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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 43 - Témoignages du 18 avril 2018


OTTAWA, le mercredi 18 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 17 h 14, pour examiner la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous. Nous poursuivons aujourd’hui notre examen de la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

Deux de nos membres ont demandé la tenue d’une séance à huis clos, ce qui veut dire que nous allons devoir y aller rondement avec les témoins, afin de nous ménager un peu de temps à la fin. Je m’attends à ce qu’il y ait quorum pour que nous puissions poursuivre nos travaux le temps venu. Si les sénateurs n’y voient pas d’inconvénient, nous pourrons nous réunir à huis clos une fois que nous en aurons fini avec la partie publique de la séance.

Pour commencer, je vais demander aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle- Écosse.

Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Bovey : Pat Bovey, du Manitoba.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l’Ontario.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

La présidente : Je m’appelle Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan, et je suis la présidente du comité.

Pour cet examen du projet de loi C-45 et des lois connexes, je souhaite la bienvenue à Grant Wilson, qui est président du Conseil canadien des droits des enfants. Sont aussi présents, à titre personnel, Paul J. Larkin, Jr., agrégé supérieur de recherche en droit, Meese Center for Legal and Judicial Studies, Institute for Constitutional Government, et Steve Rolles, analyste principal en matière de politiques, Transform UK.

Nous allons d’abord demander à nos trois témoins de nous livrer leur déclaration liminaire. Ensuite, les membres du comité auront sans aucun doute des questions à vous poser. M. Larkin, vous êtes le premier témoin au programme. Soyez le bienvenu au comité.

Paul J. Larkin, Jr., agrégé supérieur de recherche en droit, Meese Center for Legal and Judicial Studies, Institute for Constitutional Government, à titre personnel : Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de l’invitation. C’est un honneur pour moi d’avoir été invité à témoigner. D’entrée de jeu, je veux aussi remercier le personnel du comité, qui a fait preuve d’un grand professionnalisme et qui s’est montré tout à fait disposé à m’aider à me produire devant vous, et pas seulement en ce qui a trait au témoignage, mais aussi pour l’aspect vidéoconférence de la chose. Je tenais à souligner le mérite de ces personnes.

Je vous informe que j’ai soumis une déclaration d’environ 10 pages à laquelle j’ai joint quelques images qui, essentiellement, se veulent des éléments de preuve. Elles vous fourniront des détails sur tous les enjeux que je compte vous présenter ici de façon sommaire.

Ma présentation portera sur trois ou quatre questions, pas plus. Tout d’abord, il convient de souligner que l’adoption du projet de loi C-45 risque d’avoir une incidence négative sur le jugement que la communauté internationale portera sur la fiabilité du Canada, en ce qui a trait à sa participation comme partenaire aux conventions internationales. Je dis cela parce que je crains que le même résultat ne se soit déjà produit en raison des changements que certains États américains ont apportés aux lois sur la marijuana au cours des 20 dernières années.

Essentiellement, le problème réside dans le fait que, de façon générale, les États-Unis passent par la Food and Drug Administration pour décider des différents types de médicaments qui peuvent être distribués sur son territoire. Le choix des antibiotiques, des antiviraux et des antifongiques qui devraient être distribués ne se fait pas par vote ou par plébiscite.

Le Congrès a interdit la distribution outre État, du cannabis, mais il devrait peut-être revenir sur cette décision. À la lumière des débats qui font rage depuis 20 ans, je crois qu’il serait bien avisé de le faire. Cependant, si un pays décide d’accorder au cannabis un traitement différent de celui qu’il accorde à tous les autres types de drogues, il risque de donner l’impression à la communauté internationale qu’il s’intéresse davantage aux considérations politiques qu’à la santé publique.

L’adoption de la loi risque de provoquer une augmentation de la contrebande de part et d’autre de notre frontière commune. Pourquoi? Parce qu’aux États-Unis la marijuana est souvent utilisée sous forme de produits comestibles. Les produits comestibles contenant de la marijuana prennent toutes sortes de formes susceptibles de ressembler énormément à des produits tout à fait légaux — en fait, il est souvent impossible de faire la différence. Certains de ces produits ont l’aspect de bonbons que les enfants pourraient très facilement confondre avec des bonbons ordinaires.

C’est une question dont traitera peut-être un autre des témoins, M. Wilson. Quoi qu’il en soit, étant donné ce risque de grande ressemblance, il sera très difficile pour les agents frontaliers de déterminer si les produits qui passent du Canada aux États-Unis sont légaux ou illégaux.

Le troisième enjeu que j’aimerais aborder — et c’est une question qui me tient particulièrement à cœur —, c’est le risque que des gens se retrouvent à conduire en état second sur les routes américaines après avoir consommé de la marijuana au Canada. C’est un problème très sérieux chez nous, et chaque fois qu’un pays voisin autorise l’usage de la marijuana à des fins récréatives, cela augmente les risques aux États-Unis, ce qui, comme vous l’imaginez sans doute, peut donner lieu à toutes sortes d’histoires d’horreur, surtout dans les villes frontalières.

Enfin, votre personnel m’a informé que l’un des enjeux qui vous intéressent était le problème que susciterait la légalisation de la marijuana en ce qui a trait aux diverses lois américaines sur les banques. Je crois qu’une option que vous devriez envisager à cet égard — si vous décidez d’aller de l’avant — serait d’étatiser la distribution de la marijuana plutôt que de la confier au secteur privé. Ainsi, tous les reçus seraient déposés dans le Trésor canadien plutôt que dans une banque ayant des bureaux aux États-Unis. Cela pourrait être une bonne façon de régler certains de vos problèmes. Autrement, comme solution de rechange, vous pourriez confier la propriété des différents centres de distribution à un organisme à but non lucratif.

Ces options présentent divers avantages. Par exemple, si les commandes étaient entre les mains du gouvernement ou d’un organisme à but non lucratif, il serait possible de freiner une éventuelle augmentation de la demande qui ne tiendrait pas compte de la santé du public. Il existe d’autres avantages. J’en parlerai lorsque je répondrai à vos questions.

Voilà les éléments que je tenais à porter à votre attention. Comme je l’ai dit d’entrée de jeu, je suis honoré que vous m’ayez demandé de témoigner. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

La présidente : Je me dois d’informer les membres que nous avons effectivement reçu le mémoire, mais qu’il doit d’abord être traduit. Cela est en train de se faire, alors vous devriez en recevoir une copie sous peu.

