aux enchères du spectre en 2008. Il s'agit également de joueurs régionaux, et il y en a au moins quatre ou cinq qui font affaire dans les provinces, le Nord de l'Ontario et la côte Est. C'est important, et ce champ de compétence parallèle existe.

Toutefois, pour me faire l'écho des propos de M. Lawford, l'industrie ressort cet argument à l'effet qu'elle est réglementée, eh bien nous signalons qu'il est bien que le bureau présente les faits tels qu'ils sont.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné un point à ne pas oublier, la présence de solides joueurs régionaux. EastLink, au Canada atlantique, n'est pas un petit joueur dans notre région. Par ailleurs, la taille est un enjeu et cette entreprise n'est pas immunisée contre ce genre de choses.

Au bout du compte, selon vous, le consommateur ne verra aucune différence. Vous dites que je ne verrai pas de différence sur ma facture de téléphone cellulaire si je suis un client de Bell, de Rogers ou de Telus. Nous ne verrons aucune différence, mais si j'étais un client de WIND, verrais-je une différence?

M. Lawford : J'ai entendu dire que WIND allait témoigner devant votre comité, à ce moment-là ses représentants pourront vous dire exactement ce qu'il en est. Toutefois, si vous étiez un client de WIND, j'imagine que vous verriez une différence assez rapidement, parce que je suppose que cette entreprise ne va pas tarder à lancer, d'un bout à l'autre du pays, des forfaits pour la transmission de textes, d'appels et de données, après l'adoption de cette modification.

Les autres fournisseurs pourraient aussi s'y intéresser. Disons, par exemple, que vous êtes un client de Bell et que vous songez à vous tourner vers EastLink. Si la modification est adoptée, EastLink pourrait songer à lancer un produit semblable à celui de WIND, mais cette entreprise devrait travailler un peu plus fort puisqu'elle commence à partir d'une base de plus petite taille. Elle aura peut-être besoin d'un tarif inférieur et attendra peut-être que le CRTC en arrive à un chiffre plus bas au terme de son processus. Pour les clients de WIND, je pense que vous verriez la différence immédiatement.

Par contre, ce qui est moins intéressant, c'est que si vous êtes déjà client d'une des trois grandes entreprises, vous avez raison de dire que vous ne verrez pas de réduction immédiate des tarifs d'itinérance parce qu'ils sont déjà établis à un bon taux pour les clients de ces entreprises, et qu'ils permettent l'itinérance sur chacun de leur réseau. Par exemple, Bell et Telus partagent un réseau et ils ne se facturent pas de frais d'itinérance. Non, vous ne verrez rien immédiatement, mais si vous êtes un client de WIND, je pense que vous verrez un changement assez rapidement.

Le sénateur Plett : Je vais poser une question, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit pertinente. Si elle ne l'est pas, je suppose que vous me le direz. C'est plus pour satisfaire ma curiosité. De plus, j'ai été absent du comité pendant quelques années, et je sais que le président a attendu avec impatience que je parle de nouveau de la région de villégiature de Buffalo Point.

Le président : Cela nous a manqué.

Le sénateur Plett : J'aimerais en parler.

Je suis propriétaire d'un chalet à la frontière canado-américaine au Manitoba, et certains jours, en fonction de l'endroit où je me trouve dans mon chalet, j'ai accès au service américain que je paie 2,50 $ la minute. Et si je me déplace de l'autre côté du chalet, je capte les signaux de la tour canadienne. Y a-t-il quelque chose à faire pour régler ce genre de problème, ou bien dois-je tout simplement m'assurer d'être placé au bon endroit sur ma propriété lorsque je veux faire un appel?

M. Lawford : C'est une question qui a été soulevée par un certain nombre de personnes qui communiquent avec nous directement parce qu'elles vivent à Windsor ou dans différentes localités le long de la frontière. C'est un problème qui peut être réglé entre les deux entreprises de télécommunications. Il faudrait voir si le CRTC et le FCC devraient travailler de concert. Je pense qu'il n'y a pas eu suffisamment de collaboration à cet égard pour régler ce genre de problème.

