Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 13 - Témoignages du 18 février 2015
OTTAWA, le mercredi 18 février 2015
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications. Nos témoins proviennent du groupe Radio-Canada, j'y tiens!
[Traduction]
C'est un groupe de citoyens de l'Est de l'Ontario et de l'Ouest du Québec sans couleur politique. Nous accueillons ses deux coprésidents, Mme Louise Poirier et M. Clive Doucet, ainsi que deux de ses membres, Mme Ellen Chassé et M. Jacques Gédéon.
[Français]
Faites votre présentation...
[Traduction]
Ils ont déjà assisté à nos réunions dans le passé et connaissent notre façon de faire. Écoutons leur exposé, après quoi nous pourrons les questionner.
[Français]
Louise Poirier, coprésidente, Radio-Canada, j'y tiens! : Monsieur le président et chers membres du comité, cette réflexion que vous faites sur Radio-Canada, notre radiodiffuseur public, est d'une importance capitale, et nous sommes très heureux que vous vous penchiez sur cette question. Merci de nous recevoir.
Je suis Louise Poirier, co-présidente du comité Radio-Canada, j'y tiens!, ancienne conseillère nationale au CRTC pendant cinq ans et membre du comité d'audition pour le renouvellement de la licence de Radio-Canada en 2012. J'ai été conseillère municipale des Villes de Gatineau et de Hull pendant neuf ans; j'ai siégé à plusieurs conseils d'administration d'importance, dont celui de la Fédération canadienne des municipalités; et j'ai occupé le poste de présidente de la Société des transports de l'Outaouais. Auparavant, j'ai travaillé dans le domaine des médias pendant 20 ans comme journaliste, animatrice et chroniqueuse, tant dans le secteur privé que public.
[Traduction]
Clive Doucet, coprésident, Radio-Canada, j'y tiens! : Je vous remercie de l'occasion que vous nous avez accordée, hier, d'écouter M. Lacroix et vos questions. La séance a été très instructive.
Je suis Clive Doucet, un ancien conseiller municipal de la ville d'Ottawa pendant 12 ans et candidat à la mairie aux élections de 2010. Comme Louise, j'ai siégé au conseil d'administration de la Fédération des municipalités canadiennes et j'ai fait partie de nombreux comités municipaux. J'ai aussi représenté Ottawa à des conférences internationales, à New York et au Brésil. Dans ma vie privée, je suis depuis toujours et encore aujourd'hui écrivain, auteur de romans, de poèmes, de pièces de théâtre et de mémoires.
[Français]
Le premier Doucet est arrivé en Acadie en 1632.
[Traduction]
Ma famille est au Canada depuis très longtemps.
Le groupe Radio-Canada, j'y tiens!/CBC I Care! a été créé à la suite des compressions budgétaires d'avril dernier et de l'annonce, en juin 2014, d'une autre réduction de 1 500 postes et d'un virage marqué vers les plateformes numériques. Il rassemble des gens de divers milieux de l'Ouest du Québec et de l'Est de l'Ontario. Nous ne sommes affiliés à aucun parti politique. Nous sommes ici pour défendre quatre principes fondamentaux qui définissent ce que représente pour nous un radiodiffuseur public canadien.
Tout d'abord, CBC/Radio-Canada n'est pas une radio-télévision d'État. Elle n'est pas assujettie à des intérêts privés, elle n'a pas d'attaches politiques, y compris avec le parti au pouvoir. C'est un diffuseur public, et c'est la population du Canada qui en est l'actionnaire via le Parlement canadien. Voilà notre premier principe.
Ensuite, une nation démocratique moderne ne doit pas dépendre uniquement des nouvelles, des informations et des émissions culturelles produites par les diffuseurs privés. Elle a besoin d'une diversité de points de vue objectifs et libres de tout lien avec le secteur privé. Ce principe a d'abord été entériné et ensuite réitéré par les différents parlements canadiens depuis 1936.
Enfin, la radio-télévision publique financée par des fonds publics doit être accessible à tous les citoyens, partout au Canada, sans frais supplémentaires et sans avoir recours aux services spécialisés. Elle devrait refléter les préoccupations et intérêts de tous les citoyens, tant sur le plan local, national qu'international.
[Français]
Mme Poirier : Avant de vous présenter le quatrième principe, permettez-moi d'ajouter que le président de Radio-Canada, Hubert Lacroix, demande depuis plusieurs années que les Canadiens paient une redevance de distribution par câble et par signaux satellites pour financer le diffuseur public.
Heureusement, le CRTC continue de le leur refuser. D'ailleurs, le président du CRTC a récemment réitéré l'importance de la télévision en direct gratuite au moyen d'antennes de type « oreilles de lapin ». En effet, les Canadiens ont précisé, lors des consultations de Parlons télé, qu'ils veulent encore maintenir ce type de service qui offre gratuitement dans de nombreux endroits entre cinq et huit chaînes de télévision, y compris Radio-Canada. Rappelons que les Canadiens regardent encore 28 heures de télévision par semaine, et que ce chiffre ne diminue pas.
Le quatrième principe que nous défendons comme citoyens est que le Canada est un pays bilingue qui doit servir non seulement les communautés francophones et anglophones, mais également les peuples autochtones, et ce, sur un immense territoire. Tout cela coûtera toujours plus cher que dans d'autres pays. Faut-il le rappeler, le Canada est le deuxième plus grand pays au monde en termes de superficie. Il faut donc trouver des façons innovatrices de financer adéquatement notre diffuseur public, comme l'ont fait la plupart des pays industrialisés modernes.
Je vais maintenant passer directement aux recommandations. En conclusion, monsieur le président, voici ce que nous demandons à titre de comité.
Première recommandation : étant donné que les crédits actuels versés par le Parlement à Radio-Canada équivalent à 29 $ par citoyen canadien par année pour son radiodiffuseur public, alors que la moyenne mondiale dans les pays industrialisés est de 82 $ par personne, nous recommandons qu'on rétablisse rapidement les 115 millions de crédits qui ont été retirés au cours des dernières années et que la ministre du Patrimoine canadien établisse un groupe de travail ministériel afin d'étudier de nouveaux modes de financement pluriannuels et stables pour Radio-Canada. Ce rapport devrait d'ailleurs être remis au Parlement. Comment gérer une corporation aussi grande que Radio-Canada si on ne connaît pas à l'avance son budget et si celui-ci n'est pas stable! En tant que citoyens, nous croyons que c'est très difficile.
Deuxième recommandation : étant donné que les nouveaux médias sont exemptés de toute réglementation — et je serai heureuse de vous en parler davantage plus tard; étant donné que, à notre connaissance, il n'y a aucune étude disponible qui évalue l'impact du transfert rapide de la programmation de Radio-Canada vers les nouvelles plateformes en regard de ses obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion; étant donné aussi qu'il est impératif que Radio-Canada remplisse pleinement son mandat tel qu'il est prescrit par la Loi sur la radiodiffusion sur toutes les plateformes, nous recommandons que Radio-Canada soit assujettie à la Loi sur la radiodiffusion, peu importe la plateforme qui est utilisée.
Troisième recommandation : nous recommandons que votre rapport appuie un respect intégral par la Société Radio-Canada de la Loi sur la radiodiffusion, en particulier l'obligation de puiser aux sources locales, d'être principalement canadienne, de contribuer activement à l'expression culturelle, et d'offrir une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit en toute indépendance.
