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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 13 - Témoignages du 17 février 2015


OTTAWA, le mardi 17 février 2015

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial des transports et des communications ouverte. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Ce matin, nous recevons Hubert T. Lacroix, président-directeur général, Heather Conway, vice-présidente principale des Services anglais, et M. Louis Lalande, vice-président principal des Services français de la Société Radio-Canada.

Monsieur Lacroix, nous sommes heureux de vous recevoir de nouveau. Vous avez comparu devant nous au mois de février 2014. Notre étude tire à sa fin, et votre témoignage nous sera très utile pour la rédaction de notre rapport qui commencera sous peu.

Par ailleurs, votre présence parmi nous gonfle nos cotes d'écoute ce matin. Nous vous en remercions.

Hubert T. Lacroix, président-directeur général, Société Radio-Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous rencontrer une deuxième fois dans le cadre de votre étude sur CBC/Radio-Canada.

Comme vous le disiez, je vous ai rencontrés il y a presque un an. À cette occasion, j'avais décrit quelques-uns des changements qui transforment le monde de la radiodiffusion, notamment la place de plus en plus importante que prend le contenu numérique. Je vous avais expliqué également comment CBC/Radio-Canada réagissait à cette situation en établissant des partenariats, en multipliant les collaborations et en innovant, comme nous l'avons fait avec succès pour présenter les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi.

[Traduction]

Depuis, vous avez eu l'occasion de rencontrer nos ombudsmans, nos directeurs de l'information, ainsi que nos gestionnaires et nos employés dans huit de nos établissements à travers le pays. Nous vous avons aussi communiqué les résultats d'enquêtes indépendantes menées auprès des auditoires, ainsi qu'une analyse de l'environnement donnant un aperçu de notre rendement, de notre industrie et des transformations qu'elle subit.

Pourtant, quand je prends connaissance des discussions du comité, je relève sans cesse les mêmes idées fausses à notre sujet. Par exemple, après 14 mois d'audiences, certains insistent encore pour dire que CBC Television est « un échec ». Ils avancent même comme preuve que seulement 2 p. 100 de la population de l'Alberta regarde CBC. Sénateurs, ces deux affirmations sont fausses.

Premièrement, selon Numeris (BBM) — l'entreprise qui mesure les cotes d'écoute au Canada — l'auditoire de CBC Television aux heures de grande écoute en Alberta est de 8 p. 100. La part d'auditoire de CBC Television aux heures de grande écoute dans tout le Canada est de 8,2 p. 100. Pour se situer, CTV obtient 12,3 p. 100 de part d'auditoire et Global 7,8 p. 100 avec, je vous le rappelle, des grilles de programmation remplie d'émissions américaines. L'offre de CBC est, pour sa part, largement composée d'émissions canadiennes. Tous les autres télédiffuseurs ont des parts d'écoute inférieures à 4 p. 100.

Si nos chiffres font de CBC Television un « échec », alors tous les radiodiffuseurs sont des échecs.

Laissez-moi vous expliquer ce qu'une part d'auditoire de 8,2 p. 100 représente. Ce sont les 1,9 million de Canadiens qui ont regardé le premier épisode de The Book of Negroes; les 1,6 million de téléspectateurs qui suivent l'émission Schitt's Creek; le près d'un million de Canadiens qui regardent toutes les semaines 22 Minutes, Rick Mercer Report, Murdoch Mysteries, Dragons' Den et Heartland. C'est en moyenne 862 000 Canadiens qui regardent quotidiennement The National à CBC News Network et sur CBC Television. Cela fait des millions de Canadiens qui apprécient les émissions canadiennes que nous leur présentons à CBC Television.

Est-ce que les cotes d'écoute sont importantes? Bien sûr qu'elles le sont. On ne peut pas être un radiodiffuseur public sans public. Les cotes d'écoute sont également importantes du fait que les revenus publicitaires représentent entre 20 et 25 p. 100 de notre budget. Oui, dans notre modèle de financement, les revenus publicitaires sont essentiels aux services que nous offrons aux Canadiens.

Mais notre mandat ne se résume pas à récolter des cotes d'écoute. Nous devons être pertinents pour les citoyens. C'est pourquoi la portée — c'est-à-dire le nombre de personnes qui utilisent mensuellement un de nos services — est aussi importante que les cotes d'écoute. Sachez que la portée de CBC/Radio-Canada est de 87 p. 100 : 87 p. 100 des Canadiens regardent ou écoutent leur radiodiffuseur public chaque mois.

Je comprends qu'il puisse être difficile de suivre le rythme auquel l'industrie de la radiodiffusion se transforme. C'est pourquoi j'aimerais qu'en élaborant votre rapport, vous ayez en tête les quatre défis majeurs du radiodiffuseur public : premièrement, comment, dans le contexte actuel, continuer à investir dans les émissions et les services canadiens; deuxièmement, comment continuer à rejoindre les Canadiens avec des émissions canadiennes de qualité quand ils ont accès à un nombre presque illimité de choix provenant de partout dans le monde; troisièmement, comment servir les Canadiens qui adoptent rapidement les plateformes numériques, sans pour autant laisser pour compte ceux qui utilisent toujours nos services traditionnels; et quatrièmement, comment faire en sorte que nous soyons capables de répondre à toutes ces attentes dès maintenant, tout en restant suffisamment stables financièrement pour éviter d'avoir à réduire notre personnel et nos services tous les ans, uniquement dans le but d'équilibrer notre budget.

Ce sont ces défis auxquels nous faisons face. Et voici ce que nous faisons pour les surmonter.

[Français]

En juin, nous avons lancé notre plan stratégique qui nous guidera vers 2020. Notre priorité est d'investir nos ressources dans nos émissions de télévision aux heures de grande écoute, dans nos émissions de radio à succès et dans le développement de contenu pour nos plateformes mobiles et numériques.

Pour réaliser cette transformation, des investissements importants seront nécessaires et, puisque nos crédits parlementaires ne cessent de diminuer, qu'ils ne sont pas ajustés pour tenir compte de l'inflation et que les revenus publicitaires migrent vers les plateformes numériques, nous sommes obligés d'éliminer certains de nos services et de nous départir d'artisans de talent afin de trouver les sommes requises pour réaliser cette transformation.

Notre objectif est de doubler la portée numérique de CBC/Radio-Canada d'ici 2020, afin que 18 millions de Canadiens — soit un sur deux — utilisent nos services numériques chaque mois et que trois Canadiens sur quatre répondent, par sondage, que Radio-Canada ou la CBC est très importante pour eux personnellement.

Vous savez — puisque cela a été mentionné à plusieurs reprises par les témoins qui se sont présentés devant vous — que beaucoup de Canadiens aimeraient qu'on en fasse plus; plus de nouvelles locales et plus d'émissions canadiennes à la radio, à la télévision et sur le Web. Cependant, notre situation financière actuelle ne nous permet tout simplement pas d'offrir des services additionnels.

[Traduction]

Depuis des mois, je parle d'un modèle de revenus qui ne fonctionne plus. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le dire. Les dirigeants de CTV et de Rogers le disent aussi parce que tous les télédiffuseurs traditionnels sont touchés. Cette situation menace l'existence même des émissions canadiennes, particulièrement le contenu local, autant les émissions de nouvelles que les autres genres.

Nous, à CBC/Radio-Canada, nous concentrons sur ce que nous devons faire pour surmonter ces défis. Nous nous sommes adaptés rapidement et nous avons fait des progrès considérables pour maximiser nos ressources et rationaliser nos activités. Peu de diffuseurs publics dans le monde, voire aucun, offrent plus de services pour moins cher que CBC/ Radio-Canada.

Nous avons aussi prouvé qu'en ciblant nos investissements, nous pouvions être des leaders de l'industrie dans des secteurs comme les informations disponibles en format numérique. Nous continuons donc de réaffecter nos ressources et de réaliser des économies, mais notre situation actuelle n'est plus viable à long terme.

Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. L'univers médiatique est à la croisée des chemins. Il est de plus en plus dominé par les géants mondiaux des plateformes numériques, comme Google, Facebook, Amazon, Apple et Netflix, pour n'en nommer que quelques-uns. Cette période de changements radicaux sera également une occasion formidable pour les communautés qui auront la présence d'esprit et le leadership de saisir la chance qui s'offre à elles.

Certains pays ont déjà commencé à prendre des mesures pour investir dans la production de contenus nationaux — c'est ce que font entre autres l'Union européenne, le Royaume-Uni et la Chine. Au cours des deux prochaines années, le Royaume-Uni, d'où vous revenez, planifiera et débattra la manière dont son radiodiffuseur public peut jouer un rôle de premier plan, non seulement en Grande-Bretagne, mais dans le monde entier.

Que fera le Canada? Je ne souhaite qu'une chose : que le rapport de ce comité mette CBC/Radio-Canada au défi de faire tout ce qu'elle peut faire pour le pays à l'ère numérique. Si le Canada veut jouer dans cette ligue, il devra se donner les moyens de le faire. Aucun pays autre que les États-Unis ne croit que la seule loi du marché peut rendre la chose possible. Avec les bons appuis et la même approche publique/privée qui sert les Canadiens depuis 80 ans, on peut être meilleurs que n'importe qui d'autre. Nous sommes aussi créatifs, efficaces et ambitieux que quiconque dans le monde.

Alors, mettez-nous au défi. Pas d'être comme les autres, mais d'être extraordinaires. Donnez-nous les outils de base pour rivaliser avec les autres et nous rayonnerons.

Merci de m'avoir écouté, sénateurs.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur Lacroix, de votre présence aujourd'hui. Vous avez déjà glissé un mot de votre plan stratégique.

Je veux d'abord vous féliciter pour l'émission The Book of Negroes. J'ai regardé toute la série et j'ai trouvé cela excellent. Je ne pense pas tout à fait la même chose de Schitts Creek, mais j'ai bien aimé The Book of Negroes. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui regardent Schitts Creek, et j'en fais partie; je ne crois tout simplement pas que ce soit des émissions de qualité comparable.

Comme vous l'avez mentionné, nous étions à Londres la semaine dernière. En trois jours et demi à peine, nous avons eu une bonne vingtaine de réunions que je qualifierais de productives. Nous avons rencontré les cadres de la BBC. Nous avons rencontré les membres de la Chambre des lords qui sont responsables de la BBC. Nous avons rencontré les députés de la Chambre des communes qui rédigent actuellement un rapport dont j'ai bien hâte de prendre connaissance pour savoir quel modèle sera adopté pour le fonctionnement futur de la BBC, car certains estiment que la formule des droits de licence n'est pas appropriée. Elle semble plaire aux gens, mais ce n'est pas l'opinion de certains députés. Ils ont donc également de la difficulté à trouver le modèle de financement optimal.

Comme je l'indiquais, vous avez abordé la question de la planification stratégique, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage. Dans l'une de nos rencontres avec les représentants de la Chambre des lords, nous avons parlé de financement. Leur budget a été réduit de 20 p. 100. Je suppose qu'avec une formule de droits de licence, les compressions se font sentir différemment. On a notamment diminué leurs ressources disponibles en leur accordant des hausses de tarifs inférieures au taux d'inflation. De plus, la BBC a dû prendre en charge certains programmes dont le financement était auparavant assuré par d'autres sources. Au total, cela représentait donc une diminution de budget d'environ 20 p. 100. Leurs cotes d'écoute ont aussi partiellement chuté pendant la même période.

J'ai posé la question suivante à un des membres de la Chambre des lords : qu'avez-vous fait pour récupérer une partie de votre auditoire pendant cette période difficile? Il m'a essentiellement répondu que l'on avait misé sur une programmation de qualité. On s'est assuré de consacrer davantage de temps et d'argent aux efforts consentis pour relever la qualité des programmes afin que les cotes d'écoute repartent à la hausse. Ils avaient un plan stratégique très bien établi pour atteindre cet objectif, et les résultats ont été éloquents.

L'émission The Book of Negroes témoigne peut-être des efforts que vous avez déployés en ce sens, mais on ne pourra pas se contenter d'une seule minisérie à succès; nous devrons en faire davantage.

Est-ce que CBC Radio-Canada a son propre plan stratégique pour la conception d'émissions de qualité afin d'augmenter les cotes d'écoute? Qui est responsable de ce plan? Avant de répondre, pouvez-vous m'indiquer si vous avez bien parlé de 8,2 p. 100?

M. Lacroix : Oui.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas si c'était pour l'Alberta seulement ou l'ensemble du pays. Je crois que M. Racine a indiqué que c'était la moyenne nationale.

M. Lacroix : Oui, c'est 8 p. 100 en Alberta et 8,2 p. 100 à l'échelle nationale.

Le sénateur Plett : J'ai autant de difficulté à croire cela que vous en avez pour le 2 p. 100. Quoi qu'il en soit, je ne vais pas contester ces chiffres. C'est ce que vous nous indiquez, et nous pourrons bien sûr vérifier.

Les gens de la BBC nous ont dit qu'ils ont une part d'audience se situant entre 35 et 40 p. 100. Ils sont censés nous communiquer les chiffres exacts. Comment expliquez-vous cette différence? C'est un écart considérable, même si on ramène leur taux à un peu plus de 30 p. 100 alors que vous n'en êtes qu'à 8,2 p. 100. C'est toute une différence dans les cotes d'écoute. Vous avez dit avoir une portée de 87 p. 100.

