Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 40 - Témoignages du 28 février 2018
OTTAWA, le mercredi 28 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Aujourd’hui, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé par le Sénat à étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
Dans le cadre de ce mandat, nous sommes enchantés de recevoir trois invités aujourd’hui. Je les préviens que nous ne les présenterons pas à l’aide de leur biographie parce que le temps dont nous disposons est précieux. Nous préférons l’utiliser pour discuter avec eux. Les biographies ont donc été distribuées à tous les membres du comité. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir accepté de comparaître devant nous et de nous permettre de profiter de votre expérience et de vos compétences.
Aujourd’hui, chers collègues, nous accueillons M. Guy Berthiaume, bibliothécaire et archiviste du Canada de Bibliothèque et Archives Canada; M. John Degen, directeur général de la Writers’ Union of Canada; et M. Barry Hughson, directeur général du Ballet national du Canada.
Avant de donner la parole à nos invités, je demande à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice indépendante du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario.
La sénatrice Cools : Anne Cools, de Toronto, en Ontario.
La présidente : Je m’appelle Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
À moins que vous ne préfériez procéder autrement, je vais vous donner la parole dans l’ordre où je vous ai présentés. Le premier exposé sera donc donné par M. Berthiaume, bibliothécaire et archiviste du Canada. J’espère que les présentations seront concises afin de nous laisser suffisamment de temps pour poser des questions.
Bienvenue à cette séance du comité.
[Français]
Guy Berthiaume, bibliothécaire et archiviste du Canada, Bibliothèque et Archives Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de discuter de diplomatie culturelle avec vous. Je me réjouis que ce sujet soit porté à l’avant-scène de l’actualité.
Tout d’abord, je vous dirai quelques mots de mon institution, Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Le Canada, en 2004, a été innovateur en étant le premier pays en occident à fusionner sa bibliothèque nationale et ses archives nationales pour former une seule institution, Bibliothèque et Archives Canada. Grâce à cette fusion, la taille de notre collection, selon les classements internationaux, fait en sorte que BAC est l’une des trois ou quatre plus grandes bibliothèques nationales du monde après la Library of Congress, la British Library et la bibliothèque nationale de Chine. Je ne ferai pas un grand débat. Je leur concède la troisième place, car ils sont plus nombreux que nous.
Donc, notre bibliothèque est la quatrième plus grande bibliothèque au monde. Notre collection est très vaste, mais en plus de contenir des livres et des archives, je veux attirer votre attention sur le fait que nous avons une très importante collection d’œuvres d’art canadiennes, soit la plus grande collection d’œuvres d’art canadiennes au monde avec plus de 425 000 œuvres d’art documentaires, y compris des peintures, des sculptures et 30 millions de photographies. Si vous vous demandez d’où venait la photo de Donald Trump avec Pierre Elliott Trudeau lorsque notre premier ministre s’est rendu aux États-Unis lors d’une première rencontre, elle provenait de notre collection. Rassurez-vous, ce n’était pas l’original, mais un exemplaire de la photo.
Cette richesse est conservée dans notre Centre de préservation de Gatineau, une installation qui a 20 ans, mais qui est à la fine pointe de la technologie, ce qui nous vaut des visites de personnalités internationales, comme celle de Georges W. Bush en 2004, du roi et de la reine de Suède en 2006, et beaucoup de délégations officielles qui se succèdent à un rythme constant. Au cours des 24 deniers mois, nous avons accueilli plus de 25 délégations provenant de partout dans le monde.
[Traduction]
Ces visiteurs ont pu découvrir nos collections, rencontrer nos spécialistes et parcourir notre installation ultramoderne. C’était également l’occasion de leur faire connaître le Canada, son patrimoine et sa culture.
[Français]
Nous avons également des protocoles d’entente avec les bibliothèques et les archives nationales d’Argentine, de Chine, du Mexique, de la France et de la Corée.
[Traduction]
Dans le cadre de ces ententes, nous partageons compétences, expériences et pratiques exemplaires. C’est le genre de collaboration dont les responsables du patrimoine documentaire ont absolument besoin pour pouvoir relever les défis complexes de l’ère numérique.
Dans ce contexte, nous avons adopté, en 2016, une stratégie pour que nos activités internationales soient plus cohérentes, mieux coordonnées et plus conformes à notre mandat et à nos priorités ainsi qu’à celles du gouvernement du Canada.
Essentiellement, cette stratégie nous permet de déterminer avec qui nous collaborons et de quelles façons. Elle nous aide aussi à relever des défis qui ne concernent pas uniquement le Canada, mais toute la planète, dont les suivants : l’élaboration de normes internationales pour la gestion de l’information; l’amélioration de l’accès au patrimoine documentaire, y compris pour les personnes handicapées; et la réalisation de projets d’unification numérique, permettant de réunifier virtuellement des corpus documentaires qui sont dispersés dans plusieurs pays ou plusieurs nations, pour brosser le portrait de leur culture.
J’ajouterai que, au Canada et ailleurs dans le monde, nos collections contribuent aux transformations sociales à l’égard de questions comme la réconciliation avec les peuples autochtones et les droits des communautés LGBTQ.
[Français]
Dans les paramètres que vous avez choisis pour circonscrire votre étude, vous soulevez, entre autres, la question du lien entre les industries culturelles et les initiatives de diplomatie culturelle. Je sais qu’il est de bon ton de penser qu’il est possible de faire « saute-mouton » et de passer par-dessus la diplomatie culturelle pour aller directement aux discussions menant à des échanges commerciaux. Je ne partage pas cet avis. Dans le domaine des industries culturelles, en particulier, il faut un appétit pour les produits de l’autre qui ne peuvent se développer sans que l’on soit exposé à sa culture et aux manifestations tangibles de cette culture.
En raison de notre fusion, BAC appartient à deux communautés distinctes, celle des bibliothèques et celle des archivistes. Sur ces deux tableaux, nous sommes bien placés pour déployer le soft power canadien. J’ai mentionné tout à l’heure les nombreux visiteurs internationaux que nous accueillons à notre Centre de préservation de Gatineau et les protocoles d’entente qui nous lient à plusieurs grandes institutions nationales. Invariablement, ce que nos partenaires internationaux recherchent en premier lieu, c’est de profiter de notre expertise exceptionnelle grâce à des échanges de personnel : nous envoyer des stagiaires ou recevoir nos spécialistes dans leurs locaux. Il y a là une occasion unique qui permettait au Canada de jouer un rôle international allant bien au-delà de son poids relatif dans l’économie et la géopolitique mondiales. La mise en place de mécanismes permettant ce genre d’échanges serait de nature à tabler, à faible coût, sur le fait que les institutions de mémoire canadienne, les musées, les bibliothèques et les archives sont reconnus à l’échelle de la planète.
Grâce à l’attention que votre comité porte à la diplomatie culturelle, je me prends à rêver que notre pays se donnera les moyens de rayonner pleinement dans le monde et que cela pavera la voie à des échanges de toute nature, y compris commerciaux, évidemment. Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci.
Nous entendrons maintenant M. Degen de la Writers’ Union of Canada.
John Degen, directeur général, The Writers’ Union of Canada : Merci de votre invitation à comparaître. Je suis ici à plusieurs titres. Je suis d’abord directeur général de la Writers’ Union of Canada. C’est mon emploi principal. Toutefois, si je ne dirigeais pas le personnel de cet organisme, je serais ravi d’en être un membre en règle. Je suis aussi un romancier et un poète publié ainsi qu’un journaliste pigiste de longue date. L’écriture, c’est ma vie. Les problèmes des écrivains ne me paraissent donc pas abstraits ou théoriques, comme ils semblent l’être pour beaucoup de gens qui tentent d’influencer la politique culturelle au Canada.
Je suis aussi le président de l’International Authors Forum, un organisme qui chapeaute des syndicats et des guildes d’auteurs de partout au monde. Il représente près de 700 000 auteurs et artistes visuels, un nombre qui ne cesse de croître au fil des jours avec l’arrivée de nouveaux groupes. Mon travail au sein de l’organisme m’a permis de bien comprendre que la production culturelle canadienne est fort appréciée, et que certaines de nos politiques culturelles le sont encore plus. Je crois que le Canada jouit d’un immense potentiel d’influence pour favoriser des politiques culturelles véritablement progressistes au-delà de ses frontières.
Il n’y a jamais eu de meilleur moment pour que le Canada se concentre sur l’exportation de notre culture et, à travers elle, de nos plus grandes valeurs. Le monde entier s’intéresse aux écrivains canadiens. L’an dernier, l’excellente auteure de littérature jeunesse Cherie Dimaline a remporté un Prix littéraire du Gouverneur général et un prix Kirkus des États-Unis pour son roman allégorique et dystopique intitulé The Marrow Thieves. Les adaptations télévisuelles, aussi bien au pays qu’à l’étranger, de romans canadiens se sont attiré un grand nombre de prix et de téléspectateurs partout dans le monde. Bien sûr, nous continuons de profiter de l’intérêt suscité par le prix Nobel de littérature décerné à Alice Munro en 2013.
Ces dernières années, compte tenu de la notoriété et du potentiel à la hausse du Canada, j’ai été invité à parler du succès de la littérature canadienne à Helsinki, à Tokyo, à Mexico, à Séoul, à Melbourne, à Londres, à Rome et à Pékin. Ces rencontres internationales sont toujours pour moi l’occasion de mettre de l’avant nos politiques et nos programmes d’aide novateurs et ciblés en matière de culture.
À ce propos, comme vous le savez peut-être, le Programme du droit de prêt public du Canada, qui est un mécanisme permettant de payer les auteurs canadiens dont les œuvres se trouvent dans nos bibliothèques publiques, fait l’envie du monde entier. Le Canada est le modèle à suivre pour son approche progressiste de rémunération des auteurs dont les ouvrages sont acquis par les bibliothèques, et les gouvernements de partout au monde étudient notre programme avant de songer à lancer ou à améliorer le leur.