Je vous remercie, monsieur Larkin, de nous avoir présenté vos trois principaux enjeux pour que nous puissions en discuter aujourd’hui.

Steve Rolles, analyste principal en matière de politiques, Transform UK, à titre personnel : Merci beaucoup. Je veux remercier le comité de me donner cette occasion de vous faire part de notre avis sur cette importante question. Je vous parviens depuis Londres. Je représente la Transform Drug Policy Foundation, un organisme de bienfaisance du Royaume-Uni qui travaille à la réforme des politiques sur les drogues.

De plus en plus de pays et d’administrations s’intéressent à la réglementation du cannabis. À l’instar du Canada, de l’Uruguay et de multiples États américains, de nombreux pays d’Amérique latine, des Caraïbes, d’Europe et d’ailleurs sont en train d’examiner la possibilité de réglementer le cannabis ou d’élaborer des politiques en ce sens. Il est important de souligner que le Canada n’est pas le seul pays à s’être engagé dans cette voie ou à devoir faire face aux problèmes que cela peut poser sur la scène internationale.

Ces développements au Canada et dans le monde s’inscrivent dans le contexte juridique international des trois traités antidrogue des Nations Unies de 1961, 1971 et 1988, traités qui ont tous été ratifiés par le Canada et par la grande majorité des États membres de l’ONU. Les trois traités ont de multiples fonctions, notamment la réglementation juridique stricte des drogues, y compris le cannabis, à des fins scientifiques et médicales. Toutefois, ils proscrivent aussi de façon explicite la réglementation juridique du marché du cannabis utilisé à des fins non médicales.

Il est cependant important de noter que la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 — le traité établissant le cadre international de contrôle des drogues et le paradigme prohibitionniste toujours en vigueur aujourd’hui — était en cours de rédaction dans les années 1940 et 1950, consolidant dans les faits la philosophie à l’origine d’une série de traités multilatéraux pour le contrôle des stupéfiants datant de 1912.

Ce qui veut dire que ce traité est issu d’une époque où le paysage culturel, politique et économique était très différent de celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Notre compréhension des répercussions que les différentes politiques sur les drogues peuvent avoir sur la santé publique et la sécurité communautaire a considérablement évolué au cours des 100 dernières années.

Comme l’indique le préambule de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, l’objectif et la raison d’être des traités sont de veiller à la santé et au bien-être de l’humanité.

Bien que cet objectif continue naturellement d’obtenir un soutien unanime, il n’y a plus de consensus aussi fort en ce qui concerne la réponse punitive enchâssée dans ces traités concernant les utilisations non médicales du cannabis. Même si l’intention des traités était noble, l’histoire montre que l’interdiction punitive a été le mauvais outil, un outil qui, en fin de compte, a servi à miner notre santé et notre bien-être, plutôt que de les protéger et de les promouvoir. De nombreux pays, dont le Canada, ont pu constater les lacunes historiques de ces dispositions et ont conclu à juste titre qu’une approche différente était nécessaire.

Or, au fur et à mesure que le gouvernement du Canada précise sa réponse quant à la façon de réglementer en la matière, la question sur la façon dont le Canada devra concilier ces développements avec ses obligations internationales aux termes des traités antidrogue se pose avec de plus en plus d’acuité. Plus spécifiquement, comment le Canada — et d’autres États qui sont sur la même longueur d’onde et la même trajectoire — peut-il passer d’une période temporaire de non-conformité technique à l’égard de ces traités à un arrangement à long terme qui lui permettra de se conformer intégralement à ses obligations internationales tout en lui laissant suffisamment de marge de manœuvre pour innover et faire des changements à l’échelle nationale?

Comme pour tous les traités, ces traités sur les drogues comprennent des mécanismes qui permettent de les modifier et les réformer. Le traité de 1961 lui-même a été modifié en profondeur dans le protocole de 1971.

Les traités sur les drogues sont donc théoriquement modifiables. Par exemple, on pourrait les modifier pour permettre aux États membres de jouir d’une marge de manœuvre assez grande pour qu’ils puissent sonder les possibilités en matière de réglementation du cannabis et d’autres drogues. De telles modifications requièrent toutefois le consensus des États signataires et, compte tenu de la polarisation des points de vue constatée à l’ONU à ce sujet — dont un bloc important et coordonné d’États membres manifestement prohibitionnistes —, la réalisation d’un tel consensus semble impossible dans un avenir prévisible.

Même l’obtention de la majorité nécessaire pour modifier le statut juridique du cannabis — modification qui pourrait, en théorie, permettre d’exclure cette substance du cadre des traités —, même cela semble pour le moment impossible, et ce, malgré les délibérations en cours du comité d’experts de l’OMS sur le statut juridique du cannabis.

La question est donc la suivante : comment faut-il procéder? Premièrement, nous avons été heureux d’entendre le sous-ministre adjoint de la sécurité internationale et des affaires politiques affirmer clairement que « […] l’approche proposée par le Canada à l’égard du cannabis entraînera la violation par le Canada de certaines obligations liées au cannabis en vertu des conventions de l’ONU sur les drogues ».

Cette déclaration honnête et correcte sur le plan juridique est de beaucoup préférable au fait de tenter de nier la réalité d’une non-conformité partielle ou d’essayer de se cacher derrière des arguments juridiques douteux dans le but d’accommoder la création de marchés réglementés du cannabis, comme on l’a vu lorsque certains fonctionnaires états-uniens ont laissé entendre que les traités offraient suffisamment de marge de manœuvre pour permettre aux États de légaliser le cannabis, ce qui est faux.

De tels arguments ne contribuent pas beaucoup à l’intégrité du système des traités onusiens. Nous dirions même qu’ils sont indéfendables et qu’ils servent plutôt, de façon plus générale, à miner le respect à l’égard du droit international.

Certains commentateurs ont conclu que, pour rester dûment conforme au droit international, le Canada devait se retirer de ces conventions avant de pouvoir légaliser le cannabis. Nous sommes d’avis que cette attitude est quelque peu alarmiste; c’est une démarche qui n’est pas nécessaire et qui ne servirait pas à grand-chose.

Permettez-moi ici de citer le rapport de 2014 de la Commission mondiale sur la politique des drogues :

Le retrait unilatéral des traités sur les drogues n’est pas souhaitable au regard des relations internationales puisque le système repose sur le consensus. Toutefois, l’intégrité à long terme de ce système ne repose pas sur la conformité dogmatique avec un cadre normatif désuet et dysfonctionnel.

