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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages du 12 février 2014


OTTAWA, le mercredi 12 février 2014

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 7, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles (sujet: la santé mentale des militaires et des anciens combattants).

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe lefauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue à cette séance du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous amorçons aujourd'hui une analyse approfondie et exhaustive de troubles souvent appelés les «traumatismes liés au stress opérationnel», qui touchent les troupes en déploiement et ceux qui appuient nos soldats à l'étranger.

Notre analyse portera non seulement sur les mesures que nous prenons pour venir en aide à ceux qui souffrent de ces traumatismes — c'est-à-dire sur les services et les prestations fournis par les Forces canadiennes, par le ministère de la Défense nationale et par Anciens Combattants Canada —, mais aussi sur ce que font les organismes externes qui s'intéressent à ce sujet, que ce soit du point de vue de la recherche, de la prestation de services ou de tout autre aspect pertinent.

Nous souhaitons aussi examiner les traumatismes sous toutes leurs coutures, contrairement à un certain nombre d'études qui n'ont fait que soulever la question, sans vraiment entrer dans les détails pour voir comment ces traumatismes influent sur l'efficacité opérationnelle de nos troupes. À partir de là, nous passerons en revue ce que fait le gouvernement à cet égard, notamment pour venir en aide aux anciens combattants actuels. Nous examinerons également les mesures que nous comptons prendre pour réduire les répercussions de ces traumatismes sur nos militaires et leurs familles.

Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'accueillir la directrice de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, MmeAlice Aiken. Elle va nous parler d'une initiative extraordinaire issue du milieu universitaire et du monde de la recherche. C'est un outil formidable pour envisager l'avenir, et j'espère que votre témoignage corroborera mes dires. En fait, maintenant que j'ai tout dit, je crois qu'il n'y a rien d'autre que vous puissiez ajouter; nous pouvons d'emblée passer aux questions. Mais nous aurions quand même intérêt à obtenir des renseignements bien concrets de votre part, notamment sur le rôle de votre institut dans ce domaine et celui de ses établissements d'attache, soit l'Université Queen's et le Collège militaire royal du Canada, ainsi que votre opinion sur la suite des choses.

Chers collègues, MmeAiken fera un court exposé, puis nous pourrons lui poser des questions, en commençant par le vice-président, le sénateur Wells.

Alice Aiken, directrice, Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans: Sénateur Dallaire, messieurs les membres du comité, merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Comme le sénateur Dallaire vient de le dire, je suis la directrice de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. Je suis aussi professeure à l'Université Queen's et professeure adjointe au Collège militaire royal du Canada. Je suis moi-même une ancienne combattante, et fière de l'être, puisque j'ai servi 14 ans dans la Marine royale du Canada.

L'institut et sa mission me tiennent beaucoup à cœur. Je suis d'ailleurs absolument ravie de pouvoir vous en parler et de présenter le rôle qu'il joue dans l'avancement de la recherche au profit des militaires, des anciens combattants et de leurs familles.

En novembre 2010, l'Université Queen's et le Collège militaire royal du Canada ont créé l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, avec l'appui inconditionnel d'Anciens Combattants Canada et du ministère de la Défense nationale. Jusque-là, nous étions le seul pays parmi nos alliés militaires à ne pas disposer d'un tel établissement. L'institut s'étend en fait d'est en ouest, d'un bout à l'autre du pays. Il regroupe maintenant 30 universités, ce qui est prodigieux, car tous ceux qui ont travaillé dans le milieu universitaire vous diront que le simple fait d'amener deux universités à s'entendre est une chose plutôt rare. L'institut comprend 800 chercheurs inscrits, et ce nombre ne cesse d'augmenter.

Nous avons uni nos efforts pour répondre aux besoins de recherche prioritaires du gouvernement au sujet des maux physiques, psychologiques et sociaux particuliers qui touchent le personnel militaire, les anciens combattants et leurs proches.

[Français]

Plus de 700000 vétérans au Canada et plus de 100000militaires en service constituent une population importante exposée à des risques particuliers et à des expériences qui exigent de nouvelles normes de protection, de prévention et de soins pour les militaires malades et blessés, les vétérans et leurs proches.

[Traduction]

Plus de militaires canadiens ont servi en Afghanistan qu'en Corée. Le nombre de blessures est le plus élevé depuis la guerre de Corée, et elles sont beaucoup plus complexes qu'elles ne l'étaient à l'époque. Le Parlement a été informé qu'un militaire sur cinq ayant servi en Afghanistan ou dans d'autres missions récentes souffrira de problèmes de santé mentale, et nous n'avons aucun moyen de dire si c'est là toute l'étendue du phénomène.

L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans est un organisme novateur qui mobilise les ressources universitaires existantes en vue de faciliter le déroulement de nouvelles recherches, la capacité de recherche et la diffusion du savoir affectif. L'institut sert de point central pour tous les intervenants canadiens qui s'intéressent à la recherche sur la santé des militaires et des anciens combattants et bâtit des ponts entre le milieu universitaire, les organismes gouvernementaux, l'industrie et les organismes étrangers similaires.

Notre mission est d'améliorer la vie du personnel militaire canadien, des anciens combattants et de leurs proches en harnachant les forces vives du pays dans le domaine de la recherche.

Les recherches menées grâce à l'appui de l'institut se concentrent sur l'atteinte de résultats qui pourront rapidement se traduire par l'élaboration de traitements, de programmes et de politiques. En plus de s'intéresser à la prévention, aux traitements et à la réadaptation, la recherche est axée sur la mise au point de technologies, un sujet qui interpelle un auditoire plus vaste d'intervenants en santé publique. Nous nous efforçons en outre de travailler diligemment avec toutes les parties concernées afin de nous assurer que les nouveaux programmes et traitements mis au point à l'intention des anciens combattants ont fait l'objet de recherches appropriées, car nous voulons être certains qu'ils produiront les résultats escomptés.

L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans veille aussi à ce que les meilleurs chercheurs au Canada participent aux projets de recherche, lesquels sont systématiquement coordonnés de sorte que leur travail vienne compléter et non répéter ce qui se fait déjà ici ou à l'étranger.

Le gouvernement canadien fournit aux militaires qui partent au combat le meilleur entraînement et le meilleur équipement au monde. Lorsque les soldats reviennent et sont aux prises avec un nouveau champ de bataille — c'est-à-dire un champ de bataille personnel qui est marqué par des traumatismes, des blessures physiques et des défis sociaux associés à la réintégration dans le milieu familial et la vie civile —, nous devons nous assurer de leur fournir un soutien d'aussi grande qualité. Cet appui doit se fonder sur les meilleures preuves qui soient, fruits des travaux réalisés par l'élite canadienne en matière de recherche.

Notre vision est d'optimiser la santé et le bien-être du personnel militaire canadien, des anciens combattants et de leurs proches grâce à des recherches de calibre international menant à des pratiques, politiques et programmes fondés sur des données probantes. Pour concrétiser sa vision, l'institut a mis l'accent sur l'établissement de partenariats avec des particuliers et des organismes: des associations professionnelles comme l'Association médicale canadienne, l'Association des psychiatres du Canada, la Légion royale canadienne, le Congrès des sciences sociales et humaines ainsi que des instituts de recherche comme le Centre de toxicomanie et de santé mentale. À cela s'ajoutent de nombreux sénateurs, députés et ministres.

Par ailleurs, nous collaborons de près avec nos collègues des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie, des Pays-Bas et de la Nouvelle-Zélande, et nous sommes sur le point de nouer des liens avec Israël, l'Allemagne et la France. À l'échelle internationale, on nous perçoit maintenant comme les tenants de la norme exemplaire pour les consortiums universitaires axés sur la santé des militaires et des anciens combattants.

