Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 30 - Témoignages du 28 septembre 2017
OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 35, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international effectue aujourd’hui une étude dans le cadre de son mandat lié aux relations étrangères et au commerce international en général.
Nous tenons surtout à obtenir une mise à jour sur l’élection fédérale allemande de 2017, qui vient de se dérouler. L’Allemagne est un proche partenaire du Canada. En plus des liens qui nous unissent au sein de l’OTAN, nous avons récemment signé l’Accord économique et commercial global, ou AECG. Nous avons une grande diaspora et beaucoup d’échanges commerciaux; par conséquent, l’Allemagne joue un rôle crucial dans le contexte européen et dans nos relations bilatérales.
Nous nous sommes dit qu’il serait opportun d’avoir une mise à jour de la part de ceux qui suivent attentivement la situation en Allemagne.
Nous sommes donc ravis de recevoir, malgré un très court préavis de notre part, deux témoins qui nous présenteront leurs points de vue sur certains aspects généraux pour ensuite répondre à nos questions.
Nous n’allons pas lire vos biographies, car cela prendrait trop de temps, mais elles ont été distribuées. Nous sommes au courant de vos antécédents et de votre expertise, et nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.
Nous accueillons Daniel Stockemer, professeur agrégé à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, et Achim Hurrelmann, Institut des études européennes, russes et eurasiennes, professeur agrégé au Département de science politique de l'Université Carleton.
Il semble donc y avoir ici un bon équilibre de professeurs agrégés venant des deux universités. Je suis sûre que nous constaterons certaines similitudes et peut-être certaines différences entre vos points de vue sur les résultats de l’élection et leurs répercussions pour l’Allemagne et, dans un contexte plus large, pour le Canada.
Soyez les bienvenus au comité. Je vais céder la parole au premier témoin, M. Stockemer, pour qu’il fasse une déclaration préliminaire. Ensuite, nous entendrons notre deuxième témoin, après quoi nous passerons aux questions.
Bienvenue au comité.
Daniel Stockemer, professeur agrégé, École d’études politiques, Université d’Ottawa, à titre personnel : Merci beaucoup. D’après ce que nous avons décidé, je parlerai surtout des résultats de l’élection, alors que M. Hurrelmann s’attardera sur les conséquences pour l’Europe et les relations transatlantiques.
J’aimerais commencer sur une note optimiste. C’est la première fois que le taux de participation a augmenté de près de 5 p. 100. Cette élection a suscité un grand intérêt et une forte participation comparativement à l’élection précédente. J’y reviendrai tout à l’heure. Par contre, quand on se met à examiner les choix de l’électorat non votant, la situation pourrait être moins positive, mais gardez cela à l’esprit.
Tout d’abord, j’ai quelques observations générales à faire. Le principal point qui ressort de l’élection, c’est que les deux grands partis, à savoir le CDU et le SPD, le Parti social-démocrate, ont perdu du terrain. Pour le SPD, c’était la pire performance de son histoire. Le CDU, quant à lui, a perdu presque 9 p. 100 des voix. Les deux principaux partis, qui représentaient auparavant plus de 65 p. 100 des suffrages, se trouvent maintenant avec seulement 52 p. 100 des voix. En revanche, tous les petits partis ont gagné des voix, et c’est surtout le cas de deux partis : le parti libéral du centre et le parti d’extrême droite, soit l’AfD. C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un parti d’extrême droite est entré au Parlement.
Je vais maintenant parler brièvement des options pour une coalition. À cet égard, il n’y a que deux options raisonnables. La première serait de reconduire l’actuelle coalition, mais cette éventualité est très peu probable, même si Angela Merkel a dit qu’elle aimerait poursuivre les efforts en ce sens ou, du moins, parler avec le SPD, lequel a décidé de devenir l’opposition officielle.
L’autre option serait une soi-disant coalition jamaïcaine. On entend par là une coalition entre les conservateurs, le CDU/CSU, le parti vert et les libéraux. Selon moi, il est assez probable qu’une telle coalition survienne, mais il s’agit de trois ou quatre partis, si nous tenons compte de l’aile sociale.
La sénatrice Eaton : Quel est l’acronyme pour les libéraux?
M. Stockemer : Le FDP, et le Parti vert s’appelle Grüne; il y a aussi le CDU, soit le Parti conservateur. C’est ce qui formera probablement l’éventuelle coalition, mais ce sera à l’issue de pourparlers difficiles parce que certains dossiers risquent de provoquer des querelles. Quoi qu’il en soit, tout laisse croire que cette coalition pourrait se concrétiser.
Il y a un autre constat important quand nous examinons les résultats de l’élection : c’est la première fois qu’un parti d’extrême droite fait son entrée au Parlement. Il y avait un nombre considérable de votes. Le parti a recueilli presque 13 p. 100 des voix et plus de 20 p. 100 dans l’Est. Plus précisément, il a obtenu 21,5 p. 100 des voix dans l’Est. Si nous examinons la carte électorale, plus nous nous dirigeons vers l’est, plus le nombre de voix obtenues augmente. Dans les trois districts situés le plus à l’est, le parti a même recueilli la majorité des voix.
Il y a là de quoi s’inquiéter. Par ailleurs, en ce qui a trait à la réorientation des votes, qui sont les électeurs de ce nouveau parti d’extrême droite? Encore une fois, il est intéressant de noter que ce parti a été formé en 2012 en tant que parti anti-européen contre les renflouements. Le parti s’est maintenant transformé en un parti d’extrême droite dont les grands principes sont le populisme, la xénophobie, l’anti-immigration et l’islamophobie.
La campagne s’est articulée autour du thème de la sécurité et de l’idée que les gens ne se sentent plus en sécurité en Allemagne. Le parti a utilisé des images et des mots forts. Voici un exemple de slogan : « Des burqas? Nous préférons les bikinis. » Sur une autre affiche, on voit un bateau d’immigrants traversant la Méditerranée, et l’image est accompagnée du message suivant : « Des réfugiés? C’est plutôt un autre groupe de criminels. » Les dirigeants du parti ont donc réussi à obtenir ces voix en misant sur une campagne de contestation populiste.
Qu’ont-ils fait? Ils ont mobilisé un grand nombre de non-votants. D’ailleurs, si le taux de participation a augmenté de 4,5 p. 100, c’est en partie parce que ce nouveau parti a pu obtenir le vote de 1,6 million de personnes n’ayant jamais voté auparavant. L’autre grande partie des électeurs provenaient des rangs des chrétiens-démocrates, soit le parti d’Angela Merkel, et il s’agissait probablement de gens qui étaient insatisfaits des politiques du juste milieu d’Angela Merkel et du fait que la chancelière avait autorisé l’arrivée de tous les réfugiés.
Un autre sujet important durant la campagne était la question des réfugiés. Cela montre également pourquoi ce parti a pu recueillir tant de voix; en effet, chaque fois que le sujet de prédilection de la droite radicale est un thème important durant les élections, normalement, ce parti s’en sort bien.
L’autre grand parti qui a remporté beaucoup de voix était les libéraux. La plupart de leurs électeurs provenaient du Parti chrétien-démocrate, qui a perdu près de 9 p. 100 des voix. Un peu plus du tiers est allé à l’AfD et l’autre tiers, aux libéraux.
