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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 9 - Témoignages du 27 octobre 2014


TORONTO, le lundi 27 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Nos témoins de Rogers Media Inc. sont Keith Pelley, président de Segment Média, et Susan Wheeler, vice-présidente, Affaires réglementaires.

Nous essayons de commencer à l'heure prévue pour respecter les traditions du domaine de la radiodiffusion.

Keith Pelley, président, segment Média, Rogers Media Inc. : Bonjour, c'est un beau lundi matin dans la merveilleuse ville de Toronto, et nous nous préparons pour cette journée d'élections, ce qui est électrisant. Merci de nous offrir l'occasion de parler d'Omni.

Avant de vous parler d'Omni, je vais vous parler un peu de ce qui se passe dans le secteur de la publicité ordinaire, étant donné que vous faites énormément de recherche.

J'occupe le poste de président de Rogers Media depuis quatre ans. Le changement structurel dont nous avons été témoins dans le marché de la publicité est sans précédent. Ce marché est habituellement très cyclique, et il y a eu un ralentissement en 2005, par exemple, puis une reprise, et c'est toujours comme ça.

Mais le changement en cours dans le secteur de la radiodiffusion est un changement structurel complet, les annonceurs investissant de plus en plus d'argent dans les plates-formes numériques. Elles leur offrent une multitude de façons de dépenser leur argent.

Aujourd'hui, lorsque je regarde ce qui se passe chez nos concurrents, je ne commence pas par CTV et Global. Je constate que nous sommes en concurrence avec le reste du monde et que nos compétiteurs sont Google, Facebook, Amazon, Netflix, Yahoo et Apple. Voilà les entreprises avec lesquelles nous sommes en concurrence aujourd'hui.

Pour ce qui est de la publicité ordinaire, elle a beaucoup diminué au cours des deux ou trois dernières années, et elle continue de diminuer, si vous avez vu ce qui s'est passé au cours des derniers mois. De fait, dans notre secteur de la radiodiffusion ordinaire, la somme consacrée à la publicité est passée de 802 millions en 2011 à 680 ou 690 millions à l'heure actuelle. Il y a donc eu une diminution de 110 millions de dollars pour nos réseaux de télévision seulement.

Vous avez peut-être lu la semaine dernière que Bell a réduit ses prévisions concernant la facturation électronique de 45 millions de dollars, diminution importante que l'entreprise attribue là aussi à la publicité.

Vous avez vu ce qui s'est passé à la fin de la semaine dernière, lorsque Corus a publié ses résultats trimestriels, et, là aussi, la publicité était à l'avant-plan. Certaines des annonces qui ont été faites par les agences de publicité en tant que telles au cours des deux ou trois dernières semaines définissent vraiment le type de problème auquel nous faisons face. La dernière annonce était celle de Microsoft, qui a annoncé que son budget mondial pour la publicité à la télévision, qui est actuellement de 2,5 milliards de dollars, allait être réduit de 38 p. 100.

Les décisions prises par ZenithOptimedia et Omnicom sont vraiment venues confirmer le fait que les médias qui fonctionnent selon l'ancien modèle sont plus menacés que jamais, ce dont nous sommes témoins.

Le problème auquel sont confrontés les radiodiffuseurs ordinaires, c'est évidemment qu'ils n'ont qu'une seule source de revenus, contrairement aux radiodiffuseurs américains, qui eux en ont plusieurs, puisque a) ils ont des possibilités de recyclage et b) ils peuvent être propriétaires d'un studio, produire du contenu et le vendre à l'échelle internationale, ce que nous ne pouvons pas faire au Canada, vu les modalités des échanges commerciaux. Les radiodiffuseurs ordinaires comme nous ont vraiment les mains liées, car ils n'ont qu'une source de revenus et qu'elle est vraiment en chute libre.

Je vais maintenant en revenir à Omni et vous dire que c'est ce radiodiffuseur qui est le plus durement touché par les difficultés dans le secteur, car c'est le moins solide. Ses revenus publicitaires sont passés de 80 millions de dollars en 2011 à 24 millions de dollars cette année, et les revenus prévus pour l'an prochain sont de 16 millions de dollars. Même le gouvernement a réduit la somme qu'il s'était engagé à dépenser en publicité auprès d'Omni, cette somme étant passée de 14 millions de dollars en 2011 à 8 millions de dollars cette année, pour une baisse de 6 millions de dollars.

Omni a été créé en 1979. À l'époque, c'était un excellent réseau spécialisé. Aujourd'hui, il est loin d'être assez spécialisé. Ce qui s'est passé est intéressant, car je travaillais à TSN au moment où ce réseau a été créé, et les gens disaient qu'un réseau diffusant du sport 24 heures sur 24 était un réseau beaucoup trop spécialisé. Aujourd'hui, les gens disent qu'il n'est peut-être plus assez spécialisé.

Omni a survécu pendant un certain nombre d'années grâce au succès de ses émissions américaines. Les émissions créneaux étaient diffusées couramment par Omni à l'époque, et certaines, comme Les Simpson et Mariés, deux enfants généraient les revenus nécessaires pour subventionner le reste du réseau.

Malheureusement, ces émissions sont aujourd'hui offertes couramment par de nombreux services de vidéo à la demande par abonnement et réseaux complexes, ce qui fait que les émissions créneaux — c'est comme ça qu'on les appelle — ne sont vraiment plus une bonne source de revenus. Encore là, la publicité a été l'élément crucial.

Aujourd'hui, le contexte dans lequel évolue Omni est très difficile. Les conditions de licence sont complexes, car nous devons produire des émissions dans 20 langues différentes. Malheureusement pour Omni, mais heureusement pour les consommateurs, ils peuvent aujourd'hui regarder de nombreuses émissions ethniques qui n'existaient pas il y a 15 ou 20 ans. Rogers a 126 chaînes consacrées à la programmation ethnique; Bell, 136. Encore là, il s'agit de choses qui n'existaient pas il y a un certain nombre d'années, pas plus que les nombreuses façons qui existent aujourd'hui d'accéder à la programmation par contournement. Les gens qui viennent d'un autre pays peuvent aujourd'hui très facilement suivre les actualités de leur pays d'origine grâce à tous les services par contournement qui existent ou même par l'intermédiaire de l'un des câblodistributeurs.

Omni n'est clairement pas assez spécialisé. Il faut que nous diffusions des émissions dans 20 langues différentes, et ce n'est tout simplement pas viable. Nous produisons des bulletins d'actualité en cantonais, en mandarin, en pendjabi et en italien chaque jour, et tous ces bulletins d'actualité nous font perdre de l'argent sur toute la ligne.

Je crois que 15 des services de radiodiffusion hertzienne qui diffusent des émissions ethniques dans les pays du G20 sont des sociétés d'État. Nous sommes retournés devant le CRTC, parce que le renouvellement de notre licence se faisait en avril, et nous lui avons présenté un certain nombre de suggestions et de recommandations sur la façon de rendre Omni plus viable. Le CRTC a rejeté la plupart des recommandations d'une certaine envergure, voire toutes. Nous nous sommes adressés au Parti progressiste conservateur, aux libéraux et au NPD. Nous avons discuté avec les gens du CRTC, et maintenant, nous avons l'occasion de discuter avec vous.

La situation est vraiment complexe. Nous devons déterminer ce que nous allons faire d'Omni. Je ne pense pas que ce soit un service viable à l'heure actuelle, et je crois que le gouvernement devra décider s'il souhaite maintenir une chaîne de radiodiffusion hertzienne offrant une programmation ethnique.

Nous en sommes vraiment rendus là. Omni fait partie du patrimoine du pays. Nous nous étions donné pour mission d'offrir une importante programmation multiculturelle. Nous aimerions poursuivre cette mission, mais, en même temps, nous sommes une entreprise à but lucratif, et nous avons des obligations envers nos actionnaires. À l'heure actuelle, Omni est gravement menacé.

Ce que j'aimerais beaucoup, c'est que nous ayons une conversation officieuse et que vous me fassiez part de vos opinions et de vos idées, mais voilà un survol de la situation dans laquelle Omni se trouve à l'heure actuelle.

Le président : Merci beaucoup.

Susan Wheeler, vice-présidente, Affaires réglementaires-Média, Rogers Media Inc. : Nous répondrons à toutes vos questions avec plaisir.

Le président : Le sénateur Plett est premier sur ma liste.

Le sénateur Plett : Merci de vous joindre à nous ce matin.

Monsieur Pelley, vous avez dit entre autres choses que les CTV et Global de ce monde ne sont pas vos concurrents. Selon vous — et je vous demande simplement votre opinion, bien sûr, puisque vous ne travaillez pas à la CBC —, qui sont les concurrents de la CBC si les vôtres ne sont pas les CBC et les CTV de ce monde? Avec qui CBC est-elle en concurrence?

M. Pelley : Disons que CTV et Global ne sont pas nos principaux concurrents. Ils l'étaient avant. Tout le monde penserait que les principaux concurrents sont CTV et Global. Mais pour ce qui est de la publicité, nos plus importants concurrents sont des entreprises comme Google, et pour ce qui est des émissions en tant que telles, notre principal concurrent en dehors des émissions de sport, c'est Netflix.

Je ne peux pas vous dire à qui les gens de la CBC estiment livrer concurrence au premier chef, mais je dirais que quiconque acquiert du contenu et détourne du système de l'argent consacré à la publicité fait partie de la concurrence. Je pense qu'il s'agit assurément d'entreprises comme Google et Facebook, entre autres.

Le sénateur Plett : Lorsque vous parlez de publicité — et la majeure partie de ce que vous avez dit concernait la publicité ou à tout le moins y était liée —, quelle quantité de publicité faudra-t-il que Rogers vende pour rentabiliser l'émission Hockey Night in Canada?

M. Pelley : Il ne s'agit pas d'une émission à part. Le contrat avec la LNH n'est pas un simple contrat de publicité.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas un simple contrat de publicité, mais vous avez dit à la fin de votre exposé que vous avez évidemment des obligations envers vos actionnaires.

M. Pelley : Assurément.

Le sénateur Plett : La rentabilité doit simplement être établie, alors, quand Rogers a signé le contrat avec la LNH, c'était en sachant ce qu'il fallait faire pour que ce soit rentable.

M. Pelley : Assurément, mais ce que je disais, sénateur Plett, c'est que le succès des émissions de la LNH ne dépend pas de la publicité. Le contrat avec la Ligue nationale de hockey est très élaboré, et il fait intervenir de multiples sources de revenus, la publicité n'étant qu'une de ces sources.

C'est pour ça que j'ai insisté sur le fait qu'Omni et les autres radiodiffuseurs ordinaires n'ont qu'une seule source de revenus. Notre contrat avec la LNH comporte plusieurs sources de revenus, soit Game Centre Live, l'ensemble Centre Ice et le contenu en ligne. C'est nous qui gérons le site NHL.com. Il y a des revenus d'abonnement. Il y a des revenus de publicité. Il y a toutes sortes de possibilités pour rendre le contrat avec la LNH rentable.

Par ailleurs, pour ce qui est de la LNH, nous en sommes à la troisième semaine d'un contrat de 12 ans, alors il serait prématuré de commencer à examiner et à analyser le degré de succès du contrat avec la LNH à ce moment-ci. Ce dont j'ai parlé, par contre, c'est de contenu de premier ordre et de première qualité, et c'est ce que la Ligue nationale de hockey nous fournit.

Le sénateur Plett : Est-ce que vos chiffres sont publiés? Si je vous demande de but en blanc quelles sont vos ventes de publicité pour la première année du contrat de 12 ans, êtes-vous autorisé à nous le dire?

M. Pelley : Si le CRTC nous le demandait, nous serions en mesure de fournir cette information.

Le sénateur Plett : Mais pas si c'est moi qui vous le demande.

M. Pelley : L'année n'est pas encore terminée. Je peux vous dire dès maintenant que, si les Maple Leafs de Toronto se rendent en finale des séries éliminatoires, un message publicitaire de 30 secondes coûtera environ 100 000 $. Si ce sont les Flames de Calgary qui se rendent en finale de la Coupe Stanley, un message de 30 secondes coûtera environ 50 000 $.

Le sénateur Plett : Je pense que beaucoup de gens ici présents vous diront que nous sommes prêts à vous donner 1 million de dollars si les Maple Leafs de Toronto se rendent en finale.

M. Pelley : Nous recevrons cette somme avec joie.

Le sénateur Plett : Je viens de Winnipeg, et j'espère que les Jets s'en tireront un peu mieux cette année. Ils ont gagné hier, en tout cas.

Vous avez dit avoir demandé un certain nombre de choses au CRTC, qui vous a essentiellement refusé tout ce que vous demandiez d'important. Pouvez-vous nous donner des exemples de choses importantes que vous aviez demandées?

Mme Wheeler : Avec plaisir. La majeure partie de ce que nous demandions avait trait à la marge de manœuvre dans la constitution de la grille horaire. En ce moment, Omni a l'obligation de diffuser certains types d'émissions pendant des périodes réservées aux heures de grande écoute, qu'il s'agisse d'émissions dans une langue autre que l'anglais ou le français ou d'émissions à contenu ethnique ou canadien.

Comme l'écoute à des heures fixes n'est pas aussi importante qu'avant, puisque les gens ne se réunissent plus nécessairement autour de la télévision à une heure donnée — il y a beaucoup plus d'écoute à la demande qu'avant; il y a beaucoup plus d'écoute sur de multiples plates-formes —, nous avons demandé une plus grande marge de manœuvre pour les heures de grande écoute afin de pouvoir diffuser des émissions qui attireront plus de gens, des émissions comme Hockey Night in Canada en pendjabi, entre autres.

Nous envisagions des émissions de ce genre comme étant des sources de revenus potentielles qui pourraient nous aider à conserver notre programmation interne, par exemple les bulletins de nouvelles dans une troisième langue. Le CRTC a vu là une façon de supprimer notre obligation de diffuser des émissions ethniques pendant toute la semaine, et il a refusé de nous accorder la marge de manœuvre que nous lui demandions.

L'autre chose que nous avons sollicitée, c'était une réduction du nombre de langues et de communautés ethniques à qui nous offrons nos services, qui passerait de 20 à 15. D'après nos recherches, la majorité des gens privilégient les services unilingues. Ils ne privilégient pas les services multilingues. Nous savons que cela fait partie de notre mandat, et nous ne cherchons pas à être libérés de cette obligation. Nous cherchons simplement à donner une orientation plus précise à nos émissions, et cette possibilité nous est refusée aussi.

Le sénateur Munson : Merci d'être venu, Keith.

Notre ordre de renvoi concerne Radio-Canada. Nous avons entendu parler d'Omni et des problèmes graves auxquels vous faites face. Quel est votre point de vue sur la question générale de la situation de Radio-Canada dans le contexte de la réduction du financement, des problèmes auxquels la société d'État fait face et de sa survie même? Croyez-vous que, dans le monde que vous évoquez, vos concurrents sont toutes ces plates-formes numériques? Quelle place Radio-Canada occupe-t-elle dans cette plate-forme à l'heure actuelle?

M. Pelley : D'abord et avant tout, je féliciterais Hubert Lacroix d'avoir élaboré une stratégie de transition vers une plate-forme numérique. Il a formulé une stratégie d'avenir tournée vers les plates-formes mobiles et numériques. Les radiodiffuseurs qui continuent de voir les choses de façon linéaire et qui n'envisagent pas leur rôle comme étant un rôle de création de contenu sur de multiples plates-formes vont avoir beaucoup de difficulté, je crois.

Pour ce qui est de CBC, je sais en tout cas que, si nous n'avions pas conclu un partenariat avec CBC, elle ne diffuserait pas l'émission Hockey Night in Canada. Il ne fait aucun doute que les droits liés aux sports ont explosé. Vous avez vu ce qui s'est passé la semaine dernière dans le cas de TNT, d'ESPN et d'ABC avec la NBA, qui a à peu près fait tripler leurs droits. La NBA a conclu un contrat de 9 milliards de dollars ou de 24 milliards de dollars sur neuf ans, c'est-à-dire que les droits ont triplé.

Je crois qu'il était important de diffuser les matchs de la Ligue nationale de hockey à CBC, et, si vous avez regardé CBC en fin de semaine dernière seulement, vous avez pu constater que nous avons fait de l'excellente promotion pour This Hour has 22 Minutes, de l'excellente promotion pour l'émission de Rick Mercer et pour d'autres émissions qui s'en viennent à la CBC. Je pense que le mandat de la CBC va être de continuer à produire des émissions canadiennes de grande qualité, mais sur de multiples chaînes, et je crois que M. Lacroix est en train d'élaborer la stratégie nécessaire.

Le sénateur Munson : Mais l'organisation que vous dirigez est à but lucratif. Actuellement, Radio-Canada n'a pas vraiment à faire des profits, mais elle a besoin de la publicité pour survivre. Il y a un problème qui tient au fait que le contenu doit se retrouver sur toutes ces plates-formes.

Est-ce que vous pensez que Radio-Canada pourrait avoir un rôle à jouer, étant donné que vous avez dit que la survie de toutes ces émissions ethniques et de toutes ces chaînes pourrait être très difficile, à tout le moins celle d'Omni, alors que tout le reste est facile? Il y a TSN 1, TSN 2, TSN3, TSN 4 et 5. Est-ce qu'il y a un rôle quelconque à jouer pour Radio-Canada?

M. Pelley : Toutes ces chaînes diffusent le même type d'émissions.

Le sénateur Munson : Mais voyez-vous une autre possibilité pour Radio-Canada, c'est-à-dire reprendre une partie de cette programmation ethnique et avoir un autre volet de programmation? Aujourd'hui, les médias numériques, comme vous dites, sont très répandus, et les choses vont vite, les gens pensent vite, mais je ne sais pas s'ils comprennent vite pour ce qui est du contenu qui existe. Une chose que Radio-Canada fait depuis longtemps, c'est d'offrir du contenu canadien et du contenu intéressant au public.

Je vous accorde, pour avoir travaillé à CTV, que ce n'est pas la même chose, mais beaucoup de réseaux se ressemblent. Est-ce que Radio-Canada peut survivre dans le contexte actuel en ayant un bon contenu pouvant prendre la forme d'émissions ethniques et de contenu produit au Canada?

M. Pelley : Ce que vous dites est intéressant, car je crois que le bon contenu et les bonnes marques vont résister à l'épreuve du temps. J'ai feuilleté la transcription des audiences « Parlons télé », et les gens ont beaucoup parlé de la télévision à la carte et de choses de ce genre. Au bout du compte, dans un monde de télévision à la carte, je pense que le radiodiffuseur qui produit le contenu le plus attrayant et qui le rend accessible sur de multiples plates-formes triomphera. J'estime que Radio-Canada a réussi depuis de nombreuses années à offrir aux Canadiens une programmation canadienne de bonne qualité qu'ils ne retrouvent pas ailleurs. Je pense que la transition de cette programmation vers de multiples plates-formes va être l'occasion pour Radio-Canada de tirer profit du contenu qu'elle offre de nouvelles manières, et c'est la stratégie que M. Lacroix applique.

Le sénateur Munson : Merci de votre réponse. J'ai une dernière question. Vous avez parlé de tous ces revenus publicitaires qu'évoquait le sénateur Plett, les millions de dollars consacrés à la publicité. J'ai noté quelques chiffres. C'est incroyable. L'économie est assez forte en ce moment. Où est allé tout cet argent qui a disparu? Les annonceurs n'ont-ils plus de publicité à diffuser? Ne dépensent-ils plus autant d'argent? Qu'est-ce qui s'est passé?

M. Pelley : Ils dépensent l'argent, mais ils ne le dépensent plus auprès des médias ordinaires. Nous avons une division d'édition, et l'édition est en baisse de 14 p. 100. Vous avez lu ce qui s'est passé au National Post la semaine dernière. Les annonceurs ont tellement de choix maintenant.

Si on repense à l'émission Donnie et Marie, qui avait à l'époque une part de 60 p. 100, c'était la seule émission pendant laquelle acheter de la publicité. Rick Brace, qui est une légende de la radiodiffusion, disait brillamment que personne n'avait jamais été congédié pour avoir acheté de la publicité pendant l'émission Hockey Night in Canada. Aujourd'hui, je dirais que personne ne sera jamais renvoyé d'une agence de publicité pour avoir acheté de la publicité auprès de Google.

Ce que les annonceurs font, sénateur Munson, c'est qu'ils font affaire avec d'autres entreprises que celles qui suivent l'ancien modèle. La transition vers le numérique est marquée, et, avant, toute la publicité était diffusée à Global, CTV ou City.

Aujourd'hui, elle est diffusée par des entreprises comme Facebook, Google et Yahoo, qui n'existaient pas auparavant. Ce sont eux les vrais joueurs qui accaparent des sommes importantes sur le marché. Le marché dans son ensemble n'est pas en contraction. Il est en expansion, en fait. C'est simplement que les entreprises fondées sur l'ancien modèle sont menacées.

La sénatrice Unger : Merci de vos exposés. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous avez adressé deux demandes différentes aux représentants du CRTC et qu'ils les ont rejetées toutes les deux. Ont-ils bien compris vos besoins?

M. Pelley : Je pense qu'ils les ont très bien compris. Susan et moi avons rencontré le président du CRTC il y a près d'un an, peut-être, et nous lui avons expliqué les difficultés avec lesquelles Omni est aux prises et les changements spectaculaires qui sont survenus au sein de l'industrie.

Je pense que le CRTC a assurément été mis au courant des difficultés, et, chose certaine, j'estime que nous avons très bien formulé nos demandes.

Mme Wheeler : J'ajouterais simplement que nous en avons présenté plus que deux. Disons que les deux dont nous avons parlé étaient celles pour lesquelles nous envisagions les possibilités de revenu les plus importantes pour la station.

La sénatrice Unger : Vous avez dit aussi que les gens utilisent de plus en plus des services unilingues. Quelles vont être les conséquences de cela, vu la situation actuelle d'Omni et le grand nombre de chaînes que vous offrez?

M. Pelley : Je pense qu'on peut dire sans craindre de se tromper que l'avenir d'Omni est incertain. Comme je le disais, le problème que crée la possibilité pour les gens d'accéder à du contenu provenant de leur pays d'origine est important. En outre, la façon dont les enfants du millénaire, la jeune génération des 18 à 34 ans, s'acclimate à notre pays est complètement différente de celle des générations précédentes.

Selon nos recherches, ils parlent leur langue maternelle à la maison et l'anglais à l'extérieur. La majeure partie du contenu qu'ils regardent est en anglais, et s'ils veulent du contenu provenant de leur pays d'origine, ils peuvent le trouver très facilement en utilisant un service par contournement. Il est très simple d'aller en ligne si on veut et de trouver du contenu provenant de son pays d'origine, ou encore de s'abonner à l'une des autres chaînes, plutôt que de regarder Omni, qui doit diffuser des émissions dans 20 langues différentes. À quel moment exactement les émissions dans une langue donnée passent-elles? Quand l'émission en portugais passe-t-elle? Il est beaucoup plus facile d'aller sur Internet. Les gens veulent regarder ce qu'ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent, surtout des gens de la génération du millénaire. Comme je le disais, je pense qu'Omni n'est plus assez spécialisé.

La sénatrice Unger : Comment vos journalistes composent-ils avec tout cela? Leur demandez-vous de vendre de la publicité en même temps qu'ils s'acquittent de toutes leurs autres tâches? Cette situation doit avoir des répercussions sur eux, j'imagine.

M. Pelley : Cela ne fait aucun doute. Malheureusement, comme de nombreux autres médias ordinaires, nous avons dû procéder à des compressions importantes au cours des dernières années. Le problème, encore une fois, c'est que nous produisons quatre bulletins de nouvelles en quatre langues différentes. Je pense que tous les gens qui participent à l'élaboration de ces bulletins de nouvelles craignent pour l'avenir d'Omni lorsqu'ils voient que les revenus continuent de diminuer.

Le sénateur Housakos : Omni a déjà été très rentable. Quand est-ce que les revenus ont commencé à diminuer? Est-ce que vos pertes sont déjà trop importantes? Sinon, à quel moment pensez-vous qu'elles le deviendront?

M. Pelley : Je pense que le moment charnière, c'était en 2012, lorsque nous avons commencé à voir le vrai changement structurel se produire dans la publicité. Passer de revenus publicitaires de 80 millions de dollars à des revenus prévus de 16 millions de dollars pour l'an prochain n'est négligeable pour aucune entreprise.

Monsieur le sénateur, ce que toutes les entreprises commencent par faire, je crois, c'est de réduire les coûts, et c'est ce que nous avons fait. Puis il vient un moment où on ne peut plus le faire. Nous arrivons malheureusement au moment où les émissions américaines, qui étaient très rentables il y a 10 ans, ne le sont plus. Nous avons dégraissé la programmation américaine d'Omni le plus possible en tentant de réduire les pertes au minimum. Si elle continue de s'éroder — et je ne sais pas exactement quand cela se produira —, elle est vraiment menacée.

Le sénateur Housakos : Pour la télévision ethnique, est-ce que vos cotes d'écoute sont déterminées de la même façon que pour la télévision en anglais et en français? Comment faites-vous vos sondages BBM?

M. Pelley : C'est extrêmement difficile.

Mme Wheeler : Oui. Évidemment, Omni est soumis aux mêmes systèmes de mesure de l'écoute que tous les grands radiodiffuseurs. Ainsi, BBM ou Numeris, qui est le nouveau nom, utilise des échantillons de l'auditoire pour établir l'écoute. Nous croyons que les communautés ethniques sont fortement sous-représentées dans ces échantillons, ce qu'on a bien démontré. Les échantillons ne prennent pas la pleine mesure des auditoires réels.

Cependant, nous pouvons nous égosiller là-dessus, il reste que, même si les annonceurs diront que le nombre de personnes qui regardent une émission est plus élevé que ce qu'indiquent les systèmes de mesure, au bout du compte, ils doivent investir là où ils sont sûrs qu'il y a un public. Notre parole ne suffit pas à ce chapitre.

Diverses choses nouvelles s'en viennent. Il y a la technologie du guichet, que nous pourrions utiliser pour prouver ce que nous avançons aux annonceurs. C'est un marché en développement, et un certain nombre de problèmes liés aux politiques et au respect de la vie privée doivent être réglés avant que cette technologie puisse vraiment être utilisée pour vendre de la publicité, mais on ne sait pas très bien si le marché va se développer assez rapidement pour pouvoir être utile à des services comme Omni.

Le sénateur Housakos : Au sujet de vos revenus de 20 millions de dollars, quelle proportion de cette somme viendra du siège social de Rogers, disons, d'annonceurs nationaux qui annoncent partout? Quelle proportion de la publicité est communautaire?

M. Pelley : Ce sera environ 12 millions de dollars à l'échelle nationale et environ 6 millions de dollars localement l'an prochain.

Le sénateur Housakos : Je présume qu'une autre diminution très importante, c'est celle de la publicité communautaire pour toute planification précise.

M. Pelley : Certainement. Actuellement, la radio se maintient, et il y a beaucoup de possibilités même pour les petites entreprises. Tout le monde veut consacrer une partie de son argent à l'optimisation des moteurs de recherche. Personne ne rédige de plan d'affaires sans cela. Encore là, c'est quelque chose qui n'existait pas il y a quelque temps.

Le sénateur Housakos : Je suis content que vous nous parliez de tout cela, car c'est un bon contexte pour ma prochaine question. Avant, la radiodiffusion était toujours liée à la culture et en faisait partie, partout dans le monde. On considérait toujours que ce qui passait à la télévision et à la radio faisait partie de la culture. Pour en revenir à Radio-Canada, il y a de très nombreuses années de cela, nous avons décidé de confier au gouvernement le mandat de promouvoir et de protéger le contenu canadien, la culture canadienne, contre notre imposant voisin du Sud, ce qui était compréhensible à l'époque et est encore sensé aujourd'hui.

Aujourd'hui, cependant, je crois que le grand défi de la protection et de la promotion de la culture n'a plus rien à voir avec notre puissant voisin. Il tient plutôt au fait que les obstacles à la communication n'existent plus et que nous vivons dans un monde de communication fluide et mondiale.

M. Pelley : La concurrence est mondiale, oui.

Le sénateur Housakos : J'ai écouté votre témoignage. Ma mère est arrivée de la Grèce dans les années 1950 et, avant, elle écoutait la radio grecque locale tous les dimanches, et c'était une station grecque de Montréal. Maintenant, elle écoute deux stations grecques d'outre-mer.

M. Pelley : Voilà.

Le sénateur Housakos : Je lui rends visite parfois, et c'en est rendu au point où ces chaînes diffusent des actualités canadiennes en grec à certaines heures particulières. Elles adaptent leur programmation en fonction de leur clientèle d'outre-mer. Les gens veulent regarder leurs émissions et écouter leur langue, et les chaînes en question leur offrent des actualités canadiennes en grec, ce que je trouve remarquable.

Je me demande ce qui constitue un bulletin de nouvelles? S'agit-il de contenu grec ou de contenu canadien présenté en grec? Le gouvernement va avoir beaucoup de difficulté à décider de la manière dont il s'attaquera au problème. Ma question concernant l'avenir est la suivante : au bout du compte, comment pouvons-nous réagir au fait que les gens choisissent ce qu'ils regardent, et que les annonceurs essaient de trouver ce qu'ils vont regarder et ce qu'ils vont écouter?

C'est un défi pour vous. Votre objectif, c'est la rentabilité. Nous essayons d'envisager l'avenir de Radio-Canada, et, à l'heure actuelle, la société d'État fait face à deux problèmes. Elle perd des téléspectateurs. Elle perd des auditeurs. Elle perd des revenus. La question fondamentale que nous posons à titre de représentants du gouvernement est la suivante : devons-nous continuer de taxer les gens s'ils écoutent et regardent autre chose? Devons-nous continuer de prendre de l'argent dans leurs poches pour subventionner Radio-Canada?

C'est une question très vaste. J'aimerais avoir une réponse.

M. Pelley : C'est une décision qui doit être prise. Pour ce qui est de ce que le gouvernement décidera de faire de Radio-Canada, je m'en remettrais à vous pour prendre une décision éclairée après avoir effectué une analyse approfondie. Tout ce que je sais, c'est que Radio-Canada va faire encore une annonce demain.

Nous continuons de collaborer étroitement avec Radio-Canada. Nous lui avons fourni du contenu canadien sans contrepartie à deux reprises au cours de la dernière année. Je reviens encore une fois à ce que j'ai dit au début. À ce moment-ci, je vois Radio-Canada comme un partenaire, et non comme un concurrent. Il y a 10 ans, on aurait considéré la société d'État comme étant un concurrent. C'était elle qui accaparait la publicité. On se battait pour les revenus publicitaires. On se battait pour les cotes d'écoute. Ces cotes d'écoute ne sont pas autre chose qu'une monnaie d'échange.

Nous avons annoncé le lancement d'un service de vidéo à la demande par abonnement qui s'appelle Show me. Avec qui le lançons-nous? Avec Shaw. Il est intéressant de voir que les entreprises structurées selon l'ancien modèle travaillent maintenant plus étroitement ensemble pour livrer concurrence aux services par contournement, qui, évidemment, ne sont pas encore réglementés sur le marché. J'insisterais assez fortement sur les mots « pas encore ».

Le sénateur Eggleton : Bonjour. Vous avez mentionné que les revenus publicitaires sont plus importants que jamais, mais qu'ils sont maintenant répartis sur un plus grand nombre de plates-formes. Lorsque CBC a perdu l'émission Hockey Night in Canada, elle a perdu passablement de revenus.

Cela soulève une question par rapport au revenu dont elle dispose actuellement, et je pense plutôt à la chaîne principale qu'à la chaîne News World, si c'est comme ça qu'on l'appelle. Obtenir cette publicité a coûté pas mal d'argent. Je me demande si cela vaut la peine. Évidemment, le secteur privé s'est déjà plaint de la concurrence venant d'un radiodiffuseur public subventionné.

Devrait-on envisager la possibilité que Radio-Canada délaisse la publicité? La société d'État n'a jamais diffusé de publicité à la radio, mais c'est peut-être en train de changer. Devrait-elle se retirer du marché de la publicité?

M. Pelley : Encore une fois, il est très difficile pour moi de dire quelque chose là-dessus sans comprendre tous les aspects des affaires de Radio-Canada. Je sais que son service de la publicité est encore très important et qu'elle ne pourrait pas faire l'annonce qu'elle va faire demain s'il n'y avait pas de publicité.

Il est difficile pour moi de vous dire si Radio-Canada devrait être présente dans le marché de la publicité ou non, mais dans le contexte de son modèle actuel de production d'émissions qui sont vraiment conçues pour plaire aux Canadiens et obtenir de bonnes cotes d'écoute... comme je le disais, les cotes d'écoute sont une monnaie d'échange. Si elle produit des émissions qui obtiennent de bonnes cotes d'écoute sur plusieurs plates-formes, elle se concentrera sur leur rentabilisation au moyen de la publicité.

Le sénateur Eggleton : Je pense que le sénateur Housakos a dit que Radio-Canada avait moins de téléspectateurs qu'avant. Pourquoi en est-il ainsi selon vous?

M. Pelley : Je pense que c'est simplement une question de concurrence. Je ne sais même pas en quelle année et d'où la concurrence est venue, mais, comme je le disais, dans les années 1970 et 1980, il était très facile d'attirer un vaste auditoire, puisqu'il n'y avait que quatre ou cinq postes différents. J'envisage la situation en grande partie du point de vue de mon fils de 11 ans, qui ne regarde pas la télévision de façon linéaire. Pour lui, l'idée de s'asseoir avec moi un samedi soir pour regarder un match de la LNH au complet lui est tout à fait étrangère. Il se peut qu'il regarde la première période, disons, alors que, lorsque nous avions 11 ans, c'était la seule possibilité qui s'offrait à nous. Il n'y avait pas de PlayStation, de Xbox et de jeux en ligne.

Je pense que tout cela tient à la concurrence. Il n'y a qu'à penser à tous les réseaux spécialisés qui existent aujourd'hui, comparativement à ce qui existait il y a 10 ans.

Le sénateur Eggleton : Il y a tellement plus de choix de divertissement qu'avant, non seulement sur les plates-formes visuelles, mais sur les plates-formes de divertissement général, disons.

M. Pelley : Voilà. Vous n'avez probablement jamais entendu parler de Dude Perfect ni de Brodie Smith, mais Brodie Smith est un virtuose du frisbee. Lorsqu'il fait une nouvelle vidéo, il l'affiche sur YouTube. Je pense que son dernier vidéo a été vu 7 millions de fois. Les façons d'accéder au contenu et celles dont les gens consomment le contenu aujourd'hui sont incroyables. Cela n'a rien à voir avec la qualité des émissions, quoique la seule chose qui comptera à l'avenir, c'est la force et l'attrait des émissions pour de multiples tranches de la population.

Le sénateur Eggleton : À quel point est-il important qu'il continue d'y avoir un radiodiffuseur public, un réseau de radiodiffusion public au pays? Le sénateur Housakos ne pense peut-être pas que l'industrie du divertissement des États-Unis est aussi importante et puissante qu'avant, mais je pense qu'elle l'est. Nous essayons de raconter nos histoires canadiennes. À quel point est-il important qu'il continue d'y avoir un radiodiffuseur public?