L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans trouve constamment de nouvelles façons de collaborer. À titre d'exemple, mentionnons le forum international de recherche qui se déroule chaque année. À ce jour, nous en avons organisé quatre. Ces rencontres ont attiré plus de 1 700 chercheurs et intervenants, en provenance de 10 pays, et ont donné lieu à plus de 400 exposés scientifiques. Et notre croissance se poursuit.

Les recherches présentées ont mis l'accent sur des aspects importants concernant la santé mentale, la protection de la santé sur le terrain et dans le cadre des opérations, la réadaptation physique et mentale, les soins des militaires blessés au combat, le passage de la vie militaire à la vie civile, la santé et le bien-être des familles et les politiques et programmes en matière de santé. Nous avons publié trois ouvrages de recherche et nous sommes sur le point de lancer une nouvelle revue dans laquelle seront publiées des études axées sur les militaires et les anciens combattants. Il s'agit d'une revue électronique, à accès libre, dont le lancement est prévu pour janvier 2015. Nous nous attendons à ce que cette initiative soutienne la croissance sans précédent de la recherche sur la santé des militaires et des anciens combattants que nous avons amorcée au Canada. Nous avons aussi un site web des plus complets, ainsi qu'une pageFacebook et un compte Twitter.

De plus, pour assurer notre viabilité, nous procédons actuellement à la création d'un programme pancanadien d'études supérieures sur la santé des militaires et des anciens combattants. Par l'intermédiaire du Collège militaire royal et de l'Université Queen's, nous offrons déjà depuis deux ans un webinaire qui connaît un vif succès, et l'une de nos universités associées offrira un deuxième cours en septembre prochain, lequel portera sur les familles des militaires et des anciens combattants.

Nous avons aussi réussi à obtenir de l'organisme Wounded Warrior Canada des dons d'une valeur de 400000$ qui serviront à financer des bourses de doctorat pour les 10 prochaines années, et nous avons maintenant une bourse de maîtrise récurrente de 30000$ par année financée par la Légion royale canadienne. Toutes ces bourses aideront à former la prochaine génération de chercheurs dans cet important domaine. Nous pourrons ainsi continuer à travailler longtemps après que l'intérêt public se sera estompé.

Notre pays a un pacte social avec les Canadiens — fils et filles, maris et femmes, pères et mères — que nous envoyons affronter le danger pour défendre la liberté et le niveau de vie que nous chérissons tous. Le milieu universitaire est mobilisé, nos partenaires sont résolus et la fierté militaire canadienne se porte très bien. À l'instar de nos soldats qui ont servi côte à côte dans certaines régions perturbées de la planète, nous travaillons en collaboration au sein de cette coalition universitaire robuste pour tenter d'aider ceux qui rentrent au pays et qui s'engagent sur leur champ de bataille personnel.

Merci.

Le président: Merci. Votre concision doit être saluée.

Chers collègues, dans son exposé, MmeAiken a fait allusion à quelques-unes des sources de financement de l'institut, et je crois qu'il est nécessaire de souligner qu'elles sont plutôt limitées. L'une d'elles est un don de 400000$ de l'organisme Wounded Warriors. Or, à titre de président — et vous devez décider si cela pose problème —, je me dois de vous informer que je suis le président d'honneur de cet organisme. J'espère que cela ne posera pas de problème d'éthique pour notre sous-comité, car nous espérons pouvoir poursuivre la discussion avec MmeAiken. Mes collègues ont-ils des objections à formuler?

Le sénateur Wells: Merci de nous en avoir informés. J'ai bon espoir que vous saurez adapter votre conduite en conséquence.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Le sénateur Lang: Comme vient de le dire le sénateur Wells, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir signalé votre engagement, mais j'avoue bien sincèrement que je n'y vois pas grand risque de conflit. Je crois que les règles sont parfois énoncées en termes généraux et qu'elles doivent parfois se faire plus précises. Comme l'a proposé le sénateur Wells, conduisez-vous en conséquence, ce qui signifie, dans votre cas: continuez à faire ce que vous avez toujours fait.

Le sénateur Day: Merci, monsieur le président. Je n'ai aucune objection. En fait, je serais déçu que vous ne soyez pas président d'honneur de Wounded Warriors et je suis heureux de savoir que vous vous investissez également à cet égard, comme dans nombre d'autres choses d'ailleurs, et nous vous en remercions.

[Français]

Le sénateur Rivard: Monsieur le président, je partage l'avis de mes collègues; je pense que vous n'en tirez aucun bénéfice personnel.

Le président: Je vous en remercie! D'un point de vue pécuniaire, effectivement, non. J'avoue que c'est entre les deux oreilles que c'est un bénéfice. Je vous en remercie énormément.

[Traduction]

Donc, avec cet aval de mes pairs, je continuerai à présider la séance. Nous allons tenter, comme vous pouvez le voir dans vos notes, d'amener MmeAiken à nous donner une idée de ce qui serait nécessaire pour répondre aux besoins du passé et nous projeter dans l'avenir.

Le sénateur Wells: Merci de votre longue et excellente feuille de route au service du Canada, tant dans votre rôle de militaire que dans vos fonctions actuelles. J'aimerais aborder la question du trouble de stress post-traumatique et parler des événements qui se sont produits récemment, mais avant cela, je veux mettre le tout en contexte. J'ai lu avec intérêt l'exposé que vous avez présenté il y a exactement deux ans au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, en compagnie de l'un de vos collègues, M.Pedlar. Comment les choses ont-elles progressé depuis en ce qui concerne la relation et la collaboration entre, d'une part, l'institut et, d'autre part, le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada?

MmeAiken: Je dirais que les choses ont progressé à la vitesse grand V depuis quatre ans et que de très importants progrès ont été accomplis ces deux dernières années. Je ne parle pas seulement du nombre d'universités qui se sont jointes à nous, mais aussi de notre capacité de travailler avec le gouvernement. Il n'y avait qu'environ 16 universités — vous pourrez en voir les logos au bas de la documentation —, ce qui signifie que nous avions mobilisé tous les principaux établissements. Plusieurs choses ont changé à cet égard. La direction de la recherche — principalement par l'intermédiaire des Services de santé des Forces canadiennes et d'Anciens Combattants Canada —, travaille de façon beaucoup plus étroite maintenant qu'elle a collaboré avec nous à l'établissement des priorités de recherche et à la mise en évidence des thèmes communs. Cet exercice a été salutaire.

Nous avons aussi eu l'occasion d'instaurer une offre à commandes considérable auprès de Travaux publics au nom du ministère de la Défense nationale et d'Anciens Combattants Canada. Étant donné que nous formons un consortium de 30universités, si l'une d'entre elles a une idée de recherche à proposer et qu'elle a 25000$ ou 200000$ à consacrer à l'offre àcommandes, nous pouvons accélérer le processus. Grâce au processus de révision par les pairs, la recherche pourra débuter dans les 30 jours qui suivent ou presque, tandis que le processus habituel de demande de proposition exige, quant à lui, environ deux ans. Le gouvernement peut désormais agir en amont beaucoup plus facilement, au lieu d'être constamment à la remorque des événements. À nos débuts, en 2010, Anciens Combattants faisait encore de la recherche sur l'agent Orange. J'en connais la raison, mais était-ce vraiment pertinent? Nous avions besoin d'avancer, et nos progrès ont été remarquables.

