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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 28 - Témoignages du 14 juin 2017


OTTAWA, le mercredi 14 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour poursuivre son étude sur les relations étrangères et le commerce international en général.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Le comité est autorisé à examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement en ce qui touche les relations étrangères et le commerce international en général.

Dans le cadre de ce mandat, le comité a invité l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, Son Excellence M. David MacNaughton, pour discuter de questions relatives à son mandat. La nomination diplomatique de l'ambassadeur a été annoncée en janvier 2016. Il a présenté ses titres de créance au président d'alors, Barack Obama, en mars 2016, et il est depuis notre ambassadeur aux États-Unis.

Monsieur l'ambassadeur, bienvenue à notre comité. Nous avions communiqué avec vous initialement au sujet de votre mandat, mais un certain temps s'est écoulé depuis. Votre mandat nous intéresse toujours, mais nous voulons surtout vous entendre parler du pays où vous exercez vos fonctions et de nos intérêts là-bas. Les questions ne se limiteront sans doute pas au mandat, et elles porteront peut-être sur des domaines qui intéressent particulièrement l'un ou l'autre des sénateurs ici présents.

Permettez-moi de faire une petite remarque. Cette salle serait normalement pleine, mais c'est la période de l'année où certaines des mesures législatives sur lesquelles nous travaillons depuis bien longtemps en viennent à se concrétiser. Nous sommes donc saisis d'un certain nombre d'importants projets de loi d'initiative ministérielle à la Chambre. Malheureusement, cela signifie que les sénateurs responsables de ces projets de loi doivent rester à la Chambre.

Nous voulions simplement indiquer, aux fins du compte rendu, que nous accordons la priorité à nos fonctions sénatoriales. Il ne s'agit nullement d'un manque de respect envers votre bureau, et cela ne réduit en rien le grand intérêt que nous portons à nos relations avec les États-Unis. Ce dossier a toujours une incidence particulière sur les travaux de notre comité. Votre nom est revenu régulièrement dans nos conversations avec les témoins, ainsi que dans les articles que nous avons lus.

Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner en personne, ce qui est très utile.

Les membres du comité qui ne sont pas ici recevront, bien entendu, les transcriptions. Ils voudront peut-être faire un suivi auprès de vous. Nous sommes très heureux que vous nous représentiez à Washington, mais nous nous réjouissons également de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.

Si vous voulez faire une déclaration préliminaire, je vous invite à prendre la parole, et vous pourrez peut-être aussi nous présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent, après quoi nous pourrons passer aux questions. Comme vous le savez, les sénateurs aiment poser des questions, surtout aux représentants du gouvernement.

Bienvenue au comité. La parole est à vous.

David MacNaughton, ambassadeur du Canada aux États-Unis, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup. Je suis ravi d'être ici. C'est un honneur et un privilège pour moi de vous parler aujourd'hui. Je vous présenterai les fonctionnaires à la fin de ma déclaration préliminaire. Je me suis dit qu'il serait utile, à tout le moins, de faire quelques observations aux fins du compte rendu, histoire de ne pas oublier de soulever certains points susceptibles de vous intéresser. Évidemment, je serai heureux de répondre aux questions. Les relations que nous entretenons avec les États- Unis sont d'une importance capitale, et il y a tout un nombre d'enjeux auxquels nous faisons face à l'heure actuelle. Je me ferai donc un plaisir de répondre à vos questions.

J'aimerais commencer par dire qu'en tant que Canadien, je suis fier que le dialogue du Canada avec la nouvelle administration ait transcendé les opinions politiques et permis de rassembler les gouvernements de toute allégeance, partout au pays, à l'appui de l'initiative que nous avons avec les États-Unis.

Tout juste la semaine dernière, l'ambassade a accueilli à Washington huit premiers ministres canadiens, ainsi que les membres du Comité du commerce international de la Chambre des communes.

De plus, nous déployons des efforts à l'extérieur de la capitale. Avec l'aide de notre réseau de missions partout aux États-Unis, nous nous adressons aux plus hautes instances de certains États clés, sélectionnés en fonction de leur influence sur le milieu politique et de leurs liens économiques avec le Canada.

Le scepticisme exprimé par la nouvelle administration américaine envers les politiques commerciales traditionnelles et l'équité des partenaires commerciaux américains a uni les Canadiens qui souhaitent partager notre histoire et travailler ensemble, favoriser notre prospérité commune et nouer une relation commerciale qui servira de véritable modèle pour le reste du monde.

Nous voulons transmettre un message fondamental : le Canada et les États-Unis entretiennent l'une des relations les plus vastes, approfondies et globales au monde, et le Canada défendra les intérêts de ses citoyens en insistant sur l'adoption d'approches réciproques et mutuellement avantageuses face aux défis que nous avons en commun.

Chaque jour, nous échangeons plus de 2 milliards de dollars en biens et services, et près de 400 000 personnes traversent la frontière canado-américaine.

Comme je l'ai signalé aux Américains à maintes reprises, environ neuf millions d'emplois américains sont liés au commerce et à l'investissement entre le Canada et les États-Unis.

Le Canada est le principal fournisseur d'énergie des États-Unis. Il lui fournit du pétrole, du gaz, de l'hydroélectricité et de l'uranium de manière sécuritaire, fiable et responsable. Il offre également d'autres ressources essentielles aux secteurs de la fabrication et de la construction des États-Unis, y compris du bois d'œuvre résineux, de l'aluminium et de l'acier.

Cela signifie donc que nous entretenons une relation profondément interdépendante avec les États-Unis.

Ainsi, bien que la politique de « l'Amérique d'abord » puisse favoriser une approche davantage protectionniste ou nationaliste face aux enjeux commerciaux et internationaux, elle ne nous empêche pas de nouer des relations constructives et productives.

Cette politique n'empêche en rien la possibilité de former un partenariat plus étroit et plus fructueux avec les États- Unis. Pourquoi? Parce qu'une relation solide avec le Canada est dans l'intérêt des États-Unis.

La visite fructueuse du premier ministre à Washington est peut-être le meilleur exemple de cette réalité. J'invite chacun d'entre vous à lire minutieusement la déclaration commune faite par le premier ministre Trudeau et le président Trump à la suite de leur rencontre.

Cette déclaration donne un aperçu de l'ampleur de nos efforts de coopération. Elle sert de feuille de route pour un engagement qui est stratégique et ciblé et qui porte déjà ses fruits.

La coopération réglementaire est un bon exemple de cet engagement. Des représentants du Canada travaillent de près avec leurs homologues américains pour établir un cadre de collaboration accrue et une meilleure réglementation afin d'appuyer nos économies intégrées.

En ce qui concerne les transports et les infrastructures, nous avons mobilisé la nouvelle administration afin de mettre en valeur les approches canadiennes qui pourraient l'aider à faire progresser leurs mesures de réforme réglementaire et de croissance économique.

Le précontrôle est un autre secteur où nous réalisons des progrès. Le projet de loi C-23, actuellement examiné à la Chambre des communes, contribuera à accroître les avantages du précontrôle, maintenant en place dans huit aéroports du pays. Nous nous efforçons de faire appliquer cette approche dans de nouveaux sites et, éventuellement, pour le fret.

Nous avons également constaté que certaines préoccupations du Canada ont été résolues rapidement lorsque la nouvelle administration américaine a approuvé le projet d'oléoduc Keystone. Nous veillons à ce qu'aucune exigence de la politique d'achat aux États-Unis ne s'applique à cette importante infrastructure transfrontalière.

Voici un autre exemple qui revêt une importance directe pour de nombreux Canadiens : nous avons rapidement précisé que les citoyens et les résidents permanents canadiens, peu importe leur pays de naissance, n'étaient pas visés par les mesures sur les déplacements actuellement à l'étude par les tribunaux américains.

