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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 12 - Témoignages du 10 décembre 2014


OTTAWA, le mercredi 10 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour continuer son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Notre témoin est M. Rémi Racine, président du conseil d'administration de la Société Radio-Canada. Avant d'inviter M. Racine à prendre la parole, j'ai quelques petits détails à régler.

[Traduction]

Sénatrice Unger, la semaine dernière, vous avez posé une question au sujet d'une entente entre le Québec et l'Ontario. Je vous ai dit que nous ne pouvions pas entrer dans les détails concernant le volet de l'immigration, mais j'ai ici, dans les deux langues officielles, une résolution qui a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. J'aimerais que le greffier la fasse distribuer. Si vous le voulez bien, je vais la lire en anglais.

RÉSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC

QUE l'Assemblée nationale reconnaisse le rôle essentiel de la Société Radio-Canada en matière d'information, de contenu culturel et de divertissement destinés aux francophones du Québec et aux 2,6 millions de francophones et francophiles hors Québec;

QUE l'Assemblée nationale affirme que les compressions effectuées dans les services en français de la Société Radio-Canada suscitent une grande inquiétude au Québec et à travers le Canada;

QUE l'Assemblée nationale réitère la pertinence d'un diffuseur public francophone fort et l'importance de l'information régionale;

QUE l'Assemblée nationale presse le gouvernement fédéral d'appuyer la Société Radio-Canada dans la réalisation de son mandat et de lui fournir les moyens nécessaires afin qu'elle puisse respecter ses obligations en vertu des lois fédérales.

Ce que je ne comprends pas, même si la résolution a été adoptée, c'est qu'on ne nous en ait pas informés d'aucune façon. Le Président de l'Assemblée nationale était à Ottawa cette semaine, et c'est de cette façon que j'ai entendu parler de la résolution.

Cela ne répond pas à votre question sur l'immigration, mais cela précise que le gouvernement du Québec présente une position ferme sur la question. Je voulais en informer le comité, et je vais remettre la résolution au greffier.

En ce qui concerne la question sur l'immigration, je lui ai demandé, non pas en tant que président, mais en tant que collègue, d'essayer de vous revenir là-dessus pour ce qui est de la question de l'immigration de francophones à l'extérieur du Québec.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président : J'invite M. Racine à prendre la parole. Ensuite, les sénateurs pourront poser leurs questions.

[Traduction]

Rémi Racine, président du conseil, Société Radio-Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, au nom du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada, je vous remercie de me donner l'occasion de rencontrer le comité dans le cadre de son examen sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Les membres du conseil d'administration de la société sont nommés par décret, comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion. Pour effectuer son travail, le conseil s'appuie sur cinq comités : les comités permanents sur la radiodiffusion de langue française et de langue anglaise; le comité des ressources humaines et de la gouvernance; le comité des infrastructures; le comité de planification stratégique; et le comité de vérification.

Le conseil se réunit environ huit fois par an. Les procès-verbaux de ces réunions peuvent être consultés sur le site web de la société.

Le conseil est responsable de superviser les activités de la société. Il approuve le plan d'entreprise de CBC/Radio-Canada, son rapport annuel, ses états financiers et ses plans stratégiques et de gestion, mais il ne participe ni aux décisions de programmation, ni à la gestion des activités quotidiennes du radiodiffuseur public.

[Français]

Plus tôt cette année, le conseil a approuvé le nouveau plan stratégique quinquennal de la société, intitulé Un espace pour nous tous. Il constitue la réponse de la société aux défis que pose l'évolution de l'environnement de la radiodiffusion que ce comité a eu pour mission d'examiner. Ce plan ne prévoit rien de moins que la transformation de la société. Je tiens à souligner que le comité stratégique du conseil a suivi toutes les étapes du développement de ce plan au cours des réunions tenues régulièrement avec la direction de la société.

Le conseil appuie ce plan, parce qu'il ne fait aucun doute que les habitudes des Canadiens changent. Ils consomment maintenant leurs émissions toute la journée sur les appareils qu'ils possèdent. CBC/Radio-Canada doit changer sa façon de créer et de diffuser ses émissions si elle veut rester pertinente et présente dans la vie des Canadiens. Cela signifie mettre davantage l'accent sur le contenu numérique sans délaisser pour autant les services traditionnels de radio et de télévision. Cela signifie également offrir de nouveaux types de services de manière plus efficace.

À bien des égards, la technologie nous a permis de devenir plus efficaces. Grâce à l'automatisation et à la technologie, il faut moins de personnel pour produire les émissions de radio et de télévision. En 2020, la société comptera 1 500 employés de moins. Mais il se fera aussi moins de production à l'interne et elle diffusera davantage d'émissions produites par des producteurs canadiens indépendants. L'empreinte immobilière de la société sera plus petite, ce qui lui permettra de concentrer ses efforts et ses ressources sur le contenu que le public consomme plutôt que sur ses infrastructures. La société modernise aussi sa façon de fournir des services locaux — à la télévision, à la radio et en ligne — en les adaptant aux moyens que les auditoires de chaque communauté utilisent pour s'informer et en trouvant de nouvelles manières d'échanger avec eux toute la journée. Ces changements ont déjà commencé. Demain, la société annoncera plus en détail sa stratégie pour les nouvelles locales.

La transformation que la société entreprend fera de CBC/Radio-Canada une organisation plus souple et plus agile. Toutefois, l'industrie fait face à un défi beaucoup plus important : le modèle de radiodiffusion traditionnel au Canada ne fonctionne plus.

Comme le CRTC a pu l'entendre au cours de ses récentes audiences Parlons télé, les revenus de la télévision généraliste sont en baisse. Le système de radiodiffusion actuel ne soutient plus la création et la distribution du contenu canadien auquel les Canadiens s'attendent. Ce problème ne concerne pas seulement CBC/Radio-Canada, mais tout le Canada. La fragmentation des auditoires canadiens n'a jamais été aussi grande.

Depuis 1990, la part du marché publicitaire de la télévision traditionnelle anglophone que la société reçoit au Canada a chuté de 25 p. 100. Les radiodiffuseurs privés sont prisonniers d'un modèle qui les oblige à diffuser, en simultané, des émissions américaines sur des chaînes canadiennes aux heures de grande écoute quand la majorité du public regarde la télévision.

Le radiodiffuseur public a un mandat public : il doit contribuer au patrimoine culturel du Canada par la promotion et la création d'émissions qui reflètent et mettent en valeur le talent canadien; il doit représenter les Canadiens et répondre à leurs besoins dans les deux langues officielles; il doit aussi les informer, les éclairer et les divertir.

Toutefois, cela est de plus en plus difficile lorsque, chaque année, le radiodiffuseur public est capable d'en faire moins. On continue à faire des gains d'efficience, mais à un moment donné, il deviendra de plus en plus difficile de trouver des économies. Cela signifie qu'il faudra couper ailleurs; moins d'émissions canadiennes, moins d'épisodes, plus de reprises.

La société a proposé quelques solutions que ce comité devrait étudier. Premièrement, les radiodiffuseurs généralistes devraient recevoir une compensation des fournisseurs de télévision par câble et par satellite pour le contenu que ces derniers prennent gratuitement pour le revendre aux Canadiens. Certains ont prétendu que, dans le cas de CBC/Radio-Canada, cela équivaudrait à un double financement en raison des crédits parlementaires que la société reçoit. Je crois que c'est faux. Les crédits parlementaires n'ont jamais couvert le coût de tous nos services. Prenez VIA Rail, par exemple, qui reçoit des crédits parlementaires et, pourtant, personne ne s'attend à prendre le train gratuitement.

Actuellement, il y a seulement les chaînes spécialisées qui sont payées pour leur contenu; ce n'est pas le cas des radiodiffuseurs généralistes. À cela, il faut ajouter le glissement des revenus publicitaires vers les plateformes numériques, ce qui entraîne un déséquilibre qui n'est pas viable.

Deuxièmement, sans financement, il n'y aura plus d'émissions canadiennes de qualité. Les auditoires ne sont pas assez nombreux au Canada pour couvrir les coûts de production de ces émissions. Le Fonds des médias du Canada est un outil essentiel pour assurer l'existence des dramatiques canadiennes hautement prioritaires. Le même constat vaut pour les nouvelles.

Comme vous l'avez entendu, les nouvelles locales continuent d'être une priorité essentielle pour les Canadiens, mais la disparition du Fonds des médias du Canada pour l'amélioration de la programmation locale s'est traduite par une diminution des ressources consacrées aux nouvelles locales auxquelles les Canadiens tiennent tant. La création d'un fonds pour les nouvelles locales, accessible à tous les diffuseurs généralistes, pourrait être une solution.

Les restrictions des dépenses gouvernementales, couplées à un modèle publicitaire qui ne fonctionne plus, posent un défi particulier pour CBC/Radio-Canada. La société continue de faire ce qu'il faut pour équilibrer son budget comme il se doit, mais elle produira moins d'émissions canadiennes. L'heure est venue d'avoir une franche discussion avec les Canadiens sur le niveau de financement public consacré à la radiodiffusion publique.