En terminant, le Bundestag allemand sera, cette fois, plus grand que jamais parce qu’il y a beaucoup d’Überhangmandate, comme on les appelle. Cela signifie que les candidats ont essentiellement remporté chaque district, mais toutes proportions gardées, au deuxième tour, ils ont gagné relativement peu de voix. C’est donc dire que le Bundestag aura un très grand nombre de sièges.
Je vais maintenant céder la parole à M. Hurrelmann.
Achim Hurrelmann, Institut des études européennes, russes et eurasiennes, professeur agrégé, Département de science politique, Université Carleton, à titre personnelC’est un grand honneur pour moi d’être ici. Je vais essayer de reprendre là où mon collègue a laissé, à savoir la possibilité d’une coalition. J’ai préparé ce tableau pour vous montrer la force des divers partis. Ce que nous pouvons voir, c’est qu’il y aurait deux options pour la formation du gouvernement. L’Allemagne a clairement une tradition de gouvernement de coalition, car les gouvernements minoritaires ne sont pas considérés comme une option réaliste. Nous assisterons maintenant au processus de formation d’une coalition qui aboutira, fort probablement, à cette soi-disant coalition jamaïcaine.
Ce ne sera pas facile, car, comme j’ai essayé de l’illustrer dans la deuxième diapositive que je vous ai distribuée, les partis qui négocieront maintenant entre eux auront des divergences de vues sur quelques dossiers importants, surtout d’ordre national. Par exemple, les deux plus petits partis, soit le Parti libéral-démocrate, qui est un parti libéral, et le Parti vert pourraient avoir des opinions différentes sur des questions comme la réglementation environnementale : ils devront décider s’il faut procéder à la déréglementation et à la libéralisation des marchés, comme le propose le FDP, ou s’il faut plutôt accroître les règlements en vue de favoriser la modernisation écologique.
Dans le cadre des pourparlers sur la coalition, il y aura aussi, de toute évidence, un débat sur la politique concernant les réfugiés, ce qui sera une dimension importante. En particulier, le CSU, à savoir l’aile bavaroise du Parti chrétien-démocrate de Merkel, exercera des pressions pour fermer les frontières et admettre moins de réfugiés en Allemagne, alors que les deux autres partis, ayant une position plus libertaire, insisteront sur la nécessité pour l’Allemagne de remplir ses obligations internationales à l’égard des réfugiés et ils se montreront sceptiques quant à l’idée d’imposer un plafond à l’admission de réfugiés.
Néanmoins, malgré ces difficultés, je suppose et je prévois qu’une telle coalition verra le jour. Par conséquent, dans le reste de mon exposé, je me concentrerai sur quelques répercussions prévues de cette coalition et de ce nouveau gouvernement sur les dossiers qui, je présume, intéressent votre comité, comme les questions liées à la politique étrangère et au commerce international.
Avant de commencer, je tiens à mentionner brièvement que la politique étrangère a été une question très accessoire durant la campagne électorale, la seule exception étant la relation avec la Turquie. Comme vous le savez sans doute, les relations entre l’Allemagne et la Turquie sont vraiment mal en point en ce moment. Au cours de la campagne électorale, tous les partis ont proposé de mettre fin au processus d’accession de la Turquie à l’Union européenne. J’aurai quelques mots à dire à ce sujet, mais sachez que c’est la seule question en matière de politique étrangère qui a vraiment été débattue.
Je voudrais faire quelques brèves observations sur les questions pertinentes qui touchent le Canada. La première concerne le commerce. Il est important de noter ici que, dans son manifeste, le Parti vert déclare s’opposer à la ratification de l’AECG dans sa forme actuelle, comme ils le disent. Il s’agit d’un parti qui fera sans doute partie du gouvernement. Il reste à savoir si cette position sera maintenue au terme des négociations sur la coalition.
Je ne m’attends pas à ce que cette position soit acceptable pour les autres partis, le CDU/CSU et le FDP, dans le cadre des pourparlers sur la coalition. Je m’attends plutôt à ce que le Parti vert accepte un compromis sur cette question, mais ce sera assurément un sujet à surveiller dans une perspective canadienne.
Soit dit en passant, si les verts devaient faire partie du gouvernement, j’estime qu’il serait fort peu probable qu’un tel gouvernement appuie le soi-disant Partenariat transatlantique de commerce ou d’investissement, ou PTCI, entre l’Union européenne et les États-Unis, même si je pense que l’AECG sera probablement adopté.
En ce qui concerne la Russie, on a noté que, dans une entrevue donnée avant les élections, le chef du Parti libéral-démocrate, Christian Lindner, avait dit accepter l’occupation de la Crimée comme un « arrangement provisoire permanent », peu importe ce que cela signifie. Là où il voulait en venir, c’était que cette question devrait être mise entre parenthèses pour permettre aux négociations de progresser ou pour stabiliser les relations avec la Russie. Il s’agit d’un parti favorable aux affaires et, comme vous le savez peut-être, il y a beaucoup d’intérêts commerciaux allemands en Russie. Ce parti tentera peut-être d’assouplir les régimes de sanctions. Je tiens toutefois à signaler que ces décisions seront prises à l’échelle de l’Union européenne. Je ne m’attends donc pas à ce que l’Allemagne s’éloigne complètement du consensus européen que les Allemands ont travaillé si fort à organiser.
Parlons maintenant de la Turquie. Si la Turquie est en colère contre l’Allemagne, c’est principalement parce que l’Allemagne a accordé un statut de réfugié, du moins temporairement, à un certain nombre de personnes que la Turquie soupçonne d’avoir pris part au coup d’État de 2016. La Turquie considère également que l’Allemagne est trop indulgente envers le PKK, le parti séparatiste kurde.
La Turquie a répliqué en procédant, selon l’Allemagne, à des arrestations arbitraires de citoyens allemands sur le territoire turc. Cela a vraiment envenimé les relations. Les esprits finiront peut-être par se calmer à la fin de la saison électorale, mais je n’entrevois aucune résolution des conflits sous-jacents à court terme. Je crois que les deux pays continueront d’entretenir de piètres relations, ce qui est évidemment lourd de conséquences dans le cadre de l’OTAN.
Pour ce qui est de l’Union européenne, l’entrée du Parti libéral-démocrate au sein du gouvernement sera probablement une mauvaise nouvelle pour le président français, Emmanuel Macron, qui a proposé de créer un poste de ministre des Finances et un budget pour la zone euro; en effet, ce parti libéral a montré beaucoup de scepticisme à l’égard des transferts financiers vers l’Union européenne, particulièrement vers les pays de l’Union européenne qui ont besoin de renflouements.
Certains espéraient qu’après les élections, l’Allemagne serait plus disposée à adhérer aux propositions d’Emmanuel Macron, mais les démarches en ce sens seront plus difficiles avec la présence du Parti libéral-démocrate au sein du gouvernement.