En ce qui concerne le financement adéquat — et ce bout de texte n'est pas dans votre document —, ce que nous dérange, c'est que le Canada est l'un des rares pays à verser directement des crédits provenant du budget du gouvernement, qui sont donc laissés à la discrétion des parlementaires et, surtout, à la discrétion du gouvernement en place, peu importe son allégeance.
Nous préférons que des droits de licence, semblables à ceux de la BBC et d'autres pays comme le Japon et ailleurs dans le monde, qui sont un moyen indirect de financer le diffuseur public, soient préconisés par votre comité, puisque le fait de verser des droits directement à la société donne clairement l'impression de vouloir la diriger.
Finalement, nous profitons de cette tribune publique pour demander au conseil d'administration et à la direction de Radio-Canada de suspendre la mise en œuvre de son plan stratégique de 2020 — je ne sais pas si vous avez consulté le site web, mais en tant que citoyens, nous l'avons fait. Nous avons essayé de comprendre ce plan stratégique et nous n'y comprenons rien —, jusqu'à ce que son impact sur l'accessibilité, la qualité et la quantité de la programmation ait été évalué par une tierce partie d'ici la fin juin 2015.
Sur ce, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions, monsieur le président, au meilleur de nos connaissances à titre de représentants de simples citoyens.
Le président : Merci, madame Poirier.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Merci. Franchement, je ne sais pas par où commencer.
Permettez-moi d'abord de vous demander qui appuie votre organisation? Avez-vous des membres? Comment vous financez-vous? Donnez-moi une idée de qui vous êtes.
[Français]
Mme Poirier : Notre comité est composé de 16 personnes. Cependant, nous sommes présents sur toutes les plateformes des nouvelles technologies, et nous avons reçu 6 000 clics sur Facebook et Twitter. C'est notre façon de rejoindre la population. Nous sommes tournés vers les nouvelles technologies.
Les 16 citoyens qui se regroupent ont fait une conférence de presse jusqu'à ce jour et ont obtenu des commentaires de la population. De plus, nous avons formé des partenariats avec plusieurs autres organismes, comme les Amis de Radio-Canada, et je pourrais en nommer d'autres. Nous avons d'ailleurs été sollicités pour participer à la manifestation qui s'est déroulée à Montréal, et nous avons eu l'occasion d'y prendre la parole. Notre groupe a tenu au moins 15 rencontres, et nous préparons un immense concert qui se déroulera le 9 mars au Centre national des Arts, auquel déjà, après une annonce de moins de 24 heures, 900 personnes de la communauté ont accepté de venir. Le spectacle sera présenté à guichets fermés. Si nous avions pu obtenir une plus grande salle, nous aurions attiré facilement 2 000 personnes. Il est vrai que nous sommes des bénévoles. Nous payons nos propres dépenses comme nos photocopies, nos stationnements, nos repas et tout cela. Par contre, en ce qui concerne le spectacle et la production de certains éléments promotionnels, certains organismes ont accepté de nous aider, par exemple, la Guilde, qui est un syndicat, a accepté de fournir certains éléments, dont les petits macarons que nous portons. Il s'agit toujours de choses élémentaires et rudimentaires.
Nous avons demandé, bien entendu, dans ce cas-là — et il est important, monsieur le sénateur, de le préciser —, pour toute association, une libre indépendance de parole et d'idées.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Je suis certainement d'accord avec ce que vous venez de dire. Chaque citoyen canadien possède le droit et la liberté absolus d'exprimer ses idées. Cependant, nos actions à nous, les sénateurs, doivent être conformes à la volonté de la majorité des Canadiens et non d'un groupe de 16. Je voulais savoir qui vous représentiez et si vous représentiez beaucoup de Canadiens ou 16 personnes.
Nous venons de visiter la BBC, à Londres. Vous recommandez notamment que le Canada mette sur pied un système semblable à celui de la BBC, avec attribution de licences de télévision. D'après moi, si nous proposions cette idée au public canadien, nous aurions l'anarchie sur la conscience.
Sur cette question, nous avons entendu je ne sais combien de témoins, pendant je ne sais combien de mois, probablement près d'un an. D'innombrables témoins nous ont conseillé de nous inspirer de la BBC.
Hier, quand j'ai évoqué certaines pratiques de la BBC, M. Lacroix a soudain changé de discours et il a dit que nous devions cesser de comparer CBC/Radio-Canada à la BBC. Elles étaient différentes, comme le Canada et le Royaume-Uni le sont. En fait, les gens de la BBC ont accepté notre différence. Leur territoire est une île. Vous nous comparez aux pays d'Europe qui n'ont pas, comme nous, des milliers de kilomètres de frontières non protégées, perméables à l'information.
En fait, aucun Canadien n'est obligé d'écouter la télévision et encore moins telle chaîne. Chacun regarde ce qui lui plaît et ce qui l'intéresse.
M. Lacroix et moi, nous ne nous entendons pas sur les cotes d'écoute en Alberta. Je prétends qu'elles sont de 2 p. 100, lui qu'elles sont de 8 p. 100. Un groupe a reçu la mission de nous éclairer à ce sujet. En fait, plus d'Albertains veulent écouter les émissions américaines que CBC/Radio-Canada.
Nous ne devrions, je pense, obliger personne à regarder ce qu'il ne veut pas regarder et encore moins détourner l'argent à des contribuables à cause d'un groupe de 16 personnes. Et vous n'avez pas encore dit combien de personnes vous représentiez. Vous vous dites un groupe de 16 bénévoles et vous nous proposez des solutions dont je n'ai aucune preuve qu'elles plaisent au public canadien.
Montrez-moi, renseignements à l'appui, que la majorité du public canadien est d'accord avec vos propositions. Si c'était le cas, tout gouvernement les appliquerait.
S'il vous plaît, dites-moi ce qui vous fait croire que la majorité des Canadiens veulent ce que vous proposez aujourd'hui.
[Français]
Mme Poirier : Bien sûr, nous n'avons pas les moyens de faire de grands sondages, mais certains groupes l'ont fait, et je laisse M. Doucet vous expliquer les résultats des sondages sur l'opinion des Canadiens quant à l'importance de financier leur radiodiffuseur public.
[Traduction]
M. Doucet : Je comprends vos réserves. À propos, j'ai bien aimé certaines de vos questions à M. Lacroix, hier. Je les ai trouvées très intéressantes.
Le sénateur Plett : Merci.
M. Doucet : D'après un sondage Pollara, 80 p. 100 des Canadiens veulent une programmation plus locale et ils appuient CBC/Radio-Canada. D'après EKOS, je crois, 70 ou 69,8 p. 100 sont favorables à une augmentation de son financement. Je pense que nous pouvons affirmer en toute confiance que...
Le sénateur Plett : Pardonnez-moi, mais il s'agit de deux choses différentes. Ils sont 80 p. 100 à préconiser un financement plus généreux ou 80 p. 100 à vouloir plus de CBC/Radio-Canada? Voilà deux choses différentes.
M. Doucet : Ils sont 80 p. 100 à appuyer CBC/Radio-Canada. À la question précise d'EKOS, 69 p. 100 et quelques dixièmes favorisaient un financement plus généreux. Je pense que nous pouvons affirmer en toute confiance que nous ne sommes pas un groupe d'extrémistes radicaux. Nous représentons pratiquement la majorité.
Le sénateur Plett : Pourquoi pensez-vous?... Monsieur le président, vous pouvez donner la parole à quelqu'un d'autre quand j'aurai terminé et je sais que vous le ferez.
Dites-moi pourquoi les cotes d'écoute vous contredisent. Mon collègue Housakos assiste à une autre séance ce soir, mais il a posé la question un certain nombre de fois, comme il l'a fait hier encore.
Pendant le terrible attentat survenu sur la Colline du Parlement, en octobre, CBC/Radio-Canada a fait de l'excellent travail. Sachez que les 80 p. 100 de Canadiens qui, vous dites, veulent la regarder, j'en fais partie. Je l'écoute plus que tout autre diffuseur canadien, plus que CTV.
Hier, j'ai regardé CTV. La télévision de ma chambre d'hôtel s'est allumée par hasard à cette chaîne, alors que débutait The National, que j'ai donc écouté. Ça ne m'ennuie pas de dire publiquement que je n'ai pas aimé l'émission autant que j'aime The National de CBC. J'appartiens à cette catégorie de gens.
Je ne veux pas qu'on la finance plus, parce que, bien sûr, elle passe de la publicité. Elle obtient donc du financement et, pourtant, elle peut s'y opposer.
Pour revenir à ce que je disais, elle a fait du travail splendide, de premier ordre, le 22 octobre. Je pense que Rosemary Barton était l'une des principales journalistes. Pendant les 24 heures qu'elle a été confinée, elle a diffusé ses reportages. Et je l'ai écoutée sans arrêter.
À Londres, nous avons demandé à notre greffier de nous procurer les cotes d'écoute de la semaine de CBC/Radio-Canada par rapport à celles de CTV et de Global. Sur les 30 émissions les plus écoutées, aucune n'était de CBC/Radio-Canada. CTV en avait 20 ou 22. Cette semaine-là, CBC/Radio-Canada n'a pas fait la liste. J'en déduis que les Canadiens ne veulent pas la regarder, c'est le meilleur sondage du monde qui le dit.
M. Doucet : Je vous ai entendu poser cette question à M. Lacroix, et sa réponse fait partie de celles qui m'ont dérangé.
Il a fondamentalement répondu que la cote était de 8,2 pour CBC/Radio-Canada contre 12,7, la plus forte, pour CTV. Une différence de 4 p. 100, c'est peu. Ensuite, il n'a pas réussi à très bien démontrer que la BBC obtenait cinq fois plus d'argent que CBC/Radio-Canada et qu'elle obtenait un auditoire de 35 p. 100. Multipliez notre budget par cinq et je pense que vous verrez que vous en aurez pour votre argent. Ce serait une augmentation considérable du financement canadien.
Le sénateur Plett : La BBC peut se passer de publicité, tandis que CBC/Radio-Canada peut faire concurrence aux diffuseurs privés pour la publicité. La comparaison est un peu boiteuse.
C'est ma dernière question.
Le président : La semaine prochaine, dans le fauteuil, vous comprendrez qu'il est difficile d'imposer la discipline.
Le sénateur Plett : C'est ma dernière question, monsieur le président. Laissez-les y répondre.
Le président : Je vous écouterai sur le Web et si je remarque que vous accordez trop de temps aux intervenants et que, à la fin, vous en utilisez aussi, j'espère que vous aurez compris.
Le sénateur Plett : J'utiliserai un petit sablier. Permettez, s'il vous plaît, qu'ils répondent, puis je céderai la parole au sénateur Eggleton.
[Français]
Mme Poirier : Je tiens à rectifier une chose importante pour nous : notre comité consultatif pour les citoyens compte 16 membres, mais nous avons 6 000 membres Facebook qui sont membres de notre organisme. Je trouve important de préciser que nous estimons représenter 6 000 membres qui ont volontairement accepté de se joindre à nous sur Facebook. En ce qui concerne la publicité, rappelez-vous qu'en 1960 ou 1970, Radio-Canada a demandé d'avoir de la publicité pour augmenter ses revenus. En même temps il faut le dire, et j'ai entendu M. Lacroix le dire hier , du côté francophone, s'il n'y avait pas eu Radio-Canada pour offrir de la visibilité à des annonces commerciales, très peu de postes auraient pu le faire à cette époque-là. Il n'y avait que TVA. Maintenant, il y a VTV et quelques chaînes, mais c'est aussi à la demande des commerces et des entreprises qui veulent pouvoir rejoindre le public. C'est pour cette raison que cela s'est fait.
Rappelons-nous, cependant, que la radio n'offre pas de publicités, sauf CBC Radio 2 et Espace Musique, qui se sont vu octroyer cette permission. Pourquoi va-t-on chercher de la publicité? Parce qu'on manque de revenus. On manque d'argent accordé par le Parlement. La BBC, jusqu'à récemment, diffusait de la publicité sur ses ondes. Elle a accepté, il y a quelques années, de revoir le tout et cela a changé. Je serais la première citoyenne à être très heureuse que mon gouvernement accepte de donner 6 milliards de dollars à Radio-Canada en échange de quoi on n'y verrait plus de publicités. Cependant, que voulez-vous, c'est la question que vous me posez. Je vous dirais que beaucoup de gens, même en France, n'ont plus de publicités sur leurs ondes. Or, savez-vous qui compense la perte de publicité et de revenus publicitaires? Ce sont les autres radiodiffuseurs privés qui paient le radiodiffuseur public. Je vous invite à examiner le cas de la France : elle a trouvé d'autres façons de faire.
Nous ne suggérons pas un mode de financement; nous demandons la création d'un comité ministériel, car nous ne sommes pas habilités à suggérer un moyen de financement. Cependant, nous affirmons que le Parlement doit se tenir à une distance de Radio-Canada, qu'il doit se départir du financement direct et trouver un mode de financement indirect qui serait considéré comme acceptable par les citoyens, qui reconnaissent à 69 p. 100 que le financement accordé à Radio-Canada n'est pas suffisant. Radio-Canada a été créée pour nous protéger de l'américanisation des ondes. Je pense que nous sommes entrés dans une ère où il est nécessaire pour nous de conserver nos valeurs canadiennes. Or, Radio-Canada le fait.
Le président : Mme Poirier, je vais vous dire la même chose que j'ai dite aux sénateurs qui posent des questions : si les réponses sont plus courtes, nous disposerons de plus de temps pour poser des questions. Je vois que vous avez déjà fait de la politique, car vous avez une certaine facilité avec la parole.
Alors, de la Fédération canadienne des municipalités, le sénateur Eggleton.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : J'en ai fait partie aussi. Ça fait au moins trois d'entre nous, dans la pièce.
Vous avez fait allusion, à plusieurs reprises, à la Loi sur la radiodiffusion. Je remarque qu'elle parle assez longuement de sauvegarder, d'enrichir et de renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada. Comble de l'ironie, elle ne dit rien des cotes d'écoute.
Les cotes d'écoute, comme je pense que vous l'avez fait remarquer, monsieur Doucet, ne sont pas aussi mauvaises que certains pourraient les faire paraître.
Le sénateur Plett : Une cote de 2 p. 100, ce n'est pas énorme.
Le sénateur Eggleton : Non, ça, ça n'existe pas. Vous ne l'avez pas vérifié. C'est faux — 8,2 p. 100 contre 12,3, la cote maximale. Quand on tient compte de l'univers de 500 canaux et du morcellement de toute l'industrie, ce ne sont pas de mauvaises cotes. Les bonnes émissions de la chaîne ont de bonnes cotes. La BBC, bien sûr, peut produire des programmes de très bonne qualité, ce qu'elle fait effectivement, mais elle a tellement plus d'argent.
Vous avez mentionné le sondage Pollara et un appui de 80 p. 100. Vous avez dit que l'autre sondage révélait que 69 p. 100 des sondés voulaient un financement plus généreux, et CBC/Radio-Canada déclare qu'elle rejoint quelque 87 p. 100 de l'auditoire chaque mois. Ce sont des chiffres très élevés et très éloquents de l'appui du public canadien.
Vous vous êtes surtout attachés à la question du financement. Le gouvernement actuel affame CBC/Radio-Canada. Les gouvernements antérieurs, y compris ceux de mon parti n'ont pas fait beaucoup mieux, je l'admets. Je pense que les dernières compressions sont la goutte qui a fait déborder le vase, et vous l'avez aussi fait remarquer.
Vous dites que nous devons trouver des méthodes innovantes pour bien financer notre radiodiffuseur public. Voyons cela un instant. Nous savons tous ce que fait la BBC. Elle a un système de droits qui remonte très loin dans son histoire. Il pourrait être un peu difficile d'essayer de l'appliquer ici, mais il existe d'autres possibilités.
Vous avez mentionné que M. Lacroix avait parlé des réseaux de distribution par câble et satellite, lesquels devraient verser une part de l'argent qu'ils obtiennent à CBC/Radio-Canada pour la radiodiffusion publique. Avez-vous une idée des montants qui seraient ainsi générés? Je ne me rappelle pas qu'il en ait parlé. Combien d'argent cela amènerait-il dans les coffres de CBC/Radio-Canada?
[Français]
Mme Poirier : Il est très difficile pour nous, sénateur, d'estimer un tel chiffre, parce que pour obtenir un chiffre sur les coûts de distribution, il faut aller devant le CRTC, et c'est avec le CRTC et dans le cadre d'une audience publique que Radio-Canada pourrait fixer un prix.
Ce prix, par la suite, pourrait varier d'une compagnie de câble et de satellite à l'autre, ce qui permettrait de déterminer combien ces compagnies chargent ensuite au public pour le payer, mais il reviendrait aux citoyens de payer de tels frais de distribution.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Un autre de nos témoins, M. Kiefl, a proposé une taxe de 7 p. 100 qui frapperait l'industrie des communications, une espèce de fourre-tout. Elle a entrepris la convergence. Elle utilise différentes plateformes et le sans-fil, des services traditionnels de diffusion et des services en ligne. Avez-vous une opinion à ce sujet? Vous laisseriez simplement à quelqu'un d'autre le soin d'imaginer comment on pourrait trouver cet argent? Vous pensez vraiment que plus d'argent devrait être versé à Radio-Canada.
Je vais vous questionner sur un autre sujet. Actuellement, l'argent provient du Trésor, des recettes de base de l'État, ce qui signifie que les montants sont soumis aux caprices des allocations annuelles, en fonction de la conjoncture et des méthodes de compression qu'entend appliquer le gouvernement. Le financement est annuel au lieu d'être à long terme. Qu'en pensez-vous?
[Français]
Mme Poirier : Nous avons fait le tour de la question et examiné plusieurs pays. Pour la BBC, il s'agit d'un droit de licence, comme vous l'avez découvert, et en France, d'une taxe aux télécommunications. C'est une taxe prélevée sur l'utilisation du téléphone cellulaire. Au Japon, c'est aussi un droit de licence de 140 $ à 250 $ par ménage. En Suède, il s'agit de 310 $ par citoyen pour un radiodiffuseur sans publicité.
Le Canada, par exemple, a décidé de faire une vente de son spectre. Le spectre est un bien public. Il aurait pu décider de garder une partie des revenus du spectre qui est utilisé par Radio-Canada. Il y a des millions qui sont entrés dans le Trésor public et qui auraient pu être utilisés. Nous voulons dénoncer qu'il est malheureux que Radio-Canada soit obligée de vendre ses actifs pour faire de la bonne programmation. M. Lacroix vous l'a dit hier. C'est un peu comme un citoyen ordinaire qui décide de vendre sa maison pour faire son épicerie.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Il y a un autre sujet, la publicité. À la BBC, alors que nous étions à Londres, toute idée de faire de la publicité provoquait une réaction d'horreur : « Juste ciel! Le secteur privé détesterait cela! » Ce serait lui faire concurrence. La BBC a expliqué sa réussite et son auditoire notamment par le ras-le-bol que provoquent les publicités interminables de plusieurs minutes.
Hier, vous avez peut-être entendu M. Lacroix dire que ses recettes se chiffraient à environ 350-380 millions de dollars. Je pense que c'est peut-être pour la télévision anglaise seulement; je n'en suis pas certain.
Mme Poirier : Non, c'est pour toute la boîte.
Le sénateur Eggleton : Je pense qu'on réagit un peu différemment à la publicité dans la radiodiffusion et à la télévision du côté français de Radio-Canada. Alors, pour toute la boîte, c'est 380 millions de dollars?
Mme Poirier : Oui.
Le sénateur Eggleton : Il a dit que les frais des ventes publicitaires se chiffrent à environ 10 p. 100. Est-ce que cela vaut la peine? Si on ne laisse que la peau et les os à l'organisation, oui, peut-être, mais si on améliorait son financement, ne ferait-elle pas mieux d'envisager l'abandon de la publicité, comme elle le fait déjà pour Radio-Canada Première?
[Français]
Mme Poirier : Pour nous, le plus important est que Radio-Canada dispose de l'argent nécessaire pour offrir une programmation de qualité. Voici ce que nous voulons dire par là : nous sommes en concurrence avec les États-Unis où, je ne sais pas si vous le savez, certaines émissions d'une heure disposent d'un budget de 5 millions de dollars. Il est certain que si nous avions de telles sommes à investir, les Canadiens auraient des séries fantastiques et regarderaient encore davantage la télévision.
Cependant, le mandat de Radio-Canada l'oblige aussi à diffuser le Stampede de Calgary, la Fête des Acadiens, la vie de John A. Macdonald. Entre vous et moi, ce type de programmation n'attirera jamais les plus grandes foules, mais c'est une programmation nécessaire pour informer notre public, lui donner des valeurs canadiennes différentes de celles des Américains et faire en sorte que Radio-Canada puisse jouer son rôle, d'où l'importance d'avoir de l'argent.
Nous pensons que vous êtes assez sages pour formuler des recommandations selon lesquelles il faut effectivement plus d'argent, et sur les façons de le trouver. Nous proposons une solution, mais nous n'avons pas, bien sûr, comme simples citoyens, la solution ultime à vous présenter aujourd'hui.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Madame Poirier, j'aimerais revenir sur les commentaires de M. Lacroix, c'est-à-dire lorsqu'il a demandé au CRTC d'exiger que les Canadiens paient une redevance de distribution par signaux satellites et par câble pour financer le radiodiffuseur public. Je crois qu'il aurait dû dire une redevance « d'utilisateur » plutôt que « de distribution » pour le câble et les signaux satellites. C'est une position que je soutiens fortement.