Étant donné sa taille, sa complexité et sa proximité avec les États-Unis, le Canada est l'un des pays qui ont le plus besoin de la radiodiffusion publique. Oui, la société reçoit un milliard de dollars par an sous la forme de crédits parlementaires; CBC/Radio-Canada, avec son financement et les revenus commerciaux qu'elle génère, fournit des services aux Canadiens que personne d'autre ne pourrait donner. Par exemple, les services essentiels à la population du Nord et des régions éloignées, les services de radio nationaux sans pauses publicitaires, une grille d'émissions très majoritairement canadiennes, particulièrement aux heures de grande écoute et qui inclue des émissions rassembleuses. Malgré cela, les Canadiens nous disent qu'ils s'attendent à en avoir plus du radiodiffuseur public.

Pour être bien clair, je crois que la société a élaboré un plan solide qui lui permettra de naviguer dans un paysage médiatique mondial en évolution. Si les Canadiens en veulent plus, il faudrait que les investissements dans la radiodiffusion publique deviennent une priorité.

Merci de m'avoir accordé cette attention. Je serai très heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Racine. Je dois aussi en profiter pour vous féliciter de la couverture que vous avez faite, aujourd'hui, à Radio-Canada, des funérailles du grand Jean Béliveau; il s'agissait là d'un hommage très bien présenté et avec beaucoup de dignité. Parfois, les gens sont un peu critiques, ici, alors, quand on peut offrir des compliments, on en profite.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Monsieur le président, je vous remercie de votre bienveillance habituelle.

Bienvenue au comité. Ma première question porte sur les cotes d'écoute. À un certain nombre de reprises, j'ai parlé des cotes d'écoute de la CBC, et d'autres membres du comité ont parlé des cotes d'écoute de CBC/Radio-Canada, et bien des gens ont des points de vue différents sur les cotes d'écoute. J'aimerais connaître votre point de vue. Croyez-vous que les cotes d'écoute sont un paramètre important pour évaluer l'organisation? Est-ce un critère établi par le conseil d'administration? Pensez-vous également que les cotes d'écoute ont un effet sur les recettes publicitaires de la société? Comment les justifieriez-vous auprès de vos actionnaires? Vous dirigez une entreprise privée, et vous savez ce qu'est un état des résultats. Vous évaluez vos trimestres et vos résultats annuels. En tant que membre du conseil d'administration, que faites-vous pour ce qui est des actionnaires, c'est-à-dire les contribuables, et sur la base de quels critères déterminez-vous si vous avez réussi ou échoué?

M. Racine : Lorsque nous évaluons les émissions et les résultats, nous évaluons les cotes d'écoute dans le cadre de notre mandat. Il ne s'agit pas du seul facteur pris en compte dans les décisions. C'est l'un des facteurs, et évidemment, il a une influence sur les revenus. Il influe sur les décisions. Il faut que le contenu soit très bon, qu'il mette le Canada en valeur. Nous examinons différents éléments, et évidemment, les cotes d'écoute en constituent un.

Ces dernières années, lorsqu'une émission n'est pas regardée ou écoutée, nous la changeons. Parfois, nous conservons une émission dont les cotes d'écoute ne sont pas bonnes, car présenter du contenu aux Canadiens fait partie de notre mandat, mais les cotes d'écoute font partie de l'équation et nous les examinons toujours.

[Français]

Le sénateur Housakos : Je suis d'accord avec vous; c'est très important. Quand on se penche sur les cotes d'écoute de Radio-Canada, au réseau français, on constate que ce n'est pas mal du tout; je trouve cela très respectable. Si l'on établit une comparaison avec les cotes d'écoute de la CBC, au réseau anglais, personnellement, je trouve ces dernières horribles.

Le conseil d'administration a-t-il une explication à cela? Aussi, le conseil d'administration est-il préoccupé par le fait que le réseau français atteint de meilleures cotes d'écoute que celles de son pendant anglophone? En dernier lieu, que peut-on faire pour augmenter les cotes d'écoute du réseau anglais de CBC/Radio-Canada?

M. Racine : On a opéré des changements en anglais dans les dernières années, et ce, davantage qu'en français, en ce qui a trait aux équipes. Il y a eu beaucoup plus de changements en anglais qu'en français. Ceci étant dit, il faut bien garder en tête qu'en anglais, on est en concurrence avec les réseaux américains pour l'auditoire.

Comme je l'ai dit lors de mes observations liminaires, les anglophones, au Canada, peuvent regarder autant la télévision américaine que la télévision canadienne, ce qui fait que la concurrence est beaucoup plus importante. On ne peut pas comparer l'un à l'autre les réseaux français et anglais. Je pense que l'on s'améliore beaucoup en anglais et que l'on est très bon en français. On fait de très bonnes émissions en anglais, mais le marché anglais est un peu différent du marché en français.

Le sénateur Housakos : Les cotes d'écoute du réseau anglais de CBC/Radio-Canada connaissent une baisse depuis un certain temps, et nous avons récemment perdu une émission phare importante : Hockey Night in Canada. Étant donné ces faits, pensez-vous que nous sommes moins Canadiens aujourd'hui que nous l'étions il y a 30 ans?

M. Racine : Non, nous sommes autant Canadiens que nous l'étions il y a 30 ans. En ce qui a trait à l'émission Hockey Night in Canada, on ne peut pas utiliser l'argent des Canadiens pour faire concurrence à l'entreprise privée en ce qui concerne les droits de diffusion de la Ligne nationale de hockey. Je pense que le conseil d'administration a fait tout en son pouvoir afin de conserver les droits de diffusion que l'on détenait, mais on ne pouvait pas aller au-delà de ce que l'on avait à faire, puis on n'avait pas les moyens ni le sentiment que les Canadiens devraient financer cela.

Quant au reste de votre question, je pense que ce qu'on fait en anglais est très bien. En perspective, il faut se rappeler qu'à la radio, en anglais, on est premier dans nombre de marchés. À la télévision, on fait beaucoup d'émissions rassembleuses, malgré un auditoire moins important en pourcentage, mais, comme je l'ai dit, la concurrence est totalement différente en anglais par rapport à celle qui existe en français.

Le sénateur Housakos : J'ai une dernière question sur la transparence : je sais bien que CBC/Radio-Canada a fait des gestes importants depuis des années pour améliorer sa transparence, mettre beaucoup d'information sur les sites web, et cetera. Cependant, on ne peut pas dire qu'on puisse comparer la transparence de CBC/Radio-Canada avec, par exemple, celle de la BBC, qui est souvent citée par plusieurs témoins, dans le cadre de ce comité, comme l'exemple le plus proche et comme modèle pour CBC/Radio-Canada. Si vous consultez le site web de la BBC, vous y trouverez à peu près n'importe quelle information, sur n'importe quel sujet, comme le salaire du président...

[Traduction]

En consultant le site web de la BBC, on peut savoir, poste par poste, à combien de livres s'élèvent leurs dépenses et leurs rentrées.

[Français]

Pourquoi ne peut-on pas faire la même chose pour CBC/Radio-Canada?

[Traduction]

M. Racine : Nous sommes en train de changer la culture à cet égard. Lentement, mais sûrement, les choses changent. Depuis mon arrivée au conseil d'administration, nous avons apporté beaucoup de changements sur le plan de la transparence. Nous avons pris de nombreuses mesures. Sur le plan de l'accès à l'information, nous avions l'un des pires bilans, voire le pire, et maintenant, c'est l'un des meilleurs, voire le meilleur. Nous avons donc changé.

Pour ce qui est de l'information sur les salaires, je pense qu'au cours des derniers mois, nous nous sommes améliorés. Nous avons encore du chemin à faire. Nous continuons d'améliorer les choses.

Le sénateur Plett : Monsieur Racine, je vous souhaite la bienvenue. Je veux poursuivre un peu sur la même lancée que mon collègue, le sénateur Housakos, au sujet des cotes d'écoute, en partie.

Vous dites que lorsqu'une émission n'a pas de bonnes cotes d'écoute, vous la retirez des ondes. C'est logique, mais si CBC/Radio-Canada n'a pas de bons résultats, si 2 p. 100 de la population albertaine et 5 p. 100 de la population canadienne regardent ses émissions, que faisons-nous?

Je veux lire une partie de votre déclaration, et j'aimerais que vous me donniez quelques explications, si vous y êtes disposé. Vous dites ceci :

Les restrictions des dépenses gouvernementales, couplées à un modèle publicitaire qui ne fonctionne plus, posent un défi particulier pour CBC/Radio-Canada. La société continue de faire ce qu'il faut pour équilibrer son budget, comme il se doit, mais elle produira moins d'émissions canadiennes. L'heure est venue d'avoir une franche discussion avec les Canadiens sur les niveaux de financement public pour le radiodiffuseur public. Étant donné sa taille, sa complexité et sa proximité avec les États-Unis, le Canada est l'un des pays qui a le plus besoin de la radiodiffusion publique.

Je vais vous poser quelques questions à ce sujet, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, et effectivement, l'heure est venue d'avoir une franche discussion avec les Canadiens, et je crois que c'est en partie ce que nous faisons présentement.

