Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule no 5 - Témoignages du 20 avril 2016
OTTAWA, le mercredi 20 avril 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour procéder à l'étude sur les relations étrangères et le commerce international en général (sujet : accords commerciaux, bilatéraux, régionaux et multilatéraux : perspectives pour le Canada).
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit cet après-midi, mais avant d'entendre notre premier groupe de témoins, je dois vous aviser que le témoin prévu pour la seconde partie de la séance s'est désisté. La ministre devait comparaître devant nous, mais il y a apparemment un vote à la Chambre à 16 h 55. Elle serait donc arrivée ici vers 17 h 5 ou 17 h 10, mais il y a un autre vote à 18 heures. Or, nous ne pouvons prolonger la séance, puisqu'un autre comité se réunit ici après nous. Comme nous voulons entendre l'exposé de la ministre, échanger des points de vue avec elle et lui poser des questions, nous avons convenu de reporter sa comparution. Nous avons décidé que ce serait un jeudi matin pour que la tenue de votes ne pose pas de problème.
C'est toutefois avec un grand plaisir que nous recevons notre premier groupe de témoins. Le comité est actuellement autorisé à examiner les questions qui pourraient se poser à l'occasion dans le domaine des affaires étrangères et du commerce international en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité continuera aujourd'hui d'entendre des témoins sur le sujet des accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux : perspectives pour le Canada. Le comité a jusqu'à présent tenu plusieurs séances sur cette question et entendu des universitaires, des experts et des fonctionnaires. Au cours de ces séances, certains témoins ont souligné l'importance de l'innovation, faisant remarquer qu'il s'agit d'un élément clé du système commercial.
Le comité est enchanté de poursuivre son étude et d'entendre des représentants d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui traiteront de la stratégie d'innovation en ce qui concerne les accords et les négociations à portée commerciale.
Je suis très heureux de souhaiter, au nom du comité, la bienvenue à M. Paul Halucha, sous-ministre adjoint délégué du Secteur de la politique stratégique, et M. Mark Schaan, directeur général de la Direction générale des politiques- cadres du marché, du centre de la politique stratégique du ministère. Il pourrait même expliquer ce que tout cela signifie.
Nous vous remercions tous les deux d'avoir répondu aussi promptement à notre convocation. Nous nous intéressons au sujet de l'innovation et des accords commerciaux, comme on vous l'a d'ailleurs expliqué, je crois. Pour l'instant, nous n'étudions pas un accord commercial en particulier, mais nous nous y préparons, car nous pourrions être saisis d'une mesure législative ayant trait à un accord commercial. Nous profitons toutefois de l'occasion pour réfléchir aux accords commerciaux et aux politiques qui existent, et le mot « innovation » revient sans cesse et semble différer de la recherche-développement. Bien entendu, compte tenu du nouveau prospectus, nous voulons entendre les opinions du ministère à ce sujet. Bienvenue devant le comité. Nous écouterons votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Secteur de la politique stratégique, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vous remercie beaucoup, madame la sénatrice Andreychuk, distingués sénateurs, de votre accueil. Nous vous sommes très reconnaissants de nous donner l'occasion de parler de la manière dont les cadres du marché encadrant le système de propriété intellectuelle du Canada, que vous avez étudié pendant un certain temps, visent à favoriser un environnement au moyen d'accords commerciaux grâce auxquels la créativité et l'innovation peuvent contribuer à la prospérité.
Même si de nombreux facteurs sont nécessaires pour favoriser l'innovation, les cadres du marché jouent un rôle important, mais souvent négligé. Ces cadres peuvent fournir aux entreprises de la clarté et de la prévisibilité; faciliter la croissance, le commerce et la mise à l'échelle, particulièrement s'ils sont harmonisés avec les normes mondiales généralement reconnues; rendre l'innovation plus facile; et servir d'instrument habilitant pour les entreprises, les secteurs et les marchés novateurs.
[Français]
La propriété intellectuelle est un filet de sécurité pour bon nombre de créateurs et d'innovateurs. Les secteurs à forte intensité de propriété intellectuelle sont essentiels pour l'économie canadienne. Ils stimulent d'importants travaux de recherche et développement et encouragent grandement l'activité économique. Par exemple, la contribution au PIB des secteurs à forte intensité de propriété intellectuelle est de 25 p. 100. Ils comptent 2 millions d'emplois au pays et contribuent à hauteur de 40 p. 100 aux exportations totales du Canada.
De par son rôle, le système de propriété intellectuelle vise trois objectifs. Le premier est d'appuyer l'innovation en permettant aux innovateurs de tirer parti de leurs créations et de récupérer leurs investissements. Le deuxième vise à donner aux Canadiens l'accès à un large éventail de produits novateurs, à de nouvelles technologies ainsi qu'à des marchandises et des services beaux ou agréables. Le troisième objectif est de renforcer la confiance des consommateurs envers le marché.
[Traduction]
À la lumière de ces objectifs, la politique canadienne en matière de PI vise à trouver le juste équilibre entre les droits des titulaires de PI et les intérêts et les libertés du grand public. Le programme stratégique du Canada demeure centré sur l'appui aux innovateurs et aux créateurs canadiens, et sur l'économie du savoir, tout en permettant la libre circulation et l'échange d'idées.
[Français]
Au cours des dernières années, le Canada a beaucoup modernisé ses cadres régissant la PI. Par exemple, nous avons adopté en 2012 la Loi sur la modernisation du droit d'auteur afin d'actualiser pleinement notre système. Le Canada a adhéré, en 2014, à deux traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur Internet. En 2014 également, le Canada a modifié sa législation sur la PI afin d'appliquer cinq autres traités internationaux sur la PI, qui portent notamment sur les marques de commerce, les dessins industriels et les brevets. Nous avons adopté en 2015 la Loi visant à combattre la contrefaçon des produits afin de nous attaquer au problème des produits de contrefaçon. Enfin, nous avons déposé tout récemment en 2016 une loi visant à adhérer au traité de Marrakech de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle afin de faciliter l'accès aux œuvres publiées pour les personnes ayant des déficiences perceptuelles.
[Traduction]
Dans le cadre de chacune de ces initiatives de modernisation, nous avons cherché à trouver un équilibre essentiel qui permet d'encourager l'innovation tout en faisant place à un marché des idées et de la créativité. Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, nous avons été fort occupés.
J'aimerais maintenant aborder l'établissement de normes internationales. L'économie mondiale, qui reposait principalement sur la fabrication et l'exportation de biens tangibles, est passée à un monde où la PI joue un rôle de plus en plus crucial pour la production de la richesse découlant de la fabrication et de l'exportation de biens matériels et immatériels.
La politique de la PI est façonnée par le contexte mondial. Elle favorise l'innovation en fournissant aux entreprises canadiennes un environnement prévisible pour la commercialisation et la vente de leurs innovations à l'échelle internationale. Cela requiert la négociation, l'élaboration et, enfin, l'adoption de normes mondiales en matière de PI.
Les grandes entreprises canadiennes, telles que BlackBerry, Bombardier et Magna, possèdent d'importants portefeuilles de marques de commerce et de brevets étrangers. Ces entreprises tirent un avantage direct d'un environnement mondial prévisible. L'ALENA, l'ADPIC de l'OMC et, plus récemment, le PTP sont des exemples d'éléments constitutifs de ces normes.
Il était important pour le Canada d'être présent à la table des négociations du PTP afin d'avoir un mot à dire sur la portée de ce traité s'il décide un jour d'y adhérer.
[Français]
Honorables sénateurs, le Canada participe au marché mondial pour veiller à ce que nos entreprises puissent prendre de l'essor et à ce que notre pays demeure concurrentiel sur le plan international pour attirer les investissements. Il faut pour cela convenir de règles communes avec nos principaux partenaires commerciaux.