M. Pelley : Je pense que c'est très important, mais, encore là, ce n'est pas à moi d'en parler. C'est à vous et au gouvernement de décider, mais je pense pour ma part que Radio-Canada fait de l'excellent travail pour ce qui est d'établir des liens entre les Canadiens de nombreuses façons différentes.

Prenons l'exemple des Jeux olympiques, qui ont été diffusés ailleurs qu'à Radio-Canada en 2010 et en 2012, mais qui sont maintenant de retour sur cette chaîne. Il ne fait aucun doute que les radiodiffuseurs privés ne racontent pas les histoires canadiennes avec autant de mordant que Radio-Canada.

Le sénateur Housakos : J'ai une question complémentaire pour faire suite à cette question très juste du sénateur Eggleton. Je voudrais simplement reposer la même question d'une manière différente. Au cours des 10 dernières années, les cotes d'écoute de Radio-Canada et de CBC diminuent, et surtout celles de CBC.

M. Pelley : Maintenant je suis convaincu que cela n'a rien à voir avec Omni.

Le sénateur Housakos : Non, mais cela a à voir avec l'industrie, et vous avez une très bonne compréhension de l'industrie. Votre opinion compte autant que celle de quiconque, et probablement même plus, étant donné votre bagage et votre expérience. Les cotes d'écoute diminuent, et les revenus aussi. Ce que j'essayais de dire tout à l'heure, ce n'est pas que les États-Unis ne sont plus une puissance culturelle aussi importante qu'avant dans le monde. Ce que je dis, c'est que ce n'est plus le seul intrus dans notre existence.

Les cotes d'écoute et les revenus de Radio-Canada ayant diminué au cours des 10 dernières années, sommes-nous moins Canadiens aujourd'hui que nous ne l'étions il y a 10 ans selon vous, de votre point de vue de personne travaillant dans l'industrie de la radiodiffusion?

M. Pelley : Je crois que les Américains ont assurément prouvé au fil des ans qu'ils sont très, très patriotes. Nous avons fait des progrès très importants en racontant nos propres histoires et en nous montrant unis aux Jeux olympiques de 2010, qui ont en quelque sorte galvanisé le pays. Je pense cependant que la façon très élégante dont la tragédie survenue à Ottawa a été présentée en fin de semaine dernière par Radio-Canada était une chose très importante. C'est important pour notre culture et cela fait partie de notre identité. Je pense quand même que les Canadiens doivent se lever et se montrer un peu plus patriotes. Je crois que Radio-Canada est la plate-forme idéale pour le faire.

La sénatrice Unger : Merci de votre réponse. J'ajouterai simplement pour le compte rendu que l'homme que nous avons devant nous ferait un excellent politicien.

Le président : Au Québec, la plupart des politiciens sont issus de Radio-Canada.

Le sénateur Housakos : C'est vrai.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins de s'être joints à nous ce matin. Monsieur Pelley, j'aimerais puiser dans votre expérience de la publicité dans le secteur privé. Je vais revenir à Radio-Canada, puisque c'est l'objet de notre étude.

Vous dites que vous voyez Radio-Canada comme un partenaire, et non comme un concurrent, mais, en réalité, pour ce qui est du hockey, CBC est maintenant une filiale de Rogers à bien des égards. La perte des émissions de hockey a été une perte importante sur le plan des revenus et de la culture, et probablement sur le plan psychologique aussi.

Lorsque j'ai pris connaissance des négociations que CBC a menées par rapport au hockey, j'ai été très étonné de constater à quel point le taux de pénétration de CBC était supérieur à celui de Rogers à l'échelle du pays. CBC a cédé ses droits de diffusion des émissions de hockey à Rogers pour une somme dérisoire dans ces négociations.

Si c'était vous qui aviez négocié pour CBC, auriez-vous plié autant qu'elle l'a fait? Doit-on accuser CBC de n'avoir pas su tirer parti de l'avantage qu'elle avait?

M. Pelley : Non. Je pense qu'il y a deux choses à dire là-dessus. Tout d'abord, il faut tenir compte de la façon dont les négociations avec la LNH se sont déroulées. En octobre, j'ai reçu un appel de John Collins, qui était le président-directeur général de la LNH. Il m'a dit que la LNH avait décidé de faire affaire exclusivement avec Bell ou avec Rogers. À ce moment-là, elle avait l'intention de vendre tous ses droits à Bell. Bell avait présenté une offre très intéressante.

Nous nous sommes réunis, nous avons discuté, et nous avons présenté une offre concurrentielle par rapport à celle de Bell. Nous pensions que c'était important à ce moment-là, vu l'histoire et le legs de CBC, mais nous avions aussi d'autres options. Nous aurions pu conclure avec d'autres radiodiffuseurs hertziens une entente similaire à celle que nous avons conclue avec CBC. CTV était exclu, mais nous aurions assurément pu en discuter avec Global. Nous aurions pu présenter notre offre seuls, ce qui aurait beaucoup avantagé City, mais nous pensions que la meilleure chose à faire était de conclure une entente avec CBC.

L'entente que nous avons conclue avec CBC était excellente pour les deux parties et pour les Canadiens, selon moi. Tout d'abord, elle permettait d'offrir gratuitement aux Canadiens l'émission Hockey Night in Canada, c'est-à-dire le contenu de premier ordre. C'est important, parce que, si la Ligue nationale de hockey avait été en mesure d'en arriver à une entente avec CBC avant de déterminer qu'elle allait faire affaire exclusivement avec Bell ou avec Rogers, l'entente aurait entraîné des pertes de 50 à 75 millions de dollars pour CBC.

Ce qui s'est passé, donc, c'est que CBC a conclu une entente qui allait se rentabiliser toute seule et en même temps servir d'excellent moyen de promotion pour le reste de sa programmation, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Pour nous, c'était l'occasion d'offrir des matchs de la LNH aux Canadiens le samedi soir sur deux réseaux ordinaires différents, CBC et City, ce qui était bon pour nous. Quant aux consommateurs, nous savons qu'ils ont plus de choix que jamais. Il va y avoir 350 parties de plus à la télé ordinaire seulement cette année, et plus de 1 200 parties de diffusées par voie numérique, soit 300 de plus.

Je pense que c'est une entente qui est très avantageuse pour les consommateurs, au bout du compte. Elle est avantageuse pour Rogers, et, chose certaine, elle a permis à CBC d'assurer sa viabilité et de continuer d'obtenir du contenu de premier ordre.

Le sénateur MacDonald : Je voudrais simplement revenir sur l'un des points. Je ne comprends toujours pas bien comment CBC peut avoir un réseau d'une aussi grande portée. Le fait de pouvoir joindre presque tous les ménages du Canada doit forcément avoir une grande valeur pour Rogers ou Bell et quiconque conclut un partenariat avec CBC. Et pourtant, CBC a cédé cet avantage sans rien demander en échange, semble-t-il.

Je serais curieux de savoir pourquoi CBC n'a pas accordé de valeur à cet avantage et essayé d'obtenir des revenus en échange. Elle a un problème de revenu. Je ne comprends pas pourquoi elle a cédé son avantage pour presque rien.

M. Pelley : Comme je le disais, c'était nous qui avions le choix. Si CBC avait demandé 25 ou 50 p. 100 des revenus, nous n'aurions pas conclu d'entente. Ce n'est pas que CBC n'ait pas demandé de revenu ou de possibilité de vente pendant les négociations, mais nous étions convaincus que nous allions continuer à bâtir la marque Hockey Night in Canada, qui appartient toujours à CBC et dont elle tire maintenant des revenus. Nous estimions avoir besoin des revenus, et nous ne voulions pas céder certaines des possibilités de revenu à CBC, ce qui aurait permis la présence dans le marché de deux vendeurs proposant une radiodiffusion ordinaire. Si CBC avait été beaucoup plus exigeante, nous aurions envisagé d'autres possibilités.

Le sénateur MacDonald : Que sera-t-il advenu de CBC dans quatre ans, selon vous? Que croyez-vous que l'avenir réserve à la société d'État?

M. Pelley : C'est une bonne question. Je ne sais pas ce qui va se passer dans quatre jours, alors dans quatre ans... C'est à ce rythme que l'industrie évolue. C'est justement pour cette raison que nous avons conclu une entente de quatre ans avec CBC pour Hockey Night in Canada, c'est-à-dire pour voir comment l'industrie aura changé et vers quoi elle s'orientera dans quatre ans. Si je pouvais vivre les quatre prochaines années et revenir vous présenter un document expliquant jusqu'où la technologie nous a amenés et en quoi le contexte a changé en quatre ans, ce document défierait l'entendement.

Qui sait comment les choses seront dans quatre ans. Nous voulions garder une certaine marge de manœuvre pour déterminer la meilleure façon pour nous de poursuivre notre collaboration avec la LNH après quatre ans.

Le président : Il reste six minutes, et le sénateur Plett, la sénatrice Unger et le sénateur Housakos doivent encore poser des questions. Je pourrais peut-être vous demander de poser vos questions et demander à M. Pelley de répondre aux trois questions d'un coup et de conclure en même temps, si vous êtes d'accord.

Le sénateur Plett : Certainement, et je vais raccourcir les questions que j'avais à poser. Ce qui est clair, c'est que nous avons dit aujourd'hui et avons toujours dit auparavant que notre étude vise à discuter de la viabilité de Radio-Canada dans un contexte changeant. Je ne sais pas si c'est le mandat officiel, mais, à la lumière de l'entente conclue par rapport à l'émission Hockey Night in Canada, la question de la viabilité se pose.

Ma question à cet égard nous ramène à la publicité. Dans ce cas-ci, je ne vais même pas vous demander de parler de ce qui va se passer dans quatre ans. CBC n'a jamais été un candidat dans ces négociations. Je pense que vous avez dit que la LNH négociait avec Rogers ou avec Bell. Combien de revenus publicitaires CBC perdra-t-elle environ — et je sais que vous ne me donnerez pas un chiffre exact — au cours des quatre prochaines années en raison de cette entente, toutes choses étant égales par ailleurs?

Évidemment, elle touchera quand même certains revenus publicitaires, mais, ce que nous essayons de déterminer, c'est dans quelle mesure la société d'État est viable. Combien de revenus publicitaires perdra-t-elle au cours des quatre prochaines années? Ce sera ma dernière question.

La sénatrice Unger : Ma question est en quelque sorte liée à celle du sénateur Plett. Êtes-vous le seul radiodiffuseur à collaborer aussi étroitement avec Radio-Canada? Vous avez fait allusion à cette collaboration à plusieurs reprises. Si vous n'êtes pas le seul, avec votre aide et celle des autres radiodiffuseurs, est-ce que les affaires de Radio-Canada vont aller mieux? La société d'État pourrait-elle survivre?

Le sénateur Housakos : Ma question est brève. Je vous demanderais simplement de résumer votre point de vue sur l'avenir de la télévision ethnique au pays, pour les 5 à 10 prochaines années. Y a-t-il encore un marché? Quel serait le rôle de Radio-Canada à ce chapitre?

M. Pelley : Pour ce qui est de la première question, au sujet des revenus perdus, évidemment, les chiffres de Radio-Canada sont publics. Je crois que les revenus publicitaires annuels pour l'émission Hockey Night in Canada se situent entre 120 et 150 millions de dollars, donc il s'agirait de 500 à 700 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.

Cependant, les coûts auraient été plus près de 1 milliard de dollars, ce qui fait que, au bout du compte, Radio-Canada aurait probablement perdu quelque chose comme 300 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.

La hausse importante des droits pour les sports — je ne veux pas rater l'occasion d'insister sur l'importance de la chose — a fait en sorte qu'il est très difficile pour CBC ou pour tout autre radiodiffuseur qui n'envisage que les entrées et les sorties d'argent d'assurer sa viabilité, à moins d'avoir de bons partenaires. C'est ce qui s'est passé dans le cas de la LNH.

Sommes-nous le seul radiodiffuseur? Je pense qu'il y en a un autre qui commence à collaborer avec Radio-Canada. Je pense que, de plus en plus, nous travaillons tous ensemble. Si je pense à nous quatre, les quatre radiodiffuseurs ordinaires, il y a beaucoup plus de coproductions qu'avant. Nous n'en avons pas encore fait avec Bell, et ça n'arrivera probablement jamais. Je ne sais pas si Shaw en fera une avec Bell, mais nous avons collaboré étroitement avec Shaw et avec Radio-Canada.

Je ne peux pas vous dire ce que pensent les dirigeants des autres radiodiffuseurs ordinaires, mais, pour nous, c'est Radio-Canada qui nous menace le moins. Est-ce que cela rend la société d'État viable? Encore là, il s'agit d'une question qu'il faudrait que vous posiez aux représentants de Radio-Canada, mais nous discutons avec eux, et nous ne les voyons pas comme des concurrents. Nous les voyons comme des partenaires.

Pour ce qui est de la télévision ethnique, c'est une excellente question. La question fondamentale à se poser pour le gouvernement est la suivante : a-t-on besoin d'un radiodiffuseur hertzien proposant des émissions ethniques, vu que les services par contournement et les câblodistributeurs en proposent? Le gouvernement a-t-il besoin, comme bon nombre d'autres pays du G20, d'un radiodiffuseur hertzien proposant une programmation ethnique? Est-ce que c'est un créneau qui devrait être confié à Radio-Canada? C'est une question que je poserais au gouvernement.

Je demanderais au président du CRTC quel est le besoin en matière de radiodiffusion hertzienne d'émissions ethniques, car je crois que cela devient extrêmement difficile dans le modèle actuel.

La sénatrice Unger : Très brièvement, la publicité politique est également une source de revenus, surtout pendant une campagne électorale. Que pensez-vous de ces revenus publicitaires?

M. Pelley : Les revenus publicitaires provenant du gouvernement et des partis politiques ne peuvent dépasser une certaine limite au Canada. Il n'y a pas de limite aux États-Unis, ce qui fait que la publicité électorale est une excellente source de revenus pour les radiodiffuseurs américains. Les revenus de publicité liés au secteur pharmaceutique et aux élections constituent une différence importante entre les marchés américain et canadien. Comme radiodiffuseur, j'aimerais beaucoup que les restrictions concernant la publicité politique soient supprimées et que tout le monde dépense beaucoup plus d'argent en publicité.

Le président : Là-dessus, je vais faire parvenir une copie de mon projet de loi sur le contrôle des dépenses des partis politiques entre les élections.

Merci d'être venu nous présenter un exposé ce matin.

Bram Abramson, agent législatif et réglementaire en chef, TekSavvy Solutions Inc. : Bonjour. Merci d'avoir invité TekSavvy à venir témoigner aujourd'hui. Nous ne sommes pas aussi connus que Rogers. Nous ne vendons pas d'abonnement aux services de télévision, sauf dans une petite ville de l'est de l'Ontario près de Belleville qui s'appelle Madoc, où nous n'avons commencé à le faire que récemment.

Ce que nous offrons, par contre, c'est l'accès à beaucoup de contenu télévisuel par Internet. TekSavvy vend un accès à Internet à environ 250 000 foyers. Dans une proportion d'environ quatre sur cinq, ces foyers ne sont pas abonnés aux services de télévision, alors nos abonnés sont les « coupeurs de câble » dont on parle. Et pourtant, la majeure partie de l'activité sur notre réseau consiste en l'affichage d'émissions de télévision et de films sur des écrans connectés à des ordinateurs. Netflix et YouTube comptent à eux seuls pour plus de la moitié des données que nous transmettons.

Ce qui est drôle, dans tout cela, c'est que TekSavvy aimerait bien devenir un radiodiffuseur comme les autres. Lorsque nous avons témoigné à l'audience « Parlons télé » du CRTC et que nous avons dit cela, certaines personnes ont été franchement étonnées. J'aimerais vous expliquer pourquoi et comment cela contribuerait en réalité à la réalisation des objectifs du système canadien de radiodiffusion et de Radio-Canada d'après la Loi sur la radiodiffusion.

Pour y arriver, il faut que je commence par vous parler un peu de TekSavvy, car nous ne sommes pas tout à fait aussi connus que les autres entreprises du secteur. Nous exploitons un assez grand réseau de base au Canada et jusqu'aux États-Unis. Nous nous distinguons de Bell et de Rogers par la façon dont nous offrons l'accès à Internet. Dans le dernier kilomètre, nous utilisons habituellement un accès réseau acheté en gros. Autrement dit, nous payons un tarif réglementé pour utiliser la ligne d'accès de quelqu'un d'autre entre les foyers et le réseau. Ce n'est pas le cas partout. Dans les régions rurales, nous exploitons un réseau sans fil fixe, mais nous utilisons la ligne d'accès d'un tiers pour la majeure partie de nos abonnés.

Le principe régissant les tarifs réglementés est assez simple. C'est un peu comme dans le temps, lorsqu'on voyait 20 téléphones sur un même bureau. Il ne serait pas logique que toutes les entreprises voulant offrir leur service à un foyer établissent leur propre ligne, et que la plupart des lignes demeurent inutilisées, sauf celles du fournisseur choisi par le client. Au lieu de cela, l'organisme de réglementation établit un tarif équitable dans lequel le profit de l'installation goulot est déjà compté. Il nous suffit d'acheter l'accès à la ligne pour nous lancer à la conquête du marché.

Jusqu'à maintenant, TekSavvy n'utilise ces lignes d'accès au réseau achetées en gros que pour offrir l'accès à Internet et le service de téléphonie IP, mais rien ne nous empêche d'offrir le service de télévision, et je vais vous expliquer en quoi cela est important. Dans l'espace Internet, nous espérons et nous aimons penser que les joueurs comme nous ont apporté au marché une discipline tarifaire et une prestation de services novatrice.

Nous aimerions faire la même chose dans le domaine de la télévision. La télévision sur Internet obtenue par contournement est regardée en moyenne cinq heures par semaine par les gens qui regardent la télévision sur Internet — la moyenne est encore plus basse pour l'ensemble de la population —, par rapport à 28 heures par semaine pour la télévision ordinaire. Autrement dit, le contenu vidéo vient encore de la télévision ordinaire, qui demeure le réseau vidéo. Franchement, l'Internet actuel pourrait difficilement permettre à la plupart des gens au Canada de regarder 28 heures de vidéo aux heures de grande écoute chaque semaine sur réseau à large bande. Cela ne fonctionnerait pas.

La télévision ordinaire possède encore les téléspectateurs et le contenu. Nous cherchons à obtenir l'accès aux chaînes de télévision qui ont libéré tous les droits de radiodiffusion ordinaire. C'est ce qui nous intéresse. Le problème est le suivant : dans le contexte actuel, lorsque nous voulons offrir un service de télévision au public, nous devons respecter les règles du CRTC concernant le service de base, la prépondérance des chaînes canadiennes, CBC, SRC, Newsworld, LD et ainsi de suite.

Pour les prochaines années — et c'est le sujet que nous avons abordé à l'audience « Parlons télé » que vous nous avez demandé d'aborder aujourd'hui —, cela signifie une emprise sur ce qui se passe en ligne pour le CRTC, Radio-Canada et le système canadien de radiodiffusion au sein duquel Radio-Canada continue d'occuper une place de choix, du point de vue réglementaire à tout le moins. Surtout, cela signifie que beaucoup de diffuseurs concurrents ne sont pas intégrés verticalement et ne disposent pas du contenu qui leur permettrait de faire concurrence à Radio-Canada ou de collaborer avec elle.

Cette emprise ne durera pas éternellement. L'architecture d'Internet continue d'évoluer. Il continue d'y avoir de plus en plus d'argent à aller chercher en ligne. À un moment donné, les gens qui consacrent de l'argent à la production d'émissions de télévision ou de contenu pour la télévision comme les émissions de sport seront en mesure de rentabiliser davantage la diffusion en ligne qu'à la télévision ordinaire.

Je crois que ce que nous cherchons à dire, c'est que nous n'en sommes pas encore là. Il reste encore peut-être quelques années. Dans l'intervalle, il y a des entreprises canadiennes qui frappent à la porte et qui veulent accéder au marché et renouveler des tarifs et le modèle de prestation du service pour offrir un service de télévision fondé sur Radio-Canada et sur des chaînes canadiennes. Autrement dit, cela constitue le contenu accessible pour alimenter le service que nous créons.

Au cours de l'une de vos séances antérieures, Scott Hutton, du CRTC, a décrit la transition d'une situation où on est obligé de produire du contenu canadien parce qu'il y a un quota à une situation où nous mettons en place une structure dans laquelle on est motivés à le faire par intérêt commercial.

Ce que nous avons dit à l'audience « Parlons télé », c'est que la possibilité d'appliquer cela pour stimuler la concurrence dans le secteur de la télévision par abonnement au Canada constitue le principal défi à relever pour le CRTC à l'heure actuelle.

Deux obstacles majeurs nous attendent. Le premier, c'est l'accès au contenu, et j'entends par là que les services par contournement doivent procéder à de longues négociations par rapport à tout le contenu qu'ils offrent. Ce n'est pas grave. C'est le contenu qui distingue le service. Les fournisseurs de services réglementés doivent tous offrir les mêmes chaînes, ce qui est un excellent point de départ pour le lancement d'un nouveau service ayant déjà du contenu, mais les négociations sont longues, ce qui fait qu'on se demande si cela vaut la peine. Ça annule l'avantage que comporte le lancement d'un nouveau service dans le système réglementé. Ça réduit l'emprise peu à peu. Ce sont des formalités administratives superflues.

Nous avons donc demandé au CRTC de créer des ententes par défaut entre les chaînes de télévision et les diffuseurs. Lorsqu'une entreprise comme la nôtre souhaite lancer un service en offrant les chaînes canadiennes de base et au choix et est disposée à suivre toutes les règles, nous estimons qu'il vaudrait mieux pour le système qu'elles puissent choisir les dispositions par défaut en matière de prix et procéder rapidement à son lancement. Nous pourrions quand même négocier de meilleurs prix, mais nous serions déjà présents sur le marché. Nous aurions lancé notre service.

L'autre obstacle est plus important. C'est le coût de la bande passante. Un grand distributeur de services de télévision peut offrir son service de base à 30 ou 40 $, mais pour nous qui sommes encore en train de frapper à la porte et qui utilisons encore l'accès au réseau acheté en gros comme installation de goulot, le coût de la bande passante pour offrir le même service de télévision est à lui seul de 80 $. Autrement dit, la bande passante nous coûte à elle seule plus cher que le prix de l'ensemble du service pour un grand distributeur.

Ce n'est pas logique. Les tarifs de bande passante pratiqués entre fournisseurs sont très variables à l'heure actuelle. Il s'agit de tarifs réglementés. Le CRTC a fait d'énormes progrès pour ce qui est de favoriser la concurrence à notre avis. Cela a certainement profité aux consommateurs, mais il faut encore qu'il règle quelques détails, et nous pensons qu'il va le faire.

Une concurrence au Canada au chapitre de l'accès au réseau acheté en gros créera des perturbations dans le secteur de la télé comme elle en a créé dans le secteur des réseaux à large bande, mais pour un radiodiffuseur public doté d'un rôle particulier au sein d'un système réglementé qui a eu de la difficulté à se séparer de tours de distribution et dont le CRTC dit que la majeure partie de sa distribution est effectuée par des distributeurs dont le contenu est en concurrence avec le sien, ce serait un gain net. Il y aurait plus de joueurs sur le marché, plus de gens en concurrence, et surtout, plus de distributeurs de contenu non intégrés verticalement.

Je sais qu'il y a eu ici des débats sur la nécessité de modifier les lois sur la radiodiffusion et sur les télécommunications ou d'adopter de nouvelles lois. Je pense devoir insister sur le fait que rien de ce dont j'ai parlé aujourd'hui n'exige quoi que ce soit de ce genre.

À nos yeux, la plupart des solutions tiennent non pas à la rédaction de dispositions législatives, mais bien à l'adoption de mesures réglementaires assez simples que nous espérons voir le CRTC prendre, et nous comprenons que le CRTC subit des pressions énormes.

Nous pensons que les prochaines années vont être cruciales par rapport à tout cela et que nous avons deux choix : nous pouvons attendre la prochaine vague de services par contournement en provenance de la Californie. C'est très bien. Je pense que ce serait excellent pour les consommateurs. Nous pouvons aussi permettre l'entrée sur le marché d'un grand nombre de nouveaux diffuseurs de télévision canadiens utilisant du contenu canadien, ce système ayant déjà Radio-Canada comme centre. Nous avons la possibilité de le faire de façon assez simple. Je pense que cela aiderait tout le monde.

Le sénateur Eggleton : Si je comprends bien, vous êtes ce qu'on appelle un radiodiffuseur par contournement.

M. Abramson : Nous ne sommes pas un radiodiffuseur pour l'instant. Les gens utilisent notre accès à Internet pour accéder à des radiodiffuseurs par contournement comme Netflix et iTunes.

Le sénateur Eggleton : Vous offrez Netflix, par exemple.

M. Abramson : Nous offrons simplement l'accès à Internet. L'utilisateur se rend sur le site de Netflix et paye son abonnement de 7,99 $ par mois, ou plus, en fait, car je crois que le prix a augmenté. Cela ne nous regarde pas. C'est une transaction entre l'utilisateur final et Netflix, et nous ne sommes que l'intermédiaire qui transmet les données.

Le sénateur Eggleton : Vous êtes un courtier qui joue le rôle d'intermédiaire dans ce cas-ci.

M. Abramson : Oui, exactement.

Le sénateur Eggleton : En quoi votre organisation pourrait-elle contribuer à la radiodiffusion canadienne selon vous? L'idée, c'est que Radio-Canada raconte des histoires canadiennes. Netflix offre un certain contenu canadien, mais n'est pas assujetti à la même réglementation que les principaux radiodiffuseurs du Canada. Cette entreprise offre beaucoup d'émissions américaines, ce qui est normal. C'est une entreprise américaine.

De quelle façon pourriez-vous rétablir l'équilibre en offrant plus de contenu canadien, en faisant ce que les radiodiffuseurs publics doivent faire?

M. Abramson : Nous aimerions offrir des services de télévision.

Le sénateur Eggleton : Vous souhaitez le faire, mais vous ne le faites pas encore.

M. Abramson : Nous ne le faisons pas encore parce que l'accès à la bande passante dont nous aurions besoin nous coûterait plus cher que le prix du service de base de Rogers.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous demandé une autorisation réglementaire ou quelque chose de ce genre au CRTC?

M. Abramson : Oui. Enfin, ce que nous lui avons dit, c'est que les tarifs n'ont aucun sens et doivent être ramenés à quelque chose de plus raisonnable. Autrement dit, si le régime réglementaire prévoit que le prix de l'accès au réseau acheté en gros par une installation goulot doit être le prix coûtant plus la marge de profit, ce qui est le cas, les tarifs ne peuvent pas être aussi variables qu'ils le sont actuellement, et, pourtant, nos coûts de bande passante sont astronomiques comparativement à ce qu'on offre aux services de télévision qui utilisent la même ligne et achètent l'accès au prix de détail. Cela n'a tout simplement aucun sens.

Le sénateur Eggleton : Comment saurions-nous que vous présentez du contenu canadien, nécessairement?

M. Abramson : À mon sens, une partie de l'astuce, c'est que nous avons déjà des règles à cet égard. Autrement dit, si nous voulons offrir de la télévision canadienne, nous devrons offrir un service où tous les abonnés prennent principalement des chaînes canadiennes. Nous offrons tous les services de la CBC et de la SRC, et ainsi de suite. Cela fait partie du système, aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : Vous aspirez à devenir un radiodiffuseur plus traditionnel, c'est-à-dire qui offre des chaînes plutôt que du contenu en ligne seulement.

M. Abramson : Oui, un distributeur de radiodiffusion traditionnel, je dirais. C'est ce que nous voudrions pouvoir faire. Je suppose que notre message est fondé sur le point de vue qu'un monde dans lequel c'est plus accessible et dans lequel nous avons des taux plus rationnels et toutes les choses qui nous permettent d'y arriver est en fait bien meilleur pour la CBC parce qu'il y a beaucoup plus de personnes qui sont en concurrence pour acheminer le contenu vers le foyer des gens.

Le sénateur Eggleton : Votre entreprise est-elle totalement canadienne?

M. Abramson : Notre entreprise est complètement canadienne. Tout notre personnel de centre d'appel, tout le monde, occupe un emploi canadien à temps plein.

Le sénateur Eggleton : Comme le mandat du comité est de se pencher sur la CBC et sur son avenir à la lumière de tous les changements qui seront bientôt apportés, avez-vous des réflexions particulières au sujet de la CBC en soi?

M. Abramson : Je comprends qu'il y a des difficultés liées au fait de compter sur le financement du gouvernement. Le rôle du secteur privé n'est pas toujours clair en ce qui a trait au financement. Il y a un grand débat à ce sujet.

Tout d'abord, je dirais, comme l'intervenant qui m'a précédé, que, d'une certaine manière, ce n'est pas mon rôle, et je soupçonne que nos utilisateurs, qui sont très conscients de la valeur de l'argent, ont un point de vue différent à ce sujet.

J'ai toujours été une personne qui a assidûment regardé la CBC au fil des ans. Durant mes études, je lisais beaucoup sur les façons de se doter d'un écosystème riche en contenu : il faut divers modèles de propriété d'entreprise. Si tout relève du secteur privé, que tout appartient à l'État ou que tout est public, selon la façon dont c'est géré, ou si c'est tout communautaire, cela ne fonctionne pas. Il faut diverses choses qui tirent et qui mènent le marché dans des directions différentes. Je le comprends. J'ai l'impression que nous avons besoin d'une personne qui va raconter ces histoires, et tout le reste. Il est clair que le financement et le fonctionnement pratique de ce système sont des questions complexes.

Le sénateur Housakos : Il s'agit manifestement d'un environnement en constante évolution. L'information est diffusée de tellement de façons auprès des gens. La CBC est un radiodiffuseur indépendant et traditionnel. Il me semble — et c'est également l'impression du comité — que, jusqu'ici, la société est un peu dépassée par certains des changements qui ont eu lieu depuis une dizaine d'années. Elle a mis en place une stratégie numérique il y a quelques années. Elle a dépensé des dizaines de millions de dollars. On ne sait pas encore clairement quelles ont été les retombées, et il a été très difficile pour la CBC même de nous dire quelles sont les données probantes tangibles et empiriques dont elle dispose concernant les résultats de cette stratégie.

J'aimerais que vous formuliez un commentaire sur les mesures radicales qu'elle doit prendre pour rapidement tenter de s'adapter — et que vous expliquiez de quelle manière elle peut les prendre — à l'environnement en constante évolution dont on vient tout juste de parler et que vous nous avez présenté.

M. Abramson : Laissez-moi vous faire part de deux réflexions à ce sujet. La première concerne la relation de la société avec la distribution. Il me semble, et d'après ce que j'ai observé de la CBC à l'audience concernant « Parlons télé », qu'elle ne souhaitait pas être une entreprise de distribution. Elle ne veut pas exploiter d'antenne. Elle est préoccupée par une grande partie du contenu qui est diffusé en parallèle et que les gens peuvent regarder au lieu de son contenu. On pourrait dire qu'elle est en concurrence. C'est intégré à la distribution, mais elle n'est pas certaine de la façon dont cela fonctionne, et elle est un peu inquiète.

De ce point de vue, je dirais que nous comprenons la situation. Nous sommes en quelque sorte le revers de la médaille. En outre, nous ne sommes pas intégrés verticalement, mais nous sommes du côté de la fourniture plutôt que de celui du contenu. Nous craignons toujours d'apprendre qu'un grand fournisseur de réseau, comme Rogers, Bell ou qui que ce soit d'autre — et je ne dis pas qu'ils le font —, va offrir du contenu en accès limité à ses utilisateurs, qu'il va littéralement dire aux gens que, s'ils veulent s'abonner à Internet, ils sont aussi bien de le faire auprès de ces fournisseurs, sans quoi ils ne pourront pas tout voir. C'est pourquoi nous sommes des champions si acharnés de la neutralité du réseau en tant qu'enjeu stratégique.

Je pense que la CBC a des préoccupations semblables et que, ce qu'elle doit faire dans cette situation, c'est simplement accueillir Internet de certaines façons et s'assurer que son contenu est disponible afin qu'elle ne soit pas obligée de faire affaire avec tous les distributeurs qui rendent son contenu accessible. On peut vraiment le visionner pourvu qu'on soit sur Internet. Plus le nombre d'endroits où son contenu est accessible sera grand, sur toutes les tablettes, tous les sites web et toutes ces choses, mieux ce sera.

Je suppose que cela m'amène à ma deuxième réflexion connexe : que la CBC se concentre simplement sur le fait d'être un fournisseur de contenu. Au Royaume-Uni, il y a quelques années, on parlait d'éditeurs de services publics plutôt que de radiodiffuseurs de services publics. C'est une notion à laquelle il faut réfléchir. Je pense que, dans une certaine mesure, la CBC a fait un assez bon travail à cet égard. Nous avons beaucoup entendu parler d'un célèbre animateur d'émission-débat de la CBC aux nouvelles, hier, et ce matin.

Ce qui m'a frappé, bien sûr, c'est à quel point c'était une grosse affaire. Tout le monde en parlait. C'est une émission que bien des gens ont suivie, pas seulement à la radio, quoique c'est manifestement de cela qu'il s'agit, mais aussi dans le cadre d'un genre d'émissions de télévision où on voit les animateurs en ligne. L'aspect Twitter de cette affaire est énorme. J'ai lu une lettre rédigée par l'une des principales personnes concernées par toute cette affaire, sur Facebook, et nous avons observé bon nombre de choses à ce sujet.

Selon moi, la CBC a fait un assez bon travail pour ce qui est de tenter d'adopter les plates-formes numériques. C'est difficile à faire, simplement parce que nous n'y sommes pas encore arrivés. Comme je l'ai dit, 28 heures par semaine à la télévision traditionnelle, la télévision payante, j'imagine, par rapport à quelque chose comme deux heures, si on fait la moyenne, pour la télévision sur Internet, c'est quelque chose de complètement différent de ce qu'on a fait jusqu'ici, mais il n'y a tout simplement pas d'argent.

Le sénateur Housakos : Les plates-formes numériques, il me semble, sont très difficiles à transformer en argent, en dollars.

M. Abramson : Oui.

Le sénateur Housakos : Je ne suis pas expert dans le domaine, mais je suis une personne qui a de l'expérience dans la vente. Quels sont les progrès réalisés dans ce domaine? Comment l'industrie va-t-elle se débrouiller pour créer une plate-forme qui diffuse de l'information rapidement, sur diverses plates-formes, mais qui fait en sorte qu'il est très difficile de récupérer les recettes perdues?

M. Abramson : Si je savais... C'est une question tout à fait pertinente. Ce que nous avons vu, ce sont des plates-formes qui sont excellentes pour diffuser des choses. Nous avons parlé de Twitter. J'étais sur Twitter ce matin, et j'ai vu des membres du comité qui y étaient, et ainsi de suite. Cette plate-forme a vraiment changé la façon dont un grand nombre d'entre nous suivent les nouvelles et tout le reste.

