Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 38 - Témoignages du 7 février 2018


OTTAWA, le mercredi 7 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 16 h 15 pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, dont je suis la présidente. Je suis la sénatrice Andreychuk, et je demanderai aux sénateurs et sénatrices de se présenter.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Housakos : Je suis le sénateur Housakos, de Montréal.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Greene : Steve Greene, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l’Ontario.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, de la ville de Québec, tout près de Shawinigan.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Pat Bovey, du Manitoba.

La présidente : Conformément à son mandat, le comité a invité le ministre du Commerce international et des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada à témoigner aujourd’hui pour informer les sénateurs et les sénatrices des développements récents en ce qui concerne le programme de commerce international du Canada.

Notre comité s’est vu demander d’étudier un grand nombre d’accords commerciaux par le passé. Vous vous souviendrez qu’il a recommandé, dans son rapport intitulé Les accords de libre-échange : un levier de prospérité économique, que le gouvernement fasse rapport au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international tout au long du processus des négociations et que le Comité permanent du commerce international de la Chambre participe également au processus pour que les parlementaires puissent agir plus efficacement à titre de législateurs sur le plan des accords commerciaux internationaux.

Vous vous rappellerez également que dans notre rapport, nous avons fortement insisté sur l’adoption d’un nouveau style pour satisfaire les exigences de la population canadienne. Les citoyens canadiens doivent s’impliquer et comprendre le processus relatif aux accords commerciaux pour pouvoir, tout d’abord, les accepter et, ensuite, en bénéficier afin d’assurer la prospérité et le développement économique du Canada.

Je suis ravie que l’honorable François-Philippe Champagne, C.P., député et ministre du Commerce international ait accepté de témoigner pour faire le point sur la question du commerce. Je lui ai demandé de traiter notamment des négociations récentes et de l’achèvement du PTP, que je dois me rappeler d’appeler Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Peut-être trouverons-nous une façon plus facile d’aborder la question, mais je pense qu’il s’agit d’un sujet d’une grande importance pour le Canada.

En outre, monsieur le ministre, vous avez, lors d’une comparution antérieure, souligné l’urgence de régler le dossier de l’AECG pour que les tarifs soient éliminés en juillet dernier. Nous avons respecté votre échéancier à l’époque, mais nous nous intéressons au processus de ratification en Europe. Je crois comprendre qu’environ sept pays ont ratifié l’accord, et nous voulons savoir comment les choses progressent et connaître l’effet des tarifs sur les entreprises canadiennes.

Nous mettons donc certainement l’accent sur le commerce et le PTP. De plus, si vous avez des observations à formuler sur l’ALENA, nous respectons votre sphère de compétences et celle de la ministre des Affaires étrangères, mais vous jouez un rôle clé quant aux politiques du Canada; nous aimerions donc avoir votre son de cloche à ce sujet.

Le ministre est accompagné de M. Timothy Sargent, sous-ministre du Commerce international; M. Bruce Christie, sous-ministre adjoint délégué, Politique et négociations commerciales; Mme Kendal Hembroff, directrice, Direction de la politique et des négociations commerciales (Asie). Je vous souhaite la bienvenue à tous devant le comité. Vous savez que nous aimons écouter vos exposés, et nous voudrons certainement vos poser des questions par la suite. Bienvenue devant le comité. La parole est à vous.

L’hon. François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Madame la présidente, merci beaucoup de m’accueillir. Je suis ravi d’avoir l’occasion de témoigner. Nous avons eu une excellente rencontre la dernière fois, et je suis impatient de faire le point sur le dossier du commerce, où bien des choses se sont produites, selon moi. C’est toujours avec grand plaisir que je reviens pour vous dire où nous en sommes à ce chapitre.

Si vous me le permettez, madame la présidente, j’aimerais faire un bref exposé.

[Français]

Par la suite, mesdames et messieurs les sénateurs, c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Je vous remercie de me donner l’occasion de tenir le comité au fait des initiatives commerciales de notre gouvernement en Asie, y compris l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste conclu récemment, le PTPGP, et de nos discussions exploratoires en cours avec la Chine concernant un possible accord.

Je vais commencer par présenter les fonctionnaires de mon ministère qui m’accompagnent aujourd’hui. Nous avons M. Timothy Sargent, sous-ministre du Commerce international, que vous avez déjà présenté, madame la présidente; M. Bruce Christie, sous-ministre adjoint délégué, Politique et négociations commerciales, et surtout négociateur en chef du PTPGP; et Mme Kendal Hembroff, directrice, Direction de la politique et des négociations commerciales (Asie) et négociatrice en chef adjoint pour le PTPGP. J’aimerais en profiter pour les remercier de leur travail diligent. J’ai eu la chance d’être avec eux durant une bonne période dans le cadre des négociations et je puis vous dire qu’ils font honneur au Canada.

Le Canada négocie des accords commerciaux qui font valoir les intérêts de la classe moyenne et qui créent plus de débouchés pour les exportateurs et des emplois bien rémunérés à travers le pays. C’est notre priorité et nous voulons nous assurer de toujours négocier dans l’intérêt supérieur de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Pour un pays commercial comme le Canada, la hausse du niveau de vie de la classe moyenne passe par des échanges commerciaux internationaux dynamiques. Il faut pour cela soutenir un ordre fondé sur des règles et les institutions sur lesquelles elles reposent, ainsi que conclure un plus grand nombre d’accords de grande qualité en matière d’investissement et de commerce entre le Canada et ses partenaires du monde entier.

Le Canada a démontré qu’il pouvait défendre nos intérêts avec acharnement afin de conclure les meilleurs accords pour les Canadiens, car ces accords ont des répercussions durables sur notre société. De plus, un programme commercial progressiste ouvre davantage de portes, rehausse les normes et place la classe moyenne sur la voie du succès pour les décennies à venir.

Lorsque des investisseurs mondiaux envisagent d’effectuer de futurs investissements et de placer des capitaux, ils veulent de la stabilité et de la prévisibilité. C’est ce que le Canada leur offre. Lorsque les travailleurs talentueux de l’économie de demain cherchent un endroit pour établir leurs entreprises, ils veulent de la diversité, de l’ouverture et toute la créativité que peut leur fournir une société qui mise sur ces valeurs et les encourage. C’est ce que le Canada leur offre.

Le programme commercial progressiste n’est pas seulement la bonne approche à adopter, mais c’est aussi une démarche logique sur le plan économique. Comme je l’ai souvent fait valoir dans les médias, le commerce est une progression vers le sommet, non pas une course vers l’abîme. Le Canada mène la charge dans ce domaine, et même s’il faudra déployer encore plus d’efforts, ce programme aura des retombées économiques pendant des décennies pour la classe moyenne.

C’est pourquoi le 23 janvier dernier, le Canada et 10 autres pays ont conclu des négociations pour un nouvel Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, à Tokyo, au Japon. La zone Asie-Pacifique demeure une région importante et un marché prioritaire pour le Canada, et le Canada est évidemment fier de faire partie de cet accord, qui concerne un marché commercial de 495 millions de personnes dont le produit intérieur brut combiné est de 14 billions de dollars canadiens.

Le Canada participe activement à ce nouveau partenariat, et ce, depuis les premières réunions des fonctionnaires en mai 2017 jusqu’à la proposition de suspensions et de modifications pour obtenir un meilleur accord pour les Canadiens.

Nos positions à l’égard du PTPGP découlent de vastes consultations menées auprès de la population canadienne. Le gouvernement du Canada a réalisé deux séries de consultations publiques auprès des Canadiens pour connaître leur point de vue sur les consultations initiales concernant le PTP lancées en novembre 2015 et un nouvel accord potentiel entre les membres restants du PTP, sans les États-Unis. Au total, depuis novembre 2015, le gouvernement a eu environ 250 interactions avec plus de 650 intervenants, notamment des associations professionnelles et non professionnelles, des organisations de la société civile, des groupes de réflexion, des membres du milieu universitaire, des groupes autochtones, des jeunes et des membres du grand public, lesquels totalisent ensemble des millions de vaillants travailleurs canadiens de toutes les régions du pays et de toutes allégeances politiques.

Le PTPGP incorpore par renvoi les dispositions de l’accord initial du PTP et en suspendra 22 dispositions au moment de son entrée en vigueur. Les suspensions touchent un large éventail de domaines, notamment des dispositions importantes relatives à la propriété intellectuelle qui préoccupent les intervenants canadiens. Le Canada a également été en mesure de maintenir sa politique de souplesse concernant la culture, plus particulièrement dans l’environnement numérique, et a conclu des accords bilatéraux importants avec le Japon, la Malaisie et l’Australie dans le secteur de l’automobile.

De plus, le PTPGP contribue au progrès du programme commercial progressiste du Canada sur un certain nombre de fronts, comme la main-d’œuvre, l’environnement, les PME, la transparence et la lutte à la corruption. En fait, cet accord est le premier accord de libre-échange du Canada comportant des chapitres exécutoires sur la main-d’œuvre et l’environnement.

Le PTPGP renferme également une section sur le développement, où les parties affirment leur engagement à promouvoir et à renforcer l’environnement commercial dans le but d’accroître le bien-être, de réduire la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie, tout en mettant l’accent sur les femmes et la croissance économique, car il est important que les femmes aient pleinement accès aux retombées et aux avantages découlant de cet accord.

Lorsque le PTPGP entrera en vigueur, ce sera un des accords de libre-échange les plus importants du monde. Dans le domaine des marchandises, les gains réalisés en vertu du PTPGP sur le plan de l’accès aux marchés seront substantiels, particulièrement dans les pays du PTPGP avec lesquels le Canada n’a pas conclu d’accord de libre-échange et où les tarifs demeurent élevés.

Les gains découlant du PTPGP profiteront à un large éventail de secteurs, notamment ceux des services financiers, des poissons et fruits de mer, des forêts, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et des métaux et minéraux. Nos exportateurs et investisseurs bénéficieront d’un accès aux marchés plus transparent et prévisible, et les gains éventuels issus du PTPGP augmenteront lorsque de nouveaux pays se joindront à l’accord.

Cet accord n’est pas seulement avantageux pour le Canada sur le plan économique et commercial, mais aussi sur le plan stratégique, car il permet au Canada de diversifier ses activités commerciales et de disposer d’une plateforme pour influencer les futures règles commerciales dans la zone Asie-Pacifique.

[Français]

En ce qui concerne la Chine, les membres du comité se rappelleront que le Canada et la Chine avaient annoncé le début de discussions exploratoires concernant un possible accord en septembre 2016. Jusqu’à présent, le Canada et la Chine ont tenu quatre séries de discussions exploratoires. Le Canada et la Chine continuent de participer à ces discussions afin d’évaluer la possibilité de négocier un accord commercial global.

Parallèlement à nos discussions exploratoires, le gouvernement du Canada a mené, entre mars et juin 2017, des consultations publiques pour connaître l’avis des Canadiens et des Canadiennes sur un possible accord entre le Canada et la Chine. Plus de 600 intervenants et partenaires ont exprimé leur point de vue dans le cadre de ces consultations. Dans l’ensemble, les Canadiens et les Canadiennes nous ont affirmé qu’ils considèrent que des possibilités et des obstacles découleraient d’un possible accord entre le Canada et la Chine. Les entreprises, plus particulièrement, croient que l’accord est l’occasion de garantir des conditions favorables d’accès au marché chinois. Elles ont soulevé un certain nombre de questions qu’elles aimeraient voir aborder dans un accord, y compris les barrières non tarifaires dans le domaine de la propriété intellectuelle.

Quelques groupes de la société civile, syndicats et Canadiens intéressés ont également souligné l’importance d’aborder les enjeux liés au travail et à l’environnement dans le cadre de nos discussions avec la Chine.

En ligne avec l’engagement de notre gouvernement à l’égard de la transparence, un rapport public faisant la synthèse des points de vue recueillis lors des consultations publiques a été publié en novembre 2017, une première dans le cas de consultations commerciales au Canada.

[Traduction]

Lors de la dernière visite du premier ministre Trudeau en Chine, en décembre, le Canada et la Chine se sont engagés à poursuivre les discussions exploratoires pour veiller à ce que les négociations potentielles reposent sur une compréhension commune des questions à négocier, et pour définir la portée et le niveau d’ambition des négociations. Ce sera une première pour les deux côtés et aucun modèle ne peut s’appliquer.

Le Canada s’est engagé à prendre le temps qu’il faut pour s’assurer que toute décision qu’il pourrait prendre concernant l’annonce de négociations pour un accord de libre-échange avec la Chine servira les intérêts supérieurs des Canadiens. Si nous décidons de prendre un engagement économique plus sérieux avec la Chine, nous le ferons en créant davantage de possibilités pour la classe moyenne. Le commerce progressif est avantageux pour tous les Canadiens, car il accorde la priorité aux gens et tient compte de nos normes et de nos valeurs.

Nous sommes déterminés à établir des relations plus fortes et plus globales entre le Canada et la Chine grâce à un dialogue franc et constant, mais nous prendrons le temps qu’il faut pour nous assurer de le faire de la bonne façon.

C’est avec plaisir que je répondrai maintenant aux questions des sénateurs et des sénatrices, madame la présidente. Merci.

La présidente : Merci.

Sachez tout d’abord que nous avons étudié le PTP, que nous le connaissions et que nous disposions de documents à son sujet. Depuis qu’il a été renommé PTPGP, je peine à repérer les changements, à moins de devoir lire l’accord, ce qui me prendrait six mois pour vraiment le comprendre.

Y a-t-il un moyen de voir ce que nous avons étudié pendant longtemps et de savoir quels sont les nouveaux changements? Je pense que cela nous serait utile. Par votre entremise, monsieur le ministre, votre ministère pourrait peut-être nous fournir ces renseignements ou au moins des liens nous permettant de les trouver.

M. Champagne : Nous serions enchantés d’accéder à votre demande, madame la présidente. Si vous voulez bien me suivre un instant, vous comprendrez que quand les États-Unis ont décidé de se retirer de l’accord, les ministres du Commerce se sont réunis il y a environ 10 mois à Lima, au Pérou, où ils ont dû décider ce qu’ils feraient tous dans leur pays : jetteraient-ils l’éponge ou étaient-ils déterminés à conclure un accord de libre-échange fondé sur des règles dans la région de l’Asie-Pacifique? Nous avons conclu que pour de nombreuses raisons, notamment des motifs commerciaux et géostratégiques, il était de l’intérêt de nos peuples de demander à nos représentants de revenir à la table de négociation avec un certain nombre d’options.

Pour en revenir à votre question, vous avez constaté que quelques suspensions ont été proposées. Le Canada est probablement celui qui en a proposé le plus, nommément dans le secteur de la propriété intellectuelle. À l’évidence, notre approche visait à faire en sorte que les parties ayant demandé l’inclusion de certaines mesures ne puissent plus profiter de ces dispositions ou des clauses de la nation la plus favorisée au titre des arrangements de l’OMC si elles se retiraient de l’accord.

Le Canada a ainsi joué un rôle de premier plan dans l’élaboration de l’accord actuel, le PTPGP révisé. Il contient 22 suspensions acceptées par les pays, et nous pouvons certainement vous fournir un tableau pour vous faciliter la tâche. Selon ce que m’indiquent les fonctionnaires, sénatrice, des renseignements sur les principaux changements se trouvent déjà sur le site web. Comme vous le savez, nous avons une réussite à notre actif, et je tiens à remercier notre premier ministre d’avoir défendu les intérêts des Canadiens. Vous avez peut-être remarqué que nous avons obtenu un résultat important pour le secteur culturel, qui était au cœur de nos préoccupations, pour faire en sorte que nous puissions encore y investir, et défendre et promouvoir la culture canadienne comme nous le voulons. Nous avons obtenu des lettres parallèles bilatérales de chaque pays à ce sujet.

Je dirais que dans le secteur de l’automobile, nous avons pu obtenir quelque chose que nous n’avons jamais réussi à avoir avant, c’est-à-dire un accès plus grand pour les fabricants d’automobiles canadiens sur le marché japonais grâce à l’élimination d’obstacles commerciaux non tarifaires en ce qui concerne le respect des normes de sécurité. Nous avons obtenu cet accès dans une lettre parallèle ayant force exécutoire. C’est la première fois que le gouvernement du Japon donne une lettre parallèle exécutoire dans le secteur de l’automobile. Cette lettre comprend une clause de la nation la plus favorisée, ce qui signifie que si le Japon accorde un meilleur traitement aux États-Unis, à l’Europe ou à un pays quelconque, ce traitement s’appliquera automatiquement aux fabricants canadiens.

La présidente : Merci. Je pense que quand nous étudions la question, nous devons connaître l’accord initial que nous avons examiné, lequel a été fortement influencé par les États-Unis. Nous connaissons la position que le Canada a eue dans ce dossier au fil du temps. Maintenant que l’accord a été modifié, je serai personnellement à l’affût des conséquences non intentionnelles des dispositions que nous y avons laissées ou retirées, et je m’interrogerai sur ce que cela signifie pour le Canada à mesure que nous progressons. Je vous remercie de nous dire que vous nous fournirez non seulement le site web, mais aussi tous les renseignements que vous pourrez.

M. Champagne : De rien.

La présidente : Nous avons une liste extrêmement longue, avec tous les gens qui se trouvent dans la pièce en ce moment.

[Français]

Le sénateur Ngo : Bonjour et bienvenue, monsieur le ministre.

[Traduction]

Le mois dernier, vous avez souligné les avantages de l’adhésion au PTPGP, et je félicite le personnel dans ce dossier. Dans la version précédente de l’accord commercial, il était question d’inclure Taiwan dans le deuxième volet de négociation. Ce serait logique de le faire, puisqu’il s’agit là du 11e partenaire commercial du Canada et de son cinquième partenaire commercial en Asie.

Pourriez-vous dire au comité si le gouvernement appuiera l’inclusion de Taiwan dans les discussions relatives au PTPGP?

M. Champagne : Merci, sénateur, de cette question. Ce que je peux vous dire, c’est que nos discussions sur le PTP — lequel est devenu le PTPGP, comme vous l’avez souligné — ont manifestement attiré beaucoup d’attention dans le monde. Je sais qu’un certain nombre de pays, dont la Corée et, à ce qu’on m’a indiqué, le Royaume-Uni, ont exprimé un certain intérêt à adhérer potentiellement au PTPGP.

Sachez toutefois, sénateur, qu’il n’a pas encore été question d’ajouter de nouveaux membres, car les ministres du Commerce se sont employés jusqu’à maintenant à mener à bien la tâche présente, pour laquelle une date de signature a été fixée au 8 mars au Chili, après quoi suivra évidemment le processus de ratification. Pour que l’accord entre en vigueur, il faut que six pays et 50 p. 100 des signataires donnent leur aval.

Je dirais donc que pour l’instant, mesdames et messieurs, il n’y a pas eu beaucoup de discussions, outre le fait que nous avons pris acte de l’intérêt potentiel d’un certain nombre de pays à adhérer à l’accord. Les ministres n’ont toutefois pas discuté du sujet.

[Français]

Le sénateur Ngo : Pendant les négociations de l’accord PTPGP, les États-Unis et le Vietnam ont reconnu une sous-entente, mieux connue comme étant le chapitre 19, concernant la conformité au droit du travail pour le peuple vietnamien. Si le PTPGP était entré en vigueur, ce chapitre aurait tenu le Vietnam responsable de respecter le droit et les normes du travail établis par l’Organisation internationale du Travail, afin de faire en sorte que les Vietnamiens soient traités avec plus de décence que ce qu’on observe aujourd’hui.

Étant donné que les États-Unis ne font plus partie des négociations, et que le Vietnam reste toujours signataire, le Canada considérerait-il la possibilité de travailler vers la conclusion d’une entente similaire avec le Vietnam?

M. Champagne : Ce que je puis vous dire des négociations qui ont eu lieu à Da Nang, c’est que l’ensemble des pays, dont le Canada, a insisté pour que le Vietnam se conforme au chapitre sur les droits des travailleurs, car cela correspond aux valeurs des Canadiens et des Canadiennes. Comme vous allez le voir dans une des contre-lettres entendues entre les différents gouvernements et celui du Vietnam, le Vietnam a demandé qu’on lui accorde une période d’ajustement. Ceci permettrait de suspendre les recours pouvant être pris contre le Vietnam par les autres signataires pendant une période bien définie. Le Vietnam a démontré un intérêt remarquable à se conformer à l’esprit et à la lettre du chapitre. Toutefois, le Vietnam a besoin d’un peu plus de temps pour se conformer aux règles qui s’appliquent.

Il y a eu aussi des questions sur le droit d’association et des sous-sections contenues dans le chapitre sur les droits des travailleurs. On doit retenir que le Vietnam, comme tous les autres signataires, sera tenu de respecter le chapitre sur les droits des travailleurs. C’est la première fois dans le monde, et certainement en Asie pacifique, qu’un chapitre sur le droit des travailleurs est soumis à la résolution de conflits et qu’il a vraiment force de loi.

Le sénateur Dawson : Je suis un peu en conflit d’intérêts, ayant été le président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce comité a fait une étude sur les véhicules automatisés.

Vous parlez de notre échange avec le Japon, entre autres. L’Asie-Pacifique est en avance sur nous. Traditionnellement, nous avons été un manufacturier et un commerçant d’automobiles. À l’avenir, les voitures intelligentes, les Google de ce monde et les Tesla, avec leurs camions, ne joueront pas selon les règles traditionnelles de nos manufacturiers. Si l’on défend l’industrie automobile d’aujourd’hui, on 21devrait commencer à réfléchir à l’industrie automobile de demain, qui sera ni plus ni moins un ordinateur sur roues. Or, cette question ne figure pas dans ce qui a été discuté, et j’estime qu’on devrait s’y intéresser.

Mon deuxièmement commentaire est le suivant. Vous avez parlé plus tôt des 11 membres. Vous avez indiqué qu’il n’y a pas de processus par lequel vous allez en accepter de nouveaux. Parmi les 11 membres, lesquels sont nos cibles? Quelles cibles nos gens d’affaires devraient-ils utiliser dans le cadre de l’entente pour augmenter leur participation au marché?

M. Champagne : Votre premier commentaire est comme de la musique à mes oreilles. Depuis longtemps, en parlant aux intervenants du secteur automobile, je me dis qu’il faut non seulement se battre pour la voiture d’aujourd’hui, mais certainement pour celle de demain. Ces accords seront avec nous pour des décennies. La valeur d’un véhicule, dans les années à venir, se basera peut-être sur la batterie ou la connectivité dans le cas de véhicules autonomes.

À mon avis, l’accès au marché est important, même si les manufacturiers canadiens aujourd’hui vendent peu de véhicules dans des marchés comme ceux du Japon, de l’Australie ou de la Malaisie. Mon rôle, en tant que ministre du Commerce international, est de m’assurer qu’on ouvre ces marchés. Cette industrie est en pleine transformation. Qui peut dire exactement ce dont aura l’air cette industrie dans une décennie et comment on exportera ces véhicules?

Il y a longtemps que je dis que l’on doit regarder ce qui se fait maintenant. Il faudrait songer à inclure des clauses dans ces accords, qui nous permettront d’exporter sur les marchés de demain.

Une des grandes avancées avec le PTPGP, c’est le Japon. Depuis que je suis ministre du Commerce international, et même à l’époque de mes prédécesseurs, le Canada a demandé à plusieurs reprises d’avoir un accord bilatéral de commerce avec le Japon, qui est la troisième économie mondiale. Le Japon nous a répondu souvent qu’il existe un accord, c’est le PTPGP. Vous comprendrez que pour l’industrie canadienne, c’est fort intéressant.

Cela dit, je crois qu’il y a énormément de possibilités pour l’entreprise canadienne dans tous les secteurs et dans des marchés qui avaient des tarifs élevés. Je pense particulièrement au Vietnam et à la Malaisie. On parle, par exemple, d’équipement industriel agricole où le Canada exporte pour une valeur de 500 millions de dollars par année. On vient d’ouvrir de nouveaux marchés. Je pense au secteur des services à Singapour, qui était un marché plutôt difficile à percer.

Nous essayons maintenant de faire une campagne de promotion auprès des entrepreneurs à travers le pays, dans les différents secteurs d’activité, pour voir où les tarifs ont été réduits, par exemple. On a parlé des poissons et des fruits de mer. C’est un grand marché et les tarifs étaient encore très élevés dans plusieurs de ces pays. De façon générale, dans le monde, les tarifs sont à la baisse. Toutefois, on voit de plus en plus une augmentation des barrières non tarifaires.

Des accords commerciaux comme celui-ci nous permettent justement de nous attaquer aux barrières non tarifaires. C’est exactement ce que nous avons fait dans le cas du Japon, dans le domaine de l’automobile, pour nous assurer non seulement que les tarifs demeurent inférieurs, mais que les entrepreneurs canadiens puissent vendre dans ces marchés.

Pour répondre à votre question, le Japon, la Malaisie et le Vietnam sont des pays à forte croissance et très intéressants pour les entrepreneurs canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Merci de comparaître, monsieur le ministre. Je tenterai de fusionner quelques questions en une seule, car la présidente est très disciplinée aujourd’hui.

Ma question concerne la compétitivité du Canada et les secteurs économiques auxquels le gouvernement accorde vraiment la priorité. Je pense que les gouvernements successifs ont eu une stratégie commerciale qui consistait à promouvoir la théorie de l’« Équipe Canada » de façon générale afin de tenter de percer autant de marchés que possible et de trouver ceux qui affichent la plus forte croissance pour essayer d’en tirer un maximum d’avantages.

Récemment, les gouvernements successifs se sont intéressés aux économies de l’Asie-Pacifique, lesquelles ont majoritairement bien servi le secteur des ressources naturelles au Canada. Nous sommes un pays exportateur de ressources sur un marché des marchandises axé sur les prix. Cependant, quand on commence à examiner les secteurs des activités industrielles, de la fabrication, des hautes technologies ou des services, on constate qu’ils n’ont pas tiré parti des économies en croissance, particulièrement dans les régions de l’Asie-Pacifique.

Nous avons conclu des accords commerciaux avec les États-Unis et l’Union européenne. Ce sont des blocs commerciaux majeurs. Mais, au bout du compte, même si nous pouvons nous intégrer économiquement à nos partenaires commerciaux, cela demeure une compétition. Nos secteurs industriels et manufacturiers sont-ils suffisamment compétitifs du point de vue de la production, de la main-d’œuvre et de l’impôt des sociétés pour concurrencer les économies grandissantes et rigoureuses de la région de l’Asie-Pacifique?

Que peuvent faire le Parlement et le gouvernement pour corriger la situation? Si l’on regarde la plupart des indices, le niveau de compétitivité du Canada dans ces secteurs a baissé au cours de la dernière décennie par rapport aux pays de ces blocs commerciaux. Nous sommes plus compétitifs par rapport à la région de l’Asie-Pacifique que par rapport à l’Union européenne et aux États-Unis. L’administration américaine travaille très fort pour accroître la compétitivité du pays.

J’ai posé plusieurs questions, monsieur le ministre, et j’espère que vous pourrez y répondre.

M. Champagne : Sénateur, vous soulevez un point très important en ce qui concerne l’économie du Canada. Il ne fait aucun doute que la compétitivité est un facteur clé à maîtriser si nous souhaitons profiter de ces marchés.

En tant que ministre du Commerce, je dois veiller à ce que le Canada pénètre de nouveaux marchés. Comme je l’ai dit au sénateur Dawson, et comme vous le savez, certains pays prélèvent des tarifs douaniers parmi les plus élevés au monde, parfois 30 ou 40 p. 100. Même si vous êtes très compétitifs dans votre propre marché du travail ou dans le secteur de la technologie ou de l’innovation, ces marchés demeurent fermés, d’une manière ou d’une autre. À bien des égards en ce qui concerne la marchandise, ces tarifs douaniers seront éliminés lorsque l’accord entrera en vigueur.

Ce que le gouvernement du Canada doit faire, et c’est la même chose pour tous les Canadiens et certainement le Sénat et ce comité, c’est promouvoir ces accords. Nous avons signé l’AECG. Nous avons pénétré un marché de 500 millions de personnes en Europe et de 3,3 billions de dollars en approvisionnement public. Beaucoup de Canadiens se tournent vers l’Ouest. À mon avis, grâce au PTPGP, le Canada sera bien positionné pour profiter au cours des prochaines décennies de l’une des régions qui connaissent la croissance la plus rapide au monde.

Ce que me disent les investisseurs qui souhaitent investir au Canada, c’est qu’ils sont fascinés par la stabilité, la prévisibilité, la primauté du droit et la société très inclusive et diverse qu’ils trouvent au Canada. Je vous donne un exemple. J’ai rencontré récemment un jeune entrepreneur ayant bien réussi dans l’industrie du jeu vidéo. Il possède probablement la plus importante entreprise de jeu vidéo au monde. Sa capitalisation boursière est plus élevée que LG Electronics, et son entreprise n’est vieille que de cinq ans. Il m’a dit : « Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas demandé pourquoi je suis venu au Canada. Lorsque je crée un jeu en Corée, je peux uniquement le vendre en Corée. Lorsque je crée un jeu aux États-Unis, je peux uniquement le vendre aux États-Unis. Lorsque je crée un jeu au Canada, je peux le vendre partout dans le monde. » Cet investisseur est venu ici avec des milliards de dollars. Il m’a dit : « Pour moi, venir ici est un choix intelligent. »

Je dirais certainement que c’est une question de talent. Comme je le dis parfois, ce n’est pas la taille de la population qui importe, mais bien l’accès préférentiel aux marchés. Notre accès préférentiel aux marchés s’élève actuellement à environ 1,2 milliard de consommateurs. Grâce au PTPGP, nous y ajouterons 500 millions de consommateurs. La taille de notre population n’est pertinente qu’en fonction du bassin de talent que nous créons.

La grappe en intelligence artificielle, la grappe en écosystèmes mobiles que nous avons créée au Québec et notre secteur aérospatial, qui, je le sais, couvre beaucoup de terrain, sont d’autres exemples d’aspects qui font que nous sommes si compétitifs. Vous aurez peut-être remarqué que lorsque l’alliance entre Airbus et Bombardier a été conclue, Airbus a parlé du Canada comme étant son cinquième pays d’origine. Parmi les pays qu’Airbus considère comme l’un de ses pays d’origine, le Canada est le seul à ne pas faire partie de l’Europe.

Je me souviens d’avoir eu ces discussions. Comme nous avions conclu l’AECG, l’entreprise était d’avis que le Canada faisait partie de sa propre chaîne d’approvisionnement. Il s’agit d’une chaîne d’approvisionnement importante qui sera avantageuse pour les petites et moyennes entreprises de partout au pays.

J’ai couvert beaucoup de terrain, mais c’est grâce à votre question. Je serai heureux de vous répondre avec plus de précision, si vous le souhaitez.

Le sénateur Housakos : Je vous remercie pour toutes ces réponses. Concernant le secteur manufacturier, pourrons-nous concurrencer les pays de l’Asie-Pacifique, étant donné notre manque de compétitivité sur certains indices? Concernant l’industrie de la haute technologie, surtout alors que nous sommes interreliés à l’économie des États-Unis et de l’Europe, nous avons profité de beaucoup de retombées économiques en raison de cette intégration, mais je m’inquiète pour le secteur manufacturier décimé depuis plusieurs années. Que pouvons-nous faire pour rendre ce secteur plus compétitif?

M. Champagne : À mon avis, il y a deux choses. Le ministre Bains pourrait vous exprimer ses points de vue sur la question, comme tous les Canadiens.

C’est une question d’innovation. L’innovation est une différenciatrice clé qui peut certainement favoriser la vente de produits. Lorsque je voyage un peu partout dans le monde, j’entends parler de la technologie verte et propre. J’ai dirigé la plus importante mission commerciale du pays en Inde, en novembre dernier, où j’étais accompagné des représentants de 150 petites et moyennes entreprises canadiennes. J’ai ouvert le sommet de la technologie à New Delhi. Je peux vous dire que les produits canadiens se vendent bien.

L’innovation sera certainement l’une des différenciatrices clés. L’autre, et nous pourrons en parler plus en détail, c’est les données. Les données seront également un différentiateur clé. J’ai même demandé à nos fonctionnaires de réfléchir au rôle que pourraient jouer les données dans nos futurs accords commerciaux.

La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le ministre, d’avoir accepté notre invitation. J’aimerais d’abord vous féliciter et vous remercier d’avoir reconnu l’importance de la culture. Un article de CBC publié aujourd’hui intitulé « Culture file important to Canada » a beaucoup plu à de nombreuses personnes. Mais, je ne vous interrogerai pas au sujet de la culture. Puisque je viens du Manitoba, je vais vous interroger sur le dossier des producteurs laitiers.

Un autre article publié aujourd’hui titrait que la signature du PTPGP soulignait l’arrivée de jours sombres pour les producteurs laitiers, puisqu’en vertu de cet accord, les 10 autres pays signataires auront un accès au marché équivalent à 3,25 p. 100 de la production laitière annuelle du Canada. Selon les calculs effectués, si les importations laitières des pays du PTPGP atteignent ce niveau, cela représenterait une perte de 246 millions de dollars pour l’industrie laitière canadienne.

On me dit qu’en vertu de cet accord, les producteurs laitiers vont abandonner le même accès au marché négocié avant que les États-Unis ne se retirent de l’accord. Est-ce exact? Le niveau d’accès devrait-il être abaissé en raison du retrait de la plus importante économie des négociations entourant le PTP?

M. Champagne : Merci, sénatrice. C’est une question importante. Je suis d’accord avec vous concernant la culture d’abord. Nous sommes certainement très heureux en tant que Canadiens d’avoir pu obtenir cela.

Deux jours après mon annonce concernant le PTPGP, je me suis entretenu avec environ 30 représentants du GO-5 — le Groupe gestion de l’offre 5 — et je dirais que 10 d’entre eux provenaient du secteur laitier de chacune des provinces. Le président des Producteurs laitiers du Canada vit à environ 10 minutes de chez moi. Vous comprendrez que j’entends beaucoup parler de production laitière. J’aime ça. J’ai même mangé avec lui hier au restaurant du Parlement.

J’ai rencontré ces gens deux jours après mon annonce sachant qu’ils avaient des préoccupations et que nous devions nous asseoir pour comprendre l’impact. Comme vous le savez, puisque les États-Unis se sont retirés du PTPGP, des questions ont été soulevées quant à la pleine utilisation des quotas. Il existe peu de technologies pour le transport du lait frais sur une longue distance et l’une des inquiétudes soulevées concerne le transport par camion-citerne au-delà de la frontière. Nous avons amorcé des discussions afin de comprendre l’impact.

L’autre chose dont il faut parler, c’est les prochaines étapes. Si je ne m’abuse, j’ai rencontré ces gens deux ou trois fois depuis mon annonce afin de m’assurer, avec le ministre MacAulay, que nous travaillons ensemble afin de comprendre l’impact et de convenir des prochaines étapes. Nous poursuivrons ces discussions.

Notre parti a toujours défendu la gestion de l’approvisionnement. Nous sommes conscients — et, venant d’une circonscription rurale du Québec, j’en suis conscient — de l’impact que cela peut avoir sur la société et les communautés. Si vous parlez à ce groupe, vous verrez qu’ils sont reconnaissants envers moi pour le dialogue très ouvert et franc que j’ai amorcé avec eux sur ce que nous pourrions faire en ce qui a trait à l’allocation des quotas et le fait que nous avons encore beaucoup de temps devant nous pour vraiment tracer ensemble la voie à suivre. Il est question d’une signature en mars, mais, évidemment, le tout doit être ratifié.

Nous avons réussi à établir un dialogue afin d’examiner ensemble la situation et de travailler de façon homogène pour comprendre l’impact et convenir des prochaines étapes.

La sénatrice Bovey : Donc, cela devrait les encourager?

M. Champagne : Je les ai rencontrés encore une fois hier pour leur dire que nous allions poursuivre les discussions avec le ministre MacAulay. Je sais qu’ils ont déjà eu des discussions avec le ministre. Je crois qu’ils ont bien aimé que deux jours après l’annonce, nous ayons demandé à les rencontrer pour leur dire que nous comprenions qu’ils avaient des préoccupations concrètes et que nous voulions parler avec eux afin de tracer la voie à suivre.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur le ministre, d’avoir accepté notre invitation.

Je crois qu’en raison des négociations houleuses concernant l’ALENA, le PTPGP est très important. Je viens de cette région. Je peux vous dire que l’on y retrouve une foule de pays développés et sous-développés et une population énorme.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la conclusion du PTPGP, les 11 pays signataires du PTP restants ont convenu de suspendre plusieurs dispositions du chapitre du PTP concernant la propriété intellectuelle. Nous savons aussi que le Canada souhaite négocier de meilleures conditions afin de protéger les secteurs de l’automobile et culturel du Canada. Sommes-nous près d’un accord total? Selon AMC, une cérémonie aura lieu le 8 mars 2018. Le Canada est-il disposé à conclure l’accord tout en poursuivant son programme progressiste?

M. Champagne : Merci d’avoir souligné que nous avons défendu les Canadiens. Vous vous souviendrez probablement qu’à Da Nang, le premier ministre nous a épaulés, nous et notre négociateur que je dois encore remercier, afin de défendre les Canadiens. Évidemment, à l’époque, nous avions l’impression de ne pas avoir obtenu ce que nous souhaitions dans bien des secteurs. Le fait d’avoir défendu les Canadiens avec beaucoup de vigueur nous a permis d’obtenir un meilleur résultat. Nous avons parlé de la culture et certainement du secteur automobile. Je tiens à remercier le premier ministre et son équipe de nous avoir défendus. Nous avons réussi à obtenir de meilleures conditions pour les Canadiens. C’est ce à quoi ils s’attendent de leur équipe à la table — qu’elle soit constructive et positive, mais qu’elle se montre ferme. Ces accords commerciaux seront en vigueur pour des décennies.

À Tokyo, il y a deux semaines, l’équipe a réussi à renforcer et à améliorer l’accord. Ce que l’on retrouve aujourd’hui dans le PTPGP a été conclu après des négociations. Vous avez raison de dire que la signature est prévue pour le 8 mars, au Chili, et le Canada y sera. J’y serai pour représenter le Canada. Ensuite, nous entreprendrons le processus habituel de ratification.

Il s’agit d’une réussite importante pour le Canada. Vous l’avez souligné. Nous pénétrons un marché de plus de 500 millions de personnes représentant 14 p. 100 de l’économie mondiale. Cela cadre bien avec un programme progressiste. Des pays comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont également des gouvernements progressistes au pouvoir. Nous discutons avec des pays qui sont disposés à s’engager avec nous sur une base très progressiste.

Je suis heureux de voir qu’il s’agira également du premier chapitre concernant les petites et moyennes entreprises. Il s’agit d’un bon accord pour les Canadiens et nous devrions en être fiers et le vendre partout à l’étranger.

Pour moi, sénateur, le travail ne sera pas terminé tant que ces accords ne se seront pas traduits en emplois, en commandes et en avantages pour les Canadiens. Ces accords ouvrent des portes. Ce sont de bons accords, car ils nous permettent de pénétrer des marchés, mais, comme je le répète à nos fonctionnaires, il s’agira pour moi d’une réussite lorsque nous aurons converti ces accords en avantages concrets pour les Canadiens, c’est-à-dire, des emplois et une activité économique au pays.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’être parmi nous. Je tiens à vous féliciter. Le Canada a une petite population et nous sommes très dépendants des échanges économiques avec les autres pays. Il faut appuyer nos efforts de libre-échange. J’estime que vous avez obtenu de beaux résultats avec les pays du sud de l’Asie. Félicitations à vous et à votre équipe!

Il reste la Chine et je vous souhaite bonne chance dans vos échanges. Il serait souhaitable que le Canada arrive à une entente; toutefois, il faut des conditions mutuellement acceptables.

Depuis 40 ou 50 ans, même à l’époque du premier ministre Trudeau père, on parle de diversifier nos échanges. Plusieurs rapports ont été produits et des souhaits ont été exprimés à cet égard. Toutefois, nous dépendons encore énormément des États-Unis. Nos exportations avec ce pays se chiffrent à 75 p. 100. Or, cette dépendance n’est pas toujours saine. On ne voit pas toujours à nos intérêts. Nous sommes très dépendants d’un seul partenaire, qui n’est pas toujours le plus fiable. Néanmoins, chacun est souverain, chacun a ses choix.

Ces ententes sont très importantes et ce n’est qu’un début. Il faut mettre sur pied des mesures soutenues pour la promotion et l’éducation afin d’encourager nos entreprises canadiennes à exporter vers ces pays — ce qui n’est pas naturel. Exporter vers les États-Unis est facile. On parle la même langue et nos cultures se ressemblent. Je vous encourage fortement dans vos efforts. Il ne faut pas arrêter.

Je suis coprésident du Groupe interparlementaire Canada-Japon. Je connais assez bien ce pays. D’ailleurs, on doit s’y rendre bientôt. Cette société est un peu fermée, mais elle a un potentiel immense. Cela signifie qu’il faut l’encourager à ouvrir le marché. Je mets beaucoup d’accent sur ce point. Ces ententes sont tout à fait louables, mais ce n’est qu’un début.

M. Champagne : Je suis tout à fait d’accord avec vous. La population canadienne représente 0,5 p. 100 de la population mondiale. Le Canada ne représente que 2,5 p. 100 du commerce mondial. Le commerce extérieur fait partie de notre ADN. Pour assurer la prospérité des Canadiens d’aujourd’hui et de demain, on se doit d’ouvrir les marchés et de faire du commerce extérieur.

Vous avez raison, la diversification a été pour moi, en tant que ministre, l’objectif numéro un, et ce, dès mon arrivée. Plus de 70 p. 100 de nos exportations vont encore vers notre voisin du Sud. Je crois que ce sera toujours le cas, étant donné la géographie et la dimension de l’économie américaine. Toutefois, les Canadiens et les Canadiennes comprennent de plus en plus que la diversification nous offre de nouvelles opportunités. Nos réalisations du côté européen sont un grand pas.

Le Canada est le pays qui a l’accès le plus important au marché européen, sans se trouver physiquement en Europe, pour ce qui est des services, des biens et de la mobilité de la main-d’œuvre. Il est important d’aller du côté de l’Asie-Pacifique. Comme vous le disiez, on le voit avec les grandes populations et les classes moyennes en expansion dans ces pays. C’est pourquoi il était très important de nous positionner, comme on l’a fait avec l’Alliance pacifique et les discussions entamées avec Mercosur.

On le disait justement, nous avons eu la chance de signer des accords qui nous ouvrent les deux grands marchés, soit celui de l’Europe et celui de l’Asie-Pacifique. On aura besoin maintenant d’en faire la promotion. Pour la plupart des entrepreneurs, le réflexe naturel est de se tourner vers les États-Unis. Il faut s’adapter aux nouvelles réalités mondiales, tout en conservant et en modernisant nos acquis du côté américain.

En terminant, nous avons aussi l’avantage du précurseur dans plusieurs de ces marchés. Cet avantage comparatif est indéniable. Vous savez comme moi que lorsqu’on entre dans un nouveau marché avec le tarif le plus bas, l’avantage est réel. On le voit, par exemple, pour ce qui est des produits de la mer et l’accord de libre-échange avec l’Europe. Le fait que les tarifs soient tombés presque à zéro donne un avantage comparatif significatif au Canada. Pour le marché japonais, il faut avoir la même chance. Le Canada, étant l’un des pays de l’Amérique du Nord avec le Mexique, a l’avantage d’être l’un des premiers à bénéficier de la baisse des tarifs, non seulement pour les biens, mais aussi pour les services.

Le sénateur Massicotte : Félicitations et bonne chance!

M. Champagne : Merci, monsieur le sénateur.

[Traduction]

Le sénateur Greene : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’avoir accepté notre invitation et d’avoir réussi à négocier le PTP. Il s’agit d’une réussite remarquable et historique. Ce partenariat sera merveilleux pour le Canada à long terme.

Ma question concerne les relations commerciales avec la République de Chine, connue sous le nom de Taiwan. J’ai été heureux de parrainer au Sénat l’automne dernier le traité de votre gouvernement supprimant la double imposition. J’aimerais toutefois souligner une question concernant un sujet dont j’ai parlé au Sénat plus récemment, soit l’ouverture des négociations avec Taiwan pour la conclusion d’une entente de promotion et de protection des investissements étrangers — EPPIE. Le gouvernement de Taiwan est impatient de négocier un tel accord avec le Canada et le Canada a déjà conclu plusieurs accords semblables avec d’autres pays, y compris la République populaire de Chine, Hong Kong, les Philippines, la Thaïlande, et le Vietnam, pour ne nommer que ceux-là. Le gouvernement a-t-il l’intention de négocier une EPPIE avec Taiwan?

M. Champagne : Sénateur, merci pour cette question très importante. Nous avons un vaste programme en ce qui a trait à la pénétration des marchés. Comme vous le savez, nous avons été très actifs au cours des derniers mois, non seulement pour conclure le PTPGP, un exercice qui, vous le comprendrez, a nécessité beaucoup de ressources, mais aussi pour amorcer des discussions exploratoires avec les pays de l’ANASE. Nous avons également amorcé des discussions exploratoires avec la Chine et l’Inde en vue d’un accord potentiel de libre-échange.

Je vous dirais que nous gardons un esprit ouvert en ce qui a trait à la région de l’Asie-Pacifique. Je suis au courant de la question que vous soulevez, car des représentants m’en ont également parlé. Tout ce que je peux dire, c’est que nous gardons un esprit ouvert, mais, je le répète, nous avons travaillé fort au cours des derniers mois pour renforcer notre relation avec la région de l’Asie-Pacifique. Nous avons encore du travail à faire, mais je comprends très bien la demande que vous formulez. Des représentants m’en ont déjà parlé.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous sommes heureux de vous accueillir au comité. Votre enthousiasme est contagieux. Vous êtes très bon pour vendre le commerce et l’investissement au Canada. Je vous en remercie. Comme l’a souligné le sénateur Greene, je crois qu’ils étaient nombreux à croire que le retrait des États-Unis des négociations entourant le PTP allait signifier la fin de cet accord. Il est donc agréable de voir que la coopération avec d’autres pays a permis de conclure cet accord.

J’aimerais revenir aux questions de la sénatrice Bovey concernant les producteurs laitiers. Hier, je me suis entretenu avec des représentants de la Dairy Farmers of Nova Scotia. Ils étaient très satisfaits du gouvernement en raison de sa politique sur la gestion de l’approvisionnement. Ensuite, en raison de ce qui s’est produit à la dernière minute avec l’AECG et le PTPGP, ils ont perdu des parts de marché. Après la conclusion du premier accord, ils ont perdu un accès au marché comparable à la production en Nouvelle-Écosse. Après la conclusion du deuxième accord commercial, ils ont perdu un accès au marché comparable à la production du Canada atlantique. C’est considérable pour les producteurs laitiers d’une petite province. En passant, malgré tout, ils continuent de soutenir les échanges commerciaux.

Ce qui les inquiète maintenant, c’est les négociations entourant l’ALENA et qu’encore une fois, à la dernière heure, l’industrie des produits laitiers soit utilisée pour conclure un accord qui les désavantagera de nouveau. Vous avez offert de bonnes réponses à la sénatrice Bovey. Que puis-je dire aux producteurs laitiers que j’ai rencontrés de nombreuses fois au fil des ans pour les rassurer que ce qui est fait est fait, mais qu’ils ne seront pas à nouveau désavantagés par le prochain accord commercial?

M. Champagne : Je comprends bien votre question, car nous vivons la même réalité. Comme je l’indiquais, le président des Producteurs laitiers du Canada habite à environ 10 minutes de chez moi. L’industrie laitière occupe une grande place dans ma circonscription qui est plus étendue que la Belgique. On y trouve un grand nombre de ces fermes, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je tenais à rencontrer les producteurs sans tarder.

Pour répondre plus directement à votre question, disons que notre première rencontre visait en fait à évaluer les répercussions de l’absence des Américains. Nous nous interrogions quant aux effets sur les contingents et aux prochaines étapes dans le cadre du PTPGP.

Je me suis assuré d’être accompagné pour cette rencontre — et je crois que cela témoigne bien de notre approche pangouvernementale — non seulement des représentants d’Agriculture Canada, mais aussi de notre négociateur en chef pour les questions agricoles. Je voulais que nos producteurs laitiers comprennent bien que nous sommes ouverts et transparents en constatant que mon discours était le même que celui du négociateur en chef, lequel avait pris part à toutes ces discussions.

Je crois, sénatrice, qu’il y avait effectivement des représentants de la Nouvelle-Écosse. Je ne peux pas vous le garantir, car il y avait 10 ou 15 personnes qui représentaient pratiquement toutes les provinces. Je ne me souviens pas s’il y avait quelqu’un qui était strictement là à titre de représentant de la Nouvelle-Écosse. Si ces gens-là ont des préoccupations, je me ferai un plaisir de les rencontrer de nouveau pour poursuivre le dialogue. Nous avons convenu des prochaines étapes du processus avec le ministre MacAulay.

Il est possible qu’ils soient déjà au courant, mais pas nécessairement. J’ai rencontré hier les dirigeants des Producteurs laitiers du Canada qui m’ont indiqué qu’ils allaient effectuer une tournée pancanadienne pour parler à leurs membres. Ils pourront alors leur fournir des précisions. Nous serons ravis de les tenir au fait de l’évolution du dossier.

Soyez assurée, sénatrice, que je partage vos préoccupations, car le sort de ces gens-là me tient à cœur, moi également. Nous avons voulu être directs et transparents dans notre façon de faire les choses en veillant à ce que les bonnes personnes soient présentes, ce qui veut dire non seulement moi-même à titre de ministre du Commerce international — car vous comprendrez que mon mandat ne se limite pas à ce dossier —, mais aussi tous ceux qui s’emploient à répondre à leurs préoccupations véritables dans le cadre d’une approche pangouvernementale.

La sénatrice Cordy : Merci.

Le sénateur Woo : Je vous souhaite la bienvenue. Je ne suis pas officiellement membre du comité, mais la présidente a été assez gentille pour me permettre d’intervenir. Je suis en fait un ancien membre du comité qui a un intérêt tout particulier pour le sujet à l’étude.

Je vous félicite pour la conclusion du PTPGP. Je comprends bien à quel point il peut être difficile de conclure un accord semblable en négociant ou, comme vous l’avez indiqué, en explorant simultanément deux autres ententes qui y sont étroitement liées. C’est un peu comme jouer aux échecs en trois dimensions. Lorsque l’on règle une chose d’un côté, il peut y avoir des répercussions dans les deux autres dossiers. Je comprends tout à fait de quoi il en retourne. Cela m’amène à ma question qui porte sur le deuxième cycle d’adhésion au PTPGP.

Quand on songe à ce deuxième cycle, la première chose qui vient à l’esprit ce n’est pas Taiwan ou les autres pays, ni même le Royaume-Uni, car tout cela est plutôt secondaire. On se demande plutôt d’abord et avant tout si les États-Unis vont réintégrer les rangs. D’un point de vue stratégique, les sentiments peuvent sembler partagés quant à un éventuel retour des Américains, lequel retour pourrait être rendu plus difficile par la suspension de certaines dispositions qui leur auraient probablement permis de bénéficier d’un régime préférentiel. Ce sont des hypothèses de ma part; je ne sais pas si c’est effectivement le cas.

Vous avez mentionné par ailleurs l’importance politique du PTPGP. Cette raison devrait suffire à nous faire pencher fortement en faveur d’une réintégration des États-Unis de telle sorte qu’ils puissent montrer leur engagement en faveur notamment du commerce multilatéral et des blocs commerciaux régionaux, sans compter toute la question de l’évolution du rapport des forces dans l’Asie-Pacifique.

Pouvez-vous nous dire s’il y a une clause d’adhésion ou quelles sont les règles pour l’inclusion de nouveaux membres, et nous indiquer si votre gouvernement croit qu’il faudrait inciter les Américains à réintégrer les rangs du partenariat?

M. Champagne : Comme vous l’indiquiez vous-même, sénateur, il semble y avoir un nouveau vent d’optimisme qui se lève avec la négociation du PTPGP qui va succéder au Partenariat transpacifique. Vous avez raison de dire que de nombreux pays ont exprimé le désir de se joindre éventuellement au partenariat. Comme vous le souligniez, certains ont fait part de leurs intentions depuis longtemps déjà, et je pense notamment à la Corée, alors que c’est plus récent pour d’autres comme le Royaume-Uni.

Il semblerait que l’administration américaine aurait soulevé la possibilité de revoir sa décision en la matière. Je conviens tout à fait avec vous, comme je l’indiquais tout à l’heure à votre collègue, que les pays membres du PTPGP n’ont pas encore eu l’occasion de beaucoup discuter de ces questions, car la négociation du nouveau partenariat constitue déjà en soi un important accomplissement. Il nous permet de demeurer unis en vertu d’un accord fondé sur des normes rigoureuses, plutôt que sur le plus bas dénominateur commun, qui assurera le maintien des progrès réalisés et la cohésion entre les membres. Comme vous le disiez, les répercussions sont considérables pour toute la région.

Je dirais donc qu’il y a eu très peu de pourparlers jusqu’à maintenant, hormis peut-être les déclarations publiques de certains pays membres qui souhaiteraient la réintégration des États-Unis dans le cadre du PTPGP. C’est ce que j’ai été à même d’observer, mais je peux vous assurer qu’il n’y a pas eu vraiment de discussions semblables au niveau ministériel. Il y a bel et bien une clause d’adhésion qui confère essentiellement un droit de veto aux membres actuels quant à savoir quels pays pourraient se joindre au partenariat. Comme vous pouvez le comprendre, nous nous employons surtout actuellement à finaliser l’accord afin d’officialiser les ententes intervenues.

Il pourrait y avoir ensuite un autre cycle de discussions, mais je peux vous dire très franchement qu’il n’y en a pas eu jusqu’ici, exception faite encore une fois de certaines déclarations publiques reprises par les médias un peu partout dans le monde pour exprimer différents souhaits relativement à cet accord. Pour l’instant, nous nous assurons d’abord et avant tout d’officialiser ce qui a été conclu.

Le sénateur Woo : Pour que les choses soient bien claires, la clause d’adhésion ne précise pas les modalités à suivre pour adhérer au partenariat; elle permet seulement à n’importe quel membre d’exercer son droit de veto?

M. Champagne : Ce que je peux vous dire, et je pourrais demander à notre négociateur en chef ou à notre sous-ministre de vous fournir de plus amples détails, c’est que les dispositions dont l’application est suspendue ne vont pas automatiquement entrer en vigueur avec le retour de certains pays. Il faut que ce soit bien clair. Pour adhérer au partenariat, il vous faut l’accord de tous les pays membres. C’est la raison pour laquelle les ministres s’emploient surtout, à juste titre d’après moi, et comme plusieurs d’entre vous l’ont préconisé, à ratifier le texte définitif de l’accord, et on verra bien pour la suite des choses. C’est une étape cruciale pour les différents pays qui pourraient vouloir éventuellement adhérer au partenariat. Les discussions ont donc surtout porté sur cet aspect jusqu’à maintenant. Il y a certes des dispositions à cet effet, mais il faudrait tout de même que les pays membres en discutent de façon plus approfondie.

Je vous dirais, sénateurs, que c’est justement pour cette raison que la présence du Canada est importante. C’est notre manière à nous de façonner les modalités commerciales qui s’appliqueront dans cette partie du monde. En l’absence du Canada, le texte de l’accord serait peut-être différent aujourd’hui. De par sa présence même, le Canada a contribué à déterminer le fonctionnement des échanges commerciaux dans la région de l’Asie-Pacifique au XXIe siècle. En vertu de la clause d’adhésion et des autres dispositions de l’accord, nous demeurons un partenaire important au sein d’une des régions clés de la planète au XXIe siècle.

À mes yeux, c’est tout un accomplissement. En effet, les mesures progressistes que le Canada a toujours défendues se retrouvent dans cet accord. La voix du Canada prend d’autant plus d’importance à cette table que nous figurons parmi les premiers partenaires et que nous sommes la deuxième plus grande économie parmi les pays membres du PTPGP. Nous savions qu’ils nous étaient possible d’exercer des pressions afin d’obtenir une bonne entente pour les Canadiens.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur le ministre. Je veux d’abord vous féliciter d’avoir ordonné un examen du contrat de vente d’hélicoptères aux Philippines. Je vous en remercie.

Vous avez indiqué que le PTPGP était le meilleur accord possible pour le Canada. Comment allez-vous répondre aux préoccupations soulevées par certains secteurs de notre économie? Je pense notamment aux réserves exprimées par l’Association des fabricants de pièces d’automobile du Canada, une organisation dont le siège social est situé à Toronto. Selon l’Association, cet accord oriente le Canada dans une direction complètement à l’opposé de celle prise par les États-Unis qui souhaitent que l’on renforce les prescriptions sur la teneur en éléments d’origine locale et qu’il n’y ait plus de pièces fabriquées en Chine qui se retrouvent en Amérique du Nord. L’accord que nous avons devant nous réduit ces exigences.

M. Champagne : Merci, madame la sénatrice, pour cette très importante question.

Je crois effectivement que nous avons conclu la meilleure entente qui soit pour le Canada. Comme vous le savez, les négociations ont été plutôt longues, et je crois que le Canada s’en tire avec de meilleurs résultats en bout de ligne, si l’on compare le texte du Partenariat transpacifique et celui du PTPGP. À ce titre, je vous renvoie à un article de Jim Balsillie qui indique que nos entreprises novatrices vont bénéficier de la suspension de l’application de différentes dispositions. Nous pourrions aussi parler du secteur culturel, mais je suis tout à fait disposé à vous répondre concernant la situation dans l’industrie automobile. Après l’annonce, j’ai eu l’occasion de tenir des tables rondes à Hamilton, Burlington et Oakville, soit au cœur même du secteur automobile canadien.

Je vous dirais, et notre négociateur en chef pour l’ALENA, Steve Verheul, a été très clair à ce sujet, que le PTPGP et l’ALENA se retrouvent sur des voies distinctes pour ce qui est des règles d’origine. Il va de soi que tous les fabricants de pièces veulent satisfaire aux normes. Ils doivent se conformer aux règles d’origine établies dans l’ALENA pour pouvoir vendre leurs pièces aux trois grands constructeurs américains. Les fabricants de pièces d’automobile se sont toujours plaints de ne pas avoir accès au marché japonais en raison de barrières non tarifaires, comme les normes de sécurité.