Je ne sais pas quelle direction nous devons prendre, s'il faut que nous fassions un sondage ou quelle mesure il nous faut prendre. Je crois que l'ensemble des téléspectateurs doit jouer un rôle à cet égard. Pour ce qui est de la dernière phrase, soit « étant donné sa taille, sa complexité et sa proximité avec les États-Unis, le Canada est l'un des pays qui a le plus besoin de la radiodiffusion publique », après votre exposé, le président vous a félicité pour la couverture que vous avez faite aujourd'hui des funérailles du grand hockeyeur, Jean Béliveau.

La plupart d'entre nous ont regardé les Olympiques, et je pense que c'est la meilleure couverture de cet événement que je n'ai jamais vue. Toutefois, aux Olympiques de Vancouver, nous n'avions pas de iPad. Il y a maintenant de nouvelles technologies, et compte tenu de cela, pourquoi est-ce aussi important d'avoir un diffuseur public? Je comprends pourquoi c'était important auparavant. Je comprends que le Nunavut, Yellowknife et Whitehorse avaient besoin d'avoir accès aux mêmes services que le sud du pays, mais il y a maintenant des satellites, des iPad et Internet. Pourquoi est-ce toujours important d'avoir un diffuseur public « étant donné la taille et la complexité de notre pays ainsi que sa proximité avec les États-Unis »?

M. Racine : Pour le contenu canadien. L'élément le plus important que nous devons conserver, ce sont les différences culturelles entre les États-Unis et le Canada, et le diffuseur public est le principal outil que le Canada peut utiliser pour mettre en valeur les talents canadiens. S'il n'y a pas de modèle d'entreprise, c'est là que nous entrons en scène. Nous devons offrir aux Canadiens du contenu canadien et mettre en valeur les talents canadiens.

Le sénateur Plett : Cependant, vous dites que lorsque les cotes d'écoute d'une émission ne sont pas bonnes, vous la retirez des ondes.

M. Racine : Nous trouvons d'autres contenus produits par des Canadiens pour mettre en valeur le Canada. Je travaille dans l'industrie du divertissement. Lorsque je mène un projet et qu'il ne fonctionne pas, j'y mets fin et j'en commence un nouveau. Ce n'est pas parce qu'une de nos émissions n'a pas fonctionné que nous échouons en tant que diffuseur. Cela signifie seulement que l'émission n'a pas plu aux gens. C'est tout. Cela fait partie du processus.

Vous dites que nous réussissons bien du côté du réseau français, mais chaque année, nous annulons des émissions.

Le sénateur Plett : Vous réussissez bien dans le réseau français, mais je mets en doute ce succès.

M. Racine : Nous réussissons bien du côté anglophone. Comme je l'ai dit, il faut placer les choses dans leur contexte. Nous avons du succès dans le volet anglais, car bien que les cotes d'écoute ne soient pas excellentes, elles sont considérables.

Le sénateur Plett : Vous dites que 5 p. 100, c'est considérable?

M. Racine : Oui, étant donné qu'il existe des centaines de chaînes anglophones.

Le sénateur Plett : Comme ce n'est pas à moi d'en débattre, je vais changer de sujet.

Je veux parler un peu des conditions d'emploi à CBC/Radio-Canada. Le PDG de la Société Radio-Canada, M. Lacroix, vit à Montréal. Ce n'est pas là que se trouve le siège social. Je vais poser mes trois questions tout de suite et si jamais vous ne vous souvenez pas de tout, je les répéterai plus tard.

Dans l'exercice de ses fonctions, à quelle fréquence le PDG doit-il se rendre à Toronto et à Ottawa? Si la situation, en fait, exige de nombreux déplacements, compte tenu du lieu de résidence de M. Lacroix, le conseil d'administration a-t-il examiné et approuvé cela? Est-ce que CBC/Radio-Canada paie pour les frais de transport d'autres employés qui doivent se déplacer régulièrement dans le cadre de leur travail?

M. Racine : Quelle est la question?

Le sénateur Plett : Je crois avoir posé trois questions. À quelle fréquence le président doit-il faire des allers-retours?

M. Racine : Son prédécesseur vivait également à Montréal. Les membres de la haute direction, évidemment, la personne qui supervise les services français et celle qui supervise les services anglais se trouvent à Montréal et à Toronto, mais les autres se trouvent à Ottawa, à Toronto ou à Montréal. Certaines de nos fonctions s'exercent à Ottawa. La personne responsable des finances a probablement besoin d'être très souvent à Ottawa, voire tout le temps. Les autres membres, le président par exemple, se rendent souvent à Ottawa, régulièrement à Toronto et travaillent à Montréal. De nos jours, grâce à la technologie que nous avons...

Le sénateur Plett : Je suis d'accord. Compte tenu de la technologie que nous avons, est-il nécessaire pour lui de se déplacer? La technologie que nous avons ne pourrait-elle pas lui permettre d'accomplir toutes ses tâches à partir d'un endroit?

M. Racine : Il se rend à Ottawa et à Toronto au besoin. Il se rend à Toronto probablement une fois par mois et plus souvent à Ottawa, mais pas toutes les semaines. La plupart du temps, il est à Montréal.

Évidemment, il se déplace beaucoup partout au pays, car l'une de ses fonctions consiste à visiter tous nos studios et milieux de travail de façon régulière. Il voyage beaucoup au Canada, comme son prédécesseur le faisait.

Le sénateur Plett : Est-ce que d'autres employés de CBC/Radio-Canada se déplacent à Vancouver ou à Washington peut-être pour faire leur travail, vivent ailleurs?

M. Racine : Pas que je sache.

Le sénateur Plett : Seriez-vous en mesure de le vérifier et de nous en informer?

M. Racine : Oui, je vais le faire.

Le sénateur Eggleton : Bien entendu, les premières questions ont porté en majeure partie sur les cotes d'écoute. Cependant, je suis d'accord avec vous : il n'y a pas que les cotes d'écoute qui comptent. En fait, je crois que vos cotes d'écoute sont probablement meilleures que le croient certains de mes collègues, certainement pour une partie de votre programmation. Je veux aborder deux ou trois sujets.

Je veux parler un moment de la façon dont la structure générale sert la diffusion publique dans notre pays. Des témoins ont dit qu'il y a un lien de dépendance, car le président et vous êtes nommés par le gouverneur en conseil — le premier ministre en poste — tout comme les membres du conseil.

Un autre témoin nous a dit ce qui suit :

Le président ne rend pas véritablement de comptes au conseil d'administration. Le conseil d'administration est un peu comme un conseil consultatif.

J'aimerais mieux comprendre la structure du conseil et la comparer à, disons, une société cotée en bourse. Ils sont soumis à un certain nombre de règles. Quelles sont les similarités et les différences à votre avis? Pensez-vous qu'il y aurait lieu d'améliorer la structure du conseil de CBC/Radio-Canada, et serait-elle différente?

M. Racine : Je vais faire des observations sur ce que vous avez dit. Tout d'abord, lorsque vous dites que notre conseil d'administration est comme un conseil consultatif, vous devriez demander au PDG si c'est le cas.

Le sénateur Eggleton : C'est un témoin qui l'a dit; ce n'est pas moi.

M. Racine : Lorsqu'il nous présente des plans ou autre chose du genre, il se fait parfois dire non par le conseil. Il s'agit de relations normales entre le PDG et le conseil d'une société ouverte ou fermée. Il faut convaincre le conseil.

Notre société se compare-t-elle à une société cotée en bourse? Elle est différente. Il s'agit d'une société d'État indépendante du gouvernement. Notre situation est différente de celle des autres, mais à certains égards, elle est très similaire lorsqu'il s'agit d'approuver les budgets et les plans. Nous approuvons presque tout comme le fait habituellement une entreprise.

Le sénateur Eggleton : Mon autre question était la suivante : comment montrez-vous que vous agissez indépendamment du gouvernement alors que c'est lui qui vous nomme? Comment contrez-vous l'impression que vous n'êtes pas indépendants, que vous n'êtes pas les marionnettes du gouvernement?

M. Racine : Tout d'abord, lorsque nous arrivons au conseil, nous suivons une formation sur la loi et sur nos responsabilités en tant que membres du conseil. Malgré cette perception, dès qu'ils sont nommés, les membres du conseil agissent de façon totalement indépendante de n'importe quel intervenant. Nous prenons nos responsabilités au sérieux et nous donnons des conseils et nous approuvons les mesures que nous croyons bonnes pour CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Eggleton : Qui sont vos actionnaires à votre avis?

M. Racine : Les Canadiens.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de vous poser une question sur l'une de vos déclarations :

Premièrement, les radiodiffuseurs généralistes devraient recevoir une compensation des fournisseurs de télévision par câble et par satellite pour le contenu que ces derniers prennent gratuitement pour le revendre...

Par contre, vous dites que certains ont prétendu que cela équivaudrait à un double financement. Vous dites que ce n'est pas le cas. Pourriez-vous nous donner des explications? Comment cela fonctionnerait-il? Auriez-vous des revenus supplémentaires? Comment ce système fonctionnerait-il?

M. Racine : Eh bien, c'est la situation des diffuseurs ordinaires. Nous avons demandé au CRTC l'obtention d'une compensation de la part des fournisseurs de télévision par câble et par satellite pour notre signal. Nous fournissons beaucoup de contenus aux Canadiens par la télévision par câble et par satellite, mais nous ne recevons pas de compensation financière. Nous croyons que si nous obtenions de l'argent de la part des Canadiens de cette façon, nous pourrions offrir plus de contenus canadiens aux gens.