En même temps, je tiens à signaler qu’il est très peu probable que la position générale de l’Allemagne à l’appui de l’intégration européenne subisse un revirement. Même le parti d’extrême droite n’a pas fait campagne contre l’Union européenne, choisissant plutôt de mettre l’accent, comme mon collègue l’a dit, sur les questions liées à la migration et aux réfugiés.
Enfin, j’aimerais aborder la politique concernant les réfugiés. À cet égard, j’ai déjà mentionné brièvement que le CSU en particulier, c’est-à-dire l’aile bavaroise plus conservatrice du Parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel, réagira probablement à la réussite de l’extrême droite en adoptant des positions plus restrictives sur l’admission des réfugiés. Ce parti a déjà essayé de démontrer une proximité avec Viktor Orbán, le premier ministre hongrois qui, au sein de l’Union européenne, est le porte-étendard des politiques favorables à la fermeture des frontières aux réfugiés.
Cela signifie que, dans le contexte de l’Union européenne, l’Allemagne continuera de préconiser des ententes avec des pays comme la Turquie et la Libye pour empêcher l’entrée des réfugiés ou pour externaliser les contrôles frontaliers des réfugiés, si l’on peut dire.
Il s’ensuit également que l’Allemagne est peu susceptible d’appuyer, à l’échelle de l’Union européenne, des mesures plus rigoureuses contre les tendances antilibérales dans des pays comme la Hongrie ou la Pologne.
Un dernier mot : en ce qui concerne les autres enjeux sur lesquels vous vous posez peut-être des questions, comme le Brexit, l’appui à l’égard de l’accord de Paris sur les changements climatiques, l’entente avec l’Iran sur l’énergie nucléaire et la Corée du Nord, je ne prévois pas que les résultats de l’élection allemande aient une incidence importante sur la position de l’Allemagne. Merci beaucoup.
La présidente : Merci. Vous avez tous deux été très efficaces en allant droit au but.
J’ai une question que l’un ou l’autre d’entre vous pourrait clarifier. Vous avez dit que le parti libéral avait exprimé une position sur la Crimée. Un des points qui ont attiré l’attention, non seulement en Allemagne, mais dans le cadre des élections en Europe, c’est l’intervention du gouvernement russe ou des forces internes de la Russie, notamment sous forme d’un appui financier ou d’un autre type de soutien en échange peut-être de la levée des sanctions — voilà le genre d’approche.
Y avait-il des données ou des renseignements, pendant ou après les élections, qui révèlent une intervention de l’Est?
M. Hurrelmann : Voulez-vous dire des mesures pour essayer d’influencer les élections?
La présidente : Oui, ou pour payer les partis. Il y avait des allégations dans tous les sens. Avez-vous suivi la situation?
M. Stockemer : Je n’ai pas de preuves. Je suis certain que Poutine a grandement financé la campagne de Marine Le Pen en France. En Allemagne, les rumeurs laissent entendre que des fonds ont été versés à l’AfD. Ce n’est pas vraiment confirmé. Je ne peux donc pas dire si c’est le cas ou pas. Le bruit court, mais je n’ai pas de données pour le prouver.
M. Hurrelmann : Même si la Russie a essayé d’influer sur les résultats des élections, je n’ai pas l’impression que ses tactiques ont eu un grand effet. Lors de la fin de semaine des élections, certains ont rapporté beaucoup d’activités sur de faux comptes Twitter que les gens soupçonnent d’être liés à la Russie, mais seulement 2 p. 100 des Allemands utilisent Twitter. Bref, ces tactiques n’ont à certains égards servi à rien.
La présidente : Plus nous allons vers l’est et plus le parti de l’extrême droite a obtenu de bons résultats. Que pouvons-nous en comprendre?
M. Stockemer : Il y a deux aspects. Les régions les plus à l’est sont les régions qui sont les plus affaiblies et qui ont le plus de problèmes. Ce sont les régions où le taux de chômage est le plus élevé, et beaucoup de jeunes quittent ces régions en vue d’étudier ailleurs dans l’Ouest de l’Allemagne. Ce sont également des régions où il n’y a pas beaucoup d’infrastructure. Nous pouvons constater que ces régions ont été les plus laissées pour compte. C’est une question de géographie, mais nous pouvons aussi clairement voir que les régions où le soutien a été le plus fort sont les régions les plus mal en point des États de l’Est.
Une poignée de gens ou un pan de la population se sentent laissés pour compte et ont relativement l’impression que leur situation sociale, politique ou économique est précaire. J’ai des statistiques sur les électeurs qui appuient la droite radicale, à savoir ces citoyens insatisfaits. Nous pourrions dire que les hommes sont plus susceptibles de voter, et nous estimons à 23 p. 100 la probabilité qu’aillent voter les personnes qui ont l’impression que leur situation économique n’est pas aussi reluisante qu’elle le devrait. Bien entendu, ces personnes sont beaucoup plus présentes dans certaines régions à l’est qu’à l’ouest, si nous comparons les taux de chômage et d’autres facteurs sociaux. Cela correspond à l’idée que nous nous faisons de l’électeur d’extrême droite et radical moyen; les gens peu instruits sont plus susceptibles de voter pour un parti de la droite radicale. Cela correspond à la théorie des perdants de la modernisation. L’Allemagne est un chef de file en matière d’exportations, mais ce boum économique ne profite pas à tout le monde; des gens ont l’impression d’être laissés pour compte. Une grande partie de ce contexte existait déjà, mais l’AfD a réussi à mobiliser les abstentionnistes. Cela explique aussi en partie l’importante augmentation du taux de participation.
L’AfD a réussi à courtiser ces 10, 15 ou 20 p. 100 d’électeurs. C’est assez normal si vous avez des gens insatisfaits, mais l’AfD a réussi à susciter l’intérêt de ces personnes et à les convaincre de voter pour le parti. Cette situation peut être une bonne chose ou une mauvaise chose pour la démocratie. Nous pouvons au moins dire que ces gens participent de nouveau au processus démocratique, mais c’est probablement une mauvaise chose, parce qu’ils ont voté pour un parti dont les convictions démocratiques sont à tout le moins discutables.
Le sénateur Marwah : Je ne sais pas qui a préparé ce document, mais c’était très clair et très utile. Merci beaucoup.
Monsieur Hurrelmann, j’aimerais revenir sur vos commentaires. Vous avez fait allusion à ce qui est essentiellement la fragilisation du parti de Merkel et vous avez dit que ce sera difficile avec la coalition. Quel impact la situation a-t-elle sur les risques financiers relativement à l’Union européenne? Comme vous n’êtes pas sans le savoir, l’Allemagne a été la figure de proue derrière le sauvetage financier de la Grèce et d’autres pays plus faibles de l’Union européenne. La France vient tout juste de proposer d’accentuer l’intégration financière au sein de l’Union européenne. Croyez-vous que les résultats électoraux viennent considérablement nuire à cette possibilité ou que cela accroît les risques? Quelle est la suite des choses?
M. Hurrelmann : Avec ce nouveau gouvernement, il est peu probable que l’Allemagne donne son aval à un budget d’une grande portée concernant la zone euro dont un ministre des Finances de la zone euro pourrait se servir pour relancer activement l’économie, et c’est ce qu’Emmanuel Macron a en tête.