Permettez-moi maintenant de parler de notre relation avec les États-Unis dans le contexte mondial.

Le Canada et les États-Unis ont collaboré étroitement sur des enjeux liés à la paix et à la sécurité tout au long de l'après-guerre. Cette collaboration se poursuit à ce jour, notamment au NORAD et à l'OTAN, au sein de diverses institutions multilatérales, dans des points régionaux sensibles tels que l'Irak et dans le cadre de la lutte contre Daech.

Comme la ministre Freeland l'a mentionné dans son discours la semaine dernière, nous poursuivrons notre collaboration avec les États-Unis et nous saisirons toutes les occasions qui s'offriront à nous, tout en nous assurant qu'elles sont dans l'intérêt des Canadiens, ce qui est généralement le cas.

La façon dont nos efforts de coopération évolueront dépendra de l'engagement des États-Unis avec le reste du monde. Ici encore, la politique de « l'Amérique d'abord » semble prévaloir, mais cela ne nous dit pas comment l'administration agira dans certaines situations précises.

Dans certains cas, les mesures auxquelles nous nous attendions n'ont pas eu lieu. Par exemple, il n'y a pas eu de rapprochement important avec la Russie ou la levée des sanctions imposées en raison des gestes posés par ce pays en Ukraine.

En outre, les relations entre les États-Unis et la Chine ne se sont pas enflammées. Le président a exprimé le besoin de coopérer sur l'enjeu critique qu'est la Corée du Nord. Des signes de progrès ont été constatés en ce qui concerne le dialogue entre les deux pays sur les questions commerciales et économiques.

Nous faisons face à des défis dans certains dossiers. Comme la ministre Freeland et le premier ministre l'ont affirmé, le Canada est profondément déçu par la décision des États-Unis de se retirer de l'Accord de Paris sur les changements climatiques.

Le Canada espère que cette décision n'est pas un signe avant-coureur d'un retrait plus global des États-Unis des initiatives multilatérales. Nous savons que les enjeux mondiaux sont toujours mieux traités lorsque les États-Unis participent à leur résolution. L'administration américaine accorde une grande importance à notre contribution à la lutte contre Daech. De plus, elle apprécie profondément notre leadership en Ukraine et, maintenant, en Lettonie.

Les investissements annoncés la semaine dernière dans notre déclaration sur la nouvelle politique de défense ont été accueillis favorablement et jugés comme un signe de la volonté du Canada de s'attaquer aux principaux problèmes en matière de sécurité mondiale.

L'examen de la défense est une mesure interne visant à remplir l'engagement pris par le nouveau gouvernement du Canada. Cependant, de mon poste à Washington, je peux constater que l'administration américaine y attache une grande valeur et qu'elle soutiendra la longue tradition de coopération entre nos forces armées respectives.

Enfin, j'aimerais aborder brièvement les prochaines étapes.

Il y aura bien sûr des défis. Dans la période à venir, on annoncera les résultats de l'enquête réalisée par les États- Unis sur la sécurité nationale des importations d'acier et d'aluminium, ainsi qu'une autre décision sur le bois d'œuvre résineux, cette fois-ci sur le dumping.

Des efforts bipartites en vue d'accroître les mesures commerciales prennent de l'ampleur aux États-Unis. Nos gouvernements trouveront un terrain d'entente sur certains enjeux, notamment le commerce déloyal des pays tiers.

En ce qui concerne d'autres dossiers, comme les mesures récentes qui ciblent injustement nos industries aérospatiales et solaires, nous utiliserons la gamme complète d'outils à notre disposition pour défendre le Canada.

Comme vous le savez tous, l'administration a officiellement informé le Congrès de son intention de moderniser l'ALENA. Des processus de consultation publique ont été lancés au Canada et aux États-Unis en prévision de ces importants pourparlers.

Le Canada accueille favorablement l'occasion d'envisager la modernisation de l'ALENA pour tenir compte de l'évolution rapide de notre économie. Nous pouvons nous inspirer de l'approche progressiste et inclusive pionnière adoptée par le Canada dans le cadre de l'Accord économique et commercial global avec l'Europe. Cette approche permet notamment de reconnaître la place qu'occupe l'économie numérique et l'importance d'établir des règles strictes et applicables en matière de droits des travailleurs et d'environnement.

Dans mes échanges avec les membres du Congrès et les chefs d'entreprises américains, j'ai constaté le vaste appui accordé à l'ALENA et à la relation commerciale canado-américaine. Le principal message qui m'a été transmis, et ce, dans tous les secteurs de l'économie américaine, c'est que la modernisation de l'ALENA doit permettre de réduire les obstacles au commerce entre nos trois pays et renforcer la compétitivité de l'Amérique du Nord à l'échelle mondiale. En bref, les entreprises américaines rappellent à leur gouvernement que la règle fondamentale de toute renégociation de l'ALENA est de ne pas nuire à cet accord qui a favorisé la prospérité. Nous devons plutôt le bonifier.

Il existe des incertitudes, et nous ne devrions pas ignorer la possibilité que des changements imprévus se produisent. Cependant, les éléments fondamentaux de ce dossier — nos intérêts communs — demeurent fermement ancrés dans notre approche.

J'ai bon espoir que ces intérêts, appuyés par les importants efforts actuellement déployés par le gouvernement du Canada et nos nombreux partenaires, nous serons utiles dans l'avenir.

Merci beaucoup à tous.

J'aimerais vous présenter les fonctionnaires ici présents. Il y a Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale; Kirsten Hillman, sous-ministre adjointe, Accords commerciaux et négociations, qui a occupé les fonctions de négociatrice en chef pour le Partenariat transpacifique, si je ne me trompe pas; Martin Moen est directeur général de la politique commerciale de l'Amérique du Nord, et il participe également aux discussions sur le bois d'œuvre depuis de nombreuses années; enfin, Martin Benjamin est directeur général de la Direction générale de la Stratégie pour l'Amérique du Nord, à Affaires mondiales Canada.

Je serai ravi de répondre aux questions. En ce qui concerne la situation de l'ALENA, quelqu'un m'a demandé : « Que voulez-vous dire par modernisation? » Voici ma réponse préférée à cet égard : en 1994, alors que l'ALENA était négocié, si vous demandiez aux gens ce que le mot « Amazone » signifiait, ils disaient que c'était un fleuve en Amérique du Sud. Aujourd'hui, quand vous posez la même question, les gens donnent une réponse assez différente. Je crois que cela montre bien les changements qui se sont opérés dans notre économie et la façon dont nous devons mettre à jour cet accord afin de tenir compte des nouvelles réalités économiques, non seulement ici, mais aussi aux États-Unis et au Mexique.

La présidente : Merci, monsieur l'ambassadeur. Je peux vous assurer que vous êtes entouré de gens très compétents qui ont dû venir témoigner devant notre comité à maintes reprises au sujet de nombreux dossiers. Nous sommes heureux de les accueillir de nouveau parmi nous.

Je vais m'abstenir de vous poser tout un tas de questions parce qu'il y a une très longue liste de sénateurs qui veulent poser leurs questions en premier. J'espère avoir le temps d'intervenir à la fin.

Le sénateur Dawson : Merci. Quelle sorte d'aide pouvons-nous offrir?

M. MacNaughton : Une des choses qui m'ont impressionné, c'est de voir à quel point les parlementaires de toutes les allégeances, les gens du milieu des affaires et les premiers ministres sont disposés à offrir de l'aide. À ce titre, nous essayons de déterminer les endroits où ils peuvent intervenir, en tant que particuliers ou groupes de parlementaires, pour faire bouger les choses.

Une des choses que j'ai remarquées au début, c'est que tout le monde voulait venir à Washington. Je dirais que, oui, il vaut la peine de venir à Washington, mais il est également utile d'aller assister à des événements comme les réunions de la Western Governors' Association, les rencontres des gouverneurs des États et des premiers ministres des provinces du bassin des Grands Lacs ou, encore, les conférences des premiers ministres de l'Atlantique et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre.

