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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 7 - Témoignages du 12 mai 2016


OTTAWA, le jeudi 12 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les faits nouveaux en matière de politique et d'économie en Argentine dans le cadre de leur répercussion possible sur les dynamiques régionale et globale, dont les politiques et intérêts du Canada, et d'autres sujets commexes, et pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Au cours de la première partie de la réunion, nous allons entendre les témoignages sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie en Argentine. Le comité a entendu plusieurs témoins dans le cadre de son étude, notamment des experts, des universitaires, des fonctionnaires du gouvernement canadien, des intervenants et l'ambassadeur de l'Argentine au Canada.

Au nom du comité, je suis heureuse d'accueillir par vidéoconférence des représentants de la Chambre de commerce Canada-Argentine à Buenos Aires. D'après ce que je comprends, nous devions entendre quatre représentants, et je vois quatre cartons, mais seulement trois personnes. Néanmoins, je vois que vous êtes prêts à commencer.

J'invite le président de la Chambre de commerce, Miguel Morley, à présenter son exposé. Les autres membres pourront également prendre la parole. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.

Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Vous avez la parole.

Miguel Morley, président (chef de la direction, Agrium South Core), Chambre de commerce Argentine-Canada : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Je suis Miguel Morley, président de la Chambre de commerce et chef de la direction d'Agrium en Argentine.

Mes collègues présenteront une partie de l'exposé que je vous ai fait parvenir.

Essentiellement, nous allons parler de cinq points. Nous allons d'abord expliquer les activités de la Chambre de commerce. Nous allons ensuite parler des occasions d'investissement étranger et, de façon particulière, de l'investissement canadien à l'étranger.

Nous allons également commenter la façon dont d'autres pays ont su tirer profit des possibilités offertes en Argentine. De plus, mon collègue est expert en économie et a beaucoup d'expérience en politique; il parlera du processus de changement en cours en Argentine.

Enfin, je présenterai le mot de la fin et nous consacrerons 30 minutes à vos questions.

Nous nous réjouissons de l'amélioration du milieu des affaires en Argentine et des changements positifs qui s'opèrent. D'autres mesures restent à prendre, mais jusqu'ici, tout va bien.

La présentation que je vous ai transmise a été préparée pour l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, l'ACPE, plus tôt cette année. J'ai participé à cette présentation. Nous tentons de raviver les relations entre l'Argentine et le Canada. Ces relations étaient jadis très étroites, tant sur le plan politique que sur le plan social. De notre point de vue, je dirais que l'Argentine a beaucoup de respect pour votre pays, pour votre organisation. Il est pour elle une source d'inspiration.

Nous croyons que les relations sont devenues plus froides au cours des dernières années, et que nous devons les raviver.

La mission de la Chambre de commerce est d'établir des relations bilatérales commerciales et avec les investisseurs, de même que de diriger et de promouvoir le commerce bilatéral, les investissements directs et les relations commerciales entre l'Argentine et le Canada. Nous comptons environ 100 membres dans tous les secteurs — agroentreprise, ressources naturelles, technologie, services juridiques et financiers, tourisme et autres. En 2017, nous célébrerons notre 40e anniversaire. La Chambre de commerce fonctionne dans les deux sens. C'est une chambre binationale; les ambassadeurs de chaque pays sont également présidents de la Chambre.

Nous organisons des activités de réseautages avec les cadres supérieurs du secteur public et du secteur privé, et nous favorisons l'engagement des membres du conseil à l'égard des questions d'intérêt. Nous offrons des services comme des occasions d'affaires, des études de marché et ainsi de suite. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'ambassade du Canada en Argentine et nous créons des alliances avec les chambres de commerce binationales et les établissements universitaires.

Je ne veux pas prendre trop de temps. Marcos va vous parler des occasions d'investissement en Argentine.

Marcos Sabelli, membre (directeur, YPF et vice-président, Profértil), Chambre de commerce Argentine-Canada : Je vais présenter un court exposé. Je suis vice-président de Profértil. YPF, une entreprise pétrolière et gazière de l'Argentine et Agrium, une entreprise canadienne de production d'engrais, forment une coentreprise. Nous produisons de l'urée. Notre usine a une capacité de production de 1,4 million de tonnes d'urée, ce qui correspond environ à la consommation du pays.

Je crois qu'il est intéressant de songer aux domaines d'investissement possibles pour les entreprises canadiennes en Argentine. Il est important de connaître les domaines où les entreprises canadiennes sont déjà établies en Argentine. Les entreprises canadiennes ont déjà une forte présence dans les secteurs de l'exploitation minière, des services miniers, du pétrole et du gaz. De plus, de nombreuses entreprises du secteur de l'agriculture et de l'alimentation travaillent en Argentine, notamment Agrium, McCain et Clearwater.

Dans l'ensemble, nous voyons trois secteurs d'activités dans lesquels pourraient investir les entreprises canadiennes, notamment le secteur minier, comme nous l'avons dit plus tôt. Nous avons d'abondantes ressources en or, en argent et en cuivre. Nous importons surtout l'or et l'argent bruts au Canada. Certaines grandes entreprises de ces secteurs travaillent déjà en Argentine, comme Barrick, Goldcorp et Lithium Americas. De nombreux grands joueurs sont déjà établis en Argentine.

Nous croyons que ces secteurs pourraient être développés et qu'il y a un grand avenir pour tous les services associés à l'industrie minière.

Selon ce que nous comprenons, le nouveau gouvernement souhaite investir dans les infrastructures. Nous avons besoin de nombreux investissements dans tout ce qui touche à la logistique : les routes, les chemins de fer et les ports. Les possibilités d'investissement sont grandes. Selon ce que nous comprenons, le gouvernement s'intéresse à ce genre d'investissements.

Le troisième domaine d'intérêt est à notre avis le pétrole et le gaz. Je travaille pour YPF, une société mixte dont 51 p. 100 appartiennent au gouvernement et 49 p. 100 sont sur le marché boursier, en Argentine et à New York. L'Argentine et le Canada ont en commun qu'ils ne misent pas seulement sur la production conventionnelle, mais aussi sur la production non conventionnelle. Cette production est peut-être différente et non conventionnelle, mais nous nous concentrons sur la production de gaz étanche et sécuritaire.

Selon l'administration de l'information des États-Unis, nous sommes la quatrième réserve de pétrole non conventionnel au monde et la deuxième réserve de gaz naturel. En tant qu'entreprise et en tant que pays, nous encourageons le développement non conventionnel. Nous avons trois grandes sociétés pétrolières, gazières et pétrochimiques à titre de partenaires en Argentine. Avec Chevron aux États-Unis, nous développons un réservoir d'huile non conventionnelle. Il s'agit d'un plus grand réservoir d'huile de schiste en dehors des États-Unis. C'est le champ de Loma Campana. En collaboration avec Dow Chemical, nous développons un champ d'huile de schiste qui présente de bonnes perspectives. PETRONAS a réalisé le premier projet pilote l'année dernière. Nous travaillons à un autre champ de pétrole avec l'entreprise nationale de la Malaisie.

Essentiellement, nous croyons qu'il s'agit des trois principaux domaines d'investissement pour les entreprises canadiennes.

Alfredo Vitaller, membre (président, DEPROMINSA — NGEx Resources), Chambre de commerce Argentine-Canada : Bonjour. Je suis le directeur général sud-américain de NGEx Resources, une petite société minière cotée à la Bourse de Toronto. J'aimerais vous parler des occasions d'affaires ou des occasions ratées.

Nous savons que les entreprises canadiennes et le gouvernement canadien ont leurs propres intérêts dans cette nouvelle Argentine, mais nous constatons que, contrairement à d'autres pays, ils ne prennent pas de mesures directes.

Par exemple, avec les États-Unis, la visite du président Obama a donné lieu à des accords bilatéraux sur la sécurité, la lutte contre la drogue et le crime, et l'investissement. De plus, à l'heure actuelle, les deux pays travaillent à rétablir le programme de visas pour les citoyens de l'Argentine. Nous croyons que ces initiatives montrent clairement la confiance des États-Unis en cette nouvelle ère politique en Argentine.

D'autres pays, comme la France, avec la visite du président Hollande et l'Italie, avec la visite du premier ministre Renzi, ont ouvert la porte aux négociations actuelles relatives à l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne.

Le Japon et la Corée s'intéressent également à l'Argentine et ont officiellement invité ses représentants à les visiter. À l'heure actuelle, une délégation argentine menée par notre vice-présidente est déjà sur place pour tenter de signer des accords et de trouver des pistes de collaboration.

D'après cette expérience, nous croyons qu'il serait bon d'accroître la participation des institutions du Canada. Nous croyons que les possibilités sont nombreuses pour les deux pays, et l'Argentine est prête à recevoir les investissements, les connaissances et l'expérience du Canada. Par exemple, comme l'a déjà dit Marcos — il y a trop de points —, le Canada pourrait transmettre ses connaissances technologiques à l'Argentine. De plus, l'énergie renouvelable, surtout l'énergie solaire et éolienne, est un très bon domaine. Il y a aussi l'énergie nucléaire.

De plus, nous croyons que le Canada peut aider l'Argentine et collaborer avec elle en matière d'éducation. Pensons aux ententes institutionnelles entre les deux gouvernements et entre les universités. En matière de recherche et développement, l'Argentine compte de très bons chercheurs, mais ils n'ont parfois pas les installations ou les possibilités nécessaires pour développer leurs idées. Nous croyons que le Canada pourrait faciliter les choses.

Nous croyons que l'Argentine est en très bonne position à l'heure actuelle, et elle travaille à améliorer la situation pour accueillir et créer des possibilités.

Je viens de présenter quelques exemples. Il y en a beaucoup d'autres. Nous croyons que le Canada devrait venir ici pour tenter de faire des affaires et de conclure des ententes avec l'Argentine.

M. Morley : Merci, Alfredo. Je crois que cela montre la façon dont nous percevons notre pays, du point de vue des affaires, à l'échelle locale. La question que vous vous posez sûrement est : est-ce que ces changements sont réels? Sont- ils durables? Quelle est la probabilité que les politiques et l'économie continuent de s'améliorer?

Je crois que Marcelo est le mieux placé pour en parler et faire la lumière sur ce sujet.

Marcelo Elizondo, membre (fondateur et directeur général, DNI), Chambre de commerce Argentine-Canada : Bonjour. Je m'appelle Marcelo Elizondo, et je travaille pour le cabinet d'avocats AMF, à Buenos Aires. J'offre essentiellement des services de gestion du milieu économique pour les entreprises de l'Argentine.

La question qu'on se pose est la suivante : est-ce bien réel? Comme vous le savez, pour les entreprises étrangères en Argentine, il y a eu beaucoup de changements au cours des quatre derniers mois en ce qui a trait à la réglementation, à l'élimination de la taxe à l'exportation, et à la réduction de la réglementation des exportations et des importations en Argentine. L'Argentine a dû s'adapter rapidement à certaines exigences de l'OMC, parce qu'elle fonctionnait selon un système protectionniste depuis des années.