Nous avons aussi eu des surprises en ce qui concerne la mobilisation du milieu universitaire. Les gens avaient l'argent pour faire de la recherche et tout ce qu'ils souhaitaient, c'était d'avoir accès aux données et aux groupes cibles. Nous avons aussi été en mesure de rendre cela possible.

Le sénateur Wells: C'est très bien. Si je puis ajouter quelque chose, avec la recherche que vous faites, c'est toujours utile d'avoir des résultats qui donnent lieu à des mesures concrètes. Comment les suggestions ou les avis formulés à l'intention du ministère de la Défense nationale et d'Anciens Combattants Canada ont-ils été reçus?

MmeAiken: La réception a été extrêmement bonne. Nous avons constaté des changements qui découlaient directement de la recherche produite par l'institut. Notre conférence annuelle attire bien sûr les universitaires, mais nous accueillons toujours un nombre important d'intervenants du domaine militaire ainsi que des anciens combattants et des regroupements d'anciens combattants. Il faut aussi compter sur nos publications et notre site web, où s'échangent beaucoup d'informations. Nous avons pu constater le lancement de nouveaux programmes et l'arrivée de nouvelles politiques. Par exemple, nous savons que le ministre des Anciens Combattants est sur la sellette dans le dossier des chiens d'assistance. Le ministère a conclu un marché par notre entremise, et nous attendons un document exhaustif à ce sujet d'ici la fin du mois de mars, ainsi qu'une marche à suivre pour le contexte canadien. Le ministre pourra donc se servir de ces outils pour agir directement sur l'orientation adoptée par Anciens Combattants Canada sur cette question.

Nous exerçons, selon moi, une influence très directe.

Le sénateur Wells: Voilà qui est bien. J'allais vous demander de nous donner un exemple, mais vous l'avez déjà fait. C'est formidable. Je vais y revenir à la deuxième série de questions, pour peu que nous nous rendions jusque-là.

Le président: Nous comptons là-dessus, sénateur Wells.

Le sénateur Lang: Merci beaucoup. Comme je vous l'ai dit en privé, j'ai beaucoup entendu parler de vous et je suis heureux de vous rencontrer en personne. Je vous suis reconnaissant de votre engagement envers l'Institut et du travail que vous faites.

Pouvez-vous nous donner une idée de la part du financement qui vient du gouvernement, des universités et du secteur privé? En général, quel est le montant consacré au travail que vous faites?

MmeAiken: Pour ce qui est de la somme affectée à la recherche faite dans nos quatre universités partenaires canadiennes sur la santé des militaires et des vétérans, je dirais qu'il s'agit de dizaines de millions de dollars.

À l'Institut, par exemple, nous ne voyons pas un seul sou des 400000$ de Wounded Warriors Canada dont nous avons parlé. Cet argent aide plutôt les boursiers postdoctoraux à terminer leurs études. L'institut dispose seulement des fonds que je parviens à collecter et du soutien offert par l'Université Queen's. Aucun montant n'est donc spécifiquement prévu pour les principales activités de l'institut. Cela dit, je dirais que des dizaines de milliers de dollars sont actuellement déboursés pour la recherche.

Le sénateur Lang: Monsieur le président, si je peux me permettre de poursuivre avec une autre question, pensez-vous que nous pourrions obtenir un portrait assez juste des sommes affectées à ce domaine? Je ne suis pas certain de savoir lequel d'entre vous est le mieux placé pour cela, vos représentants, le ministère de la Défense nationale ou celui des Anciens Combattants.

MmeAiken: Je n'ai pas tenu compte du ministère des Anciens Combattants ou de celui de la Défense nationale; je parle seulement du milieu universitaire. Je peux certainement essayer d'obtenir pour vous un juste portrait. Au début, nous nous sommes rendu compte que certains chercheurs étudiaient la question partout au pays et qu'il n'y avait pas de dispositif en place pour informer le gouvernement. Ils se sont donc rendus à une base locale pour faire un peu de travail. Nous sommes encore en train de dresser un portait global de la situation au Canada. Nous avons maintenant une bonne idée de ce qu'il en est, et je pourrais probablement obtenir une estimation beaucoup plus précise du montant consacré à la recherche.

L'argent vient en grande partie d'organismes subventionnaires existants, tels que les IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada, ou le CRSC, le Conseil de recherches en sciences humaines. Certains se financent eux-mêmes. Nous avons également réussi à aider des chercheurs à obtenir des fonds du département américain de la Défense pour mener des études. Un chercheur à McGill a reçu dernièrement 1 million de dollars grâce à notre soutien.

C'est une cible mouvante. Quant au montant des crédits de recherche du gouvernement obtenus par l'entremise du contrat, il est de 3 millions de dollars.

Le sénateur Lang: J'aimerais avoir une idée de la contribution, en nature ou financièrement, des différents ministères, du milieu universitaire, des fondations privées et d'autres institutions.

Je pense que cela nous aiderait à comprendre à combien se chiffrent les fonds au bout du compte. J'aimerais changer complètement de sujet, mais je vais attendre le deuxième tour.

Le président: Merci. Lorsque vous chercherez ces renseignements, pouvez-vous également vérifier quelle part du fonds de recherche du ministère de la Défense nationale et de celui des Anciens Combattants Canada est utilisée à cette fin? Je sais que le ministère des Anciens Combattants n'a pas beaucoup d'argent pour cela, mais, pour ce qui est de la Défense, pourriez-vous, dans la mesure du possible, comparer les sommes affectées à la recherche dans d'autres domaines par rapport à celles consacrées à la recherche en santé?

De plus, avez-vous présenté au gouvernement une demande structurée pour renforcer davantage votre capacité? À mon avis, cela nous permettra de faire le tour de la question.

MmeAiken: Oui. Au cours des trois dernières années, nous avons présenté au Comité des finances une demande de financement de base par le truchement du budget.

Le président: Directement au Comité des finances?

MmeAiken: Directement au Comité des finances, et nous n'avons rien reçu pour l'instant.

Le président: Auriez-vous l'obligeance de nous donner ces chiffres, ou de nous dire en quoi consistera votre demande?

MmeAiken: Pour ce qui est du dernier budget, nous avons demandé 5 millions de dollars sur cinq ans, donc 1 million par année, pour poursuivre nos activités. On peut obtenir des fonds de recherche, mais il est beaucoup plus difficile d'obtenir du financement qui se traduira immédiatement par des pratiques et des programmes ou qui permettra d'évaluer les pratiques et les programmes existants pour s'assurer qu'ils fonctionnent. C'est ce que nous voulions faire avec cet argent, mais nous n'avons pas été inclus dans le budget hier soir.

Le président: Vous êtes bien aimable, et j'espère que je n'ai pas offusqué qui que ce soit en posant cette question supplémentaire.

Le sénateur Day: Merci beaucoup d'être venue témoigner, madame Aiken. Nous aurions dû vous inviter il y a longtemps. Je devrais dire à mes collègues que je suis au courant de cette initiative depuis trois ans, et j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt la croissance de l'institut.

La plupart de mes collègues savent que j'ai fréquenté le Collège militaire royal, tout comme notre président, et j'ai également étudié à l'Université Queen's. Je suis très heureux de voir la vitesse à laquelle votre initiative a évolué, ce qui doit poser certains défis en matière de gouvernance. Elle prend place dans 30 universités différentes et elle regroupe maintenant 450 chercheurs, et vous avez expliqué que vous cherchez à prendre de l'expansion à l'extérieur du Canada.

Votre secrétariat peut-il gérer tout cela? Quelle est la part des différentes sources de financement qui est versée au secrétariat?

MmeAiken: Nous pouvons gérer tout cela. Nous travaillons fort. La directrice associée, MmeStéphanie Bélanger, du Collège militaire royal, et moi faisons le travail. Nous avons une petite équipe de trois personnes et demie, et nous sommes donc très occupées. Nous avons été en mesure de faire avancer l'initiative et de poursuivre notre croissance dans le milieu universitaire. Nous étudions un groupe unique en son genre, et je crois que ce qui diffère dans ce cas-ci, c'est que les personnes concernées font preuve de bonne foi. D'ailleurs, des membres de ce groupe font partie de notre structure de gouvernance.

Ils formulent des recommandations à l'intention de notre conseil d'administration, et certains en sont membres. Ils font réellement preuve de bonne foi. Nous nous rencontrons une fois par année pendant notre grande conférence, et ils ont leur mot à dire sur les orientations futures, leur vision de la recherche.

Nous avons demandé aux universités de prendre leur part de l'ICRSMV et d'en faire ce qu'elles veulent. Nous avons un centre de coordination, mais si l'Université de l'Alberta veut créer une chaire et que l'UOIT à Oshawa veut que son département de kinésiologie ait un programme axé sur les militaires et les vétérans, cela ne pose aucun problème; nous n'y voyons aucun inconvénient. Dans tous les cas, cela permet de pousser la recherche.

Toutes nos universités partenaires ont signé un protocole d'entente, qui en fait est un accord à l'amiable dans le cadre duquel nous nous engageons à collaborer de bonne foi. Voilà notre approche.

Le sénateur Day: Compte tenu de la croissance de l'Institut, elle fonctionne manifestement bien.

Monsieur le président, nous pourrions peut-être envisager d'assister à une des rencontres annuelles à Kingston.

Le président: Merci. La présidence a assisté aux quatre dernières, y compris celle de l'année dernière à Edmonton. Elles ont habituellement lieu l'automne. Nous allons y réfléchir en poursuivant notre étude.

Le sénateur Day: Je savais que vous aviez été conférencier à l'une de ces rencontres, et je me disais que ce serait une bonne occasion pour tout le groupe de parler aux autres participants et à toutes les personnes présentes.

Il ne me reste presque plus de temps, mais j'aimerais ajouter qu'il était très important selon moi de faire le pont dès le départ entre les deux solitudes que sont les militaires et les vétérans.

Nous avons tenu de nombreuses séances pendant lesquelles nous avons dit à des militaires et à des vétérans que nous faisons quelque chose. Nous disons la même chose à ceux qui arrivent à la fin de leur carrière et à leur famille, mais il n'y avait pas cet enrichissement mutuel qui est absolument nécessaire pour les aider, qu'ils portent l'uniforme ou non. Je crois que vous avez commencé votre travail avec la bonne approche, et votre réussite témoigne sans aucun doute de cela.

MmeAiken: Oui. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec eux. Tous les participants sont bien intentionnés, et ils se rendent compte qu'ils ont également travaillé ensemble de bonne foi. Nous avons eu quelques petites chicanes au début, mais c'était une bonne chose, et tout a fini par s'arranger. Nous avons appris sur le tas.

Pour ceux qui ne le savent pas, notre conférence annuelle se déroulera du 24 au 26 novembre à Toronto. Nous aimons Kingston, mais, malheureusement, nous commençons à être unpeu trop nombreux. Elle aura lieu au Sheraton Centre du 24au26novembre. Le sénateur Dallaire a assisté à nos quatre conférences, et ce sera donc sa cinquième.

Le sénateur Day: Très bien. J'aimerais faire partie du deuxième tour de question.

[Français]

Le sénateur Rivard: Malheureusement, je ne suis pas membre permanent de ce sous-comité, je remplace un autre sénateur. La question que je vous poserai sera peut-être évidente pour quelqu'un qui est habitué aux travaux de ce comité. En plus de l'aide financière apportée par le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, quelle est la nature de la coopération et de la collaboration entre votre institut et le gouvernement?

[Traduction]

MmeAiken: Bien franchement, c'est un aspect qui nous pose problème en ce qui concerne l'aide financière directe de la Défense nationale et du ministère des Anciens Combattants, car je pense qu'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes démarqués, que nous avons eu du succès et que le gouvernement avait besoin de nous est que nous menons nos activités de manière autonome.

Par conséquent, si nos activités sont directement financées par la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants, il est possible que l'on remette cela en question. Je ne pense pas devoir expliquer à qui que ce soit ici que le gouvernement fait d'excellentes recherches, mais il est vertement critiqué s'il fait ses propres recherches et que ce n'est pas ce que le public veut entendre, peu importe la rigueur de sa démarche.

Nous ne leur avons pas demandé de financement direct pour soutenir nos activités. Le fonds de recherche est complètement distinct, et c'est très bien ainsi, car cette façon de faire fonctionne bien. Je pense que c'est un aspect avec lequel nous avons eu de la difficulté.

À leur demande, aucun militaire en service ou employé de la Défense nationale ou du ministère des Anciens Combattants ne siège à notre conseil d'administration. Nous avons des universitaires, des militaires à la retraite, notamment le général Natynczyk, ainsi que le commodore Jung, l'ancien médecin-chef, qui dispose toutefois d'une certaine autonomie. Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

Le sénateur Rivard: Que pourrait faire le gouvernement, à part l'aide financière, pour aider les militaires qui souffrent d'un TSO (traumatisme lié au stress opérationnel)?

[Traduction]

MmeAiken: Je pense que l'autre chose importante que peut faire le gouvernement est d'aider les chercheurs à consulter les populations et les données.

C'est l'autre élément important. Beaucoup de chercheurs se financent eux-mêmes, et nous cherchons des façons de faciliter la transition. Notre collaboration avec la Défense nationale est fructueuse quand il s'agit d'avoir accès à des populations. C'est un peu plus délicat avec le ministère des Anciens Combattants, car les données sont évidemment beaucoup plus privées étant donné qu'elles portent sur des conditions médicales précises. C'est donc un peu plus difficile.

À part l'argent, c'est l'élément le plus important. C'est ce que veulent les chercheurs: un accès aux populations et aux données. Ils seront capables de trouver le financement dont ils ont besoin.

Le président: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter avant de commencer le deuxième tour qu'il ne faut évidemment pas oublier que les troupes n'ont le temps de faire qu'un certain nombre de sondages par mois ou par année, ce qui a également des répercussions sur l'accès.

Lorsque vous vous adressez, par exemple, au ministère de la Défense nationale, aux troupes régulières et de réserve, quel est le taux de participation selon votre base de données ou vos indicateurs? Atteint-il 100p.100, 50p.100? Pouvez-vous nous donner une idée des diverses initiatives de recherche mises en œuvre pour obtenir ces données?

MmeAiken: Oui. Je dirais que lorsque des chercheurs demandent un accès aux populations de la Défense nationale par l'entremise de l'institut, il n'y a qu'une façon de s'y prendre. Les responsables de la Défense étudieront très attentivement la demande. S'ils pensent que cela n'a pas déjà fait l'objet d'un trop grand nombre d'études, comme vous dites, et qu'il s'agit de données qu'ils peuvent obtenir facilement, ils approuveront la demande.

