Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 36 - Témoignages du 13 décembre 2017
OTTAWA, le mercredi 13 décembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 18, afin de poursuivre son étude sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je suis la sénatrice Andreychuk, présidente du comité. Je demanderais aux membres présents de se présenter. D’autres arriveront sous peu.
La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan, Ontario.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ngo : Je suis le sénateur Ngo et je viens de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La présidente : Je vous présente aussi le sénateur Dawson, du Québec, qui fait partie de notre comité de direction et qui est en train d’entrer dans la pièce. D’autres membres du comité se joindront à nous sous peu.
Le comité a reçu l’autorisation du Sénat d’étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes. Conformément à ce mandat, le comité entendra aujourd’hui M. Jeremy Kinsman, ancien ambassadeur du Canada, qui a occupé ce poste parmi bien d’autres pendant sa longue et illustre carrière.
M. Kinsman a travaillé plus de 40 ans au sein du Service extérieur canadien. Il a occupé les postes d’ambassadeur à Moscou et à Rome, a été haut-commissaire à Londres, puis ambassadeur auprès de l’Union européenne, à Bruxelles. C’est également un éminent diplomate invité à l’Université Ryerson depuis 2010.
M. Kinsman comparaît par vidéoconférence depuis San Francisco. Je présume qu’on ne trouve pas là-bas toute la neige qu’il y a ici, à Ottawa.
Monsieur Kinsman, m’entendez-vous?
Jeremy Kinsman, ancien ambassadeur du Canada, à titre personnel : Je vous entends parfaitement, sénatrice, et je suis très heureux de vous revoir. Je ne sais pas si ces familiarités sont permises dans ce contexte formel, mais je vous envoie mes meilleurs vœux.
La présidente : Merci infiniment. Je suis contente que vous comparaissiez devant nous.
Vous connaissez votre sujet. Nous voulons entendre vos conseils et bénéficier de votre expérience sur la diplomatie culturelle, son utilisation par le service extérieur et d’autres acteurs, puis recueillir vos recommandations sur l’avenir de la diplomatie culturelle dans un Canada et un monde en constante évolution.
Nous nous en remettons à vos conseils et à votre compétence. La parole est à vous pour votre déclaration préliminaire, après quoi nous vous poserons des questions. Je vous souhaite la bienvenue au comité.
M. Kinsman : Merci beaucoup, sénatrice.
[Français]
Je ne vais pas parler en français, mais je suis originaire de Montréal, et je répondrai aux questions en français.
[Traduction]
Je me trouve au consulat du Canada à San Francisco. Je remercie son personnel de me permettre de comparaître ainsi, parce que j’ai des engagements à respecter ce soir à l’Université de la Californie.
Je ne suis pas ici en raison de ce que je fais maintenant. J’imagine, comme vous l’avez dit, que je suis ici en raison de ce que j’ai fait dans le passé. Je serai heureux d’accéder à votre demande et de vous prodiguer mes humbles conseils à la lumière de mon expérience.
Parmi mes expériences passées, j’ai été pendant cinq ans sous-ministre adjoint des Communications responsable du portefeuille des affaires culturelles et de la radiodiffusion au ministère qui s’appelle aujourd’hui Patrimoine canadien. En fait, notre secteur est devenu Patrimoine canadien, et il s’y est ajouté quelques éléments de citoyenneté du Secrétariat d’État.
J’ai donc à la fois un point de vue d’utilisateur, à titre d’ancien ambassadeur dans des pays du G8, où nous menions nos plus vastes programmes en matière d’arts et de culture, et celui d’ancien responsable du secteur ministériel le plus en mesure de mettre à profit les compétences créatives des Canadiens en les envoyant à l’étranger. J’ai également travaillé pour deux universités américaines au cours des 10 dernières années, ce qui m’amènera à vous parler aussi un peu de l’appui aux études canadiennes. Sur ce, commençons.