L'Argentine a normalisé les taux de change et la réglementation des devises étrangères. Donc, en premier lieu, on a apporté des changements rapides pour normaliser l'environnement pour les entreprises étrangères en Argentine : l'exportation, l'importation, et aussi pour les investisseurs étrangers qui viennent en Argentine.

Il y a bien sûr de nombreux défis comme l'inflation, la situation financière et les faibles taux d'investissement qui devraient être réglés dans un avenir rapproché.

Pour savoir si tout cela est bien réel, je crois qu'il faut comprendre trois ou quatre points importants. À mon avis, les changements auxquels nous sommes confrontés nous placent dans une situation unique. À mon avis, cette fois-ci, c'est la bonne, et pour diverses raisons.

Tout d'abord, la nouvelle administration met en place une équipe très professionnelle qui travaillera dans l'administration publique, l'administration fédérale. Pour la première fois, l'Argentine établit un gouvernement composé de personnes très professionnelles qui tentent de mettre en place des changements structuraux, plutôt que des changements superficiels.

Deuxièmement, l'opinion publique a grandement changé en Argentine. Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'un nouveau chef providentiel qui promet quelque chose puis, une fois au pouvoir, change les politiques. Cette fois-ci, c'est la société qui a décidé de changer, et le populisme a perdu les dernières élections. Le changement n'est donc pas seulement passé par un nouveau chef, mais c'est la société qui a changé, qui a appris et qui appuie maintenant une nouvelle administration plus rationnelle et plus moderne.

Troisièmement, ce n'est pas seulement le nouveau président; ce n'est pas seulement Macri. Il y a une nouvelle génération de politiciens en Argentine. Il y a de nouveaux leaders dans l'opposition qui appuient les changements également. Le meilleur exemple est ce qui s'est passé avec la solution à la dette publique, la dette publique étrangère et le problème des « récalcitrants » à New York il y a quelques semaines. Comme la plupart d'entre vous le savent, la dette publique, et particulièrement la dette publique étrangère, était un problème en Argentine et était au cœur des discussions.

Pour la première fois, les dirigeants ont écouté et l'opposition a décidé d'approuver au Congrès une solution pour régler le problème : payer et normaliser la situation. C'est tout à fait nouveau. C'est l'exemple d'un nouveau consensus entre la bureaucratie et l'opposition en vue d'orienter l'Argentine vers de nouvelles politiques modernes et rationnelles.

Il y a bien sûr de nombreux problèmes, comme l'inflation, la situation financière, les taux d'investissement et certains règlements, qui seront réglés dans un avenir rapproché, mais je crois que les changements auxquels nous sommes confrontés sont différents de ce que le pays a connu dans le passé. Cette fois-ci, c'est bien réel.

M. Morley : Je n'ai qu'une question à vous poser, Marcelo : de quelle façon, selon vous, la situation du Brésil aura-t- elle une incidence sur nous à court ou moyen terme?

M. Elizondo : À court terme, l'incidence sera énorme. Le Brésil est notre principal pays d'exportation. Pour vous fournir des chiffres, il y a trois ou quatre ans, le taux d'exportation vers le Brésil était de 23 p. 100. L'année dernière, ce taux a diminué à 17 p. 100 et cette année, il est passé à 15 p. 100.

La réponse est donc que cela a une incidence énorme sur le commerce international, surtout sur l'exportation.

De plus, le Brésil subit d'importants changements politiques et je crois que ce qui se passe en Argentine pourrait se produire au Brésil dans un avenir rapproché, avec la nouvelle génération. Le Mercosur représente un important défi pour l'Argentine et le Brésil. Il faut modifier le Mercosur pour permettre des accords plus modernes et établir des liens avec l'Union européenne et l'Alliance du Pacifique.

Hier, une réunion très importante a eu lieu entre le Mercosur et l'Union européenne au sujet des négociations relatives à un accord de libre-échange. C'est un exemple de changements qui pourraient s'opérer au Brésil, en dehors de la crise politique.

M. Morley : Pour clore notre exposé, je tiens à vous remercier de l'invitation. De plus, je souligne la grande synergie qui s'opère dans nos deux pays : des processus similaires et d'importants changements de gouvernement, et de nouveaux chefs qui semblent avoir des objectifs communs dans de nombreux domaines comme la transparence, la diversité, les changements climatiques et plusieurs autres.

Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion importante de créer une alliance, étant donné la façon dont le gouvernement progresse, et de raviver la relation entre nos deux pays.

Sur ce, nous vous remercions et sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente : Messieurs, nous vous remercions de vos exposés. Vous avez déjà répondu à certaines de nos questions. Nous vous en remercions, car cela nous permet de gagner du temps.

J'ai une liste des sénateurs qui souhaiteraient poser des questions, à commencer par la sénatrice Johnson.

La sénatrice Johnson : Bonjour messieurs. Je vous souhaite la bienvenue au comité. Comme celles du Canada, nombre des industries de l'Argentine sont dans le domaine des ressources naturelles. Ma question est en deux volets.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des politiques et pratiques de développement durable de l'Argentine, et est-ce que le gouvernement et l'industrie en font assez pour protéger l'air, l'eau et la terre?

Bien que le gouvernement et ses représentants doivent composer avec de grands enjeux économiques comme le taux d'inflation élevé et la stimulation du commerce, est-ce que le besoin de réduire les gaz à effet de serre est généralement reconnu?

M. Morley : Oui, les ressources naturelles sont aussi notre force. Je crois qu'il y a eu beaucoup d'améliorations en matière de protection de l'environnement, et qu'on en fait encore beaucoup. Toutefois, bien sûr, dans un régime centralisé, certaines choses passent et d'autres non; les décisions discrétionnaires sont nombreuses.

Le nouveau gouvernement et le nouveau système gouvernemental auront tendance à normaliser les choses, à les rendre plus équitables. Je crois que la population, la société en général, est beaucoup plus sensible aux questions environnementales et demande une réglementation plus stricte à cet égard.

Je dois dire que, d'un point de vue social, lorsqu'on est en période de questionnement, les gens n'ont pas tout à fait confiance en la capacité du gouvernement de réglementer les questions environnementales, et cela peut entraîner des émeutes ou de l'activisme contre le gouvernement. Je crois qu'on peut faire mieux.

M. Sabelli : Je vais me concentrer sur le secteur pétrolier et gazier. En Argentine, les principales sociétés qui produisent du pétrole et du gaz sont des sociétés internationales, et la plupart d'entre elles sont inscrites à plusieurs bourses, comme celles de New York et de l'Europe.

Il y a les gens de Shell, de Chevron, de Total, des partenaires de longue date qui travaillent en Argentine. Nous respectons les mêmes normes que les sociétés pétrolières et gazières internationales ailleurs dans le monde.

M. Elizondo : J'aimerais ajouter quelque chose au sujet des taux d'inflation dont vous avez parlé, ou de la situation macroéconomique en Argentine, comme je l'appelle. La nouvelle administration a présenté un programme pour réduire le déficit financier en trois ans. Ce déficit, qui s'élevait à 7,5 p. 100 du PIB l'année dernière, était la principale cause de l'augmentation des taux d'inflation que nous avons connue.

Cette année, la première grande mesure consiste à mettre en œuvre un programme visant à réduire les subventions pour les services publics. Environ 80 p. 100 du déficit financier s'explique par ces subventions, qui visent essentiellement l'électricité, les services gaziers nationaux et d'autres services publics.

Ce programme a été lancé et est actuellement mis en œuvre. Selon le gouvernement, il faudra trois ans pour éliminer le déficit.

Le deuxième point important est que l'Argentine a rétabli une banque centrale autonome et indépendante. C'est très important. Jusqu'à l'année dernière, la banque centrale relevait du ministère de l'Économie, et cela a contribué à l'augmentation des taux d'inflation. Aujourd'hui, nous avons un nouveau modèle et une banque centrale tout à fait indépendante et autonome. Dans les faits, le ministère de l'Économie et le président de la banque centrale sont en pourparlers parce que la banque centrale a augmenté sa taxe pour tenter de réduire l'inflation.

À mon avis, il s'agit d'un programme très sérieux et cohérent visant à réduire le déficit financier, qui constitue le principal problème macroéconomique auquel l'Argentine est confrontée. Le déficit financier et les taux d'inflation sont nos deux principaux problèmes à l'heure actuelle.

La sénatrice Johnson : Qu'en est-il de la réduction des gaz à effet de serre? J'en ai parlé dans ma première question. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Morley : Le président a exprimé sa position à ce sujet et je crois qu'il appuie la réduction des gaz à effet de serre.

La sénatrice Johnson : Une dernière question, messieurs. Dans quels secteurs du Canada et de l'Argentine voyez- vous un potentiel d'accroissement des échanges bilatéraux?

M. Elizondo : Je pense à certains domaines communs comme l'exploitation minière et la production énergétique. De plus, je crois que la meilleure façon d'accroître les relations commerciales bilatérales consiste à promouvoir les investissements. Par la suite, ces investissements devraient contribuer aux échanges commerciaux.

Une des stratégies que tente de mettre en œuvre l'Argentine consiste à accroître la part de ses exportations dans les chaînes de valeur internationales. La participation de l'Argentine aux chaînes de valeur internationales est très faible. Comme l'explique l'OMC, environ 80 p. 100 des exportations du monde passent par ces chaînes de valeur internationales.

L'Argentine tente donc de promouvoir les investissements étrangers, d'attirer les grandes sociétés internationales ou les multinationales pour établir des relations commerciales. Je crois que les secteurs de l'énergie, des produits alimentaires et des boissons ou même des services pourraient contribuer à cette stratégie.

La sénatrice Ataullahjan : Bonjour, messieurs. Comme vous le savez, nous réalisons une étude continue et nous avons entendu de nombreux témoins. Certains témoins nous ont mis en garde au sujet des relations avec l'Argentine, étant donné ses antécédents d'agitation sociale. Certains témoins sont allés jusqu'à dire que le plus grand handicap de l'Argentine était sa gouvernance. D'autres ont dit que l'Argentine devrait être une priorité pour le Canada.

Selon vous, par où devrions-nous commencer pour renforcer les relations entre l'Argentine et le Canada?

M. Morley : Il ne fait aucun doute que nous méritons notre réputation. Nous sommes conscients que notre histoire ne nous a pas aidés, surtout ces dernières années. Toutefois, j'estime qu'il s'agit d'une démocratie relativement nouvelle. Nous avons choisi, appuyé et même subi d'autres types de gouvernance dans le passé qui cherchaient à apporter des modifications rapides et magiques à nos programmes, parfois pour des raisons économiques, et d'autres fois pour des motifs de sécurité.

À l'heure actuelle, les gens ont élu un gouvernement qui favorise un changement graduel et sain sur le plan institutionnel. Je pense que les gens souhaitent de toute évidence résoudre certains problèmes, y compris la corruption qui a miné l'Argentine.

Encore une fois, vous devez faire preuve de prudence. Je ne dis pas qu'il n'y a absolument aucun risque, mais la situation laisse entendre que cette fois-ci est la bonne, comme Marcelo l'a mentionné.