L'une des précautions que nous recommandons est de se prévaloir des services du Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications. Ces services ont été utiles à des clients qui vivent au bord de la frontière et qui ont reçu de grosses factures. Je connais un couple de la Colombie-Britannique qui, il y a environ deux mois, avait reçu une facture de 1 000 $ parce qu'il avait eu accès au service offert par l'entreprise de télécommunications américaine. Ce couple avait réussi à ce que le Commissaire réduise une bonne partie de cette facture parce qu'il estime que si l'entreprise de télécommunications avec laquelle vous faites affaire — l'entreprise canadienne — n'indique pas clairement que ce genre de problème pourrait survenir, au moins si vous vous plaignez à cette instance, vous risquez de vous faire rembourser en partie. Mais ce n'est pas une solution. Il faudrait pouvoir faire un tri des communications et c'est tout à fait faisable au plan technique. Il faudrait aussi que les personnes concernées appuient ce genre de projet, mais c'est un problème pour lequel nous avons également reçu des plaintes.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Donc, c'est faisable?

M. Lawford : C'est tout à fait faisable. C'est l'une des choses qui doit devenir une priorité pour les deux organismes de réglementation. Des amendements ont été apportés à la loi régissant le CRTC. Il est maintenant plus en mesure de traiter avec d'autres organismes de réglementation et il peut discuter ouvertement de cette question avec le FCC.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup.

Le président : Ça nous donne une bonne idée de la taille de votre chalet.

La sénatrice Merchant : Bonjour et bienvenue.

Je vis en Saskatchewan et il y a de nombreux endroits dans cette province où nous ne pouvons pas vraiment obtenir de réception à moins qu'il y ait un partage des tours. Comment cela sera-t-il utile aux plus petits joueurs qui veulent entrer dans le jeu? Comment la Saskatchewan pourra-t-elle en bénéficier directement?

M. White : Merci pour cette question.

Il est important de comprendre que nous considérons ce projet de loi comme une mesure intérimaire en attendant que le CRTC trouve la solution adéquate au problème des prix faramineux exigés pour l'itinérance.

C'est en fait un suivi à une série de décisions stratégiques faites en 2007 en vue de la mise aux enchères du spectre des services sans fil évolués. Industrie Canada, l'organisme de réglementation en matière de radiofréquence, avait dit alors : « Très bien, nous avons besoin de mesures pour promouvoir la compétitivité. Nous allons donc mettre de côté une partie du spectre afin que les nouveaux arrivés puissent enchérir à des prix abordables. Nous allons réglementer l'itinérance aux tarifs commerciaux, et nous allons imposer l'accès aux tours. » Pendant les cinq années d'apprentissage qui ont suivi ces nouveaux règlements, les organismes de réglementation se sont rendu compte qu'il y avait des problèmes, y compris la vitesse à laquelle des ententes sur l'itinérance et le partage des tours étaient conclues, ainsi que la question des tarifs, et cetera.

Le CRTC et Industrie Canada sont maintenant au courant de ce qui se passe et c'est pour cette raison que tout cela a lieu. Les mesures visant à promouvoir la compétitivité n'ont pas été mises en place aussi bien qu'elles auraient pu l'être, c'est pourquoi les nouveaux arrivants et les joueurs régionaux qui demeurent indépendants des trois grandes entreprises, puisqu'ils n'ont pas été achetés par ces dernières, essaient toujours d'être viables et de trouver un rôle à jouer sur la scène nationale.

Il est impossible de savoir si cette modification réglera le problème, la mesure est trop intérimaire et porte sur un élément de moindre importance faisant partie de toute une série de mesures qui ont été conçues pour stimuler la compétition dans les régions rurales et éloignées.

La sénatrice Merchant : Vous représentez un groupe de défense des droits des consommateurs. Qu'a-t-on fait pour obtenir leur avis? Le gouvernement a-t-il organisé des groupes de consultation? Comment y avez-vous participé? Y a-t- il eu des sondages? J'essaie de voir comment votre organisation a participé à l'élaboration du concept.

En outre, et je pense que vous en avez parlé, comment va-t-on assurer un suivi? Le gouvernement fera-t-il rapport tous les six mois? J'essaie de voir comment cela va fonctionner.

M. Lawford : Je vais répondre à deux éléments de votre question et Geoff pourra répondre à la deuxième question.

Au Centre pour la défense de l'intérêt public, nous représentons légalement et le mieux possible d'autres groupes de protection des consommateurs. Quelquefois, nous sommes en mesure de faire des recherches de base, comme des sondages. Nos sondages sont scientifiques et nous ne demandons pas aux gens de nous donner leur opinion sur notre site web. Certains de nos clients, comme l'Association des consommateurs du Canada et Canada sans pauvreté, font ce genre de choses.

Pour être honnête, nous travaillons dans le domaine de la compétitivité du spectre et des télécommunications sans fil et si nous remontons à nos débuts, il n'y avait pas d'argent à faire dans ce domaine. Quand il faut faire affaire avec Industrie Canada, on ne va pas décider d'aller témoigner devant le CRTC, parce que là, nous recevons l'adjudication des frais. Il n'y a pas d'argent à faire dans ce domaine, c'est pourquoi jusqu'à tout récemment, notre champ d'action était limité.

Nous nous sommes restructurés de manière à pouvoir participer davantage. Une partie de ce travail a été transmis au CRTC, comme vous l'avez vu, et maintenant dans la sphère politique. Nous n'avons pas beaucoup de contributions directes dans ce domaine. Nous travaillons à partir d'intrants secondaires qui, comme je l'ai dit, proviennent de nos clients.

Je ne pense pas que le gouvernement ait fait beaucoup de sondages. Ce n'était pas un dossier chaud avant les trois dernières années. Il faudrait probablement en tenir compte, mais le CRTC a commencé à rendre ces processus beaucoup plus ouverts au public. Nous trouvons que le compte rendu de la plupart des audiences, y compris celle sur l'itinérance, permet au public de faire valoir son point de vue. Nous pouvons nous en servir pour nous faire une idée de ce que pense le consommateur moyen sur cette question.

De notre point de vue, c'est un secteur d'activité difficile. L'organisme de réglementation, Industrie Canada et les autres parties prenantes pourraient nous aider, ainsi que d'autres acteurs, en nous donnant accès à des données et à des renseignements concrets, que nous avons toujours de la difficulté à obtenir.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question concernant les moyens de vérification du partage des tours et de l'itinérance, il y a eu des changements récents aux règles de partage des tours. Un de ces changements fait en sorte que maintenant, lorsqu'il y a différend, c'est le CRTC qui agit à titre d'arbitre plutôt qu'Industrie Canada. C'est un processus qui s'enlisait par le passé, de sorte que ce changement pourrait être utile. Nous pouvons assister à ces audiences. Je pense aussi qu'on impose maintenant des peines et d'autres types de sanctions.

M. White : Le CRTC et Industrie Canada, dans leurs rôles respectifs, surveillent d'assez près l'industrie dans le cadre de rapports annuels et par le biais de dépôts d'ententes. Ils prennent également le pouls du marché quant aux tarifs exigés pour certains services.

Je pense qu'il est important de signaler qu'un ménage canadien moyen dépense 185 $ par mois pour des services de communication. Nous obtenons ces services d'entreprises intégrées verticalement, de plus en plus concentrées et qui détiennent une part progressivement plus importante de notre portefeuille. Le CRTC suit la situation et publie un rapport de surveillance annuel sur les télécommunications.

Essentiellement, il s'agit de déterminer si le prix que paient les Canadiens pour ces services est comparable à ceux payés ailleurs. Est-ce là le mieux à quoi ils peuvent s'attendre de leurs fournisseurs de service?

La sénatrice Merchant : Je crains tout simplement que les consommateurs pensent qu'ils vont économiser beaucoup d'argent grâce à ces mesures. C'est peut-être de cette façon-là qu'elles ont été présentées, mais vous dites que dans le contexte actuel, ils ne verront que très peu d'économies. C'est la question qu'on nous a posée.

M. Lawford : Bien sûr. Je comprends ce que vous dites et ce qu'ont soulevé les sénateurs Eggleton et Mercer, à savoir que 90 p. 100 des clients faisant affaire avec les trois grandes entreprises ne verront pas de changement immédiat après l'adoption du projet de loi, ni même au terme du processus du CRTC. Par contre, vous pourriez envisager de faire affaire avec le quatrième joueur qui sera en mesure d'offrir des services à l'échelle nationale. C'est ce que nous souhaitons. Nous n'en sommes pas encore là, mais il y a une lumière au bout du tunnel qui n'existerait pas autrement.

La seule autre façon d'aborder ce problème, c'est de demander au CRTC de se pencher sur la réglementation, parce que vous estimez que le marché du sans-fil offre des prix au détail qui ne sont pas valables. Or, il a refusé au motif qu'il se fie à la compétition dans ce secteur. Ce projet de loi et les autres mesures qui ont été mis à l'essai visent à permettre encore une fois au jeu de la compétitivité de fonctionner. Que se passera-t-il si dans deux ans cela ne fonctionne pas, je ne le sais pas.

Le sénateur Demers : Merci de votre exposé. Vous avez été très clair.

La concurrence, c'est ce qu'il y a de mieux pour tout le monde. Bien sûr, ce n'est pas ainsi qu'elle sera perçue pour commencer. Lorsqu'arrive une quatrième compagnie, si elle est bien programmée et que les gens s'y abonnent, comme vous l'avez mentionné à plusieurs reprises, c'est généralement le consommateur qui profitera de la concurrence. Si vous vous lancez en tant que quatrième partie et que vous êtes nouveau, les gens peuvent hésiter à changer de fournisseur ayant eu le même depuis tant d'années.

D'après les études que vous avez menées, vous semble-t-il que la nouvelle entreprise sera bien structurée et en mesure d'offrir une solide concurrence, comme l'ont dit la sénatrice Merchant et d'autres? Pour l'instant, personne n'en profitera, mais à l'avenir, si l'entreprise est bien structurée, c'est le consommateur qui en bénéficiera. Est-ce bien ce qu'a démontré votre recherche?

M. Lawford : C'est bien ce que nous espérons, monsieur. Il est difficile de trouver des preuves, mais nous disposons quand même de certains chiffres cités dans les rapports du CRTC et ailleurs, montrant que certains prix des services sans fil au Canada ont chuté suite à la première vente aux enchères, soit les enchères relatives au SSFE en 2007, 2008 et 2009. Les prix avaient baissé à cause de la vive concurrence qu'exerçaient les trois nouveaux entrants, qui ne sont maintenant que deux et pourraient bientôt se limiter à un seul.

Nous ne connaissons pas l'avenir. Vidéotron pourrait opérer à l'échelle nationale, mais c'est impossible de le prédire. EastLink pourrait s'allier à d'autres entreprises et mettre sur pied une coalition nationale. Nous ne savons pas ce que nous réserve l'avenir. Nous savons que le troisième concurrent, WIND, s'intéresse à cette modification puisqu'il souhaite déployer des prix à l'échelle nationale.

Il demeure un certain espoir que ce projet de loi créera d'une façon quelconque les conditions nécessaires pour qu'il puisse aller de l'avant. D'autres conditions seront aussi requises : de l'argent, le partage des tours et le spectre. La dernière fois, cela ne s'est pas tellement bien passé, mais Vidéotron en a reçu une grosse part, alors nous ne le savons pas. Toutefois, cela représente un grand pas en avant.

Le président : Si vous n'avez pas d'autres questions, monsieur Lawford et monsieur White, je vous remercie de votre exposé. Nous comptons poursuivre notre étude au cours des prochaines semaines. Vous allez sans doute prendre connaissance de la présentation de WIND.

Chers collègues, notre prochain témoin demain sera l'Association des fabricants de pièces d'automobile. Après la pause, tel que mentionné, nous entendrons le témoignage de WIND Mobile et des maires de Montréal et de Longueuil.

Si vous étiez au Sénat jeudi, vous saurez que notre prochaine étude porte sur le projet de loi S-4, le projet de loi portant sur la protection des renseignements personnels numériques. Cela signifie que nous avons de fortes chances de siéger tout au long du mois de juin à son sujet. C'est aussi dire que la plupart des autres sujets à considérer, y compris la SRC, seront reportés à l'automne. Le comité directeur se réunira à la fin de cette séance.

Je crois que le sénateur Plett avait quelque chose à ajouter.

Le sénateur Plett : J'aimerais déposer des documents.

J'ai deux motions visant le dépôt de deux documents importants auprès du greffier. Voici donc ma première motion :

Que la lettre envoyée au comité de la part de M. Hubert Lacroix, président-directeur général de la Société Radio-Canada, en date du 9 avril 2014, soit publiée en annexe au témoignage d'aujourd'hui.

Si nous tenons un débat à ce sujet, j'aurai quelques commentaires à formuler.

Le sénateur Eggleton : S'agit-il du témoignage d'aujourd'hui, ou du témoignage qu'il nous a donné lors de sa comparution?

Le sénateur Plett : Je parle du témoignage d'aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : Et quel serait le rapport avec le témoignage d'aujourd'hui?