Malheureusement, depuis quelque temps, lors de ces activités internationales exaltantes pro-Canada, je dois toujours répondre à des gens inquiets de l’influence négative de notre pays sur les normes relatives aux droits d’auteur dans le monde.
Malgré ce que vous avez pu entendre sur le sujet, les lois canadiennes actuelles sur le droit d’auteur ne font pas partie de ce qui a forgé la renommée de notre culture à l’étranger. Le témoignage récent que Michael Geist a livré devant ce comité ne reflète pas les opinions du secteur canadien de la création. M. Geist ne s’exprime pas en notre nom. Il parle pour lui, d’un point de vue universitaire et théorique qui, selon moi, est très lacunaire. Je ne crois pas que ses théories ou ses recherches extrêmement sélectives puissent s’appliquer concrètement dans le milieu des professionnels des arts et de la culture. À mon avis, ceux qui affirment que le monde nous envie notre loi sur la réforme du droit d’auteur de 2012 forment un échantillonnage d’opinions très élitiste — il s’agit probablement d’un petit groupe de théoriciens aux vues similaires.
Comme je l’ai dit, l’International Authors Forum rassemble les voix de près de 700 000 professionnels et défenseurs de la création de partout dans le monde. Ces voix rejettent à l’unisson les positions exprimées devant vous par M. Geist.
Il est clair que la politique actuelle sur le droit d’auteur au Canada a dangereusement affaibli la viabilité économique de notre secteur culturel et qu’elle a favorisé un milieu éducatif dans lequel la créativité canadienne n’est pas considérée à sa juste valeur. C’est terrible pour la réputation du Canada à l’étranger, et cela ébranle grandement sa position de chef de file mondial en culture. La situation est telle, ici, qu’un regroupement de conseils scolaires et de ministères provinciaux de l’Éducation a récemment intenté une poursuite contre le collectif qui assure la gestion des droits des membres de mon organisme, les auteurs canadiens. L’enjeu est de savoir si notre travail, qui vaut des dizaines de millions de dollars, peut être tout bonnement copié et pris par ceux qui établissent les budgets en éducation, sans nous demander la permission ni nous payer.
Permettez-moi de mettre les choses en contexte. La Writers’ Union of Canada administre et soutient des programmes pour payer les auteurs canadiens afin qu’ils se rendent dans les écoles, travaillent avec les enseignants et se fassent connaître auprès des étudiants. Ces programmes sont si populaires et tellement demandés par les enseignants sur le terrain que les fonds pour les visites dans les écoles sont accordés extrêmement rapidement. Après tout ce que nous avons donné à nos écoles, qui est d’une valeur inestimable, voilà que les conseils et les administrations scolaires nous poursuivent en justice parce que nous osons espérer être payés pour ce qui est au cœur de notre travail : l’écriture. Il n’y a rien de glorieux dans ce scénario. Ce devrait être une source d’embarras pour le Canada sur la scène internationale, et c’est le cas.
Enfin, pour terminer sur une note positive, vous savez peut-être que le Canada a été choisi comme invité d’honneur à la Foire du livre de Francfort 2020, qui est le plus grand salon international du livre, de la lecture et des droits d’auteur. C’est une sorte de marché gigantesque. Cet immense honneur fait à notre pays nous laisse très peu de temps pour mettre de l’ordre dans notre diplomatie culturelle. En effet, si les représentants du Canada se rendent à Francfort dans deux ans alors que des écoles poursuivent encore en justice les auteurs, je ne suis pas sûr que nous voudrons être de la fête.
Nous devons commencer par réparer les dégâts et corriger la politique canadienne sur le droit d’auteur. Ensuite, nous pourrons relancer les mécanismes qui étaient auparavant bien financés, comme les programmes PromArt et Routes commerciales, pour exporter la culture canadienne grâce à notre réseau d’ambassades et de relations à l’étranger. Ils serviront alors à orienter notre diplomatie culturelle. Merci.
La présidente : Merci.
Je cède la parole à Barry Hughson, directeur général du Ballet national du Canada.
Barry Hughson, directeur général, Ballet national du Canada : Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial permanent. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Barry Hughson, et je suis directeur général du Ballet national du Canada depuis 2014.
Le Ballet national du Canada est la plus grande institution de danse du Canada et la quatrième en Amérique du Nord. Fondé par Celia Franca en 1951, le ballet national est sous la direction artistique de Karen Kain depuis 2006. Trois principes directeurs guident les efforts de Karen : former, attirer et retenir les meilleurs artistes; mobiliser les meilleurs chorégraphes, compositeurs et créateurs; et faire connaître le ballet national dans le monde comme étant l’une des compagnies de ballet les plus innovatrices et les plus passionnantes d’aujourd’hui. C’est grâce à sa vision que le ballet national est l’un des meilleurs au monde et qu’il est chéri des artistes, du public et des critiques.
Les tournées internationales lui sont essentielles. Elles lui permettent d’avoir un personnel de haut calibre en incitant les meilleurs danseurs du monde entier à venir au Canada et les meilleurs danseurs canadiens d’y rester. De plus, elles font la promotion de l’intégrité artistique et l’excellence de la compagnie, ce qui lui permet d’attirer les meilleurs esprits créateurs du monde au Canada. La reconnaissance que l’on obtient de critiques et de publics du monde entier confirme notre place dans le monde auprès de nos clients et leur rappelle les contributions exceptionnelles du Canada au milieu des arts.
Le ballet national, dont la première tournée a eu lieu à Mexico en 1958, est l’un des rares organismes du domaine artistique au Canada qui font des tournées internationales d’envergure. Nous considérons que notre compagnie est une ambassadrice culturelle importante pour le Canada. Elle forge une réputation d’excellence artistique, d’innovation, et de philanthropie culturelle du pays dans des villes du monde entier.
Au cours des cinq dernières années seulement, le ballet national s’est rendu dans d’importantes capitales culturelles, comme New York, Washington, Los Angeles, Londres et Paris. Dans le cadre des tournées internationales à venir, il va se rendre à San Francisco, à Hambourg, à Moscou et à Saint-Pétersbourg.
Nous sommes également heureux d’accompagner la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, dans la mission commerciale culturelle du Canada en Chine qui aura lieu en avril et qui vise à faire progresser des négociations en cours pour que le ballet national puisse donner des spectacles au grand théâtre de Shanghai et au Centre national des arts d’interprétation de Beijing.
Xiao Nan Yu, qui est une danseuse étoile du ballet national, née en Chine, mais qui vit depuis 20 ans au Canada pour sa carrière, m’accompagnera lors de cette mission commerciale. Elle sera une ambassadrice exceptionnelle et aidera à favoriser le regroupement des deux pays qu’elle aime.
Honorables sénateurs, l’année 2017 fut importante en ce qui concerne l’élargissement de la portée internationale du ballet national. Nous nous sommes rendus à Paris pour la première fois en 45 ans pour interpréter le chef-d’œuvre de John Neumeier, Nijinsky, suivi de l’œuvre du chorégraphe canadien Robert Binet, The Dreamers Ever Leave You, à Londres. Les spectacles donnés à Londres faisaient partie des célébrations de Canada 150. Nous avons travaillé de près avec Canada House pour y arriver. Nous avons également mis sur pied l’organisme de bienfaisance UK Friends of the National Ballet of Canada, qui est basé à Londres. Il servira à mobiliser les plus de 200 000 expatriés canadiens qui y vivent et y travaillent, dont une grande partie jouie d’une influence considérable dans leur pays d’accueil. Nous comptons ainsi les inciter à continuer d’appuyer le Ballet national du Canada et nourri leur lien avec leur patrie.
En avril, nous avons lancé un nouveau programme d’échange international. Le ballet national du Canada va participer à la saison du Ballet de San Francisco, qui participera, en échange, à Toronto, à notre saison 2019-2020. Cela marquera le début d’une série d’échanges qui auront lieu au cours des prochaines années. Cela permettra au ballet national d’avoir accès à davantage de marchés internationaux et d’accueillir davantage de compagnies de ballet à Toronto. Le ballet national travaillera de près avec le Centre national des arts et d’autres présentateurs canadiens afin d’inciter les compagnies de ballet à organiser des tournées incluant plusieurs villes.
Le ballet national participe également avec ses partenaires internationaux à l’organisation de co-commandes de nouvelles œuvres de premier plan. Ils pourront ainsi se partager les risques financiers et le succès artistique liés au fait de créer de nouvelles œuvres pour le monde de la danse. Plus récemment, nous avons collaboré avec le Ballet de Hambourg, pour donner vie à l’œuvre Anna Karenina de John Neumeier, dont la première nord-américaine aura lieu à Toronto l’automne prochain.
Le ballet national a également joué un rôle important pour rassembler des cadres nord-américains et européens du milieu artistique afin d’entamer une discussion internationale sur l’avenir de notre secteur. En 2015, le ballet national a aidé à réunir pendant trois jours 22 cadres du monde artistique provenant de neuf pays différents au premier sommet du leadership du genre. Le groupe s’est agrandi de façon considérable et se réunit maintenant tous les deux ans pour discuter des défis et des possibilités que ses membres ont en commun, comme la collaboration artistique, le développement d’un auditoire, la diversité et la technologie.
Au chapitre du numérique, le ballet national a établi un partenariat avec des compagnies de ballet du monde entier — le Ballet d’Australie, le Ballet Bolshoi, et le Ballet de San Francisco — afin de créer une journée de célébration mondiale du ballet, à l’occasion de laquelle une diffusion en continu sur Facebook Live avait été organisée. C’est la plus longue diffusion qu’il n’y ait jamais eu sur cette plateforme. La portée de cette diffusion a été renversante avec 1,2 million de visionnements.
Nous avons hâte de travailler avec nos partenaires gouvernementaux dans la poursuite de notre stratégie internationale pour faire connaître le Ballet national du Canada dans le monde entier et les compagnies de ballet du monde entier au Canada. Nous devrions tenter autant que possible d’aligner nos efforts pour développer des relations internationales dans le monde des arts avec les priorités diplomatiques du Canada.
Les arts de la scène nous offrent l’occasion de soutenir des efforts diplomatiques plus larges. Une expérience artistique transformatrice peut servir à briser la glace et à trouver des points communs là où il existe de profondes différences politiques.
Merci de votre temps.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de vos exposés.
Monsieur Hughson, comment s’est passée en octobre votre tournée à Paris et à Londres? Recevez-vous un appui du ministère des Affaires mondiales pour vos missions à l’étranger?
M. Hughson : Elle s’est très bien passée. Les tournées du Ballet national du Canada coûtent cher. Nous voyageons habituellement avec 110 personnes. Une tournée européenne coûte près de 1 million de dollars par semaine. Ces tournées sont financées largement grâce aux droits payés par les présentateurs ainsi qu’à des philanthropes privés. Nous recevons de petites subventions Province de l’Ontario et du Conseil des arts du Canada pour les tournées. Toutefois, pour vous donner une idée de ce que cela représente, c’est environ 75 000 $ sur une semaine qui coûte 1 million de dollars.
Nous avons rencontré des représentants du ministère des Affaires mondiales pour parler en avance de la tournée. Ils nous ont mis en contact avec les organisateurs des missions à Paris et à Londres.
L’organisme Canada House nous a particulièrement aidés lors de la portion Londres de la tournée. Il cherchait à organiser des événements festifs à l’occasion de Canada 150 et c’était une occasion incroyable pour nous d’en tirer parti. Il nous a beaucoup aidés. Il n’avait pas d’argent à nous donner, mais il a été capable de nous aider à faire du réseautage et à mettre sur pied l’organisme de bienfaisance UK Friends of the National Ballet of Canada. Nous avons organisé un gala de grande échelle et invité des expatriés de la région qui nous ont grandement aidés à tisser des liens.
À Paris, un dîner d’envergure a été organisé lors de la mission en l’honneur de toutes les personnalités canadiennes très importantes qui sont venues en tournée avec nous. À peu près 50 philanthropes de Toronto, et du reste du Canada, sont venus avec nous en tournée. Nous avons eu la chance de profiter d’un excellent dîner. Cependant, je le répète, nous n’avons reçu aucun financement pour notre tournée.
La sénatrice Ataullahjan : Cela vous a-t-il déçu de ne pas recevoir de financement?
M. Hughson : Oui, absolument.
Nous avons eu une discussion intéressante au sujet de Canada 150. Nous espérions recevoir un budget convenable pour chaque mission afin d’investir dans les célébrations du 150e anniversaire. Nous avons appris que les bourses étaient de 5 000 $. Compte tenu de l’ampleur de ce que l’on organise, cela n’était pas forcément très utile. Par contre, le dîner à Paris était une occasion en or, nous permettant d’honorer les personnalités très importantes présentes du Canada.
Je n’ai que des éloges pour le personnel de l’organisme Canada House. Ils ont été incroyables.
La sénatrice Ataullahjan : Ma deuxième question est pour The Writers Union of Canada. J’ai déjà posé la question à un témoin.
Comme j’aime tenir entre mes mains les livres que je lis, j’aimerais savoir si, compte tenu des ventes des livres numériques, ce sera le dernier siècle où l’on pourra avoir accès à des livres papier.
M. Degen : Je ne crois pas du tout. Je pense que la tendance va dans une direction comme dans l’autre. Nous avons remarqué qu’il y a eu pendant un moment un intérêt important pour les livres numériques, mais il a atteint à un moment donné un plafond. Les livres numériques plaisent à un segment du marché qui n’est pas vraiment en train de croître. Il est statique pour l’instant. Les livres papier sont toujours au cœur du marché et j’ai le sentiment que cela va rester ainsi.
Je suis venu en train ce matin. Je compte toujours les livres que je vois. Il y avait beaucoup de livres papier dans le train ce matin. Même si tout le monde avait leur téléphone à côté de leurs livres, je ne pense pas que les livres papier s’en iront de sitôt.
La sénatrice Ataullahjan : Je suis heureuse d’entendre cela, car même chez moi, j’ai remarqué que mes filles se sont tournées à un moment vers les livres numériques et qu’elles recommencent maintenant à acheter des livres papier.
M. Degen : Je pense que les livres numériques sont un ajout et pas un remplacement. C’est ce que nous observons.
La sénatrice Bovey : Je tiens à vous remercier tous de votre présence et de votre participation à la discussion. Vous avez tous parlé de l’importance des projets artistiques culturels du Canada à l’échelle internationale.
J’aimerais demander à M. Degen de nous en dire davantage sur la façon dont il se prépare pour Francfort et ce qu’il espère que le Canada puisse en tirer sur tous les fronts en tant qu’invité d’honneur à la Foire du livre de Francfort de 2020.
M. Degen : Tout d’abord, c’est un énorme honneur que le Canada ait été nommé invité d’honneur. On nous avait déjà proposé cela dans le passé, mais pour une raison ou une autre, on n’avait pas l’argent nécessaire. Le gouvernement nous a offert un financement en vue de Francfort 2020 et l’industrie en entier lui en est reconnaissante.
Je ne peux pas vraiment parler au nom du comité de planification. Je n’en fais pas partie. Un organisme indépendant travaille là-dessus. Si j’ai bien compris, un des objectifs de Francfort 2020 est de faire la promotion de la littérature canadienne dans le monde — des efforts ont déjà commencé à être déployés en ce sens — et la création de liens d’affaires profitant au Canada, notamment afin d’obtenir des contrats avec des éditeurs internationaux pour faire traduire et publier des œuvres canadiennes dans d’autres pays. Étant donné que la foire a lieu à Francfort, je parlerais plutôt de l’Allemagne en 2020. C’est le grand objectif.
Je crois également qu’il y aura beaucoup de fêtes. Les gens de notre secteur aiment faire la fête.
La sénatrice Bovey : Monsieur Berthiaume, vous avez parlé d’échange d’expertise et de personnel. J’aimerais savoir si vous pouviez nous parler un peu plus en détail de ce sujet et nous expliquer — et je ne veux pas être grossier — la valeur de ces échanges internationaux de professionnels pour le Canada.
Nous avons entendu parler du rôle qu’a joué l’organisme Canada House pour le ballet national. Tentez-vous de relier le travail que vous faites aux missions du Canada à l’étranger?
M. Berthiaume : Comme nous sommes à l’avant-garde de nos deux disciplines, nous pourrions profiter d’occasions allant bien au-delà de nos frontières. Si nous pouvions accueillir des experts du monde entier pendant quelques semaines dans nos locaux à Gatineau ou encore leur montrer nos bibliothèques et archives, avec lesquelles nous avons des protocoles d’ententes, cela nous donnerait une plus grande marge de manœuvre dans le travail que nous faisons.
Pour vous donner un exemple concret, chaque année, en avril, les archives françaises donnent des cours pendant trois semaines à des archivistes, qui viennent de partout dans les pays membres de la Francophonie. Pendant trois semaines, ils apprennent comment les Français font de l’archivage et les principes qui les guident, et cetera. Ainsi, lorsqu’ils reviennent chez eux, ils peuvent être ambassadeurs à part entière de la manière française de faire les choses.
L’occasion existe donc, mais il nous manque les moyens de faire venir des gens au Canada ou d’envoyer nos experts à l’étranger.
Jusqu’à présent, parmi les pays qui se trouvent dans la liste que je vous ai fournie dans mon exposé, seule la Corée a trouvé les moyens de nous envoyer quelqu’un pour passer quelques semaines avec nous. Les autres pays n’ont pas en place ce genre de mécanismes. J’ai contacté les ambassades de ces pays et ils n’ont pas les mécanismes nécessaires pour nous permettre de nous rendre dans leurs pays ou d’aider leurs ressortissants à venir au Canada.
La sénatrice Bovey : Si l’on rétablissait le Programme des routes commerciales, ou quelque chose du genre, comment cela profiterait-il — et s’il y a une meilleure façon de le faire, dites-nous-le — à la diplomatie culturelle au Canada?
M. Berthiaume : Pour être honnête, je ne sais pas comment ce programme fonctionnait quand il existait. Je comprends que la plupart des choses que l’on fait tournent autour des interprétations en direct, du ballet, et cetera, et c’est bien. Mais s’il y avait un peu de place dans ce genre de programme pour nous aider à envoyer notre personnel à l’étranger ou à faire venir des ressortissants étrangers à Ottawa — Gatineau, plus précisément — à un faible coût, cela nous aiderait énormément et le Canada aussi.
La sénatrice Bovey : Quelqu’un d’autre a-t-il quelque chose à ajouter?
M. Degen : J’aimerais mentionner quelque chose. Il y a quelques années le Festival international des auteurs d’Ottawa, un incroyable festival qui a lieu ici, dans la capitale nationale, a fait venir des auteurs américains et a organisé un merveilleux rassemblement à l’ambassade des États-Unis. L’échange culturel qui s’est fait rien qu’à cet événement-là a été selon moi très significatif. J’en ai appris énormément sur des auteurs américains que je ne connaissais pas. Ce genre de diplomatie culturelle subtile peut être très efficace. Elle peut l’être aussi pour la carrière d’auteurs.
Le sénateur Oh : Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés instructifs.
Je souhaite parler un peu de diversité. J’aimerais parler de deux Canadiennes incroyables d’origine chinoise que je connais personnellement.
Chan Hon Goh a été la première danseuse étoile canadienne d’origine chinoise du Ballet national du Canada. Sa biographie, Beyond the Dance: A Ballerina’s Life, lui a permis d’être finaliste pour le Prix Norma Fleck dans la catégorie non romanesque pour enfants.
La membre du Writers’ Union of Canada Denise Chong, une auteure primée et publiée à l’échelle internationale, est surtout connue pour The Concubine’s Children, un récit sur trois générations de sa famille au Canada et en Chine. Ce livre a remporté plusieurs prix, y compris le prix Edna-Staebler dans la catégorie des œuvres créatrices non romanesques. Il a été traduit dans de nombreuses langues et a touché la corde sensible de bien des lecteurs au-delà de la communauté sino-canadienne. Le livre célèbre les contributions que les immigrants ont faites à un pays qui ne les a pas accueillis très chaleureusement, mais qui leur a permis de faire leur chemin dans la vie. Ses sentiments nationalistes sont manifestes dans un discours qu’elle a prononcé en 1994 qui est intitulé « Être Canadien » et qui a fait l’objet de nombreuses anthologies.
Le Canada est un pays dans lequel on trouve plus de 100 groupes ethniques. J’aimerais en savoir davantage sur la façon dont la diversité canadienne fait partie de vos efforts de diplomatie culturelle.
M. Hughson : Tout d’abord, Chan Hon Goh a été l’une des meilleures ballerines du Ballet national du Canada. Elle est toujours aussi aimée et sa présence sur scène nous manque toujours autant. Elle fait de belles choses aujourd’hui à Vancouver, il me semble.
Le sénateur Oh : Oui.
M. Hughson : La conversation sur la diversité est lancée, surtout dans le monde du ballet classique, où elle est difficile à avoir. Elle a commencé à prendre de l’ampleur depuis, je dirais, depuis une décennie. Nous avons eu de sérieuses discussions à ce sujet, notamment sur la façon dont notre public et nos artistes doivent refléter la société dans laquelle nous travaillons et vivons. Il y a beaucoup de travail qui est fait, surtout dans les entraînements, non seulement au Canada, mais également dans le monde entier, pour changer les choses.
Un certain nombre de jeunes danseurs brillants qui font partie de la compagnie en ce moment sont nés en Chine et travaillent maintenant au Canada. L’entraînement et l’éducation à la petite enfance sont là où tout commence. Il faut que des talents diversifiés puissent recevoir l’entraînement de haut niveau nécessaire pour obtenir un emploi dans une compagnie comme celle du ballet national. Nous continuons de travailler là-dessus.
Ce que l’on constate partout dans le monde est que le visage du ballet classique est en train de changer. On observe de plus en plus que les grandes compagnies de ballet qui n’avaient traditionnellement qu’une poignée de minorités visibles dans leurs rangs en ont beaucoup plus aujourd’hui et le chiffre continue de croître.
Au Ballet national du Canada, en ce moment, 19 p.100 de nos danseurs s’identifient eux-mêmes comme appartenant à une minorité visible. Nous faisons des progrès, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
En ce qui concerne notre travail à l’international, je dirais qu’il s’agit du sujet le plus en vue lors des réunions avec des groupes de cadres des grandes compagnies de ballet dont j’ai parlé. C’est le sujet le plus important à chaque convocation. On parle d’initiatives en matière de diversité et de ce que l’on doit faire pour transformer cette forme d’art. Je crois que ces dialogues internationaux influencent grandement le changement qui a lieu dans l’industrie.
Le sénateur Oh : Avez-vous des commentaires à ajouter?
M. Degen : Dans le secteur de l’écriture et de l’édition, c’est une conversation que l’on a depuis très longtemps — depuis deux décennies, en fait — et je dirais que c’est un enjeu qui a pris encore plus d’importance dans les cinq dernières années.
Dans le monde de l’édition, le souci de publier des auteurs diversifiés et de veiller à ce que la littérature canadienne reflète mieux la population du Canada est un enjeu de plus en plus important. Je crois que cela est vrai de toute l’industrie.
Le Writers’ Union of Canada a récemment adopté un plan d’équité, qui vise essentiellement à faire que toutes les œuvres que nous publions reflètent beaucoup plus la diversité du Canada qu’avant.
Je dois mentionner le Festival de la diversité littéraire à Brampton en Ontario, qui est vraiment un moteur de changement depuis trois ans et qui a fait preuve d’un incroyable leadership pour le secteur à ce chapitre.
Le sénateur Oh : Avez-vous des observations à faire à ce sujet, monsieur?
M. Berthiaume : Nous avons un personnel très diversifié, car très peu de gens dans le monde maîtrisent les techniques que nous utilisons. Nous avons une main-d’œuvre très diversifiée. Bien sûr, nous ne sommes pas une institution publique, comme vous pouvez l’être, mais la nature même du travail que nous faisons crée un environnement diversifié.
Le sénateur Oh : Je suis heureux d’entendre que vous ayez inclus la diversité dans la diplomatie culturelle. C’est bien.
Le sénateur Cormier : Bienvenue et merci de vos exposés. Merci de votre travail, des normes élevées qu’établissent vos organisations et de la qualité du travail que vous faites ici au Canada et partout dans le monde. Nous sommes très fiers de nos institutions et vous en faites partie. Je poserai mes questions en français.
[Français]
Je vais poser ma première question à M. Degen. Vous avez fait un plaidoyer très fort sur la question de la Loi sur le droit d’auteur et de ses enjeux. Il est évident par vos propos que si l’on veut permettre à nos auteurs de participer à la diplomatie culturelle, il faut qu’ils puissent gagner leur vie d’abord au Canada, et cela semble être un grand enjeu lorsqu’on regarde les défis, que je connais bien, de la Loi sur le droit d’auteur. Cela met un peu en relief les enjeux d’harmoniser les politiques et les lois canadiennes avec notre capacité et notre défi de travailler avec d’autres pays.
Comment imaginez-vous ce travail? Si, demain matin, il y avait une proposition de stratégie pour la diplomatie culturelle à l’échelle internationale, comment pourrait-on régler ces enjeux qui touchent les auteurs en matière de droits d’auteur? Et comment cette loi modifiée pourrait-elle s’arrimer à la stratégie? Avez-vous des idées si vous aviez à commenter et à suggérer au gouvernement des mesures précises?
[Traduction]
M. Degen : Merci de votre question. La question des droits d’auteur est compliquée. Pour nous, le problème fondamental est celui de la reproduction à des fins pédagogiques et l’obtention ou non des redevances des licences. Depuis le changement à la loi en 2012 concernant les écoles de maternelle à la 12e année et les établissements d’enseignement postsecondaires, nous n’avons pas reçu de redevances des licences collectives.
Pour mettre les choses en perspective, Alice Munro a reçu le prix Nobel en 2013. Cette année-là, notre système d’éducation a cessé de payer les auteurs pour les centaines de millions de pages de leur travail qui sont reproduites dans les écoles, les collèges et les universités. Imaginez combien l’industrie aurait pu croître dans les cinq dernières années avec l’attention du monde sur nous en raison de ce prix Nobel. Bien que l’industrie continue quand même de croître, elle aurait pu croître encore plus. C’est un problème fondamental pour nous.
Pour ce qui est de nos relations avec les autres pays, il est temps pour nous d’écouter au lieu de parler. Il existe ailleurs dans le monde de bien meilleurs modèles que les nôtres. Il serait très facile pour le gouvernement canadien d’intégrer dans la Loi sur le droit d’auteur et ses règlements d’application un régime d’octroi de licences collectives étendues comme il en existe en Angleterre et dans les pays scandinaves. Je dis qu’il est temps que le Canada examine les modèles en vigueur à l’extérieur de ses frontières et les importe ici.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci, monsieur Degen.
Ma question s’adresse à M. Hughson. Vous avez mentionné toute l’action internationale, toute la diffusion internationale que vous faites de vos œuvres, aussi la question des coproductions que vous faites avec des compagnies de l’extérieur. Dans votre allocution, vous avez dit que vous seriez prêt à arrimer vos projets de diffusion et de coproduction avec les stratégies de diplomatie culturelle du gouvernement. On sait que les Grands Ballets canadiens ont une signature artistique extrêmement forte, une personnalité artistique extrêmement forte, qui ne serait pas forcément « surcompatible » avec les objectifs ou les pays que souhaite rejoindre le gouvernement canadien. De quoi le gouvernement canadien devrait-il tenir compte dans une stratégie de diplomatie culturelle pour prendre en compte votre personnalité artistique et les objectifs artistiques de diffusion de votre organisme?
[Traduction]
M. Hughson : Je vous remercie de la question.
Je suis un néo-Canadien arrivé des États-Unis il y a quatre ans, ce qui fait qu’il me reste encore beaucoup à apprendre. Nous avons des discussions très positives avec les pouvoirs publics aux différents échelons à propos des façons d’arrimer la diplomatie culturelle aux initiatives diplomatiques et du rôle que peut jouer le Ballet national. Généralement, les discussions menées avec Affaires mondiales, Patrimoine canadien et d’autres organismes gouvernementaux sont plutôt bonnes, mais, à vrai dire, ce que je trouve le plus frustrant, c’est que personne ne sait quelle suite leur donner. J’espère que le comité pourra se pencher là-dessus et contribuer à mieux définir les voies de collaboration avec le gouvernement dans ce dossier.
Personnellement, je ne saurais dire quelle est la meilleure façon pour le Ballet national de jouer un rôle. Je crois que nous pouvons apporter une contribution, mais il serait intéressant d’organiser une table ronde réunissant de grandes institutions artistiques du Canada afin de déterminer comment leur travail peut s’insérer dans les initiatives diplomatiques du gouvernement. Les rencontres individuelles sont agréables mais improductives. Par contre, réunir des dirigeants d’organisations qui sont engagées dans le travail et les tournées à l’étranger et avoir une conversation franche sur les mesures à prendre, voilà qui serait fructueux. À l’heure actuelle, les voies à emprunter ne sont pas claires.
[Français]
Le sénateur Cormier : Pour mieux saisir, selon vous, entre diffuser une œuvre à l’échelle internationale et diffuser une œuvre à l’échelle internationale dans le contexte de la diplomatie culturelle, y a-t-il aune différence dans votre manière de la préparer, de l’organiser, de la concevoir?
[Traduction]
M. Hughson : Non, la préparation de l’œuvre ne change pas. Le but reste d’aspirer à l’excellence et de préserver l’intégrité artistique. C’est ce qui doit transpirer de l’œuvre, peu importe où elle est présentée dans le monde.
Je trouve souvent que les projets artistiques qu’on essaie de rendre conformes à l’esprit d’initiatives diplomatiques précises respirent la complaisance. Ils manquent d’authenticité. Si les grandes institutions artistiques ont un rôle à jouer sur le plan diplomatique, c’est celui de créer les meilleures œuvres possible et de représenter leur pays en montrant ce qu’elles font de mieux. Comment faire fond là-dessus pour faire bouger les choses?
À mon avis, il ne s’agit pas nécessairement de concevoir des programmes spéciaux pour réaliser tel ou tel genre d’initiatives diplomatiques. Je suis ouvert à la discussion, mais c’est ce que je pense.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie pour tout le travail que vous effectuez en coulisse dans les domaines des arts et de la culture. Tout le monde semble penser qu’il va de soi qu’il y ait des livres canadiens sur les tablettes des magasins, que le Ballet national existe et que les artistes fassent ce qu’ils ont à faire, mais nous ne saisissons pas toujours ce qui se passe en coulisse. Merci infiniment.
Monsieur Degen, j’ai été ravie de vous entendre dire que le livre imprimé n’était pas mort. Je suis comme la sénatrice Ataullahjan. J’aime tenir un livre dans mes mains. Mes filles voulaient m’offrir un Kindle pour Noël, mais j’ai refusé, car il aurait fini par dormir sur une tablette chez moi.
Je viens de terminer la lecture des livres en lice pour les prix littéraires Dartmouth. J’étais juge. J’aime voir évoluer les auteurs, en particulier ceux du Canada atlantique. Le Canada compte de remarquables écrivains. Grâce à Margaret Atwood et à Alice Munro, les auteurs canadiens sont sur une lancée. Ce n’est pas tout le monde qui va remporter des prix internationaux, mais notre pays regorge tout de même d’excellents auteurs.
L’industrie canadienne du livre — les auteurs, les éditeurs — a-t-elle accès à une aide pour trouver de nouveaux marchés d’exportation? Ce genre d’aide fait-il partie du mandat du gouvernement? Je ne vois rien là-dessus. La fédération des écrivains fait-elle cavalier seul ou y a-t-il des possibilités qui s’offrent à vous?
M. Degen : Nous pouvons compter sur le Conseil des arts du Canada, qui a vu son budget augmenter considérablement. Le conseil a déployé des efforts remarquables afin de créer des programmes qui accomplissent exactement ce que vous venez de décrire, soit faire rayonner le livre canadien à l’étranger et ouvrir de nouveaux marchés.
Il y a aussi le Fonds du livre du Canada, qui offre un soutien extraordinaire aux éditeurs — davantage qu’aux auteurs — sur le plan de la traduction et de l’accès aux marchés d’exportation.
La sénatrice Cordy : Est-ce que les livres électroniques facilitent…
M. Degen : La diffusion à l’extérieur de nos frontières?
La sénatrice Cordy : Oui.
M. Degen : Oui, car ces livres sont disponibles sur Internet. Nul besoin de les expédier par camion ou par avion. Mais ce qui est tout aussi déterminant, c’est ce dont nous venons de parler, les adaptations télévisuelles à l’étranger d’œuvres canadiennes et les grands prix internationaux.
Je reviens sur le cas de Cherie Dimaline, auteure de littérature jeunesse. C’est un exemple éloquent. Voilà une œuvre canadienne admirable qui a obtenu une prestigieuse reconnaissance tant ici qu’aux États-Unis, et ce, simultanément. Tout cela sans que nous fassions quoi que ce soit pour que cela arrive. C’est un moment clé de notre littérature, et il faut miser là-dessus.
La sénatrice Cordy : À Halifax, d’où je viens, le programme des écrivains dans les écoles est extraordinaire. J’ai été enseignante au niveau primaire. On invite un écrivain à venir s’adresser aux enfants. Ils s’imaginent tous qu’ils deviendront écrivains. Ce sont en effet des écrivains, car ils écrivent. Pour eux, c’est tout simplement remarquable de voir quelqu’un qui a publié un livre que l’enseignant leur a lu. C’est merveilleux de recevoir de vraies personnes qui viennent parler aux élèves.
M. Degen : Nous administrons le programme en Ontario. Ailleurs, ce sont les guildes et les organisations provinciales qui l’administrent. Le financement provient du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de l’Ontario et d’autres bailleurs de fonds publics. Nous en sommes très reconnaissants. Les mécanismes existent. C’est pourquoi il est si paradoxal et si grave que nous n’obtenions pas nos droits d’auteur, comme je le disais tout à l’heure.
La sénatrice Cordy : Je me souviens d’un séjour à Paris. Il y avait eu une grande foire du livre canadien la semaine avant. Je suis aussi allée dans d’autres ambassades qui organisaient des activités culturelles. Est-ce que l’aide à l’organisation d’activités culturelles dépend de l’ambassade et de son personnel, ou bien cela fait partie du mandat de chaque ambassade?
M. Degen : De toute évidence, notre industrie profite de l’intérêt individuel que peuvent susciter les œuvres ici et là, mais il est essentiel d’avoir des programmes structurés comme Routes commerciales et PromArt, auxquels j’ai fait allusion, pour faire rayonner le livre canadien à l’étranger.
La sénatrice Cordy : Merci.
La présidente : Monsieur Berthiaume, nous avons ici votre stratégie. Est-ce que c’est la version courte ou la version détaillée?
M. Berthiaume : C’est la stratégie au complet.
La présidente : Vous avez affirmé que votre stratégie vise notamment à appuyer les objectifs du gouvernement du Canada en matière de politique étrangère, y compris en ce qui a trait à la diplomatie culturelle. Faites-vous partie du réseau du gouvernement? Collaborez-vous de manière officielle avec les ministères et organismes du gouvernement?
M. Berthiaume : Eh bien, nous faisons partie du portefeuille de Patrimoine. Nous sommes à la même table que le Conseil du Canada et les musées nationaux. Donc, oui.
Nous sommes une organisation neutre, pour ainsi dire, car nous travaillons avec le support plutôt qu’avec le contenu. Si l’accent est mis sur la Chine, l’Amérique du Sud ou le Mexique, c’est très facile de nous adapter, car tous les pays ont une bibliothèque nationale. Nous avons les mêmes problèmes d’authenticité. Pouvez-vous imaginer le nombre de documents, de documents électroniques, de gazouillis et de messages sur Facebook qui sont créés chaque jour par le gouvernement et la société dans son ensemble?
Nous avons tous les mêmes problèmes. Si l’accent est mis sur un pays en particulier, c’est relativement facile pour nous de nous adapter et de collaborer de près avec ce pays.
La sénatrice Bovey : Je vous demande à tous de vous lancer dans une réflexion et de faire part des résultats à la greffière du comité. Ce que nous tentons de cerner, entre autres choses, ce sont les mesures à prendre pour améliorer l’essence et les bienfaits de la diplomatie culturelle. Est-ce que cela passe par des attachés culturels ou d’autres mécanismes liés à différentes régions du monde? Si vous songez à des stratégies que nous pourrions inclure dans notre rapport, veuillez nous en faire part. Nous voulons déterminer l’importance de la diplomatie culturelle et, le cas échéant, recommander au gouvernement des mesures pour accroître les résultats et la richesse des expériences.
M. Degen : Parfait.
La présidente : Merci, sénatrice Bovey, d’avoir si bien expliqué la nécessité pour les intervenants de communiquer avec nous s’ils ont de l’information détaillée.
Je pense que quelqu’un a dit qu’il était difficile de définir le concept de diplomatie culturelle vu l’étendue de notre pays, qui compte de nombreuses régions. Tant les amateurs, comme nous les appelons dans certains milieux, que les professionnels veulent participer. Tous les gouvernements ont du mal à définir ce qu’est la diplomatie culturelle. C’est un de ces termes vagues qui évoluent tout le temps. Maintenant, évidemment, avec les nouvelles technologies, c’est presque devenu une industrie, une industrie de la création.
C’est là-dessus que nous nous pencherons. Quel est le rôle de la diplomatie culturelle? Certains d’entre vous ont dit que la diplomatie culturelle s’imbriquait dans la diplomatie. C’est une nouvelle façon de voir les choses que n’ont pas mentionnée les autres témoins. C’est utile.
Tout d’abord, monsieur Berthiaume, vous êtes un secret bien gardé. Il faut venir à Ottawa pour se rendre compte à quel point vous possédez des documents que personne d’autre ne possède. Je peux parler d’un cas lié au patrimoine culturel où on a trouvé ici des documents introuvables ailleurs.
Les Canadiens ont par ailleurs des échos de ce qui se passe au Canada, de même que dans le domaine de la diplomatie culturelle. Comment peut-on établir une certaine cohésion dans tout cela? Comment peut-on stimuler l’effervescence? Comment peut-on mettre les activités en lumière? Quel est le rôle de l’État? Je pense que nous agissons tous en ce sens.
Merci beaucoup de nous avoir sensibilisés et d’avoir alimenté nos réflexions. Si quoi que ce soit d’autre vous vient à l’esprit, je vous invite à nous en faire part.
Chers sénateurs, Affaires mondiales Canada nous a envoyé des réponses aux questions publiées le 6 décembre dernier. Nous vous les avons distribuées. Je vous invite à lire vos courriels.
Nous avons aussi reçu le rapport tant attendu de Gaston Barban, un ancien diplomate canadien. C’est un long document, mais nous en avons fait traduire le résumé, et nous le ferons circuler dans les deux langues officielles. Nous distribuerons également d’autres documents d’information.
Je me dois de rappeler aux membres du comité que le Sénat nous a mandatés d’étudier les dispositions du projet de loi C-45 qui sont à caractère international. Nous avons un plan. Nous devons soumettre le rapport d’ici au 1er mai, mais il faut prévoir du temps auparavant pour l’audition des témoins, la rédaction du rapport et la traduction.
Nous avons dressé une longue liste de perspectives du monde entier. Je ne l’ai vue qu’aujourd’hui. Le comité la recevra. S’il y a d’autres témoins qui, selon vous, devraient être entendus, faites-le-nous savoir.
Advenant l’adoption du projet de loi C-45, il faut se garder d’oublier que le Canada a signé des conventions et des traités internationaux relativement aux stupéfiants. Dans quelle mesure ces conventions et ces traités seront-ils respectés? S’il adopte le projet de loi C-45, le Canada sera-t-il en conformité avec eux? Des témoins affirment déjà que ce ne sera pas le cas. D’autres proposent des moyens d’y arriver. Si vous avez des réflexions à ce sujet, je vous invite à nous en faire part.
Une fois de plus, je remercie les témoins. Vous avez alimenté nos discussions, et nous vous en savons gré.
Honorables sénateurs, nous passerons maintenant à la vidéoconférence. Pour la gouverne de notre témoin, qui vient de se joindre à la réunion, je suis la sénatrice Andreychuk, présidente du comité. Bienvenue au comité. On nous a confié le mandat d’étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
Pour la deuxième fois, nous accueillons Carlos Enríquez Verdura, chargé d’affaires pour la culture et directeur adjoint des expositions et des projets spéciaux au secrétariat des Affaires étrangères du Mexique.
Monsieur Verdura, nous entendez-vous, cette fois?
Carlos Enríquez Verdura, chargé d’affaires pour la culture, directeur adjoint, Expositions et projets spéciaux, secrétariat des Affaires étrangères du Mexique : Oui, je vous entends très bien.
La présidente : Merci. La vidéoconférence devrait se poursuivre sans autre anicroche. Il y a beaucoup de bruit de fond. C’est du côté du Mexique.
M. Verdura : Oui, c’est ici.
La présidente : D’accord, il y a du bruit de fond. Nous parlerons plus fort, en espérant que les interprètes pourront malgré tout faire leur travail. Parfait.
M. Verdura : Voulez-vous que j’essaie?
La présidente : Nous allons essayer, vous avez raison. Sans plus tarder, je demande aux sénateurs de se présenter à M. Verdura, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Massicotte : Je suis Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Dawson : Je m’appelle Dennis Dawson, du Québec.
La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Bovey : Je m’appelle Pat Bovey, du Manitoba.
Le sénateur Cormier : Je suis René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Cools : Je m’appelle Anne Cools, de Toronto. C’est en Ontario.
La sénatrice Ataullahjan : Je suis Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
La présidente : Je viens de la Saskatchewan.
Bienvenue parmi nous. Nous espérons nous en sortir avec les problèmes techniques. Nous vous prions de vous exprimer lentement afin que les interprètes vous entendent malgré le bruit de fond. Espérons que la séance se déroule comme il se doit.
M. Verdura : Merci beaucoup. C’est un plaisir d’être parmi vous, même à très grande distance. Je tiens à remercier de Sénat du Canada de son invitation. Je suis ravi de vous parler de nos activités en matière de diplomatie culturelle.
Comme vous l’avez entendu, je suis le directeur adjoint des expositions et des projets spéciaux au ministère des Affaires étrangères. Nous faisons partie de l’agence mexicaine pour la coopération en matière de développement international.
J’ai divisé ma présentation en quatre parties. Tout d’abord, je vais vous expliquer ce que nous faisons. Puis, je vous parlerai un peu des avantages comparatifs de la culture mexicaine lorsqu’il s’agit d’en faire la promotion, puis j’en viendrai à l’évolution de la promotion de la culture mexicaine sur la scène internationale.
En ce qui concerne l’orientation du secrétariat des Affaires étrangères au chapitre de la promotion de la culture à l’étranger, nous employons divers moyens pour faire rayonner la culture mexicaine dans le monde. En premier lieu, nous fournissons des ressources, des services et du contenu aux ambassades et aux consulats du Mexique. Le Mexique possède à peu près 165 ambassades, consulats et bureaux spéciaux dans le monde. Je tiens à préciser que, contrairement peut-être à d’autres pays, le Mexique accorde une attention particulière à l’Amérique du Nord. Il compte 14 consulats aux États-Unis et une dizaine au Canada. Sur le plan de la politique étrangère, l’Amérique du Nord, c’est notre priorité.
Il y a également 15 instituts de la culture mexicaine dans le monde. Au Canada, il y en a un à Montréal, mais il y a également des instituts à Washington, à San Antonio, à Tuscon et à Miami; nous venons par ailleurs d’en inaugurer un à la Nouvelle-Orléans, sans compter celui de Los Angeles. En Amérique latine, il y a des instituts spéciaux de la culture mexicaine au Guatemala, au Belize et au Costa Rica. Il y en a aussi en Europe, plus précisément à Paris, à Madrid, à Berlin et à Copenhague.
Nous avons notamment pour mission de soutenir financièrement le rayonnement international d’artistes mexicains au moyen de subventions ciblées. Nous recevons des demandes précises de médias artistiques. Ils s’adressent à nous lorsqu’on les convie à prendre part à des activités dans le monde, aussi bien des festivals du cinéma que des festivals des arts de la scène ou des expositions, et nous leur apportons une aide sous diverses formes. Cette aide peut viser par exemple les frais de déplacement, l’achat de billets d’avion ou même l’expédition de matériel pour des expositions.
Nous mettons aussi sur pied des projets spéciaux tout au long de l’année, sachant que le fait de privilégier de tels projets se traduit par des parrainages, du soutien ou, à tout le moins, l’établissement d’une relation très particulière. Par exemple, au cours des dernières années, il y a eu l’année de jumelage culturel entre le Mexique et le Royaume-Uni. C’était en 2015. En 2016 et en 2017, il y a eu l’année de jumelage culturel avec l’Allemagne. Cette fois-ci, c’est avec la Colombie.
Nous collaborons avec divers organismes publics mexicains, mais surtout le ministère de la Culture. Nous sommes des partenaires à tous les points de vue. Il a un bureau chargé des affaires internationales. Nous travaillons de pair, d’autant plus que c’est ainsi que nous pouvons accéder au contenu. En effet, le ministère de la Culture dirige la plupart des collections et des musées publics du Mexique en ce qui concerne les expositions, mais il parraine également la plupart des disciplines artistiques nationales, comme le ballet national, l’opéra national et divers autres groupes des arts de la scène. Nous devons collaborer avec lui pour obtenir une partie du contenu qu’il nous faut un peu partout dans le monde.
Cela dit, nous collaborons également avec des collections privées, des ONG, parfois le secteur privé, ainsi que des particuliers ou des organismes qui parrainent des projets ponctuels.
Le fait de mettre les arts et la culture du Mexique en vitrine un peu partout dans le monde nous donne parfois un léger avantage. Selon mon expérience, j’ai constaté — et c’est bizarre de le dire ainsi — à quel point la culture mexicaine est attrayante. C’est une question d’originalité; elle est à nulle autre pareille. Comme vous le savez sans doute, nous sommes le fruit du métissage de cultures préhispaniques et européennes, en particulier la civilisation espagnole, mais nous avons aussi eu un apport de sang africain et asiatique, tout cela au cours des 500 dernières années. Lorsque l’on considère également notre diversité inhérente, il en ressort que le Mexique est l’un des pays les plus hétérogènes du monde, ce qui lui confère un avantage et enrichit sa diversité culturelle et artistique.
Selon moi, cela nous avantage parce que nous avons alors tout un éventail d’activités artistiques et de manifestations culturelles liées à l’anthropologie ou l’ethnographie à montrer au monde. On peut en dire autant de la musique et de la danse.
Au Mexique, cohabitent 68 langues-mères en dehors du castillan. Cela vous donne une idée du caractère pluriel de notre culture.
Nous avons la chance d’avoir des personnages emblématiques liés aux civilisations préhispaniques — civilisations dont je vous ai parlé — qui ont suscité l’engouement dans le monde : les Mayas, les Aztèques, les Zapotèques, les Mixtèques. Toutes ces civilisations sont connues et attisent la curiosité dans le monde entier. Nous profitons de la curiosité internationale ou mondiale pour assurer la promotion de notre culture.
Nous avons également de remarquables artistes reconnus à l’échelle de la planète comme Orozco, Rivera, Siqueiros et, bien sûr, Frida Kahlo. À chaque fois qu’une exposition voit le jour, nous recevons des lettres de diverses institutions étrangères nous demandant l’autorisation d’accueillir une exposition Frida Khalo. Malheureusement, le gouvernement mexicain ne possède que trois peintures de Frida Khalo. Mais, nous travaillons avec les représentants des collections, et c’est le genre d’images que nous renvoyons.
La culture pop, en particulier en Amérique latine, est aussi un énorme plus pour nous. Grâce aux séries télévisées mexicaines, à la musique d’Amérique latine et au cinéma de l’Âge d’or mexicain en Amérique latine, qui se sont révélé être des atouts pour nous, la culture et l’art contemporains mexicains peuvent toujours s’exprimer et faire savoir au monde qui nous sommes. Les séries télévisées, qu’on les aime ou pas, et les personnes de la télévision mexicaine qui ont la cote s’exportent bien en Amérique latine.
Point de vue alimentation, nous avons aussi quelques produits typiques comme le chili, la téquila et le mezcal, qui jouissent d’une renommée internationale. Quand on dit « téquila », la première chose à laquelle on pense, c’est le Mexique, et c’est bon pour nous.
Nos traditions, de plus en plus connues dans le monde, notamment celle relative aux célébrations du Jour des morts, nous ouvrent aussi des perspectives nouvelles. Des événements comme le tournage du film de James Bond 007, Spectre, ont fait connaître cette coutume vieille de plusieurs siècles qui est un mélange de caractéristiques préhispaniques et catholiques.
Après la sortie du film, le gouvernement de Mexico a recréé le défilé du film, une manifestation qui n’existait pas il y a quelques années. Il n’y avait pas de défilé le Jour des morts avant; il y en a une aujourd’hui. Cela vous dit l’effet que ce genre de célébrations, représentatives du caractère unique du Mexique, a sur le monde.