Pour évoluer, les systèmes judiciaires doivent tenir compte des nouvelles circonstances, sans quoi ils ne seraient d’aucune utilité et ne survivraient pas, et les réglementations mises à l’essai par divers États sont à l’origine de ce processus. En effet, la primauté du droit exige que les lois qui s’avèrent inefficaces ou qui causent des préjudices soient remises en question.

Si le système des traités n’est pas en mesure de répondre aux appels croissants à l’évolution ou à la modernisation émanant des États membres qu’il sert, il risque de dériver lentement vers l’inadéquation, car de plus en plus de pays dérogent à ses principes prohibitionnistes.

Dans ce contexte, le fait de passer à une période temporaire de non-conformité technique à l’égard de certains articles des traités tout en cherchant activement à réformer et à moderniser le cadre désuet et défaillant de contrôle des drogues semblerait beaucoup plus respectueux à l’égard du système des traités que d’abandonner complètement ce système, de soutenir un système défaillant par des réformes de compromis ou de se cacher derrière des arguments juridiques douteux.

Le non-respect temporaire en tant que prélude ou catalyseur d’un processus de réforme d’un traité est un phénomène que l’on a vu couramment dans l’évolution du système des traités internationaux. Le temps est du côté du Canada. Il est préférable de résoudre ces problèmes patiemment et correctement plutôt que de se précipiter dans une voie de compromis inadéquate.

Les réformes du Canada sont mises en œuvre dans l’intérêt de la santé et du bien-être des citoyens canadiens. Ce travail a été confié au groupe de travail fédéral, puis à l’équipe de Santé Canada, et ils se sont acquittés de leurs tâches conformément aux valeurs fondamentales de la Charte des Nations Unies et à son engagement à l’égard de la santé, des droits de la personne, du développement, de la paix et de la sécurité.

Dans ce contexte, au lieu d’avoir honte, le Canada devrait profiter de cette occasion pour réaffirmer le leadership fondé sur des principes qu’il exerce depuis longtemps sur la scène internationale en qui a trait à la promotion et à la défense des valeurs fondamentales de l’ONU. Bien que cette façon de procéder ne soit pas des plus faciles, à moyen et à long terme, la réputation internationale du Canada s’en trouvera améliorée, et non mise en péril.

Il ne fait aucun doute que nous ne savons pas exactement ce qu’il adviendra de ces questions. En ce qui concerne les traités sur les drogues, il s’agit effectivement d’un territoire inexploré, mais il est important de rappeler que le Canada n’est pas tout seul au front, loin de là. Dans l’esprit des Nations Unies, une réponse collective coordonnée entre des États réformateurs aux vues similaires présente des avantages évidents par rapport à un scénario chaotique caractérisé par un nombre croissant de défections unilatérales, de réserves et de réinterprétations douteuses.

La notion de modification inter se des traités négociée entre les membres d’un groupe de nations aux vues similaires est l’une des solutions que nous encourageons particulièrement le Canada à examiner. Je crois que l’un des témoins du groupe d’experts de demain abordera cette question précisément.

Les meilleurs résultats en matière de protection de la santé et du bien-être des Canadiens et, effectivement, de toute l’humanité découleront probablement de la prise d’une telle mesure collective, soutenue par l’honnêteté, la quête préventive de discussions ouvertes et un engagement indéfectible envers les valeurs enchâssées dans la Charte des Nations Unies. Je vous remercie infiniment de votre attention.

Grant Wilson, président, Conseil canadien des droits des enfants : Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui. Le Conseil canadien des droits des enfants a commencé à exercer ses activités au début des années 1990 à titre de groupe sans but lucratif de défense des droits des enfants canadiens. Notre site web, CanadianCRC.com, est le site web lié aux droits des enfants canadiens le plus consulté au Canada et l’un des sites web liés aux droits des enfants le plus consulté du monde. Plus de 50 millions de personnes l’ont consulté depuis sa création. Chaque mois, il est consulté par des internautes originaires de plus de 160 pays. La journée où nous avons enregistré le plus grand nombre de consultations, soit 397 000, est survenue en mai 2016. Cette activité a sollicité notre capacité maximale de transmission de pages web.

Sur notre site web, on retrouve les lois qui ont une incidence sur les enfants canadiens, des renseignements sur l’élaboration de ces lois, des actualités et des documents spécialisés portant sur des questions de droits des enfants, qui comparent parfois nos lois canadiennes à celles d’autres pays que nous jugeons supérieures ou dignes d’intérêt.

Nous présentons des renseignements détaillés sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, sur les droits identitaires des enfants, sur la fraude liée à la paternité, sur les lois pénales du Canada ayant trait aux enfants, sur la Loi instituant la Journée nationale de l’enfant, sur le droit canadien de la famille, sur la violence familiale, sur les châtiments corporels infligés aux enfants et les décisions connexes rendues par la Cour suprême du Canada, sur la mutilation génitale des enfants de sexe masculin ou féminin et sur les lois liées à l’abandon d’enfant, pour ne mentionner que quelques sujets abordés sur notre site web de plus de 1 000 pages. Nous avons saisi de nombreux documents afin de documenter l’histoire des droits des enfants au Canada. En outre, nous avons saisi plus de 2 000 pages web supplémentaires, qui ne sont pas encore affichées sur notre site web. Je suis sûre que cela accroîtra considérablement le nombre de pages de notre site web.

Alors que l’information et les actualités sont offertes plus fréquemment sur Internet et que les budgets des médias traditionnels diminuent, il devient encore plus important de regrouper le contenu portant sur les droits des enfants au Canada, afin d’aider les personnes qui rapportent les nouvelles. Le Conseil canadien des droits des enfants a été cité dans tous les principaux médias du Canada, notamment dans les journaux de l’ensemble du pays au cours des 20 dernières années. De plus, il a participé à de nombreuses émissions télévisées diffusées sur toutes les principales chaînes de télévision.

Il y a environ 20 ans le mois dernier, j’ai comparu devant le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, un comité spécial composé de députés et de sénateurs qui étudiait des questions de droit de la famille. Il a fait le tour du pays, entendu les témoignages de plus de 500 intervenants et produit son rapport intitulé Pour l’amour des enfants. Ce comité avait accepté nos idées et avait recommandé leur inclusion dans notre rapport. La plupart des réformes n’ont jamais été mises en œuvre par le gouvernement libéral en place. Cependant, le pouvoir judiciaire du gouvernement a mis en œuvre quelques-unes de ces recommandations au fil des ans.