Je ne regarde pas la CBC. Je vis en Alberta, où l'on a réduit nos services de nouvelles. Je présume que la société porte très peu attention aux nouvelles importantes de dernière heure. Par exemple, lorsque le premier ministre provincial Peter Lougheed, un homme admiré par de nombreux Albertains, est décédé, ses funérailles ont reçu au total environ 30 minutes de couverture médiatique. On peut comparer cela à d'autres funérailles que la CBC couvre presque en continu dans l'Est du Canada. Donc si le mot « utilisateur » était dans cette phrase, je serais d'accord.
À l'aide de partisans enthousiastes — et madame Poirier, vous seriez leur motivatrice —, je crois qu'en très peu de temps, la CBC pourrait devenir la prochaine BBC. Toutefois, je crois que le Canada est unique et qu'on ne peut pas comparer son radiodiffuseur à la BBC ou à celui d'autres pays de l'Europe, car ils n'ont pas un voisin aussi important au sud. En effet, la plupart des émissions que je regarde viennent de nos voisins du sud. Si elles sont canadiennes, je regarde également d'autres réseaux.
Cela nous met dans une position unique. Quelqu'un a mentionné plus tôt les grosses sommes d'argent dépensées pour certaines émissions, et que la CBC devrait pouvoir profiter de ce type de financement, mais nous avons un dixième de leur taille et cela n'arrivera jamais.
La dernière question — ou peut-être la seule question — que j'aimerais poser concerne un colloque qui s'est tenu en septembre 2013 à l'Université d'Oxford, et où l'on se demandait s'il y avait toujours une place pour la télévision d'intérêt public malgré le changement des conditions économiques de la radiodiffusion.
À votre avis, le changement des conditions économiques de la radiodiffusion au Canada a-t-il eu un effet sur la pertinence de la CBC?
[Français]
Mme Poirier : J'ai entendu hier vos bonnes questions, entre autres, sur l'importance de la télévision et de l'information locale. J'appuie tout à fait votre point de vue à ce sujet.
Par contre, il est important de comprendre que le jour où il n'y aura plus de Radio-Canada — je parle pour les francophones du Québec —, il n'y aura qu'une chaîne qui diffusera des nouvelles en français, et ce sera TVA. Actuellement, aucune autre station, qu'il s'agisse de la chaîne V ou Unis, n'offre de bulletin de nouvelles. Or, la Loi sur la radiodiffusion précise qu'il est important pour les Canadiens d'avoir une diversité de voix.
Bien sûr, le marché anglais vit une autre situation. Des chaînes privées en anglais peuvent compenser cette absence. Cependant, il a été clairement établi que lorsque Radio-Canada n'y est plus pour faire de la nouvelle, souvent, le standard des nouvelles, leur durée, leur nombre et leur qualité diminuent. Le public canadien a besoin de ce support pour être bien informé. Nos priorités, comme comité, sont la transmission d'informations locales, régionales, nationales et internationales pour les Canadiens, et la création, par le documentaire, la dramatique, la culture et le sport. C'est la mission en laquelle nous croyons pour Radio-Canada.
[Traduction]
La sénatrice Unger : J'ai seulement une brève question : Pourquoi la couverture médiatique de la CBC est-elle aussi inéquitable à l'échelle du pays? Car elle est inéquitable.
Depuis que je fais partie de ce comité, j'ai regardé la couverture médiatique offerte dans les autres provinces. Je ne sais pas où le sénateur Plett a obtenu ses données, mais je présume qu'il est très près de la vérité. Il y a une raison pour cela. La semaine dernière, un témoin a déclaré que la CBC ne peut pas être tout pour tout le monde, et c'est particulièrement vrai dans ma province.
[Français]
Mme Poirier : J'accepte bien votre commentaire. Je vous dirais que les gens à l'extérieur de Montréal font souvent le même commentaire que vous; ils se sentent délaissés. Cependant, il faut comprendre que le mandat de Radio-Canada est très large. Nous avons évalué, comme groupe, qu'elle a 33 services différents à offrir, avec le budget dont elle dispose, dans les deux langues officielles et dans les langues autochtones. Elle a des antennes partout au Canada. Aucun diffuseur privé n'a à couvrir le Canada de la même façon avec autant d'antennes.
À mon avis, c'est une question de budget. C'est la raison pour laquelle nous affirmons qu'il est important de lui donner plus d'argent pour qu'elle puisse réaliser pleinement la couverture locale partout au Canada.
[Traduction]
M. Doucet : Je formule la même plainte que vous. Contrairement à mes collègues, je ne suis pas un expert. Je suis seulement un ancien politicien municipal, mais selon mon expérience en politique municipale, je peux vous dire que 1,3 million de personnes vivent dans cette région. C'est une partie importante de la province de l'Alberta, où un seul journaliste d'intérêt public s'occupe de toutes les nouvelles locales. Si vous pensez qu'il peut tout couvrir, vous avez tort. Il ne peut pas.
Hier, le sénateur Eggleton, je crois, a demandé pourquoi nous devrions couvrir les nouvelles locales. Souvent, les nouvelles nationales découlent des nouvelles locales. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, nous avons affronté la plus grosse tempête de pluie verglaçante du monde et une grande partie de la province a été immobilisée. Nous avions besoin d'une couverture médiatique et de la CBC.
Je peux vous dire que dans cette ville, il se produit des événements que j'aimerais communiquer à la population locale, sans parler de la population de l'Alberta. En effet, les îles qui sont dans la rivière des Outaouais font l'objet d'une bonne discussion. Les Autochtones locaux et d'autres personnes aimeraient les conserver comme endroit de rassemblement national, car il s'agit de leur lieu de rassemblement traditionnel. Ce n'est pas la faute de la CBC. Lorsque vous n'avez qu'un journaliste, vous ne pouvez pas couvrir tous les événements.
Je pense que la plupart de vos plaintes pourraient être réglées si les ressources nécessaires étaient disponibles. À mon avis, l'une des statistiques les plus renversantes que nous avons trouvées lors de nos recherches pour aider votre comité concernait les subventions peu élevées versées à la CBC comparativement à celles versées aux radiodiffuseurs de tous les autres pays industrialisés. Il y a une grande différence entre 82 $ et 29 $ par habitant. C'est énorme. À côté de notre pays, la France ne fait pas le poids.
Je présume que je suis un peu brusque et que je n'ai pas la délicatesse de mes collègues. Pour moi, cela semble très simple : on a la valeur de ce qu'on a payé. Nous avons un grand pays avec toutes sortes de problèmes, et nous accordons un budget ridicule à notre radiodiffuseur public national.
Le sénateur Greene : Plus tôt, nous avons parlé des cotes d'écoute. Au Canada anglais, elles sont de 8,2 p. 100, et CTV obtient 12,6 ou quelque chose de ce genre. L'un d'entre vous a mentionné que cela signifie que CTV avait une avance de 4 p. 100 sur la CBC. En fait, elle a une avance de 50 p. 100, car la différence entre 8 et 12 est 4, et la moitié de 8 est 4. Donc, CTV a une avance de 50 p. 100 sur la CBC. Je crois que je me souviens que les cotes d'écoute étaient d'environ 18 p. 100 au Québec. Le Québec est deux fois et demie plus en avance que le Canada anglais.
Je peux imaginer qu'aux débuts de CBC TV, en 1952, 1953 ou 1954, la CBC réussissait à récolter des cotes d'écoute considérablement plus élevées que maintenant, car c'était pratiquement le seul réseau. Les gens qui vivaient près de la frontière pouvaient regarder les réseaux américains à l'aide d'antennes de type « oreilles de lapin », mais la plupart des autres Canadiens devaient regarder CBC/Radio-Canada. Je ne connais pas ses cotes d'écoute de l'époque, mais elles devaient être extrêmement élevées.