M. Elizondo : Il ne faut pas oublier qu'il s'agit cette fois-ci d'un gouvernement minoritaire, et que l'administration n'est pas majoritaire au Congrès. Il est très important de travailler non seulement avec l'administration fédérale, mais aussi avec certains gouvernements provinciaux, qui sont pour la plupart dirigés par des partis de l'opposition. Nous sommes au milieu d'une nouvelle scène politique qui est le fruit d'une diversité politique.

Comme vous le savez, nous avons une administration fédérale au même titre que le Canada, et elle compte 24 provinces. Chacune élit les gouverneurs, qui appartiennent actuellement à six partis différents en Argentine.

Pour établir des relations profondes et faire consensus à propos des relations économiques, des investissements et du commerce, je pense qu'il est très important de travailler non seulement avec le gouvernement fédéral — même s'il s'agit bien sûr de la première étape —, mais aussi avec certains gouvernements provinciaux, qui pourraient contribuer à créer une relation plus structurelle.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Vos commentaires ont été des plus utiles en ce qui a trait au commerce et aux affaires entre l'Argentine et le Canada. Je viens de la côte Est du Canada, et j'ai trouvé intéressant d'apprendre que McCain et Clearwater sont en Argentine.

J'ai lu que la Banque mondiale classe l'Argentine au 121e rang sur le plan de la facilité de faire des affaires. Voilà qui complique les choses quand vient le temps de mettre des entreprises de l'avant.

Quelles mesures l'Argentine doit-elle prendre pour redonner confiance aux entreprises qui souhaitent venir en Argentine, et pour attirer les investissements?

Monsieur Morley, je sais que vous avez dit tout à l'heure de faire preuve de prudence, ce qui est probablement une bonne chose, mais c'est ce qu'il faut faire d'une part. D'autre part, comment inciterez-vous les entreprises à échanger avec l'Argentine quand la Banque mondiale lui donne un tel rang dans ce classement qui a été publié tout récemment en 2016?

Il faut donc faire preuve de prudence, mais cela dit, quelles mesures prenez-vous pour attirer les investissements?

M. Morley : Il est vrai que l'Argentine est un endroit où il n'est pas facile de faire des affaires, mais la situation va s'améliorer. Le gouvernement s'attaque à la question et s'efforce de faciliter les affaires à l'avenir. Quant aux mises en garde, il y en a plusieurs. Évidemment, une organisation qui arrive en Argentine dans le but d'investir ou à la recherche d'occasions obtiendra un solide appui du gouvernement et des organismes gouvernementaux, qui seront prêts à résoudre les problèmes qu'elle pourrait rencontrer.

Mais dans certains cas — et je ne dis pas que c'est toujours ainsi —, il peut être utile d'avoir un partenaire local, surtout dans le secteur minier. C'est très courant chez les entreprises situées en provinces.

Il n'y a pas de solution miracle. De nombreuses mesures peuvent être prises. La chambre est évidemment prête à aider les investisseurs étrangers ou canadiens. J'avertis toujours les gens que faire des affaires en Argentine n'a rien à voir avec la situation au Canada. C'est une chose dont vous devez évidemment tenir compte. Cela ne signifie pas que c'est le pire endroit pour faire des affaires, mais c'est différent. La première étape est sans doute d'y aller progressivement et de trouver les bons partenaires d'affaires et de services.

M. Elizondo : J'aimerais ajouter quelque chose d'autre. C'est vrai que le rang que la Banque mondiale a accordé à l'Argentine dans son classement est mauvais, mais son évaluation est basée sur le passé récent de l'Argentine. Elle a mesuré les données de l'année dernière ou de l'année précédente, c'est-à-dire de la période qui a précédé la mise en œuvre des changements apportés récemment.

La nouvelle administration s'efforce de régler certains problèmes soulevés dans l'analyse de la Banque mondiale. Par exemple, c'était très compliqué d'exporter en Argentine parce qu'il y avait des taxes à l'exportation. Ces taxes n'existent plus. Aussi, un exportateur devait demander des permissions à l'administration pour exporter ses produits. Ces exigences ont été abolies.

En outre, il y avait des taux de change différents qui compliquaient les choses pour les affaires internationales. La situation a été normalisée. Cette semaine, le gouvernement a présenté au Congrès un nouveau régime d'investissement et de création d'emplois pour les petites et moyennes entreprises. La nouvelle administration appuie ou institue beaucoup de nouveaux règlements.

Je n'aime pas faire de prévisions, mais à mon avis, l'Argentine obtiendra un meilleur classement dans un an ou deux.

M. Vitaller : J'aimerais ajouter une brève remarque. Je travaille dans le secteur minier. Pour vous donner un exemple de ce que Marcelo a dit, cinq différentes entreprises ou petites mines d'Argentine et une grande mine envisageaient de mettre fin à leurs activités au cours de la prochaine année. Grâce à la suppression de la taxe à l'exportation, elles ont prolongé la vie de la mine de deux ans, ce qui a aidé à conserver le travail. Ces entreprises verseront des taxes de 1,3 milliard de dollars au gouvernement dans les deux prochaines années.

Tous les projets environnementaux et politiques auxquels le gouvernement travaille améliorent la situation pour les entreprises. Toutes ces mines sont exploitées pour des sociétés internationales, dont certaines sont canadiennes.

M. Morley : Je ne me rappelle pas si nous l'avons mentionné, mais jusqu'à décembre 2015, nous n'avions pas le droit de renvoyer de dividendes aux bureaux de notre pays d'origine. Ces barrières ont été abolies; aujourd'hui, les entreprises sont libres de renvoyer des dividendes chez elles.

La sénatrice Cordy : D'autres témoins nous ont parlé de...

La présidente : Sénatrice Cordy, le sénateur Rivard a dit qu'il avait une question supplémentaire. Vous permettez?

La sénatrice Cordy : La mienne est aussi supplémentaire. Peut-être que nous pouvons les poser en même temps.

D'autres témoins nous ont parlé de l'importance d'avoir un partenaire local, car ces gens comprennent mieux le milieu des affaires, la culture, les usages et tout le reste. J'aimerais juste savoir si votre Chambre de commerce travaille avec les sociétés canadiennes pour les aider à trouver un partenaire local.

Sénateur Rivard, voulez-vous poser votre question supplémentaire?

M. Morley : Oui, nous aidons à trouver des partenaires. Nous comptons beaucoup de membres argentins qui travaillent en ce sens, des gens comme Marcelo. Il est conseiller en économie et en finance, et il peut aider les entreprises étrangères.

[Français]

Le sénateur Rivard : Nous sommes heureux d'apprendre que la situation économique s'améliore et que le gouvernement a mis en place des mécanismes permettant de réduire l'inflation et d'aider les gens à reprendre le travail. Le fait que le gouvernement et l'opposition s'entendent pour faire avancer les choses est un signe positif, et il est surprenant de constater que l'importante mise à pied de plusieurs milliers de fonctionnaires, laquelle a mené à des manifestations dans tous les pays, ait permis de contribuer à réduire le déficit.

D'autres témoins nous avaient informés, il y a quelques mois, que le pays avait commencé à éliminer des taxes sur les produits que vous exportez. Nous leur avions répondu que presque tous les pays, lorsqu'ils exportent des produits, n'imposent pas de taxes, parce que cela constitue un frein à la compétitivité.

Monsieur vient de nous dire que toutes les taxes à l'exportation ont été éliminées. Doit-on comprendre qu'il y a encore beaucoup de produits, comme les vins, qui sont taxés avant leur exportation?

[Traduction]

M. Morley : La plupart des taxes à l'exportation ont été éliminées. Dans le cas de l'agriculture, le seul produit qui est encore sujet à une taxe à l'exportation est le soja. Le gouvernement a annoncé publiquement qu'il la réduira petit à petit, mais qu'il n'a pas les moyens de l'éliminer sur-le-champ. Il a supprimé les taxes sur le blé, le maïs et d'autres produits agricoles. La taxe à l'exportation sur le soja a été réduite de 5 p. 100, mais elle s'élève encore à 30 p. 100.

M. Elizondo : Et c'est le seul produit frappé de taxes à l'exportation. Les autres taxes à l'exportation, y compris celles sur les produits industriels, qui existaient depuis toujours, ont été éliminées.

Le sénateur Oh : Selon la Banque mondiale, en 1913, l'Argentine arrivait au 110e rang des pays les plus riches du monde. Plus de 100 ans plus tard, la Banque mondiale a abaissé le classement de l'Argentine au 115e rang comme lieu pour faire des affaires.

Le pays est aux prises avec les peurs que pourrait susciter la prochaine crise financière nationale : les taux d'intérêt en forte hausse, l'évasion fiscale, les transactions sur des marchés noirs à l'échelle nationale et l'agitation sociale généralisée.

Pouvez-vous, messieurs, nous donner les perspectives économiques et politiques à court, moyen et long termes pour l'Argentine?

M. Morley : Nous en sommes conscients et nous sommes légèrement gênés par notre évolution depuis un siècle. Je pense que des erreurs successives ont été commises, probablement depuis le début des années 1900 ou dans les années 1920.

Beaucoup de choses expliquent l'évolution de la situation. Je pense qu'il y a des principes bien ancrés sur le populisme et une façon de distribuer la richesse qui est plus idéaliste que pratique.

Des erreurs politiques ont été commises au fil des ans. Il y a eu, notamment, les régimes militaires successifs qui arrivaient et mettaient fin aux gouvernements démocratiques. Je pense que nous avons aussi fait des choses pour camoufler des erreurs et nous avons même été en guerre avec l'une des plus puissantes armées du monde.

Des erreurs ont été commises au cours de notre histoire, mais je pense que la population commence à mieux comprendre. L'erreur qui persiste probablement en ce moment — ou celle à laquelle il faut remédier rapidement et qui, probablement, constitue aussi un problème dans certains des pays voisins —, c'est la corruption et la nécessité de nous assurer de comprendre à quoi servent les gouvernements.

J'aimerais que mes collègues ici ajoutent quelque chose à cela.

M. Elizondo : Je pense qu'il est vrai que la population de l'Argentine a souffert du populisme pendant de nombreuses années et que notre système démocratique n'a pas fonctionné aussi bien que nous l'aurions voulu. Je conviens comme Miguel que nous apprenons par l'expérience et je pense que les élections de l'année dernière en sont un bon exemple. Pour la première fois en 100 ans, un particulier, un homme d'affaires, a décidé de créer un parti politique et de se présenter pour la première fois comme candidat à la présidence, et il a été élu. L'Argentine avait toujours eu un système politique très fermé et traditionnel.

Ce qui est arrivé l'année dernière — un nouveau parti politique qui a créé une coalition et remporté les élections, promettant la normalité, des politiques rationnelles et gagnant les élections — c'est une nouveauté. Je pense que cela montre que l'Argentine est en train de changer en raison de certains changements opérés par cette société et parce qu'elle apprend.

En gros, le populisme a donné de mauvais résultats. Pendant de nombreuses années, lorsque les prix des produits de base étaient élevés dans le monde, il était possible, dans un système populiste, de financer les politiques mises en œuvre, grâce à l'argent qui entrait en Argentine en raison des prix internationaux, mais tout cela est terminé.