Personnellement, je dois vous dire que je ne vois aucun sujet plus important pour votre comité. La politique étrangère est axée sur les crises d’actualité, qu’on pense à la situation en Corée du Nord, au Venezuela ou à la crise des Rohingyas, parce que nous nous en soucions et parce que c’est important, mais nous n’avons pas vraiment de pouvoir de décision à ce chapitre. À l’inverse, la diplomatie culturelle et la façon dont nous nous projetons dans le monde ne dépendent que de nous. Personne d’autre ne s’en chargera à notre place, et nous pouvons prendre nos propres décisions.
C’est aux Canadiens qu’il revient de s’en occuper, madame la présidente, précisément parce que malgré l’étendue de notre pays, notre démographie et notre impact culturel demeurent relativement modestes. Nous ne pouvons pas, comme les États-Unis, nous fier au marché pour projeter la réalité canadienne à notre place.
Par ailleurs, vous avez déjà évoqué l’autre raison pour laquelle nous devons le faire sans relâche. J’ai suivi vos audiences de la semaine dernière par webdiffusion. Vous avez mentionné que très souvent, la perception que les autres ont du Canada ne correspond plus à nos réalités. Je pense que vous avez utilisé le mot « mythe ». C’est tout à fait vrai. Nous devons constamment nous battre, et je peux vous en donner des exemples.
Nous ne devons pas cultiver les mythes sur nous-mêmes. Il y a un classement des pays en diplomatie internationale qu’on appelle le classement des bons pays. Or, nous ne trônons pas exactement au sommet de ce classement, comme nous semblons le croire. On nous aime bien, et je pense que la plupart des gens comprennent les valeurs du Canada et sa pertinence dans la gestion du pluralisme et de la diversité. Mais pour ce qui est de l’objet de votre étude d’aujourd’hui, la culture, nous nous classons, selon le regard des autres, au 25e rang au monde; en sciences et technologie, nous occupons le 29e rang. Et vous aurez le cœur brisé d’entendre qu’alors que la paix et la sécurité internationales sont censées nous couler dans les veines, nous figurons au 41e rang à ce chapitre. Bref, je crois que nous avons du pain sur la planche.
Quand j’étais ambassadeur, c’était le bon temps. En 1995, la culture, la politique culturelle et la diplomatie publique constituaient le troisième pilier de la politique étrangère du Canada. Nous étions alors très efficaces à ce chapitre, et je vais vous décrire comment.
Malheureusement, tout cela s’est effrité au cours des 10 dernières années. Le financement et le soutien à la diffusion de la culture canadienne et même dans une large mesure, à la diplomatie publique ont été éliminés. Regardons tout cela de plus près.
Je mentionne d’ailleurs, madame la présidente, que j’ai remarqué une question très pertinente que vous avez posée la semaine dernière. Vous avez dit que ces concepts semblaient avoir une signification différente pour différentes personnes. Vous avez tout à fait raison. Ils renvoient habituellement à ce qu’on fait, mais la culture et la diplomatie publique sont parfaitement indissociables. Nous défendons nos objectifs commerciaux par la projection de notre réalité et de nos valeurs. C’est une quête d’influence au nom de nos intérêts, et rien ne saurait être plus important. Nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs à l’international si nous n’exerçons aucune influence. Permettez-moi de souligner que le pouvoir de convaincre ne se substitue pas au pouvoir de la force, il s’y conjugue. Un seul ne suffit pas, il faut un peu de l’autre pour avoir un peu de crédibilité.
Enfin, et ce sont mes dernières réserves, ce n’est pas ce que le gouvernement fait qui compte, mais ce que la population canadienne fait. La diplomatie est nécessairement publique puisqu’elle se fait de personne à personne. Grâce à la diplomatie publique et à notre politique culturelle à l’étranger, à notre politique des arts à l’étranger, nous projetons le meilleur visage des Canadiens. Ce doit être un travail authentique, et ce l’est toujours.