M. Lacroix : Pour la portée, oui.

Le sénateur Plett : Les gens de la BBC ont indiqué que leur portée était de 98 p. 100. Nos analystes nous ont dit qu'elle était peut-être plutôt de 96 p. 100, mais disons qu'elle se situe entre 96 et 98 p. 100.

Pouvez-vous nous parler des distinctions entre les deux? Pouvez-vous me dire qui est en charge de votre plan stratégique? Est-ce que c'est vous? Est-ce que c'est le groupe qui vous accompagne?

M. Lacroix : Sénateur Plett, vous posez plusieurs questions et nous allons essayer de répondre à chacune d'elles. Je vais vous parler de la BBC et de son positionnement au Royaume-Uni. Heather est responsable de CBC et de sa stratégie, notamment pour ce qui est de la programmation, et elle va vous entretenir de cet aspect. Si vous souhaitez que Louis ajoute des précisions, il se fera un plaisir de le faire.

Dans ma déclaration préliminaire, j'ai souligné que le chef de file actuel au Canada est CTV avec une part d'auditoire de 12,8 p. 100, ce qui est loin des 35 ou 40 p. 100. Cela vous donne une idée de la fragmentation de l'auditoire du côté anglophone tout particulièrement. Les téléspectateurs ont accès au contenu offert par plus de 200 chaînes. Le contexte est complètement différent, la culture n'est pas la même et c'est le taux de 12,8 p. 100 du meneur au Canada qui doit servir d'indicateur et de base pour les comparaisons. C'est ainsi que l'on peut affirmer que CBC et CBC/Radio-Canada se tirent très bien d'affaire pour ce qui est notamment de la portée. Nous obtenons en fait d'excellents résultats qui nous permettent certaines semaines de décrocher la deuxième place au pays.

Heather, voulez-vous nous dire un mot de la programmation et de votre vision en la matière? Cet aspect est au cœur de la Stratégie 2020 que nous avons annoncée en juin 2014.

Heather Conway, vice-présidente principale, Services anglais, Société Radio-Canada : Avec plaisir.

Merci de vos bons mots au sujet de The Book of Negroes. Nous sommes très fiers de cette excellente émission canadienne issue d'un grand roman canadien adapté par un de nos meilleurs réalisateurs. Je m'en voudrais de ne pas profiter égoïstement de l'occasion pour faire la promotion de l'émission X Company qui débute demain soir sur CBC. C'est une autre très bonne émission canadienne qui traite de l'entraînement des agents des services secrets au camp X en Ontario durant la Seconde Guerre mondiale. Je vous encourage tous à regarder cette dramatique de grande qualité.

Comme Hubert l'indiquait, notre stratégie consiste à privilégier le contenu par rapport à tous les autres secteurs de dépenses au cours des cinq prochaines années. Ainsi, lorsque nous devons choisir entre des investissements dans les infrastructures, l'immobilier ou le contenu, c'est cette dernière option qui est retenue. Je pense qu'il est juste d'affirmer que nous n'avons pas eu la vie facile au cours des 10 dernières années, et surtout depuis cinq ans. Nous nous sommes retrouvés dans l'obligation de faire des compressions, et il a fallu bien souvent choisir de couper dans la programmation et, pour dire les choses bien franchement, dans la promotion de nos émissions, car c'est la solution la plus simple et la plus rapide.

Je travaillais auparavant dans le secteur du marketing, et je sais pertinemment qu'il est facile pour un gestionnaire qui veut réduire rapidement ses dépenses de sabrer dans celles qu'il n'a pas encore engagées en renonçant à faire la promotion de ses produits. On réduit donc les budgets de marketing. Les bonnes cotes d'écoute que nous avons obtenues cet hiver — que vous aimiez ou non l'émission Schitt's Creek que je trouve pour ma part plutôt amusante — s'expliquent notamment par les sommes que nous avons consacrées à la promotion parallèlement au contenu. C'est un point important à souligner.

Il ne suffit pas de se dire que l'on va se mettre à concevoir du contenu de qualité qui va obtenir la faveur populaire. Ce n'est pas chose facile. Pour notre part, cela exige de la collaboration. Nous ne produisons pas d'émissions dramatiques ou humoristiques à l'interne. Nous collaborons plutôt avec des centaines de producteurs indépendants capables de créer des émissions de grande qualité, en espérant faire les bons choix.

Nous entrons en concurrence avec certains autres réseaux pour obtenir ce contenu, mais sans doute pas dans la même mesure, car nous offrons 91 p. 100 de contenu canadien aux heures de grande écoute, ce qui n'est pas le cas des autres diffuseurs canadiens. Les parts de marché moins bonnes que nous obtenons au Canada comparativement à la BBC au Royaume-Uni s'expliquent notamment du fait que nous sommes voisins du plus grand marché de langue anglaise au monde, qui est aussi le plus grand créateur de contenu de divertissement.

Le sénateur Plett : Si je puis me permettre de vous interrompre, nous avons soulevé la question à maintes reprises et je peux vous assurer que les Britanniques en conviennent également. Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que cela pose, et ils le sont tout autant.

M. Conway : C'est un problème qui ne date pas d'hier. Il a toujours affecté l'évolution du secteur de la radiodiffusion au Canada. Les Britanniques ont ouvert leur marché au reste de la planète depuis une dizaine d'années, mais il était auparavant en grande partie dominé par la BCC et Channel 4. L'arrivée de Channel 5 a été une véritable révolution en Grande-Bretagne. Cette chaîne n'existait pas lorsque j'ai fait ma maîtrise là-bas dans les années 1980; la programmation était principalement américaine.

Nous nous sommes engagés à bien servir les Canadiens. J'estime que la production humoristique canadienne est tout aussi importante que le contenu dramatique. L'humour est un produit culturel. Je crois que des émissions satiriques comme 22 Minutes, que nous avons d'ailleurs enregistrée à Ottawa la semaine dernière, apportent une contribution exceptionnelle au cadre culturel canadien. Je sais que Louis vous dirait également que les émissions humoristiques fonctionnent bien au Québec.

Mais la mise en ondes d'une programmation de qualité est loin d'être chose facile. Il suffit de voir comment les choses se passent actuellement. Comme nous l'avons indiqué publiquement, notre stratégie consiste à livrer concurrence aux services de câblodistribution à la carte, car les gens se tournent de plus en plus vers ces services pour accéder à du contenu humoristique et dramatique. Il faut donc est capable de concevoir des comédies pouvant concurrencer Veep, Arrested Development et toutes ces émissions qui n'ont plus rien à voir avec les sitcoms traditionnelles. Il est également difficile de produire à un coût raisonnable des émissions dramatiques du niveau de True Detective et de toutes celles que peut diffuser HBO. La série The Book of Negroes comportait effectivement seulement six épisodes, car on peut produire six épisodes à un niveau très élevé de qualité qui n'est pas toujours possible avec une série de 13.

Nous sommes conscients du cadre concurrentiel au sein duquel nous évoluons et nous mettons tout en œuvre, avec l'aide de nos excellents créateurs et producteurs canadiens, pour être à la hauteur. Les premiers indices semblent laisser croire que nous y parvenons.

Louis, voulez-vous nous parler de la situation du côté français?

[Français]

Louis Lalande, vice-président principal, Services français, Société Radio-Canada : Effectivement, les défis sont du même ordre. Même si on a souvent pensé que le marché francophone était un marché qui était un peu protégé par la langue, on voit bien aujourd'hui que l'accessibilité maintenant très importante de tous les contenus fractionne encore plus les auditoires francophones.

Comme Hubert et Heather l'ont mentionné, tous les efforts qui ont été consacrés à la stratégie de 2015 à 2020 sont axés sur le renforcement de l'investissement en programmation et en contenu canadien, et dans le cas des services en français, en contenu diversifié, soit des contenus de dramatiques, de comédies et d'affaires publiques. On parle de contenus qui ont une réelle incidence sur les auditoires qui les apprécient toujours.

Le défi de réussir cela tient à plusieurs éléments. Si la recette existait dans un livre, on l'appliquerait tous. Dans le cas des services français, je dirais que la recette tient beaucoup à la relation qui existe avec l'ensemble des intervenants, soit les producteurs indépendants, les artistes, et avec l'ensemble des intervenants de la communauté culturelle, qui fait en sorte que tous ont à cœur de maintenir un niveau de contenu et de programmation francophones.

Si le défi de faire concurrence au géant américain est un défi pour le milieu anglophone, je peux vous assurer que, pour les francophones, c'est une lutte de tous les jours, et je ne parle pas seulement du contenu francophone, mais bien du contenu francophone offert à tous les Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Quelle est votre part de marché au Québec? On nous a indiqué la moyenne nationale et les chiffres pour l'Alberta.

M. Lalande : Elle est de 18,5 p. 100.

Mme Conway : Je voudrais seulement ajouter que nous lançons également une nouvelle stratégie de production de contenu artistique pour CBC. Je pense qu'il est particulièrement important qu'un diffuseur public puisse offrir une vitrine aux créateurs canadiens. Il y a longtemps que nous n'avons pas vu un radiodiffuseur miser ainsi sur la programmation artistique, et nous en sommes très fiers. Je vous invite à surveiller ce que nous allons faire de ce côté.

M. Lacroix : Sénateur Plett, j'ai noté votre réaction lorsque Louis vous a indiqué cette part de 18 p. 100. Du côté francophone, le meneur est le réseau TVA avec une part de marché de 22 p. 100. Cela met un peu les choses en perspective...

Le sénateur Plett : Je comprends la situation et nous en tenons compte dans notre analyse. Mes collègues du Québec nous ont fait valoir à maintes reprises que Radio-Canada obtient à leur avis d'excellents résultats, par rapport peut-être à ce qui est accompli au Canada anglais. Ma réaction en était une de félicitations, plus que toute autre chose.

Mme Conway, vous avez parlé de la possibilité de diffuser davantage de miniséries. À ce sujet, les Britanniques refusent de mettre en ondes des séries de six épisodes. Ils n'appliquent pas le modèle américain qui mise avec succès sur des séries semblables.

Mme Conway : C'est un modèle qui peut donner de très bons résultats. Il faut seulement que l'on en fasse davantage.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, si vous me laissez poursuivre encore un peu, je vais regrouper mes prochaines questions pour ne pas prendre trop de temps. Cela concerne...

Le président : Vous allez faire l'envie de vos collègues...

Le sénateur Plett : Ils n'auront qu'à m'interrompre s'ils le jugent bon.

Pas tout de suite, sénateur Eggleton.

Le président : C'était le sénateur Housakos.

Le sénateur Plett : C'est un sujet qui sera peut-être un peu plus controversé, et je crois que nous nous attendions tous à ce que ces questions soient soulevées. C'est à propos des conflits d'intérêts. Vous avez parlé de stratégie. Je ne crois pas que CBC soit la seule organisation à agir de la sorte, mais il nous arrive beaucoup trop souvent d'élaborer nos stratégies après le fait ou de concevoir des solutions une fois que le problème s'est déjà manifesté, plutôt que pour le prévenir. Je trouve cela étrange, et nous avons déjà parlé de ces journalistes et autres employés de CBC qui acceptent de prononcer des allocutions en dehors de leur travail à la société d'État. Bien évidemment, le cas d'Amanda Lang a fait les manchettes. J'aimerais qu'on en discute et que l'on traite également d'une autre question qui est peut-être du même ordre.

Nous avons ici affaire à une journaliste qui, non seulement entretient une relation personnelle avec un membre d'une organisation pour laquelle elle prononce des conférences, mais qui s'en est prise aussi à une journaliste très réputée de CBC qui voulait présenter un reportage aux Canadiens. Elle a pour ainsi dire essayé d'étouffer l'affaire en recevant en entrevue un membre du conseil d'administration de la Banque Royale auquel elle n'a posé que des questions anodines. Elle se retrouve donc, à mon avis, en situation de conflit d'intérêts à deux égards : premièrement, elle entretient des liens personnels avec un membre du conseil de la Banque Royale; deuxièmement, elle reçoit, semble-t-il, une rémunération de 15 000 $ pour chaque allocution qu'elle prononce pour cette banque et essaie de saboter un reportage portant sur l'entreprise.

D'après ce que j'ai pu comprendre, elle s'en tire avec pour seule sanction l'affirmation par son employeur que ce genre d'activités ne sera plus autorisé. Ma parole! CBC est une société d'État. Vos journalistes travaillent pour la population. Quand je vous entends déclarer : « Nous ne permettrons plus ce genre de choses » après qu'une de vos journalistes se soit fait prendre en faute, je me dis simplement...

Le président : Je me permets de vous rappeler la décision que j'ai rendue concernant les interventions qui doivent porter sur le sujet à l'étude et l'avenir de CBC/Radio-Canada. Si c'est le cas, tout va bien, mais s'il s'agit d'une attaque...

Le sénateur Plett : Ce n'est pas une attaque.

Le président : Je suis désireux de connaître le processus ou la règle de conduite du groupe. Pour les cas particuliers, veuillez formuler vos questions de manière à ne mettre en cause, sans motif valable, personne qui ne pourrait pas se défendre parce qu'il n'est pas ici.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Mais leur patron est ici pour les défendre.