À l'époque, je crois qu'on avait de très bonnes raisons de demander aux contribuables d'aider financièrement CBC/ Radio-Canada, car de nombreux Canadiens la regardaient. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Je me demande donc si les contribuables devraient continuer de payer pour CBC/Radio-Canada. D'un autre côté, j'aime la CBC. Je suis comme le sénateur Plett. Je la regarde.
J'aimerais explorer les solutions de rechange pour financer CBC/Radio-Canada. L'une des solutions sur lesquelles les membres du comité ne se sont pas suffisamment penchés, c'est la solution « utilisateur-payeur ». J'aimerais savoir, étant donné que vous aimez CBC/Radio-Canada, si vous êtes prêts à payer chaque fois que vous écoutez ce réseau, en présumant qu'on pourrait mettre au point une méthode pour concrétiser ce projet. Le feriez-vous? Seriez-vous tous prêts à payer chaque fois que vous regardez les émissions de CBC/Radio-Canada?
[Français]
Mme Poirier : CBC/Radio-Canada est le seul média qui unisse tous les Canadiens en même temps. Quand je suis à Vancouver, je peux écouter une émission que d'autres Canadiens regardent en même temps que moi ou presque. C'est un grand pays, et pour unir les gens de ce pays, il faut communiquer aux Canadiens ce qu'ils sont. Sans la CBC, je pense que le pays n'aurait pas les mêmes valeurs, surtout que nous sommes un pays qui accueille beaucoup d'ethnies d'un peu partout. CBC/Radio-Canada est souvent leur référence pour apprendre ce qu'est le Canada. Pour nous il est certain que, de la même façon qu'un régime de santé est gratuit, nos valeurs et notre tissu social doivent être gratuits.
[Traduction]
Le sénateur Greene : J'en déduis donc que votre réponse est non, vous ne paieriez pas pour regarder les émissions de CBC/Radio-Canada.
Mme Poirier : Non, et j'aimerais ajouter qu'il y a peu de temps, le président du CRTC a fait un discours dans lequel il a dit que les Canadiens souhaitaient conserver les antennes de type « oreilles de lapin ». Pourquoi? Parce que les enfants d'aujourd'hui n'ont pas le câble. Ils ne paient pas pour le câble, mais ils utilisent les antennes de type « oreilles de lapin » pour regarder les émissions de la CBC/Radio-Canada, car elles sont gratuites.
Il y en a toujours aux États-Unis. C'est très important. En 2010, 14 p. 100 de la population utilisaient les antennes de type « oreilles de lapin ». Nous savons aussi que 20 p. 100 les utilisaient en 2013, car c'est gratuit.
Le sénateur Greene : Répondriez-vous tous la même chose, c'est-à-dire que vous ne paieriez pas pour regarder les émissions de CBC/Radio-Canada?
M. Doucet : J'aimerais répondre à votre question sous un autre angle. Je crois que la gratuité est un élément essentiel de la radiodiffusion publique. C'est l'une des raisons qui m'amènent à comparaître devant vous aujourd'hui.
J'aimerais vous donner un exemple très personnel. Je suis un très grand partisan — je déteste l'admettre — de Montréal. Lorsque le service commémoratif de Maurice Richard a eu lieu au Forum ou au nouveau Centre Bell, il fallait le regarder sur TSN. Lorsque j'ai voulu regarder les championnats mondiaux de hockey junior, il fallait payer 250 $ à Rogers. Les Canadiens paient 70 $, 100 $ ou même plus tous les mois pour regarder des réseaux spécialisés. Eh bien, si nous laissons CBC/Radio-Canada disparaître, pour agir en Canadien, il faudra avoir les moyens de se payer ces réseaux. Je crois que tous les Canadiens devraient être en mesure de regarder ce type d'événements.
Le sénateur Greene : C'est un souhait très noble, mais ma question, c'est si vous n'aviez d'autre choix que de payer pour regarder les émissions de CBC/Radio-Canada, le feriez-vous? La réponse que j'entends, c'est non.
M. Doucet : Dans ce cas-là, vous n'auriez pas de radiodiffuseur canadien. Cela revient à comparer des pommes et des oranges. Vous ne paieriez pas pour la même chose.
Le sénateur Greene : Et s'il y avait une mesure incitative?
Le sénateur Plett : Ce n'est pas pertinent.
Le sénateur Greene : Imaginez que le gouvernement fédéral versait un dollar pour chaque dollar que vous payez.
Mme Poirier : Nous payons déjà nos impôts. Nous payons 29 $ par année. Nous disons que nous serions prêts à payer 40 $ par année en impôts pour obtenir un meilleur service et pour obtenir un service régional et local. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Le sénateur Greene : Mais la plupart des gens ne regardent pas le réseau.
Mme Poirier : Et c'est la raison pour laquelle j'aimerais ajouter une chose, monsieur le président, si vous me le permettez.
Un grand nombre de Canadiens n'ont pas d'automobile, mais ils payent pour les routes. J'affirme donc qu'un grand nombre de Canadiens ne regardent pas CBC/Radio-Canada, mais ils souhaitent la conserver, car c'est une mesure de protection.
Le sénateur Plett : Ce n'est pas pertinent, n'est-ce pas?
Le président : La question et la réponse pourraient concerner certaines personnes et ne pas concerner d'autres personnes. J'aimerais qu'on fasse preuve d'un peu de discipline. Des milliers de gens nous regardent.
Le sénateur MacDonald : J'aimerais remercier les témoins d'être ici.
Si vous me le permettez, j'aimerais saluer spécialement M. Clive Doucet. Je considère que Clive est un compatriote du Cap-Breton. En effet, son père vient de Grand Étang, et sa mère était une épouse de guerre. Il a écrit un excellent livre intitulé My Grandfather's Cape Breton au début des années 1980.
Le sénateur Plett : Est-ce pertinent?
Le sénateur MacDonald : Bien sûr que c'est pertinent.
Le président : Sénateur Plett, c'est la semaine prochaine que vous présiderez le comité, pas cette semaine.
Le sénateur MacDonald : C'est un excellent livre, Clive.
M. Doucet : Merci beaucoup, monsieur.
Le sénateur MacDonald : Je vous ai toujours soutenu lorsque vous vous présentiez à la mairie, même si je n'avais pas le droit de voter. Vous êtes un grand Canadien et un excellent fonctionnaire.
M. Doucet : Merci beaucoup, monsieur.
Le sénateur MacDonald : J'aimerais revenir sur certaines de vos recommandations. Les deux dernières ne me posent pas vraiment de problème, mais la première recommandation, celle qui propose de rétablir les 115 millions de dollars en financement perdu, me pose certains problèmes. L'une des choses que doit faire CBC/Radio-Canada, c'est de s'ajuster à la nouvelle réalité du milieu de la radiodiffusion et de dépenser l'argent adéquatement. J'aimerais savoir comment la première recommandation est liée aux deux dernières, qui concernent la Loi sur la radiodiffusion.
La dernière version de la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée en 1991, il y a presque un quart de siècle. Beaucoup de choses ont changé dans le milieu de la radiodiffusion en un quart de siècle. Par exemple, mes deux fils utilisent la diffusion continue sur leurs ordinateurs et leurs téléphones, et un grand nombre de leurs amis font la même chose. Nous avons affaire à une infrastructure et à une réalité complètement différentes de ce que nous avons connu. Est-il temps de réévaluer la Loi sur la radiodiffusion et la façon dont elle sert les Canadiens? Il faudrait peut-être la mettre à jour. Quels sont vos commentaires à cet égard?
[Français]
Mme Poirier : Nous laissons les parlementaires et le gouvernement décider. Nous pensons que c'est votre rôle de décider si elle doit être revue. Je peux simplement mentionner que je suis allée au CRTC, ou j'ai rencontré M. croyait qu'on devait revoir la loi. M. Jean-Pierre Blais, pour sa part, ne croit pas qu'on doive le faire. Nous pensons que vous êtes assez sages pour prendre une décision et décider si la loi doit être revue.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Les trois autres n'ont pas beaucoup parlé. J'aimerais avoir votre avis à cet égard.
M. Doucet : Louise me dit que j'ai trop d'opinions sur trop de choses. Je viens du Cap-Breton et nous construisons une maison à Grand Étang, en passant.
Le sénateur MacDonald : Il ne faut pas confondre cet endroit avec Petit Étang.
M. Doucet : Non, il ne faut pas les confondre.
Vous avez abordé une question très complexe. Je suis stupéfait de voir le nombre de jeunes qui utilisent les iPad, et cetera. Ils considèrent qu'ils achètent un service. S'ils veulent écouter de la musique populaire, ils écoutent de la musique populaire. Si les gens plus âgés veulent écouter de la musique classique, ils en écoutent. Toutefois, si vous voulez connaître l'avis de la population du Canada sur un sujet particulier, le seul endroit où vous pouvez obtenir ce renseignement, c'est sur les anciennes plateformes, c'est-à-dire la télévision et la radio.
Ce qui est intéressant, c'est que malgré la popularité des nouvelles plateformes, les anciennes demeurent bien présentes et elles gagnent en importance. C'est extraordinaire. Il me semble que les gens souhaitent ardemment avoir accès à ces anciens services fiables. On allume la télévision ou la radio et on a des nouvelles de partout au pays.
C'est très excitant. Je suis émerveillé, sénateur MacDonald, que vous soyez ici et que vous sachiez que mon père vient de Grand Étang, car c'est un très petit village.
Le sénateur MacDonald : Je suis allé à Cheticamp, à Petit Étang et à Grand Étang assez souvent.
M. Doucet : Mais vous êtes l'un des seuls. Ce qui est intéressant, c'est que lorsque je suis là-bas, on me téléphone parfois de Moncton pour mener une entrevue en français. On me dit qu'on a entendu dire que j'étais là-bas. Ensuite, une personne d'Ottawa entendra dire que j'ai donné une entrevue à Moncton en français, et elle m'appelle d'Ottawa. C'est la communauté. On a l'impression d'être tous reliés, et à mon avis, c'est ce que la technologie numérique n'arrive pas à remplacer.
Le sénateur MacDonald : Je crois que vous avez raison. Je crois également que vous avez parlé de quelque chose de très important, c'est-à-dire la radio de la CBC. J'adore la radio de la CBC. Je crois qu'elle est très pertinente et qu'elle est bien ajustée au monde d'aujourd'hui. Mais je crois qu'il y a encore place à l'amélioration. Je ne crois pas que la télévision de la CBC s'est ajustée à la réalité d'aujourd'hui aussi bien que la radio de la CBC, et je crois qu'elle doit le faire.
Pour être pertinente et d'actualité, je crois que la télévision de la CBC doit faire face à un plus grand défi, mais qu'elle doit le relever.
Je veux que la télévision de la CBC soit une réussite, mais le réseau doit faire plus que de demander le rétablissement du financement et plus d'argent. Je veux que ses dirigeants relèvent le défi, c'est tout.
M. Doucet : Je suis d'accord.
[Français]
Le sénateur Demers : J'aimerais soulever un aspect différent qui, je l'espère, fera du sens. On parle beaucoup d'argent à CBC/Radio-Canada. Toutefois, les coûts en infrastructures représentent des millions de dollars. L'édifice à l'angle des rues René-Lévesque et Papineau est utilisé à moitié. On parle de millions.
Ma maison a 5 000 pieds carrés. L'espace chez moi commence à être restreint. J'opte pour un espace de 3 200 pieds carrés. Je peux opérer de la même façon, bien que j'aie vendu quelques meubles. On veut opérer sur une grande échelle, mais on n'a pas l'argent pour le faire. Dans les endroits où on travaille, on compte beaucoup de pieds carrés. Je suis allé à Radio-Canada, je suis un ami de CBC/Radio-Canada et je ne veux pas que la société nous quitte. Toutefois, on parle de sites à Toronto et à travers le Canada qui coûtent une fortune.
Si on coupait les frais d'exploitation de Radio-Canada, n'aurait-on pas assez d'argent, dans une plus petite maison, opérée de la même façon et mieux gérée? Ne serait-on pas capable de survivre ainsi plutôt que de demander de l'argent?
Quand vous demandez de l'argent, c'est au contribuable que vous le faites. Nous sommes taxés de partout. Au Québec, les gens sont surtaxés et ils n'en peuvent plus. N'y aurait-il pas moyen que Radio-Canada revoie la façon dont elle fonctionne? Les coûts d'exploitation sont énormes, à un point tel qu'on ne peut plus arriver.
J'aimerais entendre votre opinion, s'il vous plaît.
Mme Poirier : Monsieur le sénateur, votre réflexion est empreinte de bon sens. Nous ne nous sommes pas penchés sur tous les aspects. Il y a, à Radio-Canada, certaines questions qu'on laisse entre les mains de la direction et du conseil d'administration, qui a été nommé par ce Parlement. Il s'agirait peut-être de leur demander combien ils économiseraient et de voir si le chiffre serait suffisant pour compenser les manques à gagner que la société connaît depuis de nombreuses années.
Cependant, selon nous, une fois que les ventes auront été faites et que l'argent aura été dépensé, cela n'assurera pas, malgré tout, un budget récurrent stable et suffisant pour répondre aux demandes de madame la sénatrice en termes de couverture. Il est clair qu'à chaque coupure qui est faite à Radio-Canada, ce sont les nouvelles locales et régionales qui sont coupées. C'est ce qu'on veut éviter.
Votre idée est bonne, mais elle ne répondrait peut-être pas à tous les besoins à long terme. Ces solutions, à notre avis, ne sont bonnes qu'à court terme.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Madame Poirier, je suis d'accord avec votre dernier commentaire selon lequel lorsqu'il y a des compressions, elles touchent les régions, mais ce n'est pas le problème du gouvernement. C'est le problème des gestionnaires de CBC/Radio-Canada. On leur donne l'argent. Je crois que vous dites vous-même que le gouvernement ne devrait pas interférer. Vous dites qu'il devrait donner l'argent et ensuite laisser les dirigeants de CBC/Radio-Canada gérer leurs émissions. Si nous acceptons votre suggestion, nous devrons donc permettre aux dirigeants de CBC/Radio-Canada de décider où effectuer les compressions lorsqu'ils ont des problèmes d'argent. Même si je suis d'accord avec vous, ce n'est pas au gouvernement de gérer ce problème.