Le sénateur Eggleton : Combien cela rapporterait-il ou combien souhaiteriez-vous que cela rapporte?

M. Racine : Je n'ai pas de chiffres. Tout montant serait investi dans le contenu. Je crois que c'est important tant pour les nouvelles locales que pour le contenu général.

Le sénateur Eggleton : Vous avez terminé votre exposé en disant ceci :

Si les Canadiens en veulent plus, il faudra que les investissements dans la radiodiffusion publique deviennent une priorité.

À l'heure actuelle, CBC/Radio-Canada fait partie des radiodiffuseurs publics qui coûtent le moins cher — soit 33 $ par habitant. À titre comparatif, la BBC, dont on a parlé tout à l'heure, coûte 97 $ par habitant. En fait, la moyenne du coût des radiodiffuseurs publics est de 82 $ par habitant. Ainsi, par comparaison, 33 $, c'est peu. Êtes-vous en train de mourir de faim?

M. Racine : Non, mais évidemment, un tarif de distribution et des fonds locaux feraient augmenter le montant. C'est le financement accordé par le gouvernement.

Le sénateur Eggleton : Au Royaume-Uni, c'est un droit de licence. Vous dites donc que...

M. Racine : Nous avons un système hybride, selon lequel nous obtenons des fonds de publicité et des fonds du gouvernement. Ce que je dis, c'est que si les Canadiens veulent que leur radiodiffuseur public leur offre davantage de contenus canadiens, et bien je crois que nous pourrions augmenter nos fonds par le tarif.

Le sénateur Eggleton : Vous avez besoin d'autres sources de revenus, comme le tarif.

M. Racine : Oui.

La sénatrice Batters : Merci, monsieur Racine. Je suis ravie que vous disiez très directement ce soir que les Canadiens sont vos actionnaires. Cela dit, bon nombre de Canadiens ont été très consternés par les événements récents concernant Jian Ghomeshi. J'aimerais que vous nous parliez de la façon officielle dont l'emploi de Jian Ghomeshi à CBC a pris fin. Est-ce un congédiement? Était-ce justifié ou pas? Lui a-t-on demandé de remettre sa démission? A-t-il démissionné? Et cetera.

De plus, j'aimerais que vous nous disiez si CBC a versé à Jian Ghomeshi une indemnité de départ, de retraite — une forme quelconque de rémunération — lorsqu'il a quitté CBC. Il peut s'agir de n'importe quoi incluant une obligation minimum, et cetera.

M. Racine : Je dois dire tout d'abord que c'est une question qui relève de la direction. Un employé a été congédié. Le conseil n'a été mis au courant que quelques heures auparavant, car il était évidemment une célébrité. Nous ne sommes pas informés de la situation d'un employé. Dans son cas, les choses étaient différentes. Le conseil en a été informé et c'est une question qui relève de la direction.

Le président : Sénatrice Batters, pour que nous nous entendions bien, et j'ai dit la même chose au sénateur Plett lors d'autres séances : si vous parlez du processus, de l'avenir de CBC/Radio-Canada, de transparence, ce sont tous des éléments prévus dans notre présente étude. Si vous soulevez un cas précis, je devrai vous rappeler à l'ordre, car ce n'est pas l'objet de l'étude. Nous n'avons pas reçu le mandat de faire cela.

La sénatrice Batters : Eh bien, je crois qu'on a été indulgent lors de quelques séances précédentes

Le président : Je vous laisse poser la question et je laisse le témoin y répondre, mais je crois que si vous posez des questions qui n'ont rien à voir avec l'étude, il pourrait arriver que j'intervienne pour vous dire « excusez-moi, mais ce n'est pas pertinent dans le cadre de notre étude ».

La sénatrice Batters : D'accord. Si vous voulez bien me donner un petit peu plus de latitude.

Vous avez dit que c'est une décision de la direction, et c'est bien. J'ignore si vous êtes en mesure de me répondre, mais je veux savoir de quel statut officiel on vous a informé. S'agit-il d'un congédiement? Lui a-t-on demandé de démissionner? A-t-il démissionné et a-t-il reçu une forme quelconque de rémunération?

M. Racine : Il a été congédié.

La sénatrice Batters : Congédiement justifié ou pas?

M. Racine : J'ignore si c'était dans les formes.

La sénatrice Batters : Pourriez-vous vous informer?

M. Racine : Oui.

La sénatrice Batters : Lui a-t-on versé une indemnité de départ?

M. Racine : Je ne le sais pas précisément. Je ne crois pas. Je l'ignore.

La sénatrice Batters : Pourriez-vous vous informer à ce sujet aussi?

M. Racine : Je m'en occuperai.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur Racine. Votre exposé était très intéressant. Vous y dites que le système actuel de radiodiffusion ne soutient plus la création et la distribution de contenu canadien auquel les Canadiens s'attendent. Ce problème ne concerne pas seulement CBC/Radio-Canada, mais tout le Canada. Que vouliez-vous dire?

M. Racine : Cela signifie que, dans 10 ans, le paysage aura beaucoup changé et que si les téléspectateurs tiennent toujours à du contenu canadien de qualité, si nous voulons en faire autant qu'aujourd'hui, il faudra, à un moment donné, plus de revenus. C'est tout ce que j'ai voulu dire.

La sénatrice Unger : À ce sujet, j'ai demandé à un témoin qui parlait de contenu canadien si les Canadiens se souciaient vraiment de l'origine américaine ou canadienne des émissions qu'ils regardaient — vous avez mentionné le réseau anglais —, et cette personne m'a répondu que non, le contenu canadien n'avait pas tellement d'importance. Je suppose que si on aime un programme, on le regardera, peu importe son origine. Pensez-vous que les Canadiens se soucient vraiment du contenu canadien?

M. Racine : Je le pense. Moi-même, j'écoute beaucoup d'émissions américaines et étrangères, mais je préfère regarder du contenu canadien et je le fais d'une manière différente du contenu américain et étranger. Notre recherche montre que les Canadiens veulent du contenu canadien. Le contenu canadien ne comprend pas seulement les grands spectacles télévisés, mais aussi les nouvelles locales, régionales et nationales. C'est beaucoup.

La sénatrice Unger : De quelle tranche de la population parlez-vous? Pensez-vous que les jeunes ont une capacité suffisante d'attention pour regarder cela?

M. Racine : Ils regardent et écoutent notre contenu d'une manière totalement différente de celle des groupes plus âgées, mais ils le font. Visiblement, ils ne regardent pas la télévision dès 20 heures. Ils s'intéressent aussi aux nouvelles locales ainsi qu'aux événements locaux et régionaux. Ce sont des consommateurs comme les autres, mais différents.

De toute évidence, c'est la raison pour laquelle nous transformons Radio-Canada, parce que nous pensons que tout le monde changera. Avec l'évolution des médias et du matériel, notre contenu se consommera différemment.

La sénatrice Unger : Vous dites que vous ne recevez pas assez de fonds fédéraux, et je me demande si, par le passé, l'argent fédéral suffisait à CBC/Radio-Canada. A-t-elle une fois disposé d'assez d'argent pour tout gérer?

M. Racine : Eh bien, à en croire l'opinion générale, il y a 20 ans, c'était l'âge d'or. Je pourrais dire qu'il en sera de même dans 10 ans, mais ce sera différent. C'est notre plan, mais ce sera différent.

Dans 5 ou 10 ans, les Canadiens consommeront les produits de CBC/Radio-Canada d'une manière totalement différente d'il y a 20 ans. Il y avait alors peu de canaux au Canada. Il y a 30 ans, d'après certains, c'était une belle époque, parce qu'il y avait quatre canaux. Nous en possédions 25 p. 100, nous étions un des quatre.

La sénatrice Unger : La concurrence, alors, vous a rattrapé.

M. Racine : Bien sûr.

Le sénateur Green : Je voudrais poser une série de questions sur les archives de CBC/Radio-Canada qui, je l'imagine, doivent être pleines de contenu canadien qui remonte à 60 ans et plus. Dans quel état se trouvent ces archives?

M. Racine : Je sais que nous avons numérisé les programmes que nous estimons réutilisables et que d'autres y dorment simplement. Je ne crois pas que ce serait un bon investissement que de tout transformer pour que chacun puisse avoir accès à tout, mais, quand la direction estime nécessaire la résurrection du contenu, elle n'hésite pas.

Le sénateur Greene : Comment les Canadiens y accèdent-ils? Il serait bon de le savoir. Vous avez dit que la direction de CBC/Radio-Canada a choisi de conserver certains programmes plus longtemps que d'autres. Cela m'inquiète un peu. Ce serait une bonne chose si les Canadiens pouvaient en quelque sorte participer à leur sélection et les regarder, parce que, dans une certaine mesure, ils les ont payés.

M. Racine : Si les coûts n'avaient pas d'importance, tout serait probablement accessible en ligne tout le temps.

Le sénateur Greene : C'est l'essence du contenu canadien, parce que beaucoup de ces vieilles histoires restent d'actualité.

M. Racine : Oui, mais rien n'est gratuit.

Le sénateur Greene : Bien sûr.