Ce n'est pas facile de savoir vers qui se tourner. Si l'étude concerne un trouble de santé, c'est le médecin-chef qui prendra la décision. Cela ne pose pas de problème. Par contre, c'est différent lorsqu'il s'agit d'une nouvelle technologie. Nous avons déjà présenté la demande d'un ingénieur qui avait créé un nouveau sac à dos qui utilisait l'énergie cinétique humaine, qui provient des pas des militaires, pour recharger les piles et leur permettre ainsi d'entraîner moins sur le terrain. Dans ce cas-ci, il a fallu demander la permission du chef de l'armée pour effectuer des tests. Cela ne concernait pas des patients, mais des soldats. Il faut trouver la façon de procéder qui s'applique à chaque cas.

À moins que ce ne soit très controversé, la Défense nationale accepte près de 100p.100 des demandes que nous présentons.

Le président: Quel est le taux de participation des militaires?

MmeAiken: La participation des militaires est exceptionnelle. Ils nous disent qu'ils sont reconnaissants d'avoir le soutien du milieu universitaire. Ils se réjouissent de ce que les traitements et les programmes auxquels ils ont eux-mêmes recours fassent l'objet d'études indépendantes, que les soins soient fondés sur des données probantes et scientifiques.

Après notre dernière conférence à Edmonton, alors que je me trouvais à l'extérieur avec mon personnel, le commandant de deux unités de réserve est venu me dire qu'il connaissait trois personnes qui ne s'étaient pas suicidées grâce au travail que nous faisons, parce qu'elles savaient qu'elles auraient bientôt de l'aide. C'est très touchant.

Le président: Nous vous en remercions. Ce n'est pas rien.

Le sénateur Wells: Encore une fois, merci. Je tiens à vous dire que je suis maintenant les activités de l'institut sur Twitter.

MmeAiken: Avez-vous vu que je suis ici aujourd'hui?

Le sénateur Wells: Oui, et j'ai partagé le gazouillis. Je vous encourage à gazouiller des rapports et j'incite tous ceux qui nous écoutent, les membres du public qui s'intéressent à la question — ce qui est évidemment le cas s'ils regardent la séance du comité —, de suivre l'institut sur Twitter.

MmeAiken: Merci.

Le sénateur Wells: Je vous en prie.

Compte tenu des suicides commis récemment au sein des Forces armées canadiennes, j'aimerais que vous commentiez certaines des recherches faites par l'institut et que, dans la mesure du possible, vous nous expliquiez sommairement la différence entre les suicides commis au sein du grand public et ceux commis dans l'armée. Je sais que c'est un sujet délicat pour beaucoup de monde, mais je pense que nous devons en parler.

MmeAiken: Je dirais qu'au moins le tiers de la recherche qui est faite au pays sur la santé des militaires et des vétérans porte sur la santé mentale. Parmi les approches que nous avons favorisées, l'évaluation des programmes et des méthodes de traitement employées a occupé une place importante. Une multitude de nouveaux programmes ont été mis en œuvre par pratiquement tous les organismes de santé mentale qui prétendent mettre l'accent sur les vétérans. Une fois de plus, les gens sont bien intentionnés et ne veulent pas faire de mal, mais d'ici à ce que ces programmes aient été évalués convenablement, il ne faut pas les mettre de côté, mais il faut s'assurer dès le départ qu'ils comportent un volet de recherche.

Je dirais donc que nous réalisons énormément de recherches sur la santé mentale au Canada. Par exemple, Bell Canada a versé 1 million de dollars à l'université Queen's pour une chaire de recherche sur la santé mentale et la lutte contre la stigmatisation, et une grande partie des travaux vise les anciens combattants et leur famille. Beaucoup de travaux portent là-dessus.

Je dirais qu'il n'y en a pas autant qui porte en particulier sur le suicide. Les travaux visent plutôt le trouble de stress post-traumatique, les blessures de stress opérationnel, la dépression, l'anxiété et l'alcoolisme ou la toxicomanie. Je crois toutefois que la recherche à ce sujet s'accentuera, et nous prévoyons consacrer une séance complète au suicide dans le cadre de notre conférence l'année prochaine. C'est l'un de nos objectifs.

Pour ce qui est des chiffres, les statistiques sur les membres des forces régulières suivent toujours les tendances canadiennes.

Nous n'avons pas beaucoup de renseignements sur les membres des forces de réserve. Je crois qu'il s'agit également d'un domaine de croissance sur lequel nous devons nous concentrer. Je collabore avec des chercheurs de Recherche et développement pour la défense Canada de mon université et le 31e Groupe-brigade, qui se trouve à London, en Ontario. Nous préparons une liste de tous les soldats du 31e Groupe-brigade qui ont été déployés au cours des 20 dernières années afin de savoir ce qui leur est arrivé et de tenter de comprendre — je sais qu'il ne s'agit que d'un seul groupe-brigade — ce qui se passe dans les forces de réserve.

C'est intéressant de voir que l'Australie a entrepris une vaste étude du genre; nous utilisons donc les mêmes mesures que les Australiens, ce qui nous permettra de nous comparer au reste du monde.

Le sénateur Wells: Dans quelle mesure collaborez-vous avec nos partenaires militaires des autres pays?

MmeAiken: Nous collaborons beaucoup; l'ICRSMV les a mobilisés. Lors de notre conférence l'année dernière, tous nos principaux partenaires ont présenté leurs sujets de recherche. C'est un peu plus difficile avec les États-Unis, puisque le pays est très vaste et compte de nombreuses organisations.

L'institut du Royaume-Uni collabore beaucoup avec nous, de même que celui de l'Australie; la Nouvelle-Zélande était présente; et des représentants des Pays-Bas ont discuté de leurs programmes de recherche et de leurs orientations. Nous avons convenu de communiquer le plus possible nos méthodes, de manière à ne pas réinventer la roue. Si les Australiens ou les Britanniques réalisent une étude fructueuse, nous n'avons pas à la réinventer dans le contexte canadien. Si leur méthode a fonctionné et leur a permis d'obtenir les résultats que nous souhaitons avoir, nous pouvons l'utiliser. Nous ne pouvons toutefois pas uniquement nous fier à leurs résultats: notre entraînement, nos déploiements et notre environnement sont différents, mais nous pouvons nous en servir à des fins de comparaison. Nous avons établi de très bonnes collaborations, en toute bonne foi, et nous avons conclu des accords informels, mais nous voulons tous aller de l'avant.

Le sénateur Wells: Souvent, les accords informels conclus en toute bonne foi fonctionnent mieux que les ententes sur papier. Merci beaucoup.

MmeAiken: C'est ce que je crois aussi.

Le président: Les travaux réalisés sur le 31e Groupe-brigade dont parle MmeAiken seront uniques; bien que les statistiques montrent que nous ne sommes pas très différents du monde civil, elles ne tiennent pas compte des réservistes qui ont quitté les Forces et qui ne se trouvent peut-être pas dans les dossiers d'ACC. Nous ne savons donc pas combien ils sont. Les statistiques ne tiennent pas non plus compte des membres des forces régulières qui ne consultent pas ACC, parce que certains ne le font pas. Nous n'avons pas de statistiques en la matière, à l'instar d'ACC. Je dis souvent que le ministère ne sait pas qu'il y a eu un suicide à tel endroit — Dieu sait où —; il sait seulement qu'une personne est décédée. Les familles ne lui transmettent pas ces renseignements. Donc, à mon humble avis, nous ne devrions même pas tenir compte des comparaisons avec le monde civil avant que les statistiques ne tiennent compte de l'ensemble de nos exigences.

Enfin, les statistiques publiées ne faisaient pas la distinction entre les personnes qui sont allées au combat et l'ensemble de la population. Si les statistiques visaient uniquement les personnes qui ont été déployées, les proportions ne seraient probablement pas les mêmes.

Je suis très heureux d'entendre que vous consacrerez des efforts supplémentaires à cette fin.