De plus, la diplomatie n’est pas toujours élitiste, elle n’est pas toujours noble. Si je me rappelle bien, vous vous demandiez ce qui se passerait si une chorale d’une école secondaire de la Saskatchewan se présentait. Eh bien, on présenterait ce qu’elle fait. On le présenterait, parce que cela ferait montre de sincérité, de l’énergie et des valeurs canadiennes dans la façon d’envisager l’avenir.
J’aimerais essayer de vous dire à quel point c’est interactif. Nos réalités, nos valeurs, notre créativité, notre sentiment de pouvoir innover sont tous interreliés. Quand j’étais ambassadeur en Italie, toute la sphère des télécommunications italiennes était privatisée. Des entreprises canadiennes de pointe et de taille importante comme Nortel, Research in Motion et BCE International, soient les grands noms de l’époque, voulaient en profiter, mais les Italiens n’associaient pas le Canada à la technologie.
Comment avons-nous réussi à tirer notre épingle du jeu? Nous avons réussi à le faire à l’aide de Robert Lepage, des films de Rhombus Media sur Glenn Gould. Pinchas Zukerman, qui dirigeait alors l’Orchestre du Centre national des Arts, se trouvait à Florence. Nous avons réussi à le faire grâce à des classes de maître sur l’Internet haute vitesse avec lui en Amérique du Nord. Nous leur avons montré ce que nous pouvions faire en matière de technologie et de créativité, nous leur avons montré que le Canada savait faire preuve d’innovation, d’avant-gardisme et trouver des solutions. Encore une fois, il n’y a rien de plus important qui me vienne à l’esprit.
Comment pouvons-nous transmettre le message? Par nos missions et nos consulats à l’étranger.
La Grande-Bretagne, dont le pouvoir de persuasion est probablement sans égal, a l’incroyable avantage de pouvoir compter sur les services mondiaux de la BBC. Nous avions auparavant le Service international de la SRC, mais hélas, il a été fermé.
J’ai écouté les témoignages des bons fonctionnaires d’Affaires mondiales et de Patrimoine canadien l’autre jour, et j’avais beaucoup d’empathie pour eux. J’ai travaillé à Patrimoine, au ministère qui l’a précédé, pendant plusieurs années, et je sais qu’ils croient profondément en ce qu’ils disent. On vient de leur octroyer de l’argent, des fonds pour remplacer les terres brûlées qui dominaient à leur arrivée, à l’arrivée du nouveau gouvernement. Je ne suis pas en train de prendre position politiquement, mais de présenter une réalité historique. Leur problème, c’est qu’évidemment, ils n’ont plus de réseau. Ils ne peuvent pas diffuser le message à l’étranger.
Ils ont des contacts avec les associations que j’appelais autrefois « la communauté ». Ils ont accès à toutes les sociétés d’art, mais ils ont besoin du réseau pour diffuser leurs œuvres à l’étranger.
C’est la même chose pour le Conseil des arts du Canada. Le Conseil des arts du Canada a des contacts sans pareil avec les artistes eux-mêmes. Il envoie des artistes à l’étranger en résidence, mais leur confie des priorités et des mandats quelque peu différents de ce dont nous parlons ici, il ne s’agit pas de projeter la créativité et la compétence du Canada pour gagner en influence.
Qui en aurait la responsabilité? Affaires mondiales Canada. C’est le ministère des Affaires mondiales du Canada qui dirige les missions. Cependant, comme leur porte-parole, un homme d’une grande qualité, l’a mentionné la semaine dernière, il n’a pas de contacts avec la communauté artistique. Il faut bâtir des ponts entre tous les acteurs.
La façon de faire classique à Ottawa consiste à créer des groupes de travail constitués de représentants de différents ministères. Cela ne fonctionne que jusqu’à un certain point.
D’autres solutions ont été proposées. Je vous ramène longtemps en arrière, à 1982, à l’époque du rapport Applebaum-Hébert, un rapport extrêmement important sur les fondements de la culture canadienne, le premier produit après la commission Massey. Pour s’acquitter de la tâche qui vous occupe, pour relever les défis que vous étudiez aujourd’hui, ce rapport recommandait la création d’un organisme indépendant qui rassemblerait les éléments pertinents de ces trois partenaires, un peu comme le fait le British Council avec beaucoup d’efficacité.
Je peux vous en parler, si cela vous intéresse. Si cela ne fonctionne pas — et je rappelle que la recommandation Applebaum-Hébert n’avait pas été acceptée à l’époque parce que les ministères résistaient avec force à toute perte de terrain, d’une certaine façon, et que le gouvernement n’a pas su faire preuve du leadership nécessaire pour rendre la chose possible —, alors vous pouvez utiliser le système actuel, mais la directive devra venir d’en haut.
L’idée selon laquelle la culture serait le troisième pilier de la politique étrangère a vacillé en 2005. Ce n’est pas le gouvernement Harper qui l’a écartée de la politique étrangère, mais le gouvernement Martin, pour tout vous dire. Pour sa part, le gouvernement Harper a éliminé tout le financement accordé à la diffusion de la culture à l’étranger, et les Affaires étrangères — qu’on appelait à l’époque le MAECI — ont perdu leurs programmes.
Puis-je vous mentionner l’un des programmes qui est disparu? J’en vois les effets négatifs lorsque je travaille dans les universités américaines. Nous avions un programme fantastique dont certains d’entre vous avez probablement déjà entendu parler, qui offrait un soutien aux études canadiennes à l’étranger. En 2005, l’année avant qu’il ne soit éliminé par la suppression des 12 millions de dollars prévus dans le budget du MAECI pour le financer, ce programme était déployé dans 50 pays et touchait 5 000 universitaires.
Parallèlement, il y avait un programme d’enrichissement des facultés. À quoi servait-il? Il appuyait les programmes d’études canadiennes, particulièrement aux États-Unis, où l’on peut voir aujourd’hui à quel point il est difficile de communiquer à la population les avantages de l’Amérique du Nord et de l’ALENA. Il permettait aux professeurs de s’inspirer d’une expérience canadienne — en santé publique, en environnement, en immigration, en diversité, en exploitation pétrolière et gazière, peu importe — et de concevoir un module canadien à insérer au plan de cours sur le sujet. C’était d’une aide inestimable.
Non seulement les programmes d’études canadiennes offerts dans beaucoup d’universités dépendaient exclusivement du financement du gouvernement canadien, mais ils en dépendaient pour le contenu. L’annulation de ce financement a malheureusement causé la disparition de plusieurs programmes que je pourrais vous citer.
Je ne sais pas pourquoi il n’a pas été rétabli. La ministre du Patrimoine a reçu des sommes importantes à déployer, mais c’est peut-être parce que le mot « éducation » n’y figure pas, je ne sais pas trop. Chose certaine, je vous recommanderais vivement de le proposer.
Vous me demandez mes conseils. Le meilleur conseil que je puisse vous donner, c’est qu’un changement ne sera possible que s’il vient d’en haut, de la haute hiérarchie de la fonction publique; il faut que les sous-ministres s’en fassent une priorité et qu’ils s’emploient à la réaliser.
À l’heure actuelle, je pense que le budget établi la semaine dernière pour les missions d’Affaires mondiales Canada s’élève à 1,7 million de dollars pour 175 missions. Si vous faites le calcul, vous verrez que c’est pathétique.
Si vous comparez les fonds mis à la disposition de nos missions et de nos ministères pour défendre nos intérêts à ceux que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne accordent à leurs instituts et à leurs mécanismes (des sommes de 12 à 15 fois plus élevées qu’ici), vous verrez que nous tirerons toujours de l’arrière, même après l’injection de ces nouveaux fonds dont nous n’avons pas encore vu les effets.
La diplomatie n’est plus ce qu’elle a déjà été. Elle a changé de façon absolument irrévocable. Elle est désormais du domaine public. Qu’entend-on par « public »? La transparence. Cela signifie qu’elle se fait de personne à personne. Cela signifie que c’est désormais une activité ouverte et concurrentielle et que nous devons rivaliser avec les autres.
La chose la plus importante que je puisse vous rappeler, même si je suis certain que ce ne soit pas nécessaire, c’est que la diplomatie publique sert à défendre nos valeurs. Dans les années 1990 et la décennie qui a suivi, nous avons donné d’innombrables séminaires sur la diversité au Canada à des représentants d’autres pays à la recherche de réponses. Ce genre de conseil nous procure énormément de visibilité, en plus de renforcer notre réputation et notre crédibilité de toutes sortes d’autres façons; il nous permet même de faire la promotion de nos industries culturelles novatrices et technologiquement avancées. Les arts contribuent directement à appuyer l’industrie dans l’esprit des gens, mais le plus important, c’est que les créateurs eux-mêmes sont canadiens. Nous déployons des Canadiens à l’étranger, dans des tables rondes, dans des festivals. Nous affichons leurs talents et c’est ainsi que nous présentons aux autres pays, dont certains sont stressés, dont certains sont fatigués, l’optimisme, l’énergie et l’innovation qui devraient nous caractériser pendant les décennies à venir.
Je peux répondre à toutes vos questions sur ces divers sujets. Je m’excuse d’être si général, mais le temps me manque. Merci beaucoup.
La présidente : Merci. Vous avez ratissé très large, et je vous en remercie, d’ailleurs. Vous nous avez présenté le contexte historique du ministère.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup. Je vais vous poser ma question en français, monsieur Kinsman. Avant tout, je vous remercie pour vos propos très éloquents.
Pour donner un peu de contexte à ma question, je suis un nouveau sénateur issu du domaine des arts et de la culture, et j’ai abondamment travaillé sur la scène internationale comme artiste au théâtre et dans la musique. J’ai participé à des missions internationales qui visaient la diplomatie publique. J’ai eu à travailler avec les ambassades pour servir notre pays en présentant des œuvres.
Aujourd’hui, vous l’avez dit, la diplomatie et le monde culturel ont énormément changé. La multitude de réseaux qui existent se situent à différents niveaux en ce qui a trait aux décisions qui sont prises par le gouvernement. Donc, on a nos grandes politiques culturelles, et il existe beaucoup de réseaux parallèles qui permettent à notre pays d’être présent sur la scène internationale.
J’aimerais vous entendre au sujet de cette question de collaboration entre les ambassades et des défis que les ambassades rencontrent actuellement en ce qui a trait à leur capacité à prendre connaissance de ces réseaux et à les utiliser à bon escient pour avoir le meilleur impact possible dans le secteur de la diplomatie culturelle.
M. Kinsman : Je vous remercie, sénateur Cormier. Vous touchez là le fond de la technicité de la question.
Je suis un peu dérangé, parce que j’entends l’interprétation en anglais en même temps. C’est dérangeant. Me permettez-vous de vous répondre en anglais?
[Traduction]
Le sénateur Cormier : Absolument.
M. Kinsman : Ne sous-estimez pas la curiosité et le dévouement des personnes qui travaillent dans nos ambassades. Elles ne sont peut-être pas en contact avec votre communauté au quotidien, mais elles sont très conscientes de son existence.
La plupart des grandes choses que nous faisons, sénateur, émergent grâce aux possibilités qui se présentent. Par exemple, on utilisait en Italie une technique appelée Giornate Canadese, qui signifie « journées canadiennes ». On invitait alors toutes sortes de personnes, certaines venant des sociétés d’art avec lesquelles vous travailliez, d’autres venant d’entreprises canadiennes de haute technologie, d’autres encore venant des universités, pour montrer toutes sortes de recherches prometteuses, et nous organisions deux, trois ou quatre jours de rencontres dans une ville donnée.
Comment avons-nous réussi à attirer les entreprises? Grâce à la présence de Robert Lepage en Sicile ou du Centre national des Arts à Florence au même moment.