M. Racine : Je pense que nous choisissons les programmes qui, d'après nous, seront visionnés par les Canadiens, en tenant compte des coûts de transformation et de mise à disposition. Des recherches sans cesse renouvelées nous renseignent sur les goûts des Canadiens, et, bien sûr, elles ont un coût.

Par exemple, nous n'exaucerions probablement pas un Canadien qui demanderait une série télévisée des cinq dernières années qui coûterait des milliers de dollars à transformer.

Le sénateur Greene : C'est vraiment l'essence du contenu canadien de ces dernières années. Il me semble que cela devrait faire partie du mandat de CBC/Radio-Canada, si vous voulez, de conserver un historique des programmes que les Canadiens ont regardés, pour que les générations à venir y aient accès.

M. Racine : Il y en a beaucoup d'accessibles.

Le sénateur Greene : Il y a beaucoup de ces émissions.

M. Racine : Et nous avons d'autres canaux. En français, par exemple, ARTV diffuse beaucoup de vieilles émissions. En anglais, il y en a beaucoup d'accessibles en ligne. Est-ce suffisant? Je l'ignore, mais il y en a beaucoup.

Le sénateur Greene : Combien valent ces archives? Y a-t-il une valeur pour cet actif? C'est un actif.

M. Racine : Oui, mais nous n'y accordons pas de valeur comptable. Visiblement, nous ne sommes pas à vendre. Voilà pourquoi nous ne les avons pas évaluées.

Le sénateur Greene : Oui, mais cela possède une valeur.

M. Racine : bien sûr.

Le sénateur Greene : Avez-vous songé à rendre ces archives accessibles à d'autres diffuseurs?

M. Racine : Pour des diffuseurs de l'étranger, nous l'avons fait et nous le faisons tout le temps.

Pour ceux d'ici, je ne pense pas que nous l'ayons fait.

Le sénateur Greene : Cela pourrait être intéressant.

Le sénateur MacDonald : Quelqu'un, plus tôt, a posé une question sur la nature plutôt consultative du conseil d'administration et, bien sûr, nous sommes responsables du conseil d'administration; le gouvernement l'est.

Un autre témoin a dit, devant le comité, je le cite : « Le profil des 12 membres actuels du conseil d'administration ne m'a pas ébloui, si vous voulez, par leur connaissance des nouveaux médias et celle de l'élaboration d'une enveloppe budgétaire pour la publicité des entreprises canadiennes ».

Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que le gouvernement fait du bon travail en nommant les bonnes personnes au conseil d'administration?

M. Racine : Les talents représentés au conseil d'administration couvrent une large palette. Ils réunissent toutes sortes d'aspects de la direction des entreprises, y compris la connaissance du paysage des médias. C'est le cas de certains membres. D'autres ont des talents qui aident à diriger une société. Je pense que le gouvernement nomme les bonnes personnes, qui représentent bien les Canadiens à CBC/Radio-Canada.

Le sénateur MacDonald : Mais apportent-ils quelque chose de valable à la gestion de la ressource?

M. Racine : Oui.

Le sénateur MacDonald : Une autre question, touchant la gestion des ressources : un phénomène qui est devenu un peu plus évident ces dernières années, dans l'administration, est la réembauche sous contrat d'anciens collègues partis à la retraite, qui touchaient leurs pensions. C'est répandu. Cela représente manifestement beaucoup de dépenses. Je suis simplement curieux de savoir si vous pouvez nous donner une idée de l'ampleur de ce phénomène à CBC/Radio-Canada?

M. Racine : J'ignore si des retraités de CBC/Radio-Canada sont rappelés chez nous, mais je pourrai m'informer.

Le sénateur MacDonald : Vous pourriez? Je vous en remercie.

M. Racine : Très bien.

Le président : J'ai quelques questions, si vous ne voyez pas d'objection à parler encore du conseil d'administration.

Je connais la réponse, mais je vous pose la question, à l'intention des personnes qui écoutent. Quel a été le rôle du conseil d'administration dans l'embauche du président de CBC/Radio-Canada?

M. Racine : Le président est nommé par le gouvernement, comme vous savez. Sur la reconduction du contrat d'Hubert Lacroix, le conseil d'administration était d'accord avec le gouvernement. Il lui a essentiellement conseillé de le reconduire, mais le gouvernement n'est pas obligé de l'écouter.

Le président : En votre qualité de président du conseil d'administration, quels sont vos rapports avec le gouvernement? Le ministère du Patrimoine canadien? Le Bureau du Conseil privé? Le cabinet du premier ministre? Au gouvernement, où se trouve votre interlocuteur à vous?

M. Racine : C'est surtout Patrimoine canadien.

Le président : Au niveau ministériel?

M. Racine : Oui.

Le président : D'après les transcriptions, vous avez presque dit que vous aviez approuvé son compte de dépenses.

M. Racine : J'approuve son compte de dépenses.

Le président : Lorsque le sénateur Plett vous a posé la question, vous étiez près de le dire, mais quelqu'un vous a interrompu.

M. Racine : J'approuve son compte de dépenses.

Le président : Les frais de déplacement et toutes les dépenses, donc, y compris les dépenses qu'il a dû prévenir parce qu'elles excédaient la limite?

M. Racine : Oui.

Le président : Elles avaient été approuvées.

Une autre question, qui fait suite à celles du sénateur Greene, je suis assez vieux pour que ma vocation politique ait subi l'influence de Quentin Durgens, M.P.. J'adore la politique, et l'une des influences que j'ai subies était ce programme très regardé dans les années 1960, dans le Canada anglais. Je paierais pour le revoir. Si je n'ai pas besoin de vous payer, ça ne fait rien, je paierai quelqu'un d'autre, mais j'aimerais revoir certains de ces vieux produits et je pense qu'ils ont une valeur marchande. Pour que cette valeur marchande vaille quelque chose pour vous, c'est comme obtenir de l'argent par le secteur de la câblodistribution. À quoi sert d'obtenir 100 millions de dollars de plus de nouveaux revenus, si le gouvernement s'en saisira? Comment garantir que, en réduisant ses subventions, il ne confisquera pas ces nouvelles sources de revenus?

M. Racine : Le gouvernement n'a pas réduit nos crédits parlementaires annuels au cours des 42 dernières années, sauf deux fois, et la dernière fois, tout le monde a écopé, y compris nous. Je ne m'attends donc pas à une diminution des crédits.

Le sénateur Plett : Vous avez dit que vous avez approuvé les dépenses du président et les dépenses injustifiées dont il demandait le remboursement. Avez-vous été pour quelque chose aussi dans sa restitution des montants qu'il avait réclamés pour les dépenses irrecevables?

M. Racine : Oui.

Le sénateur Plett : En le lui ordonnant ou bien en a-t-il pris l'initiative?

M. Racine : Il s'en est ouvert à moi.

Le sénateur Plett : Merci.

Le sénateur Housakos : Je sais qu'un groupe d'âge important pour le travail de M. Racine, qui rapporte beaucoup, est celui des 20 à 35 ans. Il devrait se rappeler que sa programmation, quelle qu'elle soit, devrait le viser. Je ne fais que donner suite aux propositions de mes collègues Dawson et Greene.

Je voudrais encore parler des revenus. Revenons aux résultats nets en particulier, parce que je crois que l'objectif de nous tous est de nous assurer qu'il y a un radiodiffuseur national viable qui offre du contenu canadien. C'est également une de mes préoccupations principales.

Tout ce que j'ai entendu de la part des défenseurs de Radio-Canada, c'est que la seule façon de régler le problème est d'obtenir davantage d'argent du gouvernement fédéral. Même mon collègue, le sénateur Eggleton, continue de faire référence aux subventions fédérales plus qu'à toute autre chose lorsqu'il pose des questions. Je le comprends, il fait partie de l'un des convertis à la cause de Radio-Canada puisque lorsqu'il était membre du gouvernement précédent, il y a eu des coupes sauvages au budget de Radio-Canada.

Une voix : Oh, oh.

Le sénateur Housakos : Il me semble que la subvention est passée d'un rapport de 3 $ à 1 $, si je me fie au gouvernement actuel.

Monsieur Racine, ce qui me préoccupe davantage, c'est que les revenus de la publicité diminuent à un taux encore plus élevé au cours des dernières années que celui des réductions faites aux subventions. Le gouvernement effectue des compressions et continuera de le faire, quel que soit le parti politique au pouvoir.

Quelle est la vision du conseil pour arrêter l'hémorragie des revenus? Hockey Night in Canada constituera inévitablement un morceau majeur pour la CBC.

Je vais vous poser toutes mes questions. En ce qui concerne Radio-Canada et la CBC, je crois, en tant que Québécois, que Radio-Canada offre un service important aux francophones du pays. Les cotes d'écoute sont respectables. Ce qui m'inquiète cependant, c'est que chaque fois qu'il y a des compressions à la CBC et à Radio-Canada, ces compressions sont effectuées sur toute la ligne. Le conseil a-t-il l'impression que les compressions ont été appliquées de façon équitable? Selon mon expérience du monde des affaires, s'il y a un service qui n'est pas performant... vous avez indiqué avec raison que lorsqu'une émission est mal reçue, vous la changez.