Dans une note de service sur l'affaire Amanda Lang, Radio-Canada dit, et je cite : « un nouvel environnement où le public s'attend à plus de transparence de ses institutions ». C'est d'autant plus pertinent, d'après moi, que c'est Radio-Canada elle-même qui parle de nouvel environnement.

J'ai une autre question, et vous pouvez y répondre en tenant compte du temps.

J'ai lu, dans le journal, un article sur Maryse Bertrand, vice-présidente des services immobiliers et des services juridiques de Radio-Canada, avocate-conseil de la société. Elle a été nommée administratrice au sein du conseil d'administration de Metro. Elle fait aussi partie, je crois, du conseil d'administration de la Banque nationale. Métro lui versera jusqu'à 90 000 $ par année; la Banque nationale, environ 117 000 $, je crois; puis elle travaille aussi pour Radio-Canada. Malheureusement, vous taisez, et il en a été question dans le passé, son salaire. Vous donnez une fourchette, mais sa rémunération, à Radio-Canada, se situe entre 274 000 et 519 000 $ par année. Je me trompe peut-être, mais je soupçonne qu'elle est de plus de 400 000 $.

Un salaire de 400 000 $ chez Radio-Canada, ça me semble rémunérer un emploi à temps plein. Si elle fait plus de 200 000 $ par année ailleurs, comment peut-elle bien servir le public canadien en travaillant dans l'immobilier et en étant avocate-conseil pour Radio-Canada?

Après ces deux questions assez ardues, ce sera tout pour ce tour-ci, monsieur le président.

M. Lacroix : Monsieur le président, je cède la parole à Heather, pour l'affaire Lang, après quoi je répondrai à la question sur Maryse Bertrand.

Mme Conway : Pour faire suite à la remarque du président, je ne tiens vraiment pas à entrer dans les détails d'un cas particulier.

Le sénateur Plett : Vous pouvez parler de règles de conduite.

Mme Conway : Je vous dirai qu'elles sont actuellement en cours de révision.

Pour répondre à ce que vous disiez sur la tentative de tuer dans l'œuf le reportage d'une autre journaliste, elle n'a eu aucune conséquence. Il y a eu un échange animé de vues, mais le reportage a été diffusé comme prévu dans la soirée.

Cela dit, on examine les préjudices pour le journalisme qui aurait découlé de sa relation. L'examen suivra son cours sans entrave, de la manière appropriée.

Le sénateur Plett : Désormais, les journalistes n'ont plus le droit de...

Mme Conway : Non, ils ne l'ont plus. Cependant, leur convention collective autorise le travail rémunéré pour un autre employeur. Ce droit est cependant limité pour les employés assujettis aux normes et aux pratiques journalistiques — et je pense que vous avez rencontré Jennifer et Michel, les chefs des nouvelles à CBC/Radio-Canada. Ils en ont parlé. Je ne marcherai pas sur leurs plates-bandes. S'il y a risque de conséquences négatives pour la société, on pourra alors y voir.

Comme vous dites, pendant des décennies on a invité des personnes à prononcer des discours, et beaucoup de ces orateurs ont eu un aperçu du métier de journaliste et ils ont constitué une sorte de milieu que pouvaient fréquenter beaucoup de journalistes. À un moment donné, nous y avons vu et nous avons essayé d'y mettre de l'ordre. L'année dernière, nous avons édicté des règles au nom de la transparence et de la reddition de comptes sur la transparence. On en vient quand même à constater que ces pratiques ne sont pas toutes aussi faciles à changer qu'on le voudrait.

Par exemple, nous avons eu des journalistes qui ont aidé aux campagnes de financement de certains organismes de charité contre rémunération. Vous savez que, de temps à autre, on contrôle le fonctionnement de ces organismes. Alors, au lieu de continuer à analyser toutes ces situations particulières, il faut trancher. Alors Louis et moi, avec Michel et Jennifer, nous avons sonné ce rappel et nous avons mis fin aux discours rémunérés. Je pense que c'était la bonne décision.

On s'attend à ce genre d'incidents de temps à autre. Ce n'est pas ce qui nous ébranle. Nous sommes une grande organisation, qui compte des milliers d'employés. Non. C'est que, chaque semaine, nous faisons des milliers de reportages honnêtes, exacts, justes et objectifs, avec toutes les qualités souhaitées, mais que ces incidents empêchent de voir l'excellent travail hebdomadaire de nos journalistes.

Eh oui! Nous allons nous en occuper, de manière efficace et appropriée. Cela entache notre réputation. Voilà pourquoi nous allons nous en occuper, soyez-en sûr.

Le sénateur Plett : Je tiens à souligner la ténacité de Kathy Tomlinson, qui s'est assurée de faire connaître cette affaire.

M. Lacroix : Monsieur le sénateur, la présence de femmes dans les conseils d'administration est un enjeu dans notre pays. Tant de femmes brillantes ne deviennent pas administratrices de grandes sociétés. Maryse Bertrand est vraiment un cadre expérimenté. Nous avons été très chanceux, j'ai été très chanceux, de pouvoir la convaincre de quitter son cabinet et d'entrer chez nous.

Dans le contexte de l'exposition que nous voulons procurer à notre équipe et pour en ancrer les membres dans la réalité canadienne, nous avons une politique sur la participation aux conseils d'administration, et il est possible, pour un certain nombre d'administrateurs, d'être invités à en faire partie. Avant d'accepter de faire partie des conseils d'administration de la Banque nationale et de Métro Richelieu, Maryse m'a consulté. Nous en avons discuté, nous avons étudié son emploi du temps, et, dans son esprit comme dans le mien, il n'y a aucun doute que si cela influait sur le temps qu'elle consacre à CBC/Radio-Canada, elle y mettrait fin, mais, jusqu'ici, elle a extrêmement bien su concilier ses obligations. Sa participation au conseil d'administration de Métro Richelieu, encore une fois, met bien en évidence le fait qu'une équipe extraordinaire de cadres dirige CBC/Radio-Canada, et nous sommes très fiers de l'invitation que Maryse a reçue de Metro.

Le sénateur Eggleton : Revenons au mandat que le comité a reçu du Sénat, c'est-à-dire étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications, parce que, d'après moi, nous nous arrêtons un peu trop à des cas particuliers. L'étude des règles de conduite, ça me va, mais je pense que nous devons nous montrer soucieux des réputations tant que nous n'aurons pas examiné tous les faits.

De toute façon, je voudrais revenir à la comparaison avec la BBC. C'est tout frais de notre visite de la semaine dernière à Londres et d'une vingtaine de rencontres avec divers porte-parole relativement à la BBC. Je crois, monsieur Lacroix, que vous faites correctement remarquer que les cotes d'écoute au Canada, par rapport à celles de la Grande-Bretagne, sont à situer dans un contexte différent. La BBC possède beaucoup plus de canaux, ce qui, logiquement, lui permettrait de rejoindre un plus vaste auditoire, d'augmenter ses cotes, ses parts du marché. La concurrence qu'elle affronte, même si elle croît sans cesse, ne se compare pas à celle qui, ici, vient du sud de la frontière, notamment l'ensemble des 500 canaux accessibles, et que nous subissons au Canada.

Il faut aussi noter, nous le tenons également de notre voyage là-bas, que les recettes tirées du programme de licences signifient que la BBC, même avec les compressions dont le sénateur Plett a parlé, obtient trois fois le montant, par tête de pipe, que le gouvernement accorde ici à CBC/Radio-Canada.

Dans votre déclaration, vous avez dit : « Notre situation actuelle n'est plus viable à long terme. » Je pense que vous avez tout à fait raison. Des compressions ont été faites, avant, par le gouvernement d'un autre parti, mais l'effet cumulatif a, je pense, atteint un degré qui empêche toute planification raisonnable.

Je tiens aussi à parler de publicité, parce que la BBC n'en fait pas. En fait, chaque fois que nous avons posé la question, on nous a répondu que le secteur privé n'aimerait pas cela; et c'est à lui que vont les recettes de la publicité. Donc, la BBC ne fait absolument aucune publicité à la radio ou à la télévision.

Visiblement, nous, nous avons de la publicité, mais je me demande quelle est son importance dans le modèle de financement, compte tenu, particulièrement, de la perte des recettes de Hockey Night in Canada. À combien s'élèvent vos revenus? Les coûts de leur obtention? Quel était leur ratio avant et après la perte de Hockey Night in Canada?

De plus, et c'est peut-être plus vrai pour CBC Television, je crois comprendre qu'on aurait tenté de diffuser sans publicité un petit nombre d'épisodes de certains programmes. Qu'en déduire?

Nous avons notamment appris de la BBC que l'une des raisons pour lesquelles elle a obtenu ses 30 p. 100, jusqu'à 40 p. 100 si on tient compte de la radio, est qu'elle ne fait aucune publicité, ce que l'auditoire apprécie vraiment. Aujourd'hui, ceux qui visionnent un programme enregistré essaient de sauter en vitesse accélérée par-dessus la plage des publicités.

Donnez-nous des détails sur cette publicité et vos éventuelles expériences. À Radio-Canada aussi, du côté français, parce que je soupçonne une différence de points de vue sur la question entre Radio-Canada et CBC Television.

M. Lacroix : Merci pour toutes vos questions. Je répondrai aux questions qui portent sur les chiffres. Heather parlera de certains des essais qu'elle a faits et des expériences qu'elle fait pour se passer de publicité, et Louis nous fera entendre son son de cloche sur Radio-Canada.

Les recettes de la publicité, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, représentent de 20 à 25 p. 100, actuellement, de toutes nos recettes. C'est là qu'elles se situeront, je pense, le 31 mars 2015. Comme vous savez, c'est notre première année sans hockey. Ce sera donc une période d'adaptation et nous verrons ce qu'il en ressortira.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous des montants, à part les pourcentages?

M. Lacroix : La fourchette des montants est de 450 à 500 millions de dollars.

Le sénateur Eggleton : Ce sont les recettes, entre 450 et 500 millions?

M. Lacroix : Les recettes publicitaires de CBC et de Radio-Canada.

Le sénateur Eggleton : Et les coûts?

M. Lacroix : Ils représentent environ 10 p. 100. C'est le coût des ventes. En somme, ce sont les revenus publicitaires. C'est le ratio. Le ratio de 10 p. 100 serait excellent. C'est ce que nous avons examiné, et je savais que vous avez posé cette question dans le contexte de celles que vous nous avez fait parvenir d'avance.

Puis-je en profiter pour parler un moment de hockey? Je voudrais corriger une idée fausse sur le hockey et notre contrat. Pendant sa durée, le contrat de Hockey Night in Canada, celui qui vient de se terminer, ne nous a pas enrichis. Nous avons perdu quelques dollars. Quand la Ligue nationale de hockey a décidé de donner le contrat à un diffuseur principal, il était évident que CBC/Radio-Canada n'était pas dans la course. Nous présentons de 50 à 70 parties par année. Nous voulions protéger Hockey Night in Canada le samedi, ce que nous avons pu faire grâce à un accord avec Rogers. Si vous voulez en parler, je veux bien. Mais l'idée était qu'il était absolument impossible pour nous de signer un chèque de 5,2 milliards de dollars et d'obtenir un millier de parties de hockey. Nous n'avons pas le volume de présentation et les canaux pour les diffuser.

Je voudrais surtout que le comité se souvienne, parce que vous avez beaucoup parlé du contrat de hockey, qu'il ne nous a pas fait perdre des centaines de millions de dollars. Seulement quelques dollars. Compte tenu des droits de télédiffusion et du coût de production, d'une part, et des recettes d'autre part, sur six ans, le contrat ne nous a pas enrichis. L'émission nous a permis de faire beaucoup plus. C'était une locomotive pour vendre notre programmation. Nous pouvions lier certaines émissions avec Hockey Night in Canada. Je ne prétends pas que cela n'a pas eu de répercussions indirectes sur les recettes publicitaires, mais le contrat même de hockey n'a pas permis à CBC/Radio-Canada de s'enrichir. Ç'a été l'une des premières choses que j'ai dites à nos employés quand je les ai rencontrés pour annoncer que la Ligue nationale de hockey avait décidé d'accorder le contrat à Rogers.

Voilà pour l'idée fausse concernant le contrat de hockey; j'ai parlé des recettes publicitaires, des coûts des ventes. Peut-être que Heather peut vous parler des épisodes sans publicité et des expériences auxquelles cela donne lieu.

Mme Conway : La question publicitaire est très complexe pour tout le monde dans le secteur des médias traditionnels, comme vous le savez. Les dollars publicitaires sont très fébriles et l'ont été au cours des 10 dernières années. Le premier gros changement à survenir a été la migration de ces dollars des télédiffuseurs traditionnels vers les spécialisés, au point que la situation était complètement retournée en faveur des deuxièmes en 2007-2008. Les spécialisés en empochaient plus que les traditionnels.