Ce que j'ai constaté, pour avoir assisté à toutes ces séances, c'est qu'il y a là un véritable esprit de camaraderie et que des mesures concrètes y sont prises.

Brian Clow travaille au Cabinet du premier ministre, où il s'occupe des activités de sensibilisation. Nous essayons de repérer les principaux États et certains des événements auxquels vous pourriez assister. S'il y a des sénateurs qui veulent aider en matière de sensibilisation, nous serons ravis de faire de notre mieux pour vous permettre d'optimiser votre temps là-bas. Cela dépend de vos intérêts particuliers ou de vos relations, s'il y a lieu.

Le premier ministre Wall est allé à Des Moines, en Iowa, parce qu'on avait organisé une célébration du 150e anniversaire du Canada. Il y est allé en compagnie du secrétaire parlementaire, et ils ont fait un excellent travail pour promouvoir le Canada à cette occasion.

Nous verrons si nous pouvons trouver des activités où nous estimons qu'une présence canadienne pourrait s'avérer utile. Nous sommes donc à votre disposition.

Le sénateur Dawson : J'ai appris au cours des années que les sénateurs canadiens ont une meilleure réputation à Washington qu'ils n'en ont parfois de l'autre côté de la rue. Je suis sûr que nous pouvons aider en ouvrant les portes et en établissant des relations par l'entremise de groupes parlementaires canado-américains, auxquels certains d'entre nous comptent participer. Je suppose que nous avons besoin de certains messages clés.

D'un point de vue pratique, je suis de Québec et l'une des demandes de précontrôle concerne l'aéroport de Québec. Je sais que les mesures législatives progressent lentement à la Chambre des communes, mais où en sont-elles aux États- Unis?

M. MacNaughton : Elles ont déjà été adoptées.

Le sénateur Dawson : C'est une affaire classée, donc?

M. MacNaughton : Nous avons mis beaucoup de pression sur les États-Unis avant leur pause de la période des Fêtes. En fait, ils ont adopté ces mesures à l'unanimité. Ils nous attendent.

Le sénateur Dawson : Si vous pouviez l'envoyer au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, nous serons heureux de faire la même chose.

M. MacNaughton : Hier, je disais à certains députés de la Chambre des communes qu'ils devraient presser le pas, car je commence à trouver cela un peu gênant. J'ai beaucoup insisté auprès des Américains, et maintenant, ce sont eux qui veulent savoir où nous en sommes avec nos mesures.

Le sénateur Housakos : Monsieur l'ambassadeur, soyez le bienvenu au comité. Ma première question concerne l'ALENA. Nous savons très bien que les États-Unis disent qu'ils veulent renégocier l'accord, et qu'ils ont cerné un certain nombre de domaines dont ils souhaitent discuter.

Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux domaines dont ils souhaiteraient débattre? On dirait que le Canada est toujours en train de supplier les Américains pour les convaincre qu'il a besoin de ce marché libre. Je suis convaincu que certains domaines de cet accord, qui a déjà plus de 10 ans, ont besoin d'être passés en revue. Quels sont ces domaines que les Américains aimeraient voir renégocier?

M. MacNaughton : Le point de focalisation de certaines choses dont il a été question concerne la libéralisation du mouvement des personnes et des produits d'un pays à l'autre. Certaines catégories d'emploi qui ont été identifiées en 1994 ne sont plus pertinentes. De nouvelles occasions nous sont données de rationaliser le mouvement des personnes et des produits entre nos pays.

Bien entendu, nous voulons préserver et renforcer le mécanisme indépendant de règlement des différends. Je pourrais donner beaucoup de détails sur certaines choses auxquelles nous songeons, mais je préfère m'abstenir de faire cela sur une tribune publique. Je pense que nous sommes en consultation avec les provinces et l'industrie d'un bout à l'autre du pays. S'il y a des choses particulières que vous aimeriez voir incluses dans cet exercice, je serai heureux de les entendre. Toutefois, je préfère m'abstenir de parler de notre stratégie de négociation en public. Je vais laisser les Américains parler de la leur, car c'est toujours utile d'entendre parler de la stratégie de négociation des autres.

Le sénateur Housakos : Je vais accepter cette réponse, car je crois que c'est une bonne réponse. Je vais poser une question sur un enjeu d'intérêt public. Je présume que nous pouvons parler de cela. Nous savons que le gouvernement du Canada actuel proposera bientôt un projet de loi sur la légalisation de la marijuana, un enjeu pour lequel il a d'ailleurs exprimé son intérêt. Or, nous savons tous qu'aux États-Unis, la marijuana est toujours considérée comme une infraction criminelle fédérale.

Étant donné que le gouvernement actuel semble bien résolu à légaliser la marijuana — et de façon expéditive —, quel type d'obstacles cela pourrait-il créer pour nos relations avec les États-Unis aux passages frontaliers, surtout si l'on considère qu'il a été difficile ces dernières années d'assurer la libre circulation des personnes et le commerce en raison de préoccupations sur le plan de la sécurité?

Croyez-vous que la légalisation de la marijuana viendra empirer les choses?

M. MacNaughton : Je vous dirais en toute honnêteté qu'on ne m'en a pas beaucoup parlé. Lorsque le secrétaire de la Sécurité intérieure, M. Kelly, était en visite ici, il y a quelques semaines, il a parlé de l'importance d'alléger la frontière, et c'est là-dessus que nous travaillons.

La seule fois où la question de la marijuana a été abordée, j'étais à Denver. Je m'étais rendu à Colorado Springs pour assister à la passation du commandement au NORAD et j'ai accordé une entrevue au Denver Post. L'entrevue était axée sur le commerce. En terminant, le journaliste m'a demandé si je croyais que le Canada pouvait apprendre quelque chose de l'expérience du Colorado en matière de légalisation. Ma réponse a été compliquée. J'ai dit « oui » et les choses se sont terminées là. Le lendemain, le journal publiait, à la une : « L'ambassadeur du Canada vient au Colorado pour parler de pot et de commerce. »

Le sénateur Housakos : Sans égard pour cet échange particulier, je crois que le gouvernement fédéral à Washington ne verrait pas d'un bon œil que des Canadiens essaient de passer la frontière avec des produits considérés comme étant illégaux sur son territoire.

M. MacNaughton : Je ne conseillerais jamais à un Canadien de tenter une telle chose. De toute évidence, il y a certaines questions au sujet desquelles nos lois diffèrent. Toute personne qui se déplace du Canada aux États-Unis doit être au fait des lois fédérales de ce pays, et pas seulement en ce qui concerne la marijuana.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de votre présence. Vous avez dit que le Canada allait défendre les droits de ses citoyens. La question que je veux poser a trait à cela. Depuis le début du mandat du président Trump, nous avons entendu parler de nombreux cas de Canadiens musulmans qui se sont vu refuser l'entrée aux États-Unis.

J'aimerais savoir si, d'un point de vue statistique, il y a effectivement eu une augmentation du nombre de Canadiens musulmans refoulés à la frontière américaine depuis l'arrivée au pouvoir de l'administration Trump et, dans l'affirmative, de combien de cas additionnels est-il question?

M. MacNaughton : Mark, je ne sais pas si vous avez des statistiques à ce sujet... Quoi qu'il en soit, je sais que nous avons parlé de cela la semaine dernière, lorsque j'étais à Ottawa. Si je me souviens bien, le nombre absolu de rejets à la frontière a diminué.

Permettez-moi de mettre cette question de côté et d'y répondre ultérieurement, parce que je n'ai pas les chiffres exacts avec moi en ce moment. Bien entendu, si cela s'avère, nous veillerons à nous assurer que les Canadiens ne font pas l'objet de discrimination, quels que soient leurs antécédents. Permettez-moi de mettre cette réponse en suspens en attendant de vous revenir avec les chiffres exacts.

