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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 43 - Témoignages du 19 avril 2018


OTTAWA, le jeudi 19 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 34, pour étudier la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui pour poursuivre son étude de la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. John Walsh, directeur de la politique sur les drogues et sur les Andes, Washington Office on Latin America, et M. Martin Jelsma, directeur du programme Drogues et Démocratie, Transnational Institute, à Amsterdam, aux Pays-Bas.

Bienvenue à tous les deux. À ce que je comprends, monsieur Walsh, c’est vous qui ouvrez le bal. M. Jelsma vous emboîtera le pas. Puis, nous passerons aux questions des sénateurs.

Bienvenue au comité et merci d’avoir accepté notre invitation et d’être venu au Canada.

John Walsh, directeur de la politique sur les drogues et sur les Andes, Washington Office on Latin America, à titre personnel : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. C’est un privilège et un honneur que de comparaître devant le comité aujourd’hui. J’espère que ma participation vous sera utile dans l’élaboration de votre rapport d’ici la fin du mois.

Je vais dire quelques mots maintenant, en espérant que l’ensemble de ma déclaration puisse être enregistré à titre officiel.

Laissez-moi commencer par clarifier la position de notre bureau par rapport au cannabis légal et réglementé : nous estimons que la réglementation légale du cannabis est une solution de rechange sensée et prometteuse par rapport à la prohibition. Ces dernières années, nous avons multiplié les contacts avec le gouvernement, des agences multilatérales et des partenaires de la société civile afin d’explorer les façons de réglementer le cannabis tout en appuyant les droits de la personne, la santé publique et la justice sociale.

Le mois dernier, d’ailleurs, notre bureau et nos collègues de la Brookings Institution de Washington ont publié un rapport intitulé Uruguay’s cannabis law: Pioneering a new paradigm, dans lequel nous faisions le point sur la loi contrôlant le cannabis en Uruguay, ainsi que sur les progrès et les obstacles rencontrés depuis leur mise en œuvre. Voici le rapport. Nous aimerions également le mettre à votre disposition.

L’objectif principal de mon message au comité aujourd’hui est celui de le rassurer. Tout d’abord, j’estime que le Canada a des raisons valables d’aller de l’avant et de réformer la loi sur le cannabis en vue de favoriser la santé, la sécurité et le bien-être des Canadiens même si, ce faisant, il contreviendra forcément à certaines obligations de traités en matière de drogues.

Cependant, il existe en droit international des recours pour la contravention entraînée par la nouvelle orientation du Canada. La réputation du Canada comme bon citoyen du monde ne sera pas nécessairement entachée. Au contraire, mon collègue, Martin, évoquera les options dont dispose le Canada, notamment la procédure de modifications inter se des traités.

De plus, le Canada peut éviter les problèmes d’accès bancaires auxquels se heurte maintenant l’Uruguay; il peut donc contribuer aux objectifs réglementaires de transparence, de responsabilité et de sécurité publique.

Enfin, le temps joue en faveur du Canada. Le Canada est à l’avant-garde de la réglementation du cannabis, mais il n’est pas isolé. Outre l’Uruguay et l’évolution aux États-Unis, d’autres pays envisagent des réformes similaires pour des raisons similaires. Plus la réglementation du cannabis avancera au Canada, plus le pays se trouvera en bonne compagnie.

À l’appui de mon objectif principal, sois de rassurer, je vais développer brièvement trois points essentiels.

Premièrement, l’Uruguay continue de jouir d’une bonne réputation sur la scène internationale. Plus de quatre ans après avoir adopté sa loi sