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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages du 8 octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 8 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte.

Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

[Traduction]

Nos témoins d'aujourd'hui font partie de la Guilde canadienne des médias. Il s'agit de Carmel Smyth, présidente nationale, de Marc-Philippe Laurin, président de la sous-section Radio-Canada et de Jeanne d'Arc Umurungi. J'invite les témoins à faire leur exposé, non sans d'abord vous féliciter pour la qualité du document que vous nous avez soumis. Il résume très bien votre position.

Carmel Smyth, présidente nationale, Guilde canadienne des médias : Merci beaucoup. Une directrice des communications professionnelle est toujours un atout de taille.

Monsieur le président, membres du comité, bonsoir. Merci de nous donner cette chance de témoigner. Je m'appelle Carmel Smyth et je suis la présidente nationale de la Guilde canadienne des médias. Mon collègue, Marc-Philippe Laurin, est président de la guilde à Radio-Canada, et Jeanne d'Arc Umurungi est notre directrice des communications.

La Guilde canadienne des médias, la GCM, est un syndicat pancanadien qui représente 6 000 travailleurs de l'information répartis dans 10 organismes privés ou publics. Ce sont les gens qui livrent les nouvelles aux Canadiens et qui créent jour après jour du contenu canadien original.

Comme eux, nous adhérons à la définition que donne l'UNESCO de la radiodiffusion publique. J'espère que vous reconnaissez vous aussi le bien-fondé de cette définition. Je vais vous en lire un court extrait.

Ni commerciale, ni étatique, la radiotélévision publique trouve sa raison d'être dans le seul accomplissement du service public. C'est la radiotélévision du public; elle s'adresse à chacun en tant que citoyen. Elle encourage l'accès et la participation à la vie publique. Elle développe les connaissances, élargit les horizons et permet à chacun de mieux se comprendre en comprenant le monde et les autres.

La radiotélévision publique se définit comme un lieu de rencontre où tous les citoyens sont invités et considérés sur une base égalitaire. [...]

Parce qu'elle n'est pas soumise aux impératifs de la rentabilité, la radiodiffusion publique doit faire preuve d'audace et innover, en courant des risques.

Comme vous pouvez le voir, notre rôle de radiodiffuseur dans le paysage médiatique est unique en son genre. Pour cette raison, le Canada doit à la fois fournir un financement suffisant pour aider CBC/Radio-Canada à réaliser son mandat et faire en sorte que l'organisme jouisse d'une relation solide sans lien de dépendance avec le gouvernement.

De plus, la Loi canadienne sur la radiodiffusion précise que la programmation du radiodiffuseur public national devrait être principalement et typiquement canadienne, et elle l'est. La programmation de CBC/Radio-Canada entre 20 heures et 22 heures est canadienne dans une proportion de 94 p. 100, alors que celle des grands radiodiffuseurs privés l'est dans une proportion de 0 à 8 p. 100. Au mérite de CBC/Radio-Canada, il convient d'ajouter que le service est offert d'un bout à l'autre du Canada dans les deux langues officielles, ce qu'aucun radiodiffuseur privé n'est tenu de faire. C'est la promesse que l'organisme fait aux Canadiens, et cette promesse coûte de l'argent.

[Français]

Marc-Philippe Laurin, président, Sous-section Radio-Canada, Guilde canadienne des médias : Avec ces définitions, passons maintenant, en termes concrets, à ce que fait CBC/Radio-Canada afin de tenir ses promesses envers les Canadiens.

D'abord, CBC/Radio-Canada est une importante ressource culturelle au pays. Le diffuseur public est présent dans les petites et grandes communautés partout au pays et leur offre des services dans les deux langues officielles et en huit langues autochtones, toujours avec l'intérêt public au premier plan.

Il y raconte les histoires canadiennes et nous rapporte les nouvelles du monde d'une perspective canadienne. C'est ce qui fait du diffuseur public national une précieuse ressource ayant 78 ans d'histoire.

CBC/Radio-Canada est le plus grand service de nouvelles au pays sur toutes les plateformes. Aucun autre diffuseur majeur privé n'a cette portée nationale. Aucun d'eux ne se situe dans le Nord canadien.

[Traduction]

CBC/Radio-Canada dessert des collectivités réparties dans six fuseaux horaires. Elle compte 88 stations de radio, 27 stations de télévision, 10 services entièrement numériques et 5 services de télévision spécialisée, dont ICI RDI et la chaîne de nouvelles de la CBC. CBC/Radio-Canada est présente dans 54 collectivités réparties d'un bout à l'autre du pays. Le graphique 2011 qui figure dans notre document montre que les grandes entreprises privées ne sont présentes que dans 13 à 31 collectivités du pays.

Les objectifs de notre radiodiffuseur public et ceux des radiodiffuseurs privés ont très peu de choses en commun. Les radiodiffuseurs privés veulent des cotes d'écoute à des fins lucratives; CBC/Radio-Canada veut des cotes d'écoute pour informer, éclairer et divertir. C'est une différence que l'on oublie trop souvent de souligner.

Al Johnson, un ancien président de CBC, disait du radiodiffuseur public national qui offrait un « temps d'antenne égal pour le Canada ». CBC/Radio-Canada nous rejoint en tant que citoyens et pas seulement en tant que consommateurs.

Il convient également de dire que CBC/Radio-Canada est une source d'informations fiables de grande importance pour les Canadiens. Un des aspects du rôle de diffuseur public est d'informer les Canadiens au sujet de ce qui se passe, y compris en ce qui concerne les actions de ceux qui les gouvernent et de tous ceux qui ont une grande influence sur eux, sans égard pour les allégeances politiques. Dans notre document, nous dressons une liste d'exemples de nouvelles importantes qui ont été mises au jour par CBC/Radio-Canada au cours des dernières années. Je vous laisse en prendre connaissance par vous-même.

Troisièmement, CBC/Radio-Canada est un bien d'une importance vitale sur le plan économique. Outre sa valeur en tant qu'institution culturelle pour le Canada, Radio-Canada joue un rôle crucial pour le maintien d'une industrie de l'information en bonne santé. Une étude menée par Deloitte en 2011 a montré que Radio-Canada contribue à l'économie canadienne à hauteur de 3,7 milliards de dollars, ce qui constitue un rendement de taille pour un investissement public de 1,1 milliard de dollars. L'étude évoque les façons dont Radio-Canada fait profiter les économies régionales : dynamisation du secteur de la production, regroupements dans le domaine de la création et de la compétitivité accrue. La recherche met aussi en relief le rôle d'innovateur et de pionnier des nouvelles technologies que joue Radio-Canada.

Mme Smyth : Nous souhaitons également vous faire part de ce que les Canadiens pensent du rôle que Radio-Canada joue dans leur vie. Quatre-vingt-huit pour cent des sondés estiment que la SRC joue un rôle important pour renforcer la culture et l'identité canadiennes, une perception qui a gagné en force au cours de la dernière année. Quatre-vingt-un pour cent pensent que Radio-Canada aide à différencier le Canada des États-Unis. Plus de 90 p. 100 des Canadiens qui ont participé au projet Reimagine CBC en 2012 ont affirmé qu'ils aiment et qu'ils appuient les reportages audacieux de la SRC. Plus de 81 p. 100 des Canadiens ont récemment dit au CRTC que les nouvelles locales, qui occupent une grande part de ce qu'offre CBC/Radio-Canada dans les collectivités de tout le pays, ont de l'importance à leurs yeux. Et pour terminer, 87 p. 100 des Canadiens ont affirmé qu'ils aimeraient que le financement de la SRC soit accru ou maintenu. Vous trouverez d'autres détails sur ces enquêtes dans les documents que nous vous avons soumis.

Jeanne d'Arc Umurungi, directrice des communications, Guilde canadienne des médias : Quels sont les défis auxquels le radiodiffuseur public national doit faire face? Depuis 2008, 2 100 emplois ont été perdus et l'on prévoit 1 500 suppressions additionnelles au cours des cinq prochaines années, et peut-être davantage. Ces décisions ont des répercussions négatives comme la dilution de la couverture des nouvelles et la désagrégation de la capacité de faire du journalisme d'enquête, le recul de la programmation régionale dans tout le pays, le rapetissement des bulletins de nouvelles régionaux, la mise à mal d'un incubateur culturel d'importance névralgique et l'abandon de la couverture des sports, pour ne nommer que celles-là. De toute évidence, Radio-Canada est contrainte à couper ses services.

Alvin Fiddler, grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe Aski a dit :

[Traduction] Pendant des années, CBC a été le lien vital des Premières Nations éloignées et isolées. Et malgré les avancées technologiques, c'est une réalité qui perdure.

Avec leur approche juste et sans parti pris, et grâce à des émissions comme Voyage North, nos stations locales ont donné plus de visibilité aux problèmes des Autochtones que n'importe quel autre média. Je m'attends à ce que le radiodiffuseur national du Canada encourage cette façon de faire, et non qu'il la laisse tomber.

Les restrictions budgétaires imposées à la SRC l'ont forcée à cesser la diffusion de l'émission Voyage North et à couper dans les services offerts à 25 autres collectivités et régions.

Les autres services qui subissent une cure d'amaigrissement comprennent le journalisme d'enquête, la production documentaire et les reportages approfondis, qui sont les fers de lance de la radiodiffusion publique.

Voici une statistique qui porte à réfléchir. Avec l'élimination possible de 1 500 autres emplois — ce qui constitue probablement la plus importante réduction d'effectif de l'histoire canadienne dans le secteur de la création et du journalisme —, il ne fait aucun doute que Radio-Canada devra réduire encore plus ses services aux Canadiens.

Les citoyens ont déjà fait entendre leur mécontentement. Des manifestations ont été organisées dans certaines collectivités et des pétitions ont circulé : les citoyens expriment leur inquiétude quant au démantèlement de leur radiodiffuseur public national.

Mme Smyth : En terminant, nous tenons à affirmer que les restrictions budgétaires en cours et les débats sans fin sur le bien-fondé de financer adéquatement CBC/Radio-Canada sont en train de tuer le radiodiffuseur. Pour bien servir les Canadiens, Radio-Canada a besoin d'un financement constant et à long terme. Vous avez le pouvoir de faire en sorte que ce soit le cas. Nous vous prions instamment de prendre les cinq recommandations suivantes en considération.

Premièrement, annuler la restriction budgétaire de 115 millions de dollars imposée à la SRC dans le cadre du Plan d'action pour la réduction du déficit. Deuxièmement, en modifiant les crédits, augmenter graduellement et sur plusieurs années le financement de la SRC jusqu'à ce qu'il arrive à environ la moitié de ce que les autres pays développés investissent dans leurs radiodiffuseurs publics respectifs — nous suggérons 43,50 $ par habitant par année. Troisièmement, demander au CRTC de créer un fonds réservé à la programmation des services publics en matière d'information, dont les nouvelles locales. Quatrièmement, sur le plan de la gouvernance, abroger l'article 17 du projet de loi omnibus C-60, pour éliminer toute notion relative à l'intervention du gouvernement dans les affaires courantes de CBC/Radio-Canada en matière de nouvelles. Et cinquièmement, protéger l'indépendance de CBC/Radio-Canada en instaurant un processus public sans parti pris pour la sélection du président et des membres du conseil d'administration.

J'aimerais terminer par ce mot de Wade Rowland, professeur et auteur :

[Traduction] [...] le radiodiffuseur public n'est pas une entreprise dans le sens conventionnel. Il n'existe pas pour générer des profits ou pour réaliser des objectifs financiers, mais pour répondre à un besoin public [...]

Merci de votre patience et de votre temps. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Plett : Je ne suis pas vraiment certain de savoir par où commencer. Monsieur le président, vous avez loué le document que nous avons reçu, mais je suis convaincu que vous avez dit cela pour souligner la qualité de l'impression et l'emploi des couleurs. Vous n'avez certainement pas loué le document lui-même, puisque nos témoins semblent insinuer que le Parti conservateur intervient trop dans CBC/Radio-Canada. J'aurais tendance à penser que c'est Thomas Mulcair qui a rédigé ce document.

Aux témoins, soyez les bienvenus. Le gouvernement n'a pas d'argent. Nous devons comprendre quelque chose. Les gouvernements n'ont pas d'argent. Les gouvernements administrent l'argent des contribuables. Les gouvernements doivent vivre selon leurs moyens, et c'est ce que le gouvernement conservateur essaie de faire. D'autres avant lui ont aussi tenté de le faire à quelques occasions.

Vous nous dites « rendez-nous les 115 millions de dollars ». Je ne suis pas certain si je me risque à faire des observations ou à poser des questions à cet égard, mais qui devrait nommer les membres du conseil d'administration? Vous dites que le gouvernement devrait cesser d'intervenir dans les affaires de CBC/Radio-Canada, mais l'organisme est tout de même une société d'État. Le fonctionnement de CBC/Radio-Canada est financé par l'argent des contribuables. Qui devrait nommer les membres du conseil d'administration, le NPD en sa qualité de parti de l'opposition? Qui suggérez-vous?

Mme Smyth : Pour commencer, en ce qui concerne votre première observation, sachez que nous comprenons tout à fait le besoin de resserrer les budgets. Nous sommes des contribuables de la classe moyenne et nous devons équilibrer nos finances personnelles comme tout le monde, comme tous ceux et celles qui travaillent à CBC/Radio-Canada et probablement comme tout le monde ici présent.

CBC/Radio-Canada a le mandat d'offrir un bouquet particulier de services, à condition que ces services ne coûtent pas plus que les 29 $ par Canadien qu'elle reçoit sur une base annuelle. Tous les pays développés ont un diffuseur public, et nous sommes presque au deuxième avant-dernier rang en matière de financement. Nous croyons qu'il est possible de trouver des moyens de financer la sorte de services auxquels les Canadiens s'attendent.

En ce qui concerne la nomination du président et des membres du conseil d'administration, un comité multipartite — peut-être que certains d'entre vous y ont siégé, en 2008 — a recommandé la formation d'un sous-comité non aligné et multipartite dont le mandat serait de recommander la nomination de personnages publics canadiens de renom issus de tous les partis — du NPD, assurément, mais aussi du Parti conservateur et du Parti libéral. Ces personnes seraient choisies en fonction de leurs antécédents et de leur connaissance des médias et du monde des médias, et recommandées au premier ministre du moment, lequel décidera des nominations, comme cela se fait aujourd'hui.

Le sénateur Plett : Le premier ministre serait encore tenu de choisir les personnes qui seront nommées?

Mme Smyth : C'est exact. Ce que nous demandons ou proposons, c'est que le comité chargé de choisir les candidats soit composé de personnes de tous les partis et de différents horizons, ce qui ne manquera pas de plaire aux Canadiens et, probablement, à plusieurs d'entre vous.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas si ce serait mon cas, mais si le premier ministre reste l'ultime responsable des nominations, je ne suis pas certain que cette façon de procéder changera quoi que ce soit. Quelqu'un d'un autre parti a proposé que nous fassions cela pour nommer les sénateurs, mais je ne pense pas cela fonctionnera non plus.

En ce qui concerne les 43,50 $ par habitant par année, je suis un contribuable et je trouverais odieux que nous acquiescions à cette demande. Vous dites que nous traînons de la patte par rapport à d'autres pays développés. Je crois que le Canada doit être un leader, et je crois que c'est ce que nous sommes à cet égard. Nous n'avons pas besoin de prendre du retard par rapport aux autres pays.

Vous dites que le contenu allait être dilué et qu'il faudrait laisser tomber les sports. Je ne crois pas qu'ils ont abandonné Hockey Night In Canada. Je crois qu'une entreprise s'est présentée et qu'elle a offert plus pour obtenir les droits de diffusion. Cela dit, il est vrai que, pour ceux d'entre nous qui regardent CBC, c'est dommage, mais CBC ne diffusera plus Hockey Night In Canada. Cela représente des revenus énormes. Je vais quand même être en mesure de regarder l'équivalent, mais sur une autre chaîne. Mais je ne veux pas que mes impôts soient utilisés pour compenser le manque à gagner qu'a entraîné la perte de l'émission pour la CBC.

Mme Smyth : Je dois dire que les 5 milliards de dollars de cette proposition étaient un montant ahurissant de la part de Rogers. Vous avez raison, la CBC n'avait aucun espoir de conserver la diffusion du hockey. Ainsi va la vie, le progrès. L'argent n'occupe plus la même place qu'avant.

Pour en revenir au financement et à votre point sur le rôle de leader du Canada, la BBC, l'un des radiodiffuseurs les plus respectés au monde, l'Australian Broadcasting Corporation, la Deutsche Welle, en Allemagne, et NHK, au Japon, sont de formidables exemples de radiodiffuseurs publics de renom. Nous aimerions aussi que le Canada fasse partie de cette liste, qu'il crée des émissions innovatrices et riches sur le plan de la création que d'autres pays voudront se procurer, et qui pourront devenir des franchises. Cela pourrait arriver, mais pour que le Canada devienne un leader, comme vous le souhaitez, cela prend plus d'argent qu'auparavant.

J'aimerais que mon collègue vous raconte cette histoire qui ne prend qu'une minute au sujet de ce que nous coûte CBC/Radio-Canada. À l'heure actuelle, les Canadiens paient 29 $ chacun pour ces services. Nous ne croyons pas que 43 $ est un montant irréaliste, mais que 29 $ l'est, pour des raisons opposées.

M. Laurin : J'ai eu la chance de faire un bout de chemin — c'est une histoire personnelle — avec un jeune homme de 21 ans, alors qu'il venait d'entendre parler des restrictions budgétaires à CBC et de la perte de l'émission Hockey Night In Canada. Nous parlions des budgets et j'ai dit : « Qu'est-ce que tu penses de l'idée de payer pour la CBC, de payer 29 $? C'est ce qu'il en coûte par habitant. » Il m'a répondu : « Je peux me permettre 29 $ par mois. » Alors je lui ai dit : « Non, non, ce n'est pas 29 $ par mois, c'est 29 $ par année. » Il a été soufflé, interloqué au plus haut point. Et il a ajouté : « Ce qu'offre la CBC correspond donc à l'équivalent d'une caisse de bière. »

Je lui ai parlé des deux langues officielles, des huit langues autochtones réparties dans 54 collectivités à travers le pays. Je parle souvent de ces choses-là aux gens que je côtoie, et je leur dis que tout cela leur coûte, à l'heure actuelle, 29 $ par mois. Et je leur demande s'ils seraient prêts à mettre 5 ou 10 $ de plus. Et tous me répondent sans hésiter : « Bien sûr. Je n'ai rien contre cela. Vingt-neuf dollars, c'est ridicule. »

Les gens en général ne savent pas grand-chose de ce que fait CBC/Radio-Canada, de l'étendue de ses diffusions et de tous les services qu'elle offre à l'échelle du pays, dans toutes les provinces et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Pour ce qui est des sports, sénateur Plett, je vais paraphraser Bob Elliott, du Groupe le Sport est important, un collectif composé de plus de 60 organismes nationaux et attachés à différents sports, dont le Comité olympique canadien, le Comité paralympique canadien, À nous le podium, le Conseil des jeux du Canada, les Jeux du Commonwealth Canada, Natation Canada, Sport interuniversitaire canadien et d'autres. M. Elliott a dit :

Si CBC/Radio-Canada cesse de diffuser les événements sportifs amateurs à la télévision...

En essence, c'est ce que CBC/Radio-Canada a dit. La société a dit qu'elle cesserait de couvrir les sports amateurs à moins que ce ne soit en partenariat. Elle ne dépensera plus un sou pour la couverture des sports sans ententes partenariales. Et il poursuit :

... l'incidence financière sur la communauté sportive du Canada sera importante. Il est prouvé que la couverture télévisée des événements sportifs amateurs a un effet d'entraînement sur la participation future et le succès des athlètes canadiens.

En fin de compte, nous risquons de compromettre le succès du Canada en tant que nation sportive, ce pour quoi nous avons tous, y compris la SRC, travaillé très fort, en particulier ces dernières années.

Mme Umurungi : Si je puis me permettre d'intervenir, c'est ce que faisait valoir le Groupe le sport est important dans une lettre adressée au président de la SRC, Hubert Lacroix.

M. Laurin : Pour conclure, CBC a diffusé l'émission Hockey Night In Canada, ce qui ne lui a rien rapporté, ou très peu. La société a équilibré son budget. Vous avez raison, elle ne pouvait pas dépenser d'argent pour le sport professionnel et s'est alors rabattue sur l'émission Hockey Night In Canada pour faire la différence et l'utiliser dans ce qu'on appelle dans la publicité comme « effet de halo ».

Mais ces coupures et la réduction constante du budget de Radio-Canada qui est désormais ramené à 29 $ par Canadien, forcent la société à prendre la décision de renoncer à certains types de programmes qu'elle diffusait et qui, à notre avis, étaient à l'avantage du public. Elle ne le fait plus, car elle ne peut plus se le permettre.

Le sénateur Plett : Me permettez-vous de poser une autre question?

Je ne vais pas débattre de la question de savoir si cette personne pouvait se permettre de dépenser 29 $ par an. En ce qui me concerne, je peux probablement le faire. J'espère en effet que je peux me permettre d'acheter une caisse de bière. Mais si j'achète une caisse de bière, c'est parce que j'en ai envie. En l'occurrence, nous parlons d'un impôt. C'est comme si quelqu'un me disait : « Vous allez payer 29 $ par an pour quelque chose que vous ne voulez pas nécessairement ».

Écoutez, je le répète à presque toutes les audiences que nous avons : je regarde les émissions The National et Power &Politics. Je regarde la CBC à certains moments de la journée. Je regarde l'émission Dragons' Den — mais je le fais parce que cela m'intéresse. Si je devais payer un supplément, je m'abonnerais à Netflix pour 7,80 $ par mois, ou quelque chose comme cela. Vous allez me dire que 29 $ par an, c'est une goutte dans l'océan, mais avec toutes ces gouttes mises ensemble, le seau se remplit. Que ce soit 29 $ par an ou 43 $ par an, il s'agit d'un impôt.

Dernière question pour ce tour, vous m'avez parlé de la façon dont vous aimeriez qu'on choisisse le conseil d'administration. Nous pourrions ne pas être d'accord sur la question de savoir si cela fonctionnera. Mais vous dites que le gouvernement ne devrait pas intervenir dans les affaires de la société.

Encore une fois, ces sociétés administrent mon argent et me disent : « Don Plett, vous allez payer un montant supplémentaire de 29 $ par an, qui disparaîtra dans un grand trou noir, et on ne vérifiera pas la façon dont on s'en sert ». Je vais payer des impôts destinés à la SRC. Qui donc devrait se mêler des opérations de la SRC, si ce n'est pas le gouvernement?

Mme Smyth : Je vous dirais deux choses à ce sujet. Premièrement, la plupart d'entre vous n'utilisent certainement pas les services de garderie. En ce qui me concerne, je ne le fais pas puisque je n'ai pas d'enfant. Je n'ai pas d'enfant à éduquer, mais je suis heureuse de financer des services publics de garderie et un système d'enseignement public extraordinaire. De la même façon, je n'utilise pas souvent le transport en commun, mais je suis heureuse de le financer parce qu'il fait de Toronto un endroit idéal où vivre. Ottawa a également un bon système de transport en commun.

Ce que je veux dire, c'est que la collectivité contribue quelquefois financièrement au bien commun. Je ne vois pas nécessairement cela comme un impôt. Il y a bien des choses dont je ne me sers pas personnellement, mais qui font du Canada un pays généreux, tolérant et uni, où les gens ont des intérêts communs. Je suis tout à fait prête à appuyer cela, tout comme de nombreux Canadiens, à mon avis.

Deuxièmement, concernant l'intervention, ou même la participation, si vous préférez, dans les affaires du diffuseur public, la SRC est le plus grand organisme journalistique du pays et à ce titre, elle doit être perçue comme indépendante. La perception d'un contrôle gouvernemental plus étroit — que ce soit de la part du NPD, des libéraux ou, aujourd'hui, de la part des conservateurs — même si ce contrôle n'affecte pas le contenu des nouvelles, la perception est la réalité. N'ayons pas peur de le dire. Si on a l'impression que le gouvernement contrôle le budget et qu'il y aura moins d'argent pour le journalisme d'investigation parce qu'on ne veut pas que telle ou telle histoire fasse les manchettes, c'est une perception, mais c'est peut-être aussi la réalité.

Cela nous nuit, cela nuit au journalisme et même, dirais-je, au gouvernement, qui ne voudrait pas qu'on pense qu'il a une influence indue sur la presse. Je suis sûr qu'il ne souhaite pas cela. Nous ne le voulons pas. Que les règles soient claires, pour que tout le monde sache que ce n'est pas possible et que cela n'arrivera jamais.

Le sénateur Plett : Tous les gouvernements que j'ai jamais vus, le nôtre aujourd'hui, celui de mes collègues avant nous, avaient le sentiment d'être maltraités par la SRC. Je ne pense pas que nous susciterons la moindre sympathie pour contrôler les nouvelles à la SRC, parce que, ce faisant, nous laisserions entendre que les autres partis contrôlent la société et que, s'ils gouvernaient, ils diraient probablement que nous le faisions.

Mme Smyth : Justement, parce que c'est toujours le cas lorsqu'on est au pouvoir, ont fait l'objet de critiques et lorsque l'autre parti...

Le sénateur Plett : Ils pensent qu'ils représentent l'opposition officielle.

Mme Smyth : C'est bien la preuve que la presse est juste. Elle vise quiconque est au pouvoir.

Mme Umurungi : Brièvement, il est important de reconnaître que la SRC rend compte au Parlement et à toutes sortes d'organismes pour que nous sachions comment l'argent est dépensé, et cetera. Le projet de loi C-60 comportait un critère supplémentaire à propos d'une personne nommée par le gouvernement à la table de négociation pour discuter de ce qui constitue une nouvelle, les priorités de dépenses, et les affectations. C'est ce à quoi nous nous opposions, et ce à quoi nous nous opposons toujours.

Nous ne nous sommes jamais opposés à ce que la SRC rende des comptes sur la façon dont elle utilise le budget et nous croyons qu'il y a de nombreux mécanismes dont elle se sert à cette fin. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Nous parlons d'un agent qui serait présent lorsque nous discutons de ce que nous considérons comme des nouvelles et de la façon de les rapporter.

Le président : Au moyen du document approprié, vous pourriez avoir d'excellentes questions de la part des sénateurs. Je reconnais que le document est clair. Il a suscité des questions et il en suscitera encore.

Le sénateur Eggleton : En ce qui me concerne, nous discutons d'un diffuseur public et non pas d'un diffuseur gouvernemental. Nous ne sommes pas dans une dictature; nous ne sommes pas la Russie de Vladimir Poutine. Nous sommes au Canada. Malheureusement, notre diffuseur public est largement sous financé. Dans d'autres pays, il est financé en moyenne à hauteur de 87 $ par an...

Le sénateur Plett : C'est vous qui avez effectué les plus larges compressions jamais vues à la SRC.

Le sénateur Eggleton : Eh bien je pense que c'est très regrettable. Nous devons nous assurer que le diffuseur public ait suffisamment d'argent pour pouvoir offrir le service nécessaire, c'est-à-dire le service que veulent les Canadiens.

Essayer d'obtenir de ce gouvernement qu'il revienne sur ces coupures, cela ne sert à rien. Il ne le fera jamais.

Le sénateur Plett : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Dans un an, il y aura un nouveau gouvernement.

De toute façon, la BBC fonctionne selon un système différent. Elle a depuis longtemps un type d'émissions payantes et ce système pourrait ne pas convenir ici. Mais c'est un exemple de financement alternatif, autrement dit d'un financement qui ne provient pas du budget annuel qui est soumis aux aléas des décisions que prend chaque année le gouvernement.

Une autre possibilité a été avancée par Barry Kiefl, je crois, qui proposait l'imposition d'une taxe de 7 p. 100 à toutes les entreprises du secteur des communications, des entreprises du secteur privé, qui rapporterait énormément d'argent à la fois pour la SRC, de même que pour la création de programmes à contenu canadien à la SRC et dans les réseaux privés.

Est-ce que vous trouvez l'une de ces deux possibilités intéressantes? Pensez-vous qu'elles soient faisables? Y aurait-il un autre modèle qui nous permettrait de sortir du cadre budgétaire du gouvernement, quel qu'il soit, libéral ou conservateur, et qui nous permettrait d'avoir un financement annuel fiable?

Mme Smyth : C'est une excellente idée et un grand sujet que l'on pourrait soumettre à une commission de savants, si le Sénat voulait en mettre une sur pied. Nous pensons certainement que c'est une bonne idée.

Le système britannique — qui n'est pas parfait, mais qui n'en reste pas moins tout à fait admirable malgré ses défauts — comporte une taxe sur les téléviseurs ou, probablement aujourd'hui, sur tout type de plateforme de diffusion. Ainsi, un pourcentage de ce que vous achetez est automatiquement versé au budget de la BBC. Ce modèle a été mis en place depuis longtemps.

Pourrions-nous adopter semblable mesure? Pourquoi pas. Il faudrait en étudier les ramifications. Est-ce que les consommateurs l'accepteraient? Lorsque la BBC a commencé il y a de nombreuses années, les gens s'en sont accommodés parce que cela faisait partie d'une coutume qui existait depuis des décennies.

Au Canada, on partirait de zéro, ce qui présenterait une série différente de problèmes parce que les temps sont durs et il serait... Il faudrait examiner attentivement la façon de mettre en œuvre une telle initiative. Toutefois, nous ne nous opposerions pas à une telle étude, si un comité s'en chargeait.

Les entreprises de diffusion de radiodiffusion financent par exemple la création d'un contenu canadien et, de concert avec le Fonds des médias du Canada — que certains d'entre vous connaissent probablement — versent un pourcentage de leurs redevances à cette fin. Nous pensons que c'est un modèle excellent. Oui, il pourrait y avoir d'autres modèles du genre qui garantiraient la création et le financement d'un contenu canadien. Faute d'un tel modèle, nous aurons moins d'émissions canadiennes et davantage d'émissions américaines. Nous sommes donc en faveur d'un tel modèle.

Je vais demander à Marc de vous parler de la vente aux enchères du spectre. Je le redis, cette mesure n'est pas fiable, mais elle pourrait offrir un montant d'argent utile.

M. Laurin : L'an dernier, le gouvernement a vendu aux enchères — et il le refera cette année — une bande de fréquences de 700 MHz, ce qui lui a permis de récolter 5,3 milliards de dollars. Comme il s'agit d'« ondes publiques », nous nous demandons si certains de ces fonds ne devraient pas être utilisés pour financer les radiodiffuseurs publics.

D'autres bandes seront mises en vente. La dernière fois qu'il y a eu une telle vente aux États-Unis, cela a rapporté 10 milliards de dollars. Ces achats sont faits par des entreprises, des entreprises de télécommunications, qui s'en servent pour faire de l'argent, mais il s'agit d'« ondes publiques ». Pourquoi donc ne pas recanaliser une partie de cet argent?

Vous avez raison, un modèle à financement renouvelé serait logique pour un diffuseur public. En d'autres termes, l'argent est recueilli d'une certaine façon et remis au diffuseur public. Ce modèle serait juste. Il serait stable et s'agrandirait en fonction de l'augmentation de la population.

Le modèle actuel est soumis aux aléas de l'économie et aux décisions que prennent les gouvernements qui se succèdent. En attendant, je peux vous dire que les gens que nous représentons à la SRC regardent autour d'eux. Ils ne s'arrêtent plus pour déjeuner, ils ne font plus de pause à cause de tout ce qu'ils ont à faire. Je dois vous le dire, pour les gens que je représente, leur travail au sein du diffuseur public est pratiquement une vocation. Ils y croient, ils croient dans l'intérêt public, ils croient dans la radiodiffusion publique. Et je peux vous le dire, car j'ai moi-même travaillé pendant 35 ans à la radio. Nous essayons d'offrir chaque jour les meilleures émissions et les meilleures nouvelles pour le public canadien, les citoyens de ce pays.

Nous aimerions examiner avec vous n'importe quelle formule, n'importe quel modèle et vous dire ce que nous en pensons. Si un comité était mis sur pied à cette fin, nous aimerions beaucoup y prendre part.

Mme Umurungi : Nous avons toujours plaidé en faveur d'un financement pluriannuel stable et adéquat pour le diffuseur public canadien.

Le sénateur Eggleton : De toute façon, il s'agit d'une source de revenus qu'il faut examiner de plus près.

En cédant l'émission Hockey Night In Canada à Rogers, la CBC a perdu une bonne part de sa publicité. Pourtant, un témoin a affirmé que cela ne rapportait pas beaucoup d'argent à la société et que cela couvrait à peine les frais liés à cette recherche de revenus.

Ne vaudrait-il pas mieux que la société renonce carrément à la publicité, si cette dernière ne change pas grand-chose à ses résultats financiers? Il y a aussi le principe à respecter selon lequel un diffuseur public, qui est financé par l'État, ne doit pas concurrencer le secteur privé et doit laisser ce dernier faire ce genre de choses.

Mme Smyth : Lorsque l'on envisageait la création de la SRC, la publicité ne faisait pas partie de l'équation. Au fil des ans, il y a eu davantage de publicité et je suppose que la SRC a été obligée d'y recourir dans une certaine mesure.

Nous sommes d'avis qu'il vaudrait mieux pour nous, pour de nombreuses raisons, et même pour des raisons de programmation — afin d'avoir toute latitude pour le choix des émissions à diffuser —, de ne pas avoir à compter sur la publicité, mais sur un financement adéquat de la part du gouvernement.

Nous aurions ainsi la liberté de présenter des spectacles qui ne sont pas nécessairement populaires partout, et d'offrir des programmes en français ailleurs qu'au Québec. Nous ne ferons jamais d'argent en diffusant des programmes en français en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, mais la SRC a comme mandat de le faire et c'est ce qu'elle fait, même si cela ne lui rapporte rien.

Cela ne rapporte rien d'avoir des stations dans les collectivités isolées du Nord et dans les régions rurales, mais cela fait partie du mandat de la SRC, et donc elle le fait. Mais aucune société commerciale ne s'aventurerait dans une telle aventure, qui n'offre aucune rentabilité. À moins que les choses ne changent, nous resterons tributaires d'un financement provenant majoritairement du gouvernement. Je ne pense pas que la publicité n'arrive jamais à régler les problèmes de la SRC. Voulez-vous ajouter quelque chose, Marc?

M. Laurin : Lors d'une conférence tenue à McGill en 2005, quelqu'un avait posé à Robert Rabinovitch une question sur le financement de la SRC. Celui-ci avait répondu qu'à sa connaissance la SRC n'avait pas eu un centime d'augmentation de son budget de programmation depuis 25 ans. Trente-quatre ans après aujourd'hui, le budget de la SRC destiné à la programmation n'a toujours pas été augmenté.

Son budget d'immobilisations a été augmenté à des fins diverses. La SRC vend aujourd'hui de nombreux biens fonciers pour pouvoir joindre les deux bouts; elle travaille maintenant dans le secteur de la location. Je veux dire par là qu'elle loue désormais de nombreuses propriétés qu'elle a vendues, ce qui lui permet d'économiser dans les frais d'entretien.

La SRC prend de nombreuses décisions pour essayer de se maintenir à flot, mais je peux vous dire qu'aujourd'hui, le bateau fuit de toutes parts et s'enfonce. La SRC est désormais l'ombre de ce qu'elle était, à savoir un grand diffuseur public international. Aujourd'hui, elle ne fait plus que s'accrocher à ce passé.

Aujourd'hui, on rediffuse les mêmes émissions à la radio. Pendant les 20 premières années que j'y ai travaillé, il n'y avait jamais de reprise à la radio. Aujourd'hui, on rediffuse les mêmes émissions à la radio et à la télévision. La SRC compte désormais sur les reprises.

Je n'ai rien contre les reprises. Si je rate une émission le samedi matin à 11 heures et que je peux la visionner le mardi soir à 22 heures ou le jeudi après-midi à 14 heures, alors c'est correct. Le hic, c'est qu'il y a de plus en plus de reprises. Où est la programmation originale que CBC/Radio-Canada a pour mandat de produire?

[Français]

La sénatrice Verner : Comme mon collègue, je ne sais pas par quel bout prendre cela. Selon de récents sondages, le taux de satisfaction de la clientèle — et je comprends bien que vous ne représentez pas les journalistes du Québec ni ceux du Nouveau-Brunswick — n'est pas très élevé. Depuis le début de l'étude, on a constaté que cela concerne autant la CBC que Radio-Canada. Le taux de satisfaction des Canadiens n'est pas très élevé à l'égard de la programmation de la CBC et de Radio-Canada.

Compte tenu de la multiplication des chaînes de télévision qui sont disponibles et de la multiplication des plateformes sur lesquelles nous pouvons écouter nos émissions d'intérêt préférées, comment pourrait-on convaincre les Canadiens et les Québécois, à une époque où les taxes augmentent, pour leur présenter une demande comme celle-là? Il faudrait être culotté pour leur présenter une demande comme celle-là, étant donné qu'aucun nouveau modèle n'est proposé. À titre d'exemple, hier, on a reçu madame Marie-Linda Lord, une ancienne journaliste qui a travaillé à Radio-Canada pendant 10 ans, qui enseigne et qui est à la tête de TV5 Canada-France. Cette dame a beaucoup d'expertise. Elle me disait que, en tant qu'Acadienne, même si Radio-Canada diffusait des émissions au Nouveau- Brunswick, elle ne se sentait pas Canadienne. Selon elle, le contenu est typiquement montréalais. Elle aimerait avoir un contenu qui s'adresse davantage à elle en tant que Canadienne, par exemple, obtenir des nouvelles de la communauté francophone de la Colombie-Britannique, de l'Alberta ou du Manitoba. Bref, elle remettait en question davantage les façons de faire que le budget. Si ma mémoire est exacte, elle a affirmé qu'il ne s'agit pas d'une question de financement, mais qu'il faut plutôt effectuer une transformation profonde en fonction des changements technologiques survenus au cours des dernières années. À mon avis, cela s'applique autant à Radio-Canada qu'à la CBC. J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

Mme Smyth : C'est vrai. De toute manière, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde, n'est-ce pas?

CBC et Radio-Canada ont de multiples bureaux dans chaque province de l'Est. De tous les réseaux, c'est le diffuseur public qui dessert le mieux les régions, et de loin. Il n'y a pas de comparaison. Il est vrai qu'une partie, voire la majorité, de la programmation provient de Montréal, parce que la plupart des employés se trouvent à Montréal et à Québec — c'est là que se concentrent le personnel et l'expertise —, mais ils remplissent les créneaux tous les jours, 24 heures sur 24. On aura beau remanier la structure, une grande partie des émissions viendrait quand même de là.

Cela dit, il y a encore beaucoup de programmation locale et en français, parce qu'on compte plusieurs salles de nouvelles francophones à Moncton et à Fredericton. Je ne suis donc pas convaincue lorsque l'intervenante affirme qu'on ne produit rien dans cette région. J'ai des doutes là-dessus, mais il se peut que les émissions qu'elle préfère ne soient pas produites là-bas.

CBC/Radio-Canada a des unités francophones dans presque chaque province. Personne d'autre ne ferait cela. Alors, dans l'ensemble, le service n'est peut-être pas parfait, mais c'est certainement mieux qu'avant.

Grâce à RDI, la programmation francophone est disponible partout au pays, mais je pense que dans la foulée des récentes compressions, le réseau commence à diminuer certains de ses services. Vous pourriez peut-être en parler, monsieur Laurin.

[Français]

M. Laurin : Premièrement, pour plus de clarté, nous représentons tous les employés de Radio-Canada et de la CBC à l'extérieur de la province de Québec. Vous avez mentionné Québec et la station de Moncton, qui font partie d'autres syndicats. Je vais tenter de répondre à votre question.

Je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre pourquoi l'intervenante n'était pas satisfaite, mais si je comprends bien ce que vous avez dit, on entend ce même refrain dans d'autres régions ou d'autres communautés partout au pays, surtout en ce qui concerne Radio-Canada, où on entend parler de Montréal, mais pas de chez nous, en région, à Fort Qu'Appelle ou à St. Paul — Leduc et à Bonnyville, en Alberta. Pour desservir ces communautés, il faut de l'argent. Cela nécessite un financement. Quand on se retrouve avec un diffuseur public à bout de souffle et qui frotte ses sous ensemble pour essayer de maintenir ses services, il n'a d'autre choix que de les réduire.

À un moment donné, il y avait des équipes de cinq ou six personnes qui faisaient une émission. Maintenant, on est rendu à deux personnes et, parfois, à une seule personne pour faire l'émission. On essaie de maintenir la programmation en ondes, mais il y a moins de gens, donc moins de couverture. S'il y a moins de couverture, les gens en région sont moins représentés. Le calcul n'est pas difficile à faire. Il y a des liens à établir entre ces éléments.

En 2007-2008 — on parle du rapport du Comité permanent du patrimoine canadien —, lors des représentations de Radio-Canada — que, d'ailleurs, nous avions appuyé à ce moment-là — qui avait présenté un mémoire, on parlait d'un contrat social avec le public canadien. C'est pour répondre à votre question, à savoir de quelle façon peut-on aller chercher l'information, refaire et rebâtir. Il y avait eu la suggestion d'un contrat social avec le public canadien; des gens se rassembleraient et Radio-Canada les rencontrerait. Ensuite, un contrat serait élaboré, à savoir ce que Radio-Canada fournirait et comment ce serait fait pendant les 10 prochaines années. Par la suite, le gouvernement accorderait une enveloppe au diffuseur public afin qu'il puisse remplir son mandat. C'est une suggestion qui avait été faite à ce moment-là. Certaines personnes ont suggéré d'autres modèles, mais je veux rappeler que ces discussions sur le diffuseur public perdurent depuis des années. Comment peut-il mieux servir les gens dans leur région et servir moins les autres; à un moment donné, la caisse est petite et il y a seulement tant d'argent à disperser à travers le pays.

La sénatrice Verner : Je voulais apporter une nuance. Je ne voulais pas traiter des communautés en situation minoritaire à travers le pays. Cependant, Mme Lord donnait cet exemple, et elle est allée jusqu'à dire que les Canadiens ailleurs au pays pourraient probablement dire que le contenu est plus torontois, par exemple.

M. Laurin : On entend ces propos de temps en temps.

La sénatrice Verner : J'essaie de comprendre. Vous dites que vos équipes comprenaient auparavant cinq ou six personnes et que maintenant elles sont réduites à deux. Au privé, n'est-ce pas de cette façon que cela fonctionne? Qu'est-ce que vous répondez à cela? On entend souvent, lors de points de presse, des journalistes dire qu'ils s'organisent avec les moyens du bord et qu'ils sont seuls, et cetera. Puis, on voit Radio-Canada et la CBC arriver avec leurs gros camions et leurs nombreuses équipes. Je vois des collègues hocher de la tête.

M. Laurin : C'est peut-être vrai.

La sénatrice Verner : Cela fait que, à ce moment-là, c'est difficile à entendre pour le contribuable, lorsque l'argent est rare et durement gagné, et Dieu sait que c'est difficile pour le Canadien moyen de mettre un peu d'argent de côté.

De dire qu'on ne propose pas de nouveau modèle, mais qu'on nous assure qu'on va offrir davantage de services si on débourse plus d'argent ne suffit pas. Je crois qu'il faudra faire preuve d'un peu plus de créativité à l'aube de 2015, avec des plateformes qui sont différentes et accessibles à tous. J'aurais aimé entendre d'autres propositions que simplement des questions d'argent.

M. Laurin : Je ne veux ni défendre ni parler contre la SRC. Toutefois, CBC/Radio-Canada a pris certaines décisions, au cours des dernières années. On ouvre maintenant des stations numériques sans émetteur ni télévision. On le fait sur le Web. Hamilton est l'une de ces stations. On attend de mesurer l'impact de ces stations. CBC/Radio-Canada essaie de desservir les gens de ces régions.

On élimine les coûts liés aux émetteurs et aux studios. Cependant, il faut encore faire la couverture et être dans le milieu où se trouvent les gens afin que ceux-ci puissent se voir et entendre leurs histoires. Pour ce faire, il faut l'infrastructure technique, mais aussi du personnel sur place. C'est l'enjeu dans lequel se trouve le diffuseur public. Il faut faire la différence entre les deux.

En même temps, la plus grande partie du budget du diffuseur public est dépensée pour le personnel de production. Au fur et à mesure que le budget diminue, c'est le personnel qui en souffre. L'infrastructure demeure, mais de moins en moins de gens font la couverture, la production d'émissions et la programmation originale. C'est ce qui est malheureux, et c'est ce que nous essayons de faire comprendre.

À notre avis, le diffuseur public va en diminuant, encore et encore. On essaie de plaider notre cause pour le diffuseur public et faire comprendre à ceux qui nous écoutent à quel point le diffuseur public est important pour un pays démocratique. On doit tout aux Canadiens et aux citoyens de ce pays.

Mme Umurungi : C'est un bien commun. Ce n'est pas perçu comme une taxe personnelle. Nous tous avons décidé de nous doter d'un service que nous pensons important pour nous. Par exemple, les gens vous disent qu'ils veulent se voir dans leur région. C'est ce qu'on essaie justement de faire. Comme le disait mon collègue, il faut des investissements et des ressources pour ce faire. C'est un bien commun que l'on s'est donné.

On peut, bien sûr, discuter du niveau. Dans le cadre de notre réflexion, nous avons examiné les investissements que font les autres pays à travers le monde en faveur de leur diffuseur public. Nous avons examiné ce qui a été proposé par le comité du patrimoine en 2008. On parlait de 40 $ par personne. M. Manera avait comparu devant vous et avait parlé d'une contribution de 50 $ par personne pour que Radio-Canada puisse faire ce qu'elle a à faire. Alors, nous nous sommes dit que nous proposions une augmentation pour permettre de rendre ce service, qui est si important pour nous tous comme citoyens, à l'échelle du pays, dans les deux langues officielles et en huit langues autochtones. Vous en avez déjà entendu parler, mais il est vraiment important de voir les choses ainsi.

Il ne s'agit pas d'un simple service dont je me dote. Vous pouvez aller sur Netflix pour regarder quelque chose. Toutefois, peut-être que vous ne retrouverez pas cette programmation canadienne dont on parle aux quatre coins du pays. C'est l'intérêt du public, d'abord et avant tout, qui guidera ces décisions. Voilà la différence avec le secteur privé.

Le secteur privé fait, bien sûr, un bon travail dans plusieurs domaines. Cependant, on n'a pas les mêmes objectifs ni les mêmes buts. Le diffuseur public travaille dans l'intérêt du public, à l'échelle du pays. Il tente, autant que possible, de nous représenter les uns aux autres et de donner le point de vue canadien. C'est un mandat que nous estimons très important. Nous disons qu'il est important de le financer adéquatement.

Le président : Quatre sénateurs ont des questions à poser. Si on veut que les questions et réponses soient plus courtes, je vous demanderais un peu de retenue.

M. Laurin : Revenons à la question de Radio-Canada qui se présente avec cinq, six, sept, huit, neuf ou dix personnes. Il y a 20 ans, c'était peut-être vrai. Radio-Canada arrivait avec plusieurs équipes, parce que plusieurs émissions faisaient la couverture du même sujet. Or, ce n'est plus le cas. Dans mon rôle, à CBC/Radio-Canada, je donnais de la formation aux journalistes pour leur montrer comment s'auto-opérer. Maintenant, les VJ arrivent sur place avec leur caméra et un enregistreur audio pour faire des clips pour la radio. En même temps, ils font du Twitter et, au retour, ils font du Web. Les gens font tout. Ils se fendent en quatre pour tout faire, maintenant, pour le diffuseur public.

Ce dont vous parlez, ce sont de vieilles histoires et cela n'existe plus.

Le sénateur Dagenais : Je ne siège pas habituellement à ce comité. C'est la première fois que je le fais. Je trouve la discussion très intéressante. Je ne m'attendais pas à entendre des gens de Radio-Canada.

Tout est une question de perception. Je vais vous raconter un fait vécu. Dans le cadre de mon autre carrière, j'ai donné souvent des entrevues à Montréal, à TVA et à Radio-Canada. Un jour, on m'a convoqué pour donner une entrevue à TVA et on m'a dit qu'il serait bon que j'en accorde une aussi à Radio-Canada. Cela tombait bien, car, si vous connaissez le secteur, les deux stations sont au centre-ville, on n'a qu'à traverser le boulevard René-Lévesque.

Je suis arrivé à TVA, dans un tout petit stationnement. C'était un bâtiment d'une vingtaine d'étages. Je suis entré dans un petit hall d'entrée et me suis adressé au gardien. Je lui ai dit que j'avais une entrevue à faire à LCN et les studios sont dans le même édifice. Il m'a répondu : « Parfait, monsieur. Prenez l'ascenseur et allez au dixième. »

Je me rends au dixième étage, je trouve l'endroit, je m'assois sur un petit tabouret et j'attends. À un moment donné, on me fait signe, on fixe un micro et on commence l'entrevue.

Je vais ensuite à Radio-Canada et les choses ne sont plus les mêmes. J'arrive devant une belle grande tour — la tour de Radio-Canada est quand même très belle. Il y a un grand hall d'entrée. Le gardien m'accueille. Je lui dis que je dois faire l'émission de Patrice Roy à 18 heures. Il me répond : « Parfait, monsieur. On va venir vous chercher. »

On vient alors me chercher et on me dit : « On va vous poudrer un peu, parce que vous n'avez pas beaucoup de cheveux, et si votre profil luit trop, à la télévision, vous aurez l'air d'une boule de quille. » J'avais trouvé ça drôle. Puis, on m'amène au maquillage.

Je raconte cette histoire, parce que j'entends depuis tout à l'heure qu'il n'y a pas de sous à Radio-Canada.

Je me rends à la salle de maquillage, il y a trois ou quatre maquilleuses. Évidemment, on n'arrive pas tous en même temps. On me maquille, puis on m'invite à m'asseoir dans un beau salon avec un écran de télévision. On vient me porter un verre d'eau. Puis, quelqu'un d'autre vient me chercher pour m'amener dans le studio de nouvelles de Radio- Canada — que vous aurez sûrement vu à la télévision — qui a l'air de sortir d'une autre planète : très moderne. Je m'arrête un moment et me dis que c'est bien différent de ce que j'ai vu à TVA. Je fais l'entrevue, puis on vient me reconduire.

J'ai eu l'impression d'être passé d'une chambre dans un Quality Inn, qui est quand même confortable, à un Sheraton cinq étoiles. Cette expérience ne date pas d'il y a si longtemps. D'ailleurs, je donne encore des entrevues, et c'est toujours la même chose.

Or, je vous entends dire que les budgets de Radio-Canada ont été coupés — et je vous crois, car je le constate. Toutefois, je ne le sens pas quand j'entre dans cette belle grande tour. Il y a peut-être moins de monde, mais il y en a encore beaucoup.

Vous m'expliquez la différence entre un télédiffuseur privé — mais qui a d'autres studios ailleurs — et ce que j'ai vu. C'est une question de perception. Ce que j'ai perçu, c'est qu'il y a un budget là-dedans.

C'est tout ce que j'avais à dire. Ce n'est pas une question, mais un commentaire.

Le président : Aimeriez-vous commenter le commentaire?

[Traduction]

Mme Smyth : J'espère que cela ne vous a pas trop dérangé de vous faire poudrer. Certaines personnes aiment ça; en fait, certains hommes y tiennent.

C'est vrai. Vous avez entendu Marc-Philippe dire que CBC/Radio-Canada procède à la vente et à la location de ses propriétés et, souvent, à la réduction de ses effectifs. Certaines des choses auxquelles vous faites allusion sont déjà en train de se produire.

La semaine dernière, nous sommes allés visiter une station de CBC/Radio-Canada à Ottawa, et le nombre de bureaux vides sautait aux yeux. C'est la même chose à Toronto, où des étages entiers sont presque vides. Les bureaux sont là, mais il n'y a personne. Ce que nous trouvons déplorable — et vous en conviendrez peut-être —, c'est que l'effectif a déjà été considérablement réduit. Si on a l'impression qu'il y a plus de personnel, plus de gens qui travaillent dans l'industrie, je dirais que c'est bien souvent parce que CBC/Radio-Canada a beaucoup d'émissions en production; c'est l'une des raisons pour lesquelles on y trouve plus de gens, contrairement aux diffuseurs privés qui ont tendance à diffuser des émissions américaines. Ils les achètent, mais ne les créent pas, ce qui explique pourquoi il n'y a pas grand monde sur les lieux.

Voici où je veux en venir : oui, c'était peut-être le cas il y a des années quand CBC/Radio-Canada avait plus d'employés, mais c'est un environnement tout à fait différent maintenant. Par exemple, on assiste à la disparition de toutes sortes de catégories d'emplois. Il n'y a plus de spécialiste audio qui se déplace avec l'équipe pour enregistrer les sons. Comme Marc l'a dit, c'est maintenant le caméraman qui enregistre l'audio, filme le clip et enfile la bande; parfois, il s'occupe aussi du découpage, du montage et même du reportage et de la production.

De nos jours, un correspondant à l'étranger doit faire son reportage en anglais et en français. Il doit s'occuper du tournage, du montage, de la diffusion à la radio et à la télévision, de la publication en ligne et de toute diffusion en direct. Avant, il y avait trois ou quatre personnes. Maintenant, il n'y en a qu'une seule. Si on n'a pas ces compétences, on n'obtiendra pas le poste.

D'autres emplois subissent le même sort. Les monteurs constituent une espèce en voie de disparition, car de nos jours, ce sont les journalistes qui doivent assurer eux-mêmes le montage de leurs reportages. Cela n'aurait jamais été possible il y a cinq ans. Maintenant, tout est numérique. Bref, certains des changements dont vous parlez se produisent déjà à la vitesse de l'éclair.

M. Laurin : Vous avez raison, c'est efficace, mais chaque fois qu'on apporte un changement, il y a un prix à payer sur le plan de l'efficacité. Si un journaliste fait lui-même le montage de ses reportages, alors il n'aura pas le temps de chercher son prochain sujet, comme c'était le cas auparavant. En effet, pendant que le monteur faisait son travail, le journaliste pouvait mener une nouvelle enquête — autrement dit, fournir plus de reportages aux Canadiens et aller creuser d'autres sujets. Toutefois, de nos jours, les journalistes assurent eux-mêmes le montage de leurs reportages, l'enregistrement audio et tout le reste. C'est ce qui explique pourquoi on crée moins de contenu qu'avant.

CBC/Radio-Canada prend des décisions de ce genre depuis maintenant une dizaine d'années, sinon plus. Les emplois sont en mutation constante. D'ailleurs, certaines classifications d'emploi ont complètement disparu. Beaucoup de journalistes et d'animateurs partout au pays...

[Français]

Sénateur Dagenais, ils se poudrent eux-mêmes, maintenant; personne n'est là pour les poudrer.

Le sénateur Dagenais : J'y suis allé il y a 15 jours, et M. Durivage ne se poudrait pas lui-même.

M. Laurin : C'est peut-être encore le cas dans les stations principales comme Toronto et Montréal. Je reçois des plaintes de partout au pays de gens qui doivent se maquiller eux-mêmes et ils ne se trouvent pas très bons.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Merci d'être des nôtres ce soir. Je voudrais revenir sur les propos du sénateur et sur ce que vous avez dit au sujet du dessaisissement et de la location de propriétés.

Contrairement à la plupart des institutions gouvernementales, CBC/Radio-Canada compte essentiellement trois sièges sociaux : un à Toronto, un à Montréal et un autre à Ottawa. Il est donc normal, me semble-t-il, de voir beaucoup de redondances, de chevauchements et de dépenses inutiles lorsqu'il y a trois organisations.

CBC/Radio-Canada a-t-elle envisagé de regrouper ces trois bureaux en un seul siège social à Ottawa et de transformer ceux de Montréal et de Toronto en stations régionales?

Mme Smyth : Selon moi, aucun politicien n'accepterait d'éliminer quelque chose à Montréal pour le transplanter à Toronto.

Le sénateur MacDonald : Ce n'est pas l'avis des politiciens qui m'intéresse, mais le vôtre.

M. Laurin : Pour être honnête, je pense qu'il s'agit là d'une question qu'il vaudrait mieux poser à la direction de CBC/Radio-Canada. Nous ne participons pas à ces discussions. On nous avise lorsque CBC/Radio-Canada procède à la réorganisation, la vente ou la location de ses propriétés — par exemple, lorsqu'elle vend la moitié d'un édifice à Toronto ou lorsqu'elle loue la moitié d'un autre. On nous informe des décisions prises par la haute direction de CBC/ Radio-Canada, mais nous n'y intervenons pas.

On a toujours pensé que le siège social de Radio-Canada devrait se situer à Montréal, au Québec, alors que celui du réseau anglais, CBC, devrait se situer à Toronto. C'est là que se trouvent les édifices; c'est là qu'ils ont été construits. Quant à savoir si CBC/Radio-Canada envisage de les diviser ou de prendre une tout autre mesure, je dirais qu'il s'agit là d'une question dont vous devrez discuter avec Hubert Lacroix et compagnie, et non pas avec nous. Nous ne prenons pas part à ces discussions.

Le sénateur MacDonald : C'est bien ce que nous avons fait, et nous continuerons à le faire.

Le président : Sachez que nous recevrons le président-directeur général de CBC/Radio-Canada. Par ailleurs, nous visiterons les installations à Montréal et à Toronto. Je suis désolé de vous avoir interrompu, sénateur MacDonald.

Le sénateur MacDonald : Pas de problème. Revenons maintenant aux services régionaux. CBC/Radio-Canada, comme toute autre société ou entité gouvernementale, peut être centralisée au sommet de la pyramide. Quand on s'apprête à faire des coupures de 10 p. 100, on commence automatiquement par les régions.

La sénatrice Verner a fait valoir que beaucoup de gens dans les régions estiment qu'ils ne sont pas bien servis. Est-ce qu'il ne serait pas plus judicieux d'attribuer l'argent des grands centres aux stations locales, dans les régions, pour diffuser des nouvelles locales et des choses de ce genre? Il n'y a presque plus de contenu local; tout provient des grands centres. Cela ne semble pas répondre...

Mme Smyth : Venez-vous de Terre-Neuve?

Le sénateur MacDonald : Je viens de la Nouvelle-Écosse.

Mme Smyth : Il y a plusieurs bureaux en Nouvelle-Écosse, et je pense qu'il y en a trois ou quatre à Terre-Neuve. Nous avons une présence régionale assez importante.

Encore une fois, comme Marc l'a dit, nous ne gérons pas le budget, même si nous avons essayé de donner des conseils à CBC/Radio-Canada pendant des années; d'habitude, les cadres supérieurs n'en tiennent pas compte.

Je suis sûre que l'attribution des ressources leur a donné du fil à retordre, que ce soit dans les grands centres ou dans les régions. Ce n'est pas facile. Ils ont adopté divers modèles au fil des ans, au gré des circonstances : parfois, ils ont misé sur une présence accrue dans les régions et d'autres fois, ils ont dû imposer une cure d'amaigrissement, comme à Toronto, au détriment des régions. Cela va dans les deux sens. Je pense qu'il s'agit d'une question à laquelle ils se heurtent constamment.

M. Laurin : Je n'ai rien d'autre à ajouter. Nous avons eu des discussions avec la haute direction de CBC/Radio- Canada et nous lui avons fait part de notre point de vue. Nous préconisons la programmation régionale, la programmation locale, et nous croyons que c'est là que CBC/Radio-Canada sert au mieux le public, mais il y a aussi tout un réseau qui est en jeu; il faut donc prendre des décisions, et cela se fait au niveau des cadres supérieurs.

Mme Umurungi : J'aimerais ajouter une observation. Selon la liste que j'ai — je crois qu'on vous l'a également remise —, les dernières compressions ont touché plus de 25 collectivités canadiennes, dont Ottawa et Toronto. Le bureau de Toronto a subi une réduction importante.

Je crois que personne n'est épargné des compressions. J'ai parfois l'impression qu'on perd de vue le problème, à force d'opposer une région à une autre. Je crois que l'essentiel, c'est d'assurer la présence qui s'impose.

Je suis d'accord avec mes collègues : la direction de CBC/Radio-Canada est mieux placée pour répondre en détail à certaines questions sur les décisions qui sont prises, comme les compressions, et cetera. Chose certaine, il faut une présence dans tous les coins du pays — y compris à Toronto et à Montréal, car je ne voudrais pas non plus que CBC/ Radio-Canada n'ait pas de présence là-bas. Il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération. Lorsque nous parlons d'une « présence dans les collectivités », nous entendons par là toutes les collectivités, petites et grandes.

Le sénateur MacDonald : Je ne voulais pas dire qu'il ne faut pas de présence à Toronto ou à Montréal. Je dis simplement qu'il faudrait peut-être en faire un bureau régional, au lieu de tout alimenter à partir de là.

Si je tiens compte de ma propre expérience, comme la plupart des gens de ma génération, j'ai grandi avec CBC/ Radio-Canada, à l'époque où c'était la seule station de télévision. J'écoute souvent ce réseau, mais surtout les émissions radiophoniques. Chez moi, cette station radio est presque toujours allumée, même si c'est seulement en bruit de fond.

Pour ce qui est des émissions télévisuelles de CBC/Radio-Canada, je suis très sélectif. Vous avez dit que 89 p. 100 des gens préfèrent ceci et 92 p. 100 préfèrent cela, mais lorsqu'il est question de la part de marché et des cotes d'écoute, CBC/Radio-Canada n'affiche aucun résultat de ce genre. Les chiffres sont à la baisse, et on parle de pourcentages inférieurs à 10 p. 100 dans bien des catégories d'émissions.

CBC/Radio-Canada doit peut-être accepter le contexte changeant dans lequel elle évolue. À mon avis, elle devrait investir davantage dans la production radiophonique et moins dans la production télévisuelle, parce qu'elle en aurait plus pour son argent. La culture organisationnelle ne semble pas vraiment miser là-dessus, d'après ce que je peux voir, et je me demande s'il y a lieu de revoir cette approche.

Mme Smyth : La technologie étant ce qu'elle est, les émissions radiophoniques sont produites à une fraction du coût des émissions télévisuelles. C'est comme ça, et nous n'y pouvons rien.

CBC/Radio-Canada dépense beaucoup d'argent non seulement dans la production télévisuelle, mais aussi dans toutes les nouvelles technologies. Vous vous en êtes peut-être rendu compte avec vos petits-enfants; il y a toujours des nouveautés. Chaque jour, on doit apprendre comment utiliser une nouvelle technologie, un nouvel équipement, et les choses évoluent rapidement. La technologie change à tout bout de champ, ce qui entraîne beaucoup de dépenses, sans doute bien plus que dans toute autre industrie. C'est là une partie du problème.

En ce qui concerne la programmation, un des grands principes de la radiodiffusion publique, c'est qu'elle n'est pas soumise aux impératifs commerciaux, d'où la possibilité d'offrir entre autres une programmation propice à l'unité nationale, sans forcément jouir d'une popularité universelle — par exemple, n'importe quelle émission en français à l'extérieur du Québec ne sera probablement pas très populaire. Il en va de même pour les émissions en langues autochtones ou les émissions traitant de questions autochtones, mais est-ce à dire que nous ne devrions pas les produire?