La sénatrice Ataullahjan : Une autre façon de poser la question serait celle-ci : y a-t-il eu une augmentation du nombre de Canadiens musulmans qui sollicitent l'aide des agents consulaires canadiens à partir des États-Unis?

M. MacNaughton : Il faudra que je vérifie. Je ne le crois pas, mais je vais vous communiquer toutes les statistiques que nous avons à ce sujet. Je suis convaincu que ce sont des choses que nous suivons, alors vous serez fixés.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis en train de faire une recherche, et je constate que cela concerne beaucoup de gens.

M. MacNaughton : Quand il s'agit de problèmes consulaires, nous ne demandons pas aux gens de décliner leur appartenance religieuse. Je vais vous revenir avec ces chiffres.

La sénatrice Ataullahjan : Merci.

La sénatrice Cordy : Monsieur l'ambassadeur, merci beaucoup. Étant donné ce qui est en train de se produire aux États-Unis, il se peut qu'on vous voie souvent ici. Je vous remercie d'être là tôt dans le processus.

Lorsque nous avons reçu Colin Robertson, il a parlé du mythe de tous ces emplois qui auraient été perdus à cause de l'ALENA. Il a aussi dit que ce mythe était amplifié par le président Trump. Les mordus de la politique lisent ses gazouillis et les articles de journaux, et cetera.

En tant que pays, comment pouvons-nous vendre les avantages de l'ALENA tout en gardant à l'esprit ce que vous avez dit plus tôt à savoir que des modifications devront assurément être apportées? Le domaine des technologies serait un exemple de premier plan. L'autre chose que j'ai lue, c'est que les Américains, pour ne pas dire les pharmaceutiques, ont résolument l'intention d'examiner la question de la propriété intellectuelle, car la période durant laquelle ces sociétés conservent la propriété intellectuelle des produits qu'elles mettent au point est beaucoup plus longue que celle qui s'applique au Canada et plus longue que celle qui s'applique dans la plupart des pays.

Comment faire pour dissiper ce mythe au sujet des emplois perdus à cause de l'ALENA?

Vous avez parlé d'effort de sensibilisation dans certains États clés. J'aimerais bien savoir de quels États il s'agit, car, toujours selon Colin Robertson, 30 des 35 États qui ont voté pour le président Trump ont le Canada comme principal partenaire commercial, et le Canada est le deuxième partenaire commercial en importance des 5 États qui restent. Ce sont les États clés dont vous parlez?

M. MacNaughton : Précisément.

J'ai grandi à Hamilton. La plupart des gens que j'ai côtoyés sur les bancs d'école n'avaient pas l'intention de se rendre jusqu'au collégial. Ils savaient qu'ils allaient être en mesure de décrocher un bon emploi dans l'acier. Il fut un temps où les aciéries de Hamilton employaient 17 000 personnes. Bien entendu, il n'y en a pas autant aujourd'hui. Une bonne partie de l'activité manufacturière qui caractérisait une municipalité telle que Kitchener est allée ailleurs. La grande crainte que suscitait l'accord de libre-échange avec les États-Unis, c'est que tous ces emplois allaient disparaître. Aujourd'hui, la région de Kitchener-Waterloo jouit d'une économie dynamique et du taux de chômage le plus bas, du moins, en Ontario.

Des changements sont en cours. En fait, à voir comment les technologies sont en train de transformer l'économie, je dirais que d'autres changements sont à prévoir. Les emplois vont continuer à se faire bousculer d'un bout à l'autre du spectre économique.

Il faut être en mesure de se mettre à la place de ces gens qui sont déplacés à cause de ces changements occasionnés par la technologie ou le commerce. Ce sont des êtres humains. Parfois, ils perdent leur maison. Si vous perdez votre emploi et que vous n'avez pas de formation pour faire autre chose, les inconvénients peuvent se multiplier rapidement, surtout avec la communication moderne, les médias sociaux, et cetera.

Dans une optique gouvernementale, nous devons trouver une façon de nous occuper des personnes qui, sans que ce soit de leur faute, deviennent des victimes des changements attribuables aux technologies ou aux rapports commerciaux. De plus, nous devons faire comprendre aux jeunes que l'apprentissage ne se termine pas avec l'obtention d'un diplôme d'études collégiales. L'apprentissage doit être un processus continu. Nous devons changer notre façon de vendre les avantages du commerce parce que jusqu'ici, nous ne sommes pas arrivés à convaincre beaucoup de gens du bien-fondé de ces accords.

Depuis que l'ALENA a été mis en place, les échanges commerciaux au Canada, aux États-Unis et au Mexique ont triplé. Pourtant, ce message n'a pas été relayé. Nous devons trouver une façon de faire en sorte que l'Amérique du Nord devienne l'unité économique la plus concurrentielle du monde, car la concurrence ne vient pas de l'autre côté de la frontière, mais bien de la planète entière.

Nous devons tirer des leçons de ce qui s'est produit, pas seulement aux États-Unis, mais en Europe et ailleurs aussi. Nous devons trouver une façon de vendre un commerce ouvert axé sur des règles, et de faire mieux que ce que nous avons fait jusqu'ici à cet égard. Sans cela, nous allons nous retrouver avec le stress et les difficultés dont je parlais tout à l'heure. Ce n'est pas une affaire particulière au président Trump. Bernie Sanders avait le même message. Une multitude de gouverneurs et de sénateurs tiennent le même discours. C'est pour cette raison que nous essayons de nous adresser aux États où nous pouvons démontrer que le commerce Canada-États-Unis a aussi été avantageux pour leurs citoyens, et pas seulement pour les nôtres. Disons que, jusqu'ici, nous avons fait preuve d'une certaine mollesse dans la propagation de ce message.

La sénatrice Cordy : J'ai grandi au Cap-Breton, alors les aciéries et les mines de charbon... Je comprends tout à fait ce que vous dites.

M. MacNaughton : Je crois comprendre que le club de golf Cabot Cliffs d'Inverness emploie maintenant plus de gens que les mines de charbon à l'époque.

La sénatrice Cordy : Tout le monde devrait essayer les terrains de golf du Cap-Breton. Ils sont parmi les meilleurs au monde.

La présidente : Je dois intervenir parce que je crains que nous nous mettions à parler d'autres clubs de golf du pays qui sont en mal de personnel.

La sénatrice Bovey : Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de votre présence. Comme je l'ai dit tout à l'heure en Chambre, je vous remercie d'avoir hébergé dans l'ambassade du Canada à Washington l'exposition de la galerie d'art de Winnipeg sur les œuvres de Teevee. C'est la première fois qu'un artiste inuit du Canada expose en solo aux États- Unis, alors nous vous en sommes très reconnaissants.

Cela m'amène à ma question. Je passe et repasse les discussions qui se sont tenues en 1994 au sujet de l'ALENA, notamment en ce qui a trait à l'un des grands objets de préoccupation, soit la question des publications canadiennes et des artistes. Croyez-vous que ces questions vont refaire surface au cours des discussions à venir? Pouvons-nous espérer que les échanges transfrontaliers en matière d'art deviennent plus faciles — nous l'espérons —, ou faut-il s'attendre à ce qu'ils se complexifient? Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que les négociateurs disposent de l'information et du soutien dont ils ont besoin?

M. MacNaughton : Il y a trois mois, j'étais à Miami, et il y avait beaucoup d'artistes canadiens. Les échanges artistiques et culturels ont un rôle de plus en plus important pour illustrer l'importance des relations Canada-États- Unis, et ils constituent un avantage économique de taille pour notre pays.

J'espère que nous allons rendre ces échanges plus faciles. Nous faisons tout ce que nous pouvons faire pour encourager cela, et pas seulement dans les ambassades, mais aussi dans tous nos consulats en sol américain.