Le sénateur Lang: J'ai été ravi d'entendre parler des résultats de la conversation avec le réserviste et des trois militaires qui ont réussi à éviter un suicide. On entend toujours parler des suicides, mais jamais de ceux qui ont été évités. Je crois qu'il est important que le public soit également au courant de la question, qu'il sache que des travaux sont réalisés à cet égard et que cela porte des fruits. Même si certains prétendent que c'est de nature générale, il n'est pas vraiment possible de le prouver. Le fait est que des gens collaborent et obtiennent des résultats. De toute évidence, nous faisons des progrès.

Une chose me préoccupe, et j'ai aimé votre commentaire à ce sujet : j'ai lu vos commentaires de 2010, auxquels a fait référence le sénateur Wells. Je ne vois pas de lien direct avec les compétences provinciales ou d'observations à cet égard.

On peut parler de tous les travaux de recherche au monde, du milieu universitaire et des résultats obtenus, mais le fait est que la santé n'est pas une compétence fédérale. Pour être franc, cela me rassure. Je vis à trois fuseaux horaires d'ici, et j'obtiendrais plus rapidement des soins de santé de ma province que d'Ottawa.

Comment peut-on établir un lien entre, d'une part, votre institut et la recherche et, d'autre part, les provinces et leurs responsabilités quant à la prestation quotidienne de programmes pouvant aider, dans le cas présent, les membres des Forces canadiennes?

Je viens du Yukon. Chez nous, les personnes qui ont des troubles de santé mentale, par exemple, se tournent vers le gouvernement du Yukon. Voilà comment fonctionne notre système de santé, et c'est très bien ainsi.

Quel est le lien avec les responsables de la mise en œuvre des changements dans les programmes ou les modes de pensée, surtout dans le domaine de la santé mentale ou de la santé en général? Quel est le lien? Est-ce que ces personnes collaborent pour le moment avec votre institut? Participent-elles à vos conférences pour connaître ce qui est offert et les façons d'opérer le changement?

MmeAiken: C'est une très bonne question. Vous avez cerné l'un des problèmes importants. Comme nos universitaires sont aussi souvent des cliniciens, ils participent à nos conférences. Ils sont donc là. Ils viennent de toutes les provinces et travaillent au sein du système; nous forgeons ainsi des liens avec eux.

Le gros problème au Canada, c'est que les gens ne comprennent pas les nuances relatives à la santé des anciens combattants. Il est très difficile de transmettre cette information à tous les praticiens en soins de santé primaire du Canada. Le mieux que je puisse dire, c'est que nous y travaillons.

Je vais vous donner un exemple. Dans le cadre de l'un de mes projets de recherche, nous étudions les façons de transmettre l'information aux médecins de soins primaires. Nous avons élaboré une méthode, et l'Association médicale canadienne l'a tellement aimée qu'elle l'a diffusée aux 50000 médecins de soins primaires du Canada. L'information se centrait sur les traumatismes de la moelle épinière. Nous avions obtenu des fonds de l'Institut Rick Hansen pour réaliser nos travaux.

Nous avons préparé le terrain pour élaborer un ensemble de produits de transfert des connaissances sur la santé des anciens combattants, mais nous n'arrivons pas à obtenir les subventions ou les fonds nécessaires pour ce faire. Les organismes subventionnaires fédéraux ne comprennent pas l'enjeu. On nous demande pourquoi nous centrons nos travaux sur les anciens combattants et non sur les aînés. Eh bien, les anciens combattants ne sont pas tous des aînés. Nous avons des anciens combattants de 25 ans. Il y a un manque de compréhension de base quant à la définition d'un ancien combattant.

Nous avons décidé d'aborder la question sous un autre angle. Nous avons un brillant étudiant au doctorat à l'Université Queen's qui utilise les données en matière de santé de chaque province qui sont anonymisées et centralisées à partir des bases de données. Donc, chaque fois que vous utilisez votre carte Santé de l'Ontario à l'hôpital ou ailleurs, les données sont consignées par la province. L'un des étudiants au doctorat a constaté qu'un code particulier servait à désigner les anciens combattants. Lorsque j'ai quitté la vie militaire et que j'ai demandé une carte Santé de l'Ontario, je n'ai pas eu à attendre trois mois, puisque je sortais tout juste de l'armée. Un code particulier a été inscrit pour dire que j'étais un ancien combattant.

Le sénateur Lang: Un «V».

MmeAiken: Je ne sais pas, mais ce serait logique.

Il y a donc un code particulier, ce qui nous permet d'y accéder dans la base de données provinciale de l'Ontario. Nous attendons la permission, mais les responsables l'ajouteront à la base de données. Lorsque ce sera fait pour l'Ontario, nous voulons l'appliquer à toutes les provinces du Canada.

Nous allons régler un énorme problème. Le Canada compte 750000 anciens combattants. De ce nombre, environ 120000 font l'objet d'un suivi par ACC, puisqu'ils ont été blessés en service. Les autres sont tout simplement laissés à eux-mêmes. Nous n'avons pas établi le concept de la santé des anciens combattants au Canada. C'est un grave problème, mais nous espérons que nos démarches aideront à le régler et à transmettre les renseignements pertinents aux praticiens qui en ont besoin.

Lorsque j'ai eu un nouveau médecin de famille, elle ne m'a pas demandé si j'étais un ancien combattant. Je n'ai pas «l'air» d'un ancien combattant, bien que je ne sache pas vraiment à quoi cela ressemble; mais je ne cadre pas dans l'image que les gens se font d'un ancien combattant. Comme j'ai servi à bord de navires, j'ai dû apprendre à combattre des incendies. Ces navires étaient plus vieux que moi; ils étaient donc mal isolés, et cetera. Qui sait à quoi nous avons été exposés.

Le sénateur Lang: J'aimerais vous poser une question d'ordre général. Vous parlez de l'institution, et vous assumez la responsabilité d'examiner la situation des familles de militaires et des anciens combattants. Il y a aussi les militaires actifs au sein des Forces canadiennes.

Lors d'une réunion précédente, on nous a dit qu'il y avait 37programmes offerts d'une manière ou d'une autre aux anciens combattants par l'entremise d'un ou de plusieurs ministères. Comme je l'ai mentionné à l'époque, j'ai étudié ces programmes. Au quinzième programme, j'étais perdu: je ne savais plus qui offrait quoi, ni où faire une demande si j'étais admissible.

Est-ce que votre organisation, ou d'autres, étudient cette question? Nous dépensons des milliards de dollars dans ces programmes. À mon avis, les contribuables répondent à l'appel pour que nous puissions nous acquitter de nos responsabilités. Or, il y a tous ces programmes. Je suis certain qu'ils ont tous une raison d'être, mais les personnes admissibles ont de la difficulté à s'y retrouver.

Est-il dans votre mandat d'examiner cette situation et de désigner des façons de simplifier le tout et de respecter nos obligations d'intervenir, ce qui influe en partie sur la santé mentale et physique des anciens combattants?

MmeAiken: Notre mandat vise plutôt à simplifier l'accès aux programmes pour les anciens combattants. Notre mandat consiste surtout à vérifier que les programmes répondent réellement aux besoins comme on le prétend, et ce, en réalisant des recherches et en recueillant des données sur les programmes au fil de leur prestation

On nous a demandé d'évaluer ou de réaliser des travaux sur un grand nombre de programmes civils, mais pas sur les programmes gouvernementaux. Nous accepterions avec plaisir de le faire.