Une chose à laquelle les étrangers ne pensent pas nécessairement quand ils pensent au Mexique, c’est la dynamique scène contemporaine qu’on trouve dans de nombreuses villes mexicaines aujourd’hui. Mexico, par exemple, était considérée par The New York Times comme la meilleure destination touristique au monde, à la fin de l’année dernière. C’est une ville qui a tout, selon ce journal. Je vis à Mexico et je suis très fier d’y être né. Aujourd’hui, c’est une ville dans l’air du temps, dynamique et cosmopolite. Elle a été déclarée, cette année, capitale mondiale du design. Cette évolution, voulue, s’est aussi accompagnée d’une évolution de la scène musicale et des arts de la rue. Il est intéressant de voir comment cette ville évolue et comment le Mexique évolue.
Je vais maintenant vous parler un peu de la manière dont la promotion de la culture mexicaine à l’échelle internationale a évolué au cours du temps. À partir des années 1950, il y a eu un effort conscient pour promouvoir la culture mexicaine à l’étranger. Avant, nous essayions de prendre nos marques après la révolution mexicaine, qui s’est terminée dans les années 1920. Mais, le vrai Mexique, le Mexique contemporain ou moderne, a commencé à apparaître dans les années 1940, époque où le nationalisme, ou une certaine idée de l’identité mexicaine, a germé et s’est implantée.
Ce faisant, l’idée s’est fait jour qu’il fallait faire savoir au monde qui nous étions. Cette idée s’est concrétisée dans les années 1940 sous la forme de la première grande exposition qui soit, qui couvrait 20 ans de culture et d’art mexicains et était organisée au Metropolitan Museum of Art de New York. C’était la première fois que le gouvernement mexicain essayait délibérément de faire connaître le Mexique et les Mexicains.
Pendant les années 1950 et 1960, il y a eu d’autres expositions, et le Ballet Folklórico, spectacle folklorique de danse, est apparu. Il s’agissait, alors, d’une initiative privée, mais parrainée par l’État; il existe toujours. Il essayait de présenter un panorama des musiques et des danses de différentes régions du pays. Ce spectacle folklorique est un très bon exemple de la manière dont nous tentions de promouvoir la culture mexicaine à l’étranger.
Le gouvernement a organisé des tournées, de Moscou à Beijing, en passant par l’Europe, l’Amérique du Nord et du Sud. Tous les ans, le spectacle partait en tournée, parrainé la plupart du temps par le gouvernement mexicain seul. Des contrats avaient été signés pour accueillir le spectacle. Les ressources étaient essentiellement mexicaines et ce sont les Mexicains essentiellement qui essayaient de faire connaître au monde leur réalité.
Et les résultats ont vraiment été au rendez-vous. En 2005, par exemple, j’ai organisé une manifestation culturelle d’un an en Chine. C’était l’année du Mexique en Chine. Les autorités chinoises ne cessaient d’inviter le Ballet Folklórico, qui se rend dans leur pays depuis les années 1960. Cela a vraiment fonctionné.
Dans les années 1990, une autre idée est née. C’était juste avant la signature de l’ALENA et c’est ce que j’appellerais de l’autosuffisance dans sa plus belle expression. Nous étions à la veille de signer l’ALENA, les négociations se poursuivaient. Le gouvernement mexicain a décidé d’organiser une grande exposition itinérante d’art mexicain intitulée « Mexico: Thirty Centuries of Splendour » — 3 000 ans de culture et d’art mexicains —, qui s’est arrêtée au musée d’art contemporain de Los Angeles et au musée de San Antonio.
Nous essayions, à ce stade, de faire comprendre aux Américains avec qui ils signaient l’Accord de libre-échange nord-américain; c’était important. Encore une fois, cela a marché, je pense. C’était de l’autosuffisance au sens strict.
Dans les années 1920, le monde a changé. J’ai assuré la promotion de la culture mexicaine à l’étranger pendant presque toute ma carrière, et je dois dire que les choses changent beaucoup. Aucun budget ne peut couvrir les frais liés aux mouvements d’œuvres et d’artefacts auxquels nous devons procéder sur la planète. Les modèles changent. Ce n’est plus le gouvernement seul qui assure le mouvement des œuvres ou des artefacts à déplacer ou à montrer. Aujourd’hui, les grandes expositions, comme celles autour de Frida Khalo ou de l’époque préhispanique, se déplacent de manière autonome. Ce sont des partenariats avec de grands musées de par le monde, avec des entreprises privées, des fonds privés et d’importants parrains privés qui leur permettent de voyager. Le gouvernement mexicain les épaule. Nous apportons notre aide lors de toutes les négociations, en particulier dans le cadre d’expositions artistiques. Il arrive que nous débloquions des fonds, mais ils ne sont la plupart du temps investis que dans des programmes parallèles comme des programmes éducatifs. Comme je l’ai dit, nos ambassadeurs et nos ambassades donnent un coup de main dans toutes les négociations.
Et puis, il y a aussi des cas particuliers, comme l’année Allemagne-Mexique dont j’ai parlé. Je voudrais ici un peu parler de ce qui a changé, selon moi. Comme vous l’avez peut-être remarqué, il y a quelques années, seuls les gouvernements étaient en contact les uns avec les autres. Aujourd’hui, à cause de la révolution dans les télécommunications, un individu peut apprendre à connaître un autre individu à l’autre bout du monde très simplement. Les gens bougent. C’est une période de changements.
Ainsi, pendant l’année du Mexique en Allemagne, qui vient de se terminer, mon ancien chef et moi nous sommes penchés sur les budgets et avons découvert qu’ils avaient été gravement amputés, en particulier si on les compare à ceux de l’année Royaume-Uni-Mexique. Nous en avons discuté avec notre ambassade. Nous sommes en contact avec elle. Nous avions un budget donné, des projets donnés. À nous de voir ce que nous pouvions en faire.
Nous pouvions réaliser 39 projets et nous n’avions pas d’argent pour en financer d’autres. Nous avons essayé de passer en revue les manifestations et les lieux qui mettraient en valeur leurs qualités, leur pertinence et les effets qu’ils pourraient avoir. L’analyse une fois terminée, nous nous sommes retrouvés avec un problème sur les bras.
À la fin de cette année de jumelage culturel, nous nous sommes retrouvés avec 504 manifestations. Imaginez notre surprise quand nous avons compris que nous ne pouvions pas dépenser plus, parce que nous n’avions pas plus d’argent. A commencé alors dans mon bureau — il s’est produit la même chose à l’ambassade du Mexique à Berlin et au consulat du Mexique à Frankfort — un défilé de visiteurs venus me présenter des projets, dont certains étaient incroyables.
Je vais parler d’un cas en particulier, que j’utilise toujours comme exemple. Arrivent dans mon bureau ces deux jeunes de 22 ans, vraiment détendus, loin du style bureaucratique rigide qui est le mien, qui commencent à me parler de leur projet relatif à des graffitis dans le genre art urbain. L’un d’entre eux, après avoir rencontré une jeune Allemande au Mexique, l’a suivie à Hambourg et a commencé à y travailler comme infographiste. Il a compris qu’il faisait l’objet de beaucoup d’attention parce qu’il était mexicain. Il a donc commencé à parler de l’art et du design mexicains. Ses réflexions l’ont finalement amené à se demander pourquoi il n’organiserait pas un festival culturel urbain.
Il me présente alors son ami, qui est Mexicain tout comme lui et qui vit à Mexico. Les deux me présentent leur projet. La première chose que je leur dis, c’est ceci : « Votre projet a l’air intéressant, mais malheureusement, je n’ai pas d’argent. Je ne peux pas vous aider, sauf en parlant de votre projet à l’ambassade et aux médias. C’est tout. » Ils me répondent ceci : « Merci beaucoup, mais nous n’avons pas besoin de votre argent. Nous voulons seulement que vous nous donniez l’autorisation d’imprimer le logo de l’année Mexique-Allemagne dans notre programme. » Je leur dis alors : « C’est facile. D’accord. »
Je me suis alors adressé à l’ambassade. J’ai dit : « Ces jeunes vont vous parler de leur projet. Vous pourrez juger par vous-mêmes, puis voir s’ils proposent une bonne activité et si nous pouvons les autoriser à utiliser le logo. »
La présidente : Monsieur Verdura, je ne veux pas vous interrompre, mais je crois comprendre l’essentiel de votre message. Nous manquons de temps, et les sénateurs veulent vous poser des questions. Je crois que nous avons compris qu’il y a beaucoup d’activités qui pourraient être exploitées.
M. Verdura : Exactement. Il y a beaucoup d’activités qui pourraient être exploitées, et c’est ce qui a changé dans nos politiques.
Je termine en disant que nous faisons la promotion de la culture mexicaine à l’étranger afin que le monde entier nous connaisse mieux et soit plus ouvert à ce que nous proposons.
Voilà, c’est tout. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Dawson : Je vous remercie de votre témoignage. J’étais dans la capitale de votre pays lundi dernier. J’ai passé quelques jours au Mexique, et j’ai pu aller voir des musées, notamment le Museo Tamayo, qui m’a beaucoup impressionné.
Comment vous y prenez-vous pour mieux faire comprendre les différences entre le Mexique et l’Espagne? Vous êtes un peu comme nous. Le Canada a une langue commune avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Il faut donc faire comprendre aux gens que, culturellement, le Canada est différent. Parfois, lorsqu’on entend une chanson, on se dit que c’est une belle chanson mexicaine, mais en fait, c’est une chanson espagnole provenant de Porto Rico. Comment, pour mieux faire la promotion de votre culture, faites-vous comprendre les différences entre la langue espagnole et la culture mexicaine? Nous avons le même problème.