En ce qui concerne l'exposition de la galerie d'art de Winnipeg, la sénatrice Janis Johnson me l'avait proposée l'an dernier et j'avais accepté d'emblée. Je lui avais simplement demandé de m'informer des dates en précisant que nous appuyions sans réserve ce type d'initiative. Nous aimerions en faire plus de ce côté.

En ce qui concerne les négociations sur l'ALENA, la question est de savoir si les États-Unis ont l'intention de régler la chose de manière expéditive. Si tel est le cas, nous pouvons probablement nous mettre tous d'accord assez rapidement sur certaines choses qui pourraient être faites pour moderniser l'accord et créer des dynamiques où tout le monde est gagnant. Plus il y aura de choses sur la table, plus les négociations seront longues et compliquées.

Nous ne savons pas encore à quel point ces négociations seront complexes ou à quel point ils voudront qu'elles le soient. Nous ne le saurons pas avant la fin de cette période de 90 jours décrétée par les États-Unis. Quoi qu'il arrive, nous serons à la hauteur parce que nos négociateurs sont futés et bien préparés. Lorsque nous aurons une idée de ce que les Américains veulent mettre sur la table, nous serons peut-être en mesure de dire combien de temps dureront les négociations.

Le sénateur Oh : Soyez le bienvenu, monsieur l'ambassadeur. Merci de l'aide et du soutien considérables que vous avez donnés au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts le mois dernier.

M. MacNaughton : Vous m'en voyez ravi. Je suis désolé de vous avoir manqués. Je vous verrai la prochaine fois.

Le sénateur Oh : Nous aurions aimé dîner avec vous.

M. MacNaughton : Il y aura des mets canadiens au menu, je peux vous le garantir.

Le sénateur Oh : La production de légumes de serre est un secteur important de l'industrie agricole du Canada. En 2015, la valeur à la ferme de ce secteur a été de 1,3 milliard de dollars. Les exportations canadiennes de légumes de serre représentent 64 p. 100 de toutes les ventes à la ferme — avec un total de 137 millions de dollars en 2015 —, et 99 p. 100 de ces exportations se font vers les États-Unis.

En Ontario, les obstacles commerciaux comme les coûts de production, les coûts de main-d'œuvre et la politique sur le carbone ont une incidence énorme sur la capacité qu'a le secteur horticole de se mesurer à la concurrence internationale, tant pour les importations que pour les exportations. Par exemple, les cultivateurs de légumes de serre des autres pays — y compris nos principaux concurrents — ont un accès libre de droits au marché canadien, et ils n'ont pas à payer les coûts du carbone pour les émissions dues à la production et au transport. À cause de l'actuelle politique du carbone du Canada, la compétitivité de l'industrie est sérieusement menacée et de nombreuses serres déménagent aux États-Unis, alors que d'autres sont menacées de faillite.

Les négociateurs du Canada ont-ils étudié la façon dont nous pourrions harmoniser certaines de ces barrières non tarifaires, en particulier la politique sur le carbone, afin d'appuyer les cultivateurs canadiens?

Kirsten Hillman, sous-ministre adjointe, Accords commerciaux et négociations, Affaires mondiales Canada : Dans le domaine du commerce agricole — et je pense que votre question ne concernait pas précisément les États-Unis, mais plutôt certaines politiques nationales ayant généralement trait au commerce agricole —, nous avons, en règle générale, noué avec nos principaux partenaires commerciaux un ensemble de relations solides par l'intermédiaire de comités agricoles bilatéraux; nous sommes membres d'un comité trilatéral de l'agriculture de l'ALENA et de comités bilatéraux qui étudient des mesures sanitaires et phytosanitaires, lesquelles peuvent aussi être à l'occasion des barrières non tarifaires au commerce, si elles sont appliquées incorrectement ou appliquées pour limiter le commerce.

Comme vous le savez, j'en suis sûre, nous avons établi ces comités avec tous nos principaux partenaires commerciaux. C'est dans le cadre de leurs séances que nous abordons toutes ces questions. Nous évaluons où l'harmonisation est possible et où elle est dans l'intérêt général du Canada.

On fait cela au cas par cas et, en toute honnêteté, parfois un produit à la fois parce que, je le répète, les barrières réglementaires dans le domaine de la sécurité alimentaire sont propres au produit que vous examinez.

J'ai répondu longuement à votre question pour vous fournir une brève réponse, à savoir que l'harmonisation est au cœur du travail que nous accomplissons dans le cadre de nos activités commerciales en collaboration avec nos collègues spécialisés en agriculture. Nous savons que l'harmonisation peut souvent être essentielle pour rendre nos industries concurrentielles. Nous insistons donc beaucoup sur cet aspect.

M. MacNaughton : J'ai noué une assez bonne relation de travail avec le nouveau secrétaire américain de l'Agriculture, secrétaire Perdue. Il était à Toronto la semaine dernière, et il est un grand partisan de l'ALENA. Il souhaite évidemment y apporter certains changements, et nous sommes tous ouverts à cela. C'est un homme pratique et sensé qui comprend la valeur qu'un commerce ouvert fondé sur des règles revêt pour le secteur agricole américain. Il sera un négociateur coriace, mais c'est aussi une personne pratique qui a occupé le poste de gouverneur de la Georgie pendant un certain temps. Il comprend donc aussi comment fonctionnent les gouvernements.

Il sera à la fois un adversaire et un allié. C'est un personnage très pratique. La prochaine fois que vous serez à Washington, j'essaierai d'organiser une rencontre pour que vous puissiez discuter avec lui, vous aussi.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Vous nous avez brossé, dans votre présentation liminaire, un tableau des défis et des priorités de la relation canado-américaine en ce moment. Je retiens en particulier les enjeux liés à l'immigration et d'autres enjeux liés à la sécurité et à la paix. J'aurai deux questions sur ces enjeux.

Premièrement, compte tenu des décrets présidentiels concernant les réfugiés, qui sont contestés, avez-vous des voies et moyens, avec les différentes autorités américaines, pour vous assurer, d'une part, qu'il y ait davantage de prévention de l'immigration illégale et, d'autre part, que l'accueil des réfugiés qui arrivent aux États-Unis se fait et se fera dans une perspective de respect des conventions internationales et des droits de la personne?

[Traduction]

M. MacNaughton : Pardon. Pour clarifier, posez-vous la question du point de vue de notre politique sur les réfugiés?

La sénatrice Saint-Germain : Non, du point de vue de notre coopération avec le gouvernement américain ou le gouvernement des États visant à prévenir l'arrivée d'un plus grand nombre de réfugiés qui ne viendraient pas ici si, en premier lieu, leurs droits étaient respectés pendant leur séjour en sol américain.

Deuxièmement, des négociations ou des discussions entre les représentants officiels des États-Unis et l'ambassade ou les représentants officiels du Canada sont-elles en cours afin d'éviter que des gens entrent illégalement au Canada depuis les États-Unis et que des êtres humains soient exploités par des passeurs?

M. MacNaughton : Tout à fait. Nous parlons, évidemment, du nombre de gens qui sont entrés au Canada non pas en franchissant la frontière normalement, mais plutôt comme nous l'avons observé à Emerson, au Manitoba, et à d'autres endroits. Nous avons eu des discussions à ce sujet-là avec les Américains. Cela fait partie du passage de clandestins en cours. Cette discussion se déroule en ce moment entre nos représentants de la sécurité publique postés aux douanes américaines, des agents de la patrouille frontalière et d'autres autorités.

Il y a eu plus de cas de passage de clandestins cette année qu'au cours de toute autre année auparavant. Je pense que l'année 2008 est la dernière année où il y en a eu autant. Je ne suis pas certain que nous ayons complètement maîtrisé la situation, mais je sais que des discussions sont en cours à cet égard. Le ministre Goodale discute fréquemment avec le secrétaire Kelly et, avec un peu de chance, nous parviendrons à mieux gérer la situation.