Quelqu’un connaissait une femme formidable, Almeta Speaks, une superbe chanteuse de blues qui chantait au bar de l’Hôtel Ritz à Paris, et nous l’avons invitée.
Les Canadian Brass étaient en tournée. Quand nous avons invité les entreprises technologiques à y participer, nous avons ciblé les entreprises susceptibles d’apporter quelque chose à un public qui les intéressait vraiment.
Par exemple, le Duomo di Siena était en train de s’effondrer en raison de l’eau contenue dans ses murs de grès. Les Canadiens venaient de vivre exactement la même chose avec le monument de Vimy. Nous avons donc pu faire valoir notre expertise en imagerie, et c’était quelque chose de tout à fait nouveau pour les responsables du projet.
On fait ce qu’on peut. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous nous sommes rendu compte que les villes hôtes — parce que l’Italie est un pays de villes — étaient ravies de nous donner accès à leurs locaux. La société Ferrari nous a donné la vieille Ferrari de Jacques Villeneuve pour l’exposer. Notre agent de la GRC, dont le travail de jour consistait à lutter contre le crime organisé, a sorti son uniforme rouge du placard, et nous avons loué un cheval noir pour l’installer devant les gens.
On rassemble les ressources qu’on peut pour montrer l’identité canadienne. Comment est-ce possible? C’est possible parce que les personnes qui font ce travail y mettent de l’énergie, qu’elles sont convaincues et ont à cœur ce qu’elles font. S’il y avait un organisme indépendant de ce type et qu’il y avait des fonctionnaires du conseil du Canada ou de Patrimoine canadien dans nos ambassades, des personnes ayant des contacts dans votre milieu, vous verriez que la magie pourrait s’opérer encore plus efficacement.
La présidente : Nous avons un problème. C’est la fin de la saison. Monsieur Kinsman, vous connaissez le problème au Parlement : à la fin de la session, on nous bombarde de projets de loi qui arrivent au petit bonheur, au fur et à mesure que la Chambre nous les renvoie. Le timbre retentit, donc je suis obligée de mettre fin à la séance. Malgré tout, je pense que cela tombe à point. Vous avez eu le temps de nous présenter votre exposé, vous nous avez présenté quelques nouvelles pistes de réflexion et vous avez mis la table. Je pense donc que nous nous réserverons…
Le sénateur Dawson : Madame la présidente, on me dit que nous ne devrons nous rendre à la Chambre que dans une heure.
La présidente : Oui, mais les membres des caucus sont appelés, donc on m’a instruite de mettre un terme à la réunion, et je pense que c’est approprié. Nous avons entendu l’exposé.
Nous vous réinviterons probablement à comparaître, monsieur Kinsman, quand nous entrerons un peu plus dans le vif de notre étude. Je pense qu’il serait injuste de n’entendre que quelques questions si tout le monde ne peut pas prendre la parole. Nous devrons déterminer comment procéder.
Le timbre indique que le vote aura lieu dans une heure, donc je ne veux pas vous retenir. Vous avez dit que vous aviez un autre engagement.
Au nom du comité, je vous remercie de vous être rendu disponible à si court préavis. Je pense que vous nous avez mis sur des pistes que nous devons explorer. Je suis peut-être la seule personne à part vous qui se rappelle le rapport Applebaum-Hébert, et nous n’en avions pas encore parlé, donc il sera bon de le relire.
Si vous avez d’autres propositions à nous faire, elles seront les bienvenues. D’ici là, nous poursuivrons notre étude à la reprise parlementaire, à la fin janvier. Nous réussirons peut-être à trouver alors un moment qui vous convient pour continuer le dialogue avec vous, que vous soyez à San Francisco ou de retour au Canada quelque part. Nous aurons peut-être avancé un peu dans notre étude, si bien que votre expertise sera de nouveau bien utile. Je vous remercie infiniment de votre comparution.
(La séance est levée.)