Comme vous le savez tous grâce à votre étude et à vos déplacements, le changement qu'affrontent maintenant les télédiffuseurs concerne les propriétés numériques. Le premier site de nouvelles numériques du pays n'échappe pas à cette difficulté, puisque l'immense majorité des dollars publicitaires destinée au numérique vont à la recherche. Ils vont à Google et à Facebook. Ils ne diffuseront pas de publicité sur les sites web de nouvelles. Nous obtenons notre part. Cela va très bien pour nous. Là où nous possédons des propriétés numériques, nous avons très bien réussi à tirer notre épingle du jeu et nous en sommes fiers, mais l'immense majorité de ces dollars va à des produits et services que nous n'offrons pas. Nous ne sommes pas Google. Nous ne deviendrons pas un deuxième Google. Nous avons beaucoup de contenu sur YouTube. Nous en avons aussi beaucoup sur iTunes. Chaque mois, on compte 2 millions de téléchargements de balados de CBC sur iTunes seulement. Nous sommes là et nous sommes présents sur ce marché, mais ces dollars vont à iTunes. Ils vont à Google.

Dans la recherche difficile d'une façon de remplacer les dollars publicitaires moins nombreux de la télévision, il faut se rappeler qu'on n'échange pas automatiquement un dollar contre un autre dollar. Vous avez probablement entendu cette expression à la mode : on échange des dollars analogiques contre des 10 cents numériques. Le niveau de prix de la publicité numérique n'est pas le même que celui de la télévision traditionnelle. Le coût par milliers de consommateurs, le CPM, n'est pas le même. C'est un réel problème.

Nos expériences sont très limitées. Nous avons pris un programme comme An Honourable Woman, qui est une production de très grande qualité de la BBC, avec Maggie Gyllenhaal. À l'automne, nous l'avons diffusé en période de pointe avec de la publicité. Le programme avait été produit sans publicité, parce qu'il était destiné à la BBC. Nous le diffusons en fin de soirée, en reprise, sans publicité, comme il était censé l'être, comme l'a diffusé la BBC. Nous verrons quelle sera l'audience.

Nous examinons aussi des formules de parrainage. L'une de mes expériences les plus révélatrices dans les programmes que j'ai visionnés le mois dernier est une émission intitulée Transparent, produite par Amazon Prime. C'est donc une production non traditionnelle, hors radiodiffusion. Elle a été récompensée par le Golden Globe du meilleur acteur. C'est une dramatique d'une demi-heure. Au Canada, elle n'est montrée par aucun diffuseur, et personne ne l'a donc achetée. Elle est passée d'Amazon Prime à Shomi, un service à la demande. Elle n'est pas passée par...

Le sénateur Eggleton : On ne peut pas inclure d'annonces publicitaires, et c'est la raison pour laquelle les diffuseurs traditionnels n'en veulent pas?

Mme Conway : Le format de l'émission n'est pas conçu pour diffuser des annonces publicitaires. Il s'agit d'une série dramatique composée d'épisodes de 30 minutes qui ont un début et une fin, mais le contenu de l'émission dure 30 minutes.

Le sénateur Eggleton : Dans une série dramatique composée d'épisodes de 30 minutes, si on diffuse 10 minutes d'annonces publicitaires...

Mme Conway : On se retrouve avec 22 minutes de contenu. Une émission de 30 minutes diffuse en fait 22 minutes de contenu.

Je trouve stupéfiant qu'une émission de cette qualité ait été produite complètement à l'extérieur du système traditionnel de radiodiffusion et qu'elle soit vue par des millions de téléspectateurs à l'extérieur de ce système traditionnel. C'est très difficile. Si je souhaite produire une série dramatique composée d'épisodes de 30 minutes, je devrai demander à mon directeur des ventes — qui est également le directeur des ventes de Louis, car nous avons intégré nos équipes de ventes, c'est-à-dire que depuis que nous avons cessé de diffuser les parties de hockey, nous avons seule unité des ventes — s'il peut trouver un commanditaire pour produire une série composée d'épisodes de 30 minutes dans lesquels il pourrait seulement diffuser des annonces publicitaires au début et à la fin. D'une certaine façon, je trouve cela intéressant, car c'est un retour au bon vieux modèle « Westinghouse Playhouse » dans lequel des sociétés pouvaient être liées à des causes ou à un contenu particulier. Nous pourrions envisager quelque chose de ce genre.

J'essaie donc différents modèles et j'observe les résultats pour voir si je peux les monnayer de façon numérique ou d'autres façons.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Radio-Canada?

[Français]

M. Lalande : Nous avons lancé, il y a cinq ans, la plateforme ICI Tou.tv qui est une plateforme web accessible à tous les Canadiens, et qui offre de la programmation de rattrapage de Radio-Canada, mais aussi toutes sortes de programmes. Cette plateforme est utilisée par 26 p. 100 des Canadiens francophones; elle connaît donc un très bon succès.

L'an passé, on a développé le segment EXTRA de Tou.tv qui offre des exclusivités et une programmation sans teneur commerciale. Le volet EXTRA est offert à un prix abordable, et c'est une façon, pour nous, de vérifier l'intérêt des francophones pour des programmations sans pauses commerciales.

Pour le reste, j'aimerais aborder peut-être deux points au sujet du marché francophone. Dans le marché francophone, le marché des annonceurs a toujours souhaité avoir le choix de différents radiodiffuseurs où acheter de la publicité. Comme vous l'avez vu, les radiodiffuseurs ont tout de même des positions assez similaires. Donc, le milieu publicitaire souhaite qu'il y ait une saine compétition et de la diversité au niveau de l'offre.

Il y a une expérience qui a été tentée en France, il y a trois ans, où le gouvernement a demandé à France Télévisions d'éliminer la publicité pendant les heures de grande écoute en remplaçant le coût publicitaire par une augmentation de la subvention gouvernementale. Après quelques années, tout le monde est aux abois, parce que la subvention accordée par le gouvernement ne comble pas le manque à gagner, le déficit de financement est donc beaucoup plus grand que prévu, ce qui met France Télévisions — et le gouvernement — dans une situation inconfortable. C'est donc un peu le portrait des enjeux liés au financement issu des revenus publicitaires.

Cependant, je dirais tout de même que, dans toute cette question, il y a un point qui revient tout le temps, et c'est la stabilité du financement. Il est important, dans le milieu des médias, d'atteindre une stabilité du financement si on veut pouvoir planifier correctement, parce que le cycle de production présuppose des investissements qu'on est obligé de faire souvent deux années avant la diffusion d'une émission. Donc, tout mécanisme qui permettra d'aider le radiodiffuseur public à atteindre une stabilité de financement est vraiment un élément important.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de parler des plateformes numériques. D'après ce que je comprends, vous êtes le chef de file sur le marché canadien en ce qui concerne les sites de nouvelles en ligne. Dans ce domaine particulier, vous avez une longueur d'avance sur CTV. Pourriez-vous confirmer cela?

Deuxièmement, lorsque nous étions à Londres, nous avons parlé un peu du iPlayer, et de l'expansion des volets divertissement et informations de la BBC — de l'ensemble de son mandat — de plus en plus vers cette plateforme. Planifiez-vous d'utiliser un outil semblable au iPlayer ici?

Mme Conway : Nous avons un iPlayer, et on peut y visionner toutes les émissions de la CBC. Vous pouvez visionner n'importe quel contenu de la CBC sur cbc.ca.

Nous occupons le premier rang parmi les sites de nouvelles numériques. Comme vous le savez, une partie de notre stratégie 2020 consiste à accroître notre présence dans le milieu numérique. C'est en partie parce que les habitudes des gens changent, et c'est particulièrement vrai dans le domaine des nouvelles. En effet, une grande partie du contenu des nouvelles est devenue un produit, c'est-à-dire que tout le monde diffuse les mêmes nouvelles en même temps, et vous n'avez pas à attendre jusqu'à 22 heures pour avoir les nouvelles. Si vous ne regardez pas la CBC, ce que je trouve presque impossible à croire, vous n'attendez pas jusqu'à 23 heures pour connaître les nouvelles du jour. Les gens obtiennent leurs nouvelles toute la journée, tous les jours. Donc une partie de notre plan 2020 est de mettre en œuvre une stratégie numérique mobile, afin que les gens puissent avoir accès aux nouvelles 18 heures par jour — avec des mises à jour fréquentes sur les appareils mobiles — et de créer des interludes pendant la journée, c'est-à-dire qu'au début de chaque heure, de 14 heures à 21 heures ou de 15 heures à 22 heures, on diffuse des nouvelles, afin d'informer les gens, chez eux, de ce qui se passe ou de leur communiquer les nouvelles de dernière heure.

Ce milieu est donc de plus en plus numérique. Les nouvelles sont un excellent contenu pour le milieu numérique, car nous sommes en mode « dernière heure ». Il faut être présent en tout temps, et cette plateforme s'y prête très bien.

M. Lacroix : Pour conclure en ce qui concerne Radio-Canada, Tou.tv et Tou.tv — Extra et ce que vous faites là-bas, ce que nous avons de plus semblable au iPlayer est ce que Radio-Canada fait dans le contexte pour étendre la diffusion du contenu et au-delà.

[Français]

M. Lalande : Comme je l'ai dit plus tôt, Tou.tv est vraiment une plateforme à part; c'est une plateforme qui est accessible sur le Web, c'est donc une plateforme en soi qui permet d'accéder à des contenus de télévision de Radio-Canada, mais aussi à du contenu de partenaires qui font affaire avec Radio-Canada.

D'ailleurs, le président du CRTC, dans son discours, il y a deux semaines, a mentionné qu'il souhaitait qu'il y ait une plateforme accessible comme celle de Tou.tv qui serait axée sur le contenu canadien et qui serait accessible au marché anglophone, parce que c'est effectivement une plateforme qui vient compléter l'offre de radiotélévision traditionnelle et spécialisée, une plateforme qui est très bien positionnée pour être en compétition avec les nouveaux arrivants, qui offrent du contenu par ces voies.

Je l'ai dit plus tôt, 26 p. 100 des francophones utilisent la plateforme Tou.tv en plus des services de radiotélédiffusion traditionnelle. Donc, pour nous, c'est un moyen extraordinaire de garder contact avec notre auditoire.

En ce qui concerne le numérique, nous avons lancé, à Noël, notre initiative numérique en région. Ainsi, d'ici quelques mois, chacune de nos stations régionales offrira une plateforme numérique mobile dont nous sommes très fiers, parce qu'il s'agit effectivement d'un autre moyen de garder contact avec notre auditoire dans chacune des régions du pays, en leur offrant une information qui les concerne.

[Traduction]

Le président : Comme vous l'avez vu, j'ai été très généreux avec les deux premiers intervenants, mais je ne pourrai pas accorder autant de temps aux quatre prochains intervenants.

Le sénateur Housakos : J'ai plusieurs points à aborder, et je vais tenter d'être bref, afin que nos témoins puissent répondre de façon aussi concise que possible.

J'aimerais parler des cotes d'écoute. Depuis le début de nos travaux, je crois que nous avons tous compris. Nous ne comptons pas d'expert en médias dans nos rangs, mais nous avons compris que les cotes d'écoute sont l'indicateur principal de réussite dans cette industrie. Même le président de votre propre conseil d'administration affirme que les cotes d'écoute sont l'indicateur le plus important de réussite ou d'échec.

Comme mes collègues l'ont mentionné, nous revenons de Londres, et les représentants de la BBC et plusieurs autres personnes à qui nous avons parlé ont tous affirmé que les cotes d'écoute sont l'indicateur le plus important. J'étais extrêmement surpris, car la BBC, comme vous le savez, ne compte pas sur les recettes publicitaires, mais ses représentants ont tout de même dit que les cotes d'écoute sont très importantes, car c'est le fondement de l'établissement d'une marque et c'est ce qui sert à justifier les demandes de financement au gouvernement.

Je suis d'accord avec mon collègue, le sénateur Eggleton, lorsqu'il dit que la BBC obtient de trois à quatre fois plus de financement, mais elle a également cinq fois plus de téléspectateurs. La Grande-Bretagne a manifestement une plus grosse population, mais les cotes d'écoute de la BBC sont également trois fois plus élevées que celles de la CBC.

On pourrait parler de chiffres toute la journée. On peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres selon la façon dont on les présente. Pourriez-vous nous dire, monsieur Lacroix, s'il y a une seule émission de la CBC qui occupe le premier rang dans sa case horaire comparativement à vos concurrents? L'important, lorsqu'on compare les cotes d'écoute, c'est le résultat net. Pouvez-vous nous parler des recettes publicitaires générées par la CBC comparativement à celles de vos deux principaux concurrents, ce qui est déterminé en grande partie par les cotes d'écoute?

Les membres de notre comité se sont efforcés d'étudier tous les éléments des sondages BBM et de bien les comprendre. Nous sommes tous d'avis que la CBC a fait un travail extraordinaire pour couvrir les événements tragiques qui se sont déroulés le 22 octobre sur la Colline du Parlement. La qualité de la couverture médiatique était exceptionnelle. Nous avons cherché les sondages BBM et les cotes d'écoute de cette semaine-là, en nous disant que votre couverture médiatique aurait dû obtenir — et elle le méritait — des cotes d'écoute beaucoup plus élevées pendant cette journée et les quelques jours suivants. Toutefois, lorsque nous avons trouvé les cotes d'écoute, nous avons découvert, à notre grande déception, qu'aucune émission de la CBC, y compris The National, ne figurait parmi les 30 premiers résultats de cette semaine-là, contrairement aux nouvelles de CTV, entre autres.