Quarante pour cent de ces gens sont titulaires d'un visa valide des États-Unis. Nous tentons en ce moment de faire la distinction entre ceux qui font partie d'un effort organisé d'un genre ou d'un autre, et ceux qui font cela par eux- mêmes.

C'est certes une situation dont nous sommes tout à fait conscients et que nous avons bien en main en ce moment.

La sénatrice Saint-Germain : Ma deuxième question concerne le terrorisme et la sécurité. Je suis membre du Comité de la sécurité nationale et de la défense, et nous étudions actuellement certains enjeux ayant trait à l'Arctique. Êtes- vous au courant de changements apportés à la coopération entre le Canada et les États-Unis depuis l'élection du président Trump? Croyez-vous que des changements sont survenus et que la coopération est aussi fluide qu'elle l'était auparavant? Y a-t-il des observations que vous pouvez formuler publiquement à ce sujet?

M. MacNaughton : À propos de l'Arctique en particulier?

La sénatrice Saint-Germain : Ou à propos de la sécurité, et je dirais de l'intérêt mutuel de travailler ensemble.

M. MacNaughton : Je ne crois pas que notre coopération avec les États-Unis au chapitre de la défense et de la sécurité ait déjà été aussi grande qu'elle l'est en ce moment. Il y a trois ou quatre semaines, j'ai passé une journée complète aux bureaux de la Homeland Security à écouter la description de tous les différents secteurs dans lesquels le Canada et les États-Unis travaillent ensemble. La relation entre le FBI et la GRC est phénoménale. L'une des raisons pour lesquelles nous avons été en mesure d'assurer aussi bien la sécurité de nos populations, c'est que la coopération est exceptionnelle au niveau opérationnel.

La relation entre le Canada et les États-Unis, ainsi qu'entre l'administration et notre gouvernement, est très étroite, bien qu'il y ait des sujets de désaccord. Et je pense qu'au cours de ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné que nous avons évidemment une divergence d'opinions à propos du changement climatique.

J'aimerais dire que notre relation avec les États-Unis ressemble à celle entre les membres d'une famille, celle avec un meilleur ami ou celle entre des personnes mariées. Si vous passez tout votre temps à vous concentrer sur toutes les questions sur lesquelles vous n'êtes pas d'accord, votre mariage ne durera pas très longtemps. Si vous passez tout votre temps à vous soucier de vos divergences d'opinions, votre relation s'aigrira.

C'est la raison pour laquelle nous tentons de mettre l'accent sur les domaines où nous tombons d'accord, et il y en a un grand nombre. Je ne cesse de dire aux gens d'ici qu'après avoir passé en revue toutes les questions sur lesquelles nous nous entendons et tenté de les renforcer, il ne reste plus beaucoup de temps à consacrer aux enjeux sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Bien que ces enjeux soient importants et qu'il nous faille les régler, nous devrions aussi mettre l'accent sur les domaines où nous nous entendons. Notre coopération au chapitre de la sécurité et de la défense ne ressemble à aucune autre sur la planète.

L'un des meilleurs exemples de cette coopération est le programme Shiprider. Sur les Grands Lacs, les contrebandiers avaient l'habitude de monter à bord de bateaux rapides, que ce soit du côté canadien ou américain, pour traverser les lacs. Après avoir franchi la frontière, ils faisaient des pieds de nez aux agents de la GRC ou de la Garde côtière. Les Canadiens et les Américains se sont réunis et ont déterminé que la meilleure chose à faire consistait à placer les deux responsables de l'application de la loi sur le même bateau afin que les contrebandiers ne puissent se déplacer plus rapidement que l'un ou l'autre de ces responsables. Le pays d'arrestation dépendait de l'endroit où le bateau était arraisonné.

Je pense que cela démontre la coopération qui existe entre nos deux pays.

Le sénateur Marwah : Bienvenue, monsieur l'ambassadeur, bienvenue à vos représentants officiels. Je suis heureux de vous revoir.

Pour m'appuyer sur un point que vous avez fait valoir, je précise que nous ne cessons d'entendre parler des opinions divergentes de l'administration. Y a-t-il des points de vue communs dont nous devrions nous préoccuper ou tirer parti? Ou y a-t-il des opinions divergentes que nous devrions exploiter également?

M. MacNaughton : Je mentionne encore une fois que je ne tiens pas à parler de stratégies de négociation. Diviser pour mieux conquérir n'est pas une mauvaise idée lorsque vous parlez de quelqu'un d'autre.

Si, au début, l'administration parlait des problèmes liés au commerce et à la mondialisation, j'ai remarqué qu'au cours des derniers mois, j'entendais davantage parler de ce que j'appelle le « point de vue de la forteresse nord- américaine », c'est-à-dire le fait que l'Amérique du Nord peut devenir l'entité économique la plus concurrentielle de la planète.

Il y a un grand nombre de membres de l'administration qui parlent beaucoup plus comme Robert Zelnick et le général Petraeus, qui a écrit un article à propos de la mesure dans laquelle le Canada, les États-Unis et le Mexique pourraient devenir puissants. Les gens expriment plus de préoccupations à propos de la façon dont nous pouvons travailler ensemble à la résolution des problèmes de l'hémisphère occidental.

Si nous trouvons des domaines où... et je pense que de plus en plus fréquemment, qu'il s'agisse du secrétaire Mattis, Kelly, Tillerson, Wilbur Ross ou d'autres personnes, ils finissent par réaliser que la coopération avec le Canada est dans leur intérêt stratégique et économique. Nous continuons simplement à renforcer cela.

Compte tenu de votre expérience dans le secteur bancaire de l'hémisphère occidental, nous n'avons pas commencé à exploiter cela autant que nous le pourrions afin de rendre l'Amérique du Nord encore plus concurrentielle qu'elle l'est actuellement.

Encore une fois, y a-t-il des façons de tirer parti des différents points de vue au sein de l'administration? Je préférerais trouver un moyen de rendre leurs points de vue plus cohérents par rapport aux mêmes programmes que nous préconisons.

La présidente : Je vais poser une question. Je me rappelle lorsque nous avons négocié l'ALE, puis le Mexique a déclaré : « Hé, nous voulons avoir accès aux États-Unis ». Il a alors fallu que le Canada décide s'il allait rester à l'écart ou participer.

Nous avons décidé qu'il valait mieux être à la table des négociations et, bien entendu, nous avons fini par conclure l'ALENA. Nous avons fait la même chose pour le PTP. On ne nous a pas demandé d'y participer. Nous avons demandé de faire partie du PTP et, maintenant, le partenariat est conclu.

Ce qui me préoccupe, c'est le fait que vous dites que ces négociations auront lieu. Je conviens qu'une grande partie de la diplomatie doit être accomplie discrètement, mais notre comité a produit un rapport qui indiquait que les Canadiens exigent d'être inclus, qu'ils veulent vraiment savoir ce qui est négocié à la table ces jours-ci. Comme vous l'avez signalé, nous avons beaucoup changé depuis 1994.

À quel moment ferons-nous participer le public canadien? Je sais que le ministre des Affaires mondiales a fait une déclaration selon laquelle le processus sera canadien et nous protégerons les intérêts des Canadiens. Toutefois, pour protéger les intérêts des Canadiens, nous devons savoir ce qui se trouve sur la table des négociations.

Je crois que les négociations seront très différentes. Pour le moment, je pense que nous sommes à l'aise à l'idée de laisser le gouvernement intervenir à cet égard parce que nous ne sommes pas tout à fait certains de la façon dont les États-Unis réagiront. À quel moment connaîtrons-nous les enjeux sur la table des négociations?