CBC/Radio-Canada a pour mandat de produire une foule d'émissions, notamment du contenu canadien. Or, les gens préfèrent voir Tom Cruise et Bruce Willis dans des films américains. D'accord, nous aimons tous ce genre de films, mais en même temps, ne faut-il pas assurer une industrie canadienne indépendante? Vos petits-enfants, qui savent peut-être chanter, danser ou même interpréter des rôles, n'auront-ils pas l'occasion de passer à la télévision canadienne ou de jouer dans des films canadiens? Si nous n'appuyons pas une industrie, elle n'existera pas dans 10 ans. Nous avons besoin de chefs de file qui défendent cette cause, et c'est l'un des rôles du radiodiffuseur public.

Ces émissions n'acquerront jamais une popularité massive. Ce serait possible dans un monde utopique, d'ici 20 ans, si nous avions droit au genre de fonds colossaux dont bénéficient les réseaux américains, à hauteur de plusieurs millions de dollars. Ce n'est tout simplement pas possible au Canada, parce que nous n'avons pas accès à un tel financement. La valeur de production de nos émissions n'atteindra jamais de tels sommets. C'est la triste réalité, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas avoir une industrie cinématographique et télévisuelle en santé et pleine de vitalité.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'ai plusieurs questions qui seront très courtes; j'aimerais que les réponses soient très courtes aussi, sinon on pourrait s'éterniser. Bienvenue, monsieur et mesdames les membres de la Guilde canadienne des médias.

Monsieur Laurin, à l'article 4 de votre dossier, pouvez-vous nous donner au moins deux ou trois exemples d'ingérence directe du gouvernement dans des programmes au sujet d'un animateur ou autre? Donnez-moi un exemple.

M. Laurin : En fait, sénateur Maltais, c'est nouveau; vous le savez. C'est le projet de loi C-60, et l'article 17 est tout nouveau. Notre crainte a toujours été...

Le sénateur Maltais : Je comprends votre crainte.

M. Laurin : Il n'y a pas d'exemple présentement.

Le sénateur Maltais : Merci. En ce qui concerne votre sondage, vous ne trouvez pas cela un peu fort?

M. Laurin : Quel sondage au juste?

Le sénateur Maltais : Vous êtes tous au-dessus de 80 p. 100; je trouve que vous vous donnez de bonnes notes. EKOS, on devrait les engager sur le plan politique; on remonterait un peu dans les sondages. Vous ne trouvez pas cela fort?

M. Laurin : Ce ne sont pas nos sondages.

Le sénateur Maltais : Qui les a faits? Qui a posé la question?

M. Laurin : Ça a été fait par différents organismes, dont Pollara et d'autres.

Le sénateur Maltais : Vous allez en faire un au Québec demain matin et vous me donnerez les résultats, s'il vous plaît; moi je poserai la question suivante : « Êtes-vous satisfait de Radio-Canada? » et après, on s'en reparlera.

M. Laurin : Posez donc la prochaine question : « Croyez-vous qu'un diffuseur public est important pour l'unité d'un pays? ».

Le sénateur Maltais : Attendez, elle s'en vient; quelle est la première mission de Radio-Canada?

M. Laurin : D'informer.

Le sénateur Maltais : Lorsque la Société Radio-Canada a été fondée.

M. Laurin : Oui, oui; d'informer.

Le sénateur Maltais : Et?

M. Laurin : Je vais le dire en anglais...

Le sénateur Maltais : En français, s'il vous plaît.

M. Laurin : Alors là, vous m'avez; en français... divertir.

Le sénateur Maltais : L'unité canadienne.

M. Laurin : L'unité canadienne, oui.

Le sénateur Maltais : Croyez-vous que Radio-Canada Montréal prêche l'unité canadienne?

M. Laurin : Bien là...

Le sénateur Maltais : Vos membres?

M. Laurin : Ce ne sont pas nos membres à Montréal, sénateur.

Le sénateur Maltais : Je m'excuse alors.

M. Laurin : Ce sont les membres d'un autre syndicat. Ce sont des employés de Radio-Canada, mais ce ne sont pas nos membres. On ne représente pas les gens dans la province de Québec.

Le sénateur Maltais : Ah! Non?

M. Laurin : Non.

Mme Umurungi : Par contre, informer, divertir et éclairer, c'est ce que dit la Loi sur la radiodiffusion comme étant le rôle du radiodiffuseur public.

Le sénateur Maltais : Je vois que vous devriez relire de près l'article 1 de Radio-Canada. L'an passé, votre président était assis ici, et il ne l'avait pas lu non plus.

Il faut que le rôle soit bien déterminé. Ce que les gens reprochent à Radio-Canada, bien calmement, au Québec et dans le reste du Canada, c'est ce que la sénatrice Verner a soulevé; c'est Toronto et Montréal.

Au Québec, en particulier, c'est affreux, affreux. Les gens n'écoutent pas Radio-Canada, parce qu'ils en ont assez d'entendre parler du Plateau, qui représente environ un demi de 1 p. 100 ou le dixième de la population du Québec. La télé de Radio-Canada est infestée par les gens du Plateau; c'est ce qu'on entend, et les gens en ont assez.

Dans vos chiffres, il y a combien de travailleurs, d'après vous, au Canada?

M. Laurin : À Radio-Canada?

Le sénateur Maltais : Non, non, non; il y a combien de travailleurs dans tout le Canada? Sur 35 millions de personnes, d'après vous, combien travaillent?

M. Laurin : Je pense que c'est environ 20 ou 22 millions, 23 millions peut-être.

Le sénateur Maltais : Quand vous dites que cela coûte 43 $ ou 45 $ par personne, c'est pour 20 millions de personnes, parce qu'il faut soustraire les enfants, les personnes âgées, les retraités, les handicapés et les assistés sociaux. Cela coûte donc plus de 43 $.

Vous voyez, l'information — vous êtes un syndicat et vous l'avez très bien fait — ne correspond pas à la réalité. Ce n'est pas vrai; cela coûte beaucoup plus cher par individu. Lorsque vous nous demandez 115 millions de dollars de plus, il faut que vos arguments soient plus convaincants que cela.

[Traduction]

Le président : Sénateur Plett, à vous la parole pour un deuxième tour, ou devrais-je plutôt dire une deuxième période?

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président.

[Français]

Mme Umurungi : J'aimerais simplement dire que ce ne sont pas seulement les gens qui travaillent qui regardent Radio-Canada; le service s'adresse aussi à nos enfants et à ceux qui ne travaillent pas. C'est pour tous. Alors, quand on parle de l'investissement par Canadien et par Canadienne par année, on parle de l'investissement pour tous ceux que dessert ce radiodiffuseur public. Merci.

Le président : Madame...

[Traduction]

Le sénateur Plett : Le sénateur Maltais a fait valoir un très bon point. Cela coûte plus de 43 $ par personne de toute manière.

Madame Smyth, vous voulez vous assurer que CBC/Radio-Canada est encore là dans 10 ans et vous avez dit que la solution consiste à accroître le contenu canadien. Hélas, je pense plutôt que c'est l'augmentation du contenu canadien qui sonnera le glas de CBC/Radio-Canada. C'est bien malheureux, mais je crois que c'est la vérité.

En 1996, un petit gars de Shawinigan avait imposé des compressions de 414 millions de dollars à CBC/Radio- Canada, ce qui avait entraîné la perte de 2 400 emplois. Nous voici presque 20 ans plus tard, et CBC/Radio-Canada est toujours bien en vie. Ce n'est pas une réduction de 115 millions de dollars qui va tuer CBC/Radio-Canada.

Que fait-on dans n'importe quelle société? À cet égard, le cas de CBC/Radio-Canada n'a rien d'unique. Que se passe-t-il dans toute société qui subit des compressions? Eh bien, on se met à licencier ou à congédier tous les subalternes. Si on éliminait un poste supérieur, on pourrait peut-être garder 10 autres employés, mais bien entendu, c'est le contraire qui se produit. On préfère se débarrasser de tous les subalternes, et c'est pourquoi on parle de 2 400 ou 3 600 postes perdus; c'est ce qui explique ces gros chiffres.

Vous avez mentionné que, de nos jours, les caméramans et les journalistes sont appelés à accomplir beaucoup plus de tâches. Pourtant, quand je vois le bilan de CBC/Radio-Canada — et je suis d'accord avec le sénateur MacDonald — les cotes d'écoute sont à la baisse, mais ce n'est pas en raison de la qualité du reportage ou du travail du caméraman.

Évidemment, je crois que de nombreux diffuseurs privés font la même chose, parce qu'ils doivent tous vivre selon leurs moyens. Ce n'est pas seulement à CBC/Radio-Canada que le gouvernement conservateur impose une réduction de 5 p. 100 ou peu importe; ces compressions ne touchent pas uniquement CBC/Radio-Canada, mais bien l'ensemble des ministères, parce que nous devons vivre en fonction de nos moyens. Nous avons connu une récession épouvantable, d'où les déficits que nous avons enregistrés, et je pense que nous nous sommes bien débrouillés pour nous en sortir, mais nous devons maintenant rétablir l'équilibre budgétaire. Le gouvernement a donc agi comme tout gouvernement responsable; d'ailleurs, même le ministre des Finances du gouvernement précédent a affiché des budgets équilibrés et excédentaires, parce qu'il a demandé aux provinces de vivre selon leurs moyens et de réduire leurs dépenses en soins de santé. En tout cas, il a amené les gouvernements à respecter leur budget.

S'il y a une baisse des cotes d'écoute, que devrait faire la CBC? Que devrait faire le gouvernement si les cotes d'écoute ne sont pas aussi bonnes que celles de CTV ou de Global? Si elle doit vivre selon ses moyens, si elle doit faire 5 p. 100 de compressions, comme tous les ministères, comment devrait réagir la CBC? Ne devrait-elle pas vivre selon ses moyens? Devrait-on la traiter différemment des autres organismes gouvernementaux?

Mme Smyth : Je sais qu'elle a des émissions très populaires, comme Rick Mercer, 22 Minutes, Fifth Estate et Marketplace. Elle a des émissions primées. Je ne voudrais pas donner l'impression que toutes les cotes d'écoute de la CBC sont faibles, car ce n'est pas le cas.

Elle a souvent des cotes d'écoute exceptionnelles, pour des émissions que nous aimons tous. Quant au fait de vivre selon ses moyens, je comprends votre argument. Nous sommes bien conscients d'être touchés par de nombreuses compressions du gouvernement. C'est vrai. Mais nous gardons espoir et nous restons optimistes.