En ce qui concerne les recettes de la CBC, je ne les connais pas, mais elles sont très maigres, et aucune ne provient de productions vidéo. Comme vous le savez, la vidéo est beaucoup, beaucoup plus chère à produire que toutes ces choses. Je suppose qu'on pourrait le faire grâce à YouTube, mais même YouTube recherche très activement ce qu'il appelle le contenu en accès limité; il conclut des ententes et amène des gens vers la plate-forme parce que ce n'est pas le genre de choses qu'on peut faire en haute qualité dans son sous-sol le soir comme passe-temps. Il faut de l'argent réel pour que des gens rédigent de bons scénarios et pour payer les acteurs et les caméras, et tout le reste.

C'est très, très difficile. Je ne connais pas la réponse, mais ce que je sais, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui investissent de grosses sommes pour tenter de trouver ce qui fonctionne.

Le sénateur Munson : Combien de groupes comme le vôtre font ce que vous faites au pays? J'ai même parlé du besoin de plus de fourniture que de contenu, mais c'est un peu comme dire que c'est dans l'arrière-plan. Je ne pense pas que les gens prêtent attention à cet aspect. Comment gagnez-vous votre argent?

M. Abramson : Nous sommes un peu comme un service public. Nous fournissons des bits.

Le sénateur Munson : Je connais le terme « bits », mais les gens ne comprennent pas ce terme, et les anglophones pensent qu'il a quelque chose à voir avec les chevaux. Bien des gens ne comprennent tout simplement pas ce genre de conversations, peut-être les sénateurs âgés et moi-même également.

M. Abramson : C'est assez juste. De la même manière que nous avons tous eu une ligne téléphonique à notre domicile, où on n'a qu'à décrocher pour entendre la tonalité : au lieu d'une tonalité téléphonique, nous fournissons une certaine tonalité par Internet. Au lieu de raccorder son téléphone à cette tonalité, on raccorde son ordinateur, et au lieu de composer des numéros de téléphone et de parler aux gens, on peut faire toutes les choses différentes dont on entend parler sur Internet en s'organisant pour que l'ordinateur l'envoie par cette ligne.

Si les gens veulent rédiger des courriels, s'ils veulent naviguer sur le Web, s'ils veulent regarder des films, Internet est une technologie beaucoup plus vaste, selon moi, que le téléphone, qui ne sert qu'à une seule fin. Tout ce qu'on faisait, c'était parler aux gens.

Ce que nous faisons, c'est littéralement essayer d'agir comme ce service public, amener cette ligne Internet au domicile des gens et les laisser faire ce qu'ils veulent grâce à elle.

Le sénateur Munson : Faites-vous de l'argent en le faisant? Je pense que vous avez mentionné un secteur précis. Y a-t-il d'autres petites organisations comme la vôtre partout au pays qui font la même chose dans des secteurs désignés?

M. Abramson : Nous desservons environ 250 000 domiciles dans l'ensemble du Canada, principalement en Ontario et au Québec. La très petite partie que j'ai mentionnée, c'est parce que nous avons acheté une entreprise de câblodistribution il y a environ six mois, ou, j'imagine, peut-être un peu moins, afin d'en apprendre davantage au sujet du domaine de la télévision et de voir ce qu'il faudrait pour se lancer dans ce domaine, surtout déterminer comment nous pourrions l'intégrer à ce que nous faisons, qui est lourdement axé sur Internet, ou, du moins, sur le style de fourniture qui caractérise Internet. C'est assez petit. C'est Madoc, en Ontario, et l'entreprise sert moins de 1 000 foyers; c'est donc littéralement une fraction de ce que nous faisons en général.

Par rapport aux autres entreprises, je suppose que nous sommes probablement l'une des plus importantes au Canada, peut-être le plus important fournisseur de services résidentiels indépendant ou de rechange du genre. Il y en a pas moins de 25 qui fonctionnent tous et qui font des choses à peu près semblables à ce que nous faisons, mais à plus petite échelle.

Le sénateur Munson : Vous l'avez peut-être mentionné. Suivez-vous un processus réglementaire pour obtenir le permis?

M. Abramson : Une grande partie de ce que nous faisons n'exige pas de permis officiel, mais il y a des listes d'inscription sur lesquelles le nom de notre entreprise doit figurer. Certaines de nos activités exigent des permis, selon la façon dont nous les menons, mais, oui, nous devons faire affaire avec le CRTC. Nous avons des tarifs à payer pour obtenir l'accès aux installations goulot que nous intégrons dans nos réseaux. Les installations goulot sont la ligne qui se rend au domicile parce qu'il serait simplement insensé que chacun construise la sienne. Oui, le processus réglementaire est une partie importante de ce que nous faisons.

Le sénateur Munson : Ainsi, vous gagnez bien votre vie en le faisant.

M. Abramson : Nous essayons. Les marges ne sont pas les mêmes qu'au hockey, semble-t-il, mais nous faisons de notre mieux.

Le président : Avez-vous une association? Vous n'êtes pas le seul à le faire. Alors tout le monde est-il regroupé en tant qu'association et faites-vous des demandes collectives au CRTC?

M. Abramson : Oui, nous sommes regroupés. Il y a quelques années, nous avons fondé le Consortium des opérateurs de réseaux canadiens. En fait, c'est exactement cela : un regroupement d'une vingtaine d'entreprises — je ne me souviens plus du nombre, je m'excuse — qui le font à diverses échelles et de diverses manières. Certaines le font grâce à l'accès au réseau de grossistes, comme nous; certaines le font presque entièrement grâce au réseau sans fil fixe, comme, je l'ai mentionné, nous également. Nous le faisons surtout à notre siège social, à Chatham, en Ontario. Oui, il y a une association et, oui, elle est assez active.

Le sénateur Plett : Vous avez répondu à certaines de mes questions à la toute fin de votre réponse aux questions du sénateur Munson, mais je veux approfondir un peu plus votre réponse. Le sénateur Munson et le sénateur Eggleton essayaient tous les deux de découvrir ce que vous faites d'autre exactement. Je m'en excuse, mais je n'ai jamais entendu parler de TekSavvy Solutions avant aujourd'hui.

M. Abramson : Ne vous inquiétez pas.

Le sénateur Plett : Je viens du Manitoba, et vous avez parlé de l'Ontario et du Québec. Exploitez-vous votre entreprise dans l'ensemble du Canada?

M. Abramson : D'un point de vue géographique, nous servons l'ensemble du Canada, mais nous ne sommes pas présents partout au Canada. Plus précisément, nous ne sommes pas encore présents au Manitoba. Nous sommes en train de prendre des mesures pour, espérons-le, offrir le service au Manitoba également, mais nous n'y sommes pas encore.

Le sénateur Plett : Vous avez dit qu'il y a un certain nombre d'organisations comme la vôtre et que vous faites partie d'une association.

M. Abramson : Oui.

Le sénateur Plett : De quoi avez-vous besoin pour percer au Manitoba? Que faites-vous qui vous distingue de vos concurrents?

M. Abramson : Nous fournissons tous nos services de façon légèrement différente. Les prix, les forfaits de services, le service à la clientèle, l'équipement qui est utilisé pour l'accès, et ainsi de suite; tout cela est un peu différent. Du point de vue de la téléphonie, parce que nous offrons le service téléphonique également, les taux sont différents pour les appels interurbains. Tout cela est un peu différent.

En ce qui concerne ce dont nous aurions besoin pour nous lancer au Manitoba, ce qui, comme je l'ai dit, nous intéresse beaucoup, nous avons simplement besoin, à la plus grande échelle possible, de travailler avec les fournisseurs locaux, comme MTS, et de faire de notre mieux.

Le sénateur Plett : C'était ma prochaine question. J'ai Internet à mes deux domiciles : mon chalet et mon condo, à Winnipeg. Je suis abonné à MTS, et l'entreprise me fournit tous mes services. Si vous étiez au Manitoba, j'aurais le choix de m'abonner à TekSavvy pour qu'elle me fournisse mes services d'appels interurbains et tous mes services Internet. Est-ce exact?

M. Abramson : Votre téléphone résidentiel et tout cela, oui.

Le sénateur Plett : Et mon téléphone résidentiel.

M. Abramson : Exactement.

Le sénateur Plett : MTS serait l'un de vos grands concurrents si vous veniez au Manitoba.

M. Abramson : Si nous allions au Manitoba, MTS serait à la fois un de nos grands concurrents et notre plus important fournisseur.

Le sénateur Plett : Vous souhaitez être un concurrent de la CBC, mais vous ne l'êtes pas pour le moment.

M. Abramson : Non, en réalité, nous souhaitons diffuser le signal de la CBC et le rendre accessible.

Le sénateur Plett : Ainsi, vous voudriez travailler avec la CBC, pas contre elle.

M. Abramson : Absolument. Idéalement, ce serait génial. Je dirais que, qu'il y avait un monde dans lequel les membres de notre association industrielle se livraient généralement concurrence dans le domaine de la télévision de la façon dont nous le faisons dans le domaine d'Internet, on observerait un marché beaucoup plus concurrentiel pour les services télévisuels au pays.

Le sénateur Plett : En raison des élections municipales au Manitoba, l'autre jour... nous avons obtenu un bon résultat à l'élection de notre maire. Je voulais regarder Dragons' Den parce que c'était le premier épisode de la saison, mais je ne pouvais pas parce que l'émission était remplacée par les élections municipales. Je suis allé sur le site de la CBC, et je l'ai visionné grâce à ma connexion Internet fournie par MTS. Si j'avais pu m'abonner à TekSavvy, aurais-je été en mesure de le faire en ce moment? Si vous étiez là, où que vous soyez, aurais-je pu le faire?

M. Abramson : Je crois bien, et la raison de ma prudence est qu'il y a des émissions sur certains sites Web où une entreprise vous dit que, si vous n'êtes pas abonné à son service de câblodistribution, elle ne vous laissera pas la regarder. Vous devez entrer votre mot de passe et ainsi de suite. Je ne pense pas que ce soit le cas pour la plupart des émissions de la CBC. Selon moi, la société a adopté la stratégie dont je parlais plus tôt afin de rendre son contenu le plus accessible possible sur Internet pour s'assurer que les gens le regardent. Vous auriez probablement pu regarder cette émission particulière, mais il faudrait que je vérifie.

Le sénateur Plett : Mais au moins, cela me donne une idée du service que vous offrez.

M. Abramson : Exactement.

La sénatrice Unger : Vous venez tout juste de mentionner que la CBC ne fait que mettre ses émissions sur Internet le plus possible pour les rendre accessibles à tous. Considérez-vous cette concurrence de la part d'une entreprise publique financée par l'argent des contribuables comme de la concurrence, et, si c'est de la concurrence, est-ce vraiment équitable?

M. Abramson : C'est une bonne question. Est-ce de la concurrence? Est-ce équitable? En ma qualité de personne qui a déjà fait un peu de droit de la concurrence, il m'est difficile de répondre parce que, dans le cas d'une émission de télévision comme dans celui de toute propriété intellectuelle, chaque élément de contenu est différent du suivant. Dans quelle mesure sont-ils en concurrence directe s'ils sont tous différents? Si nous disons que la raison pour laquelle nous avons créé une CBC était qu'elle fasse quelque chose de différent de ce que fait le secteur privé, on pourrait dire que ce n'est pas de la concurrence. L'objectif principal est de faire quelque chose d'autre, de créer un type d'émissions différent, de produire plus d'émissions canadiennes et toutes ces choses.

Par ailleurs, on pourrait dire : « Écoutez, en fin de compte, ce qui m'intéresse, c'est la vente de publicité et, en ce sens, je peux confier ma publicité à la CBC ou la confier à Rogers. » J'imagine que ce serait de la concurrence. Est-ce équitable? Ce n'est pas à moi de le dire, mais, dans notre pays, nous avons fait le choix stratégique de créer un radiodiffuseur public et de lui faire créer du contenu. C'est un choix que nous avons fait. Une fois que nous l'avons fait, nous devons laisser la société utiliser ce contenu de la façon qui servira le mieux ses objectifs. Je ne suis pas du genre à faire des conjectures. C'est sa direction et son conseil. La société est sur le marché ou elle ne l'est pas, mais, une fois qu'on est sur un marché d'idées, je peux comprendre qu'on veuille que ces idées soient diffusées.

La sénatrice Unger : Vous avez dit que vous seriez en mesure d'offrir votre télévision sans fil dans les régions éloignées. Seriez-vous capable d'offrir votre service à tous les endroits au Canada où le fait la CBC, sans tours et ce type de transmission?

M. Abramson : Non. Je parlais de deux ou trois choses différentes. Nous offrons la majeure partie de nos services grâce à notre accès au réseau de grossistes, mais, dans les régions rurales, nous offrons un service sans fil fixe, principalement dans nos deux bureaux principaux, à Chatham, en Ontario, notre siège social, et à Gatineau, au Québec. Ces services ne sont pas nécessairement assurés par des tours. Souvent, nous utilisons le toit des silos à grains ou le coin du toit d'un complexe sportif. Nous fournissons l'accès sans fil de cette manière, puis nous raccordons la fibre de la façon habituelle à l'immeuble ou au silo en question, ou à quoi que ce soit. Dans ce cas, il faut absolument des tours, mais, à part le satellite, je ne connais pas beaucoup d'options pour rejoindre ces régions les plus éloignées sans infrastructure terrestre.

La sénatrice Unger : Vous parlez de la fibre optique, n'est-ce pas?

M. Abramson : Oui.

La sénatrice Unger : Est-ce ce que fait Bell en ce moment?

M. Abramson : Dans de nombreuses régions, oui.

La sénatrice Unger : J'habite dans un condominium, à Ottawa, et Bell offre ces services. Êtes-vous dans l'ouest du Canada, plus précisément en Alberta? Je viens d'Edmonton.

M. Abramson : Oui.

La sénatrice Unger : Là-bas, les concurrents sont Shaw et Telus.

M. Abramson : Et TekSavvy, oui.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie de votre présence, monsieur Abramson.

En ce qui a trait aux réseaux de Bell et de Rogers, à part la modification des tarifs pour accéder à ces réseaux, quels autres changements aimeriez-vous que le CRTC apporte?

M. Abramson : C'est une très bonne question, et je dirais qu'une audience de politiques majeure du CRTC aura lieu bientôt, où nous aborderons certains de ces aspects. Je devrai faire attention de ne pas parler quand ce n'est pas mon tour et changer ce que nous demandons.

Actuellement, avec leur service, nous dépendons, à cette dernière étape, du fournisseur d'installations goulot. Cela suppose de faire plus qu'appuyer sur un interrupteur. Il faut parfois envoyer un installateur. Il faut faire des diagnostics internes parce que la ligne d'accès est raccordée à toutes sortes de circuits électroniques auxquels nous n'avons pas accès.

L'une des choses à propos desquelles nous avons posé des questions au CRTC c'est, essentiellement, la possibilité de suivre l'exemple de certains autres pays, en Europe et ailleurs, pour que les choses fonctionnent, surtout à l'égard de l'aspect non tarifaire, et que tous soient traités de la même façon. Autrement dit, s'il y a une installation goulot et qu'il a été déterminé qu'un tarif doit être imposé relativement à son utilisation afin de permettre la concurrence parce qu'il n'est pas faisable de la reproduire, le volet du grossiste qui fournit l'installation goulot doit traiter son volet responsable du commerce de détail de la même manière qu'il traite les autres détaillants. Nous pensons que, autrement, il va toujours y avoir un léger obstacle. L'entreprise a tout intérêt à le faire. Je peux comprendre pourquoi elle sauterait sur l'occasion de ne pas traiter les autres détaillants de la façon dont elle traite son volet responsable du commerce de détail.

Pour nous, c'est un énorme problème, parce qu'il a vraiment des répercussions sur les consommateurs, qui deviennent frustrés. Parfois, nous sommes un genre d'intermédiaire à cet égard, et c'est dur. Les tarifs sont manifestement importants, mais une toute nouvelle technologie nous arrive également, et elle permettra d'installer la fibre jusqu'au domicile, y compris les condominiums. Nous ne pouvons y accéder pour l'instant, et nous croyons que l'aspect économique de la fibre optique jusqu'au domicile, ou comme on le dit « la fibre jusqu'à l'abonné », est semblable. Autrement dit, il n'est pas économique d'avoir cinq, voire sept, ou quel que soit le nombre, lignes de fibre optique différentes qui vont toutes à l'endroit en question. Ça n'a tout simplement pas de sens.

Ce que nous avons proposé au CRTC, c'est un modèle économique de la façon d'établir le tarif pour ce service et la façon dont on trouverait un moyen acceptable pour la personne qui installe la fibre de refiler le risque à la personne qui veut y accéder de sorte que cela ne réduise pas la motivation à l'égard de l'investissement. Ainsi, on pourrait s'assurer que la fibre optique se rend aux domiciles dans notre pays et que nous avons de la concurrence afin que, une fois que quelqu'un a raccordé la fibre au domicile, cela ne mette pas fin à la concurrence pour le consommateur.

Je dirais que ce sont certains des aspects le plus importants qui nous préoccupent particulièrement au sujet de l'avenir. Nous pensons qu'un assez bon régime est en place maintenant et qu'il fonctionne, sauf pour certains détails, comme les prix. Nous craignons que, dans l'avenir, le régime disparaisse. Il ne fonctionnera peut-être pas de la même manière si certains de ces aspects ne sont pas étudiés de façon très sérieuse par le CRTC, et c'est pourquoi nous avons soulevé la question.

Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous approfondir vos réflexions sur les forfaits? Que pensez-vous des forfaits?

M. Abramson : Une fois qu'on fournit des services au domicile, plus on peut en fournir, plus on peut réaliser de recettes et plus on peut récupérer rapidement son investissement et investir dans d'autres choses, et ainsi de suite.

Les forfaits sont aussi une façon d'innover. Ainsi, du point de vue d'un consommateur, vous pouvez obtenir une gamme de services plus riche, et le fournisseur de services a tout intérêt à vous les fournir. Notre préoccupation va dans l'autre sens : parfois, si on ne peut pas regrouper tous les services, on se fait exclure. C'est certainement notre cas dans certaines régions, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous aimerions offrir la télévision également. Pour certaines personnes, si nous ne fournissons pas la télévision, elles ne sont pas du tout intéressées. C'est l'une des raisons pour lesquelles si peu de nos abonnés sont des personnes qui ont le service de télévision.

Nous voyons les avantages. Nous voyons aussi certains inconvénients. J'imagine que l'une des choses dont nous voulons nous assurer est que le marché n'est pas un endroit où les gens qui n'offrent pas de forfaits ne sont plus concurrentiels parce que, selon nous, ce serait désastreux pour le consommateur.

Le sénateur MacDonald : Mon fils aîné regarde toujours Apple TV. Je me demande si vous pourriez décrire comment vous percevez l'avenir d'Apple TV et de modèles semblables.

M. Abramson : Nous avons quelques-uns de ces appareils, chez moi. Je devrais préciser qu'il y a environ six mois, j'ai annulé l'abonnement que j'avais chez Rogers et qu'une personne est venue installer une antenne sur mon toit afin que nous puissions obtenir environ 20 services en ondes en haute définition intégrale. Nous ne payons rien pour ces services. Nous avons un appareil Apple TV et d'autres appareils semblables qui sont branchés.

Je pense que, pour le moment, personne n'est certain du modèle qui sera adopté. Une grande question consiste à déterminer avec qui on fait l'analogie? Si on est Apple TV ou si on est Netflix, est-on comme HBO ou est-on comme Rogers? Est-on comme l'entreprise de câblodistribution ou est-on comme l'une des chaînes que l'entreprise de câblodistribution fournit?

Je ne sais pas si on peut y répondre clairement, et peut-être que ni l'un ni l'autre n'est un modèle d'avenir. On n'a simplement pas encore dégagé de modèle fonctionnel pour cette entreprise. Maintenant, nous avons les boîtes Apple TV. Dans une certaine mesure, ces boîtes ne sont pas trop difficiles à raccorder au téléviseur ou à raccorder à un convertisseur numérique que TekSavvy ou Bell pourrait fournir à quelqu'un, et on pourrait simplement syntoniser la partie Apple TV du système.

Je sais par contre que la passation de marchés pour l'obtention de l'accès au contenu des forfaits de service, d'une part, et la même activité à l'égard de la connectivité, d'autre part, sont de plus en plus, du moins, selon moi, des activités distinctes. En ce qui concerne l'orientation d'Apple TV, je constate que c'est du pareil au même. Autrement dit, les gens qui regroupent le contenu n'ont rien à voir avec ceux qui fournissent la ligne d'accès pour vous transmettre ce contenu. Je suppose que c'est à cette fenêtre que je faisais allusion lorsque je parlais de fermer la fenêtre.

Actuellement, nous serions ravis d'offrir des services de télévision traditionnelle parce que nous voudrions offrir aux gens les chaînes de télévision qu'ils veulent, mais, disons que je doute beaucoup que dans 10 ans ce volet fasse partie de notre entreprise, pas plus que la concurrence avec Netflix ne fait partie de notre entreprise aujourd'hui. Cela n'aurait tout simplement pas de sens pour nous. Ce n'est pas ce que nous faisons.

Le sénateur MacDonald : Pour ce qui est des applications, selon vos observations, les applications, y compris celles de la CBC, sont-elles branchées directement aux téléviseurs par le truchement de ces boîtes numériques?

M. Abramson : Oui. Je pense de plus en plus que les gens souhaitent avoir un genre d'expérience homogène sur tout un ensemble de plates-formes. Ils ont leur téléviseur. Ils ont leur téléphone. Ils ont leur ordinateur portatif, leur tablette et tout cela. Ils veulent regarder quelque chose au grand écran, puis peut-être l'emporter sur leur téléphone et monter à l'étage avec leur tablette et toutes ces choses. Je pense que les applications s'intègrent toutes les unes aux autres dans une certaine mesure. Elles en font absolument partie, et, en fait, la façon dont nous offrons ce service va changer complètement. Encore une fois, je ne pense pas que nous y soyons encore tout à fait parvenus, d'un point de vue technologique, mais c'est là que nous nous dirigeons.

Le président : Au début, vous avez parlé de ce qu'est le rôle de l'agent de réglementation au CRTC. Vous avez parlé d'Apple TV. Vous avez parlé de Netflix. Le CRTC fait l'autruche, et ces choses n'existent pas. En fait, le témoignage présenté par le témoin n'existe pas non plus. Nous ne vous avons pas entendu.

Encore combien de temps pouvons-nous continuer de travailler dans un environnement où le processus réglementaire est si discriminatoire pour les gens qui font l'effort de le respecter? L'intervenant qui vous a précédé ce matin expliquait : « Je me suis adressé au CRTC. Il a refusé ceci. Il a refusé cela. » D'autres gens ne s'adressent pas au CRTC. Ils se contentent de faire ce qu'ils veulent. Jusqu'à quel point pouvons-nous, en tant que gouvernement, ou jusqu'à quel point les institutions fédérales peuvent-elles tolérer ce type d'iniquité?

M. Abramson : Je présenterais la situation différemment. J'ai entendu dire, je l'avoue, que les intervenants étrangers n'étaient pas réglementés, mais que ceux du pays le sont. En réalité, c'est le contenu qui est diffusé sur Internet qui n'est pas réglementé, et le contenu qui est diffusé sur les chaînes spécialisées qui est réglementé.

Si Rogers veut faire concurrence à Netflix en offrant un service par contournement, l'entreprise est libre de le faire, et elle n'aura pas plus de réglementation à respecter que Netflix. De fait, j'ai l'impression que c'est ce qu'elle fait avec Shaw. Dans un sens, on pourrait dire qu'elle a l'avantage réglementaire. Elle peut faire deux choses parce qu'elle est canadienne. Elle peut offrir le service réglementé ou un qui ne l'est pas par contournement. Netflix ne peut faire que l'une de ces choses. Cette entreprise ne peut offrir que le service réglementé par contournement parce qu'elle n'est pas canadienne.

C'est clairement plus compliqué. Netflix est également l'une de ces entreprises californiennes qui profitent de genres d'économies d'échelle mondiales que nous n'avons tout simplement pas sur un marché périphérique comme le Canada; c'est donc difficile de faire une comparaison.

Je dirais que, à mon avis, pour le moment et pour les prochaines années, ces mesures de réglementation devraient être inversées. Les gens peuvent offrir leurs services par contournement et faire tout ce qu'ils veulent. La question est la suivante : pourquoi voudraient-ils être dans un environnement réglementé? Nous avons exposé certaines des raisons pour lesquelles nous le voulons. Nous aurions pu offrir un service par contournement qui ne serait pas réglementé. Nous n'avons aucun intérêt à le faire, mais nous voudrions offrir un service réglementé, et nous choisissons ce type de service parce qu'il nous donnerait accès au contenu canadien, aux services de base et aux autres services connexes qui nous permettraient de fournir les services auxquels les clients et les consommateurs s'attendent.

Si le CRTC prenait des mesures pour le permettre et le faciliter, on verrait sûrement de nombreux nouveaux distributeurs lancer leur entreprise. À mesure que les barrières tombent et qu'il n'est peut-être plus durable de maintenir une différence, on serait déjà dans un environnement où notre écosystème canadien serait beaucoup moins fragile. C'est notre point de vue.

Perry Rosemond, producteur, réalisateur et scénariste, The Rosemond Company : Merci. Quel plaisir d'être ici aujourd'hui.

Ce matin, je vais vous communiquer ma vision de trois types de programmation télévisuelle qui garantiront une augmentation spectaculaire des recettes et des cotes d'écoute de la CBC.

Je vais commencer par analyser les nouvelles et les affaires publiques. Ensuite, je vais parler de la programmation de divertissement scénarisée et, enfin, j'aborderai les arts.

Nouvelles et affaires publiques : il est essentiel de faire participer les jeunes de notre nation à la programmation, à la création, à l'élaboration et à la production.

Je cite Eric Schmidt de Google : « La santé du secteur des entreprises qui démarrent d'un pays finit par déterminer la santé de son économie en général. » Je proposerais la création sur le Web d'un réseau national de jeunes relatif aux affaires publiques qui attirerait les meilleurs talents à la CBC tout en encourageant et en formant les futurs radiodiffuseurs de notre nation.

Notre processus de recrutement prendrait la forme d'un groupe de réflexion national. Tout le monde serait le bienvenu, d'où qu'il vienne. Une fois que les étudiants auraient été choisis dans chaque région, ces jeunes esprits sélectionneraient le contenu, rédigeraient des scénarios, réaliseraient toutes leurs productions et y interpréteraient un personnage.

Même si nous commençons sur le Web par la promotion sur la bande passante et les autres miracles de transmission qui se profilent à l'horizon, avant longtemps, cette programmation sera accessible pour la CBC et le monde entier. De plus, toutes les stations de la CBC et de la SRC auront une merveilleuse occasion de travailler ensemble.

Les participants ne choisiront pas tous une carrière en radiodiffusion, mais, pendant leurs études menant à l'obtention de leur maîtrise en administration ou de leur diplôme de droit, bon nombre d'entre eux seront attirés par la radiodiffusion. La société d'État sera la première à pouvoir examiner certains des esprits les plus brillants de la nation. Notre façon de communiquer continuera de changer en proportion logarithmique, et ces jeunes gens dirigeront le changement.

Ensuite, mon point de vue sur la programmation de divertissement scénarisée : il y a déjà plusieurs excellentes émissions sur CBC/Radio-Canada. Je ne me souviens pas avoir vu une meilleure sélection pour les heures de grande écoute. Être fournisseur de programmation scénarisée dans notre pays, ce n'est pas pour les petites natures. Ça coûte cher, et c'est difficile à faire, mais c'est tout de même la meilleure façon de raconter nos histoires, et CBC/Radio-Canada doit porter le flambeau.

Showtime et HBO ont mis la barre très haut, et ils l'ont fait en partant d'un principe tout simple : en faire la moitié et le faire deux fois mieux. La CBC commence à adopter cette philosophie, et c'est une bonne idée. Elle est sur la bonne voie.

J'aimerais bien observer une personne créative monter les échelons. Voici un plan pour élaborer du matériel scénarisé : disons que nous commençons par les deux personnes créatives, soit le cadre supérieur de la CBC qui s'y connaît très bien en scénarios et le génie créatif qui présente l'idée à la CBC. Ils collaborent. Ils discutent de la sensibilité, de l'intrigue de la loi et des personnages. Ensemble, ils obtiennent quelques dollars d'un organisme subventionnaire, et la CBC fournit quelques dollars. Il leur en coûte littéralement 12 000 $ pour que l'élaboration d'un produit soit bien amorcée grâce à ce scénario, et c'est très économique.

Le radiodiffuseur et le scénariste mènent le processus habituel de montage jusqu'à ce que le scénario soit terminé. On trouve ensuite une entreprise de production convenable qui entreprendra le projet avec le scénariste. J'aime ce concept parce que j'aime l'endroit où sont placés le scénariste, le créateur et l'artiste dans la structure. Le scénariste d'une série télévisée fournit la plus grande partie de l'apport créatif, et cela lui donne la possibilité d'être placé haut dans la hiérarchie.

Enfin, les arts : j'ai commencé à travailler dans le domaine de la télévision avant le noir et blanc. Quand j'ai commencé, il n'y avait que le noir. J'ai une longue expérience. J'ai produit beaucoup de pièces de théâtre pour l'écran, et je les ai produites avec des vedettes magnifiques des deux côtés de la frontière et avec de merveilleux accessoires, mais elles ont toutes été insatisfaisantes. Elles ont été transmises au petit écran avec un son inférieur.

En réalité, nous n'avons pas rendu service aux arts en les diffusant à la télévision. Comment pouvons-nous saisir, montrer et préserver les merveilleuses œuvres d'art et la culture de notre nation? Un nouveau jour se lève, et je suis certain que, tout comme moi, vous en êtes conscient. Du théâtre pour l'écran de cinéma et l'écran de télévision qui fonctionne vraiment. Les pièces du Olivier National Theatre retransmises, Alan Bennett, la tragédie grecque, la farce française, Shakespeare, tout cela fonctionne. Les productions du Metropolitan Opera, captivantes. Qu'est-ce qui a changé? La taille et la qualité de l'écran et les innovations au chapitre du son. Dans un avenir très rapproché, ce genre de programmation sera offert à domicile. Notre propre festival de Stratford est déjà en train de se monter une bibliothèque.

Pour conclure, laissez-moi vous faire vivre un court voyage fantastique vers le futur. Le Canadien Bernard Slade est l'un des plus grands dramaturges vivant au monde; comme dirait Don Cherry, « a good old St. Catherines boy », « un bon p'tit gars de St. Catherine ».

Or, sa pièce intitulée Même heure l'année prochaine est la pièce à deux personnages la plus souvent interprétée au monde. Elle est traduite dans toutes les langues. Elle est particulièrement populaire en France. L'auteur a écrit une suite, que j'ai récemment relue. Elle s'intitule Same Time, Another Year, c'est-à-dire « même heure une autre année ». Sa visibilité est très minime, mais c'est une pièce tout aussi bonne.

Disons que nous la mettions en scène un soir en anglais, puis la suite le lendemain soir, en anglais, puis que nous fassions la même chose en français et que nous enregistrions les prestations. La CBC obtiendrait une participation et détiendrait les droits télévisuels conventionnels.

Vous avez entendu d'autres intervenants le dire, mais la visibilité de produits comme celui-ci est maintenant sans limites. On compte maintenant, en Amérique du Nord, 1 400 théâtres où ce genre de produit est à l'affiche : des concerts, des pièces, n'importe quoi. Ils ont maintenant lieu en parallèle, sur scène et à l'écran.

Il y a une entreprise britannique, DigitalTheatre.com. C'est le Netflix des présentations sur scène, les concerts et les événements ainsi qu'un service de télévision à la carte et sur demande. CBC/Radio-Canada sera bientôt en mesure de diffuser notre excellent produit culturel dans le monde entier.

Pour résumer, d'abord, dans les nouvelles et les affaires publiques, une plus grande participation des jeunes provenant de toutes les régions. Ensuite, c'est le matériel scénarisé. La CBC y arrivera bientôt. Assurons-nous que la créativité augmente dans le processus. Au théâtre, la CBC est sur le point d'embarquer dans une aventure extrêmement palpitante. Dans un avenir très rapproché, la programmation qu'elle doit créer sera celle qu'elle veut bien créer.

Le sénateur Munson : Merci, monsieur, de votre présence. Tout d'abord, je n'ai pas votre biographie et je suis vraiment curieux de découvrir un peu de votre richesse et de votre expérience.

M. Rosemond : Oh, ne vous inquiétez pas. Je vais en glisser un mot dans le cadre de la séance. Soyez-en assuré.

Le sénateur Munson : Je voudrais l'entendre parce que, selon moi, c'est important pour le contexte de savoir certaines des choses que vous avez faites.

M. Rosemond : Bien sûr, Wikipédia.

Le sénateur Munson : Je pense que mon collègue m'a dit qu'il fallait combler 340 heures de programmation le samedi soir. Ma mère écoutait Gordie Drillon, un joueur de hockey d'Edmonton, et Hockey Night in Canada. Le samedi soir, dans les Maritimes, on se rassemblait autour de la radio, et elle mentionnait toujours le nom du monsieur. En fait, c'est devenu une tradition, du samedi soir.

Ceux d'entre nous qui vivaient à Montréal écoutaient Danny Gallivan et René Lecavalier. Dans mon esprit, ces voix rendaient le hockey passionnant. Nous étions là. Cela fait partie de notre ADN.

La réalité, c'est que, en raison de toutes ces plates-formes numériques et de tout ce qui se passe d'autre et des compressions à la CBC, on va continuer de voir cette programmation pendant encore quelques années. Dans votre esprit novateur et créatif, quel genre de programmation pourrait être diffusé le samedi soir? Je m'inquiète au sujet du coût prohibitif de la production du genre de contenu canadien qui permettrait à la CBC d'être une entité dynamique dans le paysage de la radiodiffusion.

M. Rosemond : Je vais aborder ces questions séparément. Le premier volet, celui des jeunes, est très rentable. Je dois vous dire que j'ai mis cette plate-forme à l'essai dans le cadre d'une émission que j'ai produite dans les années 1960 intitulée Through the Eyes of Tomorrow, À travers les yeux de demain.

Ce que j'ai fait, c'est prendre un élève de chaque école secondaire; je les ai rassemblés et j'ai réalisé une émission à laquelle ils ont participé. Dans le cadre de ce projet, nous demandions aux mentors de fournir leurs services bénévolement, et il y avait du mentorat au début.

Deuxièmement, on fait des films sur des iPhone; il est donc possible d'obtenir les éléments techniques, et j'ai pressenti deux collèges de communication qui étaient disposés à fournir des installations pour ce genre de produit. En outre, monsieur le sénateur Munson, nous faisons affaire avec la crème de la crème du marché initial. Ce pourrait être très attrayant pour les entreprises commanditaires non concurrentes. Bien entendu, la CBC aurait le droit de fournir quelques dollars, puisqu'elle obtiendrait beaucoup de programmation en retour.

Pour ce qui est des recettes, dans la deuxième situation hypothétique que j'ai présentée, celle de la programmation scénarisée, je ne parle que des coûts initiaux liés à la production. Il n'y a pas d'autres coûts. Il n'y a pas de coûts plus importants. En fait, il y a moins de coûts parce que les pages scénarisées utilisées dans le cadre du projet sont éprouvées.