Aux fins d’élaboration de lois, nous rangeons les enfants dans la catégorie des personnes n’ayant pas atteint l’âge adulte au Canada. Nous faisons nous-mêmes cette distinction parce que le terme « jeunes » est utilisé parfois dans le cadre de certains programmes gouvernementaux pour désigner des adultes âgés d’au plus 25 ou même 30 ans. Donc, lorsque je mentionne le mot « enfants », je parle de personnes n’ayant pas atteint l’âge adulte.

Le Canada doit donner aux enfants de l’ensemble du pays l’occasion et le droit de participer à l’adoption d’une loi qui transformera le cannabis illégal en une drogue légale à usage récréatif.

Des audiences tenues dans des collectivités de l’ensemble du Canada éduqueraient le public tout en procurant au gouvernement l’adhésion et la compréhension dont il a grandement besoin. Tous les Canadiens et, en particulier, les enfants de sixième année et plus, doivent savoir pourquoi nos taux d’utilisation du cannabis sont au niveau actuel. Au cours des réunions de ce genre, les intervenants médicaux auront leur mot à dire sur cette substance et d’autres drogues, ainsi que sur les dépendances à l’alcool, aux jeux et au tabac.

Le gouvernement doit interroger les étudiants de sixième année et plus sur leur consommation de drogues, alcool et de cigarettes, sur celle qu’ils observent autour d’eux, à l’aide de questionnaires élaborés par des tiers. Les enquêtes menées à l’échelle nationale n’aident pas ceux qui prennent des mesures locales. Tous ces renseignements, allant des rapports de police aux surdoses observées dans les hôpitaux, devraient être accessibles à l’échelle nationale et financés au moyen des revenus découlant de la vente du cannabis.

Nous trouvons qu’il est hypocrite de la part des gouvernements de négliger de stopper la vente de milliards de dollars de cigarettes illégales qui, par exemple, représente 30 p. 100 du marché en Ontario, puis de faire valoir que la légalisation du cannabis permettra au gouvernement d’exercer un contrôle sur la vente de cette drogue.

Notre position sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales est qu’il devrait être vendu dans un emballage semblable à celui d’un médicament, comme tout autre médicament vendu en pharmacie, et qu’il devrait être vendu dans l’ensemble des pharmacies qui sont déjà formées à observer la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les régimes d’assurance-médicaments et d’assurance-maladie provinciaux pourront suivre l’évolution de l’utilisation du cannabis et renverront de précieux renseignements sur son usage médical qui permettront de comparer ses avantages, le cas échéant, à ceux de médicaments nouveaux ou autres. Les médecins canadiens qui prescrivent du cannabis sont déjà informés des procédures strictes qu’ils doivent suivre pour prescrire du cannabis à des fins médicales, et ils se plient à ces procédures.

Nous nous élevons contre l’utilisation, par exemple, de publicités, de t-shirts et d’accessoires de consommation de drogues, lesquels font valoir l’image de marque du cannabis. Tous les emballages pour le commerce de détail doivent comprendre des mises en garde relative à la santé et s’abstenir d’être attrayants. De plus, la quantité de THC et de CBD par dose devrait être affichée en gros caractères imprimés sur le dessus de l’emballage.

Les systèmes de délivrance du cannabis comme les vaporisateurs, les comprimés, les additifs alimentaires comme les huiles et les pompes, sont plus souhaitables que les joints fumants et puants qui empiètent sur les droits des autres, même ceux qui se trouvent souvent à une grande distance des fumeurs de cannabis, et qui donnent un mauvais exemple aux enfants.

À l’échelle internationale, le Canada devrait honorer ses engagements. Si le Canada planifie de modifier une entente internationale, il devrait donner des préavis appropriés, expliquer les changements qui seront apportés et leurs justifications. Dans le cas présent, ces changements devraient être appuyés par une analyse approfondie menée à l’échelle nationale, comme je l’ai suggéré, et par des plans d’avenir accompagnés de financement et d’objectifs en matière d’application de la loi.

Le gouvernement du Canada doit utiliser les recettes fiscales découlant de la vente du cannabis pour faire respecter sa vente légale et pour financer de nouvelles méthodes de détection de l’affaiblissement des capacités ainsi que des recherches permanentes sur les effets du cannabis sur la santé et sur les systèmes de délivrance du THC, pour ceux qui souhaitent utiliser de tels produits sans subir les effets négatifs de l’inhalation de fumée.

Le Conseil canadien des droits des enfants a observé une augmentation de la consommation du cannabis chez les « jeunes » après la légalisation du cannabis dans certains États des États-Unis. Par conséquent, nous devons mesurer ce qui se passe dans l’ensemble du Canada, une communauté à la fois. Il pourrait également être utile de mener le même genre d’études fondées sur la déclaration volontaire par des enfants et de jeunes adultes, afin de déterminer l’effet de la séparation des canaux de distribution sur la vente de l’ensemble des drogues.

Certains croient que les canaux de distribution actuels donnent aux trafiquants de drogue une meilleure occasion de vendre à leurs clients d’autres drogues, comme l’ecstasy, le crack et des opioïdes, ou de chercher délibérément à les rendre dépendants de drogues plus nocives.

Nous n’avons remarqué aucun plan d’action précis visant à analyser la mesure législative sur le cannabis ou l’effet qu’elle aura désormais sur l’avenir des enfants.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et le bon sens exigent que le gouvernement du Canada analyse, explique et surveille les objectifs particuliers des lois qui ont des répercussions sur les enfants, étant donné que le gouvernement est en fin de compte le protecteur de tous les enfants canadiens. Souvent, le gouvernement ne le fait pas et, lorsqu’il le fait, comme dans le cas du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, qui se souciait du droit de la famille et, principalement, des enfants, il ne donne pas suite aux recommandations.

La présidente : Merci.

La sénatrice Bovey : J’aimerais vous remercier tous des exposés que vous nous avez donnés. J’ai une question à l’intention de M. Larkin et une à l’intention de M. Rolles.