L'un des plus grands problèmes des programmes gouvernementaux, c'est qu'on demande à une personne qui éprouve déjà des difficultés d'ordre mental ou physique de les comprendre et de s'en prévaloir. Ces personnes ne sont probablement pas au meilleur de leur forme et doivent essayer de déchiffrer tous les renseignements. Elles seules peuvent accéder aux programmes. Les familles ne peuvent pas le faire à leur place, n'est-ce pas? Dans plusieurs cas, c'est un membre de la famille qui réalise qu'un ancien combattant a un problème et lui recommande d'en parler à quelqu'un, surtout dans le cas de problèmes de santé mentale. Or, ces personnes n'ont pas accès à l'information sur les programmes qui pourraient aider leur proche.

Je crois qu'il s'agit probablement d'un problème d'accès. Je ne dis pas que la situation est terrible, mais en 2009, j'ai publié une monographie sur la Nouvelle Charte des anciens combattants. J'y comparais les compensations financières pour les anciens combattants ayant une déficience grave. Cette publication m'a attiré beaucoup d'ennuis, mais elle a donné lieu à certains changements dans cette nouvelle charte. Je suis titulaire d'un doctorat, ce qui ne veut pas dire que je suis plus intelligente qu'un autre, mais je peux certainement lire, et je n'arrivais pas à démêler toute l'information. Je me suis dit: «C'est fou. Je suis une ancienne combattante en santé; j'ai un doctorat, mais je n'arrive pas à comprendre.»

Je crois que c'est une question d'accès. Je crois qu'ACC le reconnaît et comprend qu'il s'agit d'un problème, mais la simplification du processus ne fait probablement pas partie de notre mandat; cela fait partie du sien. Toutefois, le ministère collabore avec nous afin de veiller à offrir les bons programmes aux anciens combattants.

Le président: C'est une question dont pourront traiter d'autres témoins.

Le sénateur Day: Je vais encore une fois utiliser des termes simples, puisque j'ai une question, mais que je ne connais pas la terminologie exacte. Vous pourrez m'aider. Je remarque que votre institut traite de la santé physique et mentale; vous ne faites pas de distinction entre les deux. Nous avons beaucoup parlé de santé mentale, mais au cours des dernières années, on a vu des cas de boxeurs qui ont des problèmes de santé à la fois d'ordre physique et mental, des joueurs de hockey et de football qui ne subissent peut-être pas de commotions cérébrales proprement dites, mais qui reçoivent énormément de coups. Est-ce qu'on étudie l'aspect physique du cerveau et son influence sur bon nombre de comportements dont nous sommes témoins?

MmeAiken: Beaucoup de travaux sont réalisés dans ce domaine. Nous sommes très fiers d'avoir directement contribué à certains.

Nous avons constaté que l'armée avait réalisé de nombreuses recherches sur ce qu'elle appelle les «lésions par souffle». L'exposition à des explosions répétées est semblable aux cas dont vous avez parlé: les joueurs de hockey qui sont mis en échec et les boxeurs qui se font frapper. Nous avons pu établir des liens entre les lésions par souffle dans le domaine militaire et les commotions cérébrales dans le domaine du sport. La recherche est bien financée dans le domaine du sport, grâce à la LNH. On injecte beaucoup d'argent dans la recherche sur les commotions cérébrales dans les sports.

Certains travaux visent notamment des méthodes de diagnostic concrètes, puisque les symptômes du trouble de stress post-traumatique et des traumatismes cérébraux légers ou des commotions sont très similaires, mais ils se présentent différemment; ils influent différemment sur le cerveau. D'importants travaux sont actuellement réalisés sur la schématisation du débit sanguin dans le cerveau pour faire la distinction entre le trouble de stress post-traumatique et les traumatismes cérébraux légers; on étudie également d'autres marqueurs biologiques du cerveau ou du corps, de même que les parties du cerveau qui s'activent selon les situations. Ce processus consiste à utiliser l'imagerie par résonance magnétique, tandis que le sujet est exposé à diverses situations qui peuvent déclencher des réactions différentes dans le cas de traumatismes cérébraux légers et de trouble de stress post-traumatique.

Souvent les gens qui ne réagissent pas positivement aux traitements sont soignés pour la mauvaise maladie.

C'est l'un des vastes domaines d'études qui existent, et nous avons été très fiers d'établir un lien entre l'univers des commotions cérébrales dans les sports et l'univers des troubles de stress post-traumatique et des traumatismes cérébraux légers des militaires. En fait, au cours de notre conférence d'il y a deux ans, le réseau des spécialistes des commotions cérébrales de l'Ontario a été invité à donner une séance d'information à un important groupe de médecins militaires afin de leur enseigner comment distinguer les symptômes d'un traumatisme cérébral léger de ceux d'un trouble de stress post-traumatique, de manière à transmettre l'information jusqu'au personnel clinique.

Le sénateur Day: Ce domaine est très intéressant. Une fois que nous aurons mené des recherches concluantes et obtenu des renseignements probants, nous pourrons tirer certaines conclusions qui nous aideront à prendre des décisions relatives aux politiques, à soutenir les soldats sur le terrain et peut-être à faire comprendre à certains de ces anciens combattants les raisons pour lesquelles ils sont aux prises avec les problèmes dont ils souffrent.

MmeAiken: Absolument, oui. C'est notre priorité depuis quelques années, et nous obtenons d'excellents résultats au chapitre des diagnostics et du ciblage des traitements.

Le sénateur Day: Avons-nous le temps de franchir une étape de plus, monsieur le président?

Le président: La présidence demande qu'on lui donne une occasion de poser des questions par la suite.

Le sénateur Day: Je vais m'efforcer d'être bref cette fois-ci.

Il s'agit de prendre l'information et de la faire progresser. Vousavez indiqué plus tôt que certaines personnes étaient en mesure de collecter leurs propres fonds; elles arrivent avec leurs propres idées et souhaitent faire partie de votre institut. Vous les aidez à obtenir des données cliniques peut-être, ou à obtenir lesrenseignements de la Défense nationale ou des Anciens Combattants.

Dans d'autres cas, vous lancez un concept ou une idée, et vous vous mettez à la recherche de chercheurs qui pourraient être intéressés à prendre en charge le projet. Ma question est la suivante: Pour me faire un peu une idée de la façon dont vous coordonnez ces activités, j'aimerais savoir qui est le propriétaire des résultats de ces recherches et déterminer si vous exercez un contrôle, quel qu'il soit, sur le contenu.

MmeAiken: Non, les chercheurs détiennent tous leurs propres droits de propriété intellectuelle. Et nous avons négocié cela, même si le gouvernement nous a fait une offre permanente. C'était la seule réserve que nous avions. Dans le milieu universitaire, les chercheurs comme moi doivent publier leurs résultats de recherche ou périr. Par conséquent, nous détenons tous nos droits de propriété intellectuelle.

Vous avez raison; l'institut fonctionne dans les deux sens. Des gens se sont présentés avec de l'argent et ont déclaré qu'ils souhaitaient avoir accès à la population, alors cela s'est produit. De plus, dans le cadre de l'offre permanente, la Défense nationale a financé une grande partie des tests d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. À l'Université Western, une équipe de chercheurs envisage de vraiment perfectionner les marqueurs biologiques du cerveau qui sont liés au trouble de stress post-traumatique, par opposition à ceux qui sont liés au traumatisme cérébral léger. La Défense nationale finance ce projet.

C'est une équipe indépendante de chercheurs qui effectue le travail. Les chercheurs sont propriétaires de la propriété intellectuelle, mais nous avons convenu que, si le gouvernement finançait la recherche, il bénéficierait, à titre gratuit, d'un accès illimité aux résultats, qu'il pourrait utiliser comme bon lui semble. Ainsi, tout le monde est satisfait.