Pour nous, il ne s'agit pas d'une condamnation. Nous tentons de cerner le problème et de vous aider à comprendre pourquoi vous pouvez — et je le souligne — faire un travail aussi extraordinaire comparativement à vos concurrents du secteur privé et, pourtant, ne pas attirer l'audience que vous méritez. J'utilise cette journée particulièrement tragique comme exemple.

Je vais vous laisser répondre à ces questions avant de poursuivre.

M. Lacroix : Nous devons parler du mandat. En effet, chaque radiodiffuseur a un mandat complètement différent. Monsieur le sénateur, et je dis cela avec le plus grand respect, le président a dit en votre présence que les cotes d'écoute étaient très importantes, mais il vous a également dit que ce n'est pas la seule chose que nous faisons. C'est pourquoi, pendant les heures de grande écoute, nous faisons des choix qui permettent aux Canadiens de regarder des émissions d'affaires publiques ou des séries dramatiques. Je pourrais utiliser l'horaire de Heather ou de Louis et vous montrer que lorsque nous diffusons des émissions comme Doc Zone, The Nature of Things, L'Épicerie ou Découverte pendant les heures de grande écoute, aucun autre réseau ne fait ce type de choix, car la seule chose qui les préoccupe, c'est le rendement pour les actionnaires. C'est bien, étant donné que leurs actions sont échangées sur le marché public. Nous fonctionnons plutôt avec la notion du rendement pour les citoyens.

Nous tentons de veiller à ce que lorsque vous regardez la CBC ou Radio-Canada, vous obteniez le volet culturel. Nous protégeons cet aspect, nous l'alimentons et nous présentons du contenu canadien aux Canadiens. Nous soutenons les créateurs canadiens et la musique canadienne. Nous ne pouvons tout simplement pas comparer les produits des radiodiffuseurs privés et les nôtres. C'est le milieu dans lequel nous évoluons.

J'aimerais ajouter une dernière chose. J'ai mentionné ces chiffres dans mon exposé pour veiller à ce que tout le monde comprenne que dans ce milieu, la CBC occupe le deuxième rang des radiodiffuseurs, selon les semaines. Avec la part combinée des heures de grande écoute, selon les évènements et les choses qui intéressent les gens cette semaine-là, des millions de Canadiens nous regardent. Vous ne pouvez pas nous comparer à la BBC. Nous vous l'avons dit, et je crois que le langage corporel de certains sénateurs indiquait qu'ils étaient d'accord. Nous ne pouvons pas être un radiodiffuseur public sans le public.

Mme Conway : J'aimerais ajouter que l'un des défis principaux auxquels nous faisons face en ce qui concerne nos concurrents, ce n'est pas seulement que leur contenu est américain, mais c'est également que les dépenses publicitaires et promotionnelles liées à ce contenu sont ahurissantes. En effet, dans les kiosques à journaux, le magazine People et tous les autres magazines que voient les Canadiens font la promotion de vedettes américaines qui jouent dans ces séries américaines. Si j'essayais de faire concurrence à l'émission The Big Bang Theory avec l'émission Doc Zone, ce serait très difficile. J'aimerais ajouter que si vous prenez l'exemple de CTV/Bell Media ou de Shaw, Bell a 40 canaux spécialisés sur lesquels l'entreprise peut promouvoir son propre contenu et les émissions américaines qu'elle a achetées. J'ai CBC News Network et une chaîne documentaire, et le budget promotionnel de mes réseaux n'est jamais aussi élevé que ceux de mes concurrents. Ce n'est pas seulement que les Canadiens ne veulent pas regarder du contenu canadien, car souvent, ils souhaitent regarder du contenu canadien et un grand nombre d'entre eux nous choisissent. Mais le tsunami formé par le contenu américain et ses budgets promotionnels est assez renversant.

Je vous dirais de penser à la radio anglaise, où il n'y a pas d'annonces publicitaires et...

Le président : Ce que j'ai dit au sujet des questions s'applique également aux réponses.

Mme Conway : Je suis désolée.

Le président : Si les réponses et les questions étaient plus concises, un plus grand nombre d'intervenants auraient le temps de poser leurs questions d'ici la fin de la réunion.

M. Lacroix : Puis-je ajouter une chose au sujet de la BBC?

Oui, sénateur Eggleton, c'est trois fois et demie, ou environ, par habitant et près de cinq fois et demie plus élevé en termes de dollars réels — un seul fuseau horaire et une seule langue. Tout est britannique. Toutefois, CBC/Radio-Canada couvre six fuseaux horaires et deux langues officielles. Tout ce que nous faisons est canadien. Il faut donc mettre les choses en perspective lorsque nous parlons de financement. Vous avez consulté le document qui explique notre situation par habitant, et nous sommes en bas de l'échelle.

Le sénateur Housakos : J'aimerais revenir sur la question de la gouvernance, de la transparence et de l'éthique. J'aimerais également revenir sur la question posée par mon collègue, le sénateur Plett, sur Maryse Bertrand. J'ai été un peu abasourdi, monsieur Lacroix, par votre réponse, pour être honnête, et je vais vous expliquer pourquoi.

Vous êtes un radiodiffuseur public. Vous obtenez près d'un milliard de dollars ou plus par année en argent des contribuables. Ce média est un intermédiaire entre le gouvernement et les gens qu'il gouverne. Vous jouez un rôle extrêmement important dans l'établissement d'un lien entre ces deux entités. Vous jouez également un rôle de premier plan dans l'établissement des normes plus élevées en matière de transparence, ou du moins vous exigez que les personnalités publiques et les personnes qui œuvrent dans le milieu public se conforment à ces normes. Étant donné que CBC/Radio-Canada reçoit un financement aussi important, vous faites partie des médias publics et les gens s'attendent à ce que vous respectiez les mêmes normes.

Vous avez répondu à la question du sénateur Plett en disant simplement que vous trouvez qu'il est justifié que Mme Bertrand gagne d'un quart à un demi-million de dollars par année en tant que cadre supérieur occupant un poste important à CBC/Radio-Canada, mais qu'elle fasse tout de même partie d'une série d'autres conseils d'administration, car c'est une dame qualifiée, et vous pensez que c'est une chose positive. Avec tout le respect que je vous dois, c'est inacceptable. C'est comme si je disais au comité que la sénatrice Batters peut faire partie du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada ou de Bell Media ou du CN et qu'étant donné qu'elle est une femme et qu'elle est une personne qualifiée, il n'y a aucun conflit d'intérêts. Sénateur Dawson, nous en discuterons Ð nous étudierons de nouveau la question parce que c'est un homme. Avec tout le respect que je vous dois, je ne vois pas comment vous pouvez conclure qu'Amanda Lang ne peut pas être rémunérée par la BRC en raison d'un conflit d'intérêts, alors que Maryse Bertrand peut recevoir une rémunération et faire partie du conseil d'administration de la Banque nationale du Canada.

M. Lacroix : Sénateur Housakos, je suis manifestement en désaccord avec votre position. Maryse Bertrand est une cadre supérieure qualifiée. Le fait qu'elle a été invitée à se joindre au conseil de Métro est également à l'honneur de CBC/Radio-Canada, car cela signifie que nos cadres supérieurs sont tellement qualifiés que les conseils d'administration des sociétés publiques s'intéressent à nos talents en matière de gestion. Je ne vois pas de conflit d'intérêts, car lorsqu'elle travaille avec nous, elle fait son travail.

De plus, j'aime que nos cadres supérieurs voient autre chose que CBC/Radio-Canada. Ils ne communiquent pas les nouvelles. Nous avons des règles à cet égard. Nous pouvons en parler encore une fois, et Heather peut vous parler à nouveau des conversations concernant Amanda Lang et de nos politiques.

Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Housakos, je ne suis pas du tout d'accord qu'il faut considérer comme étant un problème le fait que l'une de nos cadres supérieures fasse partie du conseil d'administration de Métro Richelieu et de celui de la Banque nationale du Canada — et il ne s'agit pas d'une série de conseils d'administration, mais d'au plus deux.

Le sénateur Plett : Monsieur Lacroix, vous venez de donner une réponse différente de celle que vous m'avez fournie. Lorsque vous avez répondu à ma question, vous avez dit que c'était parce qu'elle était une femme. Les femmes font plus d'études. Presque deux tiers des diplômes d'études supérieures — les maîtrises, les doctorats en médecine, et cetera — sont obtenus par des femmes. Les femmes représentent 67 p. 100 des diplômés en droit, en sciences sociales et en sciences et 53 p. 100 des diplômés en administration des affaires. Je crois qu'à partir de là, nous devrions être en mesure de trouver d'autres femmes qualifiées que Maryse Bertrand. Invoquer le fait qu'elle est une femme pour justifier... Nous avons des femmes, ici, qui possèdent également les qualifications nécessaires pour faire partie de ces conseils d'administration. Je trouve qu'il est offensant d'invoquer cette raison. Je conviens qu'il faut plus de femmes dans les conseils d'administration, mais pas une femme qui participe à trois conseils d'administration.

M. Lacroix : Elle n'est pas une directrice. Maryse Bertrand n'est pas une des directrices de CBC/Radio-Canada, en passant. Elle est avocate générale pour CBC/Radio-Canada et elle est responsable de notre portefeuille de biens immobiliers. Elle n'est pas une directrice de CBC/Radio-Canada.

Je crois que nommer des femmes dans les conseils d'administration est un enjeu très important pour toutes les commissions des valeurs mobilières du pays, pour l'Institut des administrateurs de sociétés. Vous savez que cette conversation est en cours. Nous avons été très chanceux de l'avoir parmi nous, et elle n'est pas la seule. J'espère qu'avec le temps, nous susciterons l'intérêt de ces sociétés.

La sénatrice Batters : J'aimerais parler d'un autre enjeu important pour les femmes du Canada.

Monsieur Lacroix, au début de mars 2013, vous avez comparu devant un comité parlementaire, c'est-à-dire le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, dans le cadre de son étude au sujet du harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux. Je crois qu'il est juste de dire que pendant cette réunion, vous vous êtes vanté, en ce qui concerne les antécédents de la CBC au sujet de la façon dont elle traite les plaintes de harcèlement sexuel :

Aujourd'hui, dans l'ensemble de la société, nous n'avons aucune plainte active de harcèlement sexuel. Je suis fier des efforts que nous faisons constamment pour nous assurer que les personnes qui travaillent à CBC/Radio-Canada peuvent réussir dans un environnement libre de toute forme de harcèlement.

Monsieur Lacroix, je vais comparer cette déclaration avec des propos qu'a tenus Kathryn Borel, une ancienne productrice de CBC, qui s'est plainte d'avoir été harcelée sexuellement par Jian Ghomeshi. Elle avait adressé sa plainte à des cadres de CBC et à son syndicat en 2010 :

CBC a permis...

Le président : Madame la sénatrice Batters, lors de la dernière réunion où vous étiez présente, j'ai rendu une décision au sujet de vos questions. Si elles concernent notre étude ou des politiques, il n'y a pas de problème, mais si vous commencez à donner des noms, je vais vous dire qu'il n'y a pas lieu de discuter de personnalités. Il est question des politiques, et je crois que vos questions sont très personnelles. J'ai déjà rendu une décision à ce sujet.

Ma décision n'est pas fondée sur mon opinion, mais bien sur le Règlement du Sénat. Nous avons le mandat d'étudier l'avenir et l'évolution de Radio-Canada, et non pas sa gestion quotidienne et les cas liés à des poursuites.

La sénatrice Batters : Monsieur le président, dans un article publié hier par Jordan Press, on citait vos propos, à savoir :

Est-il question des procédures? De la culture? Il ne s'agit pas de discuter de cas particuliers.

Monsieur le président, je dirais que mes questions concernent précisément les procédures et la culture à Radio-Canada. L'affaire Jian Ghomeshi nous donne simplement un exemple qui nous permet d'examiner les procédures et la culture à Radio-Canada dans le contexte de situations graves.

Le président : Alors, posez votre question sans donner de noms et ça ira.

La sénatrice Batters : D'autres noms ont été mentionnés.

Le président : C'est là le problème. Ces personnes ne sont pas ici pour se défendre, et je ne suis pas ici pour étudier des cas de harcèlement sexuel à Radio-Canada. Nous sommes ici pour parler de l'avenir de Radio-Canada.

Non pas que je n'aimerais pas avoir ce mandat. Je pense que nous pourrions avoir des discussions intéressantes avec certains de nos collègues à Radio-Canada et à CBC sur des questions qui ne relèvent pas de notre mandat. Quoi qu'il en soit, vos questions doivent être axées sur les politiques. Autrement, je vais devoir les juger irrecevables.

La sénatrice Batters : C'est d'accord. Je peux m'abstenir de lire le reste de la citation, mais je dirai qu'elle concerne directement les politiques. Je vois que notre mandat consiste à étudier l'évolution du milieu et les défis à cet égard.