Depuis quatre ans, nous sommes accablés par l'inflation, des déficits budgétaires et le chômage. Le PIB n'a pas augmenté depuis quatre ans. La société en a tiré leçon et a dit : « Bon, le populisme ne fonctionne pas. » Je pense que, plus que le résultat d'élections politiques, c'est un changement qui s'opère dans la société.

Autre exemple : pour la première fois depuis bien des années, le système judiciaire fonctionne librement. Un grand nombre de gens accusés de corruption sont poursuivis et les choses se déroulent normalement.

Je pense qu'il se fait un apprentissage en ce qui a trait aux institutions, aux valeurs et au bon fonctionnement d'une démocratie. Finalement, nos erreurs nous ont permis d'apprendre. Cela a été difficile, mais le bon côté est que cela nous a permis d'apprendre.

Le sénateur Oh : Constatez-vous une augmentation des exportations du fait que votre monnaie a été fortement dévaluée?

M. Elizondo : Au cours des trois premiers mois de cette année, les exportations ont augmenté d'environ 3 p. 100. C'est très important, car notre principal client, le Brésil, qui traverse une grave crise en ce moment, laisse tomber nos exportations. Jusqu'à 20 p. 100 de nos exportations étaient destinées au Brésil. Maintenant, ce n'est que 15 p. 100 parce que nos exportations vers le Brésil chutent. Les exportations ailleurs dans le monde sont en hausse en raison de ce dont nous venons de parler : de nouveaux taux de change et la réduction ou l'élimination de taxes à l'exportation.

Si l'on exclut les répercussions de la situation au Brésil — notre principal partenaire qui traverse une grave crise — les exportations affichent une hausse d'environ 8 à 10 p. 100 en raison des prix. Le Brésil connaît des difficultés, ce qui fait que la moyenne globale est d'environ 3 p. 100.

D'après mon analyse, les exportations reviendront à peu près à la normale. Nous récupérerons la participation aux exportations régionales que nous avons perdues et l'Argentine profitera probablement des débouchés sur d'autres marchés maintenant que le Brésil traverse une grave crise. Je parle de débouchés en Asie, en Afrique du Nord ou même dans d'autres pays d'Amérique latine.

La sénatrice Poirier : Merci, Messieurs, pour votre présentation et vos observations. Je n'ai qu'une question.

D'après ce que je comprends, votre objectif est de faciliter le commerce entre nos deux pays. Vos projets, sont-ils principalement de nature commerciale et économique ou encouragez-vous aussi les échanges d'étudiants, les échanges culturels et des choses comme cela?

M. Morley : Nous abordons cela dans une large perspective. Par exemple, nous avons un organisme sans but lucratif, la Fundación RAP, qui partira en juin avec quelques politiciens. En gros, ces politiciens iront au Canada pour en apprendre, élargir leur compréhension et échanger sur les politiques gouvernementales et la façon dont le système fédéral fonctionne. Nous appuyons cela.

Nous faisons la promotion, comme nous l'avons fait à l'ACPE, des missions au Canada. Nous collaborons aussi très étroitement avec l'ambassade et le personnel de l'ambassade à Buenos Aires et avec les entreprises.

Nous abordons cela dans une large perspective. Nous travaillons dans ce que nous appelons des « groupes de travail ». Nous avons un groupe du secteur minier qui se réunit régulièrement et invite des conférenciers du Canada et d'autres pays et des conférenciers locaux. Nous avons un groupe du secteur de l'énergie qui travaille de la même façon. Nous avons un groupe spécialisé dans la responsabilité sociale d'entreprise, la fiscalité, le droit et les ressources humaines.

Nous favorisons une activité variée. Nous invitons des conférenciers aux réunions. Nous faisons la promotion de choses comme la fête du Canada et nous appuyons les ambassades ici.

Nous organisons une fête traditionnelle à la fin de l'année. En Argentine, vous pouvez le faire dehors parce que c'est l'été, contrairement à ce qu'il en est au Canada. Nous tenons habituellement une réunion à la résidence de l'ambassadeur et invitons des députés, des gouverneurs, des universitaires et des hommes d'affaires.

Nous intervenons de maintes façons. Il arrive que ce soit un peu désorganisé, mais nous sommes très enthousiastes. Laura, qui est directrice exécutive là-bas, fait très activement de la promotion.

La présidente : J'aimerais vous remercier tous de contribuer à notre étude. Notre temps est écoulé. Je sais qu'il y a d'autres questions. Nous aurons peut-être l'occasion d'aborder d'autres questions qui nous préoccupent dans nos efforts pour renforcer les liens entre le Canada et l'Argentine.

Nous suivons avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe en Argentine, mais aussi dans la région. Vous avez mentionné le Brésil à juste titre, mais il y a aussi le Venezuela, le Chili et tous les autres voisins. Nous tentons de situer les changements en Argentine dans le contexte de votre région et de voir comment le Canada peut maximiser et renforcer les relations avec notre région.

Je vous remercie tous de nous avoir fait part de votre point de vue.

À l'ouverture de la législature, nous nous sommes entendus pour convoquer les ministres responsables de la majeure partie du domaine que nous étudions et nous avons pensé qu'il serait utile d'examiner les mandats des ministres et d'entendre leurs objectifs et priorités et tout ce qu'ils souhaitent nous dire au sujet de leur portefeuille.

Madame la ministre, nous avons votre biographie. Nous connaissons votre parcours. Nous ne voulons donc pas commencer en les évoquant. Nous voulons passer directement aux questions à l'étude.

L'honorable Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international et de la Francophonie, est ici, avec nous, pour décrire son champ de responsabilité dans le domaine des relations étrangères dont le développement international est l'élément essentiel.

Madame la ministre, nous aimerions entendre votre déclaration préliminaire, mais nous aimerions aussi pouvoir poser des questions. Nous vous remercions de comparaître devant notre comité et aussi de votre indulgence, lorsque cette réunion a été déplacée plusieurs fois en raison du décès d'un collègue. En son souvenir, nous avons décidé de ne pas procéder la première fois que vous alliez comparaître. Je pense que vous étiez d'accord. Nous sommes heureux d'avoir enfin trouvé le temps de nous rencontrer.

Bienvenue au comité. Vous avez la parole pour faire vos déclarations préliminaires et présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent.

L'honorable Marie-Claude Bibeau, C.P., députée, ministre du Développement international et de la Francophonie : Je vous remercie beaucoup, madame. Je vais faire ma déclaration d'ouverture en franglais.

[Français]

Madame la présidente, membres du comité, je suis ravie de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de mon mandat en tant que ministre du Développement international et de la Francophonie. J'ai à mes côtés M. Vincent Rigby, sous- ministre adjoint de la politique stratégique à Affaires mondiales Canada. M. Rigby est aussi le sherpa du premier ministre dans le dossier du G20. Je vous présente également M. Arun Thangaraj, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Planification ministérielle, finances et technologies de l'information à Affaires mondiales Canada.

Avant d'aborder mon mandat, permettez-moi de vous expliquer brièvement dans quel contexte, comment et pourquoi nous fournissons de l'aide au développement et de l'aide humanitaire.

Les Canadiens s'attendent à ce que notre travail reflète nos valeurs, c'est-à-dire l'inclusion, la saine gouvernance, le respect des droits de la personne et la générosité. Notre aide au développement contribue à réduire la pauvreté, à favoriser l'épanouissement humain et à obtenir des résultats durables. Quant à notre aide humanitaire, elle sauve des vies et atténue les souffrances. Notre gouvernement s'est d'ailleurs engagé, dans le budget de 2016, à faire croître l'enveloppe que le Canada consacre à l'aide internationale. Il s'agit d'une excellente nouvelle.

Au cours des 30 dernières années, des progrès ont été réalisés dans les pays en développement. L'Éthiopie, par exemple, a réduit son taux de pauvreté de 35 p. 100 depuis 1996. Au Vietnam, plus de 90 p. 100 de la population a maintenant accès à de l'eau potable. En Amérique latine et dans les Caraïbes, des progrès considérables ont été accomplis au chapitre de la réduction de la pauvreté et de l'accès à l'éducation.

Le taux mondial de mortalité juvénile a été réduit de moitié et le nombre d'enfants souffrant de la faim et de la malnutrition a considérablement diminué. La fréquentation de l'école primaire, y compris chez les filles, a augmenté de façon remarquable. En effet, au cours de 20 dernières années, le nombre d'enfants inscrits à l'école primaire en Afrique subsaharienne a plus que doublé, passant de 62 à 149 millions.

Le progrès a toutefois été inégal. Les inégalités s'accentuent dans bon nombre de pays. Les conflits demeurent la plus grave menace au développement humain. À la fin de 2014, près de 60 millions de personnes avaient dû abandonner leur foyer. Il s'agit là du niveau le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans le cadre du seul conflit en Syrie, plus de 11 millions de personnes ont été déplacées.

Les changements climatiques ont aussi une incidence négative considérable sur l'accès à l'eau potable, les écosystèmes, les économies et les collectivités. Cela se traduit par des inondations plus fréquentes, comme celles survenues récemment au Pérou et au Bangladesh, et des sécheresses, comme celle que nous observons actuellement en Éthiopie. En outre, les problèmes d'approvisionnement en eau touchent tous les aspects du développement.

C'est donc dans ce nouveau contexte de développement international que nous menons nos activités. Le nouveau Programme de développement durable à l'horizon de 2030 et ses objectifs de développement durable contribueront à orienter les interventions mondiales et canadiennes. Le Canada est bien placé pour encourager la prise de mesures qui favorisent la réalisation de ce programme, qui est d'une importance vitale. Nous sommes déterminés à appuyer sa mise en œuvre au pays et à l'étranger. À titre d'exemple, nous sommes fiers de l'engagement qu'a pris le Canada en faveur du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme d'ici 2030. Le Canada s'engage à y verser 785 millions de dollars sur trois ans et accueillera la cinquième Conférence de reconstitution des ressources du fonds mondial. Je me prépare à collaborer avec les dirigeants mondiaux pour favoriser la réussite de cette initiative.

Permettez-moi maintenant d'aborder les priorités qui sont énoncées dans ma lettre de mandat. Le premier ministre m'a demandé, en ma qualité de ministre du Développement international et de la Francophonie, de diriger les efforts du Canada en vue de fournir une aide internationale pour réduire la pauvreté et les inégalités dans le monde.

Au cours des six derniers mois, j'ai eu l'occasion de voyager au Canada et à l'étranger pour rencontrer des collègues d'autres pays, des organisations internationales, des gens de la société civile et du secteur privé. Ces discussions m'ont permis de mieux comprendre les forces et les avantages comparatifs du Canada et les domaines que nous pouvons améliorer. Elles m'ont aidée à réfléchir à la manière dont je pourrais réaliser les priorités de ma lettre de mandat.

Cette année, ma priorité consiste à créer un nouveau cadre de politique et de financement pour l'aide internationale du Canada en collaboration avec les ministres des Affaires étrangères et des Finances. Je suis très heureuse de vous annoncer que je vais bientôt lancer l'étape des consultations publiques liées à cet examen. Parmi les éléments clés de l'initiative, nous chercherons à recueillir les points de vue des intervenants canadiens et internationaux.