Quant au troisième volet, aucune programmation ne peut être plus efficiente que la plate-forme artistique que j'ai présentée. Il y a maintenant des caméras robotiques pour filmer. Il y a des théâtres qui sont munis des installations. Si vous allez à Stratford, on sait exactement où mettre quoi; par conséquent, ce modèle pourrait en réalité devenir une entreprise financière très positive.

Le sénateur Munson : Je voudrais seulement obtenir un contexte plus visuel de ce dont vous parlez. Quand vous dites que toutes ces plates-formes sont accessibles à Stratford et à d'autres endroits au pays, parlez-vous d'émissions ou de spectacles, de choses qui sont y produites, qui existent déjà et que l'esprit créateur peut rassembler pour la programmation télévisuelle?

M. Rosemond : Oui. Je peux vous présenter un petit historique : on a récemment fait une production de La nuit des rois qui était une adaptation musicale. C'était plus qu'exceptionnel. La CBC n'a pas prévu de permis pour diffuser le spectacle, et je ne la blâme pas nécessairement, mais, dans trois ans, quand le mur de votre salon aura cinq fois la taille de l'écran plat que vous avez maintenant, cette production connaîtra un succès retentissant.

Le sénateur Housakos : Je vous remercie de votre présence ce matin. J'ai pris le temps de lire votre biographie, et je suis vraiment assez impressionné. Si quelqu'un est qualifié pour nous parler de radiodiffusion canadienne, de culture canadienne et d'art canadien, c'est vous.

M. Rosemond : Merci, je suis flatté du compliment.

Le sénateur Housakos : Il y a deux problèmes, je suppose. Le premier est lié au fait de produire du contenu canadien, de produire l'émission et de produire l'œuvre d'art. L'autre est liée à la nécessité de trouver la plate-forme qui permettra aux gens de le voir. Le premier problème exige des dépenses pour la production, et le deuxième devrait apporter de recettes qui serviront à payer le projet.

M. Rosemond : Exactement.

Le sénateur Housakos : Quel est le plus grand problème dans l'industrie en ce moment? Le problème le plus important est-il lié à la production d'une émission canadienne ou est-ce que le plus important des deux consiste à trouver la plate-forme pour que les gens la regardent et pour obtenir les recettes?

M. Rosemond : Je ne m'y connais pas trop en plates-formes.

Le sénateur Housakos : Quand je dis « plate-forme », je le dis parce que, de mon point de vue, je ne pense pas que la CBC diffuse suffisamment de contenu canadien de qualité. Est-ce parce qu'elle fait les mauvais choix? Investit-elle aux mauvais endroits?

J'ai grandi à Montréal et, quand j'étais enfant, je ne ratais jamais un épisode de King of Kensington. Je ne manquais jamais un épisode de Beachcombers. C'étaient les émissions que mes amis et moi regardions; nous voulions les regarder.

Je n'ai jamais vu personne de la génération de mes enfants s'empresser de dire : « je veux voir cette émission à la CBC » en parlant d'une émission canadienne. Ils n'en regardent manifestement pas sur Bell ou sur d'autres chaînes, puisqu'ils regardent des émissions américaines, et je les vois regarder des émissions américaines. Comment pouvons-nous surmonter ce problème?

M. Rosemond : C'est King of Kensington que j'aime le plus, puisque je perçois des redevances pour cette émission, mais je pense que Heartland, The Rick Mercer Report et This Hour has 22 Minutes sont de très bonnes émissions. Je trouve que l'horaire des heures de grande écoute est assez bon.

Tout cela pour dire qu'il n'y a tout simplement pas d'argent. Monsieur le sénateur, j'ai participé à une émission intitulée Good Times à CBS, aux États-Unis. Nos droits de licence étaient de 500 000 $ pour deux diffusions au pays et, dès que nous avons atteint 460 000 $ de dépenses, une cloche a sonné, et nous avons cessé de dépenser.

Nous faisions déjà des profits. Le marché des émissions souscrites était en plein essor. Nous avions accès à l'étranger. Nous avions les droits à perpétuité. Maintenant, ces frais sont le quart de ce qu'ils étaient. On peut venir au Canada, où on a affaire à 10 p. 100 de la population; les chiffres ne sont pas là. C'est difficile. C'est vraiment, vraiment difficile.

Le sénateur Eggleton : Une des préoccupations qui ont beaucoup été soulevées, ici, c'est que les gens ne semblent pas regarder la CBC autant que par le passé. On a laissé entendre que la concurrence est plus féroce dans le domaine du divertissement, qu'il y a plus de plates-formes diverses que les gens regardent, et certains ont dit que c'est à cause de la qualité.

Cependant, vous venez tout juste de dire, quand vous avez parlé des émissions de divertissement scénarisées, que vous n'aviez jamais vu de programmation d'une aussi bonne qualité et que la société semble être sur la bonne voie. Vous avez mentionné Showtime sur HBO, quelque chose qui ressemble à ce qu'elle fait, qui semble être plus rentable et être tout de même de bonne qualité. Comment se fait-il que le nombre de téléspectateurs ne cesse de chuter?

M. Rosemond : Parce qu'il y a tellement plus de possibilités. Quand nous avons commencé Royal Canadian Air Farce, monsieur le sénateur Eggleton, nous comptions près de deux millions de téléspectateurs. À la fin, nous en avions habituellement moins d'un million parce qu'il y avait tellement d'autres options. Il y a tout simplement un si grand nombre de possibilités. C'est la bonne nouvelle. La mauvaise, c'est que l'argent disponible pour payer ces émissions est limité.

Le sénateur Eggleton : Les compressions à la CBC ont des répercussions sur la qualité de la programmation parce qu'il n'y a pas autant d'argent pour produire les émissions.

M. Rosemond : J'ai seulement l'impression qu'il y a trop de possibilités. Il y a trop de possibilités. Il y a trop d'options.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné, en ce qui a trait à la programmation artistique, que ce qui fait la différence, c'est de mettre le théâtre sur la scène. Vous avez mentionné le Metropolitan Opera. Vous avez mentionné Stratford et d'autres. La taille de l'écran ainsi que les techniques de son qui sont utilisées. Vous pensez que cela pourrait devenir quelque chose de viable à la maison, une fois que nous aurons des écrans beaucoup plus grands. Est-ce là toute l'idée?

M. Rosemond : C'est là toute l'idée. Dans les années 1970, je faisais une pièce de théâtre pour Arts & Entertainment, aux États-Unis. Mon collègue, John Hirsch, montait une pièce à Stratford, et nous avions tous deux le même problème : nous ne pouvions pas demander aux acteurs de baisser le ton pour le petit écran, mais maintenant, grâce à l'avènement des grands écrans, ils peuvent y aller; nous sommes donc en mesure de saisir toute l'expérience théâtrale grâce à la taille de l'écran et à la qualité du son.

Le sénateur Eggleton : On en tire également des recettes parce qu'on va au théâtre et que, bien entendu, on paie pour voir la pièce. Comment cela fonctionnerait-il dans le cas de la CBC, dans une situation de radiodiffusion générale?

M. Rosemond : La CBC obtiendrait une participation financière et participerait à tous les volets que j'ai décrits : le concept Netflix, et tout le reste. Elle conserverait ses droits conventionnels canadiens.

Le sénateur Eggleton : Ce concept de nouvelles et d'affaires publiques dont vous nous avez un peu parlé, je me demande si vous pourriez nous l'expliquer d'une façon un peu plus détaillée. Vous parlez de rassembler les nouvelles d'une certaine manière. Vous donnez l'impression de vouloir perfectionner le talent en vue de l'affecter à la programmation des nouvelles et des affaires publiques. Est-ce bien ce dont il s'agit? Vous faites faire aux jeunes quelque chose, qui, selon eux, est la bonne chose à faire; vous les intéressez, puis cela devient un moyen d'obtenir plus de talent.

M. Rosemond : Il s'agit d'un programme de formation, mais aussi d'un programme d'approvisionnement. Lorsque je l'ai mis à l'essai à petite échelle dans la région de Toronto, disons que l'astronaute Gus Grissom tenait une conférence de presse et que la CBC a envoyé Norman DePoe.

Mon petit Bill Craig, qui est maintenant sous-ministre, avait 15 ans, et l'a accompagné. Les journalistes posaient toutes sortes de questions très nobles, et mon petit Bill a levé la main et a dit : « Monsieur Grissom, pourquoi est-ce que les Russes et les Américains ne peuvent pas travailler ensemble? »

Nous regardons, comme je l'ai dit, à travers les yeux de demain. Il s'agit d'une programmation de qualité. Ce n'est pas seulement un programme de formation. Ils ont interviewé Walter Cronkite. Ils ont interviewé Stokely Carmichael, l'activiste. C'était captivant. C'était l'un des événements de ma carrière dont je suis le plus fier, et j'adorerais pouvoir le transposer à un échelon national grâce à la nouvelle technologie.

Le sénateur Eggleton : Une partie de l'objectif consiste-t-elle également à amener les jeunes à regarder ce qui se passe relativement à la programmation des nouvelles et des affaires publiques, ou s'agit-il simplement de les perfectionner davantage dans le volet de la formation?

M. Rosemond : L'objectif est général. Si vous regardez, par exemple, la CBC sur demande, monsieur le sénateur Eggleton, vous verrez de tout sauf des émissions pour les adolescents. La CBC a souvent dit : « Eh bien, les adolescents veulent regarder ce que les adultes veulent regarder. » Je n'en suis pas certain. La CBC diffuse une émission pour les enfants d'âge préscolaire, mais rien pour les adolescents. Il n'y a pas eu d'émission pour adolescents à la société d'État depuis 2006.

Le sénateur Eggleton : Elle produisait elle-même certaines émissions.

M. Rosemond : Elle avait le plein contrôle.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Rosemond, je vous remercie de votre présence ce matin. Vous êtes un homme qui possède une grande expérience dans ce domaine, et votre présence m'enchante.

M. Rosemond : Merci. C'est un plaisir d'être ici.

Le sénateur MacDonald : Je suis intrigué par les jeunes et par la stratégie relative au vieillissement. Ce que vous semblez dire, c'est que nous devrions tirer profit des diminutions critiques des coûts de production. Quiconque est muni d'un ordinateur portatif ou d'un iPhone peut enregistrer, monter et produire quelque chose; par conséquent, la production de contenu est accessible, et n'importe qui peut le faire.

C'est un défi pour la CBC parce que ses effectifs sont extrêmement syndiqués. Le talent peut-il provenir du bassin spontané lorsqu'on fait face à cette structure très syndicalisée? Les effectifs de la CBC sont fortement syndiqués.

M. Rosemond : C'est exact.

Le sénateur MacDonald : Cela pose-t-il problème pour ce qui est de l'interaction avec ce type d'initiative?

M. Rosemond : Je pense qu'il faudrait que des dispositions soient prises dans ce domaine. Vous soulevez une très bonne question. Lorsque je recrutais, au départ, c'était au sein du personnel de la CBC. Vous soulevez une très bonne question, et c'est quelque chose qu'il faudrait que j'étudie.

J'ai l'impression qu'il faudrait qu'un budget soit établi. La grosse dépense serait liée aux erreurs et omissions et aux responsabilités parce qu'on voudrait assurer la sûreté et la sécurité de ces jeunes. Nous pourrions effectivement avoir besoin d'un genre de compromis en ce qui a trait à la situation syndicale. Je vous remercie de le mentionner parce que c'est quelque chose qu'il faudrait régler.

Le sénateur MacDonald : En ce qui concerne la stratégie de marque, les entreprises comme YouTube et Netflix comprennent vraiment cette stratégie. Les gens les regardent. Elles ont peu de personnel, une petite capacité de production. Elles cherchent le meilleur contenu et en tirent profit. Pensez-vous vraiment que la société d'État est prête à faire cela, qu'elle pourrait le faire ou qu'elle est disposée à changer autant? Pensez-vous que la CBC est capable d'effectuer ce changement et d'aller dans cette direction? Serait-elle disposée à le faire?

M. Rosemond : Il n'y a pas tellement d'inconvénients à ce changement, selon moi. Comme je l'ai dit, la première fois que je l'ai fait, nous avons obtenu des gens très doués.

Paul Saltzman s'est lancé dans la radiodiffusion. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai déclaré que les jeunes ne deviendraient pas tous des radiodiffuseurs. Marlys Edwardh est devenue avocate. Buffy Sainte-Marie est devenue chanteuse. Bill Craig est devenu sous-ministre. Nous avons mené un programme d'échange avec le Québec, et la petite Geneviève Bujold est arrivée, âgée de 15 ans. Je ne sais pas ce qui est advenu d'elle.

Le sénateur MacDonald : Elle poursuit sa carrière.

M. Rosemond : Nous avons simplement obtenu tous ces talents. Pourquoi un radiodiffuseur public ne vous voudrait-il pas explorer ce domaine?

Le sénateur MacDonald : Je veux seulement terminer en mentionnant que la CBC est une excellente marque. Même auprès de gens comme moi, qui ont parfois été très frustrés par la CBC au fil des ans, sa marque est encore très solide. On peut avoir une empathie naturelle à l'égard de la marque, même si on n'est pas toujours nécessairement d'accord avec le contenu.

M. Rosemond : Exactement.

Le sénateur MacDonald : Vous étiez là quand j'ai parlé aux gens de Rogers. Je crains encore que la CBC ne comprenne pas la valeur de la marque et la façon de l'exploiter, de l'optimiser.

M. Rosemond : Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur MacDonald : Je pense seulement qu'il y a beaucoup de place à l'amélioration dans ce domaine.

M. Rosemond : Je suis entièrement d'accord. J'ai fait valoir cet argument pendant 16 ans à l'émission Royal Canadian Air Farce. Je disais : « Savez-vous ce que veut dire ce nom pour le Canada et ce que nous pourrions faire grâce à lui? » J'avais exactement le même problème, et vous avez absolument raison.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie, monsieur, de votre présence ce matin. Je vous en suis très reconnaissant.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur Rosemond. C'est un plaisir de vous écouter.

Je suis absolument d'accord avec vous en ce qui concerne les jeunes du Canada. J'ai récemment assisté à un événement de remise des prix d'innovation Manning. Toutes les personnes présentes étaient complètement abasourdies. Il y avait une catégorie spéciale de prix pour les jeunes. On a rendu hommage à trois jeunes de 17 ans, et leur exposé était remarquable. Deux d'entre eux, plus particulièrement, avaient travaillé sur des problèmes médicaux, dont un qui avait fait une étude sur la sclérose en plaques. Il est en voie de peut-être trouver un remède à cette maladie.

Ces jeunes sont tout simplement géniaux. Ils comprennent les algorithmes, et ils comprennent les ordinateurs et leur fonctionnement. Ils les montent avec des experts chevronnés en utilisant des laboratoires, et ils produisent ces résultats incroyables.

On pourrait mettre sur pied un programme pour les encadrer. Tout le monde était bouche bée de voir ces jeunes se lever et accepter leur prix en parlant comme des hommes d'affaires de 35 ans. Il pourrait y avoir quelque chose là, alors je suis d'accord.

Je pense qu'on peut désormais regarder certaines des productions du Metropolitain Opera — peut-être aux États-Unis — à la télévision.

M. Rosemond : C'est exact.

La sénatrice Unger : Que faudrait-il que la CBC fasse pour adopter la vision que vous avez? J'aimerais savoir, selon vous, qui est son public. Vous avez mentionné que les jeunes sont les grands oubliés, idée à laquelle je souscris. Qu'en est-il des personnes qui l'ont appuyée toute leur vie et qui sont maintenant le pouvoir gris ou les aînés de notre pays? Il n'y a pas beaucoup d'émissions pour eux. Il me semble qu'ils ont été laissés pour compte.

M. Rosemond : Honnêtement, je ne connais pas les données démographiques, et je ne peux pas répondre à cette question.

Concernant le fait que vous avez mentionné, ce dont ces jeunes sont capables, au moment où je structurais cette idée, je me disais que nous laissions de côté 25 p. 100 du pays qui n'est pas desservi par une station de la CBC. Je me suis dit : « Comment pouvons-nous leur fournir la diffusion en continu? » Ma connaissance de ce type de diffusion équivaut à ma connaissance du calcul infinitésimal — je n'y connais rien.

Je me suis dit : « Minute, j'ai 75 p. 100 des esprits les plus intelligents du Canada. Laissons-les trouver la solution. » Quant à savoir qui est le public, je suppose que ce sont des personnes plus âgées. C'est mon intuition. Je sais que, dans le cas d'Air Farce, par exemple, l'âge moyen était « décédé ». Des gens nous abordaient pour nous dire : « Ma grand-mère vous adore. » C'était comme se faire poignarder au cœur. Je suppose que ce sont les personnes âgées.

Le sénateur Housakos : Il me semble que, au fil des ans, la CBC a tenté d'étendre ses ramifications au plus grand nombre possible de domaines de la radiodiffusion. Elle couvre les nouvelles et les affaires publiques. Elle diffuse des émissions et des événements sportifs aux heures de grande écoute. Dans ce monde de concurrence, ce monde où les entreprises sont plus que jamais concurrentielles — et vous avez mentionné dans votre témoignage qu'il y a plus de concurrence, on doit se débrouiller avec moins d'argent. Est-il temps que, dans le cadre de la réorganisation de sa stratégie, la CBC commence à se limiter à des domaines plus précis, à des productions plus spécialisées?

Par exemple — et je l'ai toujours soutenu —, je regarde le Canada maintenant, et, au Canada anglais, nous avons quatre grands radiodiffuseurs. Ils présentent tous les nouvelles locales, nationales et internationales. Je ne vois pas en quoi la CBC présente les nouvelles locales, nationales et internationales d'un point de vue qui soit davantage axé sur la culture canadienne que Bell Media, que Shaw, que Rogers ou que qui que ce soit d'autre.

Par contre, je regarde des émissions qui sont produites par des artistes canadiens, des acteurs canadiens, qui ne sont diffusées qu'à CBC. Il fut un temps où j'avais l'impression — et je ne sais pas à quel moment j'ai cessé de l'avoir — que la CBC diffusait davantage de grands films canadiens, par exemple.

Maintenant, il est rare que l'on s'assoie pour regarder la CBC, le vendredi soir, et que l'on voie un grand film canadien, produit au Canada. On n'en voit certainement pas sur aucune autre chaîne parce que, pour je ne sais quelle raison, les gens ne les regardent pas, mais je crois vraiment que nous avons de bons cinéastes canadiens et de bons films canadiens que personne ne regarde parce qu'on n'en fait pas suffisamment la promotion. Quelle logique voyez-vous dans tout cela?

M. Rosemond : Tout d'abord, en ce qui concerne le genre, je préfère un bon documentaire à une mauvaise émission dramatique, et je préfère une bonne émission dramatique à un mauvais documentaire.

Notre meilleure émission n'a pas de genre. C'est celle de Rick Mercer. C'est une émission sans nom, comme la marque d'épicerie. Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est une très bonne émission.

Je suis extrêmement déçu de l'industrie du film dans notre pays. J'estime que les scénarios que nous créons sont, dans la plupart des cas, de qualité inférieure. Si nous ne nous mettons pas à rédiger de bons scénarios, nous ne devrions pas œuvrer dans ce domaine. Je ne veux pas être cruel. Nous n'avons tout simplement pas de bon scénario de film.

En ma qualité de concepteur de programmation télévisuelle, j'ai lu des dizaines et des dizaines de ces scénarios. Ils contiennent un dialogue et des personnages, mais il n'y a pas d'histoire. Il y a une faiblesse à cet égard, et, si nous ne surmontons pas cette faiblesse, nous ne devrions pas tenter de présenter de matériel original de cette nature à CBC, sauf s'il passe par le processus que j'ai mentionné afin que George Walker, dramaturge, apporte sa contribution et conçoive quelque chose avec la CBC sur une période de six mois sous forme de minisérie pour ensuite le diffuser en ondes. La situation actuelle est qu'on ne rédige pas suffisamment de bonnes histoires qui valent la peine d'être présentées à l'écran.

Le président : En ce qui concerne les modèles de financement proposés pour la CBC, certaines personnes ont dit que la société d'État devrait être financée à 100 p. 100 par les contribuables et qu'il faudrait éliminer complètement la publicité.

Pour d'autres, il faut reproduire le modèle de PBS, aux États-Unis, et permettre la sollicitation de fonds. Pour chaque dollar obtenu, le gouvernement donne un dollar.

Selon vous, s'il faut changer le modèle actuel, quelle serait la meilleure option de soutien gouvernemental pour la CBC?

M. Rosemond : Laisser la CBC se financer avec la publicité.

Le sénateur Housakos : Elle devrait rivaliser avec ses concurrents pour les revenus publicitaires?

M. Rosemond : C'est exact.

Le sénateur Housakos : C'est ce que la société d'État a déjà beaucoup de difficulté à faire. Depuis quelques années, elle perd des revenus de façon exponentielle. Si le modèle actuel est maintenu et que la tendance se maintient, la CBC fermera ses portes, peu importe les fonds dont elle dispose actuellement.

Si on maintient le niveau d'aide financière du gouvernement fédéral au cours des trois ou quatre prochaines années et que la société d'État continue de perdre des revenus de publicité au même rythme, elle devra cesser ses activités très bientôt.

M. Rosemond : C'est précisément la raison pour laquelle j'ai décidé de vous parler de trois mesures qui pourraient permettre de faire des économies, et peut-être même de générer des revenus.

Le sénateur Housakos : Si j'ai bien compris, vous estimez que ce modèle la forcerait à faire mieux?

M. Rosemond : Exactement, parce que, à l'époque des émissions souscrites, il fallait produire 60 émissions pour générer des ventes. De nos jours, les émissions peuvent être écoutées en rafale et « sur demande », et il est préférable d'en faire moins et d'accroître la qualité pour augmenter ses chances du côté de la distribution. Prenons Breaking Bad ou Nurse Jackie ou toutes les émissions sur Showtime et HBO, ce sont des productions de qualité, mais ils en font moins.

Le sénateur Housakos : Le fait d'avoir perdu le contrat du hockey et d'avoir, au cours des prochaines années, à combler toutes ces heures libres qui étaient auparavant consacrées au hockey, est-ce une occasion à saisir pour la CBC?

M. Rosemond : Oui, les marges liées à la télédiffusion du hockey sont très petites. En 1987, j'ai produit 1 000 heures de hockey et je ne vous dis pas quelles étaient mes marges de profit, ce serait gênant.

Pour ce qui est des revenus, j'ai entendu ce que Keith a dit au sujet des revenus; je ne sais pas combien ils font. Il y a toute cette notion des gains dont devaient bénéficier l'émission qui précédait et l'émission qui suivait Hockey Night en raison de la visibilité de cette dernière. Ce n'est pas arrivé. Les cotes d'écoute n'étaient pas excellentes, ni avant, ni après.

Je laisserais complètement tomber la couverture sportive. Je ferais des documentaires sur le sport. Je ferais ce que ESPN fait avec ses documentaires 30 for 30. J'en ai regardé un sur le départ de Wayne Gretzky d'Edmonton et j'en avais les larmes aux yeux. C'était plus que génial. On devrait faire des documentaires sur le sport plutôt qu'offrir ce genre de services.

J'ai produit le Molson Indy. J'avais 19 caméras pointées sur la piste. CTV facturait 10 000 $ pour 30 secondes. Mon partenaire, Don Omar, a couvert la course Indy de Long Beach avec 20 caméras, et NBC demandait 80 000 $ pour 30 secondes. On ne fait pas d'aussi bonnes affaires qu'on le croit, sauf s'il y a une couverture internationale. C'est mon opinion.

Le sénateur Eggleton : J'ai retenu deux ou trois choses que vous avez dites au cours des dernières minutes. En fait, pour la deuxième fois, vous avez mentionné que Showtime et HBO font moins d'émissions, mais de meilleure qualité. Et vous croyez que CBC devrait faire la même chose. Vous laissez même entendre qu'elle a peut-être déjà commencé à le faire.

Il y a aussi la question des plages horaires à combler. Suggérez-vous qu'il faut beaucoup d'émissions répétitives, c'est-à-dire qu'on devrait diffuser une émission plus d'une fois par semaine ou quelque chose du genre? Selon vous, qu'est-ce qu'on devrait faire?

M. Rosemond : Je crois qu'une bonne partie de la programmation pourrait venir de certains des éléments que j'ai décrits ici. J'ai regardé l'horaire hier soir, monsieur, pour me remettre dans le bain. Selon moi, on pourrait fournir moins de temps d'antenne au public.

Le sénateur Eggleton : Voulez-vous dire que la CBC pourrait parfois être hors d'ondes?

M. Rosemond : Oui.

Le sénateur Eggleton : Je vois.

M. Rosemond : L'autre option consisterait à fermer Newsworld et d'en transférer la programmation à la télévision générale. Je ne sais plus trop comment on appelle le poste actuellement. Quel est le nom? Newsnet?

Le sénateur Plett : Newsnet.

Le sénateur Eggleton : C'est une idée intéressante. J'aimerais revenir sur une autre chose que vous avez dite au sujet de la publicité. La CBC est un radiodiffuseur public qui n'est pas censé être en compétition avec les radiodiffuseurs privés pour les revenus de publicité, mais vous affirmez qu'elle devrait devenir une entité qui tire tous ses revenus de la publicité, comme les radiodiffuseurs privés?

M. Rosemond : Absolument. Si des radiodiffuseurs privés veulent payer 50 000 $ pour une émission plutôt que 250 000 $, il faut lui faire concurrence.

Le sénateur Eggleton : Si un radiodiffuseur public agit ainsi, ne devient-il pas simplement une autre entreprise du secteur privé? Est-ce ce que vous dites?

M. Rosemond : Ma crainte, c'est que ce type d'influence n'a jamais vraiment été de trop. Par exemple, je crois qu'il faut s'attendre à un retour des commandites privées. Il y a plusieurs émissions à la CBC qui veulent obtenir un soutien de sociétés, c'est donc peut-être une possibilité.

Il n'y a pas de solution facile. Vous avez tous posé de très bonnes questions, parce que ce n'est pas un secteur très profitable, un point c'est tout, parce qu'il y a tellement d'offres sur le marché, monsieur le sénateur.

Le sénateur Plett : Puis-je dire quelque chose?

Le président : Bien sûr, monsieur le sénateur.

Le sénateur Plett : Je suis désolé, j'ai manqué votre exposé, mais vous avez formulé un commentaire très intéressant vers la fin au sujet de la possibilité de retirer NewsNet et d'en transférer le contenu vers la programmation régulière.

En fait, j'aimerais que vous approfondissiez cette idée, parce que c'est probablement ce que je préfère de la CBC. Je regarde la CBC pour les nouvelles. J'écoute beaucoup NewsNet. Franchement, selon moi, dans ce créneau, la société d'État fait mieux que ses compétiteurs. Pouvez-vous nous en parler un peu?

M. Rosemond : Lorsque j'ai préparé mon témoignage, la première chose à laquelle j'ai pensé, c'est le transfert de la programmation de News-Net vers la télévision générale. Il faut rationaliser les choses. Il faut en éliminer certaines, peut-être des stations de câblodistribution. Nous ne devrions peut-être pas être un partenaire dans le secteur de la radiosatellite. Je ne sais pas exactement ce qu'il faut faire, mais je sais qu'il faut réduire la programmation et je dirais aussi que, de façon générale, il faut réduire notre participation dans le milieu des communications.

Le président : Monsieur Rosemond, merci beaucoup pour votre exposé. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements auxquels nous aurons à réfléchir au cours des prochains mois, tandis que nous préparerons notre rapport. J'ai vraiment apprécié votre exposé.

M. Rosemond : Merci. C'était un plaisir.

Le président : Nos prochains témoins, chers collègues, sont MM. William Tufts et Gene Dziadyk, de Fair Pensions for All.

Gene Dziadyk, conseiller technique, Fair Pensions for All : Bonjour, monsieur le président, bonjour, membres du comité, bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Gene Dziadyk. C'est un nom ukrainien. Je suis conseiller technique pour Fair Pensions for All.

Nous avons examiné la situation du régime de pension de la CBC. L'année dernière, Fair Pensions for All avait réalisé le même exercice pour le Comité des finances de la Chambre des communes. Dans notre rapport au comité intitulé Bigger Bailouts and Deeper Holes, nous nous sommes demandé si, de façon générale, le régime de pension de la société d'État était semblable à ceux des fonctionnaires fédéraux.

Selon nous, le gouvernement doit aller un peu plus loin. Il doit harmoniser les régimes de pension des fonctionnaires fédéraux et des employés des sociétés d'État avec les régimes de l'ensemble du secteur privé.

Le secteur privé a vu juste. Un régime de pension à prestations déterminées a toutes les caractéristiques d'un leurre. Une société d'État n'est pas un instrument sociétal. Elle doit offrir une rémunération tout compris équitable dans un marché compétitif avec d'autres entreprises.

La notion de « contribution de l'employeur » est intéressante. En fait, c'est un mythe insidieux qui est complètement déconnecté de la réalité. Pour la CBC, on parle, en 2013, de 58,2 millions de dollars en salaires différés. Une telle contribution de l'employeur qui permet d'offrir de généreuses pensions qui ne tiennent pas compte des coûts réels, c'est-à-dire les salaires réels, mettra en péril l'entité à long terme.

Aujourd'hui, nous voulons vous communiquer trois constats. Ce régime de pension est injuste, inabordable et précaire. Bref, il n'est pas durable, et les modèles économiques d'investissement et de comptabilité utilisés pour le justifier ne fonctionnent pas. En fait, et c'est important de le souligner, ils n'ont jamais fonctionné.

En deux mots, ces régimes sont une abomination, un abus de la confiance du public. Ils sont injustes. Ils sont injustes pour les Canadiens qui les financent avec leurs impôts, injustes, parce que beaucoup de ressources qui devraient servir à l'exploitation de la CBC et d'autres sociétés d'État y sont consacrées.

Nous sommes tous au fait des discussions sur l'équité des pensions. La plupart des organismes du secteur public et des sociétés d'État se sont dotés de régimes de pension à prestations déterminées, contrairement à ce que l'on voit dans le secteur privé.

Dix millions et demi de travailleurs canadiens du secteur privé n'ont aucun régime de pension à contribution de l'employeur, mais on leur demande tout de même de payer pour ces régimes de pension généreux du secteur public chaque fois qu'ils payent des taxes de vente, de l'impôt sur le revenu et des taxes foncières et chaque fois qu'ils achètent une caisse de bière ou qu'ils renouvellent leur permis de conduire. Est-ce juste?

Une promesse de pension met en péril les capitaux des contribuables. Que serait une promesse s'il n'y avait pas de risque? Pourquoi les contribuables accepteraient-ils qu'on trafique le bilan de la CBC en gonflant les valeurs et en pariant sur les taux d'intérêt dans le cadre d'une comptabilité aussi factice que confuse?

La CBC devrait justifier ses actions et utiliser son capital là où c'est à son avantage. C'est un joueur dans le domaine de la radiodiffusion. C'est ce que les propriétaires devraient demander. Elle n'a aucun avantage dans le domaine des pensions, même si elle affirme le contraire.

Si c'est le cas, pourquoi la CBC n'administre-t-elle pas des banques d'investissement mondiales? La réponse, c'est que les énormes déficits des pensions accumulés prouvent qu'elle a plus souvent tort que raison. En vérité, personne ne sait si le marché sera en hausse ou en baisse demain, le mois prochain ou l'année prochaine, même si beaucoup prétendent le savoir.

Qui lit les rapports sur les pensions comme celui de la CBC? Qui les interprète et formule des recommandations en conséquence? Vous savez, la présentation que fait la CBC de sa situation financière est trompeuse et inappropriée. C'est une immense tromperie. Des montagnes d'argent, des actifs de 5,3 milliards de dollars, plein d'argent à long terme. Le surplus sur base de continuité s'élève à 849 millions de dollars. Cependant, il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour payer les sommes dues à court terme. Le déficit de solvabilité est de 486 millions de dollars.

Le rapport de la CBC affirme que « [l]a capitalisation du Régime sur base de continuité confirme sa capacité à remplir ses obligations à long terme ». Mais le régime dépend des contributions futures des contribuables et des travailleurs qui dépassent les prestations futures qui seront accumulées, et ce, de 1,5 milliard de dollars. On parle d'actifs futurs moins tangibles à des fins de redistribution. La redistribution, comme les actifs tangibles, les valeurs et les fiducies, n'est pas suffisante pour couvrir l'argent dû pour le travail qui a été fait.

On finira par prouver que c'est injuste pour les employés d'aujourd'hui. Le fait de financer les pensions d'employés retraités qui n'ont pas financé adéquatement leurs propres régimes, même s'ils n'en sont nullement responsables, finira par démentir les promesses. Voilà, mesdames et messieurs, la définition d'un danger moral. Les gens qui devront payer le prix des risques qui sont pris aujourd'hui ne sont pas ceux qui prennent ces risques.

Il est tout simplement injuste que le gouvernement fédéral ou tout autre gouvernement au Canada utilise ses pouvoirs d'imposition pour privilégier ce qui devient alors un petit groupe privilégié, même s'il n'est pas facilement distinguable du reste de la société. Il faut aborder la question de l'équité.

Les régimes de pension ne sont pas stables sur le plan financier. Il y a cinq choses qui contribuent à la tempête parfaite dans le domaine des pensions. La première, c'est bien sûr le tsunami des baby-boomers qui commencent à prendre leur retraite. Deuxièmement, les travailleurs du secteur public continuent de prendre leur retraite de plus en plus tôt, en raison des options de préretraite généreuses et non adaptées au marché. Troisièmement, l'espérance de vie continue d'augmenter. Permettez-moi une parenthèse. Pensez-y. Qu'est-ce que la CBC fait dans le domaine de la spéculation sur la mortalité, en prenant le risque que les gens vivront trop longtemps? Est-ce sensé? Les contribuables doivent-ils prendre ces risques sans compensation?

Quatrièmement, nous venons de vivre une longue période où les taux de rendement sont très bas sur les actifs, et cette tendance se poursuivra peut-être pendant un certain temps. Cette situation pousse la CBC et d'autres sociétés d'État à chercher des actifs de plus en plus à risque partout dans le monde. Mais rien n'est gratuit. Les personnes qui vendent ces actifs ne sont pas bêtes. Cinquièmement, les finances des gouvernements fédéral et provinciaux sont précaires partout au pays. Les municipalités sont sous pression, et tous les ordres de gouvernement sont aujourd'hui mal outillés pour venir en aide aux caisses de retraite en difficulté du secteur public.

Je vais décrire rapidement ce qu'est une pension. C'est une structure financière complexe. Une pension, c'est un échange de salaire — pas des contributions de l'employeur, parce que cette notion n'est qu'un mythe, ce sont seulement les salaires qui comptent, l'échange de salaire donc —, mais, bien sûr, tout est très obscur.

Pour ce qui est des promesses de pension qui font intervenir de nombreux paramètres associés à la conception du régime et au prix, considérez-les comme une police d'assurance : on conçoit le régime et on établit les prix de la pension, puis on prend ces salaires et on les investit afin de respecter les promesses. Ce processus s'appuie sur la discipline, des statistiques actuarielles, l'économie, les marchés financiers, la statistique, la démographie et l'espérance de vie, l'imposition, la réglementation et la comptabilité publique. C'est une structure extrêmement complexe qu'on ne fait que parcourir du regard.