L'harmonisation de nos politiques intérieures sur la PI avec les normes internationales présente des avantages, par exemple, faire économiser de l'argent aux entreprises canadiennes qui commercent à l'étranger; encourager les entreprises étrangères et multinationales à investir au Canada en sachant que leurs biens et services novateurs seront bien protégés; veiller à ce que les entreprises canadiennes soient traitées sur le même pied d'égalité que leurs concurrents étrangers lorsqu'il s'agit de faire respecter leurs droits de PI à l'étranger.
[Traduction]
En négociant ces nouvelles normes internationales en matière de PI, le Canada s'est ménagé une certaine souplesse dans leur application, de sorte que des solutions élaborées au Canada demeurent possibles. L'AECG et le PTP constituent des exemples évidents de cette marge de manœuvre, le premier étant largement compatible avec les lois et les politiques actuels du Canada.
Le Canada devra apporter deux principaux changements au chapitre de la PI : l'un à son régime relatif aux indications géographiques et l'autre à son régime de brevets pharmaceutiques.
Le Canada a accepté d'offrir une protection pour les indications géographiques sans porter préjudice à l'utilisation de termes génériques ou à la validité des marques de commerce canadiennes existantes. On modifiera aussi les mesures frontalières pour les étendre aux produits portant des indications géographiques contrefaites.
En ce qui a trait aux entreprises pharmaceutiques, le Canada a accepté de maintenir la pratique canadienne actuelle consistant à assurer huit ans d'exclusivité sur le marché, ainsi que de fournir une période supplémentaire de protection aux produits pharmaceutiques protégés par des brevets acceptés au Canada.
[Français]
Plusieurs de ces changements permettront d'innover. Par exemple, la période supplémentaire de protection encouragera les entreprises pharmaceutiques à amener leurs médicaments novateurs et d'importance vitale au Canada et à investir dans notre pays en profitant de notre capacité de recherche dans ce domaine. Le régime permet aussi d'adopter l'approche la plus novatrice qui existe en matière d'approbation de nouveaux médicaments.
[Traduction]
À l'instar de l'AECG, le PTP n'exige pas le bouleversement du régime canadien, car les cadres de PI du Canada en satisfont déjà les normes ou les surpassent dans la plupart des cas.
Le Canada devrait apporter trois modifications au régime actuel du droit d'auteur. Il devrait faire passer la durée de la protection des œuvres originales de la durée de la vie de l'auteur plus 50 ans à la durée de la vie de l'auteur plus 70 ans, mettre en œuvre des mesures pénales pour l'utilisation illicite d'information sur le régime des droits, et offrir aux musiciens et aux maisons de disques de l'étranger le même traitement que celui offert à ceux du Canada.
Parallèlement à ces obligations, le PTP comprend des exceptions et des restrictions quant à la mise en œuvre de la prolongation de la durée, par exemple : le maintien de notre important régime d'« avis et avis », l'accès au matériel protégé par le droit d'auteur qui n'est plus offert sur le marché, et la conservation de notre série d'importants droits des utilisateurs.
Pour ce qui est des brevets et des entreprises pharmaceutiques, le seul changement pour le Canada, outre ceux exigés par l'AECG, serait la mise en œuvre d'un nouveau régime prévoyant l'ajustement de la durée des brevets pour tenir compte des retards du Bureau des brevets.
Comme c'est le cas pour la période de protection supplémentaire de l'AECG, la modification de la durée des brevets permettrait de soutenir l'innovation au Canada.
[Français]
En résumé, honorables sénateurs, comme la santé économique du Canada est largement tributaire du commerce mondial, les normes internationales sur la PI joueront toujours un rôle dans l'élaboration de la politique canadienne sur la PI. Cela ne signifie pas que le Canada ne dispose pas d'une certaine marge de manœuvre dans l'application de ces normes internationales pour favoriser une solution novatrice élaborée au Canada.
[Traduction]
Même si la PI constitue un élément important du programme d'innovation, il ne s'agit que d'un élément parmi plusieurs. Notre système de PI, de pair avec d'autres aspects clés, facilite la croissance du Canada dans le contexte de l'économie du savoir, encourage le commerce mondial et favorise l'essor de nos entreprises.
Merci. Nous serons certainement heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Monsieur Halucha, vous êtes ici pour répondre aux questions, n'est-ce pas? Vous n'avez pas d'exposé distinct?
Paul Halucha, sous-ministre adjoint délégué, Secteur de la politique stratégique, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Non, je n'en ai pas. Je suis moi aussi enchanté de témoigner et je suis impatient de discuter avec vous. Merci.
La présidente : Merci. La liste des intervenants est longue, ce qui est une bonne chose, car votre document couvre un large territoire.
Le sénateur Dawson : Je leur en suis d'ailleurs reconnaissant. J'ai examiné la liste des solutions élaborées au Canada. Vous avez parlé des changements apportés en 2012-2014, de la mise en œuvre qui a eu lieu en 2014, de la lutte menée en 2015, et cetera. Nous nous tenons essentiellement à jour par rapport à ce défi, et je vous en félicite.
Le Canada a fait de l'innovation une priorité, et nous réussissons assez bien à cet égard. Les lois relatives à la propriété intellectuelle sont essentielles pour que l'innovation soit florissante. Ces lois récompensent et stimulent l'innovation, alors que les lois faibles qui sont truffées d'exceptions et qui ne prévoient pas de permis ou de permission ont l'effet opposé.
Si nous prenons la Loi sur le droit d'auteur actuelle, par exemple, quel serait votre avis à ce sujet? Considérez-vous que les exceptions qu'elle contient ont une portée trop générale ou trop large? Je pense à l'exception relative à l'utilisation équitable, par exemple.
M. Schaan : Je pense que la Loi sur la modernisation du droit d'auteur de 2012 visait à établir exactement l'équilibre auquel vous faites référence, lequel stimule l'innovation et récompense la création, tout en permettant la libre transmission de l'information pour que les utilisateurs puissent y accéder.
Pour ce qui est des exceptions prévues, particulièrement celles relatives à l'utilisation équitable, je pense que la loi avait globalement de nombreux objectifs, cherchant notamment à faire en sorte qu'il y ait au Canada une industrie de l'édition viable qui permet aux multinationales de trouver que notre marché est suffisamment lucratif pour s'établir ici et créer du contenu à l'intention de la population canadienne dans un format qui plaît à cette dernière.
Elle avait également comme but de permettre à l'industrie canadienne de l'édition d'être suffisamment viable et de pouvoir continuer de servir les Canadiens en publiant des documents originaux. Elle cherchait également, grâce à ces deux mécanismes, à permettre aux producteurs et aux créateurs de contenu d'être rémunérés pour leurs œuvres. Elle visait enfin à établir un mécanisme efficace aux fins d'affranchissement des droits pour les utilisateurs.
En ce qui concerne l'utilisation équitable, je pense qu'on a créé la loi pour accorder au secteur de l'éducation une marge de manœuvre pour utiliser de brefs extraits et en permettre l'utilisation continue dans un contexte d'éducation, tenant ainsi compte de leur rôle fondamental dans le processus éducationnel et pédagogique des élèves canadiens. Nous continuons d'examiner la question afin de savoir si les objectifs que je viens d'évoquer continuent d'être atteints, s'ils sont mis en œuvre ou non, ou s'ils sont considérés d'une manière qui pourrait être aggravée par les exemptions que nous avons adoptées en 2012.
M. Halucha : J'ajouterai quelques observations. En ce qui a trait à certaines exceptions accordées aux utilisateurs instaurées aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, il y a eu, du début au milieu des années 2000, une période nette où l'ère numérique a commencé avant que la loi ne change.