Monsieur Larkin, je crois comprendre que, jusqu’à maintenant, 29 États ont adopté une forme ou une autre de légalisation de l’utilisation du cannabis, dont 9 États près de Washington, D.C., qui ont légalisé la consommation du cannabis à des fins récréatives. Donc, selon nos calculs, à peu près 190 millions de personnes ont maintenant accès à une forme ou une autre de cannabis. Je crois comprendre que d’autres États envisagent cette légalisation et que le Congrès est actuellement saisi de 15 projets de loi concernant l’accès au cannabis, le respect du droit d’un État de légaliser le cannabis ou l’autorisation de taxer le cannabis.

Le président des États-Unis a effectivement déclaré récemment qu’il respecterait les droits des États en ce qui concerne le cannabis.

Cela signifie-t-il qu’aux États-Unis les jeux sont faits, et que les traités internationaux auront une incidence sur notre voisin du Sud, tout comme ils en ont sur le Canada? Par conséquent, cela nous porte-t-il à croire que ces traités devront être légèrement restructurés à un moment ou à un autre?

M. Larkin : Vous avez absolument raison. Les États-Unis se sont engagés dans cette voie plus rapidement que le Canada et ont progressé davantage. Cela ne signifie pas que c’est la bonne décision à prendre. Dans certaines circonstances, des mesures législatives sont souvent adoptées parce que les gens savent qu’elles n’auront aucun effet particulier. Dans le cas présent, ces mesures législatives ont eu un effet, qui n’est pas nécessairement bénéfique.

Certaines des lois autorisent les gens à fumer le cannabis ou à l’utiliser sous une forme comestible. D’autres autorisent simplement l’utilisation des produits du cannabis. Toutefois, la question n’est pas de savoir si les États-Unis ont pris la bonne ou la mauvaise décision. Dans une certaine mesure, la question est de savoir s’ils ont pris une sage décision. Il se peut qu’il n’y ait pas de réponse particulièrement bonne ou mauvaise en ce qui concerne l’utilisation de tous les différents cannabinoïdes qui peuvent être extraits de cette plante. En fait, à l’heure actuelle, il y a au Congrès une mesure législative en attente qui vise à mener des recherches plus poussées afin de déterminer si les cannabinoïdes qu’on trouve dans la plante peuvent être utilisés.

Je conviens avec vous que les États-Unis ont déjà pris un grand nombre de mesures. Toutefois, je ne serais pas d’accord pour dire que les États-Unis ont franchi le point de non-retour. Après tout, comme je l’ai mentionné, les États-Unis ont déclaré clairement qu’en général il revient au commissaire à la FDA et à son personnel de décider quel médicament peut être distribué ou non dans le cadre d’un commerce inter-États.

À ma connaissance, aucun des projets de loi ne cherche à retirer au commissaire à la FDA cette responsabilité. Jusqu’à maintenant, le commissaire n’est pas intervenu parce que le produit est entièrement perçu comme de la contrebande. Une fois que le Congrès autorisera les États à prendre certaines de ces mesures, il se pourrait que le commissaire intervienne, et il se pourrait qu’il prenne une décision très différente de celle qu’ont prise les assemblées législatives des États.

La sénatrice Bovey : Monsieur Rolles, notre principal sujet de discussion a vraiment rapport à des enjeux liés à trois traités internationaux ou au fait que le Canada contrevient à ces traités. Vous avez indiqué très clairement qu’à votre avis, ces traités devraient être modifiés au moment où le Canada adopte la mesure législative, et vous avez parlé du rôle de chef de file principal que joue le Canada.

En ne perdant pas cela de vue, puis-je présumer que vous approuvez les arguments présentés selon lesquels le problème n’est pas lié au fait que le Canada choisit d’adopter une approche stratégique différente, mais plutôt au cadre juridique périmé du traité qui donne lieu à une période transitoire temporaire de non-respect de principe?

Je me demande si vous pourriez aborder la question de cette réforme simultanée. Bien entendu, nous sommes préoccupés. Nous ne souhaitons pas contrevenir à des traités internationaux. Par contre, comment pouvons-nous faire avancer ces deux projets en parallèle? Vous pourriez peut-être parler brièvement de la réforme simultanée.

M. Rolles : Le Canada ayant entrepris l’analyse de la question et ayant pris la décision de procéder à cette réforme qu’il juge dans l’intérêt de ses citoyens, il fait maintenant face à l’obstacle que constituent les traités des Nations Unies, traités qui n’autorisent pas cette réforme. La modification d’un traité, en particulier un traité qui traite d’une question délicate comme une réforme de la politique sur les drogues, peut progresser très lentement. Cette modification pourrait exiger des années ou même des décennies. Ce cadre de traité est en place depuis 60 ans. L’élimination de certains de ses problèmes et sa modernisation en vue de répondre aux besoins de l’ère moderne des États membres pourraient nécessiter de nombreuses années.

À mon avis, il ne semble pas réaliste ou raisonnable de s’attendre à ce qu’après avoir décidé que cette réforme s’imposait, le Canada s’abstienne d’aller de l’avant jusqu’à ce que les traités aient été modifiés. Je pense qu’il est parfaitement raisonnable de faire valoir que le Canada peut procéder aux réformes dans la mesure où leur mise en œuvre est entreprise de manière à faire en sorte qu’elles n’aient pas de répercussions sur les autres États membres. Manifestement, c’est là un enjeu grave, en particulier en ce qui concerne les questions frontalières et les questions d’importation et d’exportation, mais surtout les questions frontalières.

Si le Canada peut maintenir le statu quo en ce qui concerne les questions frontalières conclues principalement avec les États-Unis, qui deviennent moins problématiques à mesure qu’augmente le nombre d’États ayant légalisé le cannabis, je pense qu’il conviendrait tout à fait de procéder à cette réforme d’une façon raisonnable, tout en s’engageant sérieusement à participer aux forums multilatéraux appropriés afin de tenter d’apaiser les tensions que ces réformes nationales provoqueront.

Le processus sera épineux. Je crois que personne ne se leurre à ce sujet. Il s’agit là d’un enjeu extrêmement polarisé. Bon nombre de gens s’opposent à cette légalisation avec véhémence. Je crois que nous sommes près d’atteindre un seuil critique où le nombre d’États membres qui souhaitent que cette réforme se réalise permettra même aux pays prohibitionnistes de prendre conscience qu’un processus de modernisation doit survenir pour éviter l’implosion du système international de contrôle des drogues ou sa perte de pertinence.

La situation est difficile mais, d’un point de vue pragmatique, il est raisonnable de mettre en œuvre les réformes tout en entamant des dialogues ouverts et honnêtes au sein des forums multilatéraux.