Au moyen d’une lettre d’accompagnement que nous allons rendre publique dès que possible, nous avons pu obtenir pour notre industrie automobile un accès sans précédent au marché japonais. Pour la première fois, les Japonais ont accepté qu’un éventuel plaignant ait recours, non pas au mécanisme de règlement des différends prévu par le PTPGP, mais bien à un autre qui est établi spécialement pour le secteur automobile via la lettre d’accompagnement, de telle sorte que nous bénéficiions de la clause de la nation la plus favorisée pour les années et les décennies à venir. Ainsi, advenant le cas où un autre pays négocierait avec le Japon une meilleure entente que la nôtre, les manufacturiers canadiens pourraient continuer d’avoir accès à ce marché suivant les nouvelles conditions accordées.

C’était l’une des préoccupations qui avait été soulevée. Il y a bien évidemment aussi le fait que le retrait des États-Unis du partenariat fait en sorte qu’il devient très difficile de respecter les règles d’origine applicables au contenu en misant uniquement sur les pièces canadiennes et mexicaines pour pouvoir vendre des automobiles aux autres pays membres du Partenariat transpacifique sans l’imposition de tarifs douaniers. C’est la raison pour laquelle nous avons négocié des lettres parallèles avec différents pays. C’est notamment le cas avec la Malaisie, et celle avec l’Australie sera finalisée sous peu, le tout pour faire en sorte que les automobiles canadiennes puissent être vendues sur ces marchés mêmes si elles ne satisfont pas aux règles d’origine applicables au contenu en vertu du PTPGP.

Cela nous ramène aux commentaires de certains sénateurs. C’est une industrie qui évolue très rapidement, tant du point de vue du contenu que dans la perspective des marchés. Nous avons notamment pu obtenir pour notre industrie les meilleurs débouchés qui soient sur le marché japonais actuel, et ce — comme vous pourrez le constater en prenant connaissance de la lettre d’accompagnement —, en éliminant les barrières commerciales non tarifaires qui ont toujours entravé cet accès. Comme vous le savez, ce ne sont pas les tarifs douaniers qui posaient problème, mais plutôt toutes les normes en matière de sécurité et autres mesures réglementaires en vigueur au Japon. Les manufacturiers canadiens ont maintenant le chemin libre.

Je sais bien que nous n’avons pas comblé tous leurs désirs. Ils auraient souhaité d’autres concessions, mais je peux leur assurer que nous avons défendu leurs intérêts, comme je l’ai fait savoir en toute franchise aux représentants des syndiqués et des manufacturiers de pièces. C’est ce que le premier ministre a fait, et moi également. Je pense qu’ils sont conscients que nous sommes allés au front pour eux et que nous avons pu obtenir le meilleur accord possible pour le secteur automobile dans les circonstances.

La présidente : Nous avons déjà dépassé l’heure prévue au départ pour cette séance. Avez-vous encore du temps pour une brève question de ma vice-présidente, la sénatrice Cools?

M. Champagne : Avec plaisir, madame la sénatrice.

La sénatrice Cools : En fait, je n’ai pas de question à vous poser. Je voulais plutôt vous remercier. Je dois vous dire que j’ai encore un souvenir bien net des vives luttes que nous avons dû livrer au Sénat concernant l’accord de libre-échange, puis l’ALENA. Ce n’est pas d’hier que je suis active dans ces dossiers.

Je veux donc vous remercier et vous dire que j’ai été profondément touchée par l’énergie et l’enthousiasme que vous mettez dans votre travail. Tout être humain doit aimer son travail pour pouvoir connaître du succès. Je tiens donc vraiment à ce que vous sachiez que votre grande maîtrise de ces dossiers très délicats m’a beaucoup impressionnée. Il est bien évident que vous adorez votre travail qui vous permet de vous épanouir pleinement. Je dirais que le Canada et les Canadiens sont bien représentés par vos collègues et vous-même, et je veux vous en remercier encore une fois.

M. Champagne : Eh bien, madame la sénatrice, vos commentaires me touchent beaucoup. C’est un travail qui me passionne.

Je dois préciser que l’équipe qui m’accompagne — autant Bruce que Kendal et notre sous-ministre — livre bataille sur ce front depuis un bon moment déjà. On est toujours tributaire de l’équipe avec laquelle on travaille, et je dois avouer que nous avons la chance de pouvoir compter sur quelques-uns des meilleurs talents disponibles. Que ce soit à la table de l’ALENA, du PTP ou de l’AECG, les Canadiens sont privilégiés de pouvoir s’en remettre à des hauts fonctionnaires qui défendent leurs intérêts, travaillent dans le sens de nos priorités et se battent bec et ongles pour toujours obtenir le meilleur accord possible. Ces négociations à l’échelle internationale n’autorisent pas les raccourcis. Comme je le dis souvent, si vous trouvez qu’il est difficile de négocier avec deux autres parties, imaginez à quoi cela peut ressembler quand il y en a 10, chacune défendant des intérêts qui lui sont propres.

Merci encore pour vos bons mots, madame la sénatrice. Je ne vais pas manquer de faire le message à tous les membres de l’équipe qui ont travaillé pendant toutes ces années pour obtenir ce résultat au bénéfice des Canadiens. Merci d’appuyer ainsi notre formidable équipe de négociateurs et de fonctionnaires.

La présidente : Je suis persuadée qu’ils seront ravis d’entendre ces commentaires à la veille de leur évaluation de rendement. Ils pourront en bénéficier concrètement.

M. Champagne : Ils voudront peut-être citer le compte rendu de la séance.

La présidente : Je pense que c’est ce qu’ils devraient faire. Nous avons formulé des recommandations à votre intention dans notre rapport sur les échanges commerciaux. Nous sommes très heureux de constater que vous êtes d’accord avec les orientations que nous proposons et que vous travaillez dans ce sens-là. Je sais à quel point il a été ardu, autant pour vous-même que pour la ministre qui vous a précédé, d’en arriver à ce résultat. Alors que l’on se demandait avant si le Canada devrait faire partie ou non du Partenariat transpacifique, vous devez vous interroger maintenant sur ce qu’il convient de faire dans le contexte du retrait des États-Unis. Merci d’être venu nous fournir des précisions à ce sujet. Tout cela est extrêmement important. Nous espérons bien poursuivre ce dialogue au fil de la ratification et des autres étapes à venir.

Vous avez eu la tâche plutôt facile jusqu’à maintenant. Les choses vont se compliquer avec la stratégie de mise en œuvre. Je vous renvoie d’ailleurs à notre quatrième recommandation suivant laquelle une telle stratégie serait bénéfique pour les Canadiens. On pourrait ainsi mobiliser les citoyens, sans se limiter aux seules parties prenantes, en continuant à insister sur la nécessité des ententes commerciales pour notre pays.

Je vous remercie d’avoir mis encore davantage l’accent sur cet impératif. Je peux vous garantir que votre travail est loin d’être terminé, mais nous vous sommes très reconnaissants pour les efforts déployés jusqu’à maintenant et nous nous réjouissons à la perspective de poursuivre ce dialogue.

Les sénateurs qui auraient encore des questions pourront vous les soumettre par l’entremise de notre greffière afin que vous y répondiez par écrit. Nous pourrons ainsi demeurer en contact.

Je veux donc vous remercier, monsieur le ministre, en même temps que tous les fonctionnaires qui vous accompagnent, de votre présence aujourd’hui et du travail que vous accomplissez. N’ayez crainte, nous allons continuer de suivre l’évolution de vos dossiers et de vous faire part de nos recommandations. Nous espérons bien pouvoir maintenir ce dialogue, non seulement pour le PTPGP, mais aussi pour l’AECG et peut-être l’ALENA et tous les autres accords.

Dans tous les secteurs au Canada, il y a quelque part des segments qui peuvent bénéficier de tels accords. Nous devons évaluer les conséquences pour toutes les régions du pays et tous les intervenants canadiens, et ce, en revenant notamment sur des aspects comme l’innovation, la productivité et les avantages fiscaux. Vous avez donc un rôle à jouer, et nous allons nous assurer que tous les autres ministres sont au diapason.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre présence aujourd’hui.

M. Champagne : Au nom de toute l’équipe, je vous remercie de nous avoir accueillis. Vous jouez un rôle très important. À l’étape de la promotion, je pense que le Sénat, et ce comité tout particulièrement, peuvent nous aider grandement à veiller à ce que tous les Canadiens bénéficient de ces accords.

(La séance est levée.)

Haut de page