Le sénateur Plett : Mulcair fait encore des promesses.

Mme Smyth : Nous ne voyons aucun problème à tenter de vivre selon nos moyens. Nous essayons, évidemment. CBC/Radio-Canada est coincée, en ce sens qu'elle ne peut fonctionner comme une entreprise privée. Elle n'a pas la même capacité de gérer ses finances que les autres entreprises. En tant que radiodiffuseur public, elle doit respecter beaucoup de règlements, contrairement aux autres sociétés. Elle ne peut pas simplement importer toutes sortes d'émissions américaines primées et faire des profits; elle doit diffuser dans deux langues officielles dans toutes les régions du pays; elle ne fera pas de profits. Elle doit prendre en charge le système d'émetteurs, qui coûte des millions de dollars au fil des ans, car cela fait partie du rôle d'un radiodiffuseur public.

Elle ne peut se soustraire à ces obligations. Il est un peu injuste de la traiter de la même façon qu'une entreprise privée qui peut prendre ses propres décisions, uniquement en fonction des intérêts de ses actionnaires. Ce n'est pas le cas de CBC/Radio-Canada; je n'appellerais pas cela un avantage. Elle ne peut pas faire cela. Elle doit être traitée un peu différemment.

Le sénateur Plett : Très bien. J'accepte votre argument. Mis à part les 115 millions de dollars dont le gouvernement a demandé à CBC/Radio-Canada de se priver — et je suis persuadé qu'elle pourra poursuivre ses activités —, nous avons parlé du monde numérique, d'Internet, de Netflix, et j'ai les services de Netflix.

Quelle incidence cela a-t-il? C'est une chose sur laquelle les gouvernements n'ont aucun contrôle, et cela joue sur la capacité de tous les radiodiffuseurs de fonctionner.

Mme Smyth : Oui.

Le sénateur Plett : Quelle incidence cela a-t-il sur CBC/Radio-Canada? Et vous ne demandez certainement pas aux contribuables du pays de compenser les pertes dues à ces radiodiffuseurs ou à Internet, par exemple.

Mme Smyth : Je suis sûre que cela vous rappelle l'audience du CRTC. On ne veut plus entendre parler de Netflix. Cela montre à quel point l'industrie de la radiodiffusion est un domaine en constante évolution. Il y a constamment de nouveaux acteurs. C'est Netflix aujourd'hui, mais dans deux ans, ce sera peut-être autre chose qui changera complètement notre façon de communiquer et d'utiliser la radiodiffusion.

CBC/Radio-Canada n'est pas plus avantagée que n'importe qui. Tout le monde peut voir que d'autres changements sont à venir. Nous devons tenter de nous adapter et de faire ce que nous pouvons.

Le sénateur Plett : Mon adjointe administrative me dit qu'elle n'est abonnée à aucun service télévisuel. Elle suit tout en accès continu sur son ordinateur.

Mme Smyth : Exactement.

Le sénateur Plett : J'ai essayé de le faire, mais cela ne fonctionne pas encore pour moi. Quoi qu'il en soit, elle regarde tout sur son ordinateur et le branche sur sa télévision.

Mme Smyth : Je sais. C'est incroyable, n'est-ce pas?

Le sénateur Plett : Cela doit avoir une incidence...

Mme Smyth : Vous avez tout à fait raison. Tous les radiodiffuseurs doivent toujours être prêts au changement.

M. Laurin : Vous avez raison. Le printemps dernier, CBC/Radio-Canada a présenté son plan quinquennal vers 2020; il est axé sur les applications mobiles, Internet, la radio et la télévision. Le plan précédent — celui qui a commencé en 2010 — était axé sur la télévision, la radio, Internet et les applications mobiles. Dans l'industrie, on dit qu'il faut passer au mobile ou laisser tomber.

Nous avons comparu il y a quelques semaines, et le CRTC tient des audiences sur cette même question. Malgré ses fonds limités, CBC/Radio-Canada tente du mieux qu'elle le peut, en tant que société d'État, de s'adapter aux nouvelles réalités. Elle ne peut ni emprunter de l'argent, ni en mettre de côté comme les radiodiffuseurs privés.

Le sénateur Plett : Elle peut vendre des actifs.

M. Laurin : C'est ce qu'elle fait. À un moment donné, il ne lui restera plus d'actifs à vendre.

Le sénateur Plett : Bien.

M. Laurin : En passant, à l'époque, elle a acquis ces actifs avec l'approbation du gouvernement, n'est-ce pas? Je veux simplement que les choses soient claires.

Le sénateur Plett : Sans doute.

M. Laurin : Sans doute. Bref, je crois avoir dit ce que j'avais à dire. CBC/Radio-Canada essaie de vivre selon ses moyens dans une industrie qui évolue rapidement et elle doit prendre beaucoup de décisions difficiles.

Le sénateur Plett : J'ai dit moi aussi ce que j'avais à dire.

Le sénateur Dawson : Contrairement au CRTC, nous n'effacerons pas le témoignage, qu'il nous plaise ou non. Nous conserverons ce qui a été dit. Nous vivons dans un monde numérique. Je pense que c'est là, dans le monde numérique et...

Mme Umurungi : Puis-je dire une chose au sujet du visionnement? Je comprends qu'il y a des possibilités; je suis d'accord. Mais que l'on visionne les émissions sur sa télévision, son téléphone ou son ordinateur, on visionne tout de même les nouvelles que quelqu'un a préparées. On regarde tout de même les émissions qui ont été conçues. Il est important de le souligner; l'écran utilisé ne change rien au fait que nous devons créer le contenu.

Le sénateur Eggleton : La signification de « vivre selon ses moyens » peut varier selon les personnes. Tout est une question de perception, comme on dit. On devrait peut-être parler de budget étroit. L'un des problèmes qui se posent souvent, lorsqu'il y a des compressions — les gouvernements des deux allégeances en ont fait —, c'est l'effet « pylônes »; on en arrive au point où la situation étouffe le radiodiffuseur public. Voilà le principal problème.

Il reste un espoir, et le sénateur Plett m'a fait remarquer que lorsque nous étions au pouvoir, nous nous sommes efforcés d'équilibrer le budget, puis nous avons dégagé des excédents et nous avons eu de l'argent à dépenser. Cette année, le gouvernement aura un excédent budgétaire; allons chercher une partie de cet excédent pour la radiodiffusion publique.

Permettez-moi de vous poser une question au sujet de la radiodiffusion publique. Comme vous venez de le souligner, les choses ont changé au fil du temps. Nous parlons encore aujourd'hui d'un radiodiffuseur public, mais l'atmosphère est différente, et le contexte n'est certainement plus le même qu'il y a 10, 20 ou 30 ans.

Cela nous amène à la question de la Loi sur la radiodiffusion, qui n'a pas été révisée depuis de nombreuses années. Devrait-elle être revue? Quels changements devrait-on apporter, selon vous, au secteur de la radiodiffusion?

Mme Smyth : C'est une bonne question. Nous avons entendu des voix de toutes parts, car il y a tant de nouvelles technologies — et vous avez parlé de Netflix — dont il n'est pas directement question actuellement dans la Loi sur la radiodiffusion. C'est un document complexe. Je ne prétends pas être une experte à ce chapitre. Il faudrait un grand nombre de personnes pour examiner et modifier cette loi.

M. Laurin : Je me contenterai de dire que nous avons de nombreuses discussions concernant la question de savoir si la Loi sur la radiodiffusion devrait être réexaminée. Nous ne sommes pas parvenus à une quelconque conclusion à ce sujet.

Nous croyons que la loi peut rester comme elle est pour le moment ou, du moins, certains d'entre nous le croient. Il est possible, par exemple, de modifier le modèle de gouvernance sans changer quoi que ce soit à la Loi sur la radiodiffusion.

Il nous faudrait une autre heure et quelques minutes, et une étude plus approfondie...

Le sénateur Dawson : Cela étant dit, avant de céder la parole au sénateur Maltais, j'aimerais remercier les témoins de leur participation.

Le comité se déplacera au cours des prochaines semaines. Nous aurons donc l'occasion d'entendre l'opinion des gens à cet égard. Nous serons à Halifax le 21 octobre, à Québec le 23 octobre, à Toronto les 27 et 28 octobre et à Montréal les 5 et 6 novembre, afin de parler aux gens qui nous écoutent.

[Français]

Le sénateur Maltais : Lorsqu'une entreprise est en difficulté, les bonnes idées proviennent souvent des syndicats. On l'a vu dans plusieurs entreprises. Maintenant, les bonnes idées, ce n'est pas nécessairement de l'argent, surtout lorsque l'on n'en a pas. Je me serais attendu à ce que vous nous disiez, ce soir, que vous aviez regardé ailleurs, dans le domaine privé ou dans tel organisme, et que vous ne pouviez absolument pas bouger, que c'est immuable et qu'on a les pieds dans le béton.

Pour vous donner un exemple bien concret : il existait une petite chaîne de télévision au Québec, TQS, qui a fait faillite et a été rachetée par un certain M. Rémillard. Celui-ci est en train de reconstruire cette chaîne avec des moyens très modestes. Il n'avait pas suffisamment de fonds pour présenter des bulletins de nouvelles, donc il passe à autre chose. Pourtant, cette chaîne produit ses propres émissions — c'est étonnant — et souvent, avec des ex-vedettes de Radio-Canada qui ont été mises de côté ou dont le contrat n'a pas été renouvelé. Il reconstruit la chaîne et fait même concurrence à Radio-Canada, avec peu d'argent. N'y a-t-il pas moyen, à l'intérieur de votre syndicat, d'observer ce qui se passe ailleurs et de nous revenir en nous proposant des solutions bien concrètes, tout en ne perdant pas de vue la mission première de Radio-Canada?

C'est peut-être trop vous demander, mais j'imagine que vous devez réfléchir à cela. Si cela se fait ailleurs, pourquoi cela ne se ferait-il pas chez vous?

[Traduction]

Mme Smyth : nous serions ravis de le faire. Si cela signifie que vous allez nous inviter de nouveau en une autre occasion, nous serions heureux d'accepter cette invitation. Nous prendrons le temps d'examiner la question bien que la taille de notre organisation soit restreinte.

Puis-je conclure en vous posant une question? En réalité, nous avons besoin d'un champion. Un imminent Canadien a l'occasion de laisser un héritage unique, soit le sauvetage d'un radiodiffuseur national. Je pense que c'est l'occasion rêvée pour les personnes appropriées de consacrer leur vie à ce travail, un travail qui marquera l'histoire du Canada.

Le sénateur Dawson : Comme vous le savez, cette séance est télévisée. Par conséquent, quelqu'un a peut-être entendu votre appel et y répondra au cours des prochaines semaines.

(La séance est levée.)


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