Le sénateur Oh : J’adresse ma question à M. Grant Wilson. J’ai posé une question semblable au représentant d’un groupe de défense des droits des enfants, mais je cherche à obtenir de votre part une réponse fondée davantage sur des données probantes.

Le Canada est signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le projet de loi C-45 aura-t-il une incidence sur l’obligation qu’a le Canada de protéger les enfants contre des substances nocives, en vertu de cette convention? Par exemple, la culture et la consommation de cannabis ou de produits liés au cannabis devraient-elles être interdites à certains endroits, y compris les domiciles où des enfants résident ou des habitations qu’ils fréquentent?

M. Wilson : Il suffit de mettre en place des mesures raisonnables pour protéger les enfants. Tout dépend de la collectivité et de nombreux facteurs. Je recommanderais fortement que les enseignants parlent de cette question aux enfants de l’école secondaire, aux enfants de la sixième année, afin d’obtenir leurs commentaires et d’apprendre comment, d’un point de vue pratique, nous pouvons prévenir cette exposition.

Certains adultes m’ont dit : « Eh bien, la récolte de ce produit peut seulement avoir lieu pendant une certaine période », et cetera, et ont pondu toutes sortes d’idées à cet égard. Tout dépend de l’endroit où vous vivez, de la question de savoir si vous vivez sur une ferme ou dans une banlieue. Il y a toutes sortes de problèmes à cet égard. La meilleure solution consiste à parler aux enfants qui pourraient être touchés par cet enjeu.

Je le répète, nous devons encourager les enfants à participer à cette tâche. Posez-leur des questions à ce sujet, et examinez cette question sérieusement. Il est certain que nous ne souhaitons pas que les enfants aient facilement accès au cannabis. Nous voulons sécuriser cet accès et protéger les enfants contre la culture des cultivateurs de cannabis.

La sénatrice Ataullahjan : J’ai discuté avec des jeunes à Edmonton, qui avaient entre 12 et 16 ans. Ils m’ont dit avoir entendu dire qu’il n’y avait pas de danger. Je leur ai demandé où on leur avait dit cela, et ils m’ont répondu que c’était à l’école qu’on leur avait dit qu’il n’y en avait pas. Ils ont été surpris d’apprendre qu’il pouvait y avoir des effets néfastes.

Avez-vous entendu parler d’autres cas où on aurait dit à des enfants dans des écoles qu’il n’y avait pas d’effets néfastes? Est-ce qu’on discute de cela?

M. Wilson : Dans l’ensemble, on réussit beaucoup mieux maintenant dans les programmes de lutte contre la drogue à expliquer les problèmes liés à l’utilisation de ces drogues, mais il faut vraiment qu’on ait une discussion à ce sujet au sein des communautés. Nous aimerions beaucoup que le gouvernement centralise l’information sur les programmes de lutte contre la drogue pour faciliter l’enseignement et l’échange des idées. Nous voulons que l’information soit accessible à tous, que chacun puisse juger par soi-même et que les bonnes idées circulent entre les communautés.

Nous pensons que toute forme de rencontres communautaires favorisera une meilleure compréhension de la question et de la loi, que cela dissipera les malentendus qu’il peut y avoir à ce sujet et que cela réglera pratiquement par la même occasion les problèmes liés aux arrêtés municipaux sur la production, ou toute autre question qui pourrait surgir au sein de la communauté.

Je dirais qu’il est très mauvais que les écoles ne suivent pas un programme qui parle concrètement des problèmes.

Le sénateur Oh : La réponse que vous venez de donner ne répond pas à ma question. J’ai parlé de la sécurité des enfants, garçons et filles, de cinq ou six ans. Si vous leur donnez du cannabis, ils ne le sauront pas tant qu’ils ne l’auront pas consommé. Ils n’ont aucun moyen de savoir que le chocolat contient du cannabis.

M. Wilson : Je pensais que vous parliez du fait de le cultiver dans sa cour arrière ou ailleurs. Si vous parlez de produits alimentaires, nous sommes totalement contre la vente de produits alimentaires qui pourraient facilement être mangés, par erreur, par des enfants, ou encore se trouver dans une résidence où se trouvent des enfants. Si quelqu’un veut fabriquer un produit alimentaire, cette personne veut sans doute le faire pour une raison particulière, une raison médicale ou autre, peu importe, qui l’amènerait à intégrer le cannabis dans un aliment. C’est une question très délicate, mais je n’en reviens pas qu’on puisse trouver des produits, des bonbons, bourrés de drogue.

Le sénateur Oh : Que peut-on faire pour empêcher que des bonbons de ce genre se retrouvent entre les mains des enfants? Il faut que nous nous occupions de cela.

M. Wilson : Je pense que cela doit passer principalement par l’éducation, et je pense que c’est au sein de la communauté que cela doit se faire. En investissant l’argent dans les communautés pour qu’elles prennent les choses en main, notamment les écoles, les parents, les agents de police, les hôpitaux et tous les acteurs concernés, je pense qu’on peut lutter contre un grand nombre de drogues, y compris les opioïdes et autres produits du genre, et aussi fournir aux gens la meilleure information médicale que nous ayons sur l’utilisation de la marijuana, et sur le fait de fumer en général.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous les trois d’être avec nous aujourd’hui. Ce que le comité cherche à savoir dans le cadre de sa recherche, c’est si le projet de loi enfreint les traités internationaux, et si oui, quelle est la gravité de l’infraction.

La première question que je me suis posée, simplement pour me faire l’avocat du diable, c’est si le gouvernement veut légaliser le cannabis, et si la population est d’accord avec cette idée, on sait qu’on enfreint alors les traités internationaux, mais est-ce que l’infraction est si grave, si importante, que le Canada devrait faire marche arrière jusqu’à ce qu’il règle les choses à l’interne au sujet des traités internationaux? C’est la première question que je me suis posée. Est-ce que la gravité de l’infraction est telle — je ne suis pas l’expert — qu’on devrait se dire : « Faisons marche arrière », même si je soupçonne que c’est très sérieux?

Monsieur Rolles et monsieur Larkin, puis-je savoir ce que vous en pensez?