Le sénateur Plett : Il faudrait poser la question au greffier. C'est lui qui a rédigé la motion que je vous ai lue.

Le sénateur Eggleton : Que dit la lettre? Quel rapport a-t-elle avec les témoignages d'aujourd'hui?

Le président : Lorsqu'il est parti, nous avons conclu la réunion en disant : « Si vous avez des réponses de plus à nous faire parvenir, veuillez les envoyer par écrit au greffier. » Il nous a envoyé des réponses par écrit, mais celles-ci n'ont pas été communiquées à tous les membres du comité.

Le sénateur Eggleton : Je ne voyais pas le lien avec le témoignage d'aujourd'hui.

Le président : C'est que ça n'a rien à voir avec les témoignages d'aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : C'est tout simplement que cela a été déposé aujourd'hui.

Le président : J'ai parlé de la CBC. Le greffier a quelque chose à ajouter.

Daniel Charbonneau, greffier du comité : Si cela fait partie du témoignage d'aujourd'hui, c'est parce que M. Lacroix a comparu le 26 février et que ce témoignage a déjà été rendu public. Afin de rendre ses réponses par écrit publiques également, il faut procéder de la sorte.

Le sénateur Eggleton : Je ne voyais pas le rapport avec la séance d'aujourd'hui.

Le président : Comme nous n'étudierons pas le dossier de la CBC avant septembre, probablement, je voulais faire en sorte que ce soit inscrit au procès-verbal.

Le sénateur Plett : Je voudrais également dire, aux fins du procès-verbal, que, comme le greffier vient de le mentionner, M. Lacroix a comparu devant ce comité le 26 février. Il a attendu jusqu'au 10 avril pour nous envoyer ses réponses écrites. Et en lisant la lettre, on constate que les réponses sont très simples. Les questions n'étaient pas difficiles.

Je souhaite attirer l'attention du comité sur les trois dernières questions. L'une d'entre elles, que j'ai moi-même posée, portait sur la politique de déplacement.

Il nous avait dit qu'il n'était pas au courant de la politique de déplacement s'appliquant à la CBC, ce que j'avais trouvé étrange à l'époque. Il dit néanmoins dans sa lettre que la haute direction peut réserver des billets de classe affaires lorsque ses membres se déplacent en dehors du triangle Montréal-Toronto-Ottawa. Je me suis dit que c'est bien quelque chose qu'un cadre supérieur devrait savoir. C'est semblable à notre propre politique de déplacement. Je pense que nous avons tous le droit de réserver des billets de classe affaires, contrairement au personnel. Je voulais le faire remarquer.

Notre vice-président, qui présidait la séance le jour en question, a posé quelques questions. L'une d'elles portait sur le nombre d'avocats internes à la CBC. Une fois de plus, j'ai trouvé étrange que le PDG d'une entreprise ne sache pas combien d'avocats il a à l'interne. Dans sa lettre, il affirme avoir 23 avocats-conseils internes au coût de 9 millions de dollars par année. C'est une somme importante, et c'est une information que j'estime que le PDG d'une entreprise devrait savoir.

La troisième question, qui émanait également du vice-président, portait sur les revenus de CBC/Radio-Canada tirés des infrastructures et des propriétés immobilières. Là encore, j'aurais pensé qu'un cadre supérieur eût connu cette information, d'autant plus que le chiffre est de 46,7 millions de dollars par année. Là encore, c'est une somme importante et il me semble que le PDG d'une entreprise devrait connaître ces chiffres.

Monsieur le président, comme je le disais, j'aimerais rendre ce document public. Je ne sais pas si je dois faire autre chose avant de passer à ma prochaine motion.

Le président : Non. Si les sénateurs sont d'accord, nous pouvons distribuer ce document à tous les membres et il deviendra alors public.

Le sénateur Plett : Ma deuxième motion porte sur l'un des documents cités dans la lettre de M. Lacroix. Je propose que la liste des noms de tous les employés de la CBC, leur titre et leur classification salariale au 17 novembre 2013, mentionnés dans la lettre au comité de la part de M. Hubert Lacroix, président et chef de la Direction de la CBC, du 9 avril 2014, soit déposée comme preuve.

Le président : Y a-t-il des objections?

Le sénateur Eggleton : Tous les employés? De combien d'employés parle-t-on?

Le sénateur Plett : Le chiffre est ici indiqué.