Je crois qu’Angela Merkel comprend qu’elle doit collaborer avec les Français et Macron. Elle ne rejettera pas carrément du revers de la main la proposition. Il y aura probablement un ministre des Finances de la zone euro, mais les pouvoirs et le budget de ce ministre seront probablement relativement limités, parce que divers partis formeront maintenant le gouvernement. En comparaison au précédent partenaire, soit les sociaux-démocrates, la coalition sera beaucoup moins disposée à affecter des ressources allemandes à des projets européens communs.
Cela n’influera pas sur le mécanisme européen de stabilité qui a été utilisé pour renflouer des pays comme la Grèce, parce que les fonds ont déjà été affectés. L’argent est là. Si la crise au sein de la zone euro s’aggrave encore, ce que les prévisions ne laissent pas présager, l’Union européenne aura des fonds pour venir en aide aux autres. Le débat actuel est davantage tourné vers l’avenir. Voulons-nous investir des ressources dans une politique économique plus active pour l’ensemble de l’Union européenne ou de la zone euro? À mon avis, l’Allemagne aura le pied sur le frein.
La sénatrice Eaton : Pour donner suite aux questions de mon collègue, Angela Merkel ne dira pas non à Emmanuel Macron. Demeurera-t-elle la reine politique, pour le dire ainsi, de l’Union européenne? Continuera-t-elle d’être la personne la plus puissante en Europe, même si ces deux partis la forceront peut-être à faire plus de compromis qu’elle l’aurait voulu?
M. Hurrelmann : Oui. Elle est probablement plus limitée. Cependant, compte tenu de la forte puissance économique de l’Allemagne, qui est aussi le plus grand État membre, de la présence de la chancelière à ce poste depuis 12 ans et de ses vastes connaissances, je crois que cela signifie évidemment qu’Angela Merkel continuera d’exercer beaucoup d’influence au sein de l’Union européenne.
La sénatrice Eaton : Elle sera probablement la personne qui aura le plus d’influence quant aux négociations entourant le Brexit. Qu’est-ce que l’Union européenne est prête à accepter et qu’est-ce qu’elle n’acceptera pas?
M. Hurrelmann : J’ai brièvement mentionné que je ne crois pas que les élections auront un grand effet sur le Brexit. L’impasse actuelle dans le cas du Brexit concerne principalement des questions procédurales pour le moment. L’Union européenne des Vingt-Sept, comme nous appelons le groupe, soit tout le monde à l’exception du Royaume-Uni, veut tout d’abord régler ce qu’elle appelle les questions liées au divorce en ce qui concerne les paiements, par exemple, avant de passer à la négociation d’une période de transition et des relations futures.
Il s’agit d’un intérêt institutionnel de l’Union européenne qui n’a rien à voir avec la partisanerie politique. Je crois que tout le monde qui a à cœur les intérêts de l’Union européenne serait d’accord pour dire que la position logique de son point de vue est de dire : « Avant de négocier l’avenir, fermons d’abord les livres et assurons-nous de recevoir les paiements auxquels l’Union européenne pense encore avoir droit. »
Il n’y a pas vraiment de divergences d’opinions entre Merkel et les autres dirigeants européens sur ces questions; voilà pourquoi les attentes de David Davis, le secrétaire d’État à la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, sont probablement démesurées. Avant les élections, il a dit : « Après les élections en Allemagne, l’Union européenne deviendra beaucoup plus flexible. » Je ne crois pas du tout que ce sera le cas, parce que le Brexit n’était pas un enjeu durant les élections et que la position de l’Allemagne va dans le même sens que celles des autres États membres. C’est motivé par un intérêt institutionnel au sein de l’Union européenne; cela n’a rien à voir avec la partisanerie politique nationale en Allemagne.
La sénatrice Eaton : L’un des aspects qu’a soulevés le Brexit est la question de l’ouverture des frontières, et je crois que cela touche l’ensemble de l’Europe et surtout l’Allemagne. Il s’agit de la libre circulation des personnes, et les Anglais s’y opposent farouchement. Comme vous le savez, il y a beaucoup de réfugiés en Turquie, et je crois comprendre que l’Italie est envahie par des réfugiés en provenance de l’Afrique du Nord.
M. Hurrelmann : Ce sont techniquement deux enjeux différents. Il y a premièrement la libre circulation des citoyens de l’Union européenne au sein de l’Union européenne. C’est un enjeu important dans la saga du Brexit, parce que les Britanniques veulent y mettre fin, et l’Union européenne a expliqué que cela ne peut se faire que si le Royaume-Uni quitte le marché européen unique.
Le deuxième enjeu est la question des réfugiés, et vous avez tout à fait raison. Ce problème n’est pas réglé.
La sénatrice Eaton : Bref, les réfugiés ne peuvent pas se déplacer comme bon leur semble. Autrement dit, si je suis une réfugiée en Italie, je ne peux pas me rendre en France ou en Angleterre.
M. Hurrelmann : Les règles de ce que nous appelons la Convention de Dublin dans l’Union européenne exigent que la demande d’asile d’un réfugié soit traitée dans le premier État de l’Union européenne où il est arrivé, ce qui explique pourquoi l’Italie est débordée. C’est souvent en Italie. Les dispositions de cette convention ne sont pas appliquées correctement dans tous les cas et ont été mises de côté, mais c’est encore le principe général qui prévaut quant au traitement des réfugiés. La libre circulation des personnes ne s’applique pas aux réfugiés, parce que c’est un droit réservé aux citoyens de l’Union européenne.
Le sénateur Housakos : J’ai deux ou trois questions. Le débat autour du Brexit a-t-il eu un effet important sur les élections? Cela ne semble pas avoir joué le rôle que les experts avaient prédit durant la campagne. Pourquoi?
Mon autre question porte sur la dichotomie économique frappante entre les États du Nord et les États du Sud de l’Union européenne. Quel rôle cela a-t-il joué dans les dernières élections en Allemagne? Sentez-vous de plus en plus de frustration chez les Allemands à l’égard des partenaires de l’Union européenne ou des États du Sud, parce que les gens ont peut-être l’impression que ces États ne fournissent pas leur part d’efforts dans le projet qu’est l’Union européenne?
M. Stockemer : Je dirais que ni l’un ni l’autre de ces enjeux n’ont joué un rôle dans la campagne.
M. Hurrelmann : Je suis d’accord. Il ne s’agissait pas d’enjeux importants. Qui plus est, il n’y a pas beaucoup de divergences d’opinions entre les partis, en particulier au sujet du Brexit.
Le sénateur Housakos : J’ai toujours trouvé fascinante la patience des Allemands à l’égard de certains des États du Sud de l’Europe. Je trouve très intéressant le modèle économique qui a été créé dans l’Union européenne, et les Allemands en ont profité, à mon avis, au départ. Ils ont créé un modèle qui leur a permis de profiter de la croissance du marché dans l’Union européenne. Durant la même période, nous avons vu des États du Sud, comme la Grèce, l’Italie et d’autres, qui ont créé un faux marché d’acheteurs. D’un côté, les Allemands prêtent ou donnent de l’argent; de l’autre, ils vendent des produits.
À mon humble avis, les éléments fondamentaux de ce modèle économique n’arriveront plus un jour ou l’autre à le maintenir à flot. J’aurais cru que cette question aurait suscité un vif débat lors des élections en Allemagne, mais ce n’a pas été le cas pour une certaine raison. Je trouve cela troublant de mon point de vue nord-américain.
M. Hurrelmann : La raison, c’est que la crise a affaibli tous les pays européens, mais la croissance économique est de retour dans les pays de la zone euro. Comme vous le savez, l’engouement dans le monde politique est de courte durée. Nous sommes passés à d’autres enjeux. Je suis d’accord pour dire que certaines faiblesses sous-jacentes à l’ensemble du modèle européen n’ont pas été réglées. Certains aspects ont fait l’objet de réformes après la crise qui a frappé la zone euro, et la proposition de Macron serait une manière raisonnable de nous attaquer aux problèmes qui subsistent et au danger qu’une crise se reproduise.
Cependant, le Parti libéral-démocrate allemand et, dans l’ensemble, l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne prônent un autre modèle qui verrait en gros les pays du Sud de l’Europe adopter une approche plus allemande quant à la façon dont ils gèrent leur économie en mettant davantage l’accent sur l’austérité, la compétitivité, et cetera. Ces deux modèles continuent de coexister, et ce sera un énorme défi qui attend Merkel et Macron après les élections; il faudra déterminer où s’en va la zone euro et si nous pouvons arriver à un compromis pour espérer régler la question.
M. Stockemer : L’AfD, qui a été fondée en 2012, se veut en gros un parti eurosceptique, et le principal enjeu par rapport à la zone euro à l’époque était le sauvetage financier des États du Sud de l’Europe. Le parti jette maintenant son dévolu sur les sentiments anti-islamique et anti-immigration. La question européenne est un très petit enjeu. Le parti s’en est servi pour jeter le blâme sur l’Union européenne pour quelque chose qui a mal tourné en Allemagne. Outre cela, même dans le cas de l’AfD, dont la seule raison d’être est de se montrer critique envers l’Europe, le parti est devenu en cours de campagne un parti de droite populiste et radical plus général.
Durant la campagne électorale en Allemagne, ces enjeux ayant trait à l’Europe n’ont pas porté leurs fruits. Par ailleurs, en ce qui concerne le nouveau gouvernement, nous devons penser aux deux groupes qui ont fusionné pour former le Parti vert. Ce parti est pro-européen et est tout à fait favorable à l’idée d’une plus grande redistribution. De l’autre côté, nous avons le Parti libéral-démocrate qui s’oppose un peu à l’idée ou qui est davantage un partisan de l’austérité et du modèle allemand.
Nous devrons attendre et voir comment se passeront les choses au sein de la coalition, mais je ne suis pas certain que la position de l’Allemagne sera aussi rigide que l’avance M. Hurrelmann. Nous aurons deux pôles au sein de la coalition qui tireront chacun dans des directions différentes.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup de votre présence ce matin. Je trouve nos discussions fascinantes. J’aimerais élargir un peu le sujet des discussions et aller même à certains égards au-delà de ces élections et de la coalition qui verra peut-être le jour. Pouvez-vous nous parler de l’effet des tendances dans le scrutin en Allemagne et des tendances sociales sur la cohésion et la cohérence au sein de l’Europe dans un contexte géopolitique qui évolue très rapidement?
Nous avons la Russie, qui est un joueur important, la Chine, les États-Unis et d’autres. Qu’est-ce que cela laisse présager pour l’Europe? Je ne parle pas vraiment de l’Union européenne, mais bien de l’Europe à titre de force dans le monde libéral démocratique.
M. Stockemer : Je dirais qu’il est très peu probable d’assister à une plus grande intégration, en particulier dans l’est. Vous n’en avez pas parlé, mais c’est peu probable que la Pologne ou la Hongrie redoublent d’efforts en matière d’immigration. Il est également possible que ces pays viennent éroder certaines valeurs européennes ayant trait à la justice. En ce qui concerne l’Europe de l’Ouest, même si l’AfD a obtenu de très bons résultats, je m’attends plutôt à voir les partis populistes perdre lentement en popularité. Nous l’avons vu en Autriche lors des élections présidentielles, et des élections auront également lieu très bientôt en Autriche.
Je ne m’attends pas à ce que la droite radicale obtienne plus de 35 ou 40 p. 100 d’appui; du moins, je l’espère. Comme nous l’avons vu en France, tout le monde s’époumonait à dire qu’il y avait un risque que Marine Le Pen accède à l’Élysée; or, elle a obtenu des résultats plus décevants que ce que nous avions prévu.
Entre-temps, nous l’avons vu aux Pays-Bas où Geert Wilders a obtenu des résultats plus décevants que ce que tout le monde avait prédit. Je ne crois donc pas qu’une menace populiste est imminente. Cela concerne les développements dont vous avez parlé. Les Européens regardent attentivement ce qui se passe aux États-Unis et surveillent très étroitement ce chaos. Ils ont suivi ce qui s’est passé en Grande-Bretagne. La campagne pour le Brexit était également de nature très populiste et s’appuyait en partie sur des demi-vérités ou des mensonges. Selon ce que je vois, la menace populiste n’est pas imminente, en particulier dans les pays de l’Europe de l’Ouest.
Cela vaut également pour l’Allemagne. L’appui à l’égard de l’Union européenne demeure très fort. Il y a un nombre négligeable de personnes insatisfaites. Ces gens sont peut-être aussi insatisfaits de l’Union européenne, mais je crois que ce ne sont pas principalement des raisons ayant trait à l’Europe qui ont motivé les électeurs à voter pour ces partis, en particulier en Allemagne.
Le danger se situe davantage en Europe de l’Est, où des partis appelés des partis conservateurs nationaux sont au pouvoir. Ces partis essaient, par exemple, d’éroder certaines règles européennes ayant trait aux droits de la personne. En Europe de l’Ouest, en particulier après le Brexit, le consensus s’est renforcé. Il y a eu une sorte de réunification, du moins, au sujet de cet enjeu. Je ne considère pas cela comme un danger imminent pour l’Union européenne, mais je ne m’attends pas non plus à voir des tendances vers une plus grande intégration; du moins, pas en ce qui concerne tous les 27 ou 28 pays.
Le sénateur Gold : Si je comprends bien, on ne peut pas espérer que l’Europe joue un plus grand rôle à cet égard que celui de contrepoids qu’elle joue à l’heure actuelle pour défendre les valeurs démocratiques libérales dans un monde de plus en plus dominé par des puissances — que ce soit la Chine ou la Russie — que l’on pourrait, sans se tromper, qualifier d’antidémocratiques.
M. Hurrelmann : Pour moi, la grande question qui se pose à l’Union européenne à l’heure actuelle c’est de décider si elle va souscrire à l’intégration différenciée, une notion propre à la terminologie de l’UE selon laquelle certains États membres iraient de l’avant avec des enjeux comme le renforcement de la sécurité et de la défense alors que d’autres resteraient en retrait. En Allemagne, tous les partis du « nouveau » gouvernement militent en faveur d’une plus grande intégration différenciée. L’Allemagne serait un des États disposés à mener le bal.