M. Rolles : J’espère avoir été clair dans mon exposé, à savoir que je ne pense pas, non, que l’infraction soit assez grave pour que le Canada n’aille pas de l’avant. Je pense que l’engagement du Canada à l’égard de l’objet et du but des traités, soit la santé et le bien-être de l’humanité, la santé et le bien-être des Canadiens, doit être la priorité et que cela doit primer le respect technique de certains articles des traités.

Il faut mentionner que ces traités ne servent pas uniquement à interdire le cannabis et d’autres drogues. Ils jouent un ensemble d’autres fonctions auxquelles le Canada adhère totalement. Il s’agit donc d’un problème de conformité partielle à un élément des traités. Et on ne parle pas seulement de la santé et du bien-être de l’humanité. On parle de l’engagement supérieur à l’égard des droits de la personne, de la santé publique, de la sécurité des enfants, ainsi que de la paix, de la sécurité et du développement — les engagements pris dans la Charte des Nations Unies. Ce sont là les priorités, et non pas le respect dogmatique d’un article des traités qui, de toute évidence, sont dysfonctionnels et dépassés et ont grand besoin d’être modernisés.

Ma réponse est donc non, la non-conformité n’est pas suffisamment grave pour ne pas aller de l’avant, absolument pas. Nous devrions nous employer à démontrer l’efficacité de la politique tout en nous efforçant d’engager des discussions multilatérales pour régler les tensions en espérant moderniser des traités dépassés et dysfonctionnels.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Larkin?

M. Larkin : Merci. La non-conformité temporaire est une autre façon de parler de désobéissance intentionnelle. Le Canada a signé ces traités. Il peut toujours s’en retirer. On a même suggéré que le Canada s’en retire et qu’il y adhère à nouveau en y apportant une réserve au sujet de la marijuana à des fins récréatives. Mais il s’agira, dans les faits, d’un acte de désobéissance intentionnelle.

Aux États-Unis, nous avons des conventions collectives, et il se peut que tous n’aiment pas certaines dispositions de la convention collective conclue entre le syndicat et la direction. Toutefois, ni le syndicat ni la direction ne peuvent choisir de respecter ou de ne pas respecter telle ou telle disposition. Il faut respecter l’ensemble de l’entente; autrement, on contrevient à la loi.

Enfin, si vous voulez vraiment remettre cela en cause — et on ne parle pas ici d’une entente qui remonte à plus d’une centaine d’années — la dernière convention remonte à 1988 —, alors adoptez ce projet de loi, mais repoussez son entrée en vigueur, que ce soit dans 10 ans ou dans 5 ans, peu importe, afin que cela donne au Canada et aux autres pays l’occasion d’en discuter et de faire front commun aux Nations Unies pour qu’on autorise les réserves à une entente a posteriori, ou qu’on modifie l’entente pour autoriser l’utilisation de divers types de cannabis.

Remarquez toutefois que si on choisit d’aller de l’avant et de ne pas se conformer, ce n’est pas aussi important, j’en conviens, que pour beaucoup d’autres traités, mais il y a là une part de subjectivité. Je ne sais pas ce qu’en penseront les autres pays qui sont parties à l’entente. Et s’ils se disent que le Canada a décidé essentiellement de faire primer ses politiques internes sur ses promesses aux pays étrangers, il perdra alors son prestige au sein de la communauté internationale.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Wilson?

M. Wilson : Je pense que je préférerais qu’on en arrive à un consensus national chez les jeunes et qu’on fasse un effort en ce sens, et pendant ce temps, nous pourrions sans doute penser à notre prestige international.

Le sénateur Massicotte : À ce stade-ci, je pense que nous préférerions tous que le gouvernement agisse autrement. Pour l’heure, le projet de loi est sur la table. Nous sommes donc pris entre deux feux : soit nous l’approuvons, soit nous le rejetons. L’infraction aux traités internationaux est-elle si importante que nous devrions battre en retraite et laisser mourir le projet loi?

M. Wilson : Dans la pratique, cela se produira de toute façon, et, selon mon interprétation, nous allons casser la glace. Il y a environ les deux tiers des Canadiens, et à peu près autant d’Américains, qui sont pour la légalisation du cannabis. Il semble donc que ce soit en route. Je ne pense pas que ce soit une surprise pour les autres pays. C’est plutôt une question de savoir qui sera le premier.

Le sénateur Massicotte : Nous cherchons des exemples de pays qui auraient eu des problèmes avec cette question, pour des raisons culturelles ou religieuses par exemple. Comme vous le savez, il y a quelques années, le Canada a imposé sa volonté au sujet de la navigation dans l’Arctique polaire, au détriment des traités internationaux. De nombreux pays ont été offusqués de la chose, car nous avons essentiellement imposé notre volonté à ce moment.

Y a-t-il une comparaison possible avec cela? La bonne ou la mauvaise nouvelle est que la plupart des Canadiens n’étaient même pas au courant que nous contrevenions à ces traités internationaux. Quelques pays ont été offusqués, mais on semble s’en être bien remis, et c’est maintenant acceptable.

Est-ce comparable à cette expérience ce qui pourrait se passer dans le cas de l’infraction à la politique sur la drogue dans les traités internationaux?

M. Rolles : Je ne connais pas cet exemple, mais d’après ce que vous en dites, cela semble fort intéressant. Je pense qu’il faut faire une distinction entre la violation de traités qu’on considère comme étant dysfonctionnels et en mal d’être modernisés, et la violation de traités — par exemple, les violations des droits de la personne commises par certains pays, les exécutions extrajudiciaires ou le recours à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue —, soit des violations qui vont clairement à l’encontre des normes internationales standards.

Je pense qu’il faut faire une distinction très nette ici, et je pense qu’il est important que le Canada précise clairement ses raisons d’opter pour la non-conformité temporaire sur la base de son engagement à l’égard de la santé, des droits de la personne et de la santé des communautés et, comme vous le savez, des valeurs de la Charte des Nations Unies qui sont si chères au Canada, comme en fait l’ensemble de la communauté internationale.

Je pense qu’il y a une différence, car s’il s’agit notamment d’un appel à une réforme et à une modernisation dans l’intérêt des valeurs des Nations Unies, ce n’est pas la même chose que ce que l’on peut voir comme une infraction criminelle au droit international. Il s’agit de deux choses bien différentes, et le Canada a clairement indiqué qu’il s’agit de moderniser et de préserver les valeurs des Nations Unies.