Le sénateur Eggleton : Vous avez ce chiffre?

Le président : C'est qu'il a déjà été transmis et devrait être public. Mais pour ce faire, nous devons déposer le document.

Le sénateur Mercer : Il est intéressant que ce document ait été déposé. Ceux d'entre nous qui y avons jeté un coup d'œil remettent en question son exactitude. Certains des passages frisent la fiction. Si l'on compare ces chiffres à ceux qui prévalent chez la concurrence, et si on les compare à la réalité, on conclut que l'on nous cache des choses. En fait, je ne pense pas que l'on réponde à la question. Je suis sûr que certains employés de la CBC sont payés beaucoup plus cher mais que cette rémunération tombe en dehors de leur salaire de base, en vertu de certaines ententes contractuelles. Or, c'est cette rémunération supplémentaire que les sénateurs Plett et Housakos voulaient connaître. J'ai été déçu que ces chiffres n'aient pas été révélés dans le rapport.

Mais je l'étudierai du point de vue régional afin de voir ce qu'on en dit des responsables de la programmation régionale à Halifax.

Le président : Avant de passer la parole au sénateur Plett et puisque le format de la liste est très étrange, les noms ne figurant pas par ordre alphabétique ou par région, je demanderais à nos analystes de se pencher sur les principaux chiffres. Par exemple, quel est le salaire du président, du vice-président, et ainsi de suite. Je leur demanderais de nous donner leur analyse de ces chiffres avant la prochaine réunion sur cette question.

Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec le sénateur Mercer par rapport à ce qu'il pense de l'exactitude de ces chiffres. À première vue, je suis également convaincu que certains employés touchent des primes qui sont beaucoup plus importantes que ce que leur salaire nous laisserait croire. Je conviens que ce document est très étrange et j'imagine que si l'on manipule suffisamment les données, on peut en arriver à ces chiffres.

J'appuie la proposition du président que les analystes l'étudient.

Le sénateur Housakos : Je souhaite dire aux fins du procès-verbal que je corrobore les inquiétudes des sénateurs Plett et Mercer. Et c'est d'autant plus décevant que nous avions fait comparaître pendant assez longtemps le PDG de CBC/ Radio-Canada. Étant donné la conjoncture et les défis qu'affronte sa société de la Couronne — ou plutôt notre société de la Couronne — je m'étonne qu'il ne se soit pas intéressé davantage à notre étude et qu'il n'ait pas été plus ouvert dans ses réponses. Bien franchement, je suis très déçu que le PDG de l'une de nos plus importantes sociétés de la Couronne comprenne si peu l'administration de son entreprise.

Le sénateur Eggleton : Mais qui a embauché ce type?

Le sénateur Housakos : Ce n'était certainement pas moi.

Le sénateur Eggleton : Est-ce quelqu'un que vous connaissez?

Le sénateur Housakos : Je sais que le comité de direction prévoit de rappeler dans un avenir proche M. Lacroix ainsi que le président du conseil. Il vaudrait peut-être la peine de se pencher sur d'autres mesures que nous pourrions prendre pour faire en sorte que la CBC soit plus ouverte à l'avenir.

Le président : Nous avons justement une réunion du comité directeur à la fin de cette réunion. Mon vice-président pourra en parler pour voir ce qui peut être fait. Comme je le disais, nous devons maintenant aborder la loi et certaines priorités, et terminer notre étude du projet de loi d'exécution du budget et ensuite du projet de loi S-4. Ce n'est qu'après que nous pourrons revenir à la CBC.

Y a-t-il d'autres questions ou observations?

Le sénateur Demers : En passant, je commence à apprécier ce comité où beaucoup de gens ont énormément d'expérience.

Je crois que le sénateur Plett est tout à fait en droit de lui parler de ses dépenses. À partir de ce moment — il y en a qui y voient des maniérismes — j'ai cru qu'il était furieux contre le sénateur Plett, et ensuite, il n'était plus disposé à coopérer avec nous. Nous ne voulions pas le détruire; nous voulions tout simplement en arriver aux faits.

Sauf erreur, l'avocat qui l'a accompagné — il y avait quelqu'un à côté de lui, ou bien un adjoint — mais ils ont sauté chaque question. Non, pas « chaque » question, je ne devrais pas dire cela. En fait, ils ne voulaient tout simplement pas coopérer. Il y a un prix à payer quand on est PDG et président d'une grande entreprise. Le sénateur Plett ne l'a pas insulté; et lui a demandé « Quels sont les faits? ». Il ne voulait tout simplement pas s'impliquer. Si vous avez trop dépensé...