Je suis certaine, monsieur Lacroix, que, lorsque l'affaire Ghomeshi a éclaté en octobre, vous avez ressenti une dissonance avec les propos que vous avez tenus devant le comité parlementaire. Durant votre comparution, vous avez dit au comité :

Depuis 2007, tous les employés de l'organisation ainsi que leurs gestionnaires ont dû suivre une formation sur le respect en milieu de travail.

Vous avez aussi dit :

À l'heure actuelle, nous offrons en ligne une séance d'information sur la violence en milieu de travail, qui doit être suivie par tous nos employés...

J'aimerais que vous me confirmiez, monsieur Lacroix, que tous les employés de Radio-Canada ont dû suivre ces deux types de formation dont vous avez parlé. Vous avez dit au comité que vous aussi vous aviez dû les suivre. Est-ce que c'était le cas également pour Jian Ghomeshi, Chris Boyce et Todd Spencer?

M. Lacroix : Tout à fait.

La sénatrice Batters : J'ai noté d'autres propos tenus durant cette séance du comité. Monique Marcotte a comparu avec vous devant le comité. Elle était à l'époque la directrice générale par intérim des ressources humaines à Radio-Canada. Au sujet des allégations de harcèlement sexuel à Radio-Canada, elle a déclaré ceci :

Voici comment fonctionne notre tenue de dossiers : tous les dossiers sont conservés pour une période de deux ans. Si aucun incident n'est consigné au dossier pendant deux ans, nous retirons les documents du dossier. C'est notre politique et c'est prévu dans nos conventions collectives.

Monsieur Lacroix, si les allégations dont j'ai parlé concernant Jian Ghomeshi avaient été correctement traitées par les cadres de CBC, sachant qu'elles ont été formulées en 2010, et si on avait déterminé que ces allégations étaient fondées, auraient-elles été retirées du dossier de M. Ghomeshi en 2012? Est-ce que Mme Marcotte était dans l'erreur lorsqu'elle a expliqué la politique au comité de la Chambre des communes?

M. Lacroix : Monsieur le président, ce qui s'est passé en rapport avec l'affaire Ghomeshi fait encore l'objet de procédures criminelles. M. Ghomeshi a déposé un grief. La façon dont les choses se sont déroulées n'a pas de lien avec ce dont nous discutons maintenant, et je ne veux pas compromettre quoi que ce soit. Je serai heureux...

Le président : C'est très bien. Vous pouvez continuer à poser des questions, mais les témoins ne sont pas obligés de vous répondre au sujet d'une affaire qui n'est pas... Nous avons demandé à M. Lacroix de venir discuter avec nous de l'avenir de Radio-Canada, et non pas d'affaires en instance.

Je vous demande encore une fois de vous abstenir de poser des questions au sujet d'affaires en instance. Si vous voulez demander s'il existe une politique qui s'applique aux vedettes et si on a fait preuve d'une trop grande générosité, sans toutefois donner des noms, c'est très bien. S'il ne veut pas répondre, c'est très bien aussi. Il doit gérer les problèmes quotidiens. Vos questions ne portent pas sur l'avenir de Radio-Canada. Il s'agit d'une affaire qui vous intéresse, mais elle n'est pas liée au mandat que nous avons.

Posez des questions au sujet des politiques ou bien je vais donner la parole à la sénatrice Unger.

La sénatrice Batters : J'ai une question au sujet d'une politique, qui est liée aux propos de Mme Marcotte concernant les dossiers de harcèlement. Est-ce que Radio-Canada a toujours pour politique, près de deux ans après la tenue de ces propos, de conserver ce type de dossier pendant deux ans, et puis, si aucun incident n'est consigné pendant deux ans, de retirer les documents du dossier? C'est ce qu'elle avait expliqué au sujet de la politique appliquée par Radio-Canada. Cette politique est-elle toujours en vigueur?

M. Lacroix : Madame la sénatrice Batters, il est certain que l'affaire Ghomeshi est une affaire grave. À CBC/Radio-Canada, comme je l'ai dit en 2013, nous prenons très au sérieux cette affaire, d'autant plus que 47 ou 48 p. 100 des employés de CBC/Radio-Canada sont des femmes. Nous avons donc un très bon équilibre entre les sexes, et nous en sommes très fiers.

Notre travail consiste à assurer un milieu de travail sécuritaire, afin que tous les employés de CBC/Radio-Canada puissent travailler dans le respect et à l'abri de l'intimidation. C'est pourquoi nous avons créé ces ateliers sur le respect en collaboration avec la CMG, qui est le principal syndicat qui représente les employés du réseau anglais.

J'ai hâte de lire les conclusions de Mme Rubin. Nous verrons à ce moment-là ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses. Vous et moi, et tous les employés de CBC, ont une seule préoccupation : nous voulons nous assurer que des situations de la sorte ne se reproduisent plus.

La sénatrice Unger : Je remercie les témoins. J'ai une question complémentaire au sujet de l'enquête que mène Mme Rubin.

Le président : Si vous allez citer des noms, je vais appliquer la même décision que j'ai rendue au sujet de la sénatrice Batters. Je ne vais pas forcer le témoin à répondre à des questions qui n'ont pas de rapport avec le mandat du comité.

La sénatrice Unger : Je pose cette question complémentaire parce qu'il vient d'aborder le sujet.

Le président : Je vais d'abord vous écouter, mais je vais vous dire que, si votre question n'a pas de rapport avec le mandat que nous a confié le Sénat, alors le témoin n'a pas à y répondre parce qu'il n'a pas été invité ici pour discuter de cela.

La sénatrice Unger : D'accord. Je vais donc poser ma question.

Monsieur Lacroix, je vais citer un passage d'un article de journal rédigé par Howard Levitt, associé principal chez Levitt Grosman. Il écrit ceci :

Est-ce que l'enquête de CBC constitue un moyen de cacher des choses?

Si vous vouliez donner l'impression de collaborer à une enquête, mais en même temps vous assurez qu'on ne puisse pas tirer des conclusions et que les cadres supérieurs conservent leur emploi, vous feriez exactement comme l'a fait CBC.

Ensuite, on parle de la Canadian Media Guild.

[...] le syndicat qui représente les employés de CBC a affirmé que toute personne qui parle aux enquêteurs pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires si elle déclare quoi que ce soit qui fasse ressortir la mauvaise conduite de l'enquête.

Je crois que, même si cette histoire a été étouffée en quelque sorte, le public a l'impression que, puisque c'est vous qui avez choisi la personne qui mène l'enquête pour le compte de CBC, il ne s'agit pas d'une enquête indépendante. Peut-être que cette décision aurait dû être prise par un juge à la retraite ou une personne de la sorte, qui n'a absolument aucun lien avec CBC.

M. Lacroix : Monsieur le président, je ne ferai pas de commentaires au sujet des propos d'un commentateur concernant ce que fait CBC/Radio-Canada.

Le président : Avez-vous une autre question, madame la sénatrice Unger?

M. Lacroix : Ce que nous allons faire, c'est vous dire très brièvement où nous en sommes dans ce dossier, et je vais demander à Heather de résumer la situation.

Mme Conway : Nous attendons le rapport de Janice Rubin. Elle est une experte dans le domaine. Pour répondre à la sénatrice Batters, je dirai que, si Mme Rubin propose des améliorations, notamment sur le plan des politiques ou des procédures, nous adopterons ses propositions. CBC entend bien trouver le bon moyen de régler cette affaire et déterminer comment éviter qu'une telle situation ne se reproduise. C'est une terrible histoire, bien évidemment, et nous voulons régler cette affaire correctement.

La sénatrice Unger : Pouvez-vous me dire s'il est vrai que les employés de CBC se sont fait dire de ne pas répondre aux questions, au risque de mettre leur emploi en péril?

M. Lacroix : Il s'agit d'une citation de propos tenus par la CMG, monsieur le président. J'ignore ce que le syndicat a dit à ses membres. Nous n'allons pas répondre à cette question.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie tous les trois d'être ici ce matin. J'écoute toujours la radio de CBC à la maison.

Monsieur Lacroix, vous essayez d'établir certaines choses, et je veux faire de même. Je veux que CBC/Radio-Canada se démarque, mais je crois aussi qu'elle doit être moderne et disposée à procéder à un autoexamen. Il faut faire des comparaisons raisonnables avec d'autres pays en ce qui concerne le financement par habitant. Je crois qu'il est important que le financement soit consenti après que CBC/Radio-Canada ait fait la preuve qu'elle gère bien ses ressources financières, afin de convaincre ceux qui accordent le financement que l'argent sera utilisé à bon escient.

Je voudrais continuer de parler de la gestion des ressources. Vous avez dit que vous n'avez pas fait d'argent avec le contrat de diffusion des parties de hockey. Je trouve très troublant d'entendre dire que CBC/Radio-Canada a diffusé pendant des années des parties de hockey de la LNH, mais qu'elle n'a pas fait beaucoup d'argent grâce à cela. Si on ne peut pas faire d'argent avec le hockey au Canada, je ne sais pas avec quoi on peut en faire. Au bout du compte, vous êtes en concurrence avec Rogers. Vous ne pouvez pas signer un chèque de 5 milliards de dollars, et je comprends cela. Je sais que le modèle de revenu est en train de changer. Toutefois, il demeure que Hockey Night in Canada est une image de marque très forte et l'image est importante. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois savoir que Rogers a déboursé 5 milliards de dollars pour obtenir les droits de diffusion des parties de hockey. Elle semble avoir obtenu l'image de marque de Hockey Night in Canada et le logo de CBC pour apparemment une bouchée de pain. Aux yeux d'une personne comme moi qui œuvre dans le milieu des affaires depuis des années, c'est une très mauvaise gestion d'une image de marque très puissante. Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet?

M. Lacroix : Parlons du hockey. Il faut se rappeler ce qui s'est passé — peut-être que le sénateur Demers pourrait nous aider — au cours des six dernières années, qui est la durée du contrat. Il y a eu un lock-out en 2010, ce qui a écourté la saison, et ensuite, en 2013, pour la première fois de l'histoire, aucune équipe canadienne n'a participé aux séries. Cela a eu des conséquences.

Le sénateur MacDonald : Cela ne m'empêche pas de regarder les parties.

M. Lacroix : Eh bien, il semble que ce n'était pas le cas pour bien des gens au Canada, qui n'ont pas autant regardé les parties de hockey.

Bien sûr, les tarifs des droits de diffusion sont fixes, mais les revenus dépendent du produit et des équipes. Ce que j'ai dit au sujet du contrat, c'est qu'au cours de ces six années, il n'a rien rapporté à CBC/Radio-Canada. Heather pourra vous dire, toutefois, qu'il a été une locomotive pour vendre le reste de la programmation, alors il y a eu un effet à cet égard, c'est clair.

Le logo de Hockey Night in Canada a fait partie d'une transaction distincte avec Rogers, alors CBC/Radio-Canada profite de l'utilisation de ce logo.

Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous nous dire ce que vous obtenez?

M. Lacroix : Nous avons conclu une transaction commerciale avec Rogers qui vise l'utilisation de notre case horaire du samedi soir, la location de studios, et cetera, ce qui a été profitable pour le radiodiffuseur. Cela nous a évité notamment d'avoir à combler environ 360 heures de programmation aux heures de grande écoute le samedi soir et de continuer d'être en mesure de présenter le hockey.

Voulez-vous parler de la philosophie liée au contrat avec Rogers?

Mme Conway : Comme vous l'avez dit, Hubert, il y a deux choses. Il y a le temps et il y a le contenu. Comme il est question de 368 heures de contenu, même si on parle par exemple de 500 000 $ pour une heure, il reste qu'on en vient à 170 millions de dollars. Nous n'avons pas 170 millions de dollars. Même si on applique un facteur de répétition double, on parle de 85 millions de dollars. Nous n'avons pas cette somme, alors il faut appliquer un facteur de répétition triple. On arriverait tout de même à un montant que nous ne pouvons pas débourser.

Le sénateur MacDonald : Ne pensez-vous pas que Rogers, si elle est prête à payer 5 milliards de dollars pour les droits de diffusion des parties de hockey, serait disposée à payer une certaine somme pour l'image de marque de Hockey Night in Canada et de CBC?

M. Lacroix : C'est ce qu'elle a fait.

Mme Conway : En vertu de l'entente que nous avons conclue, un grand nombre de nos employés de la production technique travaillent à la production des émissions, alors les gens ont conservé leur emploi. Beaucoup d'employés de CBC travaillent encore à la production des émissions de hockey. Des studios sont utilisés dans l'immeuble de CBC. Il y a Hockey Night in Canada...

Le sénateur MacDonald : Mais c'est CBC qui paie le producteur et non pas Rogers, n'est-ce pas? Est-ce que Rogers y contribue financièrement? Je crois simplement que l'image de marque est tellement forte. Sur le plan du marketing, je trouve cela frustrant.

M. Lacroix : Vous savez qu'il s'agit encore de notre image de marque. Hockey Night in Canada nous appartient encore. Nous n'avons pas vendu la marque dans le cadre de cette transaction avec Rogers.

Mme Conway : Nous avons conclu quelques ententes avec des commanditaires, mais il s'agit d'une période de transition. On ne peut pas tout simplement dire « la marque nous appartient, mais le produit ne nous appartiendra pas pendant très longtemps encore ». C'est donc une transition. Et il s'agit d'une entente très acceptable pour nous.