M. Larkin : Je pense qu’il faut regarder la question à la marge. On ne peut pas se contenter de dire : « Eh bien, nous l’avons déjà fait, et tout le monde a fini par l’accepter, alors nous pouvons le refaire. » Ce qu’il faut faire, c’est prendre en considération le fait que les autres pays pourraient se dire : « Voilà, ils en remettent. » Ils ont une justification chaque fois, et chaque fois ils disent que cela ne se reproduira plus. Puis avec le temps, on voit une tendance qui se dessine et que le Canada a une fois de plus décider de faire fi de ses obligations internationales.

Au sujet de l’idée voulant que les autres pays ne soient pas irrités par la chose, disons qu’il existe aussi un phénomène qu’un ancien professeur américain et sénateur aux États-Unis, Daniel Patrick Moynihan, a décrit un jour comme la banalisation des comportements déviants, c’est-à-dire qu’après un temps, on finit par accepter le fait qu’il y ait plus de criminalité dans un quartier ou un secteur qu’ailleurs, et qu’il soit délabré.

Cela ne veut pas dire qu’on aime cela ou qu’on ne souhaiterait pas que les choses soient autrement, mais on finit par l’accepter simplement parce qu’on ne peut rien y changer. Cela ne veut pas dire qu’on pense que c’est bien. Cela ne veut pas dire qu’on souhaite que la situation continue de se détériorer. Ce que cela veut dire, c’est qu’après un temps, c’est maintenant devenu la norme. Alors, si on continue de tirer la norme vers le bas, les gens finissent par attendre cela, mais ils commencent aussi de plus en plus à prendre conscience que ce que vous avez fait est mal.

Le sénateur Massicotte : Merci. Je suis certain que vous pouvez comprendre la même chose. Il nous reste trois minutes. Quelqu’un devrait appuyer sur un bouton.

La sénatrice Andreychuk : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je ne sais plus très bien où nous en sommes. Je n’ai pas entendu la réponse, mais je m’inquiète du signal.

Monsieur Wilson, avez-vous des commentaires sur la même question?

M. Wilson : Eh bien, si on va de l’avant, j’aimerais qu’on fasse bien les choses, en maître. Il faut vraiment que ce soit l’intention du Canada, de bien faire les choses, d’aller au fond des choses, d’avoir l’avis des jeunes, car cela va faire partie de leur vie pour toujours, ils vont devoir composer avec cela de même qu’avec toutes les autres drogues qui existent au pays.

Nous ne voulons pas procéder trop rapidement et il faudrait peut-être obtenir un consensus auprès d’autres pays, savoir s’ils sont du même avis, et voir qui procèdent en même temps que nous et pourraient vouloir échanger des idées.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La présidente : Si nous voulons tenir notre huis clos, nous allons manquer de temps.

J’aimerais simplement faire un commentaire qui s’adresse à tous, et c’est qu’il peut y avoir des divergences d’opinions sur la façon de procéder pour soit appliquer les traités que nous avons signés, soit nous en éloigner. Ce que nous devons savoir du gouvernement, toutefois, c’est comment il compte agir.

Ai-je raison, monsieur Rolles? Je pense que vous appuyez le plus l’idée, si je peux m’exprimer ainsi, qu’il s’agit d’une infraction technique.

Serait-il utile pour les autres pays et pour le Canada de savoir de quelle façon il abordera ses obligations? En d’autres mots, quel est son plan? Devrait-il discuter avec des pays ayant les mêmes convictions que lui, ou devrait-il consulter tous les pays qui sont parties aux traités, étant donné qu’ils se rencontrent régulièrement?

Pouvez-vous me dire brièvement s’il serait utile pour les Canadiens et la communauté internationale que le gouvernement parle de son plan et qu’il dise quand et comment il abordera la question?

M. Rolles : Oui, je pense que le gouvernement doit clarifier cela. Je pense qu’il est juste de dire que le gouvernement a fait des déclarations aux Nations Unies, à la Commission des stupéfiants et à la séance spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies. J’étais présent à certaines de ces déclarations dans le cadre desquelles le gouvernement annonçait ce qu’il allait faire. Il a mentionné à la communauté internationale ce qu’il allait faire, il a précisé quand, et il a indiqué qu’il s’efforce de remédier aux problèmes et aux tensions liés aux traités.

Ce qu’il n’a pas fait encore, c’est de dire ce qu’il allait faire pour remédier aux problèmes. C’est sans doute parce qu’il ne le sait pas encore. Je pense qu’on est encore en train d’examiner les options, et je pense que c’est parfaitement logique qu’il en soit ainsi, tant qu’on le dit clairement. Je pense que le gouvernement peut dire : « Nous nous orientons vers la non-conformité. » Je pense que le sous-ministre l’a mentionné clairement dans sa déclaration. Je ne sais pas si c’est devant votre comité ou devant un des autres comités sénatoriaux ou du Congrès. Il a mentionné qu’on s’orientait vers la non-conformité et qu’on s’efforcerait de remédier aux problèmes.

Il se pourrait que ce ne soit qu’une période d’attente jusqu’à ce qu’on ait décidé d’un plan à long terme. Cela ne me semble pas, en soi, très inapproprié. Si on examine encore les options et qu’on discute encore avec d’autres pays membres pour envisager une action commune, cela semble même une position raisonnable de dire : « Nous optons pour la non-conformité. Voici nos raisons pour le faire du point de vue national, et nous nous efforcerons de remédier aux problèmes dans les forums pertinents. »

Il semble que ce soit là où nous en sommes, mais nous attendons patiemment la suite.

La présidente : Merci à vous, monsieur Rolles, monsieur Larkin et monsieur Wilson. Vous nous avez donné trois points de vue très différents. C’est ce dont le comité a besoin. Nous devons pouvoir examiner la question sous tous les angles. C’est très certainement ce que vous avez fait ce soir, alors je vous remercie d’avoir comparu devant le comité.

Je suis très satisfaite. Monsieur Larkin et monsieur Rolles, je ne sais pas ce que vous avez fait, mais nous n’avons pas eu de problèmes avec la vidéoconférence aujourd’hui. C’était parfait. Je dois vous aviser qu’il se pourrait que nous vous invitions à nouveau, car c’était un plaisir de travailler avec vous sans qu’il y ait d’interruptions. Quelqu’un a félicité la greffière et le personnel d’avoir fait un excellent travail et je veux m’en faire l’écho.

Monsieur Wilson, merci de votre présence et nous avoir rappelé le devoir très important que nous avons à l’égard des enfants au Canada.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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