Le conseil a-t-il l'impression que les pertes de revenus subies au cours des dernières années par la CBC sont plus élevées que celles connues à Radio-Canada? Je présume que les revenus de Radio-Canada sont un peu plus élevés que ceux de l'antenne anglophone, si je me fie à la cote d'écoute. Je vous invite à vous prononcer là-dessus.

Troisièmement, pouvez-vous nous dire combien d'employés de la CBC et de Radio-Canada touchent une pension, sont à la retraite ou encore sont à la retraite depuis de nombreuses années, et pourtant travaillent encore à la CBC et à Radio-Canada à titre de contractuels en effectuant le même travail qu'ils ne le faisaient avant de prendre leur retraite, la seule différence étant que ce sont des contractuels?

Ma dernière question porte sur les ombudsmans. Nous avons rencontré les deux ombudsmans, c'est-à-dire celui de la CBC et de Radio-Canada. Je crois qu'ils font un travail louable. Cependant, moi-même et le comité sommes préoccupés du fait que ces gens sont embauchés par le président et lui rendent des comptes. C'est incroyable. Il n'y a absolument aucune distance entre les personnes sur lesquelles les ombudsmans enquêtent, pour ainsi dire, et les personnes à qui ils doivent rendre des comptes. Ne serait-il pas plus approprié si les ombudsmans rendaient des comptes au conseil d'administration qui en a la responsabilité? Voilà mes quatre questions.

M. Racine : Je vais aller dans le sens inverse en commençant par votre quatrième question.

Les deux ombudsmans sont effectivement embauchés par le PDG qui nous indique la personne recrutée et les raisons qui ont motivé son recrutement.

Quant aux rapports, c'est nous qui les recevons. Les ombudsmans nous envoient un rapport et remettent un rapport annuel au chef des informations. Nous avons également des séances à huis clos avec les deux ombudsmans. Parfois des erreurs sont commises au sein du service des informations, ce que nous prenons au sérieux.

À l'heure actuelle, c'est le PDG qui nomme les ombudsmans, mais nous en sommes informés. J'ai l'impression qu'il s'acquitte bien de sa tâche, c'est-à-dire trouver la personne qui convient pour nous faire rapport. C'est nous qui recevons les rapports, pas le PDG.

J'ai déjà répondu à votre troisième question qui portait sur...

Le sénateur Housakos : Les pensions.

M. Racine : Oui, je vous fournirai ces renseignements.

Le sénateur Housakos : La deuxième question portait sur Radio-Canada et la CBC, et le fait qu'à mon avis, Radio-Canada soit pénalisée injustement lorsqu'il y a des compressions généralisées.

M. Racine : C'est une excellente question. Au cours des dernières années, nous avons effectué des compressions à deux ou trois reprises. Lorsque nous le faisons, nous ne pensons pas au français ou à l'anglais, mais plutôt aux nouvelles locales et à nos émissions diffusées à la télé.

On dit que l'antenne francophone reçoit 40 p. 100 et l'antenne anglophone 60 p. 100, mais en fait l'antenne francophone reçoit plus de 40 p. 100. Elle réussit des choses formidables et mérite bien cet argent. Du côté anglophone, nous investissons l'argent là où, à notre avis, le besoin existe et où il faut des services.

Nous ne pensons pas à la question linguistique; nous étudions toutes sortes de services. Malgré la qualité robuste de certains services et le fait que nous ne voulons pas réduire la couverture locale, les nouvelles locales sont parfois touchées par les compressions que nous devons appliquer de façon généralisée.

[Français]

Le sénateur Housakos : Êtes-vous d'accord pour dire que le rôle et le mandat de Radio-Canada sont différents de ceux de la CBC? Êtes-vous d'accord avec le fait que la clientèle, les objectifs, la compétition et le marché sont différents?

M. Racine : Oui, je suis d'accord.

Le sénateur Housakos : J'ai toujours dit que le gouvernement devrait peut-être examiner la possibilité de créer deux entités indépendantes, une qui sert le Canada français et l'autre, le Canada anglais, parce que les marchés et les objectifs sont complètement différents. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Racine : Historiquement, les deux sociétés ne communiquaient pas. Mais, aujourd'hui, avec les technologies, elles doivent de plus en plus travailler ensemble. Elles ont chacune une programmation indépendante, mais sur le plan de l'infrastructure, il y a énormément de gains et de synergie à utiliser les mêmes infrastructures. De plus en plus, les deux sociétés y voient des gains.

Évidemment, elles vont les recevoir, parce que l'objectif est de prendre la totalité de l'argent et de la réinvestir le plus possible dans le contenu. Si les deux entités avaient des infrastructures séparées, cela coûterait beaucoup plus cher.

Le président : J'ai une question supplémentaire sur le même sujet. Quand Radio-Canada a perdu La Soirée du Hockey, vous avez coupé l'équipe sportive de Radio-Canada presque au complet, et cela n'a pas eu d'effet sur le Canada anglais. Par ailleurs, quand la CBC a perdu Hockey Night in Canada, vous n'êtes pas sans savoir que cela a eu un impact sur Radio-Canada à Moncton et à Saint-Boniface.

Donc, s'il n'y a pas d'équilibre entre les sociétés francophone et l'anglophone, il y a certainement, dans ce cas précis, une action qui a été posée différemment, qui a eu un effet de distorsion et qui a affecté les francophones.

M. Racine : D'abord, la perte du hockey a causé beaucoup de pertes d'emploi à Toronto. L'équipe des sports est de beaucoup diminuée, parce qu'il n'y a plus de hockey à couvrir. Je ne connais pas la situation de La Soirée du Hockey, je n'étais pas là.

Je vais vous résumer cela en gros. La perte du hockey, c'est la perte de 375 heures de contenu canadien que représentait La Soirée du Hockey. Je vous rappelle que, si on avait gagné le hockey, cela aurait coûté plus cher.

Le président : Aucun des témoins qui ont témoigné devant le comité n'a contesté cette perte, je peux vous l'assurer.

M. Racine : Je rappelle que la perte de revenu du hockey, c'est la perte de 375 heures de télé qui ne nous coûtaient à peu près rien. Le hockey, c'était un revenu moins des dépenses, et cela équivalait à zéro, puis on avait 375 heures de télé gratuites. On avait aussi une plateforme pour vendre notre contenu qui était fantastique.

Je ne suis pas d'accord avec les gens qui disent que la perte du hockey a eu des répercussions. Proportionnellement, les compressions du côté français n'ont pas été plus importantes que celles du côté anglais.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Ma première question s'ajoute à celle du sénateur Housakos, qui a posé une question sur les ombudsmans.

Nous avons entendu les ombudsmans il y a quelques mois, et j'ai posé une question à l'ombudsman responsable de l'antenne anglophone sur certaines de ses méthodes de travail. Je vous répéterai les questions que je lui ai posées, et ensuite j'aimerais savoir si le conseil établit des paramètres ou non quant à la méthode de travail des ombudsmans, ou si il ou elle a une entière latitude quant à sa façon d'aborder les dossiers. Vous avez dit que la qualité des rapports vous préoccupe énormément.

J'ai soulevé un incident où il m'a semblé qu'une personne avait été la cible de propos diffamatoires à l'émission « The National », ce qui est grave. Une plainte a été déposée. J'ai demandé à l'ombudsman si, dans une telle situation, elle entendrait à la fois le journaliste et l'auteur de la plainte. Sa réponse était que non, elle rencontrerait seulement le journaliste. J'ai trouvé cela étrange qu'elle ne rencontre qu'une des deux parties concernées par la plainte. Même devant les tribunaux, les deux parties peuvent se faire entendre.

Êtes-vous concerné par ce type de politique, c'est-à-dire lorsque les ombudsmans n'entendent pas forcément les deux parties?

M. Racine : Le mandat des ombudsmans, qui est approuvé par le conseil, a fait l'objet d'un examen par la plupart des membres actuels du conseil il y a quelques années. À l'époque, nous avons embauché un consultant et nous avons examiné ce qui se faisait presque partout ailleurs, car nous estimions que la question était importante. Les ombudsmans suivent les règles consignées dans leur manuel. Nous avons examiné ces règles et nous avons également étudié les mandats de toutes sortes d'ombudsmans au monde, dans le secteur privé et public, dans le secteur médiatique et ailleurs. Après avoir apporté quelques changements, nous avons approuvé les nouvelles règles qui sont appliquées actuellement.

Je ne connais pas les détails du cas que vous avez évoqué, mais il me semble que les ombudsmans font du bon travail. Ce n'est pas facile. Les ombudsmans s'acquittent plutôt honorablement d'une tâche difficile; j'en suis impressionné. Je dois également ajouter que nos deux ombudsmans sont les meilleurs que je n'aie jamais vus.

Le sénateur Plett : Les modalités de leur mandat sont-elles publiques?

M. Racine : Probablement. Je ne le sais pas, mais probablement.

Le sénateur Plett : J'aimerais savoir si elles sont publiques et comment je peux mettre la main dessus.

Le président : Vous pourrez transmettre ces informations au greffier, qui les communiquera ensuite aux membres.

Le sénateur Plett : J'ai encore une autre question. Dans votre déclaration, vous avez indiqué que d'ici 2020, la société aura perdu 1 500 employés. Je vais me servir d'un exemple à titre d'illustration.

Nous nous sommes déplacés dans le cadre de notre étude. Nous nous sommes rendus dans la grande ruche de Toronto, un édifice à 10 étages, et nous avons également visité les installations à Halifax.

M. Racine : Le nouvel édifice?

Le sénateur Plett : Non, l'ancien. Lorsque nous étions là, les employés nous ont montré leur nouveau studio de production qui a coûté environ 800 000 $. Il me semble que c'est bien le coût. Après avoir dépensé 800 000 $ pour faire construire ce studio de production, la société a licencié six employés. Les réductions des effectifs ne sont pas toujours causées par les compressions du gouvernement, mais parfois par des gains d'efficacité. C'est bien le cas dans mon exemple. Grâce au licenciement de ces six employés, la société pourra récupérer les dépenses de 800 000 $ dans un an ou deux. J'aimerais en féliciter la société.

De plus, lorsque nous étions à Toronto pour visiter cet édifice à 10 étages, j'ai posé une question au monsieur qui nous accompagnait. Si la CBC devait maintenant construire des installations uniquement pour la CBC, comme c'était le cas de l'édifice à l'origine, dont une partie est maintenant louée à d'autres, ce qui est formidable pour les revenus, de quelle taille serait l'édifice? On m'a répondu cinq étages. C'est donc 50 p. 100 de l'édifice actuel. Je sais que la CBC tente de vendre beaucoup de ses biens ou de les louer.

Tout cela est-il en réaction aux 115 millions de dollars en moins que vous recevez en crédits parlementaires, ou est-ce tout autant parce que la CBC et vous-même, le président du conseil, avez décidé qu'il faut se serrer la ceinture et accroître l'efficacité? Je le dis parce que vous devenez plus efficace à plusieurs égards. Ou est-ce le résultat du fait de la disparition de Hockey Night in Canada et des 115 millions de dollars?

M. Racine : J'étais le premier membre du conseil d'administration à être nommé président du comité chargé des biens immobiliers. L'immobilier coûte cher à Radio-Canada. Si nous devions refaire Radio-Canada, nous n'aurions pas d'édifice à Toronto ni à Montréal, car de nos jours, nous n'avons même pas besoin de la moitié de l'édifice situé à Toronto.

À Halifax, nous sommes passés de 160 000 à 180 000 pieds carrés à 38 000 pieds carrés. Je pourrais vous fournir de nombreux autres exemples de superficie dont nous n'avons pas besoin. À Saskatoon, nous sommes passés de 30 000 à 5 000 pieds carrés, et nous sommes toujours en mesure de diffuser le bulletin de nouvelles depuis le studio qui y est situé.

Le sénateur Plett : Je ne veux pas que vous touchiez à Winnipeg.

M. Racine : À Montréal, nous allons effectuer des réductions en passant de 100 à 30, de 1,3 à environ 400. C'est ce qui est prévu. Est-ce une réaction? Non. Nous avions commencé le processus avant la compression de 2011; c'était en 2010. Le conseil et la gestion étaient d'avis, après avoir visité les studios, que ce modèle n'était plus efficace. Lorsqu'on visite les locaux de Montréal et de Toronto, on a un sentiment de grandeur et non pas d'efficacité. Si l'on va à Halifax ou à Saskatoon, on sent que nous sommes efficaces et même que l'on ne pourrait pas être plus efficace. Bien évidemment, nous devons changer la superficie de chacun de nos bureaux, et c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Plett : Une fois que vous aurez terminé ce programme, savez-vous quelles seront les économies générées pour Radio-Canada?

M. Racine : Je devrais le savoir. Je sais où trouver le chiffre et je vous le transmettrai. Nous faisons un suivi de ce dossier. Nous avons fixé un objectif en 2011, et nous le poursuivons. D'ici 2019, je crois que le programme sera terminé. C'est bien évidemment un projet de longue haleine.

Il nous reste 15 minutes. J'ai quatre sénateurs sur ma liste pour la deuxième série de questions. Je vous demande de partager le temps qui reste aussi honorablement que possible.

Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec le sénateur Housakos pour dire que oui, les anciens gouvernements de tous les partis politiques ont tous effectué des compressions, mais les compressions du gouvernement actuellement au pouvoir sont exagérées. Je vous entends dire constamment qu'il faut vivre selon ses moyens, mais ces moyens sont plutôt maigres.

Dans votre déclaration, vous avez parlé des « restrictions des dépenses gouvernementales, couplées à un modèle publicitaire qui ne fonctionne plus ». Permettez-moi d'aborder ce modèle publicitaire qui ne fonctionne plus. Si c'était à vous, préfériez-vous qu'il n'y ait aucune publicité à Radio-Canada?

M. Racine : Non, je crois que la publicité est une bonne chose. C'est très utile d'avoir diverses sources de revenus. Nous devons en être méritants. C'est positif. Je crois que notre modèle est très sain.

Le sénateur Eggleton : Est-ce rentable maintenant, depuis que vous avez perdu les droits de diffusion des matchs de hockey? Dans certains documents que j'ai consultés plus tôt, vous arrivez à peine à recouvrer les dépenses par les revenus perçus. Ai-je bien raison?

M. Racine : Non, non. Vous parlez des coûts associés aux ventes?

Le sénateur Eggleton : Je crois que oui, dans le cas de l'antenne anglophone de la télévision de CBC?

M. Racine : Nous avons bien sûr réorganisé notre service des ventes pour l'aligner davantage sur notre objectif, mais nous sommes toujours en plutôt bonne posture.

Le sénateur Eggleton : En plutôt bonne posture, mais vous parlez d'un modèle publicitaire qui ne fonctionne plus. Comment allez-vous le réparer?

M. Racine : Vous parlez du coût des ventes, vous m'avez posé une question...

Le sénateur Eggleton : Je parle de votre déclaration.

M. Racine : Si vous me demandez si notre société devrait faire passer de la publicité ou non, je vous répondrai que oui. Je crois que les diffuseurs par câble et par satellite devraient nous payer pour le contenu de notre chaîne principale.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous mis sur pied un programme pour essayer de compenser les pertes de revenus publicitaires, par exemple, celles liées à Hockey Night in Canada, ou encore pour accroître les revenus publicitaires d'une autre façon? Allez-vous augmenter la publicité à la radio, ou avez-vous d'autres projets en tête?

M. Racine : Nous ne prévoyons pas avoir davantage de publicité à la radio qu'à notre première chaîne. Nous estimons que notre mandat consiste à offrir des chaînes de radio nationales et locales gratuitement, et nous n'allons pas changer cette politique actuellement.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

La sénatrice Batters : J'aimerais brièvement retourner au dossier Jian Ghomeshi en lien avec une autre question pour le conseil d'administration de la CBC, mais ce que j'aimerais savoir...

Le sénateur Eggleton : J'invoque le Règlement.

Le président : Écoutons la question avant de faire un rappel au Règlement.

Le sénateur Eggleton : Elle a dit qu'elle va revenir au dossier de Jian Ghomeshi.

Le président : S'il s'agit d'une question de processus...

La sénatrice Batters : C'est le cas.

Le sénateur Eggleton : J'invoque le Règlement, car nous continuons à nous éloigner des paramètres de l'étude établie par le Sénat. L'étude sénatoriale porte sur l'avenir des radiodiffuseurs publics. Je peux vous lire le mandat. Il figure au début de chaque note de service. Or, nous nous préoccupons de questions de gestion quotidienne, de vérifications. J'ai l'impression que nous voudrions tous devenir vérificateurs. Cela va au-delà des paramètres de l'étude.

La sénatrice Batters : À mon avis...

Le sénateur Eggleton : Je m'y oppose.

Le président : Je l'ai déjà dit, et je veux que ce soit clair. Si on s'en tient au même sujet, s'il s'agit d'une question de processus...

Le sénateur Eggleton : Je pense que c'est un problème, mais qu'il ne fait pas partie de notre mandat.

Le président : Si votre intervention se rapporte à la procédure entourant les réactions du conseil, l'avenir de CBC/ Radio-Canada est entre les mains de celui-ci. Si on juge que le conseil gère mal des questions aussi importantes que celle-ci, je ne veux aucun détail. Je comprends, mais je ne vous laisserai terminer votre question que si elle touche la procédure. Dans le cas contraire, je dirai à M. Racine qu'il n'est pas tenu de répondre.

La sénatrice Batters : Je veux simplement dire...

Le président : Vous aussi pouvez intervenir.

Le sénateur Plett : La première fois que la sénatrice Batters a posé la question, monsieur le président, M. Racine a très clairement parlé de la célébrité de l'individu, je crois. Cette célébrité explique certainement, selon moi, pourquoi la situation est différente de la façon dont la société aurait simplement procédé avec tout journaliste ordinaire sur le terrain. Puisque la façon dont CBC/Radio-Canada gère ses cadres et ses employés intéresse l'ensemble du pays, je trouve la question fort pertinente dans le cadre de notre étude.

La sénatrice Batters : J'ajouterais qu'on a probablement accordé plus d'attention à cette question qu'à tout autre enjeu de CBC/Radio-Canada depuis des années. Je crois donc qu'obtenir des réponses à ce sujet est essentiel à l'avenir de la société et à sa crédibilité.

Le président : Et quelle est votre question?

Le sénateur Plett : Veuillez la poser.

La sénatrice Batters : À quel moment le conseil de CBC/Radio-Canada et vous avez-vous entendu parler pour la première fois des graves allégations à propos de Jian Ghomeshi, et qu'avez-vous alors fait à cet égard?

Vous avez dit tout à l'heure que l'ensemble du conseil tient régulièrement des rencontres huit fois par année. Vous nous avez également dit ce soir que le conseil a été avisé quelques heures avant que Jian Ghomeshi ne soit congédié. Pourriez-vous s'il vous plaît répondre à ces deux questions particulières? Merci.

M. Racine : Nous avons été avisés quelques heures avant, et avons été informés à la rencontre suivante du conseil de ce qui s'est passé et de la nomination de notre enquêteur spécial — il s'agissait essentiellement de ce qu'a fait la gestion. Nous avons été renseignés à la séance suivante, et nous avons posé des questions. Le conseil est satisfait de la façon dont la gestion a géré la situation. Voilà tout.

La sénatrice Batters : Vous avez donc été mis au courant pour la première fois quelques heures plus tôt?

M. Racine : Oui, nous n'en avions jamais entendu parler auparavant.

Le sénateur Greene : J'ai une question qui n'a rien de simple. Supposons que tout le monde a pour objectif de diffuser un bon contenu canadien — c'est le Saint-Graal de la radiodiffusion canadienne; croyez-vous que l'ensemble des Canadiens et des contribuables en auraient plus pour leur argent si les sommes que le Parlement a accordées à CBC/Radio-Canada, qui s'élèvent probablement aujourd'hui à 800 000 $ par année...

M. Racine : C'est un peu plus.

Le sénateur Greene : 850 000 $?

M. Racine : Non, 950 000 $.

Le sénateur Greene : Wow, bon sang, 950 000 $.

Cet argent pourrait-il être mieux dépensé s'il était versé à des fournisseurs de contenu par l'intermédiaire du Fonds des médias du Canada, de Téléfilm ou d'une organisation quelconque, plutôt qu'à CBC/Radio-Canada, qui consacre beaucoup d'argent à la gestion et au reste?

M. Racine : Non, je ne crois pas. Même si certains ont l'impression que nous dépensons beaucoup en gestion, la grande majorité de nos investissements sert au contenu.

Je ne dis pas que la société est parfaite, mais simplement que la grande majorité de nos investissements...

Le sénateur Greene : Dans quelle mesure? Sur les 950 000 $, environ combien d'argent serait selon vous versé aux fournisseurs de contenus canadiens pour les histoires, si vous pouviez décortiquer la somme ainsi?

M. Racine : Je l'ignore. Je pourrai vous faire parvenir le chiffre. Plutôt que de répondre au hasard, je vais vous fournir cette somme.

Le sénateur Greene : Pourquoi croyez-vous que nous ayons besoin de CBC/Radio-Canada sous sa forme actuelle comme fournisseur de contenu canadien?

M. Racine : Je pense que nous avons besoin de CBC/Radio-Canada pour toutes sortes de raisons. La société met en valeur les artistes canadiens et fournit des nouvelles locales, nationales et internationales aux Canadiens.

Le sénateur Greene : Les chaînes privées aussi, mais on pourrait théoriquement obliger ces chaînes par voie réglementaire à diffuser un plus important contenu canadien.

M. Racine : Ils en diffusent moins que nous.

Le sénateur Greene : C'est vrai maintenant, mais ce ne serait pas nécessairement le cas à l'avenir.

M. Racine : Les chaînes privées exploitent une entreprise; s'il est dans leur intérêt commercial d'acheter et de diffuser du contenu américain sur leur réseau pour obtenir de la publicité, elles vont le faire.

En revanche, je pense que nous avons une obligation. C'est d'ailleurs justement pour diffuser un contenu canadien aux Canadiens et pour mettre en valeur les artistes d'ici que nous existons. Nous sommes là pour divertir et informer les Canadiens. C'est notre raison d'être.

Le sénateur Greene : Et vous ne croyez pas que l'argent pourrait être mieux dépensé, pour ce qui est du contenu canadien, si tout était versé aux fournisseurs de contenu canadien, aux producteurs et aux autres, qui racontent des histoires...

M. Racine : C'est ce que nous faisons et la direction dans laquelle nous allons. Sur le plan du contenu, nous voulons être l'endroit où les organisations choisiront les meilleurs producteurs au Canada afin de mettre en valeur les talents. Voilà donc ce que nous faisons.

La sénatrice Unger : Monsieur Racine, ma question porte sur les régimes de retraite. D'après la partie du rapport annuel de 2013 de CBC/Radio-Canada qui a trait au régime de retraite de la société, les prestations de retraite ont représenté 263,2 millions de dollars en 2013, alors que les revenus du régime étaient de 104 millions la même année, la société ayant versé 58 millions de dollars, et les employés, 48 millions. Voilà qui représente un déficit de 159,5 millions de dollars. CBC/Radio-Canada compte actuellement 9 454 prestataires, mais vous le savez probablement déjà.

Compte tenu du déclin de la totalité des recettes publicitaires de CBC/Radio-Canada, et du déficit que la société enregistrera même si elle passe à un financement à parts égales, comment allez-vous compenser chaque année le manque à gagner du régime actuel?

M. Racine : Le grand écart est attribuable au fait que nous avons plus de prestataires que de gens qui contribuent au régime. Lorsque nous diminuons la taille de l'effectif et que le nombre de prestataires n'augmente pas, la caisse de retraite diminue, mais c'était prévu depuis des années par la commission des pensions. Nous étions au courant de cette courbe. Je crois savoir que la caisse de retraite se porte bien. Il est vrai que le total des actifs diminue, mais les chiffres baisseront avec la réduction de l'effectif.

La sénatrice Unger : Alors que le nombre de prestataires diminue, ne croyez-vous pas que la situation deviendra critique à un moment donné?

M. Racine : Ce n'est pas du tout ce que montrent nos analyses.

La sénatrice Unger : Même avec le déclin des recettes publicitaires?

M. Racine : Non, puisque nous considérons le régime de retraite comme un coût. Puisqu'il ne relève pas de CBC/ Radio-Canada, nous devons le payer. Les employés y contribuent, et la caisse de retraite n'est pas gérée par nous. Il s'agit d'une organisation indépendante dont nous ne sommes pas responsables. Nous nommons le président de la caisse de retraite, de même que certains membres. Les employés aussi nomment des membres. Nous avons un rapport annuel, qui montre que tout va bien. C'est ce que démontre le rapport aussi. C'est ce qu'il dit.

La sénatrice Unger : Y a-t-il un rapport autre que celui-ci?

M. Racine : Non.

Le sénateur Housakos : Monsieur le président, vous avez présenté en début de séance une résolution de l'Assemblée nationale, que tous les membres du comité ont lue, je crois. Est-ce vous qui l'avez déposée, monsieur le président?

Le président : Ce que j'ai demandé en début de séance c'était comment il est possible qu'on ne nous ait pas avisés du dépôt de la résolution. La sénatrice Unger a soulevé la question de la participation du Québec dans la défense de la télévision francophone hors de la province. J'ai fait des recherches, et c'est ainsi que je suis tombé sur cette résolution.

Le sénateur Housakos : Le Parlement du Québec a-t-il demandé à intervenir ou à comparaître devant nous?

Le président : Non, pas du tout.

Le sénateur Housakos : Pour ce qui est de cette résolution, il est formidable de constater une telle unanimité en faveur de Radio-Canada. La seule chose que je puisse dire à nos homologues parlementaires du Québec, c'est que de la même façon qu'ils montent aux barricades dès que le Parlement fédéral empiète sur leur champ de compétence, je pense qu'ils devraient nous laisser faire notre travail.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : S'ils tiennent autant à CBC/Radio-Canada, peut-être pourraient-ils verser à la société quelques centaines de millions de dollars des 9 milliards qu'ils reçoivent en péréquation. Le président accepterait ces fonds avec plaisir pour combler une partie du manque à gagner. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président : Je suis encore inquiet de l'absence de procédure entourant ce genre de résolution. Il n'y a aucune communication. Même si le Sénat l'avait reçue, nous n'en avions pas été informés. Je pense qu'il s'agit là d'un problème de procédure, sans compter que la seule raison pour laquelle je suis même tombé dessus, c'est que la sénatrice Unger m'avait demandé de faire des recherches sur la position du Québec à propos de CBC/Radio-Canada hors de la province.

La sénatrice Unger : Et s'agissait-il d'une déclaration commune?

Le président : Non, c'était une déclaration de l'Assemblée nationale. Je n'ai encore trouvé aucune déclaration commune.

La sénatrice Unger : Avec l'Ontario?

Le président : Non.

La sénatrice Unger : Je vois

[Français]

Le président : Monsieur Racine, avez-vous quelque chose à ajouter avant de terminer?

M. Racine : Je vous remercie de m'avoir écouté et de penser à la CBC et à son avenir.

Le président : Nous terminons à l'heure que nous vous avions prévue; merci de votre présence. Collègues, nous serons de retour à la fin janvier.

(La séance est levée.)


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