Le sénateur MacDonald : Je comprends qu'il s'agit d'une transaction privée.

Le président : Avez-vous une dernière question, monsieur le sénateur MacDonald?

Le sénateur MacDonald : Il me reste quelques questions en fait.

Le président : Regroupez-les et ce sera plus rapide. Autrement, vous empiétez sur le temps de vos collègues, qui n'auront pas le temps en fin de compte de poser leurs questions.

Le sénateur MacDonald : Cela fait une heure et demie que j'attends pour poser mes questions.

Le président : Vous pouvez comprendre que pendant une heure et demie certaines personnes avaient la parole.

Le sénateur MacDonald : Je vais poser mes questions lors du second tour, alors. Je vous remercie.

Le sénateur Demers : Je vous remercie beaucoup d'être ici. Il y a quelque chose qui me pose problème, et vous pourrez peut-être me corriger lorsque j'aurai posé ma question.

J'ai fait de la télévision pendant 10 ans. J'en ai fait à CBC et à Radio-Canada, et j'en fais un peu maintenant pour le compte des Canadiens de Montréal et j'ai participé à Tout le monde en parle. Je ne veux pas simplement dire ce que j'ai fait. Je veux seulement faire une comparaison. Je me souviens que les cotes d'écoute étaient ce qu'il y avait de plus important. Je ne sais pas à quel moment les cotes d'écoute sont publiées. Est-ce à minuit le lendemain ou à 7 heures le matin? On constate leur importance. Elles revêtaient une grande importance pour les entreprises, les sociétés. Je me souviens que Le Banquier avait obtenu de meilleures cotes d'écoute que Tout le monde en parle. Il était toujours question de cotes d'écoute.

Monsieur Lacroix, j'ai écouté M. le sénateur Housakos poser une question au sujet des revenus de CTV Rogers, mais je ne sais pas si on les a comparés à vos revenus. Le président a dit de faire court, mais pour revenir aux cotes d'écoute et aux revenus, à notre avis, nous n'avons pas obtenu de réponse, monsieur.

[Français]

M. Lacroix : Pouvez-vous m'expliquer davantage votre question au sujet des cotes d'écoute; comment la formulez-vous?

Le sénateur Demers : Avec tout ce qu'on entend, semble-t-il qu'à CBC/Radio-Canada, les cotes d'écoute ne soient pas primordiales. Pour ce qui est des autres stations, comme CTV, les cotes d'écoute représentent ce qu'il y a de plus important en ce qui concerne les augmentations salariales des employés; lorsque les choses ne vont pas bien, certains employés sont congédiés. Lorsque les télédiffuseurs font des émissions avec des gens qui sont bien placés pour poser des questions, ils veulent connaître les cotes d'écoute de cette émission. On est en compétition maintenant avec RDS et TVA; il y a une émission après le match, et tout ce qu'on veut savoir, tout de suite après le match si c'est possible, ou le lendemain, c'est si on a dépassé les cotes d'écoute des autres télédiffuseurs. Je pose ma question en ce sens.

M. Lacroix : En ce qui touche la culture, je vais demander à mon collègue Louis d'intervenir après moi.

Je vous dirai d'abord que, dans mes remarques introductives, je vous ai rappelé qu'il était certain que, avec le modèle de financement dont on a hérité chez CBC/Radio-Canada, les revenus publicitaires sont importants. Je vous ai dit que cela représente environ de 20 à 25 p. 100 de nos revenus totaux.

Je vous ai dit également que, dans le contexte du mandat du radiodiffuseur public, nous devons atteindre un équilibre en rapport avec ce qui est présenté dans les grilles aux heures de grande écoute. Louis va vous parler de ces choix qui sont faits relativement à l'équilibre et au revenu — c'est un sujet très sensible dans notre environnement actuel — et relativement au mandat que nous avons en vertu de la loi.

M. Lalande : Il est sûr que les cotes d'écoute sont importantes. Hubert l'a dit tantôt, il n'y a pas de service public ou de diffuseur public sans public; alors, oui, c'est important, mais ce n'est pas la seule mesure.

Quant au marché francophone — et vous avez vu cette fiche-là —, le marché est un marché compétitif entre les télévisions généralistes et avec les télévisions spécialisées. Il est clair que la concurrence est l'un des éléments qui alimentent les décisions à tous les niveaux, mais ce n'est pas le seul facteur.

Radio-Canada est le seul diffuseur à offrir, pendant les heures de grande écoute, des émissions d'affaires publiques comme Enquête, Découverte, La semaine verte, La facture, L'épicerie; des émissions qui sont appréciées du public et qui vont chercher un auditoire important. La notion d'auditoire est donc importante, mais elle n'est pas la seule notion importante. Lorsqu'on diffuse un débat ou une émission qui va chercher beaucoup moins que ce qu'elle doit aller chercher, c'est parce qu'elle a un sens à apporter dans le débat public. Pour nous, c'est important, et nous allons continuer de le faire.

Ce n'est donc pas la seule dimension, mais dans les exemples que vous avez donnés, oui, c'est important, et je pense que c'est sain.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, il nous reste 25 minutes. Il reste six intervenants, alors vous disposez d'environ quatre minutes chacun. Ce temps inclut la question et la réponse. J'aimerais que les réponses soient aussi brèves que possible. Si les questions concernent le sujet dont est saisi le comité, nous n'aurons pas à discuter pour déterminer si la question est recevable ou non. Si nous avons cette discussion, comme vous le savez, le temps que nous y passerons sera retranché de votre temps de parole.

Sénateur Plett, la parole est d'abord à vous.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, monsieur le président, et j'espère que mon collègue d'en face conviendra que ma question porte sur les politiques.

Lorsque nous étions à Londres, monsieur Lacroix, j'ai demandé à des représentants de la BBC s'ils avaient diffusé les images tragiques du pilote jordanien brûlé vif, de la décapitation du journaliste japonais, et cetera. Ce que nous diffusons a fait l'objet d'un débat ici au pays. Je sais que Radio-Canada a décidé de ne pas montrer ces images, et je suis d'accord.

Après les horribles attentats de Paris, CBC a décidé de ne pas diffuser la caricature de Mahomet de Charlie Hebdo. David Studer, le directeur des normes et des pratiques journalistiques de CBC, a expliqué que CBC a décidé de ne pas diffuser les caricatures de Charlie Hebdo parce qu'elles sont choquantes pour ceux qui pratiquent une des grandes religions du monde. J'appuie votre décision de ne pas les publier.

Toutefois, monsieur, le 21 juillet 2010, CBC a diffusé l'image d'un crucifix dans un bocal d'urine. Elle a aussi diffusé une image sur laquelle un condom remplace l'Eucharistie.

La grande religion dont parlait David Studer est pratiquée par environ 3 p. 100 des Canadiens. Je vois que vous ne le saviez peut-être pas, mais vous pourrez peut-être nous revenir là-dessus. La grande religion visée par les deux images que avez diffusées, et je dois dire que je fais partie de cette religion, est pratiquée par 69 p. 100 des Canadiens. C'est la proportion des Canadiens qui affirment appartenir au christianisme. CBC a donc choisi d'offenser 69 p. 100 de la population en diffusant ces images, mais elle a choisi de ne pas diffuser une image qui aurait offensé 3 p. 100 de la population.

J'aimerais savoir quelle est la politique qui régit ce que vous diffusez, surtout dans ces cas particuliers. Si vous ne voulez pas commenter ces cas aujourd'hui, vous pouvez le faire par écrit ultérieurement, mais j'aimerais connaître votre politique.

M. Lacroix : Monsieur le sénateur Plett, vous avez tout à fait raison. Je ne sais pas ce que nous avons fait le 21 juillet 2010, et je ne suis pas au fait des autres exemples. Vous dites que nous avons fait ces choses et je vous crois sur parole. Je vais demander à Heather d'expliquer la décision de la CBC de ne pas publier des images du prophète.

Mme Conway : En réalité, nous avons montré certaines des caricatures du prophète en ligne, mais pas celle dont vous parlez. Notre politique, ce jour-là, n'était pas différente, et elle était la même à Radio-Canada. La question est de savoir s'il faut montrer quelque chose pour bien relater une histoire. Dans certains cas, la réponse est oui, et dans d'autres cas, c'est non.

Dans ce cas particulier, tout comme nous avons décidé de ne pas montrer l'exécution du policier ce jour-là — car nous en avions un enregistrement, et c'était très graphique —, la rédaction a pris la décision de ne pas montrer cette image en particulier, et je n'interfère pas avec ses décisions. On a estimé qu'il n'était pas nécessaire de montrer ces images qui auraient pu, en passant, offenser ce segment de la population, mais qui n'étaient pas nécessaires pour relater l'histoire. La rédaction s'est demandé s'il s'agissait de ces caricatures en particulier. Est-ce que ces personnes avaient attaqué Charlie Hebdo à cause de ces caricatures en particulier? Ces personnes ont attaqué parce que c'est ce qu'elles font, et c'est à cause de cette caricature-ci, ou de celle-là. Franchement, peu importe la caricature, on estime que ce n'était pas essentiel à la décision. C'est un acte terroriste qui visait ces personnes, et il en était ainsi parce que ces personnes montraient régulièrement des caricatures que les gens trouvaient offensantes.

Le sénateur Plett : Merci. Je suis d'accord avec vous. J'aimerais savoir ce que la CBC cherche à relater avec ceci.

Mme Conway : En fait, je ne suis pas au courant de cela.

Désolée, pouvez-vous me donner la date de la deuxième? J'ai le 21 juillet.

Le sénateur Plett : Je n'ai pas la date de la deuxième, mais je peux vous l'obtenir. J'ai vu la caricature, mais je n'ai pas la date.

Le sénateur Eggleton : Nous discutons de temps en temps des nouvelles locales. Je me suis toujours dit que nous avions besoin des nouvelles locales. C'est ce qui alimente les nouvelles nationales. Hier soir, la première nouvelle de l'émission « The National » avait une saveur locale en plus d'être d'intérêt international. Il est ressorti de nos discussions sur les cotes d'écoute que bien des diffuseurs privés ont beaucoup de succès — et nous parlons toujours de la télé anglophone — avec leurs nouvelles locales. Pourquoi donc la CBC doit faire le même genre de chose? Elle pourrait se retirer des nouvelles locales. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cela?

Mme Conway : Je pense que les raisons du succès des nouvelles locales sont très variées. Honnêtement, j'ai de la difficulté avec cela, car j'estime que nos nouvelles locales se comparent avantageusement à celles de n'importe quel autre réseau. Je pense que nous offrons un excellent produit.

Je pense que c'est une question d'héritage. Au fil du temps, la CBC a offert des nouvelles locales, puis cessé d'en offrir, pour y revenir ultérieurement. Comme vous le savez, c'est un produit qui entre dans les habitudes des gens. On choisit ses nouvelles locales, puis on ne change plus.

J'ai grandi ici, à Ottawa, et Max Keeping faisait partie des meubles. Tout le monde regardait Max Keeping, et c'était les nouvelles télévisées de l'heure du souper qui l'emportaient dans ce marché. Les gens regardaient ce bulletin de nouvelles.

Je pense que ce que nous faisons dans le cadre de notre stratégie qui nous guidera vers 2020 — le passage à nos plateformes mobiles, la marque locale et la possibilité de faire des mises à jour locales dans le courant de la journée — va nous aider dans ces marchés.

Le sénateur Eggleton : La question est la suivante : Est-ce que les fonds publics devraient servir à offrir un service que le secteur privé offre déjà?

Mme Conway : C'est une condition de licence.

M. Lacroix : C'est une exigence du CRTC; c'est une condition de notre licence. Vous comprendrez aussi, j'en suis sûr, que pour les marchés où les diffuseurs privés ont du succès — Vancouver, par exemple, où Global a une forte emprise sur le marché — il y a de nombreux autres marchés où ils n'ont pas autant de succès. Kevin Crull, qui est à la tête de CTV, a dit clairement en audience devant le CRTC : « S'il n'y a pas de soutien à la programmation locale, nous allons fermer. » Je pense qu'il a relevé 12 stations parce qu'il n'existe pas de modèle opérationnel. Monsieur le sénateur Eggleton, quand le CRTC a mené sa conversation Parlons télé avec les Canadiens, à la première ou à la deuxième étape, il a demandé aux Canadiens ce qui leur importait vraiment dans ce pays. Tout le monde a répondu que c'était les nouvelles locales. C'était la chose la plus importante pour eux. Alors il n'y a pas de modèle opérationnel pour cela.

D'après le diffuseur public, diffuser les nouvelles locales aux Canadiens fait partie du service public qu'il offre, et c'est la raison pour laquelle notre présence dans les nouvelles locales est au cœur de notre transformation numérique.

Le sénateur Housakos : Je vais essayer de regrouper plusieurs questions en une seule, car je vois que notre président est très discipliné, aujourd'hui.

J'ai une question générale : j'écoute votre témoignage avec beaucoup de curiosité, aujourd'hui, et je comprends très bien que vous dites que vous êtes sur un marché très concurrentiel, surtout la CBC. Nous ne sommes pas sans savoir que nous avons un géant culturel au sud, et que les diffuseurs privés jouissent d'un avantage inhérent s'ils peuvent y puiser du matériel. Vous devez vous en tenir aux paramètres de votre mandat.