On pourrait penser à certains produits lancés sur le marché en 2004 ou 2005, comme les appareils permettant de transférer les pièces musicales des disques ou des cassettes à un support numérique. Il n'existait pas de services numériques à l'époque, et il y avait une forte demande de la part des consommateurs, qui voulaient pouvoir écouter la musique qu'ils avaient achetée dans un format différent. C'est le genre d'exception accordée aux utilisateurs qui était, à mon avis, cruciale et qui a permis à une industrie importante de croître et de prospérer.
La même chose s'est produite avec les enregistreurs personnels de vidéo. Comme ils n'existaient pas auparavant, les lois ont été, pour un temps, en retard par rapport à ce qui était devenu une pratique courante des consommateurs.
Cependant, le point que Mark a soulevé est aussi vraiment important : la Loi sur le droit d'auteur vise fondamentalement à encourager la création et à rémunérer les gens qui ont investi leur temps, leur argent ou leurs efforts. Il faut également qu'il y ait quelque chose qu'on puisse rémunérer, sinon il s'agit d'amateurs et il n'y a plus d'industrie.
Du point de vue de l'utilisation équitable, nous avons constamment l'évolution des pratiques d'affaire à l'œil. Nous examinons la manière dont les tribunaux prennent des décisions dans des affaires précises, car c'est habituellement ainsi que les choses se passent. On adopte une loi, puis on étudie attentivement ce qui se passe devant les tribunaux et comment ses dispositions sont interprétées. Je pense que ce qui nous occupe vraiment, c'est l'incidence qu'a l'exception relative à l'utilisation équitable sur la capacité des créateurs de gagner leur vie et de continuer de prospérer. C'est ce que nous voulons tous accomplir grâce aux lois relatives au droit d'auteur et à la propriété intellectuelle.
Le sénateur Dawson : Je sais que le Québec fait un peu figure d'exception, car les universités et particulièrement les collèges continuent de payer des droits, alors que dans le reste du pays, on semble satisfait de leur accorder une exemption dont elles semblent se prévaloir avec joie.
Comme vous annoncez des changements et que le Canada devra les apporter, voici la question que je vais vous poser. Vous n'êtes pas des législateurs ou le gouvernement, mais quand devrait-on, selon vous, proposer les prolongations et la mise en œuvre de mesures pénales?
M. Halucha : Toutes ces dispositions dépendront de la décision du gouvernement de ratifier ou non le PTP, une question cruciale au sujet de laquelle le gouvernement, comme vous le savez, procède actuellement à des consultations.
Le sénateur Dawson : Elles seraient incluses dans...
M. Halucha : Absolument.
Le sénateur Dawson : Elles ne seraient pas soumises à l'industrie ou quelque chose comme cela. Elles pourraient donc aboutir ici?
M. Halucha : Je ne m'appuie que sur des antécédents, et j'ignore ce que le ministre des Affaires internationales entend faire exactement si on décide de procéder à la mise en œuvre. Habituellement, les disposions législatives sont réunies en une seule loi; rien ne pousse donc le gouvernement à agir plus rapidement que ne l'exige l'accord.
Le sénateur Ngo : J'aimerais donner suite aux questions posées par le sénateur Dawson.
Dans votre ministère, vous dites que vous jouerez un rôle très important dans la ratification et la mise en œuvre de l'AECG et du PTP. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste exactement ce rôle? De plus, quelles seraient les conséquences advenant qu'un des partenaires commerciaux du Canada ne se conforme pas?
M. Halucha : En ce qui concerne la ratification, ce qui était autrefois le ministère de l'Industrie est aujourd'hui devenu le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. C'est lui qui possède les connaissances et l'expertise en matière de propriété intellectuelle. Au gouvernement fédéral, ce dossier relève principalement de nous, du ministère du Patrimoine canadien, qui a une double responsabilité au chapitre des politiques culturelles, dont la Loi sur le droit d'auteur, et du ministère de la Justice, qui, de toute évidence, possède une expertise considérable en la matière.
Pendant les négociations, nous disposions d'une équipe dotée de ressources à l'interne qui a appuyé la négociatrice en chef. Je sais qu'elle a comparu devant vous, il y a une semaine. Nous faisons partie de son équipe virtuelle. Elle a disposé d'une équipe dans l'organisation, Affaires mondiales Canada, et d'une équipe supplémentaire. Nous avons sûrement mis des spécialistes à contribution. Dans la mesure où la politique de notre ministère pouvait être concernée, nous avions un rôle important d'analyse et d'appui pour notre ministre et le cabinet et de décision sur la teneur du mandat.
La décision sur la ratification incomberait à la ministre du Commerce international. Je suppose que, encore une fois, le cabinet serait de la partie, et notre ministre en fait partie. Notre rôle serait d'appuyer le ministre Bains, notre ministre, et nos deux autres ministres, Mmes Duncan et Chagger, qui participeront aux discussions sur cette décision. C'est vraiment notre rôle.
M. Schaan : J'ajouterai seulement aux observations de Paul sur la ratification et la mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global que, parce que notre ministre est chargé de la Loi sur les brevets et qu'il est conjointement chargé de l'application de la Loi sur le droit d'auteur — en ce qui concerne l'accord, ce serait la Loi sur les brevets —, manifestement, alors que nous songeons à des modifications précises de la loi et des règlements, nécessaires à l'accès, de nombreuses consultations ont lieu avec les joueurs et les parties touchées. Elles sont au centre de nos activités naturelles, le maintien de rapports réguliers avec ces joueurs qui ont une influence sur notre mandat législatif, notamment pour les consulter, mais, plus précisément pour que les modifications réglementaires et législatives soient dans le ton. Nous y mettons beaucoup d'efforts.
En ce qui concerne l'accord, les discussions se poursuivent et nous continuons de collaborer avec les parties touchées, pour assurer la clarté et l'efficacité de ces modifications.
Le sénateur Ngo : pour l'Accord économique et commercial global, c'est entendu. Qu'en est-il du Partenariat transpacifique? Dans les pays de ce partenariat, la mise en œuvre n'est pas toujours au rendez-vous. D'après vous, quelles seront les conséquences? Je parle toujours du partenariat, et non de l'accord.
M. Halucha : Comme l'accord, le Partenariat transpacifique et l'ALENA — manifestement en vigueur — possèdent des mécanismes de règlement des différends qui permettent aux États et, dans certains cas, aux entreprises, d'avoir des recours s'ils estiment que leurs droits ont été bafoués à l'étranger.
Le sénateur D. Smith : Il me manque des éléments, mais j'ai consulté la documentation. Dans la mesure où nous respectons les échéanciers — dites-moi où nous ne le faisons pas —, d'après vous qu'est-ce que notre comité devrait dire à ceux qui auraient besoin de l'entendre : « Voici une priorité pressante »?
M. Halucha : En ce qui concerne le chapitre sur la propriété intellectuelle? Je pense que le comité fait de l'excellent travail.
En me préparant pour aujourd'hui, j'ai lu les témoignages qui vous ont été livrés. Vous avez entendu une belle brochette de témoins vraiment importants et vraiment influents, qui continuent de participer au débat public. Pendant longtemps, c'est vrai, l'action concernant le Partenariat transpacifique s'est passée comme à huis clos. Maintenant que le texte est publié et que le gouvernement favorise entièrement la discussion publique sur la signification de l'entente pour l'avenir du Canada, votre comité a fait de l'excellent travail.
Le sénateur D. Smith : Ce n'est pas tant au comité que je songeais qu'aux diverses parties de l'administration fédérale.
À la page 4, vous avez dit : « Enfin, on a déposé tout récemment, en 2016, une loi visant à adhérer au Traité de Marrakech de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle... ». Je pourrais lire le reste.
Est-ce que tout avance à peu près comme prévu?
M. Halucha : Je pense que si vous m'aviez posé la question il y a cinq ou six ans, je n'aurais probablement pas répondu oui, parce que, bien honnêtement, nous étions très en retard dans les dossiers d'un certain nombre de pays.
Je fais beaucoup de démarches à l'étranger, pour le compte du gouvernement et du Canada, pour parler de notre régime de propriété intellectuelle. Pendant un certain temps, nous étions considérés comme très en retard, particulièrement, je dirais, vers le milieu de la première décennie des années 2000.
L'effort de modernisation du régime du droit d'auteur a pris en gros une dizaine d'années, et il a eu comme un effet asphyxiant sur la propriété intellectuelle. Je suis sûr que beaucoup d'élus ne tenaient pas beaucoup à proposer de dispositions sur la propriété intellectuelle, pour la raison précise qu'elles risquent de conduire à des discussions très animées et très techniques. Je pense qu'après que cette disposition a été établie, les choses sont allées très vite, comme Mark l'a dit, pour assurer la mise en place d'un régime qui non seulement satisfaisait à nos obligations internationales, mais qui fournissait aussi les moyens qui permettraient franchement aux entreprises canadiennes de protéger leurs investissements au Canada ainsi que les investisseurs étrangers.
Je suis aussi chargé de la Loi sur Investissement Canada. J'ai ainsi le privilège de converser avec beaucoup d'investisseurs importants qui viennent au Canada et de comprendre les motifs pour lesquels ils choisissent d'investir leurs capitaux à tel endroit, d'y implanter une usine ou d'y acheter une entreprise. Manifestement, ils veulent des assurances sur la possibilité, pour eux, de reprendre leurs capitaux. C'est fondamental. Mais ils veulent aussi bien comprendre comment fonctionnent nos politiques cadres. Mark en a exposé beaucoup.
Les lois sur la propriété intellectuelle sont des lois d'application générale. Nous ne les concevons pas pour une seule partie de l'économie ou un seul secteur économique. Elles doivent s'appliquer universellement. Elles sont comme le système d'exploitation d'une économie moderne.
Quand des investisseurs s'intéressent à des pays comme le Canada, quand ils constatent que nos lois ne sont pas très différentes, quand ils distinguent les différences et les comprennent, il importe vraiment de leur donner la confiance d'investir ici.
Du point de vue de nos propres entreprises, je pense que cela leur permet de grandir dans un cadre légal, un contexte où, quand elles décideront d'exporter, elles comprendront les règles qui s'appliquent à la plupart de nos partenaires commerciaux. C'était l'objectif et la stratégie qui ont animé toute la volonté de rattrapage.
M. Schaan : J'ajouterai seulement que, revenant d'une réunion avec nos homologues à Washington, il est très gratifiant d'être un Canadien dans cette ville et d'y exposer le bilan de notre politique de propriété intellectuelle et de nos lois cadres sur le marché. Gratifiant, parce qu'on reconnaît l'ampleur de notre travail, sans parler du fait que le Canada défraie beaucoup les conversations dans cette sphère.
Ça concerne moins ce que nous avons à faire, mais nous devons y être attentifs et le respecter : nous avons apporté des modifications très importantes à la loi et nous avons continué à nous moderniser. Dans le monde qui nous entoure, les technologies continuent d'évoluer et de changer.
Pendant notre travail de surveillance et d'analyse et notre collaboration avec les joueurs, dont nous avons parlé, le monde devient de plus en plus numérique, s'enrichit de technologies, de plateformes et d'applications nouvelles dont nous n'avions aucune idée. Alors que, en général, nous avons essayé d'assurer la modernité et l'adaptabilité de nos lois, nous veillons constamment à leur application fidèle à ce que nous avions prévu lorsque nous les avons conçues. Nous y sommes certainement attentifs.
Nous sommes aussi attentifs à la capacité des lois d'influer sur certains de ces résultats. Les entreprises en détiennent beaucoup. Nous continuons donc de collaborer très étroitement avec elles sur, notamment, le respect de leur propriété intellectuelle, alors qu'il est de plus en plus facile pour elles, d'une certaine manière, de contribuer elles-mêmes au respect de leurs droits, plutôt que de recourir à certains des mécanismes dont nous disposons, qui sont des lois très brutales et d'application générale, comme Paul l'a dit, mais qui manquent de précision et de finesse.
Le sénateur D. Smith : En un mot, il semble que nous avançons comme prévu. Sinon, le comité veut entendre quelle pression il faut exercer et auprès de qui pour qu'il en soit ainsi. Nous semblons en assez bonne forme.
M. Halucha : Le ministre Bains a déposé un projet de loi à la Chambre des communes, il y a quelques semaines, pour la mise en œuvre du traité de Marrakech, qui est un traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
Notre espoir est que, en adoptant ce projet de loi, nous devenions l'un des pays à avoir mis le traité en vigueur. Il en faudra vingt. Cela créera essentiellement un réseau international de pays ayant adopté la même exception pour permettre l'adaptation de travaux à l'intention des personnes ayant des déficiences perceptuelles. C'est vraiment important pour les pays du sud, où subsiste une pénurie de livres et où on n'a pas accès à ce genre d'ouvrages. Au Canada, cela augmentera la quantité d'ouvrages accessibles et la facilité avec laquelle on pourra les adapter aux besoins des personnes ayant des déficiences perceptuelles.
C'est une loi importante. Elle appuiera le programme que le gouvernement s'est donné pour accroître l'inclusion. Le projet de loi a été déposé à la Chambre. Je vous encouragerai, le moment venu, d'en accélérer l'étude. Ce sera très apprécié.
Le sénateur D. Smith : C'est excellent. Je ne peux résister à la tentation de signaler que j'ai visité Marrakech, une ville fascinante. Peut-être devrions-nous tous y aller.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie messieurs d'être ici et je vous remercie pour votre exposé. J'ai quelques questions.
Je voudrais citer le Rapport sur les plans et priorités 2016-2017, relativement à la propriété intellectuelle :
L'augmentation des dépenses prévues en 2017-2018 reflète les investissements prévus dans les projets de gestion de l'information et de technologies de l'information afin de moderniser les activités de l'OPIC.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette modernisation? En quoi nous sera-t-elle bénéfique?
M. Halucha : L'Office de la propriété intellectuelle du Canada est une organisation autonome. Nous collaborons très étroitement avec lui, mais peut-être que, pour obtenir une réponse complète, vous voudrez lui poser directement la question.
Cependant, je peux dire que l'OPIC a travaillé très fort à la modernisation de son infrastructure des technologies de l'information. Actuellement, il subsiste beaucoup de papier dans le système, et, comme vous le savez, le monde est maintenant au numérique. Il reste beaucoup d'investissements à faire pour moderniser son système. Ceci vise à vraiment permettre l'examen rationalisé des demandes de marques de commerce, des demandes de brevets et la prestation d'un meilleur service aux clients qui sont les entreprises au Canada et à l'étranger qui essaient de faire protéger leur propriété intellectuelle au Canada.
Je ferais aussi remarquer que cinq traités ratifiés par le Parlement, il y a deux ans, sont encore dans le processus de la mise en œuvre. Ceux qui ont les répercussions les plus concrètes sont l'accord de Madrid et le traité de Singapour. Ils permettront aux entreprises canadiennes qui cherchent à faire déposer de nouvelles marques de commerce d'obtenir une protection, avec un seul formulaire, non seulement au Canada mais dans 60 ou 70 autres pays qui sont également signataires du traité. Essentiellement, l'entreprise paie une fois des honoraires, s'adresse à un avocat ou à un agent au Canada, en anglais ou en français, présente sa demande et obtient la protection dans tout le réseau de pays faisant partie du système de Madrid. Cela signifie posséder les technologies de l'information qui permettent de se brancher efficacement sur ce système mondial.
Tout cela est axé sur l'amélioration de l'efficacité puis, dans l'idée de se brancher au système international, sur la possibilité, pour nous, de mettre en œuvre ces traités.
J'espère que ma réponse vous est utile. Je ne connais pas les détails exacts de la nature et des montants des honoraires.
M. Schaan : J'ajouterai seulement qu'ayant lu les témoignages que vous avez entendus, il y a eu des discussions sur la mesure dans laquelle les entreprises canadiennes sont capables de tirer parti des accords commerciaux et de saisir les occasions d'exporter et de devenir des entreprises mondiales. L'un des atouts sur lesquels nous misons, à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, c'est le savoir-faire des entreprises canadiennes en matière de propriété intellectuelle et leur compréhension du système de propriété intellectuelle.
Bien que cela ne s'applique pas nécessairement aux mises à niveau des technologies de l'information que l'OPIC poursuit dans le cadre de son propre mandat, l'organisme fait aussi beaucoup de démarches auprès des entreprises canadiennes pour les sensibiliser davantage à la propriété intellectuelle. Cela comprend des efforts comme la mise en place d'agents dans nos incubateurs et nos accélérateurs industriels pour permettre à nos innovateurs et aux jeunes entreprises de comprendre et de déterminer leur propre stratégie de propriété intellectuelle pour tirer le maximum de ces accords commerciaux, s'implanter à l'étranger et grandir.
M. Halucha : C'est exactement ce que le comité a entendu quand Jim Balsillie a participé à la discussion sur l'importance d'une stratégie d'innovation étroitement reliée au système de propriété intellectuelle. C'est exactement ce que nous essayions de faire avec l'OPIC et que, en retour, l'organisation fait si bien connaître à l'extérieur.
Nous déployons aussi des efforts semblables par l'entremise du Conseil national de recherches Canada et de la Banque de développement du Canada. Sur essentiellement tous les points qui, d'après nos évaluations, étaient des points de contact avec les entreprises canadiennes, nous avons essayé de travailler avec des agents qui font cette interaction pour sensibiliser les entreprises canadiennes à l'importance de protéger leur propriété intellectuelle et d'élaborer des éléments de stratégie pour l'utilisation de leur propriété intellectuelle et d'y réfléchir.
Cela découle du diagnostic, notamment, d'une croissance rapide d'entreprises dans le secteur des hautes technologies. Souvent, les choses se passent rapidement, et leur principal objectif est d'arriver sur le marché. Si les questions de propriété intellectuelle ne sont pas posées par ces entreprises, c'est qu'elles ne sont pas nécessairement prioritaires. Les entreprises sont surtout soucieuses de trouver du financement et d'arriver le plus rapidement possible sur le marché.
La présidente : M. Balsillie a dit que vous n'en avez pas assez fait. Vous dites que vous répondez à sa question sur jusqu'où nous sommes allés. Vous avez dit que c'est exactement ce que M. Balsillie a dit. Erreur! Il a dit que vous n'en faisiez pas assez et que vous ne répondiez pas aux demandes. Que répondez-vous à cela?
M. Halucha : J'ai beaucoup de respect pour Jim Balsillie. C'est évidemment un grand Canadien et un innovateur prolifique, qui a été très généreux de ses conseils pour le ministère et de son appui à des initiatives particulières. Il nous a beaucoup inspirés. Ce visionnaire a pour rôle de faire jaillir des idées en les provoquant, ce en quoi il excelle. Je l'écoute très religieusement.
Je pense qu'il nous dit que le travail n'est pas accompli et que les difficultés subsistent. Je serais plutôt d'accord.
Sur les questions particulières du Partenariat transpacifique et les dispositions du projet de loi, il est visiblement très critique. Nous avons fait très attention et examiné de très près les exigences juridiques et les modifications que nous devrions faire si le Canada décidait de ratifier le PTP. Nous sommes très à l'aise dans le sentiment que les dispositions ne sont pas aussi spectaculaires dans leur effet que ce qui aurait été dit. Nous les estimons tout à fait modestes. En fait, Mark en a parlé au début de son exposé.
Nos regards sont tournés vers Jim et ils resteront fixés sur lui.
M. Schaan : J'ajouterai que le principe de la liberté d'action que M. Balsillie a introduit, nous y sommes très attentifs. Au sujet de l'effort que nous avons déployé et dont nous avons discuté, pour l'augmentation de la compétence des entreprises canadiennes en matière de propriété intellectuelle, cela concerne beaucoup la compréhension de la liberté d'action et la capacité de s'implanter efficacement dans les marchés étrangers.
Les bibliothèques d'antériorités ou les normes sont des secteurs de croissance qui restent intéressants et qui continuent de nous intéresser pour faire en sorte que les entreprises canadiennes aient tout ce dont elles ont besoin.
Il est intéressant de noter, sur le comportement des entreprises canadiennes, que 83 p. 100 de leurs demandes de brevet sont déjà faites à l'étranger. Cela souligne deux faits : d'abord, beaucoup d'entreprises canadiennes jouissent d'une grande liberté d'action et elles n'hésitent manifestement pas à aller dans les marchés qui leur semblent prometteurs.
Le deuxième point fait ressortir la nécessité de ces normes mondiales et de ces normes en matière de PI pour les accords commerciaux internationaux car 90 p. 100 des brevets au Canada sont présentés par des étrangers et 83 p. 100 des brevets canadiens sont présentés à l'étranger. Cette situation met en évidence que les relations soutenues entre les sociétés et les détenteurs de propriété intellectuelle se poursuivront et que nous devons nous assurer de respecter ces normes.
M. Halucha : La plupart du temps, lorsque des entreprises canadiennes nous racontent leurs expériences avec les régimes de propriété intellectuelle à l'étranger, elles nous parlent de lacunes dans la protection de leur propriété intellectuelle. Par exemple, les entreprises veulent commercialiser un produit dans un pays donné, puis des concurrents arrivent avec des produits de contrefaçon, et elles ne peuvent pas, par l'entremise des systèmes judiciaires, obtenir les recours dont elles ont besoin pour retirer ces produits du marché. C'est habituellement ce que les entreprises nous disent.
Si l'on considère que le Partenariat transpacifique élargira les systèmes opérationnels des États-Unis et du Canada — nos principaux partenaires commerciaux — pour couvrir un plus grand nombre de pays, nous devrions nous assurer que c'est un système opérationnel avec lequel nos entreprises et nous sommes habitués de travailler.
La sénatrice Poirier : Le rapport fait également mention du travail lié à la disposition de l'AECG sur la propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique. Pourriez-vous nous donner plus de renseignements à ce sujet? Devons- nous modifier nos lois? Quelle sera l'incidence des lois sur la propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique au Canada?
M. Schaan : Il y a essentiellement deux principales dispositions dans le cadre du régime des brevets pharmaceutiques au titre de l'AECG. Comme je l'ai dit au début de mes remarques, l'AECG n'a pas besoin de faire l'objet de changements importants ou radicaux pour ce qui est des lois existantes, mais des modifications s'imposent sur le plan réglementaire et législatif.
En ce qui concerne l'AECG, l'une des plus importantes modifications à apporter consistera à prévoir une durée de protection additionnelle pour essentiellement offrir une rémunération pendant la période au cours de laquelle le produit pharmaceutique franchit les étapes des processus de R-D et d'approbation.
Dans de nombreux autres pays, les sociétés pharmaceutiques, outre le brevet de 20 ans dont elles peuvent bénéficier dans le cadre de leur système de brevets, jouissent d'une période de protection additionnelle pour les dédommager pour le long processus de R-D.
L'AECG créera essentiellement une période de protection additionnelle pour le milieu pharmaceutique au Canada. Cette période ressemble beaucoup à un brevet et sera de deux ans maximum. On calculera à partir du moment où la demande de brevet a été faite jusqu'à l'approbation du produit, moins cinq ans, pour une période maximale de deux ans. J'avoue que c'est très technique.
C'est une contribution modeste et importante offerte durant la période où Santé Canada examinera activement le produit pour s'assurer qu'il est efficace et sécuritaire pour la population canadienne et pour compenser pour les investissements importants qui ont été faits dans le cadre du processus de R-D.
Il y a aussi l'idée d'octroyer un droit d'appel dans le milieu pharmaceutique pour mettre fin aux doubles litiges.
Nous avons un système complexe au Canada qui nous permet d'intenter des poursuites en cas de contrefaçon de brevet ou d'autres problèmes liés aux brevets en vertu de la réglementation et des lois. De même, nous nous sommes engagés dans le cadre de l'AECG d'offrir un droit d'appel efficace pour veiller à ce que l'audience complète des causes liées aux brevets relève du système judiciaire canadien.
La sénatrice Poirier : Devons-nous modifier la loi?
M. Schaan : Nous devons modifier la loi et les règlements.
La sénatrice Cordy : C'est fort intéressant. Merci beaucoup.
J'ai examiné les trois modifications qu'il faudrait apporter aux lois sur le droit d'auteur si nous ratifions le Partenariat transpacifique. L'une d'elles serait d'accorder un traitement national pour les spectacles musicaux étrangers et les maisons de disque. Pourriez-vous me fournir des explications à ce sujet?
M. Halucha : Il y a quelques modifications que nous devons apporter. Premièrement, nous avons mis en œuvre les traités Internet de l'IMPI il y a quelques années, et nous pouvons inscrire des réserves en vertu de cette disposition. Nous avons inscrit un certain nombre de réserves en partant du principe que les Canadiens qui sont sur le marché dans ces pays seraient rémunérés. Donc, à certains endroits, nous n'avons pas accordé un traitement national.
La sénatrice Cordy : Que voulez-vous dire?
M. Halucha : Par traitement national, j'entends que l'on traite les artistes étrangers sur le marché au Canada exactement de la même façon que l'on traite les Canadiens qui sont sur le marché dans leurs pays. Si un produit américain est sur le marché, nous lui accorderons le même traitement qu'un produit canadien recevrait aux États-Unis. C'est une approche différente.
La sénatrice Cordy : Y aura-t-il une incidence sur la CBC? À l'heure actuelle, une grande partie de la musique que la société fait jouer sur ses ondes doit être celle d'artistes canadiens.
M. Halucha : Cela n'a rien à voir avec les exigences de contenu canadien qui font partie des licences de la CBC et d'autres radiodiffuseurs.
Les lois sur le droit d'auteur sont complexes aux États-Unis, comme partout ailleurs, mais elles prévoient un traitement différent pour les enregistrements avant 1972 et après 1972, où ils ont élaboré pour la première fois une loi nationale.
Au moment de conclure un accord de réciprocité, nous nous sommes inspirés des lois du pays pour déterminer la façon dont la rémunération devait être accordée.
Dans le cadre du Partenariat transpacifique, nous ne pourrions plus le faire, si bien qu'il faudrait verser une rémunération pour les enregistrements effectués en 1972. Ce serait principalement pour les services de musique par abonnement. Nous évaluons que les redevances seraient entre 1 et 1,5 million de dollars par année et seraient versées surtout aux États-Unis.
La sénatrice Cordy : Vous avez parlé tout à l'heure des changements dans le milieu pharmaceutique, des brevets et de l'application des brevets pharmaceutiques. Ma question porte en quelque sorte sur les échanges commerciaux, mais pas tout à fait.
Vous avez dit tout à l'heure que les technologies ont énormément changé ces dernières années. Nous savons qu'un certain nombre de produits pharmaceutiques de contrefaçon entrent au Canada qui, au mieux, ne causeront aucun tort aux gens et, au pire, leur causeront beaucoup de torts, mais ces produits ne sont vraiment pas cher, alors ils peuvent les commander en ligne.
Des mesures sont-elles prévues pour protéger les gens ou les produits pharmaceutiques brevetés et pour empêcher ces produits illégaux d'entrer au pays? L'application de la loi ne relève probablement pas de votre ministère, mais y a-t- il des mesures de protection qui sont en place?
M. Halucha : Nous étions responsables de présenter le projet de loi sur la lutte contre la contrefaçon, qui est entré en vigueur en janvier il y a de cela un an. Dans cette loi, nous avons créé une nouvelle disposition pénale qui portait sur la contrefaçon. Auparavant, il était plus difficile d'intenter des poursuites en cas de contrefaçon car il fallait invoquer que l'infraction commise était une fraude.
Nous avons également élargi les dispositions civiles, car auparavant, il fallait presque trouver, pour utiliser votre exemple, un produit pharmaceutique sur le marché canadien. Maintenant, plusieurs dispositions ont été élargies pour pouvoir intervenir à l'étape de la fabrication jusqu'au moment de la commercialisation. De toute évidence, comme vous le soulignez, une fois que le produit est sur le marché, c'est beaucoup plus difficile. C'était le but de cette loi : mettre en place un régime au pays et à la frontière également.
Auparavant, avant que ce projet de loi soit adopté, les gardes-frontière n'avaient pas le pouvoir d'arrêter les expéditions, de leur propre chef, s'ils soupçonnaient qu'elles contenaient des produits de contrefaçon. Nous leur avons accordé le pouvoir de retenir ces produits à la frontière.
La sénatrice Cordy : Cette modification à la loi a-t-elle eu une grande incidence? J'ai entendu dire qu'avant que la loi entre en vigueur, des quantités importantes de médicaments illégaux entraient au pays.
M. Schaan : Les dispositions d'application, comme Paul l'a dit, sont relativement récentes, mais elles sont efficaces et elles permettent de procéder à des perquisitions, à des saisis et à la rétention des produits. La menace que représentent les perquisitions, les saisis et la rétention des produits est également un mécanisme de prévention, et nous nous assurons que les faussaires potentiels savent que ce mécanisme existe.
Pour répondre à votre question sur la capacité de vous prévaloir de vos droits auprès des sociétés pharmaceutiques, nous avons également d'importantes dispositions dans la Loi sur les brevets qui permettent d'intenter des poursuites devant les tribunaux en cas de contrefaçon de brevets.
Nous avons prévu des mécanismes, surtout lorsque le produit a des effets sur la santé humaine. Il y a des dispositions importantes dans la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits qui peuvent être appliquées.
M. Halucha : Je dirais également que la nature du problème a changé un peu avec le commerce électronique. De toute évidence, dans le passé, de grosses cargaisons arrivaient au pays et les produits étaient distribués et vendus. Il n'y a pas que les médicaments; il y a beaucoup de produits de contrefaçon. On achète de petits paquets et, 30 000 paquets arrivent à la frontière plutôt qu'une grande cargaison, ce qui est plus difficile à déceler pour les agents des douanes.
Là où l'industrie réussit très bien — et elle collabore avec les autorités à cet égard —, c'est que lorsqu'elle découvre un site où des produits de contrefaçon sont vendus, elle retire les méthodes de paiement. Si l'on ne peut pas utiliser PayPal et une carte de crédit pour acheter le produit en ligne, on démantèle le réseau. Le problème, bien entendu, c'est que les faussaires peuvent reproduire le médicament et tenter de recommencer sous un nom différent. Il faut déployer des efforts soutenus pour contrer ces activités.