Les Canadiens auront la chance de fournir leur point de vue par l'entremise de notre site web, par courriel ou par la poste, ainsi que dans le cadre de tables rondes qui seront tenues dans différentes régions du Canada. Bien entendu, j'accueillerai avec grand plaisir la contribution de votre comité.

[Traduction]

Dans cet examen, nous ne cherchons pas à réinventer la roue, mais plutôt à nous concentrer sur les avantages comparatifs du Canada pour la prestation de l'aide internationale. Plus particulièrement, mon mandat est de recentrer l'aide au développement consentie par le Canada sur l'aide aux personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, et sur le soutien aux États fragiles. J'ai déjà repéré plusieurs enjeux principaux qui, à mon avis, sont d'une importance capitale pour réaliser un développement durable et qui serviront de cadre à nos consultations pour l'examen.

Par-dessus tout, je tiens à faire en sorte que les femmes et les filles puissent être plus autonomes et à protéger leurs droits. Je crois que cela devrait être au cœur de nos activités d'aide internationale, y compris dans chacun des domaines prioritaires désignés.

Le premier domaine prioritaire est la santé et les droits des femmes et des enfants, qui, à notre avis, devraient être les principaux bénéficiaires de l'aide au développement consentie par le Canada. Nous examinerons comment le Canada peut maintenir son leadership international dans le domaine de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants tout en nous penchant, de manière plus générale, sur les droits des femmes et des filles.

Le gouvernement a adopté une approche plus globale qui reconnaît toute l'importance de la santé et des droits sexuels et génésiques pour en arriver à l'égalité homme-femme et à l'autonomie des femmes et des filles. Nous poursuivrons nos efforts pour lever les obstacles qui empêchent les filles de recevoir une éducation de qualité en toute sécurité. Nous croyons que les filles qui reçoivent une éducation aujourd'hui sont les femmes autonomes de demain.

Deuxièmement, tout comme nous le faisons ici, nous devrions soutenir la croissance de l'économie verte de même que l'atténuation des changements climatiques et l'adaptation à ces changements dans le monde. La croissance verte recèle un grand potentiel pour les pays en développement en ce qu'elle peut les aider à se protéger des effets déstabilisants des changements climatiques, mais aussi à créer des emplois et à mieux assurer leur subsistance. Pour aider les pays en développement à passer à une économie à faibles émissions de carbone et à s'adapter aux effets négatifs des changements climatiques, le Canada a récemment engagé la somme de 2,65 milliards de dollars dans la lutte contre les changements climatiques.

Le troisième domaine prioritaire est la gouvernance. Nous devons tirer parti des points forts et des valeurs du Canada pour promouvoir la gouvernance responsable et inclusive, le pluralisme pacifique, le respect de la diversité et des droits de la personne, y compris des droits des femmes et des réfugiés, dans le monde entier.

Quatrièmement, le Canada doit contribuer à la paix et à la sécurité mondiales. La fragilité, les conflits et la violence nuisent à la prospérité et au développement social et accroissent la pauvreté. À mesure que nous nous centrerons davantage sur les États fragiles, nous verrons comment nous pouvons le mieux appuyer les initiatives de paix et la prévention des conflits ainsi que les efforts de reconstruction après un conflit. Le Canada consacre déjà beaucoup d'argent à des pays fragilisés et touchés par des conflits et de la violence.

Le Canada doit aussi être un chef de file des interventions lors de crises humanitaires. À l'échelle mondiale, les besoins humanitaires ont quadruplé depuis 2005, en raison du fait que les conflits ont de plus en plus tendance à se prolonger et d'une augmentation des déplacements de populations et de la fréquence des catastrophes naturelles, comme les inondations et les tremblements de terre.

La stratégie du Canada concernant l'engagement en Irak, en Syrie, en Jordanie et au Liban comprend le versement de 1,1 milliard de dollars en trois ans en aide humanitaire et aide au développement dans le cadre d'une intervention pangouvernementale intégrée au Moyen-Orient. Cela comprend 840 millions de dollars en aide humanitaire pour fournir des services médicaux d'urgence, de l'eau, des abris, une protection, des services d'enseignement d'urgence et de la nourriture aux personnes les plus vulnérables touchées par les crises.

La stratégie prévoit aussi du soutien aux pays qui accueillent des réfugiés. Lors de mes voyages en Jordanie et au Liban, j'ai été témoin de la générosité des collectivités qui accueillent des réfugiés en grand nombre. Il est clair que l'arrivée massive de réfugiés dépasse leur capacité à fournir des services adéquats. Nous contribuons donc à accroître la capacité et la résilience de ces collectivités et pays.

Globalement, l'aide au développement officielle à elle seule ne suffit pas pour répondre à tous les besoins. Nous devons l'utiliser de manière novatrice pour dégager de nouvelles ressources financières pour les pays en développement, y compris par l'intermédiaire de partenariats publics-privés et de financement mixte.

[Français]

Mme Bibeau : Avant de terminer, j'aimerais parler brièvement des priorités du Canada au sein de la Francophonie. Ces priorités s'harmonisent bien avec nos objectifs d'aide internationale. Notre gouvernement continuera de promouvoir l'autonomisation des femmes et des filles, le pluralisme pacifique, la démocratie, les droits de la personne et la gouvernance inclusive et responsable au sein des pays francophones. Nous travaillerons pour consolider la mission économique de la Francophonie afin de réduire la pauvreté et d'appuyer une croissance inclusive et durable. Nous sommes impatients de collaborer avec tous nos partenaires pour assurer la réussite du Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en novembre prochain à Madagascar.

Enfin, permettez-moi de réaffirmer l'engagement de notre gouvernement à miser sur l'efficacité, la transparence et l'excellence des résultats en matière de développement, ainsi qu'à mobiliser les Canadiens, notamment les jeunes, en vue de renouveler notre cadre de politique et de financement en faveur de l'aide internationale. Je suis convaincue que nous collaborerons de façon soutenue avec votre comité et que nous entretiendrons une relation étroite et positive avec vous. Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente : Vous avez peut-être une tâche monumentale à votre poste, mais moi aussi. Plusieurs personnes veulent poser des questions en une très courte période. Je voulais mentionner que nous devrons avancer rondement jusqu'à la fin.

Le sénateur Dawson : Elle voulait que je ne parle pas trop longtemps, mais, comme il m'arrive de ne pas obéir à la présidente, je pourrais ne pas obtempérer.

D'abord, félicitations. Certains d'entre vous ne le savent peut-être pas, mais Mme Bibeau a travaillé à l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. C'est probablement la première fois qu'un ou une ministre connaît l'organisation de l'intérieur. Je veux donc la féliciter.

[Français]

La sénatrice Ataullahjan se joint à moi pour vous remercier et vous féliciter de l'entente que vous avez signée avec l'Union interparlementaire. Je suis un membre actif de l'Union interparlementaire depuis de nombreuses années. Votre entente avec cet organisme en faveur de la promotion des femmes au sein de la démocratie parlementaire partout dans le monde est une contribution qui ne passera pas inaperçue. Bon nombre d'entre nous croient que la diplomatie parlementaire a toujours donné des résultats encourageants. D'ailleurs, la francophonie politique de Madagascar est issue d'une francophonie parlementaire. Les pays francophones se rencontraient dans un contexte parlementaire avant de conclure une entente internationale à ce chapitre.

[Traduction]

Voilà ma brève introduction.

[Français]

Je suis allé en Haïti avec l'Union interparlementaire. Je crois que nous pouvons toujours accroître nos efforts en matière de microfinancement à l'échelle internationale. Chaque dollar investi — et ce sont les femmes dans le monde qui en profitent le plus — donne lieu à de grands résultats. Avez-vous l'intention d'axer vos efforts en ce sens?

Mme Bibeau : En fait, parmi nos priorités, je tiens à vous rappeler que notre principale priorité concerne tout ce qui touche à l'autonomisation des femmes et des filles. Selon moi, c'est un dispositif qui peut améliorer de façon importante la capacité et la contribution des femmes au développement économique de leur communauté.

Vous avez cité en exemple Haïti. Nous sommes en pleine révision des politiques et des pays. Sans vouloir tirer de conclusions, je crois que Haïti est un incontournable. C'est un pays qui demeurera au cœur de nos priorités pour diverses raisons, notamment parce qu'il répond à nos critères du point de vue de sa pauvreté et de sa précarité. Nous entretenons aussi une relation de longue date avec Haïti. Nous ciblons nos efforts en faveur du secteur agricole pour dynamiser une croissance économique verte et durable en lien avec les changements climatiques. Donc, ce dossier s'inscrit tout à fait dans nos priorités.

Le sénateur Dawson : La présidente a une liste exhaustive de questions. J'aimerais discuter plus longuement avec quelqu'un de votre entourage du microfinancement en Haïti.

Mme Bibeau : Avec plaisir.

Le sénateur Dawson : Je ne monopoliserai pas l'emploi du temps du comité.

[Traduction]

Madame la présidente, je me montre gentil, raisonnable et bref.

La présidente : Comme toujours. Je vais maintenant donner la parole à un autre sénateur.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé, madame la ministre.

Comme l'a mentionné le sénateur Dawson, lui et moi avons travaillé avec l'Union interparlementaire. Le Canada est l'un des pays qui, il y a quelques années, a rédigé un rapport sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants en tant que droit fondamental de la personne.

En consultant les statistiques, nous nous sommes rendu compte que les objectifs du Millénaire pour le développement pour lesquels on n'a pas atteint les cibles prévues étaient les OMD 4 et 5, qui concernaient les femmes et les enfants. Comme il est question des objectifs de développement durable, que pouvons-nous faire pour nous assurer que les femmes et les enfants ne seront pas encore une fois laissés pour compte?

Mme Bibeau : Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce sera ma grande priorité. Les femmes et les filles seront toujours au cœur des questions liées à la santé ou à l'éducation, à la croissance économique et à la bonne gouvernance.

En ce qui concerne plus particulièrement l'initiative sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, je crois qu'il s'agit d'un bon projet lancé il y a quelques années. Le Canada fait preuve d'un grand leadership, et je veux assurément continuer de miser là-dessus.

Nous avons déjà clairement indiqué que nous voulons faire davantage et fournir un plus grand éventail de services aux femmes sur le plan de la santé et de la protection de leurs droits. Nous sommes en train d'effectuer cet examen. Avant-hier, j'ai dirigé une table ronde à laquelle ont participé des organisations qui travaillent directement à des projets liés aux enjeux hommes-femmes et qui se spécialisent sur cette question.

Je suis impatiente de recevoir tous les commentaires et d'entendre les leçons apprises pour voir où nous excellons, ce que nous pouvons améliorer et ce que nous devrions cesser de faire parce que cela ne donne pas de bons résultats. Nous sommes déterminés à être efficaces et à trouver de bons indicateurs pour évaluer nos résultats et aller de l'avant.

Puisque j'en suis au début de l'examen — et je le dirai peut-être à plusieurs reprises aujourd'hui —, je serai heureuse d'obtenir tous vos commentaires. J'aimerais profiter de l'expérience du comité.

La sénatrice Ataullahjan : Madame la ministre, dans le cadre de notre travail, nous, les 167 pays membres de l'Union interparlementaire, avons rédigé un rapport auquel nous avons intégré un mécanisme de reddition de comptes. Nous pouvons nous reporter à ce rapport et parler aux pays dont les résultats laissent à désirer et qui ne connaissent pas d'améliorations.

Ce que nous constatons, au Canada, c'est que le taux de mortalité est supérieur parmi la population autochtone. Allons-nous nous pencher là-dessus? Chez les Autochtones, le taux est presque deux fois plus élevé par rapport aux non-Autochtones. Cela ressort constamment. Il serait bien que l'on se penche là-dessus également.

Mme Bibeau : Votre observation est très pertinente. Étant donné que mon mandat consiste à remettre l'accent sur les personnes les plus démunies et les plus vulnérables, votre commentaire et votre suggestion sont les bienvenus. Ce sera un critère tout au long de notre analyse.

[Français]

Le sénateur Ngo : Comme vous l'avez dit, les Canadiens s'attendent à ce que notre travail à l'étranger reflète nos valeurs, c'est-à-dire l'inclusion, la bonne gouvernance, le pluralisme, la primauté du droit et le respect des droits de la personne.

Vous n'êtes pas sans savoir que la situation des droits de la personne au Vietnam s'aggrave. Le parti communiste monopolise tout, cible publiquement les dissidents, et emprisonne de plus en plus de journalistes et de blogueurs. Les fermiers perdent leurs terres et le peuple n'a aucune liberté de rassemblement.

Le ministère des Affaires étrangères utilise l'indice de développement humain pour classer les pays qui s'approvisionnent au Canada. Cependant, cet indice ne tient pas compte des droits de la personne.

Ma question pour vous, madame, est la suivante. Comment mesurez-vous les droits de la personne? Comment allez- vous renforcer le critère des droits de la personne, tel que l'ordonne la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle? L'avez-vous soulevé dans votre présentation lorsque vous avez parlé de fournir l'aide au développement?

Mme Bibeau : À moins que mes collègues puissent expliquer clairement comment l'indice de développement humain est calculé, je ne suis pas en mesure de le faire maintenant. Je puis, par contre, vous assurer que la question des droits de la personne nous préoccupe beaucoup. Une discussion s'entame avec mes collègues, notamment des Affaires étrangères et du Commerce international, car il y a plus de 10 ans, si ce n'est 20 ans, que nous n'ayons mis en œuvre une politique des droits de la personne. La discussion ne fait que commencer, je vous l'avoue, mais nous avons l'intention de nous pencher sur ce dossier de façon très sérieuse à l'échelle interministérielle, et non pas uniquement dans le cadre du portefeuille de l'aide humanitaire et de l'aide au développement.

Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous parlez des principes humanitaires. C'est d'ailleurs un sujet dont je souhaite me faire la porte-parole, haut et fort, pour rappeler l'importance des principes humanitaires. Je crois que cette question a été tenue pour acquise, car je me rends compte que les gens ne connaissent pas les principes humanitaires et leurs enjeux. On m'a posé la question, récemment, à savoir pourquoi nos militaires ne protégeaient pas les travailleurs humanitaires. Cela vient illustrer l'importance de plaider, de défendre et d'être une voix forte à travers le monde face à ces enjeux.

[Traduction]

Vincent Rigby, sous-ministre adjoint, Politique stratégique, Affaires mondiales Canada : Nous utilisons une grande variété d'indices dont se servent les Nations Unies et d'autres organisations pour mesurer le respect des droits de la personne. Vous avez mentionné l'indice du développement humain, qui ne cible pas nécessairement les droits de la personne. Je reviendrai volontiers vous parler en détail des mesures, des indicateurs et des cibles que nous utilisons.

Dans le cadre du programme de résultats et de prestation d'aide du gouvernement, nous examinons comment nous définissons nos résultats, quelles mesures et quels indicateurs précis nous utiliserons pour mesurer ces résultats, et comment nous réalisons des progrès.

Nous accomplissons beaucoup de travail dans plusieurs de ces domaines actuellement, y compris les droits de la personne. C'est un travail continu. Nous tentons de perfectionner bon nombre de nos outils. Nous reviendrons volontiers vous parler plus en détail du perfectionnement de ces outils.

Le sénateur Ngo : Nous savons qu'au cours des 20 dernières années, le Canada a versé au Vietnam près de 800 millions de dollars, et il n'y a eu aucune reddition de comptes à cet égard. Comme vous le savez, au Vietnam, il n'y a pas de société civile indépendante; il n'y a même pas de système judiciaire indépendant.

Le Canada continuera-t-il à fournir au Vietnam une aide au développement? Dans l'affirmative, comment le plan relatif au programme de développement international du Canada permettra-t-il d'améliorer le piètre bilan du Vietnam en matière de droits de la personne?

Enfin, pouvez-vous nous assurer que le régime communiste ne reçoit aucune aide directe du Canada?

Mme Bibeau : J'ai eu l'occasion de visiter le Vietnam, au début de mon mandat. C'est d'ailleurs le premier pays que j'ai visité. Encore une fois, je ne veux pas émettre d'hypothèses au sujet des résultats, mais il me semble que le Vietnam répondra malheureusement aux critères des pays que nous comptons soutenir. La vulnérabilité sur le plan des changements climatiques s'ajoute malheureusement à la liste des critères auxquels répond le Vietnam.

Je suis très sensible à tout ce qui touche la reddition de comptes. Je sais que nous travaillons directement avec certains gouvernements, mais lorsque nous le faisons, c'est que nous sommes suffisamment sûrs qu'ils utilisent l'argent à bon escient. Nous fournissons de l'aide professionnelle afin d'assurer le suivi de nos fonds dans les différents projets et nous mettons en place les outils appropriés pour veiller à ce que l'argent soit utilisé à bon escient.

Ce que nous disons, c'est que nous voulons prendre des décisions fondées sur les faits. Il serait inapproprié que je commente de façon trop précise.

Je pense que M. Thangaraj peut ajouter quelque chose au sujet de la reddition de comptes.

Arun Thangaraj, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Planification ministérielle, finances et technologies de l'information, Affaires mondiales Canada : Les programmes que nous finançons au Vietnam ne font généralement pas partie d'une entente de gouvernement à gouvernement. Nous ne fournissons pas un soutien budgétaire direct au gouvernement du Vietnam, mais un soutien fondé sur les projets individuels. Quand nous finançons des projets au Vietnam, ou dans tout autre pays, nous avons un cadre solide de diligence raisonnable. Avant d'accepter l'investissement, nous nous demandons si le partenaire peut atteindre les résultats visés. Travaillons-nous avec un partenaire qui peut garantir ces résultats? Nous effectuons également des vérifications et de la surveillance.

Nous vérifions ensuite si l'investissement a été rentable, pour nous assurer que les fonds n'ont pas été détournés, et si nous avons atteint les résultats souhaités au moyen d'une évaluation rigoureuse qui sert de base à l'élaboration des futurs programmes. C'est l'approche structurée que nous adoptons pour nous assurer de l'utilisation appropriée des fonds dans tous nos programmes, y compris celui du Vietnam.

Le sénateur Ngo : Si c'est le cas, je voudrais soulever un point. Nous continuons de financer le système juridique et judiciaire au Vietnam. Nous savons que le système judiciaire est contrôlé par le Parti communiste. Pourquoi continuons-nous à financer ces projets, alors que nous savons déjà que cela ne sert à rien, puisque c'est le gouvernement ou le Parti communiste qui prend toutes les décisions?

M. Thangaraj : Je n'ai pas tous les détails au sujet des projets, mais je peux revenir et passer en revue avec vous, pour tout projet relatif au système judiciaire — que ce soit au Vietnam, en Ukraine ou dans un autre pays —, les résultats et les indicateurs que nous avons pour ces projets.

Mme Bibeau : Voulez-vous dire que nous ne devrions rien faire au Vietnam?

Le sénateur Ngo : Je vous demande de faire des choses, mais en prenant des mesures de reddition de comptes, car malgré l'argent que nous versons, nous ne voyons aucun résultat depuis 20 ans. Les problèmes liés aux droits de la personne persistent. La situation s'aggrave. Et vous venez de parler de la question de l'environnement.

Récemment, comme vous le savez, le Vietnam a connu une crise environnementale causée par l'entreprise Formosa. Tous les poissons de la région centrale du Vietnam sont morts. Au fond, le Vietnam n'a satisfait à aucun des critères, ces deux dernières années, et pourtant, nous continuons à lui fournir de l'aide. Nous faisons même venir des juges et des avocats pour leur donner une formation, même si nous savons qu'une fois de retour dans leur pays, ils ne pourront pas prendre de décisions judiciaires indépendantes dans les tribunaux. Pourquoi continuons-nous à le faire? C'est la question que je vous pose.

Mme Bibeau : Comme je vous l'ai dit, nous effectuons une évaluation des divers pays. Nous nous penchons sur la reddition de comptes, la rentabilité et la possibilité pour nous d'améliorer les choses dans ce pays. C'est une autre question, car malheureusement, nous n'avons pas suffisamment de ressources pour être présents partout. Nous allons donc clarifier ces critères.

L'un des critères consiste assurément à déterminer si nous pouvons ou non améliorer les choses. Vos commentaires sont les bienvenus. Nous pourrons peut-être parler plus longuement du Vietnam à d'autres occasions.

[Français]

Le sénateur Rivard : Vous avez répondu avec rigueur pour expliquer votre position en ce qui concerne l'aide internationale au Vietnam. J'aimerais aller un peu plus loin. Selon le document que j'ai sous les yeux, le Canada a investi près de 6 milliards de dollars en faveur de l'aide internationale. On voit ici, dans la liste, que tous les continents sont cités, à l'exception peut-être de l'Océanie, car il y a tout de même une ligne où il est inscrit « général ».

Lorsque nous offrons cette aide humanitaire internationale, c'est dans le cadre de projets dont nous sommes les maîtres d'œuvre. Sans nommer un pays en particulier, à titre d'exemple, il ne s'agit pas d'une subvention accordée à un pays d'Afrique dans le cadre de laquelle nous remettons 50 millions de dollars au gouvernement dont il peut disposer à sa guise. Il s'agit plutôt de projets ciblés qui sont confiés soit à des ONG ou à des entreprises canadiennes qui doivent effectuer un certain travail sous notre gouverne. Toute cette question sous-tend le fait que nous essayons d'enrayer la corruption qui est endémique dans ces pays.

Mme Bibeau : Nous en sommes tout à fait conscients. L'argent est distribué par différents canaux. Certaines contributions sont faites, d'année en année, à de grandes organisations ou à de grandes banques multilatérales. C'est donc l'un des volets. La façon d'en assurer le suivi et de participer aux orientations est de siéger au conseil d'administration de ces grandes organisations afin d'avoir voix au chapitre.

Il y a aussi toute la programmation bilatérale. Encore aujourd'hui, on retrouve 25 pays de concentration et 12 pays partenaires. Lorsqu'on parle de pays de concentration, ce sont ceux où nous menons un programme de développement et des actions bilatérales. Cependant, nous fonctionnons aussi au moyen de partenariats. Nous avons une autre façon de réaliser des projets dans le cadre du mécanisme des partenariats. Ainsi, nous recevons parfois des propositions.