Ce que je dis se rapproche plus d’une observation que d’une question. J’ai eu aussi le plaisir d’aller faire un tour au Mexique en janvier dernier. Mon épouse est en semi-retraite et elle va un mois par année au Mexique. Nous sommes allés à Puerto Vallarta, où le Cirque du Soleil, notre principale exportation culturelle, construit un centre de villégiature de plusieurs millions de dollars qui nous permettra d’exporter notre culture dans votre pays. Je suis très fier des relations qu’entretiennent les Mexicains et les Canadiens. J’accompagnais le groupe parlementaire Canada-Mexique.
Comment faites-vous comprendre les différences entre la culture espagnole et la culture mexicaine? S’agit-il du même rapport entre la culture anglophone du Canada, la culture américaine et la culture britannique? Comment faites-vous comprendre les distinctions?
M. Verdura : Selon moi, dans la plupart des pays, on fait déjà la distinction entre la culture espagnole et la culture mexicaine, car, comme je le disais, la culture mexicaine a des traits culturels que la culture espagnole n’a pas, c’est-à-dire tout ce qui se rapporte aux cultures précolombiennes. Il n’y a pas de Mayas ni d’Aztèques en Espagne. Je dirais qu’une bonne partie du patrimoine mexicain vient du côté autochtone.
Notre culture est aussi très espagnole, évidemment. Depuis la conquête espagnole, l’influence et la présence de l’Espagne se font toujours sentir, et peut-être même plus au Mexique que dans les autres pays d’Amérique latine. Il y a toujours eu des gens, encore aujourd’hui, qui immigrent de l’Espagne au Mexique.
Sur le plan linguistique, nous ne disons pas que nous parlons « mexicain ». En fait, nous parlons espagnol. Je vous donne un exemple. L’Institut Cervantes d’Espagne et l’Université nationale autonome du Mexique viennent de conclure un accord important sur l’utilisation d’un examen commun pour évaluer les compétences linguistiques en espagnol, un peu comme le TOEFL ou le Cambridge English Proficiency, l’examen de compétences linguistiques en anglais de l’Université Cambridge, au Royaume-Uni.
Les ambassades, les instituts culturels et les Instituts Cervantes du monde entier peuvent maintenant utiliser le même examen. L’espagnol parlé au Mexique et l’espagnol parlé en Espagne sont bien sûr différents, mais les deux pays ont convenu d’un examen commun.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie, votre déclaration liminaire était très complète. Il est manifeste que vous cherchez depuis des décennies à mieux faire connaître la culture mexicaine dans le monde entier. Je félicite d’ailleurs Mexico d’être la Capitale mondiale du design, ce qui témoigne de votre réputation à l’étranger.
J’aurais quelques questions à vous poser. Vos propos sur les jeunes artistes étaient très intéressants.
Quelle part du travail de promotion à l’étranger se fait de façon numérique? C’est en 2002, je crois, que la galerie d’art que j’administrais à l’époque a fait sa première exposition internationale en ligne. Il s’agissait d’une collaboration entre le Musée des beaux-arts de Winnipeg, la Smithsonian Institution et le musée des beaux-arts du Mexique. Avez-vous poursuivi ces collaborations numériques, si je puis dire, ou continué d’utiliser le numérique pour exporter des œuvres de toutes les disciplines artistiques?
M. Verdura : Oui, et c’est une bonne chose que vous en parliez, parce que la technologie est devenue notre meilleure alliée, surtout dans un contexte de compressions budgétaires. Nous offrons par exemple du contenu aux ambassades et aux consulats. Nous avons maintenant un catalogue dans lequel ils peuvent trouver de grandes activités, des galeries d’art, des musées et des centres culturels à l’étranger.
Certains artistes et collectionneurs nous donnent le droit de présenter leurs œuvres dans les expositions numériques. Nous n’avons donc plus à nous soucier de l’expédition et du transport. Il n’y a qu’à publier un lien WeTransfer à partir duquel les conservateurs pourront télécharger les fichiers, où qu’ils soient. Ils pourront alors se rendre au musée ou à l’exposition avec une clé USB et y faire imprimer les œuvres. Nous avons par exemple une très bonne exposition de photographies historiques du couple Frida Kahlo et Diego Rivera, qui s’intitule « A smile in the middle of the way ». Nous l’envoyons telle quelle. Cette exposition a été présentée dans 60 lieux différents. Parfois, les conservateurs impriment les photos et les protègent.
La sénatrice Bovey : Revenons là-dessus quelques instants. Ces envois numériques ne permettent évidemment pas au public de voir les œuvres authentiques. Il ne voit pas les peintures grandeur nature. Il va sans dire que vous envoyez aussi les vraies œuvres et les vraies performances un peu partout dans le monde.
Pourriez-vous nous dire comment vous mesurez concrètement les retombées du travail de diplomatie culturelle que vous faites? J’ai pu constater ce travail un peu partout où je suis allée. À l’étape finale de l’évaluation, comment mesurez-vous les retombées?
M. Verdura : Vous posez là une question impossible. J’essaie de présenter de bonnes expositions stimulantes dans le monde; je veux que les Allemands qui voient les œuvres des artistes mexicains, qui écoutent de la musique mexicaine ou qui boivent de la téquila soient profondément touchés et qu’ils aient envie d’aller au Mexique. Mon rêve, c’est que tous les gens qui font ce genre d’expérience aient envie de venir faire un tour dans mon pays.
Mais en réalité, il est très difficile de mesurer les retombées. Nous sommes très bien organisés maintenant. Toutes les activités qu’organisent les consulats et les ambassades mexicains — du moins, ceux qui sont concernés — doivent être inscrites dans notre plateforme numérique, où sont recensées toutes les activités auxquelles nous participons. Nous tenons compte du nombre d’activités qui ont été organisées dans le monde. L’an dernier, nous avons recensé environ 2 500 activités auxquelles nous avons participé ou que nous avons parrainées ou organisées. Elles ont touché environ 8 millions de personnes.
Comment le savons-nous? Évidemment, pour les activités qui se déroulent dans un musée, il est facile de compter le nombre de visiteurs, mais ce n’est pas la même chose pour les expositions qui se font dans un espace public. Prenons l’exemple des photos de mets mexicains qui ont été exposées dans le métro de New Delhi. Une des stations a été recouverte d’images de mets mexicains. Comment fait-on pour savoir combien de gens ont vu ces photos, s’y sont intéressés et ont compris qu’il s’agissait de mets mexicains? C’est impossible de le savoir avec précision, mais nous faisons de notre mieux.
Lorsque nous sommes les invités d’honneur du Salon du livre de Londres, par exemple, nous savons le nombre de gens qui y sont allés. Nous pouvons même compter le nombre de gens qui se sont arrêtés à notre stand. Toutefois, nous ne pouvons pas le déterminer avec précision; c’est compliqué. Bref, nous utilisons des chiffres et des indices de ce genre.
La présidente : Je vous remercie. Il nous reste un peu de temps pour le sénateur Cormier. Je vous demande de poser des questions brèves et d’y répondre brièvement.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie, madame la présidente.
Merci de votre déclaration. Vous avez dit que le secteur privé participe à certaines activités. Cela fait-il partie de votre stratégie? Dans le cadre de votre stratégie de diplomatie culturelle, prévoyez-vous des collaborations précises avec le secteur privé?
M. Verdura : Oui, il y en a. Nous collaborons souvent avec les collections privées. Les collections privées, qui appartiennent à des entreprises et des sociétés, ont beaucoup évolué au Mexique au cours des dernières années. Les sociétés, surtout celles qui ont des intérêts commerciaux à l’étranger, comme les entreprises latino-américaines et mexicaines qui embouteillent les produits Pepsi, veulent que nous montrions leurs œuvres dans le monde. Ce sont de très grandes entreprises, et leurs collections d’œuvres latino-américaines et mexicaines sont extraordinaires. Nous travaillons en collaboration avec elles. Nous les aidons à obtenir les permis nécessaires et à régler les questions de douane. Nous les aidons sur les plans institutionnel et gouvernemental.
Nous communiquons avec le gouvernement du Guatemala et celui du Chili. Nous avons parlé au gouvernement chilien de ce qui se fait : l’ouverture aux sociétés et aux secteurs culturels qui ne sont pas nécessairement liés entre eux. Les gouvernements peuvent s’associer avec leurs partenaires.
Le sénateur Cormier : J’imagine que c’est facile de faire la promotion de Frida Kahlo, mais pour ce qui est des jeunes artistes contemporains, qui les choisit et quels sont les critères de sélection? Votre ministère ou le secteur culturel? Bref, comment ça fonctionne?
M. Verdura : Tout cela, surtout les parrainages, les billets d’avion et les artistes, c’est mon service qui s’en occupe. Nous gardons le contact avec le ministère de la Culture et l’Institut national des beaux-arts du Mexique. Nous sommes constamment en communication avec eux.
Lorsque l’artiste est populaire et que nous le connaissons, nous nous intéressons beaucoup au lieu d’exposition. Nous communiquons avec nos ambassades et nous leur demandons si telle biennale est intéressante, si tel lieu d’exposition est important. En cas de doute, nous nous adressons à des spécialistes. Il y a un groupe de spécialistes près de notre bureau, et nous les consultons souvent. Ils ne font pas partie du bureau. Ce sont des membres honoraires. Nous ne les payons pas, mais nous pouvons leur parler et leur poser des questions en cas de doute. Nous essayons d’encourager ce type de collaboration.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.
La présidente : Monsieur Verdura, au nom du comité, je vous remercie d’avoir accepté de comparaître devant nous une deuxième fois. Il semble que nous ayons survécu à la vidéoconférence. Je vous remercie de l’information.
Nous voulons approfondir notre propre diplomatie culturelle, et l’information que nous donnent les autres pays — surtout le Mexique, l’un de nos plus proches partenaires — nous est précieuse.
Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré, tant aujourd’hui que l’autre fois. S’il y a autre chose que vous voulez ajouter après coup, veuillez vous adresser à la greffière, qui a déjà communiqué avec vous. Au nom du comité, nous vous remercions de votre participation.
M. Verdura : Merci beaucoup.
(La séance est levée.)