Le public fait confiance aux responsables des régimes de pension et aux syndicats sous l'œil attentif du gouvernement. Mais, à l'évidence, cette confiance est mal placée ou mal comprise. C'est l'idéologie, et non la science, qui règne dans le domaine des pensions.

Imaginez, je suis ici pour vous dire qu'il n'y a aucun fondement rationnel cohérent à l'appui des pensions dans la société. Les régimes de pension du secteur public sont exploités en contradiction des marchés financiers, et, c'était prévisible, ils ont complètement manqué à leur devoir envers la population.

L'histoire canadienne révèle que ce sont des idéologues qui ont inventé les régimes de pension à prestations déterminées, parce que les coûts et les prestations sont supérieurs aux cotisations déterminées. Bien sûr, les gouvernements, y voyant un bien commun, ont accordé de généreux allégements fiscaux, et ils ont maintenu le cap en étirant la sauce jusqu'au point de non-retour.

L'immense secteur des pensions et les syndicats, un groupe d'idéologues qui se bercent d'illusions, sont entrés en contradiction avec le public. Il n'y a pas d'argent pour les idéologues dans les cotisations déterminées. Ils ont gavé le public de semi-vérités économiques fallacieuses et ont fait du modèle à prestations déterminées le modèle de pension convoité par défaut au sein de la société, une réalisation tout à fait remarquable, en disant aux gens ce qu'ils voulaient entendre. Si c'est trop beau pour être vrai, c'est probablement faux.

Par exemple, la CBC présente ses obligations de retraite en estimant les taux d'intérêt futurs dans une boule de cristal. Pourquoi prévoit-elle des taux d'intérêt si les marchés financiers l'ont déjà fait? Nous n'avons pas besoin de le refaire. Par conséquent, nous avons des obligations de retraite qui, en fait, sont évaluées non pas en dollars canadiens, mais en fonction de ce que j'ai appelé des « dollars PD ». Les dollars PD valent environ 65 cents le dollar. Et, dans le cas de certains régimes de pension, seulement 50 cents le dollar. Le problème, c'est que les prestations de retraite sont payées en dollars canadiens au pair. On échangera les dollars PD fictifs jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vrai argent ou jusqu'à ce que les travailleurs et les contribuables endormis se réveillent et se rendent compte qu'ils se sont fait jouer.

Pourquoi un syndicat négocie les pensions? Les syndicats n'ont aucunement le droit d'imposer leurs vœux et de dicter les conditions d'une structure financière tout à fait indépendante, que l'entreprise doit gérer, et particulièrement si cela mine ses activités réelles au détriment des travailleurs représentés. Les syndicats devraient s'occuper des salaires.

Il faut un leadership audacieux. Vos prédécesseurs au gouvernement vous ont laissé un grave problème d'équité et de durabilité. Vous et vos homologues actuels au niveau provincial et municipal avez trois possibilités : premièrement, augmenter les taxes et sauver les régimes et maintenir l'injustice; deuxièmement, saper brutalement dans l'effectif et les services du gouvernement et sauver les régimes et maintenir l'injustice; ou, troisièmement, éliminer la cause du problème, les régimes de pension trop généreux du secteur public payés en dollars PD.

Nous vous prions d'envisager cette dernière solution. Le désastre des pensions n'est pas un problème passager, c'est une caractéristique des régimes de pension à prestations déterminées. L'échec était tout à fait prévisible. Ces systèmes fonctionnent au mépris de la sagesse collective des marchés financiers.

En résumé, le régime de pension de la CBC est inabordable, ses responsables misent l'argent des contribuables dans le casino des marchés financiers, jouant perdant tout en s'appuyant sur une comptabilité factice. C'est un conte de fées sociétal dont le dénouement sera inévitablement désastreux.

Merci.

Le sénateur Plett : J'ai deux ou trois questions de base. Premièrement, si j'ai bien compris, vous avez passé une bonne partie de votre exposé à nous dire que, de façon générale, les pensions ne sont pas une bonne chose.

M. Dziadyk : C'est exact.

Le sénateur Plett : C'est exact? D'accord.

M. Dziadyk : J'aimerais bien que ce ne soit pas le cas, mais ça l'est.

Le sénateur Plett : D'accord, alors les pensions générales. Que pensez-vous du Régime de pensions du Canada?

M. Dziadyk : Eh bien, je crois que c'est un modèle tout à fait différent, parce que c'est un modèle ouvert. C'est un modèle sociétal fondé sur l'imposition générale — eh bien, sur les revenus fiscaux —, alors c'est un régime ouvert fondé sur les cotisations des futurs travailleurs.

Dans le cas de ces régimes, la question consiste à se demander si on peut continuer à avancer. Si vous examinez la situation des pensions et vous définissez la notion de pension en fonction de la solidité de la promesse, alors je crois que c'est essentiellement ce dont il s'agit. Si c'est une promesse, une promesse solide, une promesse sur laquelle je peux m'appuyer pour bâtir ma vie, cela signifie qu'il y a pas mal de choses qui se passent et qui protègent ma pension. Si ce n'est pas le cas, si c'est une mascarade, alors il faut obtenir la protection des sociétés et des sociétés d'État. Il faut s'assurer de protéger les travailleurs et s'assurer qu'ils financent leur propre pension sans s'appuyer sur les générations futures.

Le sénateur Plett : Mais le Régime de pensions du Canada, comme vous le dites, est financé par les impôts et essentiellement, il n'a pas réussi à se soutenir lui-même non plus.

M. Dziadyk : C'est exact.

William Tufts, directeur général, Fair Pensions for All : Récemment, des efforts ont été déployés pour en assurer la durabilité. Selon moi, une des choses qu'il ne faut pas oublier, c'est que le régime de pension aura un passif de 2 billions de dollars dans 20 ou 30 ans.

Lorsqu'on réfléchit au scénario d'investissement du RPC, c'est comme un immense cube Rubik avec tous ces carrés sur les six côtés. Lorsqu'on analyse le plan du RPC et qu'on examine toutes les hypothèses formulées, il faudrait un miracle pour que tout se produise comme prévu. Il y a des hypothèses fondées sur le nombre d'immigrants qui participeront au régime et qui paieront à l'avenir, sur l'espérance de vie, sur les gains en bourse des obligations et des actions, et tous les types d'investissements qu'envisage le RPC, et sur la rémunération moyenne.

Pour Fair Pension, il s'agit d'un bon et solide élément du filet de sécurité canadien actuel, avec le RPC, la Sécurité de la vieillesse et, si ce n'est pas assez, le Supplément de revenu garanti.

Une des choses qu'il ne faut pas oublier au sujet des régimes de pension des employés du secteur public, c'est que tout cela s'ajoute au RPC, à la SV et au SRG, alors lorsque vous apprenez qu'un employé de la CBC touche une pension de 39 000 $ par année, c'est en plus du RPC et de la Sécurité de la vieillesse. Alors un nouveau retraité de la CBC obtient une pension de source gouvernementale de près de 60 000 $ par année.

Comparez cela au contribuable moyen. La moitié des Canadiens âgés de 65 ans et plus touchent moins de 27 000 $ par année. Essentiellement, les régimes de pension du secteur public en place aujourd'hui s'ajoutent à tous les autres programmes à l'intention des Canadiens, et on crée ainsi une nouvelle élite économique, soit les pensionnés de la fonction publique, dont les pensions et les manques à gagner des régimes de pension sont financés par les contribuables.

Le sénateur Plett : Vous avez mentionné le fait que, dans le secteur privé, il n'y a pas de régime de pension auquel les entreprises contribuent. C'est le cas de combien d'entreprises? Je suis, ou j'étais, propriétaire d'une petite entreprise. Nous avions un régime dans le cadre duquel les employés décidaient où leur argent devait aller, et nous versions une contribution en contrepartie. La plupart des entreprises privées n'ont-elles pas un régime quelconque en place?

M. Dziadyk : Elles en ont. Comme je l'ai dit, au départ, les régimes de pension à prestations déterminées ont été présentés par ces idéologues comme étant à la fois avantageux et moins chers. Ils affirmaient qu'ils permettraient de fournir de meilleures prestations, alors qu'ils n'avaient rien à voir avec un régime à cotisations déterminées comme celui que vous décrivez.

Bon nombre de sociétés ont mis en place des régimes à prestations déterminées comme le vôtre, ou un régime semblable. Ces régimes affichent tous divers niveaux de richesse. Bien sûr, 2 p. 100, 1,5 p. 100, les trois ou les cinq dernières années, toutes ces choses, mais lorsque la situation économique a pris l'avant-plan, ces sociétés ont commencé à manquer à leur promesse de prestations, comme Air Canada. Certaines de ces pensions ont été abandonnées, des promesses ont été brisées, des vies ont été chamboulées pour cette raison : il n'y a rien de gratuit.

Le sénateur Plett : Mais est-ce que cela peut se produire, puisque la CBC est une société d'État?

M. Dziadyk : Eh bien, oui, si les contribuables se lèvent et refusent de le financer. J'ai dit que ce régime dépend de 1,5 milliard de dollars en cotisations futures, en plus des prestations futures, simplement pour payer pour le passé, alors la situation est très grave. Il n'y a pas assez d'argent pour payer ce qui est dû pour le travail accompli, alors tout se fait reporter.

Si je suis un futur travailleur, est-ce que je veux cotiser à ce genre de régime? Par définition, mes cotisations seront supérieures à mes prestations. Je veux avoir un régime comme le vôtre, un régime à cotisations déterminées.

Si vous faites les calculs, vous constaterez que les régimes de pension à prestations déterminées sont une intrusion dans la relation de symbiose entre un travailleur et l'employeur. Le régime de pension ne les lie d'aucune façon. On paye un salaire équitable pour le travail qui est fait. Si on dit qu'on rémunère quelqu'un 15 $ l'heure, puis qu'on ajoute une contribution de l'employeur de 2 $, et que l'employé doit aussi mettre 2 $, en fait, on le paye 17 $ l'heure.

Le sénateur Plett : J'en suis à ma dernière question. Pour commencer, la situation à la CBC est-elle comparable, dans ce cas, à celle des autres radiodiffuseurs? Évidemment, si je suis un journaliste qui cherche un emploi et que CTV ou Global m'offre 30 $ l'heure et 2 $ l'heure pour ma pension, et que la CBC m'offre le même salaire, mais offre 4 $, c'est mieux que 2 $. N'est-ce pas simplement un des éléments de la rémunération totale dont je dois tenir compte? Et l'offre de la CBC est-elle vraiment meilleure que celle des autres radiodiffuseurs?

M. Tufts : Nous nous sommes penchés sur cette question. Une des choses qui nous préoccupaient, c'est le manque d'information fournie par la CBC.

Le sénateur Plett : Eh bien, ça nous préoccupe tous.

M. Tufts : Une des choses que je vous ai fournies, et qui pourraient vous intéresser, vient d'Ontario Power Generation, OPG. Toutes les grandes sociétés privées au Canada et la plupart des entités publiques fournissent certaines données sur les salaires, non seulement de leurs cadres supérieurs, mais, en Ontario, par exemple, de tout employé touchant plus de 100 000 $. C'est impossible de faire des corrélations avec le rapport annuel de la CBC. Il compte167 pages. La principale et plus grande dépense qui gruge jusqu'à 60, 70 ou 80 p. 100 des fonds sont les salaires, les avantages sociaux et les pensions. Il n'y a pas une seule mention concrète dans tout le rapport annuel de ce que sont ces coûts salariaux. Nous savons combien la société compte d'employés, mais nous ne pouvons pas vous fournir le salaire moyen, ce qui est absolument ridicule pour une communication.

Cela fait partie du coût de fonctionnement des sociétés, c'est la plus importante dépense, et on ne peut même pas communiquer aux actionnaires les coûts de base. Évidemment, nous demanderions un type de rémunération normalisé au sein de l'industrie, à l'échelle du gouvernement, du moins, des cinq principaux cadres. Le simple fait de fournir cette information anecdotique permettrait de savoir qu'aucun autre radiodiffuseur ne peut s'approcher de la CBC en ce qui concerne la rémunération.

Comme je l'ai dit, et je rappelle que l'information n'est pas accessible, nous ne connaissons aucune autre société qui offre un tel régime de pension à prestations déterminées.

Le sénateur Housakos : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Plett. Vous dites qu'il y a très peu de renseignements accessibles sur la façon dont la CBC verse ses pensions. Dans le cas des compétiteurs du secteur privé, avez-vous accès à cette information? Est-elle plus accessible?

M. Dziadyk : Disons qu'une de nos préoccupations, c'est le manque de communication, la mauvaise communication tant pour les bénéficiaires des régimes que pour les propriétaires. J'ai utilisé la notion de « propriétaire » de façon générale, et j'y inclus les actionnaires et les contribuables.

Je crois que le mot le plus juste est probablement « ambiguïté ». Tout est ambigu. Tout est trouble. Toute la comptabilité se fait dans le noir.

Qu'il s'agisse de la CBC, de General Motors, de Ford, de Nortel ou de quiconque, une fois qu'une promesse de pension a été faite, le simple fait d'avoir des actifs en fiducie ne signifie pas que le capital n'est pas à risque, parce que, en fait, au bout du compte, tout ce que c'est, c'est une reconnaissance de dette qui pèse sur les gains futurs si on n'a pas les actifs nécessaires.

Il faudrait que tous ces actifs et passifs liés aux pensions figurent dans le bilan, mais ce n'est pas le cas. Tout est en fiducie, dans le secteur privé, dans des sociétés cotées en bourse.

La divulgation se limite aux notes. Nous en avons fait tout un plat. Les actionnaires n'ont aucune idée de tous les risques auxquels s'exposent ces multiples sociétés dans ces montages gigantesques qu'ils leur sont proposés. Tout est dans l'ombre. La comptabilité est factice, et les données ne figurent pas dans le bilan. Cette obscurité est très inquiétante.

Comme nous venons d'en parler, si on paye un enseignant 30 000 $ par année, quelle est sa rémunération réelle? J'ai lu les articles de Jim Leech sur le régime de retraite des enseignants de l'Ontario. Son nom apparaît dans le journal un jour sur deux, et les gouvernements et les politiciens l'adorent. Vous savez, grand bien lui en fasse, mais il sert une bouillie, et tout le monde l'avale. Il dit : « Vous savez quoi? Nous sommes les meilleurs. Nous sommes les moins chers. Tout va bien pour nous. »

Mais il n'y a aucune preuve. Que coûte l'enseignant aux contribuables? Pour le savoir, il faut faire les calculs dont les contribuables ontariens parlent, et on constate qu'il est possible qu'un enseignant touche 100 000 $ lorsqu'on calcule ses 30 000 $ et tout le reste. Cependant, en raison de la situation actuelle, personne ne le sait.

Une dernière chose, parce que je ne veux pas trop m'acharner là-dessus. Revenons à cette promesse de pension et parlons des supposés innocents, les employés. Si une société doit émettre un prospectus pour une obligation de société de 10 ans, pourquoi ne pas le faire pour une promesse de pension sur 40 ans? Je n'ai pas encore entendu de bonne réponse.

La plupart de ces employés, les travailleurs qui bénéficient de ces régimes de pension à prestations déterminées, ne se rendent pas compte qu'il y a en fait deux choses en jeu : le contrat de rémunération, et la partie de leur salaire qu'ils donnent en échange contre une pension. C'est une chose tout à fait différente. Vous achetez une pension avec votre salaire, et on ne vous permet pas de connaître le fondement de cet arrangement? Avez-vous le droit de savoir que votre salaire est redistribué aux autres? C'est une combine à la Ponzi, et les gens se retrouveront avec je ne sais quoi à la retraite. Je crois qu'il y a beaucoup de choses qu'il faut régler.

Le sénateur Munson : Merci d'être là.

Faites-vous partie de la Fédération canadienne des contribuables? Ou êtes-vous indépendante? Vous êtes deux hommes qui avez vraiment des idées arrêtées. J'aimerais en savoir davantage à votre sujet. Représentez-vous des dizaines de milliers de Canadiens qui partagent vos points de vue?

Vous semblez croire qu'il y a des malfaiteurs partout. Vous posez la question : que coûte un enseignant aux contribuables? Les enseignants, qui consacrent 35 ou 40 ans de leur vie, peu importe la situation de leur régime de pension, méritent des prestations en fin de carrière.

Vous n'avez pas répondu à la question au sujet des salaires des chefs d'antenne du secteur privé et ainsi de suite. Comment pouvons-nous analyser la CBC — vous semblez prendre la CBC pour cible — si vous ne répondez pas aux questions au sujet du secteur privé? Au bout du compte, je ne vois pas comment vous pouvez réaliser ce genre d'analyse.

Vous demandez pourquoi les syndicats négocient les pensions. Depuis des temps immémoriaux, les syndicats sont là et le font dans les secteurs privé et public.

Votre propos m'irrite. Vous avez peut-être des alliés ici, mais je n'en suis vraiment pas un. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez au sujet des pensions, mais, en fait — vous parlez des 39 000 $ à quoi s'ajoutent le Régime de pensions du Canada et la SV —, c'est ainsi pour des milliers de Canadiens. Le train a déjà quitté la gare. Je trouve effrayants certains mots que vous utilisez. Vous semblez presque dire que les gens volent de l'argent alors qu'ils ont simplement cotisé à un régime qui était déjà là quand ils sont arrivés, ce régime qui leur a permis de se dire : « À la retraite, je vais pouvoir bien vivre »... Pour 39 000 $, peut-être 8 000 $ du Régime de pensions du Canada et 6 000 $ afin de bien vivre et de ne pas trop s'en faire.

Je ne comprends pas pourquoi, dans votre présentation, vous vous en prenez à la CBC. Vous pourriez tout aussi bien vous attaquer à nous tous, les politiciens, et à je ne sais qui d'autre.

M. Dziadyk : Puis-je essayer de répondre?

Le sénateur Munson : Eh bien, je l'espère.

M. Dziadyk : Le secteur de la radiodiffusion est tout à fait différent du milieu de la finance et des caisses de retraite. Lorsque vous réunissez ces deux choses — le milieu des caisses de retraite et la finance — on se retrouve avec une structure qui va à l'encontre des marchés financiers, qui vont à l'encontre de ceux-ci. L'économie, c'est l'économie.

Dans le vrai monde, lorsque vous érigez ce type de structure, ces actifs et passifs empruntent cette trajectoire au fil du temps. Ils disent, si vous lisez le rapport, du début à la fin, à long terme, tout ira bien. À long terme, nous avons suffisamment d'actifs. Sommes-nous à long terme maintenant? À long terme, c'est quand? Et qui va payer?

Je ne dis pas qu'ils ont tort. J'aimerais bien avoir une de ces pensions, mais qui va payer? En raison de cette ambiguïté, nous ne savons pas ce qu'il en coûte parce que tout est repoussé à long terme.

Vous savez, monsieur, dans le vrai monde, il n'y a pas de long terme sans court terme, parce que si vous trébuchez à court terme, il n'y aura pas de long terme. Ces régimes affichent des manques à gagner de 500 millions de dollars dans leur comptabilité factice, alors imaginez le vrai manque à gagner. Ils utilisent des taux d'intérêt relativement à ces passifs en dollars PD. Une modification de 1 p. 100 du taux d'intérêt fait bouger ce passif de 750 millions de dollars, et ils utilisent des taux d'intérêt qui sont bien supérieurs aux taux de base des bons du Trésor, qui sont ceux qu'il faudrait utiliser. Il y a de quoi avoir peur. C'est bien pire qu'on ne le laisse croire.

Je ne voulais pas m'engager dans cette voie, mais c'est pire qu'on ne le laisse croire. Alors qu'est-ce qui s'est produit? Lorsque j'ai parlé du prospectus... Dans tous mes travaux et tous mes écrits, j'appelle les gens « les innocents », parce que des promesses ont été faites sans assurance quant à la possibilité de les tenir. Pour commencer, il n'y a rien de garanti. Les promesses pourront-elles être tenues? Des gens ont organisé leur vie en fonction de ces choses. Et maintenant, partout au Canada, on parle de réduire les prestations. On veut même modifier les lois et réduire les prestations accumulées.

Dans le passé, en cas de perte, on réduisait les données futures afin de pouvoir compenser les pertes. Cette façon de faire, c'était une arnaque.

Je ne dis pas, au sujet de l'enseignant qui a travaillé toute sa vie, que sa profession n'est pas noble ou quoi que ce soit. C'est simplement qu'on a beaucoup parlé des articles de M. Leech dans les journaux, alors c'était facile de soulever cet exemple. Mais j'ai beaucoup de respect pour les enseignants.

Je veux de l'équité. C'est pourquoi j'ai parlé de prospectus. Dans certains cas, ce qui se produit, dans certains de ces régimes de pension, c'est que les gens qui travaillent aujourd'hui — j'ai essayé de le décrire — cotisent au régime, et ces cotisations sont utilisées pour payer les retraités. Alors, disons que, aujourd'hui, le régime est financé à 80 p. 100, et je suis un travailleur. Je cotise 1 $. Un retraité prend 1 $. Pour mon dollar, j'ai maintenant 80 cents. Quand va-t-on régler ce problème? Pourquoi est-ce que je dois continuer à mettre mon dollar?

On tente la quadrature du cercle. La main-d'œuvre coûte 25 $ l'heure. Tôt ou tard, je crois que ce sera avec l'aide des employeurs, l'aide des gouvernements, les gens devront se responsabiliser à l'égard de leurs investissements. Vous investissez de l'argent dans les marchés. Et le marché fait ça. Pourquoi serait-ce différent si vous donnez votre argent à la CBC? Ils vous promettent ceci, mais le marché s'en va comme ça.

Le sénateur Munson : Je sais que d'autres sénateurs ont beaucoup de questions. En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, les gens qui le gèrent investissent aussi à la hausse et à la baisse dans diverses entités pour s'assurer... pour s'assurer que tout arrive. Est-ce le cas? Alors eux aussi ils spéculent, et on espère en tant que contribuable qu'ils prennent les bonnes décisions, mais là aussi, c'est une question du marché.

Pouvez-vous me dire brièvement, aujourd'hui, puisqu'il y a des milliers d'employés de la CBC qui bénéficient de ce régime de pension actuellement, selon vous, quelle est la meilleure marche à suivre?

On jette de la poudre aux yeux des gens qui font de l'argent de cette façon. Eh bien, nous devrions peut-être nous pencher sur le cas des parlementaires, des sénateurs, pour savoir quelles seront leurs pensions dans peu de temps, plus le Régime de pensions du Canada. Si vous n'êtes pas qualifié, vous pouvez obtenir la SV.

Si vous vous en prenez à la CBC, vous pouvez aussi vous en prendre à nous tous. On constate que c'est une période généreuse pour eux, eh bien, ce l'est peut-être, et peut-être qu'on ne peut pas se le payer non plus. Je sais que vous êtes ici pour vous en prendre à la CBC, mais j'estime, ayant moi-même travaillé dans le secteur de la radiodiffusion privée, qu'il y a beaucoup de problèmes liés à des personnes qui font beaucoup d'argent. J'essaie de comprendre votre analyse, si vous ne tenez pas compte de ce qui se passe dans le reste du secteur de la radiodiffusion au pays. En tout cas, c'est ce que je pense.

M. Tufts : Merci. On nous a demandé de venir.

Le sénateur Munson : Non, je sais.

M. Tufts : Nous n'avons pas demandé à être ici. Nous faisons enquête sur les régimes de pension de la CBC. Je crois que l'une des choses auxquelles il faut réfléchir, c'est la générosité des pensions, et je suis d'accord avec vous, il faut examiner toutes les pensions, y compris — désolé — celles des sénateurs et des députés et de tout le monde au sein du secteur public.

Prenons l'exemple de l'Ontario. Il y a plus de 14 000 employés à la retraite en Ontario qui touchent une pension de plus de 100 000 $ par année. Il faut examiner ces chiffres et comprendre les répercussions des pensions.

Pensez à 1 billion de dollars. C'est quoi, 1 billion de dollars? À ce niveau, les chiffres commencent à nous dépasser. On ne peut pas les mettre en contexte, mais les régimes de pensions des employés du secteur public au Canada ont maintenant accumulé plus de 1 billion de dollars en actifs. Quel genre d'influence et d'impact cela aura-t-il sur les marchés des actions et financiers au Canada?

Imaginez-vous maintenant 35 milliards de dollars. Comment faire pour bien se l'imaginer? Eh bien, 35 milliards de dollars, c'est le montant total que les quatre provinces de l'Atlantique vont dépenser cette année en services gouvernementaux. C'est le montant consacré aux régimes de pension des employés du secteur public.

Une des choses qui préoccupent les syndicats, c'est l'impôt des sociétés qui est trop bas et le fait qu'on ne les impose pas suffisamment. L'année dernière, les régimes de pension du secteur public ont fait 105 milliards de dollars de profits non imposables, des profits utilisés pour compétitionner contre le secteur privé, contre des sociétés qui cherchent des occasions de réinvestissement. Ils peuvent réinvestir cet argent à l'abri de l'impôt.

J'affirme que le problème des pensions a pris des proportions monstrueuses. C'est hors de contrôle. En 1924, le gouvernement fédéral a apporté des modifications importantes au système de pensions. En 1924, l'âge de la retraite a été établi à 65 ans, et l'espérance de vie était de 59 ans. Les rapports actuariels qui viennent de paraître révèlent que les employés de la fonction publique vont vivre cinq ans de plus, en moyenne, que le reste de la population, et on avance que c'est en raison des pensions en or et de l'absence de stress qu'ils vivent en lien avec leur retraite, comparativement aux pensionnés du secteur privé, dont la moitié ont des pensions moitié moins élevées.

Alors il faut revenir à l'idée initiale des pensions, qui était de fournir aux aînés une sécurité, des prestations de vieillesse pour qu'ils ne se retrouvent pas dans la pauvreté, et je crois que c'est une cause très noble. C'est pour cette raison que je crois que le RPC est un excellent programme, tout comme la SV et le SRG.

Nous sommes préoccupés par la quantité d'argent qui ne sert plus à la prestation des services gouvernementaux réguliers. Combien d'argent est soutiré à la CBC? Combien de temps croyez-vous que la haute direction de la CBC passe chaque année pour examiner et tenter de gérer un régime de pension qui vaut 5 milliards de dollars, soit deux fois et demie ses revenus et dépenses totaux?

Nous constatons que, partout au pays et dans tous les ordres de gouvernement, des sociétés prodiguent des conseils. Nous avons parlé plus tôt cette année avec le premier ministre et le ministre des Finances de Terre-Neuve, qui réfléchissent à leurs problèmes. Nous avons été invités plusieurs fois devant le Comité sénatorial des finances, et on nous a demandé de consulter des intervenants de tous les ordres de gouvernement relativement à ces régimes de pension à prestations déterminées.

Je suis d'accord avec vous, la situation n'est pas facile. Quelle est la marche à suivre et quelles sont les solutions? Je crois qu'il faudra tenir beaucoup de séances comme celle-ci avant que nous puissions bien comprendre la situation et déterminer quelles sont les solutions possibles.

Le sénateur Housakos : Je suis d'accord avec le sénateur Munson, les pensions sont une très bonne idée. Les gens travaillent dur en prévision de leurs vieux jours. Au bout du compte, nous vivons actuellement une période déflationniste, ce qui exerce des pressions sur un large éventail d'économies et de secteurs, comme le secteur de la radiodiffusion, qui est à l'étude aujourd'hui.

Le sénateur Munson a parlé de nos pensions. Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai constaté à quel point la structure de notre régime est généreuse. J'ai aussi remarqué au cours de la dernière année et demie — je crois bien que c'est il y a environ un an et demi — qu'il y a eu une restructuration de notre rémunération dans le système. C'est vraiment moins généreux qu'il y a quatre ou cinq ans, probablement parce que de nouvelles pressions se sont exercées sur le fonds. Je comprends votre argument selon lequel on projette une évaluation économique à long terme. Lorsqu'on investit, on le fait toujours en se disant que, dans trois ans, il y aura eu une certaine croissance, et que la tendance se maintiendra après six ans, après neuf ans. Au bout du compte, l'histoire se répète, et on se rend compte que la bulle éclate.

J'aimerais m'attarder au nœud du problème, et parler de la CBC. J'ai pris note de votre point de vue général sur les pensions, et je comprends que votre vision change un peu lorsqu'il est question du Régime de pensions du Canada.

Je veux parler du régime de retraite de la CBC. Je me demande si vous avez des données précises. Je suis encore une fois préoccupé parce qu'on a constaté tout au long de notre étude qu'il est difficile, pour ce qui est de la gouvernance, d'obtenir des renseignements transparents de cette administration.

Comme je l'ai dit, je crois que les régimes de pension sont une structure essentielle. Ils sont extrêmement importants, et les personnes qui comptent sur eux et qui sont à la retraite ou qui prendront leur retraite au cours des prochaines années ont droit à une certaine sécurité. En tant qu'actionnaires de cette société, nous devons comprendre notre responsabilité. Qu'arrivera-t-il si jamais la bulle éclate? J'aimerais savoir si vous pouvez nous fournir des données précises à ce sujet. Quelle est la situation de la caisse de retraite en ce qui concerne la somme d'argent totale qui est gérée?

J'aimerais aussi savoir si vous pouvez nous en dire un peu plus. Vous avez mentionné qu'il s'agit d'un fonds autofinancé, les gens financent eux-mêmes leur caisse de retraite. Pouvez-vous nous en préciser le fonctionnement? Qui gère le fonds? Combien d'argent y a-t-il? Quel est le manque à gagner prévu, s'il y a un tel manque à gagner à court terme? Et quel est — de votre point de vue — le manque à gagner prévu à long terme? De plus, quelqu'un a-t-il tenu compte, dans cette évaluation, des compressions et des emplois éliminés au cours des dernières années, de l'impact que cette situation pourrait avoir à l'avenir et des répercussions qu'aura la réduction des subventions générales du gouvernement fédéral?

M. Dziadyk : Nous avons examiné le rapport annuel 2013. C'est un document qui fait de 75 à 100 pages. Il porte principalement et essentiellement sur les investissements, tout en donnant un aperçu de certains des passifs et des valeurs des régimes de pension.

Nous n'avons pas pu consulter le rapport actuariel. Je ne crois pas que cette information ait été communiquée. Les résultats de nos évaluations sont là. Je tiens à m'excuser. Je me rends compte qu'exprimer une opinion contraire à des personnes qui ne sont pas dans le domaine de l'économie n'est pas facile. Je m'attendais à ce que le message soit difficile à faire passer, parce que, dans le vrai monde, même au sein des sociétés cotées en bourse, les gens prennent des risques liés aux actifs.

Les actionnaires n'ont pas besoin qu'une entité prenne ces risques. Ils peuvent les prendre eux-mêmes, dans leurs comptes personnels, mais ils ne le font pas. Ils ne prendraient jamais le genre de risques qu'ils laissent l'entité prendre en leur nom, et c'est simplement parce que tout est obscur.

Permettez-moi de relire un extrait de mon exposé en guise de réponse à certaines de vos questions, monsieur. La présentation que fait la CBC de sa situation financière est trompeuse et inappropriée. C'est une immense tromperie. Des montagnes d'argent, des actifs de 5,3 milliards de dollars, plein d'argent à long terme parce qu'ils disent avoir un surplus sur base de continuité qui s'élève à 849 millions de dollars à long terme. Cependant, il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour payer les sommes dues à court terme. On parle d'un déficit de 486 millions de dollars. C'est leur manque à gagner en ce moment.

Le sénateur Housakos : Le manque à gagner est de 486 millions de dollars. Est-ce une accumulation de la capacité dépassée qu'ils ont eue ou le manque à gagner sur deux, trois, ou peut-être quatre ans?

M. Dziadyk : En fait, monsieur, c'est...

Le sénateur Housakos : Je veux savoir à quel moment ils se sont retrouvés en position déficitaire.

M. Dziadyk : Comme on le voit dans le rapport, il y a eu des déficits au cours de 8 des 10 années précédentes.

Soyons clairs, quel que soit le rapport financier, nous évaluons le bilan. Nous évaluons le bilan aujourd'hui, au 31 décembre 2013. Cela signifie que le bilan reflète toutes les décisions antérieures qui ont été prises, c'est-à-dire les actifs actuels et les engagements pris. Par conséquent, en ce moment — c'est un calcul à un moment donné —, on se demande quelle est la valeur de la pension. La pension qui a été promise fait alors l'objet de projections, le tout est ramené et évalué, et les actifs sont là.

Pour notre part, nous disons que, compte tenu de toutes les promesses qui ont été faites, il y a un manque à gagner de près de 500 millions de dollars. J'aimerais aussi parler d'une autre chose, qui est aussi extrêmement importante. Selon le rapport de la CBC — et, encore une fois, selon moi, c'est encore plus trompeur —, « [l]a capitalisation du Régime sur base de continuité confirme sa capacité à remplir ses obligations à long terme. » Mais le régime ne possède pas les actifs nécessaires.

Le sénateur Plett : J'ai une brève question complémentaire sur le déficit. Selon moi, le problème est lié à la façon dont les responsables des pensions, si je peux les appeler ainsi, investissent l'argent. Je crois que l'Association des enseignants de l'Ontario est un bon exemple. Je ne dis pas que je l'appuie, mais, malgré tout, cette association est un bon exemple d'une entité qui investit de façon intelligente. Je ne crois pas qu'elle affichera un jour un déficit.

N'est-ce pas là le vrai problème de la caisse de retraite de la CBC? Le fait qu'elle soit déficitaire et non le fait que la CBC gère une caisse de retraite?

M. Dziadyk : Je vais laisser Bill répondre, mais aux dernières nouvelles, il y a deux ans, c'était en 2012, le déficit du régime de la CBC, comme nous l'avons dit, était de 500 millions de dollars. Le déficit du régime de pension des enseignants était quant à lui de 16,5 milliards de dollars. Cela signifie qu'il leur manquait 16,5 milliards de dollars pour payer les leçons qui ont déjà été données. Juste pour les leçons passées, on parle de 16,5 milliards de dollars.

En 2013, je crois qu'ils sont passés de 36,5 à environ 18,5. Cette association a des actifs évalués à 130 milliards de dollars; c'est un monstre. Ses problèmes sont monstrueux par rapport à ceux du régime de pension de la CBC. Vous devez comprendre qu'il s'agit d'un problème systémique. Ce n'est pas que l'un va mieux ou moins bien que l'autre : ils vont tous mal parce qu'ils partent d'une position perdante.

Le sénateur Eggleton : Les régimes de pension font partie du filet social du pays, tout comme d'autres éléments, comme l'assurance maladie et l'assurance dentaire que fournissent certains employeurs dans le secteur privé et le secteur public. Vous avez mentionné que nous avons le RPC, auquel s'ajoute la SV, et, parfois, le SRG, mais cela permet seulement aux gens de ne pas sombrer dans la pauvreté. La plupart des gens travaillent simplement pour maintenir un certain niveau de vie digne d'un pays riche comme le nôtre, et ce niveau de vie sera réduit de 50 p. 100 ou plus lorsqu'ils prendront leur retraite. Beaucoup d'entre eux n'ont pas mis d'argent de côté.