M. MacNaughton : Premièrement, le 3 juin, un avis a été publié dans la Gazette du Canada, dans lequel on demande aux Canadiens d'exposer leur position par rapport à l'ALENA. Je pense que tous les Canadiens disposent d'une période de 45 jours pendant laquelle ils peuvent exprimer leurs points de vue.

En outre, nous dialoguons avec le secteur privé, les groupes industriels et les provinces. Nous intensifierons ces discussions pendant un certain temps afin de nous assurer qu'elles sont inclusives. Je crois que les consultations se poursuivront tout au long des négociations.

Ce qui importe le plus, c'est que les gens se sentent libres d'exprimer leurs points de vue et que nous fassions en sorte de les comprendre, car certains d'entre eux ne se contenteront pas de dire qu'ils souhaitent que leurs intérêts soient défendus. Ces commentaires visent aussi à nous informer de certains de ces changements technologiques dont nous n'étions peut-être pas au courant.

En ce qui concerne l'industrie automobile, sa chaîne d'approvisionnement intégrée et la façon dont certaines pièces franchissent la frontière sept fois avant d'être installées dans un véhicule, voilà le genre de situations qui ne survenaient pas il y a 15 ans. Il est donc très important que les gens nous fassent prendre conscience de certains de ces changements, des droits de propriété intellectuelle et de la circulation des personnes et des biens. Les choses changent tellement rapidement que les Canadiens ne peuvent s'attendre à ce que nous sachions tout ce qui se passe. Il est donc vraiment important que nous comprenions ces enjeux.

En ce qui concerne les positions de négociation qui finiront par être adoptées, elles dépendront en partie de l'approche que l'administration américaine finira par adopter et de ce qui devrait se trouver sur la table des négociations, selon elle. Cependant, à l'heure actuelle, nous sommes vraiment à l'étape de la collecte de renseignements provenant des Canadiens.

La présidente : Ce que nous avons constaté dans notre rapport, c'est que les intervenants étaient assurément consultés, mais que les membres du public ne participaient pas à ces consultations. Par la suite — et souvent vers la fin du processus —, ils comparaissaient devant le comité et disaient : « Nous ne savions pas que ces mesures auraient de telles conséquences », ou « Nous ne savons pas si cela figurera dans la réglementation. Nous approuvons plutôt l'idée ». Bien sûr, tout est toujours dans les détails.

Ce que nous disons, selon moi, c'est que nous espérons que le gouvernement — et vous jouez un rôle crucial dans cette position — discutera des enjeux avec un public plus vaste, s'il souhaite obtenir son appui.

M. MacNaughton : Je partage tout à fait votre avis. Une partie du scepticisme manifesté à l'échelle mondiale à propos de certaines de ces négociations commerciales est lié au fait qu'elles semblent se dérouler derrière des portes closes, puis être balancées à la tête des gens. Si vous ne faites pas participer le public à ces négociations, vous n'obtiendrez pas le genre d'appui que vous recherchez.

J'ai tenté de l'obtenir dans la mesure du possible. J'ai traversé complètement le pays — eh bien, je ne me suis pas encore rendu à Terre-Neuve, et je m'en excuse, mais j'irai là-bas — afin de parler aux gouvernements provinciaux et d'obtenir leurs commentaires. Chaque fois que je visite les provinces, je tente toujours de ne pas rencontrer uniquement des groupes d'intervenants, mais plutôt de me porter à la rencontre des gens afin d'obtenir autant d'informations que possible.

L'économie évolue tellement qu'il est très instructif d'écouter les gens, parce que, si vous parlez constamment, vous ne pouvez pas écouter ni apprendre. Personnellement, j'ai appris beaucoup de choses.

La présidente : Mon autre question a trait au fait que vous n'avez mentionné qu'une fois le Mexique. Lorsque nous parlons du continent nord-américain et de l'Accord de libre-échange nord-américain, cela comprend absolument le Mexique. Nous sommes préoccupés par nos relations bilatérales alors qu'il s'agit vraiment de relations trilatérales. Un certain nombre d'entre nous sont allés au Mexique pour représenter le comité, et les Mexicains étaient très inquiets à propos de leur position, non seulement par rapport à l'ALENA, mais aussi par rapport au Canada.

Dialoguez-vous avec eux? Soulevez-vous cette question au cours de vos conversations à Washington, ou est-il seulement question de relations bilatérales en ce moment?

M. MacNaughton : Je communique fréquemment avec l'ambassadeur du Mexique. J'ai rencontré le ministre mexicain des Affaires étrangères et le ministre mexicain de l'Économie. Nous restons en contact étroit avec eux pour tenter de découvrir si, en premier lieu, il y a des domaines où nous pouvons nous entendre.

Il s'agit d'un dialogue plutôt ouvert. Je sais que la ministre Freeland a visité le Mexique à quelques reprises et a rencontré son homologue, qui est venu ici. Il était à Toronto il y a quelques semaines. Il s'agit tout à fait d'un accord trilatéral. C'est la nature de l'ALENA, et nous espérons que l'accord restera ainsi. Je pense qu'un accord trilatéral présente beaucoup d'avantages et qu'il est profitable de l'améliorer, plutôt que d'envisager les choses seulement d'un point de vue bilatéral.

La présidente : Je vais m'efforcer de poser une brève question afin d'obtenir une brève réponse, car il y a encore quelques noms sur ma liste.

À mes débuts à l'OTAN, le Canada ne faisait pas que contribuer à la défense de l'Europe et à notre propre stabilité; il était souvent considéré en Europe comme l'interlocuteur avec les Américains. Nous avions une relation particulière.

Nous avons souvent joué un rôle d'intermédiaire quant à la manière de négocier et d'obtenir le consensus au sein de l'OTAN. L'Europe et maintenant les États-Unis étant en constant changement, je n'ai rien vu, dans les déclarations de la ministre, concernant le rôle crucial que nous jouons parce que nous faisons partie non seulement de l'Amérique du Nord, mais aussi de la stratégie européenne; or, nous occupions une place unique. Réfléchissez-vous à la question? Discutez-vous avec les États-Unis? Notre valeur ajoutée ne vient pas seulement de notre capacité militaire, mais aussi de notre diplomatie politique et de notre position stratégique, qui sont précieuses pour l'OTAN et pour la sécurité du Canada et des États-Unis.

M. MacNaughton : Je partage votre opinion. Un grand nombre de pays étrangers m'ont téléphoné pour me demander de les aider à comprendre comment ils pourraient composer avec la nouvelle administration. C'est un phénomène intéressant.

Le fait est que la conclusion de l'AECG nous a rapprochés de l'Europe sur le plan économique et a, à mon avis, renforcé les liens entre cette région du monde et le Canada. Je considère que nous pouvons jouer un rôle constructif concernant ce qu'il se passe en Europe et la relation entre cette dernière et les États-Unis.

Le sénateur Ngo : Merci de témoigner, monsieur l'ambassadeur. Ma question est légèrement différente. Vous n'êtes pas sans savoir que la Chine a acquis plusieurs entreprises canadiennes disposant de documents de nature délicate et établi ses propres entreprises d'État dans des secteurs clés. Les exemples sont nombreux, notamment l'acquisition d'O- Net Communications, de Wealth One Bank of Canada et, récemment, de Norsat International, une entreprise technologique de Vancouver. Le gouvernement des États-Unis incite-t-il le gouvernement du Canada à effectuer un examen exhaustif de la sécurité des acquisitions chinoises avant de les avaliser?

M. MacNaughton : Selon ce que je comprends de la dernière acquisition que vous avez évoquée, nous avons consulté les Américains, qui n'ont rien réclamé de tel. Est-ce correct? De toute évidence, ils s'inquiètent du rôle des entreprises d'État de façon générale et ont soulevé la question. Dès qu'une acquisition ou une transaction quelconque soulève des questions de sécurité, nous consultons évidemment notre plus proche allié à ce propos.