Comme cela a été dit, il y a un certain nombre de pays de l’Europe orientale, comme la Hongrie et la Pologne, qui ne veulent pas d’une plus grande intégration, mais qui craignent d’être laissés derrière s’ils ne suivent pas les autres. Ils sont réticents à embrasser cette idée d’intégration différenciée. La grande question sera de savoir s’il pourra y avoir une sorte de compromis au sein de l’Union européenne pour permettre aux pays qui veulent faire plus ensemble de s’exécuter. Si cela se produisait, l’Europe s’en trouverait renforcée à plus d’un égard. Si cela ne se produisait pas et que la recherche d’un compromis rencontrait une vive opposition, je crois que votre scénario serait tout à fait plausible.
Le sénateur Oh : Merci à nos témoins. Ma question porte sur l’entrée au parlement allemand du parti de droite AfD, l’Alternative pour l’Allemagne, avec 12,6 p. 100 des suffrages et plus de 90 sièges. L’AfD est particulièrement forte dans l’Est de l’Allemagne, là où se trouve la circonscription de Mme Merkel. Dans cette partie du pays, 20 p. 100 des électeurs ont choisi l’AfD. On estime à 20 millions le nombre de votes que l’AfD a arraché à l’Union chrétienne-démocrate d’Angela Merckel, la CDU.
Comment expliquez-vous qu’un si grand nombre d’électeurs de l’est de sa circonscription ont opté pour l’AfD? Les questions d’immigration auraient-elles pris le dessus sur les questions économiques vers la fin de la campagne?
M. Stockemer : Je dirais oui et non. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que la politique carbure à la peur et aux perceptions. Ces régions sont celles où il y a le moins d’immigrants, mais ce sont celles où la peur de l’immigration, la peur de perdre davantage et la peur de traîner de la patte sur le plan économique sont les plus fortes. En Allemagne, de façon générale, le taux de chômage oscille entre 5 ou 6 p. 100, mais dans ces régions, il est de 12, 13, 14 ou 15 p. 100. Ce sont aussi les régions les plus défavorisées sur le plan économique. Cette adhésion n’est pas nécessairement le fait des chômeurs, mais elle est nourrie par la crainte d’une augmentation de l’immigration.
Il y a aussi moins d’interaction entre les Allemands de souche et les immigrants. Dans cette partie du pays, la population est un peu plus âgée et moins éduquée que dans l’Ouest, et les infrastructures ne sont pas aussi bonnes. Ce sont des régions que l’on a négligées et qui se sentent négligées, et c’est là où la partition du vote a été la plus marquée. Les gens blâment Merkel et les autres partis de ne pas en avoir fait assez pour ces régions, puis il y a cette peur latente qui s’est installée.
Il faut aussi souligner que, traditionnellement, ils étaient beaucoup plus à l’écoute. Rappelez-vous ce qui s’est passé en 1992 et 1993, lorsqu’il y a eu une recrudescence des attaques des radicaux à l’endroit des immigrants et des réfugiés. Ils étaient déjà beaucoup plus présents dans l’est. Le sentiment anti-immigration latent est plus fort dans cette partie du pays, et ce, depuis des décennies. L’AfD a su tourner cela à son avantage.
M. Hurrelmann : Je suis d’accord avec cela. Vous avez demandé s’il y a eu une recrudescence des débats à propos des réfugiés dans les dernières semaines de campagne et la réponse est oui, il y en a eu plus. C’était le sujet que Merkel aurait aimé que l’on oublie. Bien entendu, la prétendue crise des réfugiés, le moment fort de l’arrivée des réfugiés, c’était en 2015. La situation a plus ou moins été maîtrisée, en partie parce que l’Union européenne a négocié une entente avec la Turquie pour qu’elle mette fin au passage des réfugiés sur son territoire et leur entrée subséquente en Grèce. L’Union européenne a travaillé avec des pays comme la Macédoine pour fermer la soi-disant route des Balkans qu’ont utilisée beaucoup de réfugiés syriens pour gagner la Hongrie, l’Autriche, puis l’Allemagne.
La question des réfugiés n’est pas un sujet chaud sur le plan des politiques, car, dans une vaste mesure, elle a déjà été réglée. Sauf que les peurs associées à cela ont persisté, et l’AfD est parvenue à les raviver dans les dernières semaines de la campagne. Dans une certaine mesure, la stratégie de Merkel pour tenter d’éviter toute discussion sérieuse sur les politiques pendant la campagne a contribué à ce que l’AfD tentait de faire. Sa stratégie contre le Parti social-démocrate d’Allemagne a été d’être aussi vague que possible et d’éviter de parler de contenu. Le slogan de sa campagne équivalait à dire que l’Allemagne est un pays que nous aimons et où il fait bon vivre, mais l’extrême droite a quand même été en mesure de rappeler l’afflux des réfugiés à la population et d’alimenter les peurs dont parlait M. Stockemer.
Le sénateur Woo : J’ai une brève question et une question complémentaire. À quoi ressemble la popularité personnelle de « Mutti Angela » ces jours-ci, compte tenu de ses résultats décevants lors des élections?
M. Hurrelmann : Elle est l’une des figures politiques les plus populaires du pays.
Le sénateur Woo : L’est-elle toujours?
M. Hurrelmann : Elle est encore quatrième ou cinquième au sommet de la liste des grandes figures politiques les plus populaires. Elle jouit encore d’une popularité personnelle qui va au-delà des sympathisants de son propre parti et rejoint des gens qui appuient les sociaux-démocrates, les verts et les militants du Parti libéral-démocrate. En tant que personne, elle est très impopulaire auprès de tenants de l’extrême droite, mais ces derniers sont les seuls à l’haïr avec tant d’ardeur.
Le sénateur Woo : Les deux parties de votre réponse me donnent un certain optimisme. J’envisage un scénario qui est probablement d’un optimisme naïf, mais qui se fonde tout de même sur une partie de votre analyse. Pour gagner des votes et remporter le succès qu’elle a eu lors de la dernière élection, l’AfD a dû passer d’une position plutôt anti-Europe à une position plutôt anti-réfugiés et anti-immigration. Elle a pu faire cela parce que le souvenir de ce million de réfugiés était encore frais dans l’esprit des gens. Malgré tous les efforts que « Mutti Angela » a pu déployer pour tenter de faire oublier cette question, elle est toujours bien présente dans l’esprit de tous. Vous ne pouvez pas l’effacer complètement, mais le souvenir va s’étioler au fil du temps. Assurément, il va s’étioler.
Cela dit, la question est maintenant de savoir si l’AfD sera en mesure de revenir à sa position anti-Europe ou d’adopter un autre cheval de bataille pour obtenir de nouveau cet appui de 12, 13, 14 ou 15 p. 100 des électeurs. Êtes-vous d’accord avec ce scénario, ce scénario d’un optimisme peut-être un peu naïf?