Alors quelle est la réponse pour la CBC? Je crois savoir que certains régimes de pension sont en difficulté. Je me rappelle le régime de pension de Nortel. L'entreprise est revenue là-dessus. Elle a réussi à donner à ses cadres de grosses primes et de gros salaires, mais elle s'est dérobée au régime en place pour le reste des employés.

C'est problématique. Je comprends la situation, et je comprends aussi que tous les baby-boomers payent plus maintenant pour tous ces retraités.

Quelle est la réponse alors? Je crois que vous ne devez pas oublier que, lorsque nous disons que ce sont les contribuables qui payent, c'est dire qu'ils sont dans la position de l'employeur, comme c'est notre cas à tous. Nous bénéficions tous de régimes à prestations déterminées. Les contribuables jouent ce rôle.

La CBC doit tenir compte des autres radiodiffuseurs. Elle est le radiodiffuseur public, mais il y a d'autres radiodiffuseurs aussi, comme CTV et Global. Comment pourrait-on uniformiser les règles du jeu? Quel genre de régime de pension serait semblable à ce que les autres entreprises offrent ou correspondrait aux indemnités de pension ou aux cotisations déterminées, ou quel que soit le système en place dans ces entreprises? Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

M. Tufts : Il s'agirait d'un régime de pension à cotisations déterminées qui donnerait une contribution de contrepartie généreuse de 7 p. 100. L'employé visé verserait 14 p. 100 de son salaire par année dans son régime de pension, ce qui, compte tenu de son espérance de vie, et en fonction des taux que nous avons ici, serait suffisant. Voilà pour la première partie de la question.

Pour ce qui est de l'autre partie de votre question, nous avons réfléchi à un possible retour à l'objectif fondamental des régimes de pension, soit de s'assurer que les aînés ne sombrent pas dans la pauvreté. Une des choses que nous avons examinées et aimées, c'est le Supplément de revenu garanti pour les retraités, qui assurerait à tout le monde un même niveau de revenu de retraite qui serait calculé en fonction de quelque chose comme le salaire minimum ou...

Le sénateur Eggleton : Le revenu garanti.

M. Tufts : Un revenu garanti pour tous les aînés. Notre suggestion serait de prendre 1 billion de dollars des pensions du secteur public pour le financer de façon à ce qu'on garantisse à tous les Canadiens un certain niveau de revenu de base. Et si les gens veulent épargner davantage en prévision de leur retraite, libre à eux de le faire.

Une des choses que nous n'avons pas mentionnées, c'est que, en plus du RPC et de la SV, les retraités de la CBC, qui reçoivent une pension de 60 000 $ par année, obtiennent aussi 6 000 $ supplémentaires par année en soins de santé. Le tsunami s'en vient. Le Canadien moyen au pays, âgé de 80 ans, coûte 18 000 $ par année en soins de santé. Cette situation ne peut pas durer. Ce n'est pas abordable. Il faut vraiment se pencher sur la situation et se demander si nos idées sont viables : « Eh bien, oui, les employés de la fonction publique méritent une pension ». De nos jours, les agents de police du Canada peuvent prendre leur retraite à 52 ans et toucher en moyenne 60 000 $ par année.

Le sénateur Eggleton : Les contribuables n'auront pas vraiment économisé de l'argent si vous réduisez le montant consacré aux pensions et augmentez ensuite le financement du gouvernement du revenu garanti dans le but d'offrir à tout le monde un revenu minimal.

M. Tufts : Combien de plus pouvons-nous demander au gouvernement? Même un contribuable moyen qui touche 18 000 $ par année et dépense 6 000 $ en soins de santé et en médicaments s'approche de 25 000 $. On s'approche drôlement du revenu médian des Canadiens. Il n'y a pas de solution facile.

M. Dziadyk : Permettez-moi de formuler un commentaire général. Lorsque vous produisez des biens ou offrez des services, le prix de ces biens et services est, essentiellement, dicté par le marché. Il y a une limite à ce qu'on peut dépenser en main-d'œuvre, une limite au coût de la main-d'œuvre, qui inclut tous les avantages sociaux. La rémunération est l'élément fondamental. Cette rémunération est composée de différentes composantes qui s'ajoutent au salaire. Si vous ne tenez pas compte de tout cela, évidemment, vous mettez l'entreprise à risque. On vient tout juste de déclarer que les gouvernements à tous les échelons consacrent, si je ne m'abuse, 45 cents du dollar à la rémunération. Nous constatons maintenant que les pensions auxquelles les gens s'attendent coûtent beaucoup plus cher qu'on le croyait, alors peut-être que nos attentes étaient trop élevées. En tout cas, elles ont un impact sur la société. La situation influe sur la taille des familles et le double revenu — toutes ces choses qui font lutte pour cette rémunération —, alors je crois qu'il doit y avoir un équilibre, et on ne peut tout simplement pas régler le problème des pensions en faisant fi de la question générale de la rémunération.

Le président : Sénateur Unger, une dernière question.

Le sénateur Unger : Un bref commentaire. Je viens de l'Alberta, et récemment, sous la gouverne de nos deux derniers premiers ministres, il a fallu venir au secours du régime de pension de l'Alberta Teachers' Association, les portions non financées, non pas une, mais deux fois, alors c'est un exemple concret de ce que vous dites.

Pour revenir à la CBC, vous avez mentionné avoir essayé d'obtenir des renseignements. Si la CBC communiquait toute l'information nécessaire aux personnes qui veulent évaluer ce monstre, ce serait très certainement bénéfique.

Voici mon autre question : qui se penche vraiment sur la question de l'injustice? Vous l'avez mentionnée souvent, cette injustice à l'égard des contribuables. L'argent du gouvernement vient des contribuables. L'argent que le gouvernement albertain a utilisé était celui des contribuables, qui en financent une bonne partie, même si, comme vous l'avez dit, bon nombre d'entre eux n'ont même pas de pension.

M. Dziadyk : En effet. C'est tout à fait exact. Le problème, c'est que c'est une grosse industrie. C'est simple, dans un régime à cotisation déterminée, il n'y a pas d'argent pour cette grosse industrie d'idéologues. Ils font la promotion des régimes à prestations déterminées, et il y a des frais de 5 milliards par année payés à cette industrie, alors ils ne vont pas vous dire ce que je vous dis. Qui est Gene Dziadyk? Eh bien, je me suis joint à Bill Tufts parce qu'il a l'esprit objectif. Nous ne sommes pas ici pour faire les mauvaises langues, mais pour que vous compreniez que vous commencez en position perdante, parce que vous dites à des gens ce qu'ils ne veulent pas entendre. Je ne veux pas vous raconter tout ce non-sens.

Le sénateur Unger : La vérité.

M. Dziadyk : Je veux dire la vérité, et la vérité, comme je l'ai dit, c'est que même dans le cas des sociétés cotées en bourse, la communication des renseignements n'est pas suffisante. Ces bilans ne sont pas bien présentés alors les actionnaires ne peuvent pas savoir. Les employés devraient recevoir un genre de prospectus.

Pour la plupart des travailleurs, leur régime de retraite est de loin leur principal actif, et ils ne le comprennent pas. Ils n'ont aucune idée, et ils construisent leur vie là-dessus. Je ne sais pas ce qui pourrait arriver. Nous venons de dire que ces prestations ont été réduites. Pour ce qui est des enseignants, on envisage maintenant de réduire les prestations accumulées. Ils doivent maintenant tout changer et en faire quelque chose qui devrait être très alarmant : le régime à prestation cible. Eh bien, savez-vous ce qu'est un régime à prestation cible? Voici comment un tel régime fonctionne : soit je gagne et j'obtiens mes prestations déterminées, parce qu'il y a un surplus que conservera l'employeur, soit je perds, parce qu'il y a des déficits, et c'est moi qui les assume.

Que faisons-nous ici? C'est honteux, mais c'est ce que les idéologues nous vendent pour remplacer les régimes de pension à prestations déterminées, parce que tout le monde commence à comprendre que ce système n'était absolument pas raisonnable. Alors maintenant ils se tournent vers une morale sclérosée, alors je suis là, avec Bill, pour sonner l'alarme.

Le président : Eh bien, nous avons entendu votre signal d'alarme aujourd'hui.

M. Dziadyk : Merci, monsieur.

Le président : Nous vous entendons tous les deux très bien. Merci pour vos exposés.

Chers collègues, notre prochain témoin est John Weigelt, du National Technology Office de Microsoft Canada, qui aura très certainement des choses intéressantes à nous dire au sujet de l'environnement en mutation constante, du point de vue de la technologie.

John Weigelt, directeur technique national, Microsoft Canada : Merci, monsieur le président.

Je m'appelle John Weigelt. Je suis le directeur de la technologie de Microsoft Canada. À ce titre, j'ai l'impression de vivre un peu dans le futur, dans trois ou cinq ans, et j'essaie de déterminer où la technologie s'en va et d'aider les entreprises et les organisations du secteur public à le comprendre afin qu'elles puissent changer leur façon de travailler. Je suis heureux de pouvoir vous communiquer certaines réflexions sur la situation de la radiodiffusion et des communications au Canada.

Dans ma déclaration préliminaire, je parlerai des appareils et des services de Microsoft ici, au Canada, et de certains des facteurs dont nous tenons compte lorsque nous mettons au point ces produits et le contenu qu'ils permettent. J'essaierai volontiers de répondre à vos questions après.

En tant que technologue, j'estime que nous sommes dans une période très intéressante pour les fournisseurs et les consommateurs de contenu numérique. Et là, je pourrais vous parler de uns et de zéros, mais je suis sûr que ce n'est pas la façon de procéder compte tenu de l'auditoire. Je pense que la meilleure façon de procéder, c'est de décrire un scénario ou de donner un exemple de la façon dont ces technologies changent nos vies.

Ce matin, vous avez peut-être commencé la journée en regardant une partie de curling à la télévision. En prenant vos choses et en vous rendant à l'aéroport, vous avez peut-être continué de regarder la partie sur votre téléphone mobile. Vous avez peut-être continué à regarder le contenu diffusé dans le service de voitures, bien sûr, si vous ne conduisiez pas.

Arrivé à l'aéroport, vous avez pu continuer à le regarder sur les écrans qu'il y a là, peut-être dans les systèmes de divertissement à l'arrière du siège devant vous. On parle d'une quantité surprenante de contenu numérique, que ce soit du texte, de la musique, des jeux, du vidéo ou de la télévision, et il y a maintenant une myriade d'appareils que vous pouvez utiliser pour avoir accès au contenu, l'apprécier et même interagir avec lui. Et ce que l'on voit de plus en plus, c'est que vous pouvez partager cette expérience avec d'autres en temps réel tandis que vous interagissez avec le contenu.

Chez Microsoft, nous fabriquons des appareils avec passion — les téléphones, les tablettes Surface, les consoles Xbox — et nous fournissons des services — MSN, Skype, Xbox Live — qui permettent de connecter les gens aux expériences qu'ils aiment. De plus, et c'est important, nous fournissons le logiciel et les services afin d'aider d'autres entreprises et d'autres personnes à créer et communiquer leur contenu aux Canadiens et d'innover, non seulement à l'échelle locale, mais dans le monde entier.

Nous sommes une société mondiale. Nous concevons nos services numériques en tenant compte de facteurs qui varient d'une culture à l'autre, comme les données relatives à l'utilisation des clients, la rétroaction des studios et des partenaires et les revenus au guichet. Mais nous sommes aussi une société locale, ce qui signifie que nous prenons délibérément des mesures pour inclure un contenu canadien lorsque nous offrons des services.

Ceux qui ont eu l'occasion de visiter MSN Canada ce matin ont pu constater qu'environ 75 p. 100 du contenu était produit par les principaux fournisseurs de contenu canadien, dont la CBC/Radio-Canada. Vous pouvez aussi accéder à du contenu de la CBC/Radio-Canada par l'intermédiaire d'applications pour Windows PC — CBC News/ICI Radio-Canada et Hockey Night in Canada — sur votre téléphone et sur la Xbox. Comme on l'a laissé entendre plus tôt, nos services en ligne, comme MSN, profitent non seulement à Microsoft, mais à des tiers comme la CBC/Radio-Canada et ceux qui aiment son contenu.

Cet investissement au Canada s'inscrit dans notre engagement plus général à l'égard du pays. En plus d'employer plus de 1 000 Canadiens, nous avons consenti d'importants investissements au Canada par l'entremise de nos magasins de détail, de notre studio de jeux vidéo et du Centre d'excellence Microsoft Canada, dont on vient d'annoncer la création et où travailleront plus de 400 développeurs et 50 stagiaires rémunérés d'universités canadiennes. Nous sommes particulièrement fiers de notre travail avec plus de 1 500 jeunes entreprises par l'intermédiaire de nos programmes BizSpark et Microsoft Ventures. Nombre de ces entrepreneurs profitent de l'accès aux outils et aux services de Microsoft pour offrir un contenu canadien aux quatre coins du monde, c'est-à-dire en permettre la lecture en transit et en offrant des services de médias.

En outre, dans le cadre de notre programme YouthSpark, nous encourageons les jeunes Canadiens possédant des compétences du XXIe siècle à les mettre à profit pour réussir aujourd'hui et dans l'avenir.

Le monde des communications et de la radiodiffusion a évolué et continue de le faire à un rythme rapide. Nous sommes passés d'une époque où on consommait passivement une gamme limitée de contenus à une époque où les clients décident non seulement de ce qu'ils consomment, mais aussi de comment et où ils le font et comment ils interagissent avec d'autres pendant qu'ils le font. Ce sont ces nombreux choix qui créent des possibilités fantastiques pour ceux qui génèrent du contenu et ceux qui en profitent et ceux qui, à l'instar de Microsoft, cherchent à les réunir. Nous sommes à une époque palpitante. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Je dois admettre que, il y a environ 20 ans, j'ai eu le plaisir d'écouter l'exposé de votre fondateur, cofondateur et président, M. Gates. Il a dit que, dans 20 ans, nous regarderions des émissions au grand écran, mais que nous ne saurions pas si la diffusion vient d'Internet ou même du four à micro-ondes. Mais nous regarderions du contenu.

Je suis le premier à reconnaître que Microsoft a su voir loin devant par le passé, et j'espère que vous voyez loin devant dans l'avenir pour définir ce qui changera notre environnement.

Le sénateur Plett : J'ai une question très simple. Quels sont vos plus grands défis?

M. Weigelt : Notre plus grand défi tient au fait que nous sommes actuellement en mode compétition. Nous luttons pour demeurer au sommet sur le marché, et il y a d'autres joueurs sur le marché avec qui nous compétitionnons de façon féroce.

Le sénateur Plett : Qui sont vos principaux compétiteurs?

M. Weigelt : Cela dépend du marché. En ce qui concerne les services en ligne, nos principaux compétiteurs sont des organisations comme Amazon et Google. Lorsqu'il est question d'appareils, Apple est sans aucun doute un compétiteur solide.

Le sénateur Plett : Il y a quelques années, lorsque Tiger Woods est arrivé et a commencé à vaincre tout le monde, j'ai entendu Phil Mickelson dire : « Tiger Woods rend tout le monde meilleur au golf, car nous sommes tous obligés de travailler plus dur. »

Diriez-vous que des compétiteurs comme Google et Amazon ont fait de Microsoft une meilleure organisation, car elle doit lutter un peu plus fort?

M. Weigelt : La concurrence est une chose merveilleuse. Lorsqu'un autre joueur vous prend votre part et réussit mieux que vous à atteindre les clients, alors, effectivement, cela fait de vous une meilleure société.

Le sénateur Eggleton : Quels sont vos commentaires au sujet du radiodiffuseur public, la CBC/Radio-Canada, et de la façon dont cet environnement changeant pourrait l'aider à survivre dans l'avenir? L'organisation traverse une période difficile, en partie à cause des compressions budgétaires, mais elle essaie aussi de se retrouver dans ce nouveau monde que vous semblez très bien connaître. Quels seraient vos conseils sur l'orientation que nous devrions faire prendre au radiodiffuseur public dans l'avenir?

M. Weigelt : Comme je suis un professionnel de la technologie et non pas un membre de la communauté de la radiodiffusion, je ne saurais trop parler du modèle d'entreprise que cette société a mis en place. Mais, certes, du point de vue de la technologie, si on regarde le contenu qu'offre la CBC/Radio-Canada par l'intermédiaire de toute une gamme de modes de communication, je crois que les gens travaillent avec diligence pour atteindre le public ciblé.

Certes, lorsqu'on regarde la collecte actuelle de nouvelles médiatisées, on constate qu'un important changement arrive. Une chose assez intéressante est l'utilisation de journalistes citoyens, par exemple, et la tendance à privilégier ce type de collecte de nouvelles. Alors, comment organiser un tel bulletin de nouvelles et en faire quelque chose d'attirant pour un public général? Je crois que tous les radiodiffuseurs doivent relever le défi qui vient avec cet environnement.

Une autre chose que je trouve intéressante, c'est la différence de goûts des consommateurs. Il existe aujourd'hui un réseau de télévision en ligne axé sur les jeux, Twitch TV, où des gens regardent d'autres gens jouer à des jeux vidéo. Pour moi, c'est un peu déconcertant, mais il s'agit d'une nouvelle forme de contenu qui attire un public particulier, ce qui est intéressant. Je crois qu'il y a peut-être des occasions d'observer ces nouvelles tendances concernant l'intérêt des jeunes, les options en matière de divertissement, et de voir comment on peut intégrer cela au contenu offert.

Le sénateur Munson : Vous venez de parler de « journalistes citoyens ». Pour aborder un sujet un peu plus sombre, j'ai été journaliste pendant 35 à 40 ans, et je regardais la tragédie qui a eu lieu à Ottawa la semaine dernière. Les journalistes peuvent faire des erreurs, bien sûr, dans le cadre de leur travail, mais là, on a des citoyens qui font le travail de journaliste, et certains propos sont rapportés textuellement. Il s'agit d'un phénomène bien réel, les gens ont accès à toute cette nouvelle technologie. Dans le cadre de ce type de journalisme, nous avons un devoir à l'égard de nos concitoyens, car nos propos pourraient influencer ou mettre en péril la vie de quelqu'un. Comprenez-vous cela? Aujourd'hui, tout le monde est journaliste sans contexte.

M. Weigelt : C'est exact, et je crois que c'est là que la CBC/Radio-Canada s'est vraiment démarquée la semaine dernière — et ses homologues au sud de la frontière l'ont mis en lumière —, la chaîne est restée très sobre en présentant les faits et a fait preuve de respect. Dans certains cas, elle s'est abstenue de donner l'information et a dit : « Nous ne sommes pas tout à fait prêts à révéler ces renseignements », car elle constatait que des événements survenaient en temps réel, tandis que d'autres chaînes auraient laissé circuler l'information plus librement.

Le sénateur Munson : Pour revenir à une question que nous devons poser ici : lorsque vous concevez et modifiez le système d'exploitation de Windows, quelle est la part d'attention ou de ressources que Microsoft consacre aux programmes et aux applications destinés à la lecture en transit et au téléchargement?

M. Weigelt : C'est une question intéressante. Lorsque nous regardons la façon dont nos services et outils sont offerts, nous constatons que l'expérience — nous l'appelons « interface utilisateur naturelle » —, l'expérience de l'utilisateur final, qui accède à un contenu riche, sous forme de vidéo, de lecture en transit, ou de fichier vocal, est intégrée au système d'exploitation. Il serait difficile de l'envisager comme un effort distinct, alors elle est entièrement intégrée à cette expérience.

Graduellement, lorsque nous regardons des ensembles d'outils comme notre dernier système d'exploitation dans la nouvelle interface, les titres d'actualité et les vidéos sont directement accessibles, alors tout cela fait partie de la même expérience.

Le sénateur Munson : Vous avez parlé de l'« interface ». Nous utilisons ce terme si souvent, et il est facile à comprendre. Je me souviens que, en 1979 ou en 1980, à CTV, un gars de la technologie informatique nous a dit, lorsque nous étions devant de gros ordinateurs, que nous devions interagir avec l'interface. Je n'avais aucune idée de quoi il parlait. Que devais-je faire avec cet ordinateur sur le plan technologique?

M. Weigelt : Vous avez raison, et c'est une question qui nous préoccupe; transformer cette expérience d'une interaction où il faut penser à la touche à enfoncer ou à l'élément à sélectionner en quelque chose de plus naturel, un peu comme si vous interagissiez avec une personne ou un assistant personnel.

Nous appelons cette expérience « interaction vocale en langage naturel ». Nous avons une assistante personnelle appelée Cortana à qui vous pouvez parler pour obtenir du contenu vidéo. Il peut s'agir d'une vidéo superposée à votre environnement. Nous avons tous des appareils mobiles et des téléphones sur nous. Aujourd'hui, il existe des technologies qui permettent d'intégrer une couche d'information au sujet de votre environnement pour que vous puissiez voir, par exemple, un article sur un nouveau restaurant pour que vous sachiez que votre estomac n'est peut-être pas aussi solide que vous l'auriez espéré pour pouvoir apprécier les mets servis dans ce restaurant.

Le sénateur Munson : Une dernière question. Microsoft est une bonne société qui fait de bonnes choses, mais son objectif est de faire de l'argent. Dans les plates-formes, au bout du compte, tout le monde en parle dans les plates-formes numériques, ce que nous faisons et comment nous nous renseignons sur l'actualité.

Je sais que les sénateurs ont tous maintenant un iPad, et je suis complètement dépendant. Cet appareil prend toute mon attention. J'ai hâte au lendemain pour lire mes journaux; je les obtiens la nuit et en temps réel.

Ces applications coûtent de l'argent. Je regardais le match de curling ce matin. Je n'ai pas l'application, mais il faudrait que je paie pour avoir l'application me permettant de le regarder en temps réel.

Vous avez parlé de regarder une émission sur son appareil, puis dans le taxi, ensuite, et ailleurs, vouloir faire autre chose. À la fin de la journée, le consommateur ne sait pas vraiment combien de temps il a passé; il ne peut qu'espérer... C'est comme les forfaits que vous vendent certaines compagnies de téléphone. Vous croyez que ce sera un certain montant, mais cela finit par coûter beaucoup plus cher que vous le croyiez. Le journal vous coûte 1 $ par jour ou 50 cent par jour. Y a-t-il des analyses à ce sujet, sur les coûts pour le consommateur et l'incidence sur notre économie et nos propres finances personnelles?

M. Weigelt : C'est une excellente question. Dès que vous offrez un service, vous devez songer au modèle d'entreprise qui le sous-tend. Une grande part de créativité et d'innovation est consacrée aux modèles d'entreprise aujourd'hui. Certains services sont offerts par abonnement. Si on prend le service d'abonnement de Xbox Live, nous percevons des frais d'abonnement mensuels, et les abonnés obtiennent du contenu supplémentaire.

D'autres services sont financés par la publicité, comme les types d'environnements télévisuels classiques, où des annonceurs aideront à financer le service. Nous voyons de nouvelles modalités apparaître, où les gens paient pour un épisode, par exemple. On voit aussi apparaître le phénomène de la désintermédiation, où des réseaux de télédiffusion ne passent plus par un câblodistributeur et s'adressent directement aux consommateurs.

Je crois que, si on regarde les différents modèles offerts, en ce qui concerne le coût éventuel pour le consommateur final, dans certains cas, il sera nul, et, dans d'autres, il peut y avoir un montant ajouté à la facture existante envoyée à la fin du mois.

Le sénateur Munson : Brièvement, nous avons entendu le témoignage de M. Pelley ici ce matin, et il était en faveur de l'idée, comme l'a expliqué M. Lacroix, selon laquelle la CBC/Radio-Canada devait s'adapter à la plate-forme numérique et axer ses efforts sur les activités connexes. Quel rôle jouerait Microsoft en ce qui concerne les différentes plates-formes, l'aspect informatique de la chose? En votre qualité d'homme d'affaires, encourageriez-vous la CBC/Radio-Canada à le faire?

M. Weigelt : Microsoft joue deux ou trois rôles différents auprès de la CBC/Radio-Canada à l'heure actuelle. Nous offrons son application sur nos appareils portatifs, pour que les gens puissent accéder aux nouvelles et au contenu diffusé en transit, ou même à Hockey Night in Canada. Nous aidons la société d'État à le faire.

Nous offrons aussi des services en ligne appelés « services en nuage », et l'un des services les plus appréciés est celui de la fourniture de contenu pendant la lecture en transit, qui permet à des fournisseurs de contenu locaux d'accéder à un public mondial très rapidement. Nous avons utilisé cette méthode pendant les Jeux olympiques présentés par NBC, par exemple, dans le cadre de la lecture en transit partout dans le monde, alors il y avait pour cette chaîne un autre intermédiaire, un mode lui permettant de diffuser des émissions sur demande à l'aide d'outils très, très économiques.

Nous avons d'autres technologies. Par exemple, nous offrons une technologie de co-exploration qui vous permet d'avoir un appareil portatif presque synchronisé avec l'écran que vous regardez, puis il est ensuite possible d'ajouter des options relatives au contenu pendant le visionnement de l'émission principale. Il peut y avoir de la publicité, et d'autres épisodes pouvant être téléchargés à la carte. Cette technologie permet véritablement de transformer l'interaction du mode passif à l'égard du contenu présenté en un mode plus actif, pour que l'utilisateur puisse échanger avec d'autres spectateurs ou apporter une contribution par l'intermédiaire d'un réseau de médias sociaux en ligne. Nous offrons ces outils pour aider les fournisseurs de contenu à atteindre un large public.

Le sénateur Munson : Merci.

Le sénateur Housakos : Pouvez-vous nous donner votre avis sur la réussite de la campagne de la société d'État pour passer à l'ère numérique? Nous savons qu'elle a dépensé des dizaines de millions de dollars dans les dernières années, essentiellement pour essayer de se rattraper. Je me demandais si vous aviez une opinion quant à la réussite de sa stratégie numérique.

Les opinions vont dans les deux sens. Pour certains, sa progression est fructueuse, tandis que pour d'autres, compte tenu des dizaines de millions de dollars dépensés, la stratégie n'a pas été vraiment efficace.

En outre, il ne fait absolument aucun doute pour nous que la CBC/Radio-Canada compétitionne depuis quelques années avec des sociétés de communication à intégration verticale qui sont devenues des radiodiffuseurs et, par conséquent, elle a perdu en grande partie les assises nécessaires dans cette nouvelle ère de plates-formes technologiques lui permettant de soutenir la concurrence.

Pouvez-vous nous donner votre opinion sur cette question aussi? Est-ce trop tard pour la CBC/Radio-Canada, ou peut-elle encore conclure des alliances stratégiques avec d'autres organisations pour reprendre du terrain assez rapidement afin de faire concurrence à des organisations à intégration verticale? Vu l'évolution et le changement constants de la fluidité des communications, je ne vois tout simplement pas comment un radiodiffuseur indépendant peut survivre sur le marché. Pourriez-vous nous donner votre perspective à ce sujet?

M. Weigelt : Je vais commencer par répondre à la première question.

Comme je n'ai pas accès directement aux paramètres utilisés pour évaluer le rendement sur une plate-forme donnée, il est très difficile de déterminer si la société a atteint ou non ses objectifs numériques. Certes, quand je regarde les options relatives au contenu et à l'appareil offertes au consommateur canadien ou étranger sur le site Internet de la CBC adapté à de multiples plates-formes — vous pouvez choisir l'appareil qui vous convient pour télécharger les applications et le contenu que vous voulez —, je constate qu'elle offre toute une gamme d'outils, et nous sommes très fiers d'offrir les services de cette société sur notre plate-forme.

Pour ce qui est de la concurrence des communautés verticales, dans certains cas, je crois qu'on les salue pour leur portée, leur auditoire, mais pas nécessairement pour leur modèle d'entreprise, car on ne sait pas si elles se sont réellement consolidées en vue d'assurer leur rentabilité. Certaines nouvelles sources d'actualités essaient toujours de déterminer la meilleure façon de procéder.

Alors, une des choses qui sont difficiles, je crois, pour une grande organisation, c'est de simplement suivre le rythme du marché. Certes, à Microsoft, nous établissions nos plans selon un horizon de trois à cinq ans. Nous nous tournions vers l'avenir et nous disions : « C'est ce que voudront les consommateurs dans trois à cinq ans, et voici ce que nous allons faire pour répondre à ces besoins. » Nous nous sommes aperçus que c'était trop long et que nous devions accélérer le rythme. Nous prévoyons maintenant nos activités sur 18 mois. Nous déterminons ce que pourraient vouloir les consommateurs dans ces 18 mois, puis nous faisons le point tous les six mois. Maintenant, nous avons un échéancier au mois, selon lequel nous lançons de nouvelles fonctionnalités simplement pour rester à la hauteur des exigences et des besoins des consommateurs.

Alors, en ce qui concerne les options relatives au divertissement, les options relatives à la communication, les gens s'attendent à un vent de fraîcheur, alors il faut trouver le moyen de maintenir le rythme. C'est peut-être là que réside la magie; pouvoir rester au goût du jour et offrir de nouvelles options à une communauté de façon rapide.

Le président : Je vais reprendre les mots de mon collègue, le sénateur Plett, au sujet de l'environnement changeant. Nous parlons toujours des Jeux olympiques à Vancouver. Ils ont été diffusés à la télévision normale, mais, lorsque les Jeux olympiques de Russie sont arrivés, les gens les regardaient à Radio-Canada sur leur tablette, leur iPhone et par l'intermédiaire des multiples services offerts aujourd'hui.

Pour en venir à Microsoft, mon fils écoutait les Jeux olympiques sur sa Xbox, qui lui avait été offerte pour jouer à des jeux, mais, maintenant, il l'utilise pour Netflix et la radiodiffusion classique. Est-ce un secteur que vous envisagez, la transformation d'un simple jeu vidéo à un outil de radiodiffusion?

M. Weigelt : Nous voyons Xbox One comme l'unique centre de divertissement dans le salon. Bien souvent, les gens considèrent qu'un ordinateur va dans un bureau, et nous ne voyons pas cet ordinateur dans un bureau. Nous le voyons comme faisant partie intégrante de votre vie, comme appareil portatif. Bon nombre d'entre nous dorment avec un appareil portatif sur notre oreiller.

Bon, toutefois, je ne vais pas écouter un match en essayant de m'endormir, ce serait un peu trop stimulant, mais ces appareils nous accompagnent dans nos activités quotidiennes. Xbox One est le centre de divertissement pour votre salon.

Bon, les amateurs de jeux vidéo purs et durs nous ont un peu reproché de nous être perdus dans tous les autres outils introduits. Il s'agit encore d'une console de jeux vidéo fantastique, mais nous vous offrons maintenant des options de diffusion de musique en continu et de lecture en transit de fichiers vidéo, et vous pouvez aussi naviguer sur le Web pour accéder à d'autre contenu.

Le président : Alors, il s'agit d'une solide tendance qui présente maintenant un avenir pour Microsoft?

M. Weigelt : Oui, et nous envisageons certainement de libérer l'écran de son environnement classique, qui est celui de l'ordinateur; pour nous, l'écran sera omniprésent. Peut-être que, un jour, il y aura un écran ici sur le bureau, et nous pourrons voir les choses arriver presque en temps réel, s'il y a une annonce ou quelque chose d'autre qui arrive.

Le président : Merci.

Le sénateur Munson : Je me demandais simplement si vous aviez remarqué que, dans la salle, aujourd'hui, nous utilisons tous ces appareils. Il vient d'en utiliser un. Je viens d'en utiliser un. Le sénateur Dawson avait son iPad. Le sénateur Plett était attentif. Le sénateur Housakos, il était occupé. Nous faisons tous quelque chose et écoutons en même temps.

J'admire le fonctionnement multitâche, mais je crains un peu que, parfois, cela ne devienne abusif. Nous avions autrefois un espace défini où aller pour s'asseoir et regarder quelque chose, puis faire des choses et lire des choses, mais, maintenant, nous fonctionnons tout simplement en accéléré.

Y a-t-il une politique ou une analyse qu'ont adoptée Microsoft et les autres joueurs aux quatre coins du monde pour dire : « Oui, on peut avoir toutes ces choses, mais il faut respecter les autres en même temps »? Nous écoutons-nous véritablement les uns les autres en cette ère numérique? Il me semble que ce n'est pas toujours le cas.

M. Weigelt : C'est une excellente question, et nous prêtons beaucoup d'attention à l'aspect humain de l'interaction avec les appareils. Comment les gens interagissent-ils entre eux? Quels sont les signaux sociaux nécessaires? Sur nos téléphones, nous avons maintenant la fonction « ne pas déranger », de sorte qu'ils se mettent en veille. On peut régler des heures de repos, puis, si vous êtes dans une réunion, par exemple, le téléphone s'éteindra automatiquement, de sorte que vous n'interromprez pas la personne qui parle.

S'il s'agit d'un membre de la famille, vous pouvez, par exemple, faire désactiver la fonction au bout du troisième appel, alors on commence à intégrer ces signaux sociaux à la technologie. Parfois, de telles fonctionnalités ne sont pas bien conçues dès le départ. Nous parlons aux gens pour leur demander : « Que voudriez-vous que cette fonction permette d'accomplir? » « J'aimerais qu'elle me rappelle un rendez-vous important » « Toujours? » « Bien sûr, toujours », puis, il y a quelques ratés. « Eh bien, peut-être pas toujours », alors nous travaillons à surmonter ce genre de choses.

De même, nous voyons que le mode conduite vous empêchera de regarder des messages texte lorsque vous êtes au volant, car nous savons que c'est un phénomène épouvantable sur le marché, les gens qui textent pendant qu'ils conduisent. Ces choses arriveront.

Il y a l'aspect démographique. Ma fille âgée de 14 ans trouve tout à fait normal que ses amis viennent chez elle, mais tout le monde se parle par l'intermédiaire des médias sociaux. Bon, chez moi, lorsque nous regardons la télévision, il faut déposer les appareils portatifs. Je dirais qu'il faut les fermer, car nous nous sommes aperçus que, à un certain moment, nous nous envoyions tous les quatre des messages texte ou nous échangions par l'intermédiaire des médias sociaux, mais nous étions tous dans la même pièce. Nous nous sommes dit que c'était absurde, alors nous avons dû établir des règles pour gérer ce phénomène.

Le sénateur Plett : C'est toujours une question de discipline personnelle, peu importe ce que vous faites. Comme vous dites, je peux régler mon appareil pour qu'il m'avise que ma femme appelle ou lorsque quelqu'un d'autre appelle. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, et la question de savoir si vous êtes à blâmer ou à glorifier reste à déterminer. Mais, avant les Microsoft et tous les autres de ce monde — ceux qui créent les appareils —, lorsqu'on quittait le bureau à 9 h pour assister à une réunion jusqu'à midi, on n'était pas joignable pendant trois heures. Nous réussissions quand même à faire nos affaires.

Maintenant, il n'y en a plus un qui croit qu'il ne peut être joignable pendant 10 minutes. Nous arrivons sur le terrain de golf, et ces appareils deviennent la chose la plus agaçante au monde lorsque c'est quelqu'un d'autre qui les utilise. Nous jouons à quatre, et deux ou trois personnes envoient des courriels, et je suis frustré jusqu'à ce que mon téléphone sonne.