J'aimerais aborder quelques enjeux, si vous me le permettez. Vous avez laissé entendre que lorsque l'argent commence à se faire rare, la qualité des émissions en souffre. Je crois que vous avez même fait allusion au fait que si CBC/Radio-Canada n'existait pas, la qualité des émissions serait à la baisse.
Mme Poirier : Oui.
Le sénateur Plett : Je ne sais pas sur quels éléments vous fondez cette affirmation. Nous perdrions le contenu canadien si nous n'avions pas notre radiodiffuseur public, mais je crois que la qualité des émissions et le contenu canadien sont deux choses différentes et que nous devons déterminer le contenu canadien que nous voulons diffuser. Je ne crois pas que la qualité des émissions serait à la baisse.
La BBC a perdu 20 p. 100 de son financement. Le réseau avait également d'autres problèmes. Lorsque j'ai rencontré les représentants de la Chambre des lords, je leur ai demandé, entre autres, ce qu'ils avaient fait pour faire remonter leurs cotes d'écoute. Vous suggérez de verser plus d'argent. En fait, M. Lacroix a suggéré de verser plus d'argent et il a laissé entendre que cela permettrait de faire remonter les cotes d'écoute.
Le représentant de la Chambre des lords m'a dit qu'on avait amélioré les cotes d'écoute en faisant passer la qualité des émissions en premier, et non en disant qu'il fallait plus d'argent. Il faut tout d'abord s'occuper de la qualité des émissions.
Je crois que nous devons définir la culture canadienne. En effet, le Canada est un pays multiculturel. Actuellement, dans la province de Québec, les cotes d'écoute sont plus élevées, et je crois que CBC/Radio-Canada fait un bien meilleur travail là-bas. En effet, les cotes d'écoute atteignent 18 p. 100 comparativement au concurrent le plus près, qui récolte 22 p. 100. C'est une différence de 4 p. 100, et le sénateur Greene a raison lorsqu'il dit qu'un écart de 4 à 8 signifie 50 p. 100. Lorsque les cotes d'écoute sont de 18 p. 100 et de 22 p. 100, on obtient la différence correspondante en pourcentage.
La société réussit beaucoup mieux au Québec, mais il est plus facile de définir la culture québécoise que la culture canadienne. Oui, nous avons les Autochtones, c'est-à-dire nos Premières Nations. Elles sont faciles à identifier. Je suis un immigrant qui remonte à plusieurs générations, mais je suis un immigrant. Tous les gens présents dans cette pièce sont probablement des immigrants. Au cours des années, un très grand nombre de gens différents ont immigré dans notre pays.
Il devient vraiment de plus en plus difficile de définir la culture canadienne. Lorsque nous insistons pour que CBC/ Radio-Canada fasse la promotion du contenu canadien et de la culture canadienne, il faut être juste envers la société — et je ne suis pas ici pour défendre M. Lacroix à cet égard —, car je crois qu'elle a de la difficulté à définir la culture canadienne.
J'aimerais que vous répondiez à la question que je viens de poser, mais l'autre commentaire que je tiens à formuler, c'est que vous avez mentionné que la société avait dû vendre des immeubles en raison des compressions budgétaires. La réalité, c'est que les entreprises les plus prospères dans le monde payent probablement un loyer. J'ai vécu à Calgary pendant quelques années. On n'avait qu'à se rendre dans le bureau d'une société pétrolière et retourner une calculatrice pour voir un numéro de bail. Tout était loué.
Je ne vois pas pourquoi la vente d'actifs est une mauvaise chose lorsque la location coûte moins cher qu'être propriétaire. La société possède un édifice de 10 étages à Toronto. Lorsque nous l'avons visité, j'ai demandé à notre guide combien d'étages la société aurait besoin si on construisait cet édifice aujourd'hui. Il a répondu cinq étages. La société possède des immeubles dont elle n'a pas besoin; qu'y a-t-il de mal à les vendre et à louer les espaces nécessaires?
[Français]
Mme Poirier : J'aimerais très brièvement parler des cinq sujets abordés par le sénateur — qui est très actif, et on l'apprécie. Vous savez peut-être que dans les réseaux privés anglophones, aux heures de grande écoute, ce sont des émissions américaines que l'on diffuse et non des émissions canadiennes comme à Radio-Canada.
Deuxièmement, la BBC produit des émissions de qualité, parce qu'elle a de l'argent, et elle les vend partout dans le monde. Nous sommes un acheteur de la programmation de la BBC en français et en anglais.
Si le Canada avait les moyens de faire de la programmation de grande qualité, il pourrait, lui aussi, vendre ses reportages partout dans le monde. En raison de la mondialisation, les pays européens ont tous pris la décision de protéger leurs propres valeurs en investissant davantage dans leur radiodiffuseur public.
Ici, au Canada, du côté anglophone, je dirais que, à cause de la frontière américaine, il est plus difficile de protéger les valeurs canadiennes. Voici un exemple qui soutient ce que j'ai dit plus tôt. Quand Radio-Canada disparaît, le secteur privé produit de moins en moins. Une station de Radio-Canada avait été fermée il y a plusieurs années à Rimouski. Le secteur privé a immédiatement suivi et a décidé de fermer lui aussi sa station régionale.
Finalement, je crois que les cotes d'écoute, pour nous, les citoyens, ne représentent pas l'aspect le plus important. Il faut trouver un équilibre entre les cotes d'écoute, qui sont importantes pour générer des revenus publicitaires, et les cotes d'écoute qui découlent du choix que font les Canadiens d'écouter des émissions canadiennes.
Selon nous, il est très important de faire la promotion des valeurs canadiennes et de le faire de façon à ce que tout ne repose pas uniquement sur les cotes d'écoute.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Il devrait être évident que la qualité des émissions est notre objectif, mais qu'il faut investir pour l'obtenir. On ne peut pas continuer à réduire le financement de base de la société et s'attendre à ce qu'elle produise de nombreuses émissions de qualité.
La société en a produit quelques-unes. Nous avons parlé de The Book of Negroes ici, et cela concerne notre histoire. Le Canada a une culture florissante. Notre pays a une histoire formidable. On pourrait raconter beaucoup d'histoires au sujet des Canadiens de différentes régions du pays et certaines de ces histoires ont été racontées. Toutefois, le problème, c'est que nous n'avons pas assez d'argent comparativement aux Américains, nos concurrents principaux au Canada anglais. En effet, les Américains consacrent des sommes faramineuses à leurs émissions et ils en font la promotion à grande échelle, mais nous continuons d'effectuer des compressions budgétaires à CBC/Radio-Canada. Nous ne pouvons pas continuer ainsi et nous attendre à obtenir des émissions de qualité.
Oui, nous devons investir davantage dans la société, et je crois que c'est le message principal. Un grand nombre de personnes regardent ces émissions. Par exemple, presque deux millions de personnes ont regardé le premier épisode de The Book of Negroes. C'est beaucoup.
Le président : Et la question?
Le sénateur Eggleton : Oh, la question. N'êtes-vous pas d'accord?
Mme Poirier : Sans commentaire.
[Français]
Le président : Mesdames, monsieur, merci beaucoup pour votre présentation.
[Traduction]
Je suis sûr que les sénateurs ont aimé entendre votre enthousiasme.
La semaine prochaine, le comité sera présidé par le sénateur Plett. Nous nous réunirons seulement mercredi soir, et nous entendrons les témoins de la Fédération culturelle canadienne-française.
(La séance est levée.)