Toutefois, je voudrais m'assurer de ne pas vous induire en erreur. Le partenariat peut sortir du volet des 25 pays de concentration, n'est-ce pas?

M. Thangaraj : Oui.

Mme Bibeau : Les projets bilatéraux sont vraiment centrés sur les pays de concentration. Par contre, dans le cadre de projets de partenariat, nous pouvons recevoir des demandes non sollicitées. Dans la mesure où le projet s'inscrit dans nos grandes orientations et où l'organisation est crédible, il est possible que nous sortions du volet des 25 pays de concentration. Lorsqu'on parle d'aide humanitaire, il s'agit d'un autre volet également.

Je dois vous avouer que cette question entraîne pour moi un dilemme important en ce moment, car il s'agit de trouver le meilleur équilibre entre nos contributions aux organisations multilatérales et les contributions que nous ferons de façon bilatérale ou en partenariat. Je n'ai pas eu l'occasion de vous le mentionner, mais je cherche à mobiliser de nouveau les Canadiens. Cela fait partie des questions que je me pose.

Effectivement, il s'agit toujours de projets où nous assurons un examen diligent, au préalable, de toutes les organisations auxquelles nous octroyons de l'agent. Nous effectuons des suivis pendant la durée du projet et après, à l'aide d'indicateurs de résultats. Nous voulons renforcer la notion de « livraisonlogie », et nous travaillons beaucoup sur cet aspect en ce moment.

Lorsque nous travaillons directement avec un gouvernement, nous suivons des mesures de contrôle de façon très rigoureuse. Par exemple, il peut s'agir d'un appui au ministère de l'Éducation pour structurer une saine gouvernance, tout en sortant de la corruption. Nous ciblons, par exemple, un secteur particulier afin de tenter justement de travailler de façon constructive et de faire en sorte que le gouvernement comprenne que la saine gouvernance est profitable pour tous.

Le sénateur Rivard : J'accepte votre réponse et j'en suis très satisfait. Nous contrôlons ni plus ni moins les projets. Toutefois, lorsqu'il arrive une catastrophe, comme celle qui s'est produite en Équateur, le Canada verse une somme d'argent — en général, je suppose que c'est à la Croix-Rouge, à OXFAM ou à UNICEF —, mais celle-ci est très rarement confiée au pays pour qu'il l'administre comme il le veut.

Je poserai une autre question sur la francophonie au deuxième tour, si nous en avons le temps.

[Traduction]

La présidente : Vous avez répondu en partie à la question du sénateur Rivard, mais je voulais que vous y répondiez de façon un peu plus détaillée. Il y a toujours un dilemme entre l'approche bilatérale, qui concerne plus d'ONG canadiennes, et l'approche multilatérale. Pour l'approche bilatérale, il s'agit de déterminer comment on répartit l'argent parmi les groupes, au Canada, qui veulent participer, puis comment on s'assure que l'argent est utilisé à bon escient.

L'autre question qui se pose, c'est comment nous pouvons nous retirer des projets. Dans le passé, nous avons dit vouloir aider la communauté locale durant trois ans, mais 10 ans plus tard, le projet est encore en cours et comprend encore un volet canadien.

Une approche multilatérale a été adoptée. Ainsi, il n'y a pas de dédoublement, notamment. Notre argent et la valeur du Canada sont alors perdus. La question est de savoir où le drapeau canadien apparaît, afin que nous obtenions notre juste part de reconnaissance et d'influence auprès des organisations multilatérales.

De plus, dans toute cette approche, il y a beaucoup de travail d'administration. Lorsqu'on a un projet, on fait une analyse préalable. On fait ensuite une autre analyse, et encore une autre. Au bout du compte, il y a plus de gens qui font plus de choses, mais ils occupent des postes administratifs, et rien ne semble avancer.

On a donc un système bureaucratique multilatéral et un système bureaucratique de l'ACDI, comme j'avais l'habitude de le dire. Comment sortir de cette impasse? J'espère que votre étude traitera réellement de la question de la reddition de comptes. Il s'agit de rendre des comptes aux personnes qui en ont besoin, pas aux couches de bureaucratie entre les deux. Comme j'ai eu moi-même à remplir un grand nombre de ces formulaires, vous comprendrez mon irritation à ce sujet.

Mme Bibeau : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous résumez très bien le problème auquel je suis confrontée actuellement. Je sais que vous avez également beaucoup d'expérience dans ce domaine.

J'ai peu de choses à dire. Vous avez tout dit. J'ignore combien de fois nous nous rencontrerons en un an, mais j'ai déjà hâte à notre prochaine rencontre; nous pourrons alors présenter les résultats de l'examen et j'aurai plus de réponses que de questions. Aujourd'hui, je profite de votre expérience.

La sénatrice Johnson : Merci beaucoup. Je vous félicite de vos nouvelles fonctions. J'espère qu'elles vous plaisent.

Je suis préoccupée par la question de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. L'ancien gouvernement a apporté d'importantes améliorations dans le monde grâce à son initiative, mais il reste beaucoup de questions à régler, dont quelques-unes concernant l'accès à des services de planification des naissances et d'avortement dans les cas de viol en temps de guerre. Pourriez-vous préciser ce que couvrira maintenant ce programme et nous dire si vous l'avez révisé sur le plan de ces services essentiels pour les femmes dans le besoin.

Mme Bibeau : Avant mon arrivée, le gouvernement s'était engagé à verser 3,5 milliards de dollars pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Si ce n'était pas déjà fait, 3,1 milliards de dollars étaient déjà prévus.

Nous avons informé les organisations qui ont déjà reçu les fonds qu'elles pouvaient — tout en respectant l'entente, le budget et les objectifs —, selon le contexte et si elles le jugeaient approprié, élargir la gamme de services de santé qu'elles offrent pour la santé et les droits des femmes.

Nous n'avons pas révisé le programme; nous avons seulement informé les organisations que les services et les dépenses qui y sont associées seraient admissibles.

Pour les autres, nous n'avons pas encore préparé l'appel de propositions. Nous ne voulons pas nécessairement précipiter les choses, mais plutôt bénéficier de l'expérience des organisations qui travaillent sur le terrain, qui connaissent le pays et qui peuvent faire des recommandations adaptées au contexte dans lequel elles fournissent ces services.

La sénatrice Johnson : Donc, vous réexaminez aussi ce programme? Les choses pourraient changer? Allez-vous élargir la portée du programme? Je pose la question, car ce n'est pas ce que le programme précédent prévoyait. Ce n'est pas ce que le gouvernement précédent avait prévu.

Mme Bibeau : Le programme était plutôt axé sur les accouchements sûrs.

Maintenant, l'objectif consiste à offrir une gamme complète de services, qui commence par l'éducation sexuelle des adolescents et qui se poursuit avec la planification familiale, la lutte contre les maladies transmissibles sexuellement, les accouchements sûrs et les avortements sûrs, s'il y a lieu.

La sénatrice Johnson : Donc, les gens qui travaillent sur le terrain auront une plus grande marge de manœuvre. C'est ce qui m'intéresse. Comme vous le savez, c'est très important pour les mères et les enfants, et il est aussi très important d'offrir des choix.

Madame la ministre, le mois dernier, lors d'une série de rencontres internationales qui ont eu lieu à Washington, votre ministère a annoncé l'octroi d'une somme de 75 millions de dollars pour l'aide étrangère. Pourriez-vous nous dire quelle est la ventilation de ce financement et quelles sont les mesures de contrôle qui ont été mises en place pour veiller à ce que les fonds aident bien les personnes visées?

Mme Bibeau : Pour être honnête, je ne m'en souviens pas parfaitement.

La sénatrice Johnson : Vous pourriez nous présenter ces chiffres par écrit.

La présidente : Nous vous saurions gré de bien vouloir nous fournir ces chiffres.

Mme Bibeau : Oui, bien sûr.

La sénatrice Cordy : Madame la ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Vos observations sont très intéressantes, et je suis convaincue que nous vous inviterons de nouveau.

Je pense que beaucoup de personnes présentes ici aujourd'hui ont eu l'occasion de voir le résultat de certaines mesures humanitaires prises par le Canada un peu partout dans le monde. Je suis allée en Mongolie, et j'ai pu voir les logements que le Canada a construits pour les élèves afin que ces derniers puissent vivre près de l'école pendant l'année scolaire, car dans ce pays, les gens se déplacent constamment. Nous avons ainsi pu offrir de la stabilité aux élèves qui poursuivent leur éducation. C'était formidable de voir les résultats de ce projet.

En Malaisie, j'ai pu constater que le Canada a parrainé divers projets destinés aux femmes en détresse. Donc, le Canada accomplit de grandes choses.

Je me réjouis que vous procédiez à cet examen, car rien n'est immuable. Les choses changent au sein des pays, et les priorités des gouvernements, au Canada et ailleurs, changent elles aussi.

Je me demande qui effectuera cet examen. Qui le dirige? Est-ce vous ou votre ministère, ou encore plusieurs ministères? Vous avez mentionné que vous avez récemment rencontré certains intervenants. Est-ce que c'est de cette façon que vous effectuerez l'examen, c'est-à-dire en rencontrant les intervenants et les représentants des organismes gouvernementaux? J'aimerais que vous nous donniez des précisions à ce sujet.

Allez-vous évaluer les besoins et déterminer quelles sont les mesures qui auront la plus grande incidence? Allez-vous vous fonder sur votre lettre de mandat, dont la sénatrice Johnson a parlé plus tôt, pour ce qui est des femmes, des enfants et du changement d'orientation dans ce domaine? Envisagerez-vous la possibilité de prendre des mesures plus efficaces et offrant un meilleur rapport qualité-prix, et tiendrez-vous compte des personnes les plus vulnérables?

J'allais vous poser une question sur la façon dont l'aide est offerte. Est-ce que cet aspect fera partie de votre examen? Compte tenu de la question qui a été posée plus tôt par le sénateur Ngo, j'aimerais savoir si l'aide est offerte aux ONG, pour veiller à ce que les sommes accordées par le Canada soient dépensées comme nous le souhaitons?

Mme Bibeau : Je vous remercie. Les consultations portent sur tous les aspects que vous avez mentionnés. J'ai organisé de nombreuses tables rondes qui portaient sur différents sujets, notamment sur les enjeux liés à l'aide humanitaire et à l'égalité entre les sexes. Lors de mes voyages, j'ai aussi rencontré mes homologues, les dirigeants de divers organismes et de diverses banques ainsi que des partenaires internationaux et multilatéraux.

Ma secrétaire parlementaire, Karina Gould, participe à bon nombre de ces réunions. Les fonctionnaires de notre ministère participent également aux consultations. Nous avons établi un partenariat entre les divers secteurs. Ainsi, Elissa Golberg dirige les discussions avec les partenaires, tandis que Vincent Rigby, lui, gère l'ensemble du processus. Quant à Arun, il s'occupera du cadre financier. Comme vous pouvez le constater, c'est véritablement un travail d'équipe.