Comme je l'ai indiqué, dans cet exemple récent, je pense que le premier ministre a répondu à cette question hier à la Chambre des communes, et je crois comprendre que le gouvernement des États-Unis a été consulté et n'a pas réclamé d'examen exhaustif.

Le sénateur Ngo : La commission d'examen de la sécurité économique des États-Unis et de la Chine, qui fait rapport au Congrès, affirme que l'armée américaine et d'autres clients nationaux de Norsat devraient immédiatement réexaminer leurs acquisitions.

Assurerez-vous le suivi à ce sujet?

M. MacNaughton : Je considère que nous sommes un pays souverain qui prend ses propres décisions. Nous consultons nos alliés, de toute évidence. Ne connaissant pas les détails de cette acquisition ou des autres dont vous avez parlé, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse claire, si ce n'est pour vous dire que nous consultons nos alliés pour tout ce qui concerne les implications sur le plan de la sécurité. Au bout du compte, toutefois, c'est au gouvernement du Canada qu'il revient de prendre une décision.

Le sénateur Ngo : Monsieur Gwozdecky, quand Hytera a proposé d'acquérir Sepura, le fabricant britannique d'équipement de radio numérique mobile, le gouvernement britannique a mené un examen national de la sécurité et a imposé des conditions strictes. Le gouvernement du Canada a-t-il été incité à faire de même au sujet de l'acquisition de Norsat par la Chine?

Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint (directeur politique), Sécurité internationale et affaires politiques, Affaires mondiales Canada : Je répéterai ce que l'ambassadeur a indiqué : chaque gouvernement dispose de ses propres processus réglementaires. Nous nous consultons mutuellement, tout en ayant nos processus souverains. Certains processus doivent aussi respecter des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels; les entreprises et les gouvernements ont donc le droit de protéger certains renseignements. Ce n'est pas une question dont nous traiterions normalement sur une tribune publique comme celle-ci.

Des consultations ont lieu, et nous tentons certainement de nous assurer que nos pratiques n'entrent pas en contradiction avec celles de nos alliés les plus importants.

La présidente : Nous avons légèrement dépassé le temps prévu, mais deux sénateurs continuent de me regarder et veulent poser des questions supplémentaires, et je dois vivre avec eux séance après séance.

Je leur demanderai de se montrer extrêmement brefs, et peut-être aurons-nous le temps de répondre à leurs questions avant la fin de la séance.

Le sénateur Housakos : Je poserai une question extrêmement brève pour faire suite à celle que mon collègue a posée sur Norsat. Vous ai-je entendu dire que les États-Unis n'ont pas exprimé de préoccupation à propos de l'acquisition de cette entreprise par une société chinoise?

M. Gwozdecky : Nos collègues d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada seraient mieux placés pour vous répondre. Je ne connais pas les détails de l'affaire.

Le sénateur Housakos : Au nom du comité parlementaire, je demande à notre ambassadeur aux États-Unis si les États-Unis ont exprimé des préoccupations quelconques à propos de cette acquisition.

M. MacNaughton : Ils ne m'ont pas fait part de préoccupations, mais ils n'auraient pas nécessairement abordé la question avec moi. Tout ce que je sais, c'est que le premier ministre a répondu à la question hier à la Chambre des communes. Je n'en sais pas plus.

Le sénateur Oh : Monsieur l'ambassadeur, ma question ne concerne en rien l'équipement à la fine pointe de la technologie. On dit toujours qu'il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Depuis 1984, nous comprenons que notre partenaire commercial du Sud pense qu'il veut un meilleur accord; le Canada devrait-il alors se doter d'une meilleure politique de commerce international, ou commencer à chercher un nouveau marché et à élargir ses ventes ailleurs?

M. MacNaughton : Nous devrions certainement envisager d'élargir nos marchés ailleurs. Je pense qu'en réaction à l'imposition de tarifs sur le bois d'œuvre, nous tentons de trouver des moyens d'aider l'industrie canadienne du bois d'œuvre à diversifier ses marchés.

Quand on a un bon partenaire commercial, il importe de bien le traiter et de lui faire attention, mais il faut aussi veiller à avoir un marché diversifié.

Bien des entreprises n'ont pas suffisamment élargi leurs marchés parce que le marché américain était ouvert et relativement facile d'accès. Nous devons donc encourager les Canadiens à se tourner vers d'autres marchés, mais aussi tenter de faire ce que nous pouvons pour leur faciliter la tâche.

Je sais que les provinces ont également un rôle à jouer à cet égard. Sachez, sénateur, que j'essaie toujours de rencontrer de petits groupes de gens quand je voyage à travers le pays. Or, j'ai remarqué, chez les jeunes entrepreneurs d'aujourd'hui, une véritable différence par rapport à l'époque à laquelle j'ai lancé ma propre entreprise, en ceci qu'ils considèrent le globe comme leur marché. Ils font montre d'un bien plus grand esprit entrepreneurial, car ils peuvent vendre aux quatre coins du monde bien plus que ne le faisaient un grand nombre d'entreprises au début de ma carrière.

Je trouve cela vraiment encourageant, mais je suis tout à fait d'accord avec vous : nous devons faire tout ce que nous pouvons pour élargir nos marchés dans d'autres pays, car nous sommes vulnérables quand nous mettons tous nos œufs dans le même panier.

La présidente : Merci, monsieur l'ambassadeur, d'avoir témoigné avec votre équipe. Nous en sommes à l'étape exploratoire de nos démarches visant à déterminer ce que nous ferons à partir de maintenant. À l'évidence, vous êtes dans le même état d'esprit. Nous ne sommes pas tout à fait sûrs de ce que le Canada va faire; le monde a beaucoup changé.

Nous garderons un œil sur la nouvelle politique étrangère et les initiatives commerciales futures. Vous verrez certainement un grand nombre d'entre nous à Washington. Nous considérons que nous avons tous un rôle à jouer pour aider la population et les entreprises canadiennes, et je pense que les échanges d'aujourd'hui ont été très utiles.

Nous vous souhaitons bonne chance dans vos fonctions. Mieux vous exécutez vos fonctions, mieux nous nous en portons. Nous savons à quel point vous être important pour notre bien-être au Canada.

Nous vous souhaitons la meilleure des chances à Washington. Je pense que tout ce que nous pouvons faire pour garantir à la population canadienne que nous protégeons ses intérêts en ces temps turbulents sera bien accueilli. Merci d'avoir comparu avec votre équipe. Nous nous réjouissons à la perspective de poursuivre nos échanges.

M. MacNaughton : Merci beaucoup. Je répéterai ce que j'ai dit plus tôt : si je pense que nous allons très bien nous en sortir dans le cadre de notre relation avec les États-Unis au cours des négociations commerciales, c'est avant tout parce que nous disposons d'une excellente équipe. Je peux compter sur une équipe formidable à l'ambassade de Washington, nous avons des gens extraordinaires en poste aux quatre coins des États-Unis et il y a des gens d'une grande intelligence ici, à Ottawa, pour m'épauler.

Mais surtout, nous recevons le soutien de Canadiens qui, de toutes les régions du pays, nous offrent leur aide, qu'il s'agisse de provinces, d'entreprises ou de personnes issues d'organisations communautaires. Les partis politiques auront leurs divergences d'opinions, ce que je respecte, puisque je comprends la politique. Mais le fait est que lorsque des gens de toute allégeance et de toute origine viennent aux États-Unis, nous formons l'« Équipe Canada », et cela change la donne.

Merci beaucoup à tous. Je peux vous garantir que quand vous viendrez aux États-Unis, vous bénéficierez du plein soutien de l'ambassade et de son personnel, et de mon propre soutien. Merci de m'avoir invité; je reviendrai avec plaisir quand il vous conviendra.

La présidente : Sénateurs, la séance est levée. Nous reprendrons nos travaux demain.

(La séance est levée.)

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