M. Hurrelmann : C’est toute une question. J’aurais tendance à voir les choses de façon plus pessimiste. Je crois qu’un tabou a été brisé, un tabou contre la présence de partis d’extrême droite au Bundestag. Je m’inquièterais du fait qu’ils vont toujours trouver quelqu’un contre qui se liguer ou quelque chose pour alimenter la peur. Je ne crois pas qu’ils vont nécessairement rester à 13 p. 100. Le parti est très divisé à l’interne; par exemple, le chef a quitté le parti. Ils ne sont pas très convaincants, mais ils ne l’étaient pas non plus avant les élections. Beaucoup de gens ont voté pour eux par frustration.
Je crains qu’ils ne soient là pour rester, pas nécessairement à ce niveau, mais peut-être un peu plus bas. Je crois que la porte a été ouverte et qu’il sera difficile de la refermer.
M. Stockemer : Je suis d’accord et je ne le suis pas. Je pense que nous ne le savons pas. Tout d’abord, la recherche en matière de processus électoral indique qu’une personne qui vote trois fois de suite pour le même parti devient un électeur assidu. Or, il est très difficile pour un autre parti de changer l’opinion d’un électeur assidu. Étant donné que l’AfD n’existe pas depuis très longtemps — elle n’a été fondée qu’en 2012 — et qu’il n’y a eu que deux élections depuis, l’élection régionale et l’élection nationale, nous ne savons pas encore ce qu’il adviendra de ces électeurs.
De plus, ces partis se fondent sur une rhétorique d’opposition. Ils sont contre l’immigration, contre l’islam, contre l’Europe et contre les élites. Que ce soit ce que l’on voudra, ce sont des « anti-partis » et il se peut que les gens qui sont insatisfaits trouvent ces « anti-méthodes » attrayantes. Pour ce qui est des réfugiés, je crois que vous avez raison de dire que le souvenir de cette crise est encore frais dans l’esprit des gens. Il faut aussi reconnaître que les craintes en la matière ont été constamment ravivées, puisque tous les six mois, il y a une sorte d’attaque terroriste, et que certaines de ces attaques ont été perpétrées par des réfugiés ou d’anciens réfugiés. Il y a aussi eu ces cas de viol, de viol collectif et de meurtre. Il s’agissait de cas isolés, mais les médias en ont beaucoup parlé, et les gens se les font rappeler régulièrement. Il faut aussi tenir compte de ce qui se passera sur le terrain. Si ces attaques continuent à se produire au cours des cinq prochaines années, cette question continuera d’occuper les esprits.
Ce ne sont pas les membres eux-mêmes qui sont déterminants, c’est la peur. Il est très difficile de prévoir ce qu’il adviendra de ces peurs. La seule chose qui pourrait les atténuer serait un arrêt complet des incidents sur le terrain. L’afflux des immigrants peut bien cesser, mais si les crimes et les attaques — même isolés — se poursuivent, le sujet restera bien présent dans l’esprit des gens.
La sénatrice Cordy : Le sénateur Woo a posé une question que j’avais l’intention de poser. Est-ce une tendance ou un vote de protestation? Nous voyons cette mouvance populiste aux États-Unis et maintenant en Allemagne. Je trouve cela un peu déconcertant. Vous avez raison de dire qu’il peut toujours y avoir un « anti-parti ». On dit que c’est le désir d’opposition qui fait élire les partis.
M. Stockemer : Je dirais que le multipartisme est une bonne chose, car il tient les partis démocratiques traditionnels sur le qui-vive et les oblige à se renouveler constamment. Je crois que 13 p. 100, c’est nettement trop, mais qu’un parti marginal détenant 5 à 7 p. 100 des suffrages peut être utile. Nous n’avons pas besoin que de consensus. Nous devons aussi donner une voix aux insatisfaits, même si c’en est une que nous ne voulons pas entendre.
La sénatrice Cordy : C’est vrai.
Je suis surprise d’apprendre que la Turquie en veut beaucoup à l’Allemagne parce qu’elle se pose en terre d’accueil pour les ressortissants turcs qui ont fui le pays à la suite du coup d’État. J’étais en Turquie l’automne dernier, peu de temps après le coup d’État. À chacune de nos séances, il y avait un ministre haut placé qui venait nous parler du coup d’État et vanter le travail formidable que le président Erdogan avait fait pour le stopper. Il a fait sortir les gens dans la rue, et il y a eu un grand nombre d’arrestations en peu de temps.
C’était des séances publiques, mais dans les réunions et les discussions périphériques, dans les échanges que nous avons eus avec de nombreuses figures politiques d’autres pays d’Europe, on laissait entendre que le coup d’État avait en fait été initié par Erdogan, compte tenu de la quantité de personnes qui ont été arrêtées en si peu de temps par la suite. Certains hauts placés de l’armée étaient contre Erdogan. Certains hauts magistrats ont prononcé des décisions qui s’opposaient à lui. Voilà les choses dont les gens parlaient à l’écart.
Quel est le sentiment en Europe? Cela concerne moins directement l’Allemagne, mais de toute évidence, l’Allemagne appuie ceux qui ont fui la Turquie. Que pense l’Europe à propos du coup d’État? À qui en attribue-t-on vraiment l’orchestration?
M. Hurrelmann : Je ne voudrais pas spéculer là-dessus. Je sais que certaines thèses ont été avancées. Je ne suis pas placé pour en parler. Que dit-on de cela en Europe? Je crois bien sûr que c’est un sujet de discussion là-bas. On cherche à déterminer ce qu’il convient de faire à l’égard de la Turquie. Officiellement, la Turquie est toujours un pays qui tente de négocier son adhésion à l’Union européenne, mais dans les faits, ces négociations sont au point mort, en partie à cause de la situation problématique des droits de la personne dans ce pays, en partie à cause du conflit qui l’oppose à la Grèce et à Chypre, et cetera. En août dernier, lorsque l’Allemagne, visiblement influencée par la campagne électorale, a demandé que l’UE mette officiellement fin au processus d’adhésion de la Turquie, la majorité des États membres s’y sont opposés parce qu’ils estimaient qu’il était toujours utile de poursuivre ces négociations afin de maintenir une ligne de communication avec le gouvernement turc.
Je ne connais pas beaucoup de gens qui croient que la Turquie deviendra, à moyen terme, membre de l’Union européenne. Ces échanges sont un peu une façade pour garder les voies de communication ouvertes et pour éviter d’être celui qui se fera blâmer de les avoir rompues, le cas échéant. Je crois que c’est l’évaluation que je ferais de la situation actuelle.
M. Stockemer : Au sein de la population allemande, la Turquie est perçue de façon très négative, beaucoup plus que dans la sphère politique.
La sénatrice Bovey : Merci de vos exposés très intéressants. La plupart de mes questions ont déjà été posées, alors je vais me contenter de vous demander de creuser un peu plus profondément afin de nous dire quelle incidence les résultats de l’élection pourraient avoir sur les relations avec les États-Unis, et même avec le Canada. Après tout, nous sommes en pleine négociation de l’ALENA.
M. Hurrelmann : Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait un grand changement dans les relations, ni avec les États-Unis, ni avec le Canada. En ce qui concerne le Canada, tout ce que j’entends des diplomates et des hommes politiques à qui je parle c’est que les relations sont excellentes. Ils soulignent les valeurs communes. Ils semblent encore plus enclins à souligner cela depuis que Donald Trump est président des États-Unis, ce qui, soit dit en passant, est aussi l’une des raisons pour lesquelles je ne m’inquièterais pas outre mesure du fait que l’AECG pourrait être en danger à cause de ce nouveau gouvernement.