M. Weigelt : Vous avez tout à fait raison. Je crois que, lorsqu'on commence à regarder quelle utilisation les gens font de la technologie et comment les gens sont peut-être trop attachés à ce qui arrive, il faut profiter d'un certain moment pour prendre du recul. Il y a des éléments très prometteurs, pour revenir à la façon dont les gens consomment les médias, à l'aspect social, par exemple, qui permettent de séparer l'écran en deux et de regarder un événement en temps réel tout en parlant et en communiquant avec d'autres. Nous considérons que cela renforce l'aspect social, croyez-le ou non, de ces outils et de ces technologies.

Nous avons travaillé avec la NFL, pour permettre à l'utilisateur de constituer une équipe de football fictive et de voir, dans une fenêtre distincte, quels résultats elle obtiendrait durant l'émission en direct. Vous pouvez voir et faire des comparaisons et interagir avec vos amis. Voilà encore une nouvelle façon d'interagir avec du contenu en direct tout en intégrant le volet jeu.

Le président : Vous avez mentionné avoir une relation avec des radiodiffuseurs, et vous avez mentionné la CBC. Comment voyez-vous le rôle des radiodiffuseurs dans ce marché fragmenté où les gens se servent de différents appareils? Comment établir un télé-horaire et promouvoir des émissions si les gens ne vont pas écouter en même temps? Coopérez-vous avec les radiodiffuseurs à ce chapitre?

M. Weigelt : Oui. Nous coopérons avec les radiodiffuseurs dans une large mesure et autant que nous le pouvons sur n'importe quel marché. Il est intéressant d'observer la transformation des habitudes. Par le passé, le modèle de programmation était linéaire : on allumait le téléviseur, et, essentiellement, une programmation était présentée pendant 24 heures, alors c'était séquentiel.

Lentement mais sûrement, les gens ont commencé à utiliser des appareils vidéo pour enregistrer du contenu diffusé à une certaine heure pour le regarder quand bon leur semble. Maintenant, les gens obtiennent un épisode particulier quand ils le veulent ou ils font des choses comme écouter une série en rafale. Un dimanche, par exemple, ils écouteront Royal Canadian Air Farce pendant 12 heures simplement parce qu'ils veulent se plonger dans l'histoire.

Alors, les diffuseurs ont accès à toute une gamme de modèles de consommation de contenu. Certains peuvent décider d'utiliser le modèle classique selon un mode de diffusion en continu en ligne. Aux États-Unis, c'est exactement ce qu'un radiodiffuseur envisage de faire; « Regardez, nous allons prendre notre modèle de câblodistribution classique, qui comporte notre programmation d'une journée de 24 heures, et l'offrir en ligne. Nous allons aussi offrir des émissions à la carte et la possibilité d'écouter des épisodes en rafale. »

Alors, l'objectif est de mettre l'accent sur le consommateur pour répondre à ses besoins et lui offrir des choix, pour ensuite comprendre ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas. Dans notre monde en ligne, il n'est plus nécessaire de recourir à un tiers qui dira : « Ouais, les gens ont bien noté cette émission dans leur cahier. » Maintenant, on peut voir ce qu'ils ont écouté parce qu'ils ont cliqué dessus. Voici la publicité qu'ils ont aimée, et vous pouvez obtenir ces précieuses données du contenu que vous offrez.

Le sénateur MacDonald : Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur.

Steve Jobs et Bill Gates savaient, en leur qualité de fabricants de produits pour les consommateurs, qu'ils devraient parfois anéantir leurs propres produits pour en introduire de nouveaux, afin de favoriser l'évolution. Microsoft, bien sûr, a connu la même situation avec le PC, qui n'est pas vu de la même façon qu'il y a 15 ans, par exemple.

La CBC/Radio-Canada, au contraire, tend à travailler à un modèle qui existe depuis les années 1970, avec CBS, NBC ou ABC, ce modèle de télédiffusion d'intérêt général, par les ondes. Vous avez mentionné la nécessité de suivre le rythme du marché, mais il s'agit d'une énorme entreprise, la CBC/Radio-Canada. Comment peut-elle changer? Quels sont les obstacles à surmonter lorsqu'on tente de changer un modèle de cette taille? Vous, par exemple, qui travaillez dans l'univers des PC, que feriez-vous si vous étiez transposé à la CBC/Radio-Canada?

M. Weigelt : C'est un défi de taille à surmonter pour une personne comme moi, dans la filiale canadienne d'une grande société. Vous savez, je constate l'énorme transformation dans laquelle est engagée notre société. Au cours des trois dernières années, nous avons réellement connu un changement marqué au sein de l'entreprise, un peu comme la forme d'un bâton de hockey, avec l'évolution de nos appareils et de nos services.

Le sénateur MacDonald : C'est toute une analogie.

M. Weigelt : Oui, et elle me tient à cœur. Alors, lorsque nous pensons au changement, je crois qu'il faut d'abord s'arrêter au message venant d'en haut. Notre nouveau PDG a vraiment préparé le terrain afin que nous comprenions tous quels changements étaient nécessaires et que nous puissions réellement nous tourner vers l'avenir pour concevoir une approche novatrice, afin de nous imposer de nouveau comme innovateurs dans la communauté. Bien souvent, cette innovation n'était pas observée à l'extérieur des murs de la société, alors nous essayons réellement de la démontrer.

Le message venant d'en haut, selon moi, a une grande incidence. Les impératifs ne font pas de tort; je parle des impératifs se rattachant au visage changeant de l'informatique. Le passage des progiciels aux logiciels en ligne a créé pour nous un impératif. La façon dont les gens utilisent les services informatiques a changé de façon radicale par rapport à la façon dont nous faisions nos activités auparavant. Ensuite, il faut être capable de bouger et de motiver la communauté à le faire.

Pour la CBC/Radio-Canada, l'impératif réside peut-être dans le changement de la nature des communications radiodiffusées. Pour suivre ce changement, toutes les parties de l'entreprise doivent trouver leur façon de réussir. C'est ainsi que je vois la chose.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Housakos : Nous vivons sans aucun doute à une ère de consommation d'information expresse. Tout doit être résumé, tout doit être rapide et tout doit être facilement accessible.

Ce que nous entendons constamment de la CBC/Radio-Canada, et de ses grands défenseurs, c'est qu'elle offre du contenu en profondeur de haute qualité, que ce soit des nouvelles, des documentaires, des émissions et tout le reste. Elle fait du bon travail intellectuel et cérébral qui est très, très intéressant.

La question est la suivante : est-il réaliste d'offrir ce genre de contenu de grande qualité et d'amener les gens d'aujourd'hui à s'arrêter, à éteindre leur Xbox, leur Blackberry et leur iPad et à tout simplement se concentrer sur la plate-forme utilisée pour regarder un documentaire? Un reportage en profondeur n'est pas la même chose qu'une couverture en bref de 30 secondes. Habituellement, il dure quelques minutes. Comme je l'ai dit au début de mon préambule, nous vivons à une ère où tout le monde veut obtenir des nouvelles en accéléré. Les activités et les objectifs de la CBC/Radio-Canada sont-ils réalistes à l'ère de communication dans laquelle nous vivons?

M. Weigelt : À mon avis, si on regarde les événements tragiques de la semaine dernière et la frustration qu'éprouvaient beaucoup de gens qui essayaient de suivre l'événement en temps réel par l'intermédiaire de journalistes citoyens, de réseaux sociaux et de tout le reste, on pouvait sentir un certain réconfort du fait qu'il était possible de consulter un service de nouvelles organisé et d'entendre la voix de la CBC/Radio-Canada pour obtenir un certain contexte.

C'est peut-être comme un sac de croustilles. On ne peut pas en manger seulement une. Alors, la première croustille vous donne envie d'en manger une autre, puis vous dites : « Vous savez quoi? Je vais attendre encore un peu », puis vous mangez la deuxième croustille, puis la troisième, puis vous ne pouvez plus vous arrêter et vous dites : « Voilà quelque chose qui a une réelle emprise sur moi », et vous allez au fond du sac.

Alors, il faut peut-être se pencher sur ce qui accrochera les gens et les amènera à écouter toute l'émission. Je me connais moi-même : parfois, lorsque je suis dans l'avion, je commence à lire quelque chose et je me dis : « Ah non, c'est trop long, je ne le lis pas ». » Nous avons tous déjà vécu une telle expérience. « Je vais passer au prochain article. »

Mais d'autres choses vous captivent et vous vous dites que c'est important pour vous. Alors, cela revient à l'auditoire et ce qui l'attire vraiment, ce qui revêt de l'importance à ses yeux, et il faut comprendre ce que veut le consommateur du bulletin de nouvelles. J'avancerais que les gens sont prêts pour ce contenu et l'attendent. Il s'agit seulement de trouver la façon de le présenter d'une façon qui retient leur attention.

Le sénateur Housakos : Cela dit, nous entendons constamment l'argument selon lequel les gens veulent une analyse de l'actualité en profondeur. Ils veulent de longs documentaires remplis de contenu. Pourtant, si nous regardons les cotes d'écoute de la CBC/Radio-Canada, elles ne semblent pas indiquer que c'est ce qu'ils veulent. Par conséquent, la société décidera de présenter l'histoire rapide, expresse et peu coûteuse, pour ainsi dire.

Je vais vous donner un exemple précis. Regardez les cotes d'écoute de The National et celles des chaînes de Bell Média. Regardez le bulletin de nouvelles que présente la CBC dans l'Ouest canadien, comparativement à celui de Shaw ou de Bell Média. Les cotes d'écoute ne sont pas comparables. Encore une fois, il est facile de dire qu'il doit y avoir une demande pour ce contenu riche et en profondeur, mais le marché ne semble pas appuyer cet argument.

C'est un problème qu'il faut résoudre. Pour ma part, je crois que nous vivons dans une société où les gens veulent effectivement obtenir du bon contenu en profondeur et je comprends que nous devons l'offrir de façon rapide et efficace, car nous vivons dans un monde compétitif. Mais il doit y avoir un juste milieu, et, à l'heure actuelle, j'ai l'impression, à la lumière de ce que nous avons vu jusqu'ici, que toute cette innovation et cette technologie grugent le pain quotidien des radiodiffuseurs classiques du pays.

M. Weigelt : Je ne saurais parler du nombre relatif de téléspectateurs pour chaque bulletin de nouvelles au pays. Si je regarde le contenu organisé dans les portails numériques, l'intention est d'offrir une sélection pour tous les goûts ou le plus de goûts possible. Il y aura des reportages sur lesquels personne ne cliquera jamais. Ils apparaissent, mais, malheureusement, selon l'heure de la journée ou l'auditoire particulier, il n'y aura peut-être aucun clic.

Or, un autre jour, les gens peuvent décider de cliquer sur un tel reportage. Alors, je crois que le fait d'offrir toute une gamme d'options relatives au contenu à différents auditoires vous permet de joindre les gens susceptibles de rester un certain moment et de consommer le contenu. Je crois que la technologie a vraiment donné au consommateur le choix de regarder ce qui l'intéresse le plus, alors c'est au fournisseur de contenu de lui transmettre l'information qu'il s'attend à recevoir.

Le président : Y a-t-il d'autres questions, chers collègues?

Merci, monsieur Weigelt.

Chers collègues, nos derniers témoins sont ici à titre personnel. Il s'agit de John P. Roman et de Kady MacDonald Denton.

Monsieur Roman.

John P. Roman, à titre personnel : Monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités.

Je suis ici d'abord à titre de personne qui a proposé l'activation de la disposition relative aux SPC de la Loi sur la radiodiffusion de 1991 devant le CRTC en septembre. J'ai fait cette proposition afin de fournir une solution à l'immense dilemme télévisuel auquel fait face le Canada anglais. Ensuite, je suis ici en tant qu'homme de 32 ans dont la perspective sur la radiodiffusion est possiblement différente de celle des générations précédentes.

Je travaille dans le milieu de la réglementation sur la radiodiffusion depuis quelques années maintenant, et j'ai remarqué que, pour l'essentiel, les différents intervenants ne cessent d'éluder les enjeux réels qui touchent le secteur canadien de la radiodiffusion. Peu d'entre eux se sont penchés sur la grande question fondamentale, à savoir comment le Canada pourrait créer un nouveau modèle de radiodiffusion contemporain qui connaîtrait du succès. C'est ce que j'ai essayé de faire, et j'ai constaté que la radiodiffusion publique nationale constituait le principal levier pour ce qui est des politiques de radiodiffusion.

Laissez-moi mettre une chose au clair : je suis anglophone. Lorsque je parle de la CBC et du contenu canadien, sauf si je mentionne spécifiquement Radio-Canada, je parle toujours des services anglophones et du contenu anglophone de la programmation de la société. À la dernière audience pour le renouvellement des licences de la société, l'un des hauts dirigeants de la CBC a décrit CBC-TV comme « un service commercial subventionné par l'État ». De toute évidence, la société se considère maintenant essentiellement comme un radiodiffuseur commercial. Son rôle comme service public a été gravement compromis.

La recherche désespérée de revenus publicitaires a brouillé les exigences en matière de radiodiffusion, ce qui a fait en sorte que la CBC a maintenant perdu de vue ses objectifs d'intérêt public. Cela est aggravé par le fait que sa programmation, de façon générale, attire une part d'auditoire lamentable.

Toutefois, le défi le plus important auquel font face à la fois la CBC et l'ensemble de l'industrie, ce sont les changements technologiques et l'accessibilité accrue à du nouveau contenu sur Internet. Les cotes d'écoute de la télévision générale sont en baisse dans l'ensemble, tout comme les revenus publicitaires. Parallèlement, du contenu international attrayant, ne provenant pas uniquement de l'Amérique, est devenu facilement accessible à n'importe quel moment de la journée.

Il n'y aura pas de seconde chance, et nous ne pourrons plus nous rattraper si nous n'agissons pas sans délai. Des éléments présentés au CRTC démontrent que le secteur canadien de la production sera bientôt acculé à la faillite par des sources internationales dont le contenu est diffusé sur nos téléviseurs, nos ordinateurs et nos tablettes par l'entremise de services de TPC sur lesquels la réglementation canadienne n'a aucun pouvoir.

La refonte de la Loi sur la radiodiffusion exigera des années de travail. Toutefois, la loi renferme un élément qui pourrait lui sauver la mise : l'alinéa 3r), la disposition sur les SPC, les services de programmation complémentaires. Elle pourrait être rapidement activée en tant que modèle public apte à fournir un environnement sûr permettant la poursuite de la production de contenu canadien qui serait distribué par l'entremise d'un service de transmission sur demande.

La disposition sur les SPC dans la loi de 1991 a été conçue expressément pour répondre aux besoins futurs de l'auditoire, ceux auxquels le radiodiffuseur public national ne peut pas répondre. Si on se fie à sa part d'auditoire, la CBC est, dans l'ensemble, incapable d'élaborer et de diffuser la programmation de divertissement que les Canadiens désirent.

Par conséquent, je propose deux choses : premièrement, que CBC-TV se joigne à CBC News Network et qu'elle se concentre sur ce qu'elle fait de mieux — informations, actualités et journalisme de terrain — tout en adoptant un modèle non commercial en ce qui concerne la diffusion d'informations internationales, nationales, régionales et locales.

Ensuite, afin de remplacer CBC-TV, je propose l'activation de la disposition sur les SPC afin de permettre la création d'un service non commercial de diffusion en continu dont le mandat serait de susciter l'engagement des Canadiens, de les stimuler et, aussi, de les divertir.

Il s'agirait d'un service de diffusion en continu offert exclusivement sur le Web auquel les Canadiens pourraient accéder au moment qui leur convient. Sa programmation serait entièrement financée, et non soutenue par des droits de licence pitoyables, afin que la production de contenu canadien de haute qualité soit financée de façon adéquate.

Sa programmation et sa bibliothèque de contenu en constante évolution appartiendraient aux Canadiens et demeureraient accessibles afin que les générations de Canadiens à venir puissent en profiter. L'ensemble du contenu serait offert dans les deux langues officielles et accessible aux personnes ayant une déficience visuelle ou auditive, et il serait facile de le sous-titrer afin que les groupes linguistiques minoritaires puissent aussi en profiter.

Cette solution réglerait le problème canadien et le problème de la CBC tout en veillant à assurer l'existence d'un secteur canadien de la production rentable pour les générations à venir.

Le président : Madame Denton?

Kady MacDonald Denton, à titre personnel : Sénateur Dawson, membres du Comité des transports et des communications du Sénat, merci de me donner l'occasion de prendre la parole.

Mon nom est Kady Denton, je vis actuellement à Peterborough, en Ontario. Je suis travailleuse autonome et je ne suis membre d'aucun parti politique. Je suis ici en tant que personne qui se soucie de l'avenir de la SRC et pour parler au nom du regroupement I love CBC — Peterborough.

Ce regroupement, I love CBC — Peterborough, s'est formé en réaction au commentaire qu'a fait notre député à la Chambre des communes; il était alors secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien. Il a lancé l'idée de fermer la SRC lorsqu'il a dit : « Peut-être est-il temps que nous nous retirions du domaine de la radiodiffusion. » C'était en novembre 2010. La réaction dans l'ensemble de la région de Peterborough a été immédiate et viscérale.

Six mille personnes ont écrit au premier ministre pour dire : « Monsieur Harper, veuillez m'assurer que votre gouvernement n'a pas l'intention de réduire le financement, de céder ou d'amoindrir de quelque façon que ce soit notre célèbre et respecté réseau national de radiodiffusion. » Le premier ministre n'a pas répondu, tout comme personne n'a répondu à notre pétition, qui a été signée par 4 000 personnes de plus. En tout, cela fait plus de 10 000 personnes qui se soucient toujours avec passion de la SRC.

Il y a eu d'autres protestations et d'autres pétitions dans la région en réaction aux coupes imposées à la SRC et au projet de loi C-60, le projet de loi de mise en œuvre du budget du gouvernement qui allait lui permettre d'intervenir dans les négociations collectives de la SRC. Il s'agit de questions urgentes, et l'étrange indifférence du gouvernement face au rôle unique de la SRC a suscité la colère des gens.

Pendant toutes ces années, nos lettres et nos pétitions sont restées lettres mortes, à une exception près. En effet, notre député nous a dit que le financement de la SRC serait maintenu ou augmenté. Il en a fait la promesse. Mais nous savons maintenant que ce n'est pas ce qui est arrivé.

En 2015, nous ferons de la SRC un enjeu électoral dans la circonscription de Peterborough. C'est ce que nous ferons. Je suis certaine que l'avenir de la SRC sera un enjeu électoral dans plusieurs régions du Canada, étant donné la situation de crise. Selon tous les sondages que nous avons consultés, la SRC jouit d'une immense popularité dans l'ensemble du Canada. Malgré toutes les discussions à l'égard de la popularité et des chiffres, on oublie quelque chose. La radio, le iPod et la télévision sont purement personnels — une série de photos, un téléspectateur, une voix, un auditeur, un électeur. Il existe un lien d'engagement entre le diffuseur et la personne. Nous cliquons, nous choisissons le média. La propagande et la publicité sont des messages directs qui nous sont envoyés sans que nous les choisissions. Il y a une différence. Nous la connaissons. Je crois que cette distinction aide à comprendre le profond sentiment de loyauté des Canadiens à l'égard de la SRC.

Puisqu'elle est une société publique qui nous appartient à tous, les citoyens canadiens, la SRC suscite une confiance très particulière. Nous ne pouvons pas imaginer le Canada sans la SRC. Les préoccupations d'un radiodiffuseur privé se limitent aux profits. La SRC a un mandat différent. Il s'agit de notre espace public dans les médias, comme un espace vert public dans une ville parsemée de stades et de complexes sportifs appartenant au secteur privé. Il s'agit d'un espace collectif qu'aucun autre média ne peut nous offrir. Vous le savez, et c'est comme ça que les Canadiens se sentent.

Le groupe de personnes de Peterborough dont je vous ai parlé a une demande à faire. La voici : laissez la SRC continuer à remplir son mandat de servir et d'informer le pays. Laissez-la être audacieuse et brave, divertissante et informative. Augmentez son financement à un niveau comparable à celui dont profitent les réseaux publics de radiodiffusion des autres pays démocratiques.

Le comité se penche sur les défis que doit relever la SRC au chapitre de l'évolution du milieu de la radiodiffusion. Certains de ces défis sont techniques, mais le Canada fait aussi face à des défis sociaux. C'est exactement pourquoi la SRC est si importante.

J'encourage votre comité à entendre davantage de téléspectateurs, d'auditeurs et d'électeurs. Je suis certaine que vous constaterez une forte approbation. Nous sommes dispersés dans l'ensemble du Canada — dans les territoires de piégeage, dans les métros, travaillant seuls dans des studios ou des centres d'étude, dans des tracteurs, des bateaux, des condos, des bungalows — c'est la SRC, et notre affection pour elle, qui nous rassemblent.

Merci.

Le président : Merci, madame Denton.

Pour l'instant, j'ai le sénateur Plett et le sénateur Munson sur la liste.

Le sénateur Plett : Monsieur Roman, j'ai quelques questions pour vous, et ensuite pour Mme Denton. Vous avez parlé des revenus publicitaires. Nous en avons certainement beaucoup entendu parler, et nous avons entendu beaucoup de différentes explications. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous pensez que les revenus publicitaires sont en baisse.

M. Roman : La baisse des revenus publicitaires de la radiodiffusion s'explique, en grande partie, de deux manières. Premièrement, l'auditoire se déplace, mais l'écoute globale est en hausse, ce qui représente une étrange dichotomie. Ensuite, il y a l'existence des enregistreurs personnels de vidéo.

Actuellement, les gens qui n'ont théoriquement jamais eu le câble ont tendance à revenir au câble lorsqu'ils vieillissent, s'établissent et ont une famille. Mais avant d'en arriver à ce stade, leur inscription à Netflix et leurs habitudes de visionnement en ligne leur ont appris à ne pas apprécier quelque publicité que ce soit. Ils ont passé une ou deux décennies sans y être exposés. Donc, à ce stade, pourquoi se diraient-ils soudainement : « Ça me semble être une bonne option, même si je pourrais avoir un enregistreur personnel de vidéo de Rogers ou de Bell pour ensuite ne pas avoir à regarder les publicités sur les chaînes de Rogers ou de Bell. » C'est un peu deux poids, deux mesures.

Donc, pour revenir à la baisse des revenus publicitaires, les annonceurs vont devoir chercher d'autres manières d'obtenir des revenus, et ils peuvent le faire, mais cela crée une situation problématique pour le secteur de la radiodiffusion et de la production canadienne : d'où proviendra cet argent à l'avenir?

Le sénateur Plett : Assurément, je suis d'accord avec vous, et c'est la réponse que nous avons entendue encore et encore : les enregistreurs personnels de vidéo et les Netflix de ce monde sont en train de prendre le pouvoir, et nous pouvons regarder du contenu en continu, sur notre iPad par exemple ou faire ce que nous voulons sans avoir à regarder de publicités. Je pense que la situation va perdurer et s'aggraver.

Vous parliez des SPC, des services de programmation complémentaires. N'en avons-nous pas un grand nombre? Netflix et toutes les chaînes spécialisées ne sont-ils pas des services de programmation complémentaires?

M. Roman : En 1995, il y a eu une commission gouvernementale dirigée par un certain Peter Grant, que vous recevrez d'ailleurs demain matin, je crois. Il a dirigé la commission pour se poser la question suivante : « Avons-nous besoin des SPC, et, si tel est le cas, sous quelle forme? » Le secteur privé pourrait-il remplir le mandat théorique des SPC?

À cette époque, on a décidé de permettre les chaînes spécialisées. Elles devaient répondre à tous les besoins des Canadiens. À ce moment-là, c'était adapté à nos besoins. Toutefois, dans le processus, Bell, Rogers et tous les autres ont regroupé les services, et les Canadiens ont payé pour des chaînes qu'ils ne voulaient pas. Parallèlement, ils ont remarqué un déclin dans la qualité du contenu présenté par les différentes chaînes spécialisées.

Pour ce qui est de la question de savoir si Netflix est un service de programmation complémentaire, le mandat des SPC est décrit de façon précise dans la Loi sur la radiodiffusion. Je vais vous en épargner la lecture, mais il s'agit essentiellement d'aider le diffuseur public national à faire le travail qu'il n'est pas capable de faire actuellement pour répondre aux besoins des citoyens canadiens.

Pour revenir à la question de savoir si les entreprises privées peuvent faire ce que font les SPC, la disposition sur les SPC a été conçue et ajoutée à la loi précisément pour aider la SRC à remplir son mandat et à répondre aux besoins des Canadiens. Il s'agit d'un service public, par opposition à un service privé. Donc, par exemple, les entreprises privées cherchent principalement, comme l'a dit Mme Denton, à réaliser des profits, et cela est tout à fait normal. C'est ce qu'elles sont censées faire, et elles produisent du contenu de haute qualité qui attire les Canadiens dans une certaine mesure, mais un radiodiffuseur public a un autre mandat.

Selon cette description du rôle, je crois que les SPC pourraient remplir ce mandat à l'aide d'une nouvelle plate-forme mieux que ne pourrait le faire la SRC.

Le sénateur Plett : Merci.

Madame Denton, je sais qu'en tant que contribuable vous devez vivre selon vos moyens, et je sais que vous voulez que nos gouvernements fassent de même.

Les coupes qu'a subies à la SRC étaient principalement des coupes qui ont été imposées à toutes les sociétés d'État afin de tenter d'équilibrer les budgets, et non pour s'en prendre spécifiquement à la SRC. Les cotes d'écoute de la SRC — comme l'a dit le sénateur Housakos à plusieurs reprises, et je suis sûr qu'il le répétera — ont démontré que la population est assez indifférente. Même The National a les plus basses cotes d'écoute parmi les trois principaux radiodiffuseurs.

Je regarde The National. Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi ils ont les plus basses cotes d'écoute, puisque je préfère The National aux bulletins de nouvelles des autres chaînes. Néanmoins, c'est la réalité, et il faut parfois tenir compte des cotes d'écoute.

Je ne sais pas d'où vous vient l'idée — et peut-être que ce n'est pas le cas; peut-être que j'ai mal interprété votre présentation, et, si c'est le cas, je m'en excuse — que le gouvernement actuel ou précédent avait l'intention d'avoir la peau de la SRC. Je crois que les gouvernements ont été d'un grand soutien pour la SRC, mais, comme je l'ai dit plusieurs fois, les gouvernements n'ont pas les moyens. Nous gérons l'argent de nos impôts à tous, et nous devons le faire d'une façon responsable.

Je suis sensible à la pétition, au fait que vous vouliez en faire un enjeu électoral. Je vous souhaite bonne chance. Je ne crois pas que ce sera un enjeu électoral. Je ne crois pas que les gens vont voter en fonction de ce qui risque d'arriver à la SRC. Je crois qu'il y aura des enjeux beaucoup plus urgents au moment des prochaines élections.

Ma question est la suivante : pourquoi croyez-vous que certains gouvernements, le nôtre ou celui de nos prédécesseurs, avaient l'intention de donner le coup de grâce à la SRC, pour ainsi dire?

Mme Denton : Pourquoi? Eh bien, des coupes importantes ont récemment été imposées à la SRC. Il y a eu un intérêt pour — certainement par l'entremise du projet de loi C-60 — les affaires internes de la SRC.

Nous avons la SRC. Elle est remarquable. Elle est connue partout dans le monde. Il s'agit d'un trésor du Canada. Il s'agit du visage que le Canada présente au monde. C'est grâce à elle que le monde connaît le Canada. Les gens vont consulter la SRC — on retrouve de tout dans les archives — à l'aide de leur iPod. N'importe qui dans le monde entier peut s'informer sur ce qui se passe à Vancouver ou à Halifax, tout comme je pourrais, si je le voulais, m'informer sur ce qui se passe en Nouvelle-Orléans.

Le monde s'intéresse au Canada pour plusieurs raisons, et c'est vers la SRC qu'il se tourne. La SRC a la capacité d'être tellement plus. Elle peut être utilisée. Elle peut vendre le Canada à l'international. Où est le financement supplémentaire nécessaire pour la laisser tournoyer, grandir, se pavaner, nous montrer son plein potentiel? Plein de choses peuvent être faites, même avec peu de moyens.

Les iPods sont abordables et faciles d'utilisation, et ils sont extrêmement populaires. Je suis parfaitement d'accord. Il n'est pas nécessaire d'avoir des budgets importants pour avoir des résultats intéressants. Néanmoins, avec un peu d'argent, il est possible de commencer à bouger et à faire des choses. La SRC est au service du Canada, de la culture canadienne, des arts et des sciences de notre pays. C'est ce que nous sommes. Vous pouvez le couper ou le trancher. Vous pouvez commencer d'autres choses. Vous pouvez parler des entreprises privées, mais il n'y a qu'une seule SRC, connue et reconnue à l'international.

Le sénateur Plett : Vous laissez entendre que l'objectif de la SRC est de vendre le Canada au reste du monde.

Mme Denton : Elle présente le Canada au reste du monde.

Le sénateur Plett : Ça n'a jamais été le mandat de la SRC.

Mme Denton : C'est ce qui arrive actuellement avec les changements technologiques.

Le sénateur Plett : Non, non. Le mandat de la SRC n'a jamais été d'être un radiodiffuseur international.

Mme Denton : Mais c'est ce qui arrive, puisque des gens de partout dans le monde sont à l'écoute.

Le sénateur Plett : Mais ce n'est pas son mandat. Son mandat est d'être un radiodiffuseur national, pas un radiodiffuseur international.

Le sénateur Eggleton : À une époque, il y avait Radio-Canada International.

Mme Denton : En effet, il s'agit de notre radiodiffuseur public national. Vous avez parfaitement raison, sénateur Plett. C'est son mandat, oui.

Le sénateur Plett : D'être un radiodiffuseur public national et de vendre du contenu canadien aux Canadiens.

Mme Denton : Oui, pour nous expliquer les uns aux autres, afin que la conversation soit une conversation nationale, afin que nous en fassions tous partie. Mais il y a des personnes qui écoutent aux portes; c'est ce que je veux dire.

Le sénateur Plett : Nous sommes un seul pays, d'un océan à l'autre. Que me répondez-vous si je vous dis que 2 p. 100 des Albertains regardent CBC?

Le sénateur Munson : Ils sont mal informés.

Le sénateur Plett : Je pense que la question était destinée aux témoins, et non à un autre radiodiffuseur.

Le président : Le président va devoir sortir son marteau.

Le sénateur Munson : Désolé, mes excuses.

Le sénateur Plett : Je crois que l'Alberta fait partie du Canada.

Mme Denton : Très certainement.

Le sénateur Plett : Ils n'ont pas envie de regarder la CBC.

Mme Denton : Ayant vécu ici et au Manitoba, j'ai un profond attachement pour l'Ouest canadien.

Il n'y a pas que la télévision, même s'il y a plusieurs choses que la SRC fait de façon brillante en télévision et qu'une bonne partie de ces choses ne peuvent être copiées. La radio et l'Internet, voilà où les gens passent l'essentiel de leur temps chaque jour, sur leur téléphone intelligent; ils s'informent ainsi dès leur réveil, et y reviennent constamment durant toute la journée. Est-ce que les cotes d'écoute dont vous parlez, avec les 2 p. 100, tiennent compte de cela? Je n'en suis pas certaine.

Le sénateur Plett : Une dernière question, monsieur le président — et ce n'est pas mon rôle, madame, de débattre avec vous; ce n'est pas du tout ce que je désire faire.

Mme Denton : Il s'agit d'une conversation.

Le sénateur Plett : Vous avez parlé de vos pétitions, donc, le gouvernement est censé tenir compte de la pétition, et c'est juste. Nous le devrions. Si vous nous présentez une pétition signée par 4 ou 10 000 personnes, le gouvernement devrait en tenir compte.

Mais si nous avons 33 millions de personnes au Canada et que seulement 5 millions d'entre elles désirent regarder la CBC, devrions-nous en tenir compte? Cela ne devrait-il pas être un facteur décisif pour l'avenir de la société? Vous pouvez simplement répondre par oui ou par non. Vous dites que nous devrions tenir compte du fait que 4 000 personnes veulent quelque chose. Devrions-nous en tenir compte lorsque 2 millions d'Albertains disent : « Nous n'en voulons pas »?

Je ne viens pas de l'Alberta. Je viens du Manitoba. Les cotes d'écoute au Manitoba sont plus élevées, mais plus nous allons vers l'ouest du Canada, plus les cotes d'écoute chutent, je crois, et nous devons en tenir compte.

Mme Denton : Oui. En parlant du regroupement I love CBC-Peterborough, je voulais dire que ce regroupement n'est pas unique en son genre puisqu'il existe une loyauté intense envers la SRC dans l'ensemble du Canada, et je crois que ce sera en effet un enjeu électoral dans bien des régions.

Vos responsabilités à ce chapitre sont vastes et sérieuses, et la technologie évolue. Je n'ai aucun doute que les personnes qui travaillent à la SRC sont assez talentueuses, intelligentes et futées...

Le sénateur Plett : Sans aucun doute.

Mme Denton : ... pour persévérer et continuer de faire ce qu'elles font le mieux pour les Canadiens, et si elles ne regardent pas et n'écoutent pas en ce moment, alors elles peuvent le faire encore plus avec du soutien.

Le sénateur Munson : Je ne vois pas les radiodiffuseurs privés commencer à offrir leurs services dans le nord du pays pour faire de l'argent. Peut-être que, en partie, l'important, c'est non pas les nombres suffisants pour survivre, mais le rôle de la SRC consistant à relier les Canadiens, un peu comme une autoroute de la radiodiffusion.

Je pense que cela est extrêmement important, parce que même si les cotes d'écoute chutent en Alberta, je ne comprends pas pourquoi, dans le Canada atlantique, l'animateur de l'émission du matin à CBC Radio est la personne la plus écoutée de toute la Nouvelle-Écosse. Il relie la Nouvelle-Écosse. La SRC relie la Nouvelle-Écosse, et je trouve cela très important. Je n'ai rien contre la radiodiffusion privée. J'y ai travaillé pendant 30 ans, mais je suis un grand défenseur de la SRC.

Pensez-vous qu'il devrait y avoir un autre modèle ou qu'il pourrait y avoir un autre modèle? Par exemple, au Royaume-Uni, la population entretient toujours une histoire d'amour avec la BBC. J'ai vécu là-bas, et il fallait payer un petit montant d'argent pour avoir une licence. Je ne me rappelle plus combien cela coûtait dans les années 1980, mais ce modèle existe. Il y a le modèle que nous voyons à PBS, où plusieurs émissions sont présentées par des organisations philanthropiques, et c'est de la télévision de très haute qualité. À la radio, c'est la même chose.

Croyez-vous qu'à notre époque, et c'est l'argument présenté par bien des gens, qu'il existe tout simplement trop d'autres plates-formes qui offrent au public de payer pour visionner d'anciens films et ainsi de suite, que la SRC a un créneau particulier dans lequel concentrer ses activités, et qu'elle ne devrait pas tenter de tout présenter pour plaire à tout le monde?