La relation va dans les deux sens. Les commotions cérébrales, le trouble de stress post-traumatique et les traumatismes cérébraux légers représentent de vastes domaines de recherche. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Day: Oui.

Le président: La présidence souhaite vous poser une question. Ensuite, si vous me le permettez, j'aimerais formuler des observations concernant nos travaux futurs.

Votre énoncé de mission indique que votre organisation enrichit la vie du personnel militaire canadien, des anciens combattants et de leur famille, en exploitant la capacité nationale de recherche. Ma question comporte deux volets. Comment la gestion des familles se déroule-t-elle et, dans quelle mesure pouvez-vous élargir votre mandat à cet égard, étant donné que, de nos jours, les familles vivent indirectement les missions avec nos troupes, en ce sens qu'elles sont aussi touchées psychologiquement par les médias et les communications?

L'autre volet de votre mandat vise, selon vos dires, à «enrichir la vie du personnel militaire canadien». Dans le cadre de vos recherches, étudiez-vous, entre autres, la façon de réduire la possibilité que les soldats subissent des blessures de stress opérationnel? Êtes-vous inventifs, ou demandez-vous à des gens d'examiner en fait la façon dont nous serons en mesure de réduire le nombre de victimes de blessures de ce genre dans les années à venir?

MmeAiken: Oui. La prévention des blessures est continue, en particulier celle des blessures relatives à la santé mentale. Un grand nombre d'initiatives en ce sens font l'objet de projets pilotes qui sont exécutés par la Défense nationale, dont le programme En route vers la préparation mentale, ou programme RVPM.Les employés de la Défense nationale font un travail remarquable.

À l'heure actuelle, ils sont en train d'appliquer le programme à l'extérieur du milieu militaire. Par notre entremise, ils ont autorisé des chercheurs à tenter d'appliquer le programme à des populations civiles qui sont exposées à des conditions semblables, donc à des agents de police, des pompiers et des gens qui occupent également des postes très stressants.

Le président: Des premiers intervenants.

MmeAiken: Des premiers intervenants. Nous les aidons à valider le programme à l'échelle nationale auprès de différentes populations afin de garantir qu'il fonctionne de la façon dont ils pensent qu'il fonctionne. Ils veulent s'assurer qu'il ne fonctionne pas simplement parce que les gens sont forcés d'assister aux séances, ce qui est le cas dans les forces armées.

Nous partageons aussi le programme à l'échelle internationale. Par conséquent, d'autres militaires essaient aussi d'utiliser le programme En route vers la préparation mentale. Oui, des efforts de prévention sont continuellement déployés. Manifestement, l'ancien dicton, qui dit qu'«il vaut mieux prévenir que guérir», est vrai. Il est beaucoup plus économique de prévenir une blessure que de la soigner. Je pense que ce fait est bien connu.

Et il est possible de former les militaires d'une manière qu'on ne peut pas appliquer aux civils, parce que l'on ignore les difficultés que rencontreront les civils, alors qu'on a une très bonne idée des épreuves que traverseront les militaires.

Le président: Je considère cela davantage comme une façon d'améliorer l'efficacité opérationnelle de nos forces. Je trouve difficile parfois de ne pas arriver à faire comprendre aux gens qu'on ne se contente pas de soigner les gens malades; on améliore l'efficacité opérationnelle des Forces. Mais c'est là une autre histoire. J'aimerais savoir ce qu'il en est des familles.

MmeAiken: Les familles sont une importante priorité. Je dirais qu'après avoir mis le programme en œuvre pendant une année, nous avons pris conscience du fait que ces problèmes avaient d'énormes répercussions sur la santé des membres de la famille et qu'en réalité personne ne suivait les familles.

Par conséquent, nous avons commencé à sensibiliser les gens. Nous avons commencé à travailler avec l'Institut Vanier de la famille qui tâche d'offrir des programmes et des ressources aux soldats et aux familles des anciens combattants. De plus, des chercheurs partout au pays travaillent aussi avec les familles des soldats. En fait, nous envisageons d'importer des programmes des États-Unis, en vue d'essayer de les mettre également en œuvre ici auprès des familles militaires et de les évaluer dans un contexte canadien, parce qu'ils fonctionnent très bien là-bas.

Oui, une grande part de nos travaux sont axés sur les familles. Comme le sénateur Day l'a mentionné, nous tenons compte de la santé physique et mentale, mais nous nous préoccupons aussi des aspects sociaux. Nous considérons la santé comme un état de bien-être physique, mental et social, dans lequel la famille joue un rôle crucial. La ville de Kingston est une plaque tournante idéale parce que, dans sa région, on retrouve la plus grande base militaire et la plus grande base aérienne. Le sud-est de l'Ontario compte le plus grand nombre d'anciens combattants par habitant de toutes les régions du Canada. Dans l'un de nos hôpitaux, il y a un service de consultations externes pour enfants que fréquente un nombre disproportionné d'enfants de familles militaires, lesquels présentent des symptômes de stress modéré — des maux de ventre chroniques, des maux de tête chroniques, etcetera, qui ne peuvent être expliqués par de simples symptômes physiques. Par conséquent, ils sont maintenant suivis aussi par une équipe de psychiatres, de psychologues et d'ergothérapeutes. La famille est vraiment une priorité pour nous.

Le président: Merci beaucoup. Pour en revenir à l'argument que le sénateur Lang faisait valoir, au sein des forces américaines, les familles sont soutenues par les médecins des forces, alors qu'ici nos familles relèvent des gouvernements provinciaux. Le contexte est donc différent. En fait, notre philosophie diffère en ce qui concerne les familles et leur lien avec les exigences opérationnelles.

Madame Aiken, vous avez été exceptionnelle, et je vous remercie infiniment parce que, dans les années 1990, rien n'existait dans ce domaine. Nous n'avions mené aucune recherche, ni assuré aucun suivi depuis la guerre de Corée. Maintenant que nous avons quitté un important théâtre des opérations, à savoir l'Afghanistan, le fait de savoir qu'un institut comme le vôtre pense à l'avenir tout en prenant soin du présent représente un grand pas en avant pour nos forces, non seulement du point de vue des personnes, mais aussi du point de vue de l'efficacité opérationnelle des forces et de leur capacité de répondre aux exigences à venir. Bravo à vous et à vos collègues du CMR, que j'ai omis de mentionner dans l'invitation. J'espère que vous leur transmettrez nos observations.

MmeAiken: Je n'y manquerai pas.

Le président: Le fait que ces deux écoles dirigent ces initiatives est extraordinaire. Je vous en remercie.

Chers collègues, si vous me le permettez, j'aimerais simplement confirmer que vous avez tous reçu le projet d'étude de 12 pages que nous avons commencé à élaborer, et je vous demande de m'autoriser à demander au comité de direction d'étudier maintenant ce projet et de commencer à mettre au point les détails relatifs à la répartition future des témoins en fonction du contenu.

Puis-je avoir le consentement du comité à cet égard?

Des voix: D'accord.

Le président: Cela dit, à partir de maintenant, le comité de direction élaborera le plan à suivre au jour le jour.

La convocation de MmeAiken — que le sénateur Lang a proposé — était une idée de tout premier ordre pour commencer à nous faire une idée de l'endroit où nous nous trouvons sur le plan intellectuel, à recueillir les exigences et à tenter de trouver des réponses non seulement aujourd'hui, mais aussi dans les mois et les années à venir. Bravo et merci, chers collègues.

(La séance est levée.)


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