En ce qui concerne les États-Unis, on constate une grande méfiance au sein de la population allemande. Trump est très impopulaire. M. Stockemer a indiqué que cela a même peut-être contribué à empêcher l’extrême droite d’être encore plus forte. En revanche, il y a bien entendu énormément d’intérêt économique et politique à faire en sorte que les relations avec la nouvelle administration soient les meilleures possible. Je n’ai pas constaté de changement au sein du gouvernement actuel à cet égard, et je ne crois pas qu’il y en ait de la part des gouvernements à venir. Il faut rester ami avec le président Trump. Il faut maintenir les communications et, si tout va bien, nous parviendrons peut-être à lui faire changer d’avis sur certaines questions, comme sur l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Bien entendu, les négociations de l’ALENA sont suivies de près, car elles donnent une indication de la disposition générale de l’administration américaine quant à la conclusion d’accords commerciaux. Cela dit, je ne vois aucune ouverture à l’égard du Partenariat transatlantique en matière de commerce et d’investissement, car il y a beaucoup d’opposition en Europe à cet égard. Du reste, il est évident que le président Trump n’est pas particulièrement chaud à l’idée d’un tel accord.
M. Stockemer : J’ajouterais que je constate que la population se montre très critique. Il y a une rupture entre les politiciens et ce que pense la population.
Le problème ne se pose pas qu’en Allemagne; il est généralisé. Trump est considéré comme un idiot, un avis partagé par une vaste majorité. Je me demande si, à un certain point, il s’exerce suffisamment de pression sur lui ou s’il est possible de se montrer plus dur à son égard. La situation s’apparente à celle de la Turquie. Officiellement, nous tentons de conserver de bonnes relations avec ce pays. Cependant, l’opinion de la population à l’égard des États-Unis a complètement changé depuis que Trump a remplacé Obama. C’est un revirement total.
La présidente : Je veux revenir à l’Allemagne de l’Est et au vote. Lors de la réunification de l’Est et de l’Ouest, on a fait des promesses à l’Est et un rattrapage s’est assurément effectué. On a investi des sommes substantielles, mais l’Ouest a regimbé en faisant valoir que son argent était investi à l’Est.
Dans quelle mesure l’Est éprouve-t-il du ressentiment parce qu’il est laissé derrière? Certaines usines, à Dresde, par exemple, ont fermé leurs portes et sont vides. Disons que c’est inhabituel.
Quand vous indiquez qu’il y a du mécontentement, est-ce attribuable à la réunification ou est-ce un symptôme du chômage? Les Allemands de l’Est ne crient-ils pas à l’injustice?
M. Stockemer : L’un n’exclue pas l’autre. Ces deux explications sont valables. À l’époque, le chancelier Kohl avait promis que le rattrapage ne prendrait pas de temps. Il avait appelé cela en allemand :
[Note de la rédaction : le témoin s’exprime en allemand.]
Certaines régions sont florissantes. Malheureusement, les niveaux et les conditions de vie ne sont pas encore les mêmes. Une génération et même un peu plus a passée, et la situation n’est toujours pas égale.
Bien entendu, cela contribue au sentiment d’insatisfaction. Les gens attendent depuis 25 à 30 ans que le gouvernement tienne les promesses qu’il leur a faites. Cela explique en partie l’insatisfaction, particulièrement chez ceux qui sont restés. Un grand nombre de jeunes sont passés à l’Ouest et, bien entendu, ceux qui sont restés sont insatisfaits.
Plusieurs facteurs entrent en jeu ici. Quand on est déjà insatisfait et qu’on assiste à l’arrivée d’une nouvelle religion, de l’islam radical, de réfugiés et d’inconnus qui pourraient vous menacer et mettre en danger votre hégémonie culturelle et votre situation économique, il est plus facile de prendre peur quand on est vulnérable. C’est ce que nous observons dans certaines régions de l’Allemagne de l’Est.
Le sénateur Downe : Tournons-nous maintenant vers l’avenir. Avec cette faction de droite au Parlement allemand, quelle sera son incidence sur les problèmes financiers de l’Europe, le cas échéant? Chaque fois que je parle à un Européen, on me dit qu’on peut refinancer la dette de la Grèce. Les Européens se préoccupent de l’Italie, mais je n’ai jamais eu vent de solution permanente. L’Allemagne, bien entendu, réduit les sommes qu’elle verse à ces pays. À partir de quel point les Allemands, particulièrement ce groupe, déclareront-ils que c’est assez dans le cadre de leur plateforme? Le Royaume-Uni pourrait bien s’en aller. Tout indique qu’il va quitter l’Union européenne. Il ne reste plus que l’Allemagne, la France et une poignée d’autres pays ayant des économies très solides. Les Allemands ont la plus solide, la plus productive et la plus efficace. Quand on observe ses voisins, par contre, on constate qu’elle les subventionne vraiment, et il n’y a pas de fin en vue.
Cette dynamique changera-t-elle parce que cette faction a été élue ou est-ce que les choses continueront ainsi?
M. Hurrelmann : Je ne prévoirais pas de changement majeur, mais cette faction considère certainement que l’argent des contribuables allemands ne devrait être dépensé en Grèce ou dans d’autres pays de l’Union européenne. Ce sera sa position, mais je ne pense pas que cela aura une influence substantielle sur le gouvernement parce que ce groupe sera marginalisé au sein du Parlement et on ne tentera pas de collaborer avec lui.
L’acteur le plus pertinent à observer est le parti libéral, le Parti démocrate libéral, car il a un peu les mêmes opinions, mais sans le même courant nationaliste xénophobe sous-jacent. S’appuyant sur un concept libéral de marché, ce parti considère qu’il n’est pas efficace de subventionner des pays qui ne devraient peut-être pas faire partie de la zone euro. Il a notamment soulevé des questions pour demander si la Grèce devrait peut-être quitter la zone euro.
Ce parti fera probablement maintenant partie du gouvernement; cette position pourrait donc gagner en force, mais elle ne diffère pas tellement de celle que le ministre des Finances actuel, Wolfgang Schäuble, a adoptée par le passé. En outre, cette position est, dans une certaine mesure, contrebalancée par le parti vert, qui est plus favorable à une redistribution au sein de l’Union européenne. La position du gouvernement restera probablement assez stable comparativement à celle qu’elle a en ce moment.
La présidente : Je pense que nous avons traité de toutes les questions relatives aux élections et même plus. Vos explications ont été extrêmement utiles. Vous pouvez constater, à l’aune de nos questions, que nous sommes intéressés. L’expertise que vous avez acquise en observant continuellement l’Allemagne nous a certainement été utile.
Je vous remercie d’avoir témoigné ce matin, surtout avec un si court préavis. Si je ne l’avais pas précisé, les membres du comité auraient pensé que vous vous prépariez depuis au moins six mois en vue de cette rencontre. Vous avez bien fait votre travail. Merci.
Mesdames et messieurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)