Le président : Comme il reviendra parmi nous, nous aurons l'occasion d'assurer un suivi.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup.

Le sénateur Mercer : Dans le même ordre d'idées, il a fait preuve d'un certain mépris envers ce comité. Premièrement en étalant son ignorance et deuxièmement, en nous présentant des documents qui n'étaient pas lisibles. D'accord, nous pouvons y faire des recherches, mais quiconque devrait savoir qu'on devrait mettre la liste en ordre alphabétique, ce qui nous rendrait la vie plus facile. Nous pourrions ensuite trouver les renseignements désirés.

En même temps, pendant que nous entamons cette étude majeure — et que nous prenions tous très au sérieux — j'ai été agréablement surpris de constater que nos points de vue ne sont pas divergents. Le travail se déroule de manière plutôt non partisane. Peut-être que ce ne sera pas le cas arrivé à l'étape du rapport.

Pendant que nous faisons l'étude, la SRC a mis la charrue devant les bœufs et a congédié des centaines et des centaines d'employés, certains d'entre eux de longue date et qui ont fait honneur à la SRC et au système de radiodiffusion canadien en général. De faire cela en même temps que notre étude se déroule et de ne pas parler de plan à long terme, du moins de ne pas partager un tel plan soit avec le comité, soit avec les Canadiens et les Canadiennes, voilà autant d'éléments qui témoignent du problème fondamental de l'organisation : On ne peut pas avoir trois têtes dirigeantes. On doit aborder la question de la direction générale de la SRC comme un des problèmes majeurs.

Je déteste lorsque les gouvernements ou des organismes disent qu'ils vont réduire leurs dépenses et font les compressions aux mauvais endroits. Le gouvernement a réduit le ministère des Pêches et des Océans il y a quelques années. Or, où a-t-il coupé? Dans les régions, où se trouvent les pêcheurs. Aucun poste n'a été coupé au 200 rue Kent. Si les fonctionnaires de la rue Kent rencontraient un pêcheur, ce ne serait pas plus loin qu'aux abords du canal Rideau. Voilà le genre de questions qu'il faudra aborder.

Le sénateur Eggleton : Je veux bien déposer cette information, mais nous faisons pleuvoir les critiques en l'absence de l'intéressé, M. Lacroix. Je ne suis pas ici pour le défendre. Je ne le connais pas, vraiment; je l'ai rencontré à quelques reprises. Je ne pense pas que tous ces débats devraient se dérouler en séance publique sans qu'il puisse y répondre. Vous êtes en train de modifier ce qu'il a dit ou n'a pas dit devant ce comité, et je dis qu'il faut le faire en sa présence.

Le président : Nous allons l'inviter à nouveau, sénateur.

Le sénateur Eggleton : Oui, mais vous êtes en train de le faire maintenant.

Le sénateur Demers : Nous ne le ferons pas.

Le sénateur Eggleton : Arrêtez immédiatement.

Le sénateur Demers : Nous lui avons posé des questions concernant ses dépenses et il n'a pas répondu.

Le sénateur Eggleton : Il avait besoin de plus de détails.

Le sénateur Plett : Pour répondre au commentaire du sénateur Eggleton, je ne suis pas complètement en désaccord, mais je le rejette partiellement parce que quand il était ici, je n'étais pas timide, sénateur Eggleton, avec mes questions à M. Lacroix. Je dirai publiquement ici que M. Lacroix a envoyé quelqu'un de son bureau pour venir me voir. Je n'ai pas été timide avec eux.

Je ne crois pas avoir dit quoi que ce soit qui ne serait pas factuel, et je ne crois pas que ce soit le cas pour personne d'autre. Je serais heureux de le recevoir à nouveau. Je ferais les mêmes commentaires en sa présence. Mais je crois, monsieur, que nous sommes en droit d'exprimer notre mécontentement devant ce comité si nous avons un témoin qui semble refuser de coopérer. Merci.

Le président : Pour en revenir à la motion à l'étude. Nous sommes saisis d'une motion. Convient-on de déposer le document à titre de pièce?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires? La séance est levée et le comité directeur se réunira.

(La séance est levée.)


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