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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 16 - Témoignages du 9 juin 2015


OTTAWA, le mardi 9 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier le projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Nous entamons aujourd'hui notre étude de la teneur du projet de loi C-52, Loi sur la sécurité et l'imputabilité en matière ferroviaire. Ce projet de loi est le dernier d'une série de mesures législatives qui visent à répondre aux préoccupations en matière de sécurité et de responsabilité au sein de l'industrie du transport à la suite du déraillement et de l'explosion d'un train qui transportait du pétrole brut, survenus à Lac-Mégantic, au Québec, en juillet 2013.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd'hui trois groupes de témoins. Le premier groupe représente l'industrie ferroviaire. J'aimerais donc vous présenter Michael Bourque, président et directeur général de l'Association des chemins de fer du Canada, ainsi que Terry Berthiaume, président et directeur général d'Essex Terminal Railway Company; Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, Chemin de fer Canadien Pacifique; Éric Harvey, avocat principal, Affaires réglementaires, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada; James Beardsley, de Marsh & McLennan, qui se joint à nous par vidéoconférence; Nina Frid, directrice générale, Direction générale du règlement des différends, Office des transports du Canada; et Liz Barker, avocate générale, Direction générale des services juridiques, de secrétariat et de registraire. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité des transports.

Ce matin, notre temps est limité. Je prierais donc les témoins ainsi que les sénateurs d'être brefs dans leurs interventions.

Michael Bourque, président et directeur général, Association des chemins de fer du Canada : Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. Même si l'Association des chemins de fer du Canada compte parmi ses membres les principaux chemins de fer au Canada, je vais me concentrer sur les répercussions que pourrait avoir ce projet de loi sur les quelques chemins de fer d'intérêt local, et je serai bref pour permettre à Terry Berthiaume, d'Essex Terminal Railway, de parler de l'incidence de ce projet de loi sur son entreprise et ses clients.

Tout d'abord, je tiens à dire que les lignes ferroviaires locales ne sont pas toutes équivalentes. Certaines sont en fait de grandes entreprises qui exploitent des centaines de kilomètres de voies ferrées et dont les revenus s'apparentent à ceux des chemins de fer de classe I. Toutefois, la plupart sont des petites et moyennes entreprises qui exercent leurs activités sur de courtes distances.

Peu importe leur taille, tous les chemins de fer d'intérêt local sont préoccupés par leur capacité à obtenir le niveau d'assurance prévu par le projet de loi.

Notre première préoccupation concerne le coût et la disponibilité de l'assurance exigée. Même si les chemins d'intérêt local sont soumis à des exigences en matière d'assurance moindres que celles des chemins de fer de classe I, ils pourraient quand même avoir de la difficulté à obtenir l'assurance dont ils ont besoin à un prix abordable.

Un de nos membres a déjà pris la décision de fermer deux de ses installations de transbordement du pétrole brut et de ne plus transporter de pétrole brut sur sa ligne de chemin de fer. Cela signifie qu'environ 900 chargements de camions par mois se déplaceront sur de plus longues distances, sur les autoroutes, à destination de pipelines ou d'installations desservies par une ligne ferroviaire. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans cette décision, notamment les exigences en matière d'assurance qui sont extrêmement élevées. Si ce projet de loi vise à renforcer la sécurité, je pense qu'il a déjà échoué un premier test.

Nous sommes également inquiets quant aux répercussions de ce projet de loi sur les opérations ferroviaires. Supposons qu'un chemin de fer d'intérêt local souscrit une assurance de 25 millions de dollars, ce qu'il est tenu de faire parce qu'il ne transporte habituellement pas de pétrole brut ni d'inhalants toxiques. Disons qu'un jour, on lui demande de transporter un wagon de pétrole brut. En vertu de ses obligations de transporteur public, il doit transporter cet unique wagon de pétrole brut. Que va-t-il faire? Va-t-il acheter pour 75 millions de dollars d'assurance de plus ou refuser de transporter le wagon, enfreignant ainsi son obligation? La compagnie fait donc face à un choix qui n'en est pas un; dans ce cas-ci, elle n'aurait d'autre choix que de refuser. Je suis heureux que Nina Frid, de l'OTC, soit ici aujourd'hui, car j'estime que c'est une question essentielle à poser à l'office.

Qu'arrive-t-il si un accident survient à un passage à niveau? Environ 20 p. 100 des accidents ont lieu aux passages à niveau. Les compagnies d'assurance paieront pour les dommages résultant de l'accident, mais le lendemain, elles pourraient aviser la société ferroviaire que sa protection sera réduite d'un montant semblable pour le reste de l'année. Par conséquent, le transporteur a beau être assuré, si un accident se produit, la compagnie d'assurance pourrait réduire le montant de sa couverture d'assurance. La compagnie de chemin de fer sera-t-elle en mesure de satisfaire aux exigences obligatoires en matière d'assurance tout en continuant de mener ses activités? Rappelez-vous qu'en vertu de la Loi sur les transports au Canada, une compagnie ferroviaire de transport de marchandises doit avoir en tout temps la couverture d'assurance requise, y compris une autoassurance.

Les exploitants de chemin de fer d'intérêt local au Canada estiment que l'assurance responsabilité des petites compagnies de chemin de fer qui transportent des matières dangereuses devrait être fondée sur les risques. Quelle est leur vitesse? Sur quel type de terrain se déplacent-elles? Quelle distance franchissent-elles? Ce projet de loi ne tient pas compte de ces facteurs logiques.

Je vais maintenant céder la parole à Terry Berthiaume, qui peut vous expliquer concrètement l'incidence et les lacunes du projet de loi.

Terry Berthiaume, président et directeur général, Essex Terminal Railway Company, Association des chemins de fer du Canada : Merci. Je suis très reconnaissant d'avoir l'occasion d'explorer les conséquences inattendues que pourrait avoir le projet de loi C-52 sur ma compagnie et sur le milieu dans lequel nous évoluons. Comme M. Bourque l'a dit plus tôt, si tous les hommes sont égaux, ce n'est pas le cas des compagnies de chemin de fer. C'est particulièrement vrai dans le cas d'Essex Terminal Railway Company. Notre compagnie a été créée en 1902 pour fournir des services de manœuvres interréseaux aux entreprises de la région de Windsor, et grâce à nos connexions avec trois principaux transporteurs, les marchandises sont transportées partout en Amérique du Nord.

La totalité de nos recettes provient de manœuvres interréseaux. Je crois que nous sommes uniques dans ce sens. En fait, l'OTC l'a reconnu lorsqu'il nous a exemptés du Règlement sur l'interconnexion du trafic ferroviaire. Il s'est rendu compte que nous ne serions pas viables autrement et que notre collectivité en souffrirait si nous n'étions pas là pour la desservir. Nous fonctionnons entièrement à l'intérieur de zones de triage. Nous n'avons pas de voie sur la ligne principale, et notre voie principale ne fait que 19 kilomètres de long. Quatre-vingt-dix pour cent de nos marchandises parcourent moins de 20 kilomètres. Même si nous ne transportons pas de pétrole brut, nous prenons en charge plus de 40 000 tonnes de marchandises dangereuses. Soixante-dix pour cent de ces marchandises ne parcourent que 4,4 kilomètres sur notre chemin de fer, à des vitesses ne dépassant pas 10 km/h durant les heures de clarté, sur des terrains très plats où il n'y a pas de colline. Nous n'avons pas de colline à Windsor. Notre bilan de sécurité est incroyable et notre culture de sécurité est très solide. Nous appliquons des normes d'entretien et d'inspection de nos infrastructures très élevées.

Je travaille pour Essex Terminal Railway depuis 34 ans. Notre assureur a payé une seule réclamation équivalant à moins de 1 p. 100 de notre assurance responsabilité actuelle de 25 millions de dollars. Une fois; moins de 1 p. 100. Mais, à cause du projet de loi C-52, nous serons forcés de quadrupler notre assurance, qui passera de 25 à 100 millions de dollars et qui s'assortira de coûts très importants, variant entre 75 000 et 100 000 $ annuellement. Ce n'est qu'une estimation pour l'instant.

Ce sont des coûts que nous ne pouvons pas refiler à nos clients. Nous fonctionnons dans un milieu très concurrentiel, dans une économie locale très déprimée. Windsor a l'un des taux de chômage les plus élevés au Canada. Essex Terminal Railway a perdu la moitié de son chiffre d'affaires au cours des 10 dernières années, et c'est parce que des usines ont fermé leurs portes. Elles ont déplacé leurs activités vers d'autres régions, où l'exploitation est plus économique. Toute mesure que nous prendrions qui accroîtrait les coûts d'exploitation de nos clients entraînera certainement des pertes commerciales pour eux et la perte d'emploi pour les quelque 850 personnes qui travaillent pour les industries que nous servons.

La ministre a dit que les limites de la responsabilité des compagnies de chemin de fer devraient être égales au risque que présente la compagnie. Le risque associé à nos opérations n'est évidemment pas le même que celui de la Montreal, Maine & Atlantic Railway.

Nous fonctionnons sur de très courtes distances, à des vitesses très basses. Notre vitesse maximale est de 10 km/h. Nous avons un bilan et une culture de sécurité impeccables. Nos normes en matière d'entretien et d'inspection sont très élevées. Pour ces raisons, je pense qu'il est justifié de conserver les limites d'assurance de 25 millions de dollars. Nous n'utilisons pas les lignes principales. Nos wagons se déplacent sur de courtes distances à des vitesses de 10 km/h ou moins, durant les heures de clarté. Nous avons très peu de réclamations à notre actif et, encore une fois, une augmentation de notre couverture d'assurance de l'ordre de 75 millions de dollars nous coûtera entre 75 000 et 100 000 $ par année. Rien ne nous garantit que ces primes n'augmenteront pas de façon considérable en vertu des nouvelles exigences du projet de loi C-52 ou qu'en fait, cette prime d'assurance sera offerte à un prix que nous aurons les moyens de payer à l'avenir.

Comment va-t-on absorber cette hausse de coûts non justifiée? Notre volume n'a jamais été aussi bas. Comment peut-on compenser pour ces coûts accrus? En abolissant des postes et en installant moins de traverses de chemin de fer chaque année? Où allons-nous trouver l'argent? D'ailleurs, ne serait-il pas préférable de continuer à maintenir un service ferroviaire sécuritaire et à prévenir les accidents plutôt que d'investir dans des primes d'assurance qui ne sont pas garanties? Cela ne représenterait-il pas un meilleur investissement?

Pourquoi devrions-nous être forcés d'assumer ces coûts additionnels, alors que nous disposons déjà d'une assurance adéquate, comme en témoigne notre bilan?

L'ACFC a élaboré des recommandations en vue de modifier le projet de loi C-52 qui tiennent compte des problèmes que j'ai relevés. Si c'est possible, j'aimerais les présenter au comité.

Le président : Nous les ferons traduire et nous les distribuerons ensuite à tous les membres du comité. Merci beaucoup de votre exposé.

Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, Chemin de fer Canadien Pacifique : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, les membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-52 et répondre à vos questions.

Le CP exploite un réseau ferroviaire de 22 000 kilomètres au Canada et aux États-Unis. En 2014, nous avons utilisé 2,7 millions de wagons, et chacun s'est déplacé sur une distance moyenne de 1 400 kilomètres. Environ les deux tiers de la circulation se font à destination ou en provenance d'un port ou d'un point de passage frontalier dans le cadre de la stratégie canadienne en matière de commerce mondial.

Je suis fier de dire que le CP est le chemin de fer le plus sécuritaire en Amérique du Nord. Nous avons obtenu la fréquence la moins élevée d'accidents ferroviaires à chacune des huit dernières années. En 2014, nous avons eu 1,2 accident ferroviaire par million de milles de chemin de fer. Notre rendement pour cette année-là constituait une amélioration de 30 p. 100 par rapport à l'année précédente; il s'agit d'un nouveau record.

Il est important de reconnaître qu'en Amérique du Nord, 99,998 p. 100 des produits livrés par pipeline, y compris le pétrole brut, se rendent à destination sans incident. Puisqu'un seul accident en est un de trop, nous travaillons continuellement à l'élimination du dernier 0,002 p. 100 de risque de nos activités. Nous pouvons transporter des marchandises dangereuses de façon sûre et sécuritaire. Nous transportons des matières dangereuses et des produits énergétiques depuis de nombreuses années. Nous sommes une solution de rechange beaucoup plus sécuritaire que le transport par camion, par exemple.

Je vais maintenant parler brièvement du projet de loi.

Nous appuyons l'intention derrière le projet de loi C-52, qui est de mieux définir et de rendre responsables toutes les parties à la production, à la fabrication, au transport et à la distribution de marchandises dangereuses et, enfin, d'améliorer la prévention des incidents, la capacité d'intervention, la responsabilité et l'indemnisation.

Nous devons renforcer la sûreté et la sécurité de la chaîne d'approvisionnement ferroviaire afin de pouvoir maintenir un système de transport de calibre mondial qui est responsable et réceptif et qui travaille à la prévention des incidents ainsi que de prévoir l'indemnisation et la responsabilité en cas d'incident.

Nous avons besoin d'un régime de réglementation réceptif pour appuyer notre économie fondée sur le commerce. Le public ne devrait pas avoir à assumer ces coûts et devrait être indemnisé lorsque des accidents surviennent.

Plusieurs éléments de ce projet de loi sont des dispositions que le CP demande depuis des années, et nous sommes ravis de la prise de ces mesures. Toutefois, nous pensons que, à l'égard de quelques aspects importants, le projet de loi manque de clarté, et nous demandons instamment au comité d'en tenir compte au moment où il procédera à son étude du projet de loi.

Certaines précisions sont nécessaires et seront également soulevées par d'autres témoins. Le libellé de l'article 152.7 en est une, surtout dans les cas où la circulation est interchangée ou passe d'une voie à une autre. La deuxième est l'article 152.9, qui renvoie à d'autres lois qui pourraient annuler le plafond de responsabilité absolue des compagnies de chemin de fer. La troisième est la façon dont le fonds financé par les expéditeurs sera reconstitué s'il est épuisé. Quatrièmement, nous nous demandons également pourquoi le fonds financé par les expéditeurs ne sera constitué au départ que de 250 millions de dollars, alors que la compagnie de chemin de fer a une responsabilité absolue de 1 milliard de dollars.

Je répondrai volontiers à vos questions.

Éric Harvey, avocat principal, Affaires réglementaires, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Mesdames et messieurs, je vous remercie de nous donner cette occasion de nous exprimer au sujet du projet de loi C-52.

Même si le CN n'était pas impliqué dans l'accident ferroviaire de Lac-Mégantic, nous comprenons l'intention stratégique du gouvernement d'élaborer un cadre pour les dommages occasionnés à des tiers dans le contexte des accidents mettant en cause des marchandises dangereuses ou du pétrole brut. L'accident de Lac-Mégantic est une véritable tragédie, et nous voulons tous mettre à profit ce que nous avons appris de ce déraillement.

Au CN, nous nous réjouissons de la création d'un fonds d'indemnisation pour couvrir les dommages subis lors d'accidents ferroviaires. Cela dit, nous aimerions faire quelques observations au comité.

Dans sa version actuelle, le projet de loi propose que les compagnies de chemin de fer soient responsables des accidents sans égard à la cause des accidents. Cette responsabilité ne tient pas compte du fait que les compagnies ferroviaires sont tenues, en vertu de la loi, d'accepter tout le trafic qu'on leur demande de transporter. Les obligations des compagnies de chemin de fer à l'égard du niveau de services ont été établies en reconnaissance de leur contribution dans tous les secteurs de l'économie.

Cependant, lorsque ces obligations font en sorte de rendre les compagnies de chemin de fer les seules responsables des accidents, et ce, même dans les circonstances où les accidents sont causés par des tiers, nous n'avons d'autre choix que d'être en désaccord.

Premièrement, les compagnies de chemin de fer acheminent le trafic au taux qu'elles imposent aux expéditeurs. Ce taux, défini et limité, est tout ce dont les sociétés retirent de ce transport. En revanche, le propriétaire du produit ou l'expéditeur profite de ce service en transportant ses produits vers les marchés souhaités. Dans le contexte du trafic dont il est question dans ce projet de loi, la valeur de ce transport pour les expéditeurs surpasse l'avantage qu'en retire la compagnie de chemin de fer. Étant donné les avantages économiques relatifs que les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs retirent des mouvements ferroviaires, il aurait été plus cohérent que tous deux soient tenus responsables dans le cadre du régime de responsabilité prévu dans le projet de loi.

En plus de cette réalité économique, il y a une question sous-jacente qui remet en question ce projet de loi. Chaque partie est responsable de ces actes, y compris des erreurs et des omissions, surtout si ces actes causent des accidents majeurs. Si, comme nous le supposons, l'objectif est de contribuer à prévenir d'autres accidents, nous estimons que ceux qui les causent devraient être tenus responsables. Par exemple, dans le domaine du transport, conformément à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, le chargement et le déchargement du trafic est la responsabilité des expéditeurs. Ce projet de loi fait fi de cette importante réalité et n'attribue aucune responsabilité aux expéditeurs, même dans le cas d'un accident résultant d'un mauvais arrimage.

Même si les compagnies de chemin de fer vont intenter des recours contre les tiers à l'origine des dommages, le fait d'attribuer toute la responsabilité à une seule partie dans la chaîne logistique n'est pas du tout conforme à l'objectif qui consiste à changer le comportement de toutes les parties impliquées dans la logistique du transport ferroviaire.

Lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes le 23 avril, nous avons exprimé notre préoccupation relativement au manque de clarté du libellé selon lequel les sociétés ferroviaires « impliquées » dans un accident seraient automatiquement tenues responsables. Le libellé ne définissait pas le niveau d'implication requis.

Lors de son témoignage devant le même comité le 30 avril, un avocat de Transports Canada a confirmé qu'« ...il s'agissait de couvrir chaque compagnie de chemin de fer qui est impliquée physiquement dans l'exploitation et dans un accident. » Selon lui, « le libellé exprime clairement l'intention », c'est-à-dire que c'est l'exploitation d'une ligne de chemin de fer qui met en cause la société. Nous avons pris bonne note de cette précision et nous sommes disposés à accepter ce libellé.

De même, nous prenons bonne note de la déclaration de la ministre lors de sa comparution devant le comité de la Chambre le 23 avril, à savoir que « la caisse couvrira tous les coûts non couverts par l'assurance de la compagnie de chemin de fer et ne sera pas assortie d'un plafond ».

La ministre a également ajouté :

Dans la situation peu probable où les coûts des dommages découlant d'un accident dépassent le montant de l'assurance de la compagnie de chemin de fer et le montant de la caisse supplémentaire, le gouvernement utiliserait le Trésor pour payer les coûts supplémentaires, mais recouvrerait les sommes versées au moyen des droits prélevés.

Ces éléments importants sont essentiels pour l'industrie ferroviaire, et nous les acceptons. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Notre prochain témoin est James Beardsley, président de Global Rail Practice, qui est avec nous par vidéoconférence.

James Beardsley, président, Global Rail Practice, Marsh & McLennan Companies : Merci, monsieur le président. Oui, je suis le dirigeant de Marsh's Global Rail Practice. Marsh est le principal courtier d'assurances ferroviaires au Canada et il conçoit des régimes d'assurances pour les chemins de fer et leurs clients.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de notre point de vue sur certaines des incidences possibles sur le marché des assurances ferroviaires si le projet de loi C-52 est adopté dans son libellé actuel. Nous estimons que ces incidences pourraient nuire aux efforts déployés par les chemins de fer pour se conformer au projet de loi et avoir des répercussions non voulues et néfastes sur la prestation des services essentiels que les chemins de fer fournissent à l'économie canadienne et les bienfaits économiques en général pour toutes les organisations de la chaîne d'approvisionnement.

Le marché des assurances IARD d'aujourd'hui est tel que les acheteurs d'assurances profitent d'une offre abondante. Soulignons toutefois que le secteur ferroviaire n'est pas un marché d'assurances IARD, mais un marché spécialisé. Les marchés spécialisés sont plus limités que les marchés d'assurances IARD quant au nombre d'assureurs exerçant leur activité et au montant d'assurance, ou à la capacité d'assurance, qui est offert.

En outre, en raison des appétits différents pour le risque des divers assureurs spécialisés, la capacité n'est pas simplement interchangeable dans toute l'échelle de capacité. Comme le montre l'échelle servant d'exemple, les assureurs qui assurent le risque au sommet de l'échelle sont habituellement différents de ceux qui se trouvent au milieu ou au bas de l'échelle. Le fait est que si une perturbation du marché a pour effet qu'une capacité est perdue à un certain point de l'échelle, rien de garantit qu'elle sera remplacée par un des autres assureurs.

En 2008, pour la première fois au Canada, les chemins de fer ont pu construire une échelle de responsabilité de plus de 1 milliard de dollars. Une perturbation du marché des assurances ferroviaires pourrait menacer la capacité de la plupart des chemins de fer les plus actifs de se conformer, en souscrivant de l'assurance, au niveau minimal proposé de 1 milliard de dollars que le projet de loi propose pour tous les grands chemins de fer. Pour les chemins de fer d'intérêt local, si cette limite est théoriquement atteignable, il reste que la souscription d'assurance ou l'auto-assurance ne serait pas viable financièrement.

L'incertitude dans la souscription d'assurance s'est historiquement manifestée par des limites réduites, des couvertures restreintes et des prix plus élevés. Mon intention aujourd'hui, c'est d'inviter le comité à réduire partiellement cette insécurité en proposant des modifications qui auront pour effet de clarifier le texte et de contribuer à stabiliser la capacité disponible à long terme.

Par exemple, l'application de la responsabilité stricte au lieu de la responsabilité pour faute ou négligence telle que décrite à l'article 152.8 constitue un important changement et pourrait causer des problèmes aux assureurs. Nous reconnaissons certes que la responsabilité stricte est une caractéristique du projet de loi et nous pourrions peut-être inviter les assureurs à l'accepter, mais il reste qu'il n'est pas clair dans le projet de loi quels chemins de fer « impliqués » seraient assujettis à la responsabilité stricte, le terme « impliqué » n'étant ni décrit ni défini dans le projet de loi. Voir l'article 152.7.

Les assureurs, dans ce marché limité, assureront vraisemblablement de multiples sociétés susceptibles d'être« impliquées », mais ne participant pas physiquement au déplacement des biens causant la perte. Selon le libellé de la responsabilité stricte proposé, les assureurs pourraient craindre de devoir payer des dommages à concurrence d'une limite de loin supérieure à ceux qu'ils paieraient sous un régime selon la faute. Cela pousse les assureurs à réduire la capacité pour se protéger contre l'inquantifiable.

L'imposition de limites sous la responsabilité stricte pourrait, ce n'est pas clair, avoir pour effet de décourager la coopération entre les chemins de fer, particulièrement si les chemins de fer réglementés par le gouvernement fédéral soupçonnent qu'une cause directe de perte pourrait être la responsabilité d'un chemin de fer non couvert par la loi. Comme vous le savez, l'économie est tributaire de cette coopération interrail. On peut résoudre la difficulté en définissant clairement le terme « impliqué » comme étant avoir la « charge, la gestion ou le contrôle » du chargement.

Nous invitons vivement le gouvernement à renforcer le libellé pour qu'il dise que la limite de responsabilité minimale sert également de « plafond de responsabilité », comme le laisse entendre l'article 152.7, contribuant ainsi à soutenir les limites disponibles pour se conformer au projet de loi, comme le fera la clarification du rôle de « l'auto-assurance approuvée », aux termes de l'alinéa 92.1b), à titre de substitut acceptable pour l'assurance des tiers.

L'article 94.2 du projet de loi prévoit que l'« office suspend ou annule le certificat d'aptitude s'il établit que son titulaire ne se conforme pas à l'article 93.1 ». Nous recommandons la substitution de termes plus souples pour que l'agence soit en mesure de rendre une décision profitant à tous les acteurs. La substitution du mot« peut » à « doit », par exemple.

En guise de conclusion, je presse le comité de clarifier davantage le libellé dans les domaines susmentionnés et d'adoucir le libellé qui crée de l'incertitude pour les assureurs, avant la mise aux voix finale du projet de loi. Par-dessus tout, nous estimons qu'il est important de définir clairement le terme « impliqué », comme nous l'avons proposé. Dans des discussions précédentes avec les législateurs, il a été question de préciser dans l'objet du projet de loi que le terme « impliqué » limitait la responsabilité des chemins de fer à leur rôle dans le transport, mais le projet de loi n'en fait pas mention. Comme nous le savons tous, quand survient une catastrophe, le texte écrit l'emporte presque toujours sur l'intention.

Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Beardsley. Nous avons deux autres témoins, qui nous viennent de l'Office des transports du Canada.

Nina Frid, directrice générale, Direction générale du règlement des différends, Office des transports du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-52, Loi sur la sécurité et l'imputabilité en matière ferroviaire.

Comme vous l'avez mentionné, je travaille à l'Office des transports du Canada, et je suis à la tête de la Direction générale du règlement des différends. Ma collègue, Liz Barker, est avocate générale à l'office.

Comme vous le savez, l'office est un tribunal administratif fédéral et un organisme de réglementation économique qui a compétence sur diverses questions touchant les industries aérienne, ferroviaire et maritime. L'office est également chargé d'éliminer les obstacles indus à la mobilité des personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.

La Loi sur les transports au Canada est notre loi habilitante. Elle précise les pouvoirs et les compétences de l'office, de même que son rôle dans l'administration de la loi. En tant que tribunal, l'office règle les différends en ayant recours à la facilitation, la médiation, l'arbitrage et l'adjudication. En tant qu'organisme de réglementation économique, l'office délivre des certificats d'aptitude aux compagnies de chemin de fer qui relèvent de la compétence fédérale, entre autres choses.

La Loi sur les transports au Canada prévoit actuellement que nul ne peut construire ou exploiter un chemin de fer sans être titulaire d'un certificat d'aptitude. L'office délivre un certificat d'aptitude pour un projet de construction ou d'exploitation d'un chemin de fer s'il est convaincu que celui-ci bénéficiera de l'assurance responsabilité réglementaire.

À l'été 2013, après le terrible accident qui s'est produit à Lac-Mégantic, l'office a organisé des consultations pour discuter de l'approche en matière d'assurance, de certificats d'aptitude et du niveau adéquat d'assurance responsabilité. Les consultations ont servi de point de départ à l'examen de la politique qui a été mené par Transports Canada.

Dans le cadre de ces consultations, nous avons entendu le point de vue de nombreux intervenants, et nous avons compris qu'ils appuyaient l'idée d'instaurer des niveaux minimaux d'assurance, qu'ils appuyaient l'idée d'avoir des niveaux différents d'assurance pour différents types de produits, en particulier les produits dangereux, et qu'ils appuyaient aussi l'idée d'avoir des sanctions administratives pécuniaires pour favoriser le respect des règles.

J'aimerais mentionner ici que les sanctions administratives pécuniaires sont pour l'office une sorte de mesure intermédiaire avant de suspendre ou d'annuler un certificat d'aptitude, afin d'amener la compagnie de chemin de fer à respecter les règles, tout en lui permettant de poursuivre ses activités.

Ces éléments font donc partie du projet de loi C-52 qui se trouve devant vous.

Le rôle de l'office dans le régime proposé consisterait à établir les niveaux minimaux d'assurance imposés par la loi aux compagnies de chemin de fer selon le type et le volume de produits dangereux transportés. La mise en œuvre se ferait graduellement pour donner le temps aux compagnies d'obtenir les niveaux d'assurance requis.

Les niveaux sont précisés à l'annexe IV du projet de loi. Dans le cas d'une compagnie ne transportant pas de produits dangereux, le niveau prescrit est de 25 millions de dollars par évènement. Dans le cas d'une compagnie transportant moins de 4 000 tonnes de matières toxiques par inhalation ou moins de 100 000 tonnes de pétrole brut ou au moins 40 000 tonnes d'autres marchandises dangereuses, la limite initiale est de 50 millions de dollars. Le montant augmentera jusqu'à 100 millions de dollars après 12 mois. Le troisième niveau est de 125 millions de dollars et passera à 150 millions, et le quatrième niveau est de 1 milliard par évènement.

Dans le projet de loi, on propose également de modifier l'article 137 de la Loi sur les transports au Canada afin de préciser qu'une compagnie de chemin de fer ne peut pas imposer le partage de la responsabilité à l'expéditeur au moyen d'un tarif. Cela doit faire partie d'un accord négocié entre l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer et peut être assujetti à un contrat confidentiel. Les changements proposés concernant l'assurance responsabilité s'appliquent au transport de marchandises, ce qui veut dire que le régime actuel continuerait de s'appliquer au transport de passagers.

J'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet des modifications proposées à la Loi sur la sécurité ferroviaire, qui auraient pour effet de confier un nouveau mandat à l'office.

Les dispositions proposées autorisent une province ou une municipalité, qui croit qu'un incendie est le résultat de l'exploitation d'un chemin de fer, à présenter à l'office une demande de remboursement des dépenses qu'elle a engagées dans son intervention. En modifiant ainsi la Loi sur la sécurité ferroviaire, l'office se voit accorder de nouveaux pouvoirs pour, premièrement, déterminer si l'incendie est le résultat de l'exploitation du chemin de fer, et deuxièmement, si tel est le cas, ordonner à la compagnie de rembourser la province ou la municipalité des dépenses admissibles. Les demandes, qui sont actuellement renvoyées aux tribunaux, seraient acheminées à l'office, si le projet de loi reçoit la sanction royale, et elles seront traitées en deux étapes.

À la première étape, l'office devra déterminer si l'incendie est le résultat de l'exploitation du chemin de fer, et c'est uniquement après cette étape qu'on pourra passer à la deuxième, qui consistera à examiner les dépenses et à ordonner à la compagnie de rembourser les sommes dues.

L'office fera de son mieux pour relever les défis liés à ce nouveau mandat, si telle est la volonté du Parlement. Nous nous efforcerons de nous acquitter de nos responsabilités de manière juste et transparente, afin de favoriser l'accès à la justice pour tous les intervenants, notamment les provinces, les municipalités et les compagnies de chemins de fer. Nous aurons besoin d'un peu de temps pour organiser les procédures. Nous allons consulter les intervenants, mettre au point une méthode, et réorganiser nos ressources internes en fonction de ce nouveau mandat.

[Français]

En terminant, je tiens à remercier les membres du comité de leur attention. Ma collègue et moi serons heureuses de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : À mon tour, j'aimerais remercier tous les témoins de leur présence à notre comité.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier tout d'abord d'avoir accepté de venir un peu plus tôt et d'être plus nombreux que prévu. Nous sommes en juin, et comme nous voulons étudier le projet de loi et entendre le plus de témoins possible, nous avons demandé quelques sacrifices et efforts. Je tiens à vous remercier d'avoir été brefs et j'ose espérer que mes collègues en feront tout autant en posant leurs questions.

Le sénateur Plett : Je me fais l'écho du président pour vous remercier de votre présence et de vos exposés concis. J'ai quelques questions, mais je vais être bref. Si les réponses peuvent aussi être brèves, ce serait bien, et le président m'interrompra lorsqu'il sera d'avis que mon temps est écoulé.

Ma première question s'adresse à M. Beardsley. Vous vendez de l'assurance. Je présume que vos primes, lorsque vous vendez une assurance, sont basées sur les risques et le dossier de sécurité. Est-ce exact? Lorsque le risque est faible, la prime est basse?

M. Beardsley : J'aimerais tout d'abord préciser que je ne vends pas d'assurance. Je suis en fait un courtier qui représente les exploitants de chemin de fer lors des négociations avec les assureurs, qui sont les preneurs de risque au bout du compte, et qui vendent les assurances.

Cela étant dit, pour répondre à votre question, le dossier de sécurité et de perte de performance d'un client est toujours un élément clé des négociations sur le montant de la prime. Vous avez raison.

Le sénateur Plett : Merci, et toutes mes excuses. Donc, la Essex Terminal Railway, qui a un dossier irréprochable, n'aura pas la même prime à payer qu'une compagnie qui a eu, par exemple, quelques réclamations de 200 millions de dollars?

M. Beardsley : Si on ne tient compte que des pertes, vous avez entièrement raison. Elle ne devrait pas avoir la même prime à payer.

Le sénateur Plett : Merci. Félicitations aux deux grandes compagnies ferroviaires. Monsieur Taylor, je veux vous féliciter pour votre dossier de sécurité irréprochable. Vous avez eu — j'ai oublié le nombre — 1,2 accident par million de quelque chose...

M. Taylor : Par million de trains-milles.

Le sénateur Plett : Merci. Ma question s'adresse à vous deux. Parmi les accidents que votre société a eus au cours, disons, de la dernière ou des deux dernières années, combien lui sont attribuables et combien sont attribuables à un tiers?

M. Taylor : La plupart des accidents au CP sont attribuables à un tiers. Ils surviennent à un passage à niveau. C'est là où ont lieu la plupart des accidents. Très souvent — je dirais même la plupart du temps — un tiers est impliqué. Un véhicule ou un camion se trouve sur un passage à niveau, et un accident malheureux se produit. C'est ainsi que se produisent la majorité des accidents.

Nous pourrions discuter longuement de la politique du Canada sur les passages à niveau. Je ne veux pas me lancer dans cette discussion, mais la politique sur les passages à niveau est un dossier sur lequel il faudrait se pencher au Canada.

M. Harvey : Je répondrais la même chose que mon collègue au sujet des causes. Les accidents à un passage à niveau sont essentiellement les plus fréquents, et ils impliquent un tiers : une auto, un camion, et cetera.

Le sénateur Plett : Nous avons un projet de loi d'initiative parlementaire, le C-627, sur lequel nous allons nous pencher bientôt. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce projet de loi, mais il porte, je crois, sur une partie de vos préoccupations.

M. Taylor : C'est le cas, en effet, mais il y a des problèmes de compétence avec les passages à niveau. Par exemple, et les représentants de l'OTC peuvent vous en parler, l'OTC a compétence sur les passages à niveau ouverts, purement un vecteur économique. Les propriétaires fonciers veulent un accès. Le ministre est responsable de la sécurité ferroviaire. Comme il n'y a donc qu'une sorte de ligne pointillée avec les considérations de sécurité de l'office, nous aimerions que tout ce qui touche à un passage à niveau relève du ministre et que la sécurité soit le critère le plus important au moment d'établir un nouveau passage à niveau. J'utilise l'analogie suivante : on ne peut pas construire un nouveau passage à niveau sur la 401, mais on peut encore construire un nouveau passage sur la ligne principale d'un chemin de fer. Cela n'a pas de sens.

Le sénateur Plett : Dans la plupart des cas, la première chose que fait la compagnie d'assurances lorsqu'il y a un accident, c'est de nier sa responsabilité. Êtes-vous d'accord? Elle va probablement pointer quelqu'un d'autre du doigt avant d'accepter la responsabilité. Le fait que l'office puisse déterminer la responsabilité, comme Mme Frid l'a mentionné, j'imagine, et le fait que vous puissiez avoir des recours devant les tribunaux, cela permet à tout le moins aux victimes, que ce soit la province ou la municipalité de Lac-Mégantic, qui que ce soit, de recevoir une compensation et de reprendre une vie normale pendant que les tribunaux s'occupent du reste.

Convenez-vous que si les sociétés d'assurances n'avaient pas la responsabilité immédiate d'émettre un chèque, elles se battraient longtemps devant les tribunaux avant de payer, dans le cas par exemple d'un franchissement routier ou d'un incendie?

M. Harvey : D'après notre expérience auprès de nos sociétés d'assurances, une analyse est effectuée en fonction des circonstances de l'accident. Je ne peux pas affirmer que nos assureurs refusent systématiquement de payer. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une sorte de discussion explicative selon les circonstances de l'accident et la portée de notre couverture d'assurance. À mes yeux, c'est ainsi que les choses se passent. Voilà une facette de la question.

J'aimerais revenir à votre première question à propos des tiers. Comme nous l'avons dit, le projet de loi attribuera l'entière responsabilité de tout incident aux compagnies de chemin de fer, et nous considérons que c'est un problème majeur. Le transport ferroviaire englobe les chargeurs du produit, les transporteurs, les déchargeurs et toute une série d'intervenants, et vous voulez qu'un seul maillon de la chaîne assume la totalité des risques de tout incident. Nous croyons que c'est discutable et que le comité devrait sérieusement y réfléchir.

Plus particulièrement, l'expéditeur d'un produit visé par le projet de loi réalise bel et bien un gain économique au- delà de celui de la compagnie de chemin de fer si son produit est transporté jusqu'au marché. Parallèlement, il y a la responsabilité de protéger la cargaison au point d'origine.

Nous sommes donc d'avis qu'il faut répartir la responsabilité, dans le projet de loi, en tenant compte de l'expéditeur et de son rôle dans le transport.

Le sénateur Plett : Je félicite l'attitude de votre société d'assurances, si ce que vous dites est vrai. J'ai travaillé des années dans le domaine de la construction, et le premier réflexe de ma société d'assurances était de jeter le blâme sur quelqu'un d'autre. Les choses se passent peut-être différemment dans les activités ferroviaires.

Pour conclure le premier tour, j'aimerais poser une dernière question au représentant d'Essex Terminal Railway. Vous dites que les dispositions du projet de loi ont une incidence sur vos activités. Vous vous occupez surtout des correspondances, et votre kilométrage est très bas. Vous est-il possible de diminuer la taille de vos cargaisons?

Dans un premier temps, nous avons entendu le témoignage d'un courtier d'assurances, et compte tenu de votre dossier, j'ai l'impression que votre tarif doit être parmi les plus bas, et non pas les plus élevés. Sachant cela, vous serait- il utile de réduire le poids de vos cargaisons sous la barre des 40 tonnes, ou quel que soit le chiffre? Est-ce réalisable?

M. Berthiaume : Pour commencer, ce n'est pas moi qui peux décider de diminuer le nombre de cargaisons passant par notre chemin de fer.

Le sénateur Plett : Je ne parle pas du nombre de cargaisons, mais plutôt de leur poids. Cela n'entre-t-il pas en ligne de compte?

M. Berthiaume : Encore là, ce n'est pas notre décision, mais plutôt celle de l'expéditeur. Nous sommes tenus de transporter les produits qu'ils commandent pour autant que les normes de l'industrie sont respectées. J'ai entendu un autre son de cloche de la part de M. Beardsley. Il dit que notre tarif d'assurance serait moindre si notre dossier était le seul critère d'évaluation. Je doute que ce soit toujours le cas.

Je pense qu'il nous est tous déjà arrivé de voir nos primes d'assurance pour la maison, la voiture ou l'entreprise augmenter malgré un excellent dossier. Cela peut arriver si une société d'assurances règle de nombreuses demandes d'indemnisation en raison d'une catastrophe ayant frappé d'autres régions de l'Amérique du Nord. Il arrive donc que nos tarifs d'assurance augmentent malgré notre excellent dossier.

L'autre chose qu'il ne faut pas oublier à propos des primes d'assurance, c'est qu'il y a un tarif par mille, puis un volume. Même si j'obtiens un meilleur tarif par mille ou par million de dollars de couverture, mon assurance me coûtera bien plus cher si je dois en acheter quatre fois plus. Voilà le point que je veux faire valoir aujourd'hui.

Si notre dossier prouve que notre seul accident en 34 ans a coûté moins d'un pour cent de notre limite actuelle de 25 millions de dollars, je pense que cela en dit long. Compte tenu de notre dossier, l'obligation de quadrupler notre couverture d'assurance signifie simplement que nous allons financer le mauvais bilan de quelqu'un d'autre, et je ne trouve pas cela équitable. Voilà qui compromet dangereusement notre compagnie. Les temps sont très difficiles.

Le sénateur Eggleton : Je comprends ce que vous dites, monsieur Berthiaume. Mais dans l'affaire de Lac-Mégantic, il s'agissait d'une compagnie de chemin de fer de deuxième catégorie. Si les dispositions du projet de loi s'étaient appliquées à la couverture d'assurance de l'époque, le montant aurait été de 250 millions de dollars, mais c'est loin de correspondre au coût de l'accident. Les dégâts ont coûté plus du double, et les chiffres continuent de grimper. Pourquoi le public devrait-il payer la note?

Cela se rapporte à ce que vous dites, à savoir que les compagnies de deuxième catégorie ne devraient pas avoir ce niveau d'assurance. Or, je doute même que ce niveau soit suffisant compte tenu de ce qui s'est produit à Lac-Mégantic.

M. Berthiaume : Vous comparez ma compagnie Essex Terminal Railway au Chemin de fer Montréal, Maine et Atlantique, alors qu'il n'y a pas de commune mesure. Notre voie ferrée ne fait que 19 kilomètres; nous n'avons aucune ligne principale, et nous nous déplaçons à un maximum de 10 milles à l'heure. Le risque associé à nos activités n'est pas comparable, et notre niveau d'entretien des voies ferrées est très élevé. Il n'y a aucune condition dangereuse sur notre parcours. Notre chemin de fer est très modeste; sa gestion est vraiment directe, et nous arrivons à assurer la qualité et l'intégrité de nos programmes d'entretien.

Je ne crois pas que le public doive assumer la responsabilité, mais je doute que notre compagnie présente un tel risque. Il est très facile de voir la différence entre nos activités et une compagnie qui n'entretenait pas convenablement sa voie ferrée, qui ne respectait pas les consignes de sécurité et qui transgressait toutes les règles. Nous n'agissons pas ainsi et, contrairement à cette compagnie, nous n'exposons pas la population à de tels risques.

Le sénateur Eggleton : Y a-t-il beaucoup de compagnies de chemin de fer comme la vôtre, ou vous considérez-vous comme étant unique?

M. Berthiaume : Je pense que notre situation est unique, ce qui a d'ailleurs été reconnu à l'entrée en vigueur du Règlement sur l'interconnexion du trafic ferroviaire, lorsque nous avons demandé une exemption. Le règlement limite le prix que les compagnies de chemin de fer peuvent exiger pour l'interconnexion du trafic jusqu'à d'autres chemins de fer. Puisque les activités de notre compagnie se limitent à l'interconnexion — nous ne touchons aucun revenu du transport de ligne —, notre revenu par wagon est très faible. Si nous avions dû limiter notre prix au montant prévu au règlement, notre compagnie n'aurait pas été viable, et nous aurions sans aucun doute cessé nos activités. Les industries qui comptent sur nous pour acheminer leurs produits jusqu'au marché et inversement auraient été touchées, et bien des entreprises auraient probablement fermé leurs portes.

Le sénateur Eggleton : Je me trompe peut-être, mais je croyais qu'une des modifications du comité de la Chambre des communes portait sur l'interconnexion. Cela ne vous a-t-il aucunement aidé?

M. Berthiaume : Veuillez m'excuser, mais j'ignore ce dont vous parlez.

Le sénateur Eggleton : Je n'ai pas l'information sous les yeux. Le comité de la Chambre était saisi d'une modification.

M. Harvey : Si vous me permettez d'intervenir, l'amendement proposé devant la Chambre précisait simplement que lorsque le transport provient d'un transporteur assujetti aux règles sur l'interconnexion, celui-ci n'est pas tenu de percevoir la contribution. Il s'agit d'une modification à caractère administratif.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi d'aborder la question des responsabilités de l'expéditeur plutôt que du transporteur ferroviaire. Celles-ci doivent être négociées et déterminées dans le cadre d'une entente, mais vous exprimez tout de même certaines préoccupations à ce sujet; c'est du moins le cas des principaux chemins de fer, d'après ce que j'ai pu constater.

J'ignore ce qui se passe si aucune entente n'est conclue. L'office intervient peut-être dans ce genre de situation pour déterminer à qui la responsabilité incombe. Pouvez-vous nous expliquer un peu mieux pourquoi vous doutez que cette procédure fonctionne bien?

M. Harvey : Les dispositions législatives rejettent essentiellement la responsabilité entière sur les compagnies de chemin de fer en cas d'accident mettant en jeu les marchandises visées par le projet de loi. Cela signifie au fond que les chemins de fer ou leur assureur devront payer les dommages. C'est l'objectif du projet de loi.

Premièrement, si vous déterminez que le chemin de fer est le seul responsable en cas d'accident, peu importe la cause — autrement dit, même si le chemin de fer n'est nullement responsable et que l'accident a été causé par un tiers —, il n'en demeure pas moins que celui-ci doit payer la valeur intégrale de la perte. Il doit ensuite se tourner vers les parties ayant causé la perte pour chercher à obtenir un dédommagement.

Nous disons simplement que lorsque vous faites assumer tous les risques à une partie, la décision est prise sans tenir compte de la cause. Ce que nous disons, c'est qu'il faut être plus près de la réalité de l'industrie ferroviaire. Il faut reconnaître que les compagnies de chemin de fer sont tenues d'accepter tout trafic en vertu de la loi. Aussi, une certaine responsabilité devrait incomber aux autres parties qui profitent du transport ferroviaire, notamment les expéditeurs.

Le sénateur Eggleton : Croyez-vous que cela doive être précisé dans la loi?

M. Harvey : Nous comprenons quels étaient le but et l'intention de déterminer la responsabilité. Mais nous vous disons ici que d'autres intervenants entrent en jeu et devraient eux aussi être visés par le projet de loi.

Le sénateur Eggleton : Je vois. La représentante de l'office a-t-elle quelque chose à ajouter? Non? Bien.

Permettez-moi de m'éloigner un instant de la question des assurances. La définition de « science de la fatigue » est abrogée de la partie sur la gestion de la fatigue. Comment les choses se passeront-elles, selon vous? Comment peut-on assurer la sécurité des activités en ce qui a trait à la fatigue des opérateurs de lignes?

M. Taylor : En fait, je pense qu'il s'agit plutôt d'une question administrative. Il y a toutes sortes de règles et de dispositions concernant la fatigue, et j'en comprends que le ministère ne fait que simplifier le cadre réglementaire. Nous accordons beaucoup d'importance à la fatigue, qui fait l'objet d'un ensemble de règles normatives.

Le sénateur Eggleton : Vous croyez donc que ce n'est qu'une modification mineure du libellé? Est-ce bien ce que vous dites?

M. Taylor : Il serait préférable de poser la question au ministère lorsque ses représentants comparaîtront.

Le président : La ministre comparaîtra demain soir.

Il nous reste environ neuf minutes.

Le sénateur Neufeld : Ma question sera brève. Vous avez répondu à une partie de la question du sénateur Eggleton.

Monsieur Harvey, vous dites que les expéditeurs devraient porter une certaine responsabilité, et j'aimerais comprendre un peu mieux pourquoi vous êtes de cet avis. Lorsqu'il est question de la sûreté d'un pipeline, la compagnie qui l'exploite se trouve exactement dans la même posture qu'une compagnie de chemin de fer : elle porte l'entière responsabilité.

Si un tiers entre en jeu, la compagnie pourra le poursuivre au bout du compte. Dans le cas d'un bris de pipeline qui ne serait pas causé par Enbridge, TransCanada ou Spectra, disons, la société demeure la seule responsable; elle est responsable de nettoyer le déversement et de faire tout ce qu'il faut. Elle peut ensuite agir comme bon lui semble pour trouver les tiers.

Pourquoi les compagnies de chemins de fer devraient-elles être traitées différemment des compagnies qui exploitent un pipeline transportant le même produit?

M. Harvey : Je vous remercie de votre question. Lors d'un incident ou d'un accident ferroviaire, l'exposition des tiers est nettement supérieure que dans le cas des pipelines. De façon générale, les pipelines sont en grande partie sous terre. Je crois comprendre qu'en cas de déversement, il s'agit la plupart du temps d'un bris d'équipement appartenant à la compagnie qui exploite le pipeline.

Dans notre cas, les choses se passent différemment. Comme Robert et moi venons de l'expliquer, des tiers ont un rôle à jouer dans la plupart des accidents ferroviaires. Voilà une différence d'emblée.

Nous sommes d'avis que deux autres choses doivent être prises en considération. D'une part, les expéditeurs profitent de la valeur ajoutée du transport de leur marchandise jusqu'au marché, ce qui est au-delà de nos bénéfices. D'autre part, les expéditeurs participent directement à la sûreté de la cargaison dont ils nous confient l'expédition.

En raison de ces deux éléments, ils participent davantage au transport qu'ils ne le feraient dans l'industrie des pipelines.

M. Bourque : J'aimerais brièvement ajouter quelques mots là-dessus. Dans le cas du pétrole brut, par exemple, c'est l'expéditeur qui loue ou possède le wagon-citerne. Il choisit le genre de contenant qui servira au transport du produit. Il est responsable du chargement du produit, de même que du choix du produit à expédier.

Par exemple, ils pourraient décider d'expédier du « dilbit », un bitume auquel est ajouté jusqu'à 30 p. 100 de diluant. Ce produit a été conçu pour le transport par pipeline, mais l'expéditeur pourrait tout de même décider de l'expédier par wagon-citerne. Or, une option plus sûre serait de transporter du « railbit », un produit dilué à 15 p. 100.

L'expéditeur prend donc un certain nombre de décisions relatives à la sûreté du transport. Voilà pourquoi il est étroitement associé aux conséquences et à la sécurité, en cas d'accident.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie, et je comprends ce que vous dites à propos de l'expéditeur qui possède ou loue habituellement les wagons-citernes. J'imagine toutefois que si un wagon ne respecte pas les normes, vous n'êtes pas tenus de l'accepter.

Dans le cas d'un pipeline, l'expéditeur est avantagé lui aussi si la compagnie exploitante achemine son produit sur le marché. Et je crois que les représentants du milieu nous ont dit que la plupart des accidents sont également causés par des tiers. Il s'agit habituellement d'une personne qui heurte le conduit en creusant à l'aide d'une pelle rétrocaveuse.

Je vais vérifier le compte-rendu pour m'assurer de ne pas me tromper, mais je crois que la plupart des accidents relatifs à un pipeline sont aussi attribuables à des tiers. La situation des pipelines est donc similaire à celle des chemins de fer. Merci beaucoup.

Le président : Sénatrice Unger, aviez-vous une brève question complémentaire?

La sénatrice Unger : Oui. Pourriez-vous me donner une idée du coût que vous devriez débourser afin de poursuivre un tiers en cas d'accident?

M. Harvey : Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner un chiffre répondant de façon précise à votre question. Je peux vous dire que parmi les tiers pouvant causer un accident ferroviaire, il y a des sociétés complexes qui ont de l'argent, de même que des intérêts privés dont les fonds sont limités. Autrement dit, en fonction de l'identité du tiers en question, nous pourrions intenter des procédures judiciaires pour récupérer l'argent, ou nos sociétés d'assurances pourraient le faire, mais personne n'a la certitude de pouvoir y arriver. Tout dépend vraiment des tiers en cause, et l'issue sera déterminée après les audiences et le procès.

C'est un contraste par rapport aux réparations proposées dans le projet de loi relativement aux efforts et à l'engagement nécessaires pour recouvrer les sommes versées.

Le sénateur MacDonald : Puisqu'il s'agit de ma dernière question, je vais m'adresser à M. Beardsley.

Monsieur Beardsley, le projet de loi C-52 impose des responsabilités strictes aux sociétés ferroviaires, même une amende minimale pour les incidents ferroviaires impliquant du pétrole brut, et propose une nouvelle taxe sur les cargaisons de pétrole brut. Selon vous, est-ce une façon équitable d'accroître la responsabilité à l'échelle de la chaîne d'approvisionnement? Sinon, pourquoi? Que proposeriez-vous comme solution de rechange?

M. Beardsley : Je ne peux pas vraiment vous dire si c'est équitable, mais du point de vue d'un assureur, cela comporte beaucoup plus de risques. Dans le cadre de certains des témoignages entendus ce matin, il a été question du processus qu'un assureur doit suivre pour recouvrer ces fonds si son client n'est pas entièrement responsable d'un incident, ce qui pourrait avoir des conséquences directes sur les primes d'assurance.

Je ne suis pas avocat, mais à ma connaissance, le concept de responsabilité stricte n'a rien de nouveau. Il s'agit d'un léger obstacle pour les assureurs qui doivent passer d'un régime de négligence ou de responsabilité pour faute à un régime de réassurance et de financement interne, mais ce n'est rien de nouveau.

Il devrait y avoir un certain resserrement du marché et une augmentation des prix. Est-il impossible de respecter la loi en raison de la responsabilité stricte? Je ne le crois pas. Toutefois, ce sera plus difficile et un peu plus dispendieux. Les limites disponibles devraient également baisser. Ce qui m'inquiète, c'est que cela suffira pour forcer certaines sociétés incapables d'utiliser l'autoassurance pour atteindre la limite requise à prendre des décisions difficiles, y compris, peut-être, perdre leur certificat d'aptitude.

Le président : Je tiens à vous remercier de nouveau de votre participation et de votre coopération, ainsi que de la concision de votre exposé et de la précision de vos commentaires.

Je suis heureux d'accueillir le prochain groupe de témoins à venir témoigner devant le Comité des transports et des communications dans le cadre de cette étude du projet de loi C-52. Monsieur Benson, vous avez la parole.

Phil Benson, lobbyiste, Teamsters Canada : Merci. Mon nom est Phil Benson. Je suis lobbyiste pour Teamsters Canada.

La Conférence ferroviaire de Teamsters Canada représente presque tous les chefs de train et les employés itinérants de l'industrie, sauf quelques exceptions, y compris ceux de MM&A. La Division des préposés à l'entretien des voies de Teamsters Canada représente les travailleurs de la voie du chemin de fer Canadien Pacifique et de la plupart des chemins de fer d'intérêt local. En tout, nous représentons environ 65 p. 100 de la main-d'œuvre ferroviaire.

Mon exposé d'aujourd'hui portera principalement sur ce projet de loi C-52. Je me concentrerai sur les pouvoirs accrus accordés à Transport Canada, notamment à la ministre, ce que nous appuyons. Selon nous, il y avait un manque à cet égard et des améliorations étaient nécessaires. Je félicite la ministre d'avoir proposé ces modifications et d'avoir traité ce dossier si rapidement.

Une chose nous inquiète au sujet de ce projet de loi, soit l'article 17 qui propose l'abrogation de la définition de « science de la fatigue. » Je vais donc aborder cette modification proposée ainsi que le SGS dans son ensemble. Compte tenu du calendrier parlementaire et des pouvoirs accrus consentis à la ministre et à Transports Canada, nous exhortons le comité à adopter le projet de loi sans amendement. Nous n'avons pas de temps à perdre. Selon nous, le projet de loi doit être adopté.

Nous n'avons pas été consultés concernant l'abrogation de la définition de « science de la fatigue. » Cette modification a été publiée dans les parties I et II de la Gazette du Canada sous la section des règlements. Il faut retourner à 2011 et à la Loi sur la sécurité ferroviaire. À l'époque, un des principaux problèmes avec la loi concernait la fatigue. C'était un problème majeur. Notre point de vue a été pris en considération et des modifications ont été apportées. Pour ceux et celles qui ne siégeaient pas au comité à l'époque, les amendements ont été adoptés à l'unanimité par un vote par oui ou non, tant à la Chambre qu'au Sénat.

Pourquoi cette définition a-t-elle été abrogée? D'abord, on nous a dit que c'était à la demande du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. C'est faux. Le comité a proposé cet amendement à la demande du ministère de la Justice en raison de la façon dont la loi est rédigée. En discutant avec diverses bureaucraties, nous avons appris qu'en vertu de cette définition, il aurait fallu examiner des études évaluées par des pairs dans le cadre de la gestion de la fatigue. Je leur ai répondu : « Vous voulez dire, comme c'est le cas avec les pilotes, le transport aérien et les camionneurs? »

Troisièmement, il faut regarder ce qui a été publié dans les parties I et II de la Gazette du Canada. La définition de « sciences de la fatigue » a été introduite dans le texte de la partie I de la Gazette portant sur le SGS, le système de gestion de la sécurité. Oui, certains termes et concepts de base relatifs à la science de la fatigue ont été introduits dans ce texte, mais la science de la fatigue, c'est beaucoup plus que cela.

D'abord, ce qui nous inquiète, c'est que, selon les commentaires que nous avons recueillis, la gestion de la fatigue pour les employés ferroviaires sera relâchée. La gestion de la fatigue concerne les employés et regroupe trois éléments : les limitations contractuelles; les limitations réglementaires relatives aux heures de travail; et, finalement, la cerise sur le gâteau, la gestion de la fatigue elle-même.

D'abord, les limitations contractuelles. Le CN violait 3 700 fois par mois les règles relatives au temps de repos lors du vortex polaire, parce qu'il faisait froid. Le vortex polaire s'est poursuivi jusqu'au mois d'août, période au cours de laquelle ces règles ont été violées 2 400 fois par mois. Le chemin de fer Canadien Pacifique a fait un décompte et, sur la côte ouest, il y a eu plus de 2 000 violations, mais toutes les données n'ont pas encore été compilées. Comme vous le remarquez, les règles contractuelles ne sont pas respectées, même lorsque les décisions du Conseil canadien des relations industrielles sont en notre faveur.

Ensuite, les dispositions réglementaires. À cet égard, je tiens à féliciter la ministre Raitt et le ministère. Après beaucoup de réponses évasives, on a décidé d'aller de l'avant et de modifier les règles adoptées après l'incident de Hinton survenu il y a plusieurs années. Celles-ci étaient totalement inadéquates et constituaient un échec total dans tous les aspects de la gestion de la fatigue.

Nous accueillons favorablement ces modifications et souhaitons qu'elles entrent en vigueur avant le 19 octobre.

Finalement, la gestion de la fatigue elle-même. Comme je l'ai dit, cette question nous inquiète. Nous avons demandé au comité d'abroger cette section. Notre demande a été rejetée. En vertu du peu de temps qu'il nous reste, nous n'insisterons pas pour le moment. Nous attendrons de voir la suite des choses.

J'aimerais maintenant parler du SGS. Nous avons fait une demande plutôt simple au comité de la Chambre des communes. Si la loi est à l'étude et qu'il est question du système de gestion de la sécurité, peut-être pourrions-nous élargir son rôle. Pour le moment, la gestion de la fatigue est enfouie dans un document portant sur le SGS. Ce document est quasi réglementaire, mais il est aussi secret. Non seulement la Chambre ne peut pas l'examiner, ni le public ni la presse ne peuvent le consulter. Nous aimerions plus de transparence à cet égard. Mais, d'ici là, nous avons recommandé que le système de gestion de la fatigue soit inclus à l'article 18 de la Loi sur la sécurité ferroviaire afin d'en faire une règle, comme ce fut le cas avec les règles relatives aux heures de travail.

Un autre point important a été soulevé au Sénat, soit la nécessité de mettre en place un no sans frais. Comme vous le savez, il n'y en a pas. Il y a 117 inspecteurs, ce qui est insuffisant. L'idée derrière ce no sans frais est de fournir à nos membres, aux membres des autres syndicats sur le terrain et aux employés non syndiqués la possibilité de communiquer directement avec Transports Canada afin de signaler toute infraction à la sécurité. C'était en 2011. Nous répétons l'exercice, en 2015, avec la gestion de la fatigue. Avec un peu de chance, la question pourrait être réglée d'ici l'an prochain avec l'entrée en vigueur du règlement. Il existe, mais n'est pas encore en vigueur. L'attente s'explique par le fait que la gestion de la fatigue est cachée dans le système de gestion de la sécurité, et ça ne devrait pas être le cas. Elle devrait être incluse dans l'article 18 de la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Nous demanderons au prochain gouvernement, peu importe quel parti le formera, d'examiner la Loi sur la sécurité ferroviaire. Cette loi est truffée d'anachronisme. Nous en avons soulevé deux. Les articles 19 et 20 de la Loi permettent à l'Association des chemins de fer du Canada de demander de leur propre chef des modifications aux règles. Elles ne sont pas toujours acceptées, mais elles ont un impact sur les orientations. Cette possibilité n'existe pas dans les industries du transport aérien, du transport routier ou de la transformation des aliments. Il s'agit d'un anachronisme. Il y a 50 ou 75 ans, il était peut-être logique de permettre à un groupe de pression de demander au gouvernement de modifier certaines règles, mais ce n'est plus le cas. Il s'agit d'un manque de transparence dans la Loi sur le lobbying et, de toute évidence, cela me concerne. La loi est remplie d'anachronisme. À la blague, nous l'appelons la loi « Nous ne faisons pas confiance aux sociétés » en raison des pouvoirs qui leur sont accordés. La plupart du temps, nous ne leur faisons pas confiance non plus. Selon nous, d'autres changements doivent être apportés. Cela dit, en terminant, nous exhortons le comité à adopter le projet de loi avant qu'il ne soit trop tard.

Le président : Merci, monsieur Benson.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Ballantyne, président de l'Association canadienne de gestion du fret. Monsieur Ballantyne, nous laisserons Mme Lai nous présenter son exposé avant d'entendre le vôtre. Les membres du comité auront suffisamment de temps par la suite pour vous poser leurs questions.

Patricia Lai, cofondatrice, Safe Rail Communities : Bonjour et merci de m'avoir invité. Safe Rail Communities a été créé en mars 2014 après la tragédie survenue à Lac-Mégantic. Nous sommes des citoyens ordinaires profondément préoccupés par le transport ferroviaire de matières dangereuses, notamment le pétrole brut volatile. Nous travaillons à sensibiliser la population à cette question et exhortons le gouvernement et l'industrie à adopter des mesures concrètes.

Le projet de loi C-52 est un pas dans la bonne direction pour renforcer la sécurité ferroviaire et accroître la responsabilité, mais il pourrait aller plus loin. Aujourd'hui, j'aimerais vous partager les six préoccupations que nous avons par rapport à ce projet de loi.

Premièrement, le projet de loi propose d'obliger les sociétés ferroviaires de catégorie 1 à avoir une assurance minimale de 1 milliard de dollars, mais le CN et le CP ont déjà des assurances plus élevées. De plus, selon l'ébauche de l'étude d'impact de la réglementation de l'Administration de la sécurité des pipelines et des matières dangereuses, les coûts associés à un incident lourd de conséquences dans une région densément peuplée s'élèveraient à 6 milliards de dollars américains.

Les sociétés ferroviaires de catégorie 1 devraient avoir une assurance de responsabilité illimitée afin de couvrir tous les coûts liés à un accident ferroviaire. Cela cadre avec le principe du pollueur-payeur sur lequel le projet de loi C-52 est censé s'appuyer.

Deuxièmement, selon ce projet de loi, le montant d'assurance nécessaire dépend du tonnage total annuel que transporte la société ferroviaire. Toutefois, le risque d'accident est toujours calculé en fonction d'un seul incident. Cela signifie que la couverture d'une société ferroviaire qui ne transporte que quelques grosses cargaisons par année pourrait être nettement insuffisante.

Troisièmement, les sociétés ferroviaires peuvent éviter toute responsabilité si elles arrivent à démontrer qu'une autre défense établie dans le règlement peut s'appliquer. C'est le cabinet fédéral qui décide des règlements et ses décisions relatives aux défenses mises à la disposition des sociétés ferroviaires ajoutent à l'incertitude qui entoure ce projet de loi.

Quatrièmement, seul le gouvernement peut intenter une poursuite pour des dommages à l'environnement. Aucun membre du public, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'un groupe, ne peut intenter de poursuites pour des dommages à l'environnement. Depuis plus de 10 ans, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont le pouvoir d'intenter de telles poursuites, mais ils ne l'ont jamais exercé.

Cinquièmement, les taxes recueillies auprès des expéditeurs et devant servir à la création d'un Fonds d'indemnisation de 250 millions de dollars. Encore une fois, c'est très peu comparativement au coût estimé de 6 milliards de dollars américains.

Sixièmement, les inspecteurs de la sécurité ferroviaire seront autorisés à identifier des risques immédiats et à demander l'adoption de toute mesure permettant d'atténuer le risque. Nous souhaitons qu'un calendrier d'inspection soit ajouté au projet de loi C-52 avec des critères précis permettant de définir les risques et d'adopter des mesures correctives.

Tout projet de loi portant sur la sécurité ferroviaire et le transport de matières dangereuses devrait se concentrer sur la prévention et l'atténuation. J'aimerais maintenant partager avec vous les six éléments qui, selon nous, devraient être inclus dans le projet de loi C-52.

Premièrement, la stabilisation du pétrole brut volatile au point de départ. Dans l'État du Texas, la stabilisation est obligatoire. Pourquoi ne l'est-elle pas au Canada?

Deuxièmement, nous demandons au gouvernement de resserrer la réglementation et d'intensifier l'application des règlements. Après la tragédie ferroviaire survenue à Lac-Mégantic, le fait d'être titulaire d'un certificat d'aptitude ne veut pas dire grand-chose. Il est temps de revoir sérieusement le système de gestion de la sécurité.

Troisièmement, selon nous, il faudrait accroître la transparence et augmenter la responsabilité. Les premiers intervenants ont besoin de données en temps réel lorsqu'il y a un déraillement de wagons contenant des matières dangereuses. Les données historiques ne suffisent pas. Encore une fois, nous demandons à ce que les sociétés ferroviaires aient une assurance-responsabilité illimitée pour couvrir tous les coûts liés à un déraillement.

Quatrièmement, nous demandons à ce que le gouvernement réinvestisse ce qu'il a retiré au budget de la sécurité ferroviaire. Le budget de la sécurité ferroviaire a été réduit de plus de 20 p. 100 au cours des cinq dernières années. Pourquoi ne pas investir dans la technologie de la sécurité ferroviaire existante, comme le système de commande intégrale des trains? À l'automne 2008, le Congrès américain a obligé l'adoption d'un système de commande intégrale des trains.

Cinquièmement, nous souhaitons l'adoption de normes efficaces relatives aux wagons-citernes. Les normes actuelles n'entreront entièrement en vigueur qu'en 2025 et nous ignorons si elles sont suffisamment sécuritaires.

Sixièmement, nous demandons une analyse indépendante du risque. Puisque la sécurité ferroviaire dépend de nombreux facteurs, un organisme indépendant devrait être mandaté pour examiner ces facteurs individuellement et dans leur ensemble.

Nous comptons sur le gouvernement pour nous protéger. Toutefois, ce que nous avons ici, c'est un modèle d'affaires défectueux où les profits de l'industrie mettent en danger la vie et le portefeuille des Canadiens. Safe Rail Communities demande respectueusement à ce que les recommandations et amendements raisonnables qu'elle propose afin que cette mesure législative se concentre vraiment sur la sécurité et la responsabilité soient étudiés avant que le projet de loi C-52 ne soient pas adoptés.

Le président : Monsieur Ballantyne, vous avez la parole.

Bob Ballantyne, président, Association canadienne de gestion du fret : Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne vous expliquerai pas en détail en quoi consiste l'association. Cette information se trouve dans le mémoire que je vous ai remis. Je dirai simplement que l'Association existe depuis environ 99 ans et qu'elle représente des expéditeurs.

J'aimerais concentrer mon exposé uniquement sur le projet de loi C-52 et non sur les questions plus générales de sécurité ferroviaire. Toutefois, j'aimerais formuler quelques commentaires.

Selon toutes les normes raisonnables, tous les moyens de transport modernes en Occident sont très sûrs. Tant que les déplacements seront contrôlés par les humains, il y aura des accidents. La sécurité ne peut jamais être tenue pour acquise; il faut toujours rester sur ses gardes et l'on peut toujours faire mieux.

Le régime de sécurité des transports du Canada — constitué de politiques, de lois, de règlements, de mesures d'application, d'enquêtes sur les accidents et de pratiques — est axé, comme il se doit, sur la prévention des accidents. Le Bureau de la sécurité des transports à formuler ses recommandations et les gouvernements canadien et américain ont pris des mesures, y compris le projet de loi C-52.

Il est important de souligner que de tels accidents sont extrêmement rares. Il faut en tenir compte. Le dernier accident qui puisse de comparer à celui survenu à Lac-Mégantic s'est produit le 10 novembre 1979 sur la voie ferrée du CP Rail, à Mississauga, alors que des wagons-citernes contenant du propane et d'autres wagons contenant des matières dangereuses, y compris du chlore, ont déraillé. C'était il y a 36 ans. Personne n'a été blessé ou tué, les dommages matériels directs étaient limités et environ 250 000 personnes ont dû être évacuées pendant plusieurs jours. Transports Canada, les sociétés ferroviaires et les gouvernements ont tous tiré des leçons importantes de cet accident. Le Bureau de la sécurité des transports « tient le compte » des accidents dans les secteurs du transport aérien, du transport maritime, du transport ferroviaire et du transport par pipeline, et la tendance statistique dans tous les modes va dans la bonne direction.

Concernant le projet de loi C-52, je vais aborder deux considérations liées aux politiques, même si mon document élargi en compte quatre.

Premièrement, comme cela a déjà été souligné, le principe du pollueur payeur est la pierre angulaire de l'approche du gouvernement en ce qui a trait aux régimes de responsabilité et d'indemnisation d'autres modes et secteurs. L'ACGF convient, comme le gouvernement, que ce principe constitue la pierre angulaire de la responsabilité des tiers et du régime d'indemnisation et qu'il est conforme aux principes juridiques bien établis et confirmés par les tribunaux au fil du temps. Le projet de loi C-52 semble être fondé sur ce principe.

Deuxièmement, les expéditeurs, en particulier ceux qui produisent et expédient des produits dangereux, sont bien assurés et prêts à appliquer le principe du pollueur payeur. Donc, si un transporteur fait preuve de négligence, les tribunaux s'occupent d'en évaluer l'ampleur et de lui imposer des dommages-intérêts en conséquence.

Voici des observations précises sur le projet de loi C-52. Essentiellement, le niveau minimal d'assurance responsabilité est la première ligne de défense pour qu'en cas d'accident ferroviaire, les réclamations valides soient acceptées et payées. Lorsque ce sont les compagnies ferroviaires qui ont la responsabilité de marchandises dangereuses, elles doivent être les premières visées par les réclamations, évidemment. Le projet de loi va en ce sens.

Le projet de loi semble aussi tenir compte de l'essentiel équilibre à atteindre pour les chemins de fer d'intérêt local et les chemins de fer régionaux; la couverture d'assurance doit être suffisamment élevée pour couvrir les risques, mais également abordable pour éviter les faillites. Les différents niveaux d'assurance responsabilité proposés dans l'annexe IV visent cet équilibre. La nouvelle version du paragraphe 92(3) autorise le gouverneur en conseil à revoir l'annexe IV; ainsi, au fil de l'expérience acquise en matière de niveaux d'assurance responsabilité, la ministre pourra apporter les modifications qui s'imposent.

Premièrement, la rubrique 4 de l'annexe suscite des préoccupations. Elle oblige les compagnies ferroviaires à souscrire une assurance responsabilité de 1 milliard de dollars. Dans son document de travail, Transports Canada indique que chaque grande compagnie de chemin de fer est couverte par une assurance responsabilité civile d'une valeur d'au plus 1,5 milliard de dollars. Nous croyons savoir que le CN et le CP ont une couverture de cet ordre. Dans le même ordre d'idée, l'article 152.7 limite la responsabilité des compagnies au niveau maximal d'assurance responsabilité prescrit; ainsi, l'assurance responsabilité du CN et du CP passerait de 1,5 milliard à 1 milliard de dollars.

Deuxièmement, il y a la caisse supplémentaire financée par les expéditeurs de pétrole brut. Il s'agit de la création de la Caisse d'indemnisation pour les accidents ferroviaires impliquant des marchandises désignées. Les expéditeurs de pétrole brut sont tenus de payer une contribution de 1,65 $ par tonne, à concurrence du montant plafond de 250 millions de dollars.

Le gouvernement a signifié son intention de créer une telle caisse, conformément au principe du pollueur payeur. Toute contribution à cette caisse aura des répercussions sur la compétitivité de l'industrie, et il est dans l'intérêt général de l'économie canadienne de ne pas y inclure d'autres produits sans preuve convaincante qu'ils représentent un risque public important. L'ACGF recommande que l'Office soit tenu d'établir des critères confirmés par règlement pour déterminer s'il convient d'exiger cette contribution pour d'autres produits.

Troisièmement, au sujet des sanctions administratives pécuniaires, l'article 177 est modifié de manière à prévoir des sanctions maximales de 100 000 $ par infraction; l'ACGF appuie cette disposition.

Enfin, au sujet des modifications proposées de la Loi sur la sécurité ferroviaire, il est préférable de laisser aux gestionnaires et aux employés des compagnies ferroviaires la responsabilité des systèmes de gestion de la sécurité et le soin de s'occuper des détails de la sécurité. Toutefois, le remplacement de l'article 32.4 par les nouveaux paragraphes 32.4(3.2) et 32.4(3.4) et l'ajout du nouvel article 32.01 donnent à la ministre le pouvoir d'ordonner aux compagnies ferroviaires « d'apporter les mesures correctives nécessaires ». Cela est raisonnable, surtout dans le cas des chemins de fer d'intérêt local. L'ACGF appuie ces dispositions, mais pense qu'il serait prudent d'y avoir uniquement recours dans des circonstances exceptionnelles.

C'est avec plaisir que je répondrai aux questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ballantyne.

Le sénateur Plett : Je vous remercie tous les trois d'être venus témoigner.

Monsieur Benson, je me réjouis certainement de votre commentaire selon lequel ce projet doit être adopté tel quel, malgré ses lacunes, même si le moment n'est pas idéal en raison de l'imminence d'élections, du calendrier parlementaire, et cetera.

Je m'excuse de n'avoir pu entendre la totalité de votre intervention sur la gestion de la fatigue. J'aimerais que vous m'en présentiez une version condensée. Je suis en train de lire un document de Transports Canada à ce sujet. Chez l'humain, la fatigue est une question de physiologie. Elle nuit à la vigilance. Le rendement humain est tributaire du nombre d'heures d'éveil et décroît en fonction de la privation de sommeil cumulative. Sur le plan physiologique, l'être humain a besoin d'un nombre minimal d'heures de sommeil, notamment.

Tout cela me semble fondé. Votre préoccupation était-elle que cela ne serait pas mis en œuvre immédiatement? Pourriez-vous me parler de vos préoccupations à cet égard?

M. Benson : La Conférence ferroviaire Teamsters Canada a appuyé les modifications publiées dans la partie I de la Gazette du Canada. On y indiquait clairement, entre autres choses, les personnes auxquelles cela s'appliquerait, soit les chefs de train, les mécaniciens de locomotive et d'autres. Si vous regardez la partie II de la Gazette du Canada, cela n'y figure pas. Ces gens ne sont plus sur la liste. En fait, l'une de nos préoccupations porte sur le libellé : selon la façon dont il est rédigé, cela pourrait même ne pas s'appliquer à eux. Donc, les gens qui pourraient en avoir besoin ne sont même pas visés par la mesure. C'est le premier problème.

Le deuxième enjeu est le suivant : dans mes discussions avec les fonctionnaires et la population, on me dit que nous ne voulons pas d'études et d'études sur des choses comme des documents examinés par des pairs. Or, pour le compte de Teamsters Canada, je l'ai fait pour les transports terrestre et aérien. Cela a pris de nombreuses années pour le transport terrestre, et deux ans pour le transport aérien; il a fallu quatre ans pour obtenir les résultats. Nous avons demandé à des scientifiques d'étudier des documents examinés par des pairs.

Aurons-nous une étude mitigée ou exhaustive de la science de la fatigue? Avec la définition, combinée à la partie I de la Gazette du Canada, nous savions qu'il y aurait un examen adéquat et que nous aurions les outils de gestion de la fatigue dont nous avons besoin.

Étant donné le retrait de la définition et la modification du libellé, nous ne sommes pas convaincus que cela se fera. Je suppose qu'on peut dire que sur le plan législatif, nous avons une loi qui nous convient. Or, on y apporte des modifications — sans consultation, encore une fois — et nous sommes d'avis qu'aucune d'entre elles ne peut être justifiée. C'est lié à la décision d'aller de l'avant et même au libellé choisi : la gestion de la fatigue. Permettez-moi de vous donner quelques informations à ce sujet. C'est lié à tous ces aspects : la pièce dans laquelle vous dormez, le bruit ambiant, l'heure à laquelle vous vous levez, l'heure à laquelle vous mangez ou faites de l'exercice. La science de la fatigue touche une panoplie de facteurs, et pas seulement ces huit points.

Nous avons affaire à des entreprises qui font le minimum requis. Cette Chambre considère, à l'unanimité, que la gestion de la fatigue est un enjeu majeur. Nous avons attendu quatre ans pour avoir des mesures à cet égard. Cela se fera peut-être l'an prochain ou l'année subséquente. Nous vous prions de le faire. Le bureau de la sécurité des transports des États-Unis a révélé qu'entre 20 et 50 p. 100 des accidents résultent de la fatigue. C'est un enjeu majeur. Comme nous le savons, cela a peut-être été un facteur dans l'accident survenu à Lac-Mégantic.

En outre, les préoccupations liées à la santé sont bien documentées : longévité écourtée; effets négatifs sur la vie des gens; dommages cognitifs; coût des soins de santé. Tous ces facteurs doivent être pris en compte.

Donc, ce qui nous préoccupe, essentiellement, c'est que nous ne sommes pas du tout convaincus que nous obtiendrons ce qu'il nous faut, ce que le public voulait et ce que vous vouliez lorsque vous avez appuyé ces mesures à l'unanimité.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de l'explication. J'ai simplement une petite question. Est-ce quelque chose qui pourrait être corrigé par règlement, ou devra-t-on le corriger par voie législative?

M. Benson : Lorsque ce projet de loi sera examiné, nous ferons valoir que cela se rapporte à ce que le ministère de la Justice demande depuis le début. Voici ce qui préoccupe le ministère : en vertu des principes de rédaction législative, cela devait figurer dans la loi. Les gens du ministère ont relevé des problèmes de rédaction entre les parties I et II de la Gazette du Canada. Nous croyons comprendre que beaucoup d'autres personnes ont été consultées par rapport à ce que nous considérons comme une version édulcorée.

De notre côté, nous verrons ce qui se produira l'an prochain lorsque nous devrons l'appliquer. Notre impression, c'est que ce sera inadéquat. Nous verrons cela l'an prochain.

Le sénateur Plett : Très bien. Merci.

Madame Lai, vous êtes cofondatrice de Safe Rail Communities. L'une des préoccupations que vous avez soulevées dans votre exposé était liée à l'environnement. J'ai eu l'impression que vous considérez que le projet de loi C-52 ne va pas assez loin. Je n'ai peut-être pas bien compris. Je vais donc lire quelques éléments, si le président veut bien me le permettre. J'aimerais savoir si ce sont là certaines des choses qui répondent à vos préoccupations. « Le projet de loi propose de modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire en donnant au ministre le pouvoir de rendre sans effet l'opposition à une installation ferroviaire proposée, s'il est convaincu que l'installation en question est d'intérêt public. Il élargit le pouvoir de l'inspecteur de la sécurité ferroviaire afin qu'il puisse limiter les activités d'une compagnie de chemin de fer lorsque ces activités risquent de compromettre la sécurité des personnes ou des biens. Il crée un nouvel arrêté ministériel afin que le ministre puisse ordonner à une compagnie de prendre les mesures correctives nécessaires si une activité exercée dans le cadre de l'exploitation ferroviaire est une menace importante à la sécurité des personnes ou des biens ou à l'environnement. Enfin, si un arrêté ministériel promulgué en raison d'une menace importante fait l'objet d'une requête en révision auprès du Tribunal d'appel des transports du Canada, il demeurera en vigueur pendant le processus d'appel. »

Certaines mesures répondraient-elles à vos préoccupations?

Mme Lai : Ce qui nous préoccuper surtout, c'est que le pouvoir d'intenter des poursuites pour obtenir une indemnisation pour des dommages causés à l'environnement est limité au gouvernement, soit, dans les exemples que vous avez lus, le ministre des Transports.

Toutefois, nous croyons fermement que les membres du public, qu'il s'agisse de particuliers ou de groupes, devraient aussi avoir leur mot à dire et avoir le pouvoir d'intenter des poursuites à cet égard.

Le sénateur Plett : Très bien. Cela dit, ces mesures sont manifestement liées aux problèmes environnementaux et elles accordent au ministre de nouveaux pouvoirs lui permettant de proposer des règlements, ce qui répondrait à vos préoccupations, du moins en partie.

Mme Lai : Exactement. Nous avons indiqué que le projet de loi comporte des aspects positifs, mais nous estimons qu'il pourrait aller plus loin.

Le sénateur Plett : À titre d'information, les points que je viens de lire proviennent d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui sera renvoyé au Sénat et qui sera étudié, nous l'espérons, avant la relâche estivale. Cela s'ajoute au projet de loi C-52. Merci, monsieur le président.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Benson, pour terminer la discussion sur la science de la fatigue, le gouvernement actuel a une aversion pour le mot « science ».

Le sénateur Plett : Vous étiez bon joueur jusque-là.

Le sénateur Eggleton : Ce n'est qu'un petit commentaire. C'était plus fort que moi.

Quoi qu'il en soit, l'enjeu de la gestion de la fatigue demeure. Tous s'entendent pour dire que c'est un enjeu important, mais je crois comprendre que votre préoccupation est liée à l'obtention des données les plus récentes — notamment les données liées aux examens par les pairs — de façon à mettre en place les meilleurs mécanismes possible en matière de gestion de la fatigue.

Donc, ce qui vous préoccupe, c'est qu'une version édulcorée du projet de loi réduit l'attention que l'on porte à cet enjeu, n'est-ce pas?

M. Benson : Je dirais d'abord que nous sommes favorables au projet de loi C-627. Nous vous demandons de l'adopter; c'est un bon projet de loi.

Voici le problème : lorsqu'on intervient, il y a la science, il faut s'y fier parce que c'est ce qui donne les résultats. Les entreprises, peu importe le secteur, soutiennent qu'elles ont l'expérience, que ce serait nuisible et que cela entraînerait des coûts. Voici ce qu'il faut savoir : la ligne est mince. Il vient un point où cela peut être pris en compte, mais je vous donne un exemple. Les gens me disent qu'ils font des quarts de 20 heures, qu'ils dorment trois heures et qu'on les appelle pour qu'ils retournent au travail. Cela interrompt ce qu'on appelle le CC, le creux circadien, entre quatre heures et six heures du matin, qu'il faut protéger.

Voilà en quoi consiste l'horaire de travail de beaucoup de gens de nos jours. On ne peut travailler plus de 14 heures, et 14 plus 10 font 24. Treize ou douze heures, c'est mieux. La norme est de 12 heures de travail, de façon à obtenir huit heures de repos. Le maximum est de 14 heures de travail. On ne peut aller au-delà de cela.

Actuellement, les gens travaillent pendant 20 heures, 19 heures et 18 heures. C'est une catastrophe annoncée. Cela les tue à petit feu. Donc, nous tenons compte des dommages potentiels pour le public, l'environnement et la santé de ces travailleurs, des choses dont le coût est assumé par les contribuables.

Si on ne tient pas compte des études scientifiques, nous nous retrouverons dans les discussions où l'on avancera des arguments de ce genre : « Oh! Eh bien, nous avons toujours fonctionné de cette façon; les coûts sont trop élevés; ce n'est pas pratique. » Lorsqu'il est question de science, de telles discussions ne sont pas possibles.

Le sénateur Eggleton : Vous venez de soulever un excellent point.

Permettez-moi de poser la même question à M. Ballantyne et à Mme Lai, à tour de rôle.

Monsieur Ballantyne, vous avez parlé du déraillement qui s'est produit à Mississauga en 1979. Je m'en souviens très bien. Des wagons transportant du propane et du chlore ont été impliqués dans cet incident, qui a entraîné l'évacuation de 250 000 personnes. Les coûts devaient être astronomiques.

Dans ce projet de loi, on prévoit que la caisse d'indemnisation ne vise que les expéditions d'hydrocarbures et non les autres matières dangereuses. D'autres produits pourraient être ajoutés plus tard, mais au départ, cela vise uniquement les expéditions de pétrole. Je me demande si l'un d'entre vous — ou les deux — a des observations à faire sur le caractère adéquat de cette mesure, sur le plan de la sécurité publique, à la lumière de ce qui s'est produit à Mississauga.

M. Ballantyne : Je vais commencer, si vous voulez. La première ligne de défense, ou le principe du pollueur-payeur, c'est que la société ferroviaire serait responsable, comme le CP l'était dans le cas de l'accident de Mississauga. La question est donc la suivante : les ressources, y compris les assurances, sont-elles suffisantes pour couvrir un incident de ce genre?

J'ai travaillé au Canadien Pacifique pendant des décennies et dans ce cas précis, si je me souviens bien, le CP a créé un genre de point de service. Toutes les réclamations ont été acceptées. À ma connaissance, aucune demande de fonds publics n'a été présentée à la suite de cet incident. Le CP a tout payé à même les fonds provenant de ses assurances et d'autres sources.

Donc, bien qu'un accident comparable à celui de Lac-Mégantic qui se produirait dans une grande ville entraînerait des coûts de plus d'un milliard de dollars ou de 1,5 milliard de dollars, peu importe, cela ne s'est jamais produit, et les probabilités que cela se produise sont extrêmement minces. C'est possible; personne ne dit le contraire.

Mon impression, c'est que l'assurance responsabilité du transporteur ferroviaire couvrirait certainement un incident comme celui qui est survenu à Mississauga, ce qui avait été le cas à l'époque.

Dans le cas présent, il s'agit simplement d'augmenter le deuxième niveau de défense — les 250 millions de dollars — si les pertes excèdent la couverture d'assurance responsabilité de la société ferroviaire, et cela semble raisonnable.

Le sénateur Eggleton : Avant de poser la question à Mme Lai, je tiens à souligner que 250 000 personnes ont été évacuées. Vous avez indiqué que les fonds publics n'ont pas été nécessaires suite à cet incident, mais de toute évidence, la contribution du secteur privé a dû être extrêmement élevée pour évacuer 250 000 personnes pendant plusieurs jours.

Le fonds d'indemnisation prévu dans le projet de loi C-52 couvre uniquement les incidents impliquant du pétrole, mais comme l'accident de Mississauga, par exemple, impliquait du propane et du chlore, n'aurait-il pas fallu inclure également ces substances?

Mme Lai : Absolument, à mon avis. On ne se penche pas là-dessus. Il s'agit d'une norme applicable aux wagons- citernes différente et d'une classification différente. Ce que je peux dire en ce qui concerne le transport du pétrole brut, c'est qu'il y a eu récemment de terribles déraillements. Cette année notamment, deux déraillements sont survenus près de la petite municipalité de Gogama dans le nord de l'Ontario en l'espace de trois semaines, en février et en mars.

Nous ne sommes pas aussi confiants que M. Ballantyne que les risques sont faibles. Nous ne disposons d'aucun renseignement nous indiquant dans quelle mesure nous sommes en sécurité. Étant donné que le pétrole brut des sables bitumineux de l'Alberta est maintenant considéré comme étant aussi explosif que le pétrole provenant du Dakota du Nord, nous ne sommes pas aussi confiants que ces risques sont faibles.

Le sénateur Eggleton : M. Ballantyne a souligné que la couverture d'assurance du CN et du CP s'établit probablement à environ 1,5 milliard de dollars. Vous avez laissé entendre que si la loi exige une couverture d'un milliard de dollars, on se trouve à diminuer cette couverture. Devrions-nous l'augmenter à 1,5 milliard de dollars?

Mme Lai : Oui. Nous avons reçu une lettre du CN qui confirme que sa couverture actuelle d'assurance- responsabilité s'élève à 1,24 milliard de dollars. Nous savons donc avec certitude qu'elle est plus élevée. Nous n'avons pas reçu de confirmation de la part du CP, mais nous avons vu des rapports qui indiquent que sa couverture s'établit aux alentours de 1,5 milliard de dollars.

Nous estimons que ce qu'exige la loi n'est pas suffisant. Nous avons examiné des rapports du département américain des Transports, produits par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, qui indiquent que pour ces accidents le coût est estimé à 6 milliards de dollars américains. Nous demandons une couverture d'assurance- responsabilité illimitée pour nous assurer que nous pouvons assumer les coûts de ces déraillements et de ces accidents afin de protéger le portefeuille des Canadiens.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Ballantyne, vous n'êtes peut-être pas au courant, mais le CN et le CP ont affirmé que le partage des responsabilités entre l'expéditeur et le transporteur ferroviaire devrait être modifié. Elles sont d'avis que toute la responsabilité incombe d'abord à la compagnie ferroviaire, qui doit ensuite se tourner vers l'expéditeur. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Ballantyne : Cela revient au principe du pollueur-payeur. Je crois que lorsque ces marchandises sont sous la responsabilité, disons, de la compagnie ferroviaire, c'est elle qui doit en premier lieu assumer la responsabilité. Comme je l'ai dit, les expéditeurs détiennent leur propre assurance-responsabilité, et lorsqu'ils sont reconnus fautifs, ils sont tout à fait disposés à respecter le principe du pollueur-payeur.

Il n'est pas raisonnable de la part des compagnies ferroviaires d'essayer de transférer la responsabilité à l'expéditeur, ou à toute autre entité, alors que ce sont elles qui sont responsables de ces marchandises.

La sénatrice Unger : Monsieur Ballantyne, l'article 10 du projet de loi créerait un fonds supplémentaire financé par les expéditeurs pour couvrir le coût des accidents qui dépasse le plafond des assurances. Dans quelle mesure craignez- vous qu'une contribution à l'égard de toute marchandise supplémentaire désignée n'influe sur la compétitivité de vos membres et leurs décisions futures en matière de production et d'investissement?

Monsieur Ballantyne : Il est certain que personne ne souhaite que ces accidents se produisent, mais si c'est le cas, les personnes touchées doivent être indemnisées. C'est tout à fait vrai. Des entreprises qui produisent des matériaux, pour lesquels il y a une demande, que ce soit au Canada ou à l'étranger, ont besoin que ces produits soient expédiés. Nous devons être concurrentiels sur les marchés mondiaux, alors c'est donc un facteur.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je ne dis pas qu'aucune autre marchandise ne devrait jamais être visée par ce fonds supplémentaire, mais il faut être très prudent et ce doit être tout à fait limité, si c'est possible.

Il est certain qu'il y a des préoccupations à propos de la position concurrentielle. Il pourrait probablement y avoir une incidence sur l'investissement.

La sénatrice Unger : Je viens d'Edmonton, et donc du nord de l'Alberta, où nous dépendons beaucoup des chemins de fer pour expédier nos produits. J'ai lu que certains expéditeurs ont déjà déclaré que si cela contribue à faire augmenter les coûts de façon excessive, ils envisageront de ne plus contribuer. Déjà, des investissements futurs représentant des milliards de dollars ont été annulés. C'est un problème à mon avis. Quels seraient les producteurs de marchandises dangereuses les plus vulnérables financièrement s'il y avait une nouvelle contribution sur les expéditions?

M. Ballantyne : Comme je ne connais pas assez bien le prix des diverses marchandises et la position concurrentielle, je ne pourrais pas vous répondre convenablement.

La sénatrice Unger : Le pétrole brut est considéré comme un seul produit. Croyez-vous qu'il serait possible de le séparer en différentes catégories?

M. Benson : Il existe différentes appellations. Nous travaillons avec le comité du transport des marchandises dangereuses et avec la ministre, et nous avons constaté qu'il y a différentes appellations et que d'autres appellations sont à venir. Vous pouvez interroger la ministre pour avoir davantage de détails. Il y a différentes appellations qui existent et d'autres vont venir.

Le président : Le Comité de l'énergie s'est penché là-dessus l'année dernière et il a publié un rapport sur ce sujet.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Benson, je crois que la fatigue au travail, particulièrement lorsqu'on travaille avec de l'équipement lourd, constitue un enjeu important. Mon grand-père a perdu la moitié de son pied lorsqu'il était dans la soixantaine. Alors qu'il travaillait avec du charbon, un train a roulé sur son pied. Il était épuisé à cause des quarts de travail de 12 heures successifs. Nous sommes heureux que cette époque soit révolue.

Si nous écoutons les compagnies ferroviaires et que nous examinons les chiffres, nous pouvons constater que leur bilan en matière de sécurité est assez impressionnant. On nous a dit que lorsque des accidents surviennent sur des chemins de fer, ils se produisent habituellement aux passages à niveau. Je veux parler d'un point dont nous n'avons pas discuté. J'aurais tendance à penser que la plupart des accidents sont attribuables à l'erreur humaine. Combien d'accidents sont attribuables à l'erreur humaine? Dans quelle mesure la fatigue contribue-t-elle à l'erreur humaine?

M. Benson : Premièrement, je dois dire que nous ne disposons d'aucune étude à ce sujet. Si vous avez vu que le nombre de déraillements à déclaration obligatoire a explosé par rapport à il y a sept ou huit ans, sachez que le BST est au courant. Je le sais parce que j'ai assisté à une réunion où il en a été question. Cela s'explique par le fait que les compagnies ne déclaraient pas les déraillements de la manière dont le pensait le BST. L'année dernière, le BST a modifié la réglementation de sorte que les compagnies doivent déclarer les déraillements qu'elles ne déclaraient pas parce qu'elles avaient décidé d'interpréter les exigences réglementaires d'une manière qui n'est pas celle que croyait le BST.

Deuxièmement, la plupart des accidents sont causés par des problèmes liés au chemin de fer lui-même.

Troisièmement, vous avez tout à fait raison, un bon nombre des accidents se produisent aux passages à niveau. Selon moi, dans 25, 30 ou 40 p. 100 des cas, il s'agit de suicides. Certains des accidents qui surviennent aux passages à niveau sont évitables, mais d'autres ne le sont pas. Un grand nombre des incidents ne sont pas causés par le conducteur de train.

Lorsque les gens font de longues heures de travail et qu'ils sont fatigués, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils ne commettent pas d'erreurs. Si on examine les camionneurs et les pilotes, on constate qu'ils dépassent de loin les normes acceptables selon la science de la fatigue moderne. Il faut se demander combien d'accidents sont causés par la fatigue? Combien de petits incidents sont attribuables à la fatigue? L'accident à Gogama est attribuable au chemin de fer et peut-être à l'excès de vitesse, je n'en suis pas certain. Ce sont les deux principaux facteurs.

Même si le bilan est bon, des changements sont nécessaires. Je suis d'accord avec Mme Lai. On s'est demandé si le pétrole brut est transporté dans les bons conteneurs, si le transport est effectué correctement, si nous respectons, en principe, tous les règlements, et pas seulement selon la façon dont on veut les interpréter, et si les inspections sont adéquates. On a répondu non à ces questions. Effectuons-nous les vérifications nécessaires? La réponse est non. La ministre Raitt s'emploie à corriger tout cela. Cela fait des années que l'industrie se gère et se réglemente elle-même.

Je travaillais dans l'industrie aérienne lorsque les SGS ont été mis en place. On nous a dit qu'ils avaient aussi été mis en place dans l'industrie ferroviaire, mais que c'était un désastre et qu'on allait régler les problèmes. On est encore en train de les régler. Je félicite les députés de la Chambre d'adopter des projets de loi et de travailler ensemble. La ministre propose des mesures pour faire avancer les choses, mais selon nous certaines d'entre elles sont des demi- mesures. Ce projet de loi aurait pu être bien meilleur si on y avait fait quelques petits changements. Il faudrait retirer des systèmes de gestion de la sécurité, qui sont secrets, le système de gestion de la fatigue pour l'inclure plutôt dans les règlements que le ministre peut prendre en vertu de l'article 18. Je conviens que les systèmes de gestion de la sécurité ne devraient pas être secrets, ou du moins ne pas l'être entièrement. Ils comportent un processus quasi réglementaire. Il faut de la transparence. Il y a bien des choses que nous pouvons faire, mais pas dans ce projet de loi. Il faut aller de l'avant. Les gens peuvent mourir jeunes; ils peuvent mourir de diverses maladies. Les longues heures de travail peuvent causer des dommages cognitifs permanents; c'est prouvé scientifiquement. Aucun Canadien ne devrait avoir à travailler de cette manière pour permettre à une entreprise de faire plus d'argent. Le CP a mis à pied 4 000 ou 5 000 personnes. Selon elle, ce n'est pas grave, car les employés n'ont qu'à faire plus d'heures de travail. Ce n'est tout simplement pas acceptable.

Quant à la question de la sécurité publique, même dans le cas de l'accident de Lac-Mégantic, la personne devait aller dormir pour pouvoir travailler le lendemain. Il y avait seulement un ingénieur, et non deux. On a remédié à cette situation, mais comment cela a-t-il pu être autorisé au départ? Comment peut-on permettre à quelqu'un de travailler 20 heures au total, lui accorder 3 heures de sommeil puis lui demander de reprendre le travail à 3 heures du matin? Comment une entreprise peut-elle à maintes reprises agir à l'encontre des règles relatives aux heures de repos stipulées dans la convention collective tout simplement parce qu'autrement ce ne serait pas pratique pour elle et ce serait plus coûteux parce que les marchandises doivent être expédiées? Le client doit obtenir ses marchandises, même si c'est au détriment de la santé des employés. Les compagnies ferroviaires et le public doivent se préoccuper de la santé des employés. Il faut rapidement adopter ces mesures.

Nous attendions un vote par oui ou non — quand cela se produit-il? — sur cette question à la Chambre, au Parlement. Nous avons attendu pendant quatre ans, et c'est seulement à cause de l'accident de Lac-Mégantic que cela s'est produit. Je vous remercie, madame la ministre Raitt, d'avoir agi enfin. C'est un enjeu important dont on ne tient tout simplement pas compte. Il est plus que temps d'adopter le projet de loi C-627. Lorsque ce sera fait, nous reviendrons vous voir l'année prochaine pour discuter des autres enjeux.

Le sénateur MacDonald : Puis-je poser une dernière question à Mme Lai?

Le président : Oui.

Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé de la stabilisation du pétrole brut instable et de la réglementation qui existe au Texas. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?

Mme Lai : Oui, la question de la stabilisation du pétrole brut ne relève pas de la compétence du gouvernement américain. Chaque État a la responsabilité de s'en occuper. Au Texas, on procède à la stabilisation depuis de nombreuses années. Si le pétrole n'est pas stabilisé, il est interdit de l'expédier par train ou par pipeline. La technologie pour stabiliser le pétrole brut instable extrait par fracturation existe. Nous ne comprenons pas pourquoi nous ne le faisons pas dans notre pays alors que nous savons que la technologie existe.

Le président : Je tiens à remercier Mme Lai, M. Benson et M. Ballantyne pour leurs exposés.

Chers collègues, nous nous réunirons demain à 18 h 45 pour entendre la ministre. Si vous êtes d'accord, nous terminerons avec l'étude article par article du projet de loi.

(La séance est levée.)


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