Mme Denton : Le secteur dans lequel la SRC réussit très bien actuellement est son site web. Il est très bien géré et plaît à toute une diversité de personnes provenant de différentes régions du Canada. Les gens peuvent le consulter à tout moment. On y trouve les derniers épisodes des émissions, les émissions actuelles, des émissions spéciales, de la musique diffusée en continu, et la plupart des gens utilisent des logiciels d'enregistrement des fichiers balados et ont l'horaire sur leur iPod.

Une suggestion serait de rendre disponibles plus d'archives de la SRC, mais c'est tout un monde. C'est comme entrer au Musée des beaux-arts du Canada. Il serait possible d'aménager plus d'espaces, et ce ne serait pas très cher. À la BBC, en effet, ils ont fait certaines choses très chouettes. Dernièrement, ils lisent Moby Dick, un chapitre chaque matin. Nous avons de fabuleux acteurs canadiens avec de magnifiques voix. Nous pourrions faire la lecture — les gens pourraient écouter au moment qui leur convient.

Le mandat de la SRC est propre au Canada. Il s'agit d'une réponse individuelle. Il y a plus de personnes qui travaillent seules et qui vivent seules au Canada que l'on pourrait s'y attendre, et elles veulent être informées au moment qui leur convient.

Ils ont un ami fiable et digne de confiance. Il a mérité ce titre. Ces gens, pour être informés et pour connaître l'actualité, se tournent vers la SRC. Nous devons en tenir compte.

Aviez-vous posé une question, sénateur Munson? J'ai perdu le fil.

Le sénateur Munson : Je demandais quels autres modèles pourraient servir notre pays d'une façon différente, parce que la SRC veut tout présenter pour tout le monde... et la question concernait la licence et le modèle de PBS, ce genre de choses, aucune publicité, et financé en partie par le gouvernement fédéral.

Mme Denton : Oui.

Le sénateur Munson : Cela ne semble pas être un problème au Royaume-Uni.

Mme Denton : Non. Ces noms qui apparaissent sur la chaîne américaine PBS, ce sont de bonnes personnes. Je n'ai rien à ajouter à ce sujet. Nous regardons une quantité appréciable du contenu télévisuel de la SRC, mais la force de la SRC en ce moment est sans contredit la radio.

Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Roman?

M. Roman : Oui, effectivement.

Le sénateur Munson : Je vais poser la question pendant que vous pensez à la réponse, puisque j'aurai ensuite terminé. La diffusion en continu, la diffusion en ligne, qui paie pour cela? Je n'arrive pas à comprendre. Vous venez de parler de l'actualité, des nouvelles, et ainsi de suite. Il faut bien que quelqu'un paie ces personnes.

M. Roman : Oui. Pour ce qui est de votre première question sur les modèles et tout le reste, j'ai vécu au Royaume-Uni il y a quelques années, pendant mes études de droit. À cette époque, les frais de licence annuels de la BBC étaient de 120 £, je crois, et maintenant, ils sont passés à 145 £.

Le sénateur Munson : Ils étaient de 40 £ dans les années 1980.

M. Roman : L'inflation change la donne. De toute évidence, le modèle de financement de PBS est très différent.

En ce qui concerne la CBC, elle est la principale source de financement des émissions canadiennes. Ses investissements à ce chapitre se chiffrent à 701 millions de dollars, alors que ceux de toutes les sociétés privées totalisent 600 millions de dollars, selon les chiffres du CRTC. Donc, à cet égard, c'est de l'argent bien dépensé.

Ses parts d'auditoire soulèvent peut-être deux ou trois questions quant à sa situation, mais elle investit encore dans du contenu canadien, et ce, plus que toute autre organisation.

En ce qui touche tout particulièrement le modèle de financement, le modèle canadien en matière de radiodiffusion est unique au monde. Je ne considère pas cela comme un avantage. La plupart des chaînes paient des frais de licence d'environ 20 p. 100 pour leur contenu, et les producteurs de contenu se tournent ensuite vers les fonds médiatiques pour atteindre la barre des 50 à 70 p. 100, après quoi ils trouvent d'autres sources de financement — allant parfois jusqu'à hypothéquer leur maison et faisant tout ce qu'ils peuvent afin que leur contenu soit produit — et se croisent les doigts pour récupérer leur investissement non pas grâce à la vente initiale à la CBC ou à un autre diffuseur, mais grâce aux ventes internationales et à la souscription.

Soyons réalistes : ce modèle ne fonctionnera pas à l'ère d'Internet parce que, tout simplement, il suppose que tout le monde produise des émissions bon marché, car nous sommes à 70 p. 100 ou à 80 p. 100 et nous devons ensuite trouver les 20 p. 100 manquants pour notre programmation.

Ce faisant, nous sommes en concurrence avec des émissions comme celles de Netflix — qui sont financées à 100 p. 100 —, ou celles de la BBC, qui finance entièrement son contenu, comme l'émission Sherlock. Si nous travaillons continuellement avec un budget de 10, 20, 30 p. 100 de moins que ce dont nous avons besoin pour nos émissions, elles n'auront pas la qualité souhaitée à l'échelle internationale ou même nationale, car les meilleures au monde viennent à nous en ligne. C'est ainsi. Nous devons nous y préparer.

Nous devrions donc peut-être revoir le modèle de financement global de l'industrie. Un des modèles qui pourraient fonctionner consisterait à augmenter le financement de la CBC — ou de la CBC et des services de programmation complémentaires —, de sorte que les diffuseurs privés n'auraient pas à produire du contenu canadien. Ils pourraient le faire s'ils le souhaitaient, mais ce ne serait pas une obligation pour eux. Les diffuseurs publics auraient pour mandat de produire uniquement du contenu canadien. C'est une possibilité. Je ne dis pas que c'est une obligation. Il y a un certain nombre de façons de faire cela.

Concernant la façon de payer pour les SPC, il existe quelques modèles. Je crois en avoir proposé trois au CRTC. Le premier, c'était — et cette idée sera la moins populaire qu'on ait jamais proposée, mais elle doit tout de même être envisagée — d'appliquer une taxe sur Internet et les téléphones cellulaires, car c'est ainsi qu'Internet est utilisé. Donc, les gens qui utiliseront ces services le feront en ligne, et comme ils auront accès au contenu, on appliquera une taxe directe. Bien entendu, je reconnais que taxes ne sont jamais très populaires.

Le plan B consisterait à réduire les exigences en matière de contenu canadien, lequel, aux dires de tous les diffuseurs privés, n'est pas rentable pour eux. Ils affirment tous que cela leur fait perdre de l'argent, et ils l'ont d'ailleurs déclaré au CRTC et aux audiences de Parlons télé. Ils ont dit : « Nous ne voulons pas présenter du contenu local. Nous ne voulons pas présenter du contenu canadien, ou, en tout cas, le moins possible, car ce n'est pas rentable pour nous. »

Alors, on pourrait leur demander d'augmenter leur contribution au Fonds des médias du Canada et, en contrepartie, cesser de les obliger à présenter du contenu canadien, et donner directement ce mandat au radiodiffuseur public, qui serait seulement axé sur du contenu canadien de haute qualité.

Voici la dernière solution, bien que ce soit celle qui me plaît le moins : puisque la CBC a affirmé qu'elle était un radiodiffuseur commercial, rendons-la plus commerciale et affectons une partie des fonds à la création d'un nouveau radiodiffuseur. L'investissement initial ne serait pas très élevé. Cela pourrait coûter... Selon mon estimation, le coût se chiffrerait à environ 600 millions de dollars par année, un montant non négligeable, mais on pourrait le créer à un coût bien moindre avant de réellement appliquer les exigences en matière de contenu, c'est-à-dire 50 ou 100 millions de dollars par année. On pourrait trouver l'argent en réaffectant des fonds.

J'espère que cela répond à vos questions.

Le sénateur Eggleton : Je suis de ceux qui croient que les taxes sont en fait une bonne chose. Elles permettent de dispenser des services. Elles fournissent un apport à la civilisation.

Quoi qu'il en soit, vos idées sont intéressantes. La première idée que vous avez mentionnée, monsieur Roman, c'était que la programmation en matière de nouvelles et d'affaires publiques devrait, grosso modo, conserver sa forme actuelle à la Newsworld. Pour le reste, il faudrait mettre en place une certaine forme de SPC, un service de programmation complémentaire. Est-ce que cela transformera la CBC en une sorte de Netflix? Est-ce qu'elle fournira un service similaire, outre le fait que le contenu qu'elle présentera sera canadien?

M. Roman : Je pense que vous n'avez peut-être pas tout à fait compris ce que j'ai dit. Je n'en suis pas certain. Je propose effectivement que la CBC se concentre uniquement sur les nouvelles, les actualités, et cetera, comme je l'ai dit, mais que le SPC devienne l'équivalent de Netflix. Est-ce ce que vous dites?

Le sénateur Eggleton : Oui. Est-ce à peu près cela, le modèle?

M. Roman : J'aimerais pouvoir dire que c'est une idée tout à fait originale — et, dans une certaine mesure, elle est le fruit de ma propre réflexion —, mais j'ai découvert après coup qu'elle est en quelque sorte la combinaison de BBC 3 et BBC 4. C'est après avoir proposé mon idée au CRTC que je l'ai constaté.

BBC 3 deviendra un service offert exclusivement en ligne, et le mandat de BBC 4 est d'être une chaîne intéressante qui encourage la réflexion. Sans le savoir, j'ai proposé de faire exactement ce que font la moitié des chaînes de la BBC. La CBC a assurément besoin d'un bon financement, et elle doit recommencer à se concentrer sur les nouvelles. Elle a d'ailleurs affirmé, lors des audiences de Parlons télé, qu'elle ne serait pas très disposée à présenter des nouvelles et du contenu locaux si elle recevait plus de financement.

Alors, selon moi, il faut maintenir le niveau de financement actuel de la CBC pour qu'elle le réinvestisse dans les nouvelles locales et régionales et, en même temps, lui consentir plus de fonds pour qu'elle présente du contenu canadien en ligne.

Le sénateur Eggleton : Du contenu culturel?

M. Roman : Oui.

Le sénateur Eggleton : On vous a demandé pourquoi les cotes d'écoute ne sont pas à la hauteur de l'enthousiasme suscité par vos projets à Peterborough. Certes, à cet égard, je dirais que ce n'est pas seulement une question de cotes d'écoute. Il ne s'agit pas seulement de diffuser le genre d'émissions le plus populaire. Nous sommes en concurrence avec les émissions de l'industrie américaine du divertissement, mais l'important, en fait, c'est de permettre aux Canadiens de se raconter mutuellement leurs histoires et de toucher les groupes démographiques de partout au pays, ce qui n'est pas toujours une question de cotes d'écoute. De fait, il y a une grande partie de la population qui en bénéficierait.

Je crois qu'il faudrait également revenir sur un autre aspect que vous avez abordé : la radio. La chaîne la plus populaire à Toronto le matin, c'est CBC Radio, ce qui prouve la faisabilité de la chose. La radio est la preuve que les émissions du radiodiffuseur public peuvent aussi connaître beaucoup de succès. Mais, sur le plan de la télévision, voyez-vous des changements qui pourraient contribuer à rehausser la popularité de certaines émissions, bien que ce ne soit pas la seule chose dont nous devons tenir compte?

Mme Denton : Oui. À mon avis, il ne faut pas avoir peur de se mouiller. Il faut être audacieux. Voilà ce qui séduit. C'est ce qui manque à la SRC. Les gens ne sortent pas des sentiers battus. Les émissions les plus populaires sont celles qui vont plus loin, qui sont provocantes, pas seulement satisfaisantes. Le radiodiffuseur public a tout le loisir de suivre cette voie. Il peut s'aventurer sur ce territoire. C'est mon conseil.

Je suis un peu déroutée par la discussion sur les cotes d'écoute. S'agit-il de celles de la télévision?

Le sénateur Eggleton : Je pense que nous parlons surtout de cela, oui.

Mme Denton : Eh bien, la plupart des gens ont des téléphones intelligents. C'est une tout autre histoire. Ils téléchargent les émissions qu'ils veulent ou les regardent en diffusion continue. Elles peuvent être commanditées, aussi, alors il y a un potentiel de revenus qui pourrait être examiné. Il faut du contenu audacieux, courageux et axé sur l'investigation.

Le sénateur Eggleton : Bonne chance dans vos projets d'en faire un enjeu électoral. Le sénateur Plett a parlé du fait qu'il y a eu des compressions, certes, mais il y en a eu aussi sous le gouvernement précédent. C'est la pure vérité. Je pense que nous sommes arrivés à un stade où les problèmes accumulés mettent vraiment en péril la survie de la SRC. Elle doit vivre selon ses moyens, c'est vrai, mais le fait est qu'on l'a beaucoup trop affamée.

Le président : C'était une attaque préventive, cher collègue.

La sénatrice Unger : Mesdames et messieurs, merci de nous faire part de vos opinions très intéressantes. Je viens de l'Alberta et je ne connais pas le pourcentage...

Le sénateur Plett : Êtes-vous dans le 2 p. 100?

La sénatrice Unger : Mais je ne regarde presque jamais les émissions de la CBC. Cela dit, j'écoute la programmation de musique classique et l'émission Saturday at the Opera.

Madame Denton, vous avez parlé de sondages. Vous en avez vu beaucoup qui étaient très favorables à la SRC. Pourriez-vous me dire lesquels?

Mme Denton : Pourrais-je avoir votre carte et vous fournir l'information plus tard?

Le sénateur Plett : Fournissez-la au greffier.

Mme Denton : J'en serais ravie. C'était intéressant de savoir quelles émissions intéressent les gens. J'aime aussi Saturday Afternoon at the Opera. Nous devrions avoir la liberté de choisir. Nous n'avons pas le devoir de regarder toutes les émissions présentées par la SRC. Cette grande variété est un des atouts de notre radiodiffuseur public national.

La sénatrice Unger : Je suis d'accord avec vous; par contre, il faut se rappeler qu'il y a un nombre limité de contribuables et qu'ils sont accablés et peinent à joindre les deux bouts par les temps qui courent. Je suis d'accord avec mon collègue, le sénateur Plett. À mon avis, quand les élections approcheront, il y aura des enjeux bien plus urgents.

Je vois que la CBC vous tient à cœur. Tant mieux pour vous et pour les résidants de Peterborough. Il y a aussi des endroits en Alberta où les gens ont le radiodiffuseur public à cœur. Merci pour vos commentaires.

Mme Denton : Merci, madame la sénatrice.

Le sénateur Housakos : Merci à vous deux de comparaître ici et de participer à ce dialogue.

Tout d'abord, je veux parler de l'importance des taxes, que mon honorable ami et collègue de l'autre côté de la salle associe à la civilisation. Je peux vous dire que ce sont les Grecs antiques qui ont inventé la civilisation, mais que ce sont les Romains antiques qui ont inventé les taxes. Il n'y a pas vraiment d'association à faire entre ces deux éléments.

Quoi qu'il en soit, je pense que le radiodiffuseur public a un problème fondamental d'image de marque dans ce pays. Je suis d'accord avec vous, madame Denton : il a procuré d'agréables souvenirs à des Canadiens de tous âges. Pour ma part, mon souvenir d'enfance le plus cher en ce qui a trait à la CBC, c'était de regarder Hockey Night in Canada. Presque tous les samedis soir, je m'asseyais devant le téléviseur avec mes parents, et nous regardions en famille le match de hockey au complet. Depuis quelques années, j'ai repris cette tradition avec mes enfants. Ce sont tous deux de jeunes joueurs de hockey.

CBC International, Radio-Canada International, cela fait partie du patrimoine de la SRC. Vous avez raison de dire qu'elle faisait connaître les nouvelles du Canada au monde entier, aux Canadiens à l'étranger.

Il y a un an, le radiodiffuseur public a été touché par des compressions, et, encore une fois, au lieu de les appliquer à plusieurs services ou de prendre la décision stratégique de ne pas sabrer dans ses services les plus importants, il a décidé de couper brutalement 80 p. 100 des fonds de Radio-Canada International.

Nous avons organisé des audiences spéciales et invité des représentants de la SRC à venir s'expliquer à ce sujet. Bien entendu, lors de leur comparution, ils ont déclaré que Radio-Canada International était devenu plus efficient qu'avant. Ils étaient passés à l'ère numérique. Même si on a amputé son budget et son effectif de 80 p. 100, il a accru son rayonnement et son efficience. Tout cela est le fruit d'une décision imposée — selon ce qu'ils ont dit — par le gouvernement. Il est donc permis de croire que rien ne l'empêche d'accroître son efficience quand cela s'impose.

Mais revenons à Hockey Night in Canada. Récemment, la CBC a perdu son émission phare. C'est elle qui soudait le pays du nord au sud et d'est en ouest. Cela va vraiment à l'encontre de sa raison d'être, s'il s'agit bien — comme vous l'avez dit vous-même — d'unir les Canadiens et de leur dire qui nous sommes et ce que nous sommes.

Je suis donc sensible à vos deux arguments, et ils sont tous deux valables et convaincants. Mais ce que j'aimerais savoir — et ce que le comité aimerait savoir —, c'est si, à votre avis, nous avons besoin de la SRC. Je pense que nous avons tendance à croire qu'il faut avoir un radiodiffuseur public. Je pense que nous sommes tous d'accord — les libéraux comme les conservateurs — et que c'est l'évidence même. L'ampleur de leurs compressions ou des nôtres n'a pas d'importance. Le gouvernement a beau changer, les partis au pouvoir comprennent que la capacité de payer des contribuables a des limites.

La question cruciale — et celle que je veux voir inscrite dans le compte rendu —, est la suivante : quel modèle nous recommandez-vous d'adopter afin que la SRC dispense un certain service de radiodiffusion officiel dans l'avenir? Par exemple, est-ce un modèle financé par des dons auxquels on ajouterait un certain montant en guise de contrepartie?

Avons-nous un modèle d'utilisateur-payeur selon lequel il faudrait s'abonner pour regarder les chaînes de la SRC? Avons-nous un modèle comme celui de la BBC, par exemple, qui permettrait au radiodiffuseur public de recueillir des dons de grandes sociétés ainsi que d'autres types de dons provenant de fondations et de groupes de réflexion? Il doit y avoir une évolution, et il faut trouver une nouvelle formule si on veut assurer l'avenir de la SRC. Cette discussion au sujet de sa survie n'a rien à voir avec les prochaines élections. C'est une question d'ordre économique.

Je vous le dis : si le modèle ne change pas — et nous en avons discuté publiquement en tant que comité ainsi qu'entre nous —, la SRC ne survivra pas. Alors, pourriez-vous nous faire part de vos suggestions ou de vos propositions en ce qui a trait au modèle qui vous semble idéal?

Mme Denton : Je pense qu'il est important de renforcer la diffusion numérique et la diffusion Web. Cela n'entraînerait pas de grandes dépenses et permettrait de rendre du contenu accessible en tout temps, en plus d'offrir énormément de souplesse.

Voici mon opinion en tant que simple citoyenne. Si la CBC pense qu'elle doit trouver des commanditaires et afficher son nom sur des bandes de patinoire comme Coke ou d'autres entreprises, qu'elle le fasse. C'est le contenu qu'elle diffusera ensuite qui captera l'attention des gens. Voilà ce que j'avais à dire.

Il y a un danger à parler de la SRC de façon sentimentale et nostalgique. Le radiodiffuseur public demeure un outil puissant et il peut continuer à l'être. Nous n'avons pas à le rejeter comme si c'était des os de dinosaure. Il y a moyen de s'assurer qu'il remplisse pleinement et dynamiquement son mandat. Je vous remercie.

M. Roman : Je pense que mon opinion est peut-être un peu différente de la vôtre. À mon avis, généralement, il ne sert à rien d'affecter aveuglément des fonds à quelque chose qui pose problème sans régler le problème lui-même. Alors, on a beau dire que le financement est le seul problème qui touche la CBC, cela ne changera rien au fait que, par exemple, ses parts d'audience ne sont pas très élevées dans certains créneaux.

Qu'il doive être exceptionnellement élevé ou non, le financement est problématique. Mais essayer seulement de s'attaquer au problème à coup de millions n'est pas la solution. Certaines personnes de l'industrie à qui j'ai parlé m'ont dit ceci : « Je serais étonné que la CBC conserve sa forme actuelle pendant encore cinq ans. » Alors, ce que nous devons déterminer, ce n'est pas seulement ce que la CBC doit faire pour survivre, mais aussi le rôle que doit avoir le radiodiffuseur public en ce nouveau siècle et la hauteur du financement nécessaire.

Un certain nombre de modèles de financement s'offrent à nous, mais si nous avons déjà commencé — permettez-moi l'expression — à déboucher la bouteille, aussi bien tout examiner comme il faut. J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie tous les deux de comparaître.

Je veux juste revenir sur une anecdote du sénateur Housakos, car cela m'a rappelé quelque chose. Il a dit qu'il se souvient de ses soirées d'enfance passées devant Hockey Night in Canada. Moi-même, je me rappelle que, chez moi, avant Hockey Night in Canada, nous ne manquions jamais l'émission de Don Messer quand j'étais jeune. Mes parents l'adoraient.

Le président : Qui est cet homme?

Le sénateur MacDonald : Don Messer arrivait environ au sixième rang des émissions les plus regardées au pays quand la CBC a mis fin à son émission. Pourquoi l'a-t-on supprimée en 1969? C'est parce que l'élite à Toronto ne la trouvait pas assez raffinée pour la population canadienne.

C'est la vérité. Le gratin torontois ne l'aimait pas, alors on a décidé de cesser de la diffuser au pays malgré ses cotes d'écoute élevées. Je tenais à le dire aux fins du compte rendu.

Il y a autre chose que je veux mentionner à propos de ce que la CBC aurait pu faire au fil des ans, et c'est de voir dans quelle mesure le fait de diffuser les matchs des Blue Jays a aidé cette organisation et amélioré ses flux de revenus. Dans les années 1990, quand les Expos devaient composer avec un dollar canadien qui ne valait que 60 cents américains, la CBC a passé un contrat avec les Expos pour diffuser leurs matchs dans tout le pays et leur fournir des revenus dont l'équipe avait bien besoin. Mais elle ne l'a pas fait. Elle n'a rien fait d'autre que de continuer à gaspiller et à dépenser des centaines de millions de dollars pour produire des émissions que les Canadiens ne voulaient pas voir. Je connais toutes sortes de gens qui auraient voulu voir les matchs des Expos à la télévision dans les années 1990, mais c'était impossible. J'écoutais alors Radio-Canada parce que la CBC ne les diffusait pas. Je veux juste le mentionner aux fins du compte rendu pendant que nous sommes ici.

Vous avez comparé la situation à un espace vert, et je trouve que l'image est assez bien choisie. Avant, nous pensions que la plage avait une certaine longueur et que toutes les propriétés bordant la mer appartenaient à la CBC. Certes, nous savons maintenant que la plage s'étend à l'infini. Nous vivons dans une ère de contenu où il y a des joueurs comme HBO et Netflix. Tout est une question de contenu. Ces entreprises font rayonner leur marque et amènent des gens à regarder le contenu pour créer de la valeur.

La CBC ne fait pas cela. Elle dépense de l'argent pour entretenir une plage sur laquelle personne ne plante son parasol. C'est un problème. Vous disiez donc que la CBC doit promouvoir sa marque et amener les gens à s'intéresser à ses émissions parce qu'elles portent son logo, et je suis d'accord. C'est une bonne marque et un bon logo. Nous en avons parlé tout à l'heure. Cependant, à l'heure actuelle, elle dépense beaucoup d'argent en salaires, en pensions et en ressources humaines, mais pas en contenu. Une grande partie de ses fonds sont consacrés à cela.

À mon avis, c'est problématique. J'aimerais savoir si l'un d'entre vous voit cela comme un problème et, le cas échéant, j'aimerais que vous me disiez ce qu'elle peut faire pour créer du meilleur contenu. Que peut-elle faire pour changer la façon dont elle utilise ses ressources, au lieu de simplement en demander davantage sans apporter de changements?

M. Roman : Il y a deux autres exemples. Vous en avez probablement déjà entendu parler, mais je vais tout de même les mentionner. Corner Gas est une émission de télévision très populaire.

Le sénateur Plett : Je l'adore. C'est vrai.

M. Roman : Initialement, elle était diffusée à la CBC. De plus, il y avait un projet documentaire qu'un producteur spécialisé dans ce créneau voulait proposer à la CBC. Il portait sur le Groupe des sept. C'était censé être une série on ne peut plus canadienne; du moins, pour l'Ontario. Quand il a proposé l'idée à la CBC, le producteur a reçu cette réponse : « Nous ne faisons pas de documentaires sur les arts. » C'est ce qu'on lui a dit, mot pour mot.

C'est une partie du problème, le fait que nous devions déterminer quelles conclusions la SRC doit tirer. Elle doit savoir ce qu'elle fait et avoir la capacité de le faire, mais elle doit aussi comprendre que sa force ne peut pas simplement reposer sur le statu quo, car cela ne peut pas déboucher sur des progrès. Je ne dis pas qu'elle est incapable de trouver du contenu nouveau et original, et elle commence d'ailleurs à le faire. Mais pour ce qui est du rapport entre les coûts et le contenu, le radiodiffuseur public a déjà réduit ses productions à l'interne — celles d'expression anglaise, du moins — de façon considérable, alors elle n'a plus de volet documentaire.

Elle achète tout. Cela réduira les dépenses salariales, mais augmentera aussi le coût lié à la diffusion d'une émission. Je n'ai pas d'expertise en financement d'émissions, mais c'est ce que je crois comprendre. Alors, c'est un peu risqué, ce petit jeu. Comment faire des économies immédiates sans devoir payer plus cher à long terme? Je n'ai pas de réponse à cette question. Je sais que c'est probablement un problème qui doit embêter la CBC à l'heure actuelle.

Le président : Madame Denton?

Mme Denton : Je travaille comme artiste créative. Je connais des artistes comme moi de partout au pays à qui j'ai appris le métier. Il n'y a rien de plus démoralisant, rien qui ne coupe autant l'inspiration que le fait de se faire dire : « Oh, ce n'est pas comme ça » ou « Oh, regarde ce que tu as fait. »

Vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas ce que je veux dire, mais, à un moment donné, pour encourager la créativité, il faut dire : « Nous croyons en toi. Allez, vas-y. Fais de ton mieux. » Et c'est ainsi qu'on obtient les meilleurs résultats. Vous voyez ce que je veux dire. Il n'y a rien de plus paralysant que de sentir une respiration par-dessus son épaule quand on essaie d'en arriver au meilleur résultat possible. Des erreurs, ça arrive. Cela fait partie du processus de création. Il y a beaucoup d'efforts qui ne mènent à rien. Ce n'est pas le succès à tout coup. Je suis absolument convaincue que la CBC fait beaucoup de bonnes choses à l'heure actuelle.

Le sénateur Plett : Il y a beaucoup d'émissions de la CBC que j'adore. Corner Gas est l'une de mes préférées, et pourtant, je dois fermer la porte du salon quand je la regarde, car ma femme trouve cela insupportable.

Nous ne sommes pas toujours d'accord. Le sénateur Eggleton a parlé de CBC Radio et d'une de ses émissions qui est très populaire. Je ne pense pas qu'on remette en question CBC Radio et sa popularité. Pas moi, en tout cas. Quand les représentants de la CBC comparaîtront, je compte leur poser cette question : quelle partie du budget de la CBC est affectée à CBC Radio? Car je ne pense pas qu'on remet en question la nécessité et le...

Mme Denton : Le talent.

Le sénateur Plett : Oui, elle regorge de professionnels doués, il n'y a pas de doute là-dessus. J'ai regardé cette chaîne hier soir à Halifax, après la tragédie vraiment horrible qui s'est produite à Ottawa. Même si nous étions nombreux à être contents de ne pas être sur la Colline quand le drame est survenu, une partie de nous-mêmes aurait tout de même voulu être là-bas avec nos employés, alors nous avons regardé la CBC. Rosemary Barton et ses collègues ont fait un travail fantastique.

Nous avons entendu parler aujourd'hui des Américains qui ont complimenté la CBC pour son professionnalisme, alors c'est unanime. Le sénateur Housakos a dit que la plupart d'entre nous voulions un radiodiffuseur public. C'est mon cas. Je pense que le besoin est là, mais il faut déterminer l'ampleur de son mandat. C'est là-dessus que nous voulons nous pencher et c'est à cela que nous réfléchissons.

Je veux vous faire part d'une histoire que nous avons entendue à Halifax quand nous avons visité les installations de la CBC. On nous a montré un studio de production à la fine pointe de la technologie. Il a nécessité 800 000 $ d'investissements. Pour tout dire, quand on apporte de telles améliorations, on devient plus efficient avec des effectifs réduits. Elles ont donc mené à la suppression de six emplois rémunérés à environ 100 000 $. Cette fois encore, le gouvernement s'est fait blâmer parce qu'il a réduit le budget de la CBC, qui a ensuite aboli des postes. Eh bien, dans ce cas-ci, les six postes abolis sont le fruit d'une judicieuse décision, car le travail de huit personnes peut maintenant être assumé par seulement deux, et le résultat est encore meilleur.

Il faut donc féliciter les responsables du bureau ici, car ils ont pris des mesures et demeurent le plus efficients possible. Je suis plus optimiste. Je pense que le radiodiffuseur public sera encore là dans cinq ans. J'espère qu'il aura changé — pour le mieux — et qu'il coûtera même moins cher aux contribuables. Je n'en suis pas certain. Mais une chose est sûre : les temps changent, et la CBC doit s'ajuster.

Ma question porte encore sur les cotes d'écoute et les considérations de cette nature. Sans cérémonie, on a supprimé l'émission de Don Messer. Je n'avais jamais entendu parler de lui avant aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : Oh, mon Dieu, vous êtes jeune!

Le sénateur Plett : Il semble que beaucoup d'années nous séparent. Quoi qu'il en soit, on a brusquement mis fin à l'émission de Don Messer à cause du sénateur Eggleton et de ses collègues.

Désolé, monsieur le président. Je vais tout de suite poser ma question.

J'aimerais que vous y répondiez tous les deux, même si elle concerne peut-être surtout Mme Denton. Quand une émission n'est pas populaire, est-ce que la SRC devrait la supprimer, même si un faible pourcentage de la population — disons 2 p. 100 — la regarde? Elle n'est pas rentable. Elle coûte de l'argent. Le radiodiffuseur public devrait-il l'éliminer? Qu'en pensez-vous, madame Denton?

Mme Denton : Ce sont des créateurs de contenu. Faites-leur confiance. C'est ce qu'on doit faire avec les créatifs. Il faut leur faire confiance et se dire que le succès finira par venir. Ce sont leurs décisions, pas celles du gouvernement. Faites leur confiance.

Le sénateur Plett : Mais c'est une société d'État. C'est un organe du gouvernement.

Mme Denton : Le radiodiffuseur public appartient à la population et s'acquitte de son mandat. Faites confiance aux créateurs de contenu.

Le président : Monsieur Roman?

M. Roman : En fait, j'aimerais d'abord revenir sur le point que vous avez soulevé au sujet du financement et de la popularité de la radio.

Le sénateur Plett : Je vous en prie.

M. Roman : Pour ce qui est de CBC Radio, les parts d'auditoire nationales de CBC Radio 1 sont de 13 p. 100, un résultat tout à fait respectable. Celles de CBC Radio 2 sont de 2 p. 100, ce qui est légèrement inférieur. À l'audience de renouvellement de licence de la CBC en 2012, le radiodiffuseur public a demandé l'autorisation de commencer à diffuser des publicités à CBC Radio 2, et cela a beaucoup nui à ses parts d'auditoire. Il devait trouver de nouvelles sources de revenus, et c'est compréhensible. Mais, en même temps, il a pris des revenus de la radio pour les réaffecter à la télévision. Je pense qu'il a réaffecté ainsi aux alentours de 40 millions de dollars. Il a donc pris à Pierre pour donner à Paul. Il avait deux chaînes entièrement publiques auparavant — CBC Radio 1 et CBC Radio 2 — qui n'étaient pas commerciales. Il s'agissait de vrais services de radiodiffusion publique.

Maintenant, l'une d'entre elles est un service public commercial, et l'autre — CBC Radio 1 — est demeurée entièrement publique. Je n'essaie pas de vous amener à une conclusion particulière; c'est simplement un fait qui mérite d'être noté. La popularité de CBC Radio 2 en a pris pour son rhume, car soudain, cette chaîne musicale a commencé à diffuser des publicités. Eh bien, il y a d'autres stations musicales commerciales au pays, et le seul avantage qu'elle avait, c'était d'être non commerciale. Si elle se met à faire exactement la même chose que ses concurrents, comment tirera-t-elle son épingle du jeu? Qu'a-t-elle à offrir de différent, d'unique et d'original aux Canadiens?

Dites-moi, quand vous avez demandé si la CBC devrait éliminer les émissions qui ne sont pas populaires, je suppose que vous parliez de la télévision et de la radio; c'est juste? Ou était-ce seulement de la radio?

Le sénateur Plett : Eh bien, non, je pense qu'il serait probablement pertinent de se pencher sur les deux services. Si une émission coûte de l'argent et qu'elle n'intéresse personne, devrait-on s'en débarrasser? À coup sûr, la télévision accapare la majeure partie du budget de la CBC.

M. Roman : Oui.

Le sénateur Plett : Comme je l'ai dit, j'aime regarder Corner Gas. Mais si j'étais la seule personne au pays à regarder cette émission, je devrais accepter son éventuel retrait des ondes. C'est mon opinion. Quelle est la vôtre?

M. Roman : Personnellement, je dois reconnaître que, tout d'abord, la CBC a un mandat à remplir, alors tout dépend de la raison d'être de l'émission. Si elle vise à remplir le mandat, alors elle doit évidemment être maintenue. C'est le but de l'organisation.

Je crains cependant que la CBC se montre trop pointilleuse dans ses choix en vue d'atteindre — et ce n'est que mon opinion personnelle — des cibles précises. « Avons-nous touché ce groupe démographique? » « Oui, nous avons une émission pour cette région. » Elle n'arrive pas à séduire un vaste auditoire parce qu'elle se concentre sur des objectifs trop précis.

La notion d'intérêt pour le grand public était explicitement énoncée dans les dispositions législatives concernant le SPC, et je crains que la CBC l'ait perdue de vue. Certaines de ses émissions connaissent beaucoup de succès et attirent un public diversifié, mais j'ai l'impression que, bien souvent, elle essaie de cocher des cases.

Arctic Air n'était pas mal. C'est une émission qui permet de cocher une case associée à un certain groupe démographique. Republic of Doyle : voilà une émission pour les Maritimes. Mr. D : en voilà une autre pour cette région. Toutes ces émissions fonctionnent, mais ne séduisent pas le grand public parce qu'elles s'adressent à des auditoires précis, et je crains que la CBC continue dans cette voie au lieu de diffuser des émissions comme Sherlock, de la BBC, qui jouissent d'un grand succès populaire. Tout le monde peut apprécier cette émission.

Le président : Monsieur Roman, madame Denton, merci pour vos exposés.

(La séance est levée.)


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