Dans quelques jours, nous lancerons des consultations publiques. Sur le site web, il y aura des documents de travail comptant entre 15 et 20 pages, qui fourniront du contexte, des explications au sujet des cinq priorités dont j'ai parlé dans mon allocution d'ouverture et des questions. Nous inviterons les ONG canadiennes à utiliser les outils offerts sur notre site web pour organiser des consultations dans leur secteur. C'est une façon de faire participer les Canadiens.

Nous avons mentionné qu'il faut tenter d'établir un juste équilibre entre les organisations multilatérales et les organisations canadiennes, entre autres, mais j'aimerais que les Canadiens participent davantage. J'essaie de trouver la meilleure façon de les faire participer. J'ai hâte d'entendre ce qu'ils ont à dire. Je ne voudrais pas qu'on recommence à appuyer le financement de base, ni trop revenir en arrière, mais j'aimerais trouver une façon de les faire participer davantage à ce processus.

Nous avons entrepris une réflexion sur l'exécution des programmes et nous cherchons à obtenir les meilleurs résultats qui soient. Il nous faut aussi des données. Nous devons nous pencher là-dessus. J'ai bien hâte de voir ce que le Comité d'aide au développement de l'OCDE proposera.

[Français]

Ils sont en train de développer les indicateurs de résultats pour les objectifs de développement durable.

[Traduction]

J'ai hâte de voir ce qu'ils nous proposeront. Peut-être que nous ne nous contenterons pas seulement de réinventer la roue.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Rigby : Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que la ministre a dit. Je crois qu'elle a donné une réponse complète.

De toute évidence, il y aura de vastes consultations publiques, et beaucoup de travail sera effectué à l'interne. Nous ferons beaucoup d'analyses, qui seront fondées sur des preuves et sur des faits. Pour répondre à votre question, les analyses porteront sur les incidences au final et sur l'influence positive que le Canada peut exercer. La ministre a répété à maintes reprises la phrase suivante : « Quel est notre avantage comparatif dans ce cas? »

Il y a beaucoup d'acteurs internationaux et beaucoup de donateurs bilatéraux, des organisations internationales. Quel est le créneau du Canada, et dans quelles sphères pouvons-nous exercer une influence positive? Bien entendu, en ce qui concerne l'aide bilatérale que nous offrons, nous avons toujours examiné de très près les besoins et les incidences. Il est question ici de pays qui ont besoin d'aide, de pays qui sont vraiment pauvres et qui comptent beaucoup de populations vulnérables, mais aussi de leur capacité à recevoir l'aide et à veiller à ce qu'elle ait des incidences positives sur le terrain. Donc, nous examinerons tous ces aspects.

Comme la ministre l'a souvent dit, ce qui importe ici, ce sont les mesures que nous prendrons, c'est-à-dire ce que nous ferons pour donner suite aux priorités, mais aussi la façon dont nous nous y prendrons pour les mettre en œuvre. Il y a eu beaucoup de questions au sujet des mécanismes de prestation, de la façon dont nous travaillerons avec les partenaires et des mesures que nous pouvons prendre pour innover davantage, entre autres. Tous ces aspects feront partie intégrante de l'examen mené par la ministre.

Mme Bibeau : Si vous me le permettez, j'ai la réponse à votre question. À Washington, nous avons annoncé l'octroi de 75,4 millions de dollars.

[Français]

Je vais y aller en français. Il y avait 20 millions de dollars pour le Mécanisme de financement concessionnel de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord; 20 millions de dollars pour le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale; 2,4 millions de dollars en faveur de l'agriculture pour l'amélioration de la nutrition et de la santé; 2 millions de dollars consacrés au projet du Secrétariat du Mouvement de renforcement de la nutrition; 20 millions de dollars attribués à des projets régionaux de surveillance des maladies en Afrique de l'Ouest; et 11 millions de dollars octroyés au Programme d'autonomisation des femmes afghanes.

[Traduction]

Je vais aussi vous communiquer les détails.

[Français]

La sénatrice Poirier : J'avais deux questions, mais on vient tout juste de répondre à la deuxième, qui était la même que celle de ma collègue, la sénatrice Johnson. Donc, je n'ai qu'une seule question.

[Traduction]

Dans la lettre de mandat que vous avez reçue après avoir accepté le poste de ministre du Développement international et de la Francophonie, le premier ministre Trudeau indique qu'il s'attend à ce que vous meniez à bien certaines priorités. Une seule de ces priorités porte sur la Francophonie. La lettre indique que vous devez assurer le maintien de l'engagement solide et soutenu du Canada envers l'Organisation internationale de la Francophonie.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous entendez respecter cet engagement, étant donné qu'il n'est pas question de la Francophonie dans le budget de 2016?

[Français]

Mme Bibeau : Lorsque je suis arrivée, la francophonie se limitait, à l'intérieur du ministère, pour être bien honnête, à une contribution à l'Organisation internationale de la Francophonie, et je caricature à peine. À l'heure actuelle, nous sommes en train d'élaborer un plan d'action pour le dossier de la francophonie. J'aurai des demandes modestes et raisonnables à présenter au ministre des Finances et qui seront spécifiques à la francophonie, au-delà de cette contribution à l'Organisation internationale de la Francophonie.

Cette année, nous appuyons aussi le gouvernement de Madagascar dans le cadre de la préparation du sommet, mais il s'agit d'un effort très modeste en matière de stratégie pour la francophonie. Grâce au travail de développement international que nous faisons dans les pays francophones, nous faisons d'une pierre deux coups, mais j'ai l'ambition d'en faire davantage.

La sénatrice Poirier : Nous l'espérons. Merci.

[Traduction]

La présidente : Puis-je vous demander de préciser quelque chose? Nous savons que vous êtes responsable de la Francophonie. Êtes-vous aussi responsable du Commonwealth ou est-ce que ce dossier relève d'un autre ministre?

Mme Bibeau : Non, je suis responsable des deux dossiers.

La présidente : Comment vous y prendrez-vous pour établir un équilibre entre les pays anglophones et les pays francophones pour ce qui est des enjeux liés au développement, et non pour tous les autres enjeux propres aux deux organisations?

Mme Bibeau : J'appuie le Commonwealth au même titre que j'appuie l'Organisation internationale de la Francophonie en ce moment. Pour être honnête, j'ai l'intention d'élaborer une stratégie pour la Francophonie, mais je n'ai rien prévu de précis pour le moment pour le Commonwealth. Je vais être très honnête avec vous. Cela dit, je ne sais pas tout.

M. Thangaraj : Pour la Francophonie et le Commonwealth, par exemple, le ministère versera une quote-part. Nous appuierons aussi l'initiative pour les jeunes du Commonwealth et diverses autres activités afin d'évaluer les contributions du Commonwealth.

Pour ce qui est du développement, nous mettrons en œuvre diverses initiatives de concert avec les pays de la Francophonie ou du Commonwealth. Ces initiatives viseront des projets spécifiques plutôt qu'une organisation en particulier. Par exemple, dans le cadre d'une initiative liée au Commonwealth, nous travaillerons avec d'autres pays, comme le Royaume-Uni, dans un pays du Commonwealth et nous y ferons une intervention précise ou ciblée.

La présidente : D'excellentes possibilités s'offriront à vous. Ce sont deux femmes qui dirigent ces deux organisations, et je crois que c'est le début d'une ère nouvelle. J'espère sincèrement que nous saisirons ces possibilités.

La sénatrice Poirier et le sénateur Downe veulent maintenant vous poser des questions complémentaires.

[Français]

La sénatrice Poirier : Vous avez mentionné que vous aviez un plan pour la francophonie. Avez-vous une idée du moment où vous serez prête à le partager et combien de temps il vous faudra pour le mettre en œuvre?

Mme Bibeau : Je serai en mesure de présenter ce plan au plus tard au Sommet de la Francophonie, en novembre prochain. Donc, nous y travaillons activement en ce moment.

La sénatrice Poirier : Est-ce que le plan sera accompagné d'enveloppes budgétaires?

Mme Bibeau : Dans le cadre du budget de 2017, certainement.

La sénatrice Poirier : Pas pour 2016.

Mme Bibeau : Ce n'est pas significatif. Il s'agit en ce moment de sommes qui sont tirées à même l'enveloppe actuelle, qui est tout de même passablement engagée. Dans le domaine du développement international, je me suis vite rendu compte qu'il y a beaucoup de projets sur de longues périodes, de trois ans, de cinq ans, et parfois de sept ans, ce qui fait en sorte que les dépenses du budget de l'année courante sont déjà engagées au début de l'année. Il n'y a plus de flexibilité.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Madame la ministre, je me demande si les fonctionnaires de votre ministère pourraient fournir certains renseignements au comité. Je n'ai pas suivi la situation de près, mais quelles sont les compressions qui ont été effectuées au cours des cinq dernières années pour ce qui est du financement lié au Commonwealth? Il y a déjà eu des bourses, entre autres. J'aimerais voir la liste. Merci.

La présidente : Madame la ministre, le temps dont nous disposions est écoulé, mais nous avons encore des questions. Je me retrouve donc dans une position difficile par rapport à mes collègues, car il y a beaucoup d'autres aspects qui méritent d'être abordés. J'espère que vous êtes disposée à revenir témoigner devant le comité.

Mme Bibeau : Bien sûr.

La présidente : À ce moment-là, vous aurez peut-être une idée de l'orientation que prendra votre étude.

Je suis convaincue que vous nous fournirez des renseignements qui nous aideront à mieux comprendre ce qu'est l'aide au développement. On parle maintenant d'aide au développement durable, mais il y a aussi l'aide humanitaire. Une très grande partie de l'aide au développement qui était destinée à des projets en cours a soudainement été accordée au développement lié aux situations de crise, et d'autres initiatives menées à l'échelle du gouvernement semblent recevoir des fonds en priorité.

Je crois qu'il est extrêmement important que cette étude, et peut-être même votre mandat, une fois qu'il sera publié, nous permettent de comprendre exactement ce que vous entendez lorsque vous parlez d'aide au développement et d'aide humanitaire, par exemple. Sinon, êtes-vous assujettie aux conditions en vigueur en ce moment?

Je ne veux pas que vous me donniez une réponse maintenant, car il s'agit de définitions complexes et de responsabilités professionnelles. Je pense que c'est très important, car lorsque les Canadiens discuteront de cette question, ils sauront exactement de quoi ils parlent. S'il y a une catastrophe, nous voulons offrir notre aide, mais je ne pense pas que quiconque fasse un suivi par la suite et dise que l'argent dont nous disposons à cette fin est limité. Donc, dans ce cas, qu'est-ce qu'on laisse tomber? Bien souvent, ce sont des dossiers très importants, comme la santé des mères, entre autres.

Une tâche très difficile vous attend, mais je pense que les Canadiens suivent le tout de très près, et donc, vous recevrez beaucoup d'aide et de recommandations. Je suis convaincue que vous reviendrez nous voir, car je sais que les membres du comité ont encore beaucoup de questions à vous poser. Je vous remercie d'avoir pris le temps de témoigner devant nous.

(La séance est levée.)

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