De plus, lorsque nous avons présenté la loi, nous avons notamment sensibilisé les consommateurs aux dangers d'acheter ces produits. De toute évidence, un médicament qui peut vous tuer au lieu de vous aider serait un cas extrême, mais il y a de nombreuses personnes qui paient le gros prix en pensant qu'ils achètent un produit de luxe, alors qu'ils se font voler. Nous avons vraiment essayé d'utiliser la loi pour sensibiliser les Canadiens à ce sujet. C'est un défi permanent.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de votre exposé. Vous avez répondu à la majorité de mes questions mais, dans votre mémoire, vous dites qu'il y a des avantages à harmoniser nos politiques nationales en matière de PI avec les normes internationales.
Croyez-vous que les politiques nationales actuelles en matière de PI ne répondent pas aux normes internationales? Le cas échéant, quelles sont les lacunes et dans quels secteurs se trouvent-elles?
M. Schaan : Je pense que l'important travail qui a été effectué pour élargir notre accord commercial global, y compris dans le cadre des négociations sur l'accord entre le Canada et l'Union européenne, codifient et continuent d'harmoniser ces normes internationales pour permettre aux Canadiens d'accéder à ces marchés.
Comme vous pouvez le constater, à bien des égards, il faut apporter des changements modestes à la loi canadienne pour pouvoir accéder à ces traités, ce qui montre le travail important qui a déjà été fait pour harmoniser nos normes avec les normes internationales et l'important travail, comme Paul l'a mentionné, qui a été fait pour veiller à ce que nos cadres soient modernes, à jour et des plus efficaces. Je pense que la nature croissante des accords commerciaux élargit la portée. Dans le cadre de l'AECG, il existe un mécanisme qui nous permet de nouer de nouveaux partenariats commerciaux qui assurent cette harmonisation et permettent aux sociétés canadiennes de prendre de l'expansion.
Le sénateur Oh : Merci, messieurs, de vos déclarations. J'ai deux questions pour vous.
Selon le Conference Board du Canada, le Canada a reçu la note de C pour l'innovation et se classe au neuvième rang sur 16 pays comparables. Pouvez-vous nous dire les facteurs qui expliquent le rendement relativement faible du Canada en matière d'innovation?
M. Halucha : Je vais commencer, puis Mark poursuivra probablement.
Si l'on regarde les 10 ou 15 dernières années, on a mené de nombreuses études sur les facteurs qui nuisent à l'innovation au Canada. Je pense au groupe d'experts de Red Wilson, au milieu des années 2000, qui s'est penché sur la compétitivité du Canada. Le Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation qui relevait de notre ministre a examiné la question, ainsi que le Conference Board. De nombreuses organisations ont étudié la question.
Je pense que bon nombre d'entre elles ont relevé l'importance de la commercialisation. C'est souvent dans ce secteur que nous ne sommes pas aussi solides que certains autres pays. Personne ne conteste le fait que nous avons des scientifiques remarquables et de grandes capacités de concevoir de nouveaux produits novateurs, mais trop souvent, ils ne sont pas commercialisés ou ils sont commercialisés à l'étranger. Je pense qu'il est essentiel de se pencher sur la commercialisation. Nous nous en tirons mieux dans certains secteurs.
Ce qui a principalement changé au cours des dernières années, c'est la baisse du prix des denrées, la baisse du prix du pétrole et du gaz, ce qui a montré à quel point il est important de nous améliorer au chapitre de l'économie digitale, des sciences et des technologies et de la commercialisation de ces innovations au Canada. Le premier ministre et les ministres se sont rendus dans des endroits comme Kitchener et Waterloo pour parler de ce qui fonctionne bien là-bas et essayer de faire valoir que nous avons besoin d'effectuer ce type d'investissements et de reproduire l'expérience dans d'autres régions du pays.
Notre ministre travaille à l'élaboration d'une stratégie en matière d'innovation. C'est sa priorité. Il a parlé à des centaines de chefs d'entreprise et d'innovateurs au Canada dans l'optique d'élaborer une stratégie qui nous aidera à régler ces problèmes.
M. Schaan : La seule chose que j'ajouterais aux observations de Paul, c'est que nous devons nous attaquer au problème de commercialisation qu'il a très bien expliqué, ajouter des chaînes de valeur et faire prendre de l'expansion aux entreprises.
Pour ce qui est des problèmes de commercialisation, nous pourrions commercialiser des produits à petite échelle au Canada, mais je pense que nous devons nous assurer que les sociétés canadiennes puissent atteindre leur plein potentiel de croissance. Pour ce faire, nous devons aller au-delà des frontières canadiennes sur les marchés internationaux et dans la chaîne de valeur où nous avons des avantages comparatifs et où nous pouvons mettre à profit les capacités du Canada pour nous assurer que nous jouons dans l'économie à un niveau plus sophistiqué et complexe qui permet à nos sociétés d'atteindre une expansion optimale.
Le sénateur Oh : Puisque l'on parle du ministre, le 18 avril 2016, il a assisté au Forum économique mondial à Toronto. Il a participé à la séance sur l'écosystème d'innovation du Canada.
Le ministre a-t-il trouvé un moyen de promouvoir le Canada en tant que centre d'innovation mondial?
M. Halucha : C'est exactement ce sur quoi nous travaillons. Le budget précédent a consacré une enveloppe d'environ 800 millions de dollars pour appuyer l'innovation, et les prochaines étapes viseront à consulter davantage les Canadiens, à élaborer un programme et à le mettre en œuvre au cours des prochaines années. C'est l'objectif.
Je pense qu'une chose qui sera différente et qui a changé, c'est que pendant de nombreuses années, on croyait qu'une approche de laissez-faire à l'innovation fonctionnerait efficacement et que le rôle du gouvernement consistait seulement à s'assurer que le milieu des affaires se porte bien. Et ensuite, ce serait au secteur privé d'innover et de faire croître l'économie. Il y a une certaine vérité à cela. Je ne vais pas le contester complètement, mais clairement, si l'on regarde les pays qui se sont mieux classés que nous sur le réseau de l'innovation dont vous avez parlé, vous remarquerez que le rôle du gouvernement est beaucoup plus marqué. Ces pays travaillent avec les entreprises et font des investissements, des pays comme l'Allemagne, la Finlande, Israël et les États-Unis.
Les États-Unis interviennent de façon remarquable auprès des entreprises sous forme d'aide concrète, de soutien direct à l'innovation, et je pense que nous devrions en faire autant. Lorsque M. Balsillie affirme que nous avons besoin d'une stratégie en matière d'innovation et non d'une stratégie en matière de science et de technologie, je crois que c'est exactement le genre de partenariat auquel il songe. C'est exactement la nouvelle direction que nous sommes en train d'adopter.
La sénatrice Johnson : On a répondu à toutes mes questions dans les deux rondes précédentes, alors je passe mon tour. Merci.
La présidente : L'une des stratégies, lorsqu'on combine l'innovation et la propriété intellectuelle, par exemple, c'est que les pays fautifs ne sont habituellement pas ceux qui signent les traités internationaux. Ce sont souvent de grands pays, des pays en voie de développement, aux philosophies différentes. Dans votre mémoire, vous dites que nous respectons déjà les normes prévues dans le PTP et que nous essayons maintenant d'appartenir à un groupe de plus en plus nombreux de pays qui veulent harmoniser leurs politiques aux normes internationales. Diriez-vous que si le PTP sera bénéfique pour le Canada, c'est notamment parce que les nombreux autres pays signataires, en rehaussant leurs normes, feront en sorte que nous serons de plus en plus nombreux sur la scène internationale à être d'accord sur la manière d'aborder certains problèmes?