Mais j'ai aussi scruté votre nouvelle stratégie pour l'avenir. Je l'ai dit plusieurs fois au comité, et maintenant, vous avez la chance de dire ce que vous pensez. J'estime que la CBC/Radio-Canada, surtout la CBC, essaie d'être tout pour tout le monde : nouvelles locales, nouvelles nationales. De toute évidence, vous devez respecter votre mandat concernant le contenu canadien et le cinéma canadien, mais vous êtes aussi dans les sports. Encore récemment, vous présentiez Hockey Night in Canada.

Dans ce contexte très changeant où la concurrence est si forte et les joueurs et plateformes, si nombreux, est-il réaliste qu'un diffuseur public financé par les contribuables puisse soutenir la concurrence sur toutes ces plateformes et dans tous ces domaines? Voici ce que j'ai suggéré : ne serait-il pas plus stratégique de se concentrer sur des créneaux particuliers auxquels le secteur privé ne peut accéder, d'essayer de nouvelles stratégies avec audace et d'envisager de se passer de recettes publicitaires? Je veux approfondir cela.

Je ne pense pas que, compte tenu de votre mandat, vous pourrez un jour faire concurrence au secteur privé dans la vente de publicité. Je trouve que le modèle de la BBC est bon, et ils n'ont pas de recettes publicitaires. Je dirais que les Britanniques vont choisir de regarder la BBC dans les deux tiers des cas parce qu'ils veulent éviter les publicités agaçantes.

C'est une question très générale. Pouvez-vous nous dire comment votre stratégie — une stratégie très générale —, selon laquelle vous allez faire concurrence sur tous les fronts, est bonne, ou bien s'il vaut mieux revenir à une stratégie plus étroite se limitant à certains domaines?

Ma dernière question porte sur le réseau francophone, Radio-Canada. Sa marque est très solide, au Québec. Son auditoire est vaste et, en tant que Québécois, je trouve Radio-Canada très pertinente.

Le président : Monsieur le sénateur...

Le sénateur Housakos : J'y arrive. J'ai deux minutes. Je ne les ai certainement pas encore utilisées au complet.

Le président : Il reste une minute pour la réponse.

Le sénateur Housakos : Permettez-moi d'utiliser ma minute, je vous prie.

Chaque fois qu'il y a des compressions à la CBC/Radio-Canada, j'ai l'impression que les compressions se font à l'échelle de la société, plutôt que là où nous n'avons pas l'avantage, et je pense que Radio-Canada devrait avoir davantage de fonds plutôt que d'en avoir moins, compte tenu du service qu'elle offre.

[Français]

M. Lacroix : J'ai une minute pour répondre à cinq minutes de questions, monsieur le président. Je vais faire mon possible pour y arriver.

[Traduction]

Nous faisons des choix. Le premier exemple que je vais donner est, manifestement, les sports professionnels. Nous ne présentons plus de sports professionnels. Les redevances sont astronomiques. Cela dépasse notre capacité. Nous avons une stratégie complètement différente, pour les sports. Elle se manifeste très clairement, monsieur le président, dans le partenariat que nous avons avec Bell et Rogers, pour devenir le principal diffuseur des jeux de 2018 et de 2020, car nous croyons en nos athlètes canadiens. Nous croyons que, si nous ne le faisons pas, personne d'autre ne va le faire, alors nous en faisons la promotion. Nous sommes très satisfaits du partenariat. Cela va fonctionner, et c'est un exemple de la Stratégie 2020.

En ce qui concerne les recettes publicitaires, je vous en ai précisé la taille, ou l'importance, il y a quelques minutes, monsieur le sénateur Housakos. Les recettes publicitaires représentent de 20 à 25 p. 100 de notre budget. Trouvez le moyen de nous faire un chèque d'un montant correspondant. Sinon, imaginez les services que les Canadiens perdront. Vous nous comparez constamment à la BBC. Elle a six fois plus d'argent — 6 milliards de dollars, contre 1 milliard —, alors il faut mettre les choses en perspective.

Le sénateur Plett : C'est 4,5 milliards de dollars.

M. Lacroix : Eh bien, nous n'utilisons pas le même taux de change.

BBC Worldwide, l'entité commerciale, déclare chaque année un dividende à sa société mère. Il y a toutes sortes de moyens. Ils ont en réalité beaucoup de recettes commerciales, à la BBC, mais il n'y a pas de publicité.

Voilà, monsieur le président. J'ai fait mon possible pour donner à fond de train un paquet de réponses à cinq minutes de questions.

La sénatrice Unger : Vous avez dit, monsieur Lacroix, que vous vous concentrez davantage sur les nouvelles locales et régionales parce que les gens les écoutent. Je ne sais pas si vous le savez, mais je suis de l'Alberta. Les nouvelles à Calgary, Edmonton, Regina, Windsor, Montréal et Fredericton seront réduites à 30 minutes, par comparaison aux 60 minutes à Toronto. Je pense que c'est lié au numérique, mais je pense qu'en Alberta, du moins, la plupart des gens voudraient les voir à la télévision.

Mme Conway : Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il y a en partie la transition vers le numérique, dans lequel on investit davantage, car nous allons là où les gens vont, et c'est là qu'ils vont en réalité.

Il y a aussi les recettes publicitaires. Nous avons examiné chacun des marchés et nous sommes posé cette question : « Quels critères devons-nous utiliser pour déterminer s'il faut 90 minutes, 60 minutes ou 30 minutes? » L'un des critères est la possibilité de recettes. S'il n'y a pas d'auditoire, la possibilité de recettes est faible. C'est donc en partie motivé par cela.

Ceci étant dit, nous ne voulions renoncer à aucune des collectivités où nous avons des activités locales et des nouvelles locales. Nous voulions maintenir notre empreinte et voir si nous pouvons avoir plus de succès en optant pour une stratégie axée sur le numérique dans ces endroits. Honnêtement, je pense que nous aurons de l'avance sur certains de nos concurrents quand nous allons déployer un service numérique pour les appareils mobiles et les tablettes.

En passant, nous aimerions étendre nos activités dans certaines collectivités de l'Alberta, où il existe des possibilités. Si nous avions l'argent, nous aimerions y aller et...

La sénatrice Unger : Je vais faire un bref commentaire. Le service que vous offrez en l'Alberta empire, mais vous pensez quand même que, quand vous serez prêts, vous aurez une solution gagnante et vous essaierez de reprendre le terrain déjà perdu. Je ne comprends pas votre logique.

Mme Conway : Je ne cherche pas à offrir un pire produit. Je cherche à arriver au produit le plus pertinent pour les auditoires. C'est de là que vient l'investissement dans la technologie mobile et numérique.

Le sénateur MacDonald : Je veux revenir sur une question antérieure, à propos de Hockey Night in Canada, à la CBC, et parler du logo. Sur le plan de la production, manifestement, Rogers doit payer pour la production de toute façon, alors je ne vois pas que cela entre dans la contrepartie pour la marque de la CBC.

Je sais que l'aréna d'Ottawa s'est appelé le Palladium, le Centre Corel et la Place Banque Scotia, et qu'il s'appelle maintenant le Centre Canadian Tire. Ils y mettent leur logo et doivent payer pour cela. Il y a un prix à cela. Je pense que la CBC s'est fait damer le pion, sur la question de l'utilisation de leur logo et de leur marque. Vous auriez dû avoir une compensation financière pour cela. Il me semble que cela va de soi.

Je veux aborder un autre sujet. En ce qui concerne la gestion des ressources au sein de la CBC/Radio-Canada, il y a une chose que nous entendons dans toutes les provinces : il faut plus d'argent pour les soins de santé et l'éducation. Quand on y regarde de plus près, on voit qu'il y a de l'argent pour les soins de santé et l'éducation, mais il ne va pas aux soins de santé et à l'éducation. Il va aux salaires, à la rémunération et aux pensions. L'argent est consacré à toutes sortes de choses qui n'ont rien à voir avec l'offre des services.

Qu'est-ce que la CBC/Radio-Canada a fait pour passer en revue les diverses formes de rémunération versées en son sein? Votre régime de retraite — le régime de retraite flexible — est-il comparable à ceux des diffuseurs privés? Quel montant la CBC/Radio-Canada a-t-elle consacré au financement complémentaire du régime flexible, au cours des deux dernières années? Je suis curieux de savoir comment les ressources sont gérées. Je veux qu'on me convainque de la bonne gestion des ressources avant l'affectation de ressources supplémentaires.

M. Lacroix : Monsieur le sénateur MacDonald, c'est la raison pour laquelle nous avons un conseil d'administration. Il se penche sur nos plans, nos programmes de rémunération et nos rajustements salariaux. C'est la raison pour laquelle le vérificateur général vient vérifier nos livres. C'est la raison pour laquelle le CRTC examine notre programmation et ce que nous faisons. Regardez tous les comptes que nous devons rendre à divers comités de la Chambre des communes et du Sénat, de toute évidence, sous l'égide de notre ministre et du Parlement.

Conclusion : personne n'est aussi transparent et clair au sujet de l'utilisation des fonds. La Stratégie 2020 — je dois y revenir — repose sur l'utilisation de l'argent que nous avons, s'il se trouve dans des immeubles, à des fins de contenu. Nous voulons faire cela, car dans le contexte actuel, selon le modèle opérationnel — je répète sans cesse la même chose —, nous allons être viables à long terme.

La sénatrice Batters : Vous avez mentionné l'enquête Rubin tout à l'heure. Le Globe and Mail a indiqué que la participation du personnel et de la direction de la CBC à l'enquête de Mme Rubin sera facultative. En fait, Chuck Thompson, qui est à la tête des Relations avec les médias de la CBC, a admis que personne n'est obligé de lui parler. Pouvez-vous me dire si la participation est facultative? La CBC sera-t-elle liée par les résultats? Si elle ne l'est pas, les résultats devraient-ils être obligatoires dans toute situation future? La participation devrait-elle être obligatoire?

M. Lacroix : J'ai le même problème, monsieur le président.

La sénatrice Batters : Monsieur, l'aspect particulier de cette question me rappelle un extrait d'une note de service transmise récemment par Jennifer McGuire, directrice générale et rédactrice en chef, CBC News, au sujet de l'affaire Amanda Lang.

Le président : Madame la sénatrice, je vais utiliser encore une fois votre temps pour vous rappeler le Règlement du Sénat selon lequel les questions doivent être liées au mandat qui a été donné au comité. Je vous ai signalé, il y a quelques semaines, que si vous voulez discuter d'une question de politique, cela ne me cause aucun problème. Si vous voulez personnaliser vos questions, je vais déclarer vos propos irrecevables. Si je consacre deux minutes à déclarer ce que vous dites irrecevable, c'est deux minutes perdues pour vous.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, ils ont utilisé l'histoire d'Amanda Lang et ont dit que c'était un environnement changeant, que la CBC...

Le président : Si elle pose une question à propos de l'environnement changeant, je peux l'accepter. Elle pose une question sur des gens qui ne sont pas ici pour se défendre.

La sénatrice Batters : Non. Je pose une question sur ce que Jennifer McGuire a dit, leur employée. Elle a dit : « [...] malheureusement, des personnes ayant leurs propres objectifs se servent de nos processus internes pour alimenter les débats ». Je me demande si cela en particulier correspond à la culture d'entreprise de la CBC concernant l'ouverture et la transparence pour les contribuables canadiens. Monsieur Lacroix, vous venez de dire, dans votre réponse précédente, que personne n'est plus transparent que la CBC/Radio-Canada.

[Français]

Le président : Ce sera le mot de la fin, monsieur Lacroix.

[Traduction]

M. Lacroix : Je rappelle au comité que l'accès à l'information est le processus utilisé par de nombreux Canadiens pour nous joindre. Je rappelle au comité que les deux dernières fois où la commissaire a évalué la CBC/Radio-Canada, elle nous a donné un A. C'est en raison de la culture à la CBC/Radio-Canada : quand nous le pouvons sans enfreindre les dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, nous donnons l'information. Compte tenu des centaines de milliers de pages de contenu que nous avons transmises en réponse à des demandes d'accès à l'information, il est clair que nous cherchons en réalité à nous améliorer sur ce plan.

La sénatrice Batters : Dites-vous que la participation à une enquête est facultative ou obligatoire pour des questions de protection des renseignements personnels?

M. Lacroix : Nous allons laisser Mme Rubin entendre les personnes qu'elle veut inviter à ses audiences. Nous verrons ce que Mme Rubin a à dire, et nous transmettrons les conclusions de cela aux personnes qui ont besoin de savoir et aux Canadiens, car c'est très important.

Le président : Merci, monsieur Lacroix. J'espère que les sénateurs estiment sortir de cette séance avec plus d'information qu'avant. Je vous remercie encore de votre présence.

[Français]

Merci à vos collègues; monsieur Lalande, madame Conway, merci beaucoup de votre présence. Notre prochaine rencontre aura lieu demain soir, et nous accueillerons des témoins du groupe CBC I Care.

(La séance est levée.)


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