M. Schaan : Il est vrai que le PTP fait actuellement l'objet de consultations et que le gouvernement n'a pas encore officiellement pris position à son sujet, mais je conviens tout à fait que l'un des aspects intéressants, lors des négociations auxquelles j'ai participé, c'était la diversité à la table. Bien entendu, nous étions fort nombreux à nous affairer activement autour de cette table, mais je pense que l'aspect le plus intéressant du PTP, qui est également son objectif, c'est qu'il rassemble des économies de toutes sortes, différentes par leur taille et par leur situation géographique, différentes du point de vue de leur avantage comparatif et des secteurs dans lesquels elles détiennent un avantage.
Faut-il y voir l'occasion de poursuivre l'élaboration de nouvelles normes? Je pense que le but recherché par le Canada, c'était surtout de promouvoir des normes auxquelles nous étions en mesure de souscrire et qui reflétaient le genre de politiques-cadres que nous avions établies, c'est-à-dire qui nous laissent le champ libre pour innover et dont nous pourrions souhaiter l'adoption par d'autres également. On sentait bien l'importance de refléter non seulement la diversité des pays présents, mais également notre propre diversité au Canada.
M. Halucha : Je serais plus catégorique que Mark; je dirais que l'effet stimulant du PTP sur la croissance des partenaires est sans contredit l'un de ses principaux atouts et l'un de ses aspects les plus intéressants.
Par exemple, la Corée a déjà fait sa demande d'adhésion au PTP. Elle attend la fin du processus de ratification, mais on peut s'attendre à une croissance. Évidemment, dans ce contexte, il sera crucial d'étendre ces règles à la Chine également. Il n'y a aucune solution multilatérale en ce moment. Bien sûr, l'OMC pourrait revenir à la charge, mais dans les faits, le PTP constitue la meilleure option à l'heure actuelle si nous voulons faire contrepoids à la Chine d'un point de vue économique ou géopolitique.
La présidente : Je songeais au fait que, dans le cas de l'AECG, les choses s'étaient accélérées à l'initiative du Canada. C'était une stratégie pour obtenir l'accord commercial. Nous savions qu'il y avait aussi des négociations avec les États- Unis, mais c'était avant tout une initiative du Canada à laquelle répondait l'Europe. On pourrait dire que les Européens avaient déjà entrepris des discussions, mais, quoi qu'il en soit, l'Europe et le Canada étaient en quelque sorte sur un pied d'égalité.
Dans le cas du PTP, la participation du Canada ne faisait pas l'unanimité dans tous les domaines, et il y a eu beaucoup de débats politiques. Dans le dossier de la propriété intellectuelle, si vous deviez vous prononcer d'un point de vue personnel et non politique, diriez-vous que le Canada a réussi à faire valoir ses attentes auprès de ses partenaires et qu'il a su se positionner avantageusement à la table de négociations?
M. Schaan : Je crois que le Canada a joué un rôle crucial dans les négociations des dispositions de l'accord du PTP sur la propriété intellectuelle. Vous me demandez si nous avons réussi à faire connaître nos attentes. Le Canada s'est certainement démarqué par son unique régime d'avis, qui a été préservé dans le texte de l'accord. D'autres idées typiquement canadiennes ont été adoptées simplement parce que nous avons été capables de démontrer très clairement comment nous sommes parvenus à créer un régime de propriété intellectuelle solide et mature qui respecte les normes internationales tout en demeurant adapté à notre économie et à notre marché.
Au risque d'être trop élogieux à l'égard de mes collègues, je dois dire que ceux qui ont participé aux négociations dans le cadre du PTP ont su faire valoir leur expertise et leur savoir très pointus d'une manière hautement sophistiquée. Comme je l'ai mentionné, je reviens des États-Unis, où j'ai vu plusieurs de nos homologues qui étaient présents à la ronde de négociation, et ils se souviennent très bien de nous. Nous avons été pour eux des partenaires sérieux, voire redoutables, dans la recherche d'un terrain d'entente acceptable pour tous.
La présidente : Vous dites que le Canada devra faire deux changements majeurs en matière de propriété intellectuelle, et que l'un d'eux concerne le régime relatif aux indications géographiques. Je vais peut-être vous sembler mal informée ou ignorante, mais pouvez-vous m'expliquer ce qu'on entend par « indications géographiques »?
M. Schaan : Ce sont des indications telles que « champagne », « feta » ou « provolone », pour donner quelques exemples bien connus. Ce sont des dénominations qui garantissent la qualité ou la réputation d'un produit qui provient d'un endroit géographique en particulier.
Dans les négociations commerciales avec l'Union européenne, on a insisté, surtout du côté européen, pour protéger la dénomination d'un certain nombre de produits qui jouissent d'une renommée particulière en raison de leur provenance géographique, comme le champagne ou le feta. Dans l'accord, nous avons convenu de reconnaître de nombreuses indications géographiques et de faire en sorte que le Canada dispose d'un système pour les protéger, notamment à la frontière, et pour garantir le respect des mesures.
La présidente : On connaît tous le champagne et le débat qui l'entoure depuis longtemps, mais la liste contient-elle de nouvelles indications géographiques?
M. Schaan : Plus d'une centaine de nouvelles indications géographiques feront leur entrée dans le régime d'indications géographiques du Canada dans le cadre de l'AECG.
M. Halucha : Dans le cas des vins et spiritueux, il y avait déjà une liste, mais les fromages et les viandes ont été ajoutés lors des négociations de l'AECG. Concrètement, ces indications sont la marque de commerce d'une région. Évidemment, les Européens attachent une très grande importance aux indications géographiques, car elles sont le gage que leurs produits seront correctement représentés sur les marchés mondiaux.
Lors des négociations de l'accord du PTP, notre seul critère était de préserver suffisamment de latitude pour pouvoir honorer les engagements que nous avions déjà pris dans le cadre de l'AECG. Nous avons dû obtenir une exemption pour pouvoir reconnaître les indications géographiques.
M. Schaan : J'aimerais faire une petite précision, car dans mon mémoire, on peut lire « huit ans d'exclusivité sur le marché », mais ce devrait être « huit ans de protection ». C'est également à l'AECG que l'on doit ce changement.
La présidente : Les autres changements concernent le régime de brevets pharmaceutiques. Est-ce que les produits pharmaceutiques comprennent également ceux à usage vétérinaire? Faut-il l'entendre au sens large?
M. Schaan : Oui, on vise à la fois les produits destinés aux humains et ceux destinés aux animaux.
La présidente : Cela soulève un aspect qui me préoccupe depuis longtemps, mais je ne veux pas prendre trop de temps. Il y a une interaction entre les deux, le bien-être des animaux et celui des humains se recoupent. Mais je voulais seulement savoir de quoi il était question ici, et je vous remercie de cette précision.
De toute évidence, il s'agit d'un domaine très complexe. Je suis enchantée des questions de mes collègues. Ils se sont bien renseignés, et je crois que la population sera bien servie par nos discussions et nos négociations.
Les renseignements que vous nous avez fournis nous seront grandement utiles tout au long de notre étude et je vous remercie pour votre temps et pour les documents que vous nous avez apportés. Si nous avons besoin de précisions ou de plus amples informations, nous communiquerons avec vous par écrit. Merci beaucoup d'être venus témoigner.
Je rappelle aux sénateurs que le second groupe de témoins ne comparaîtra pas aujourd'hui. Merci à tous, et à demain. La séance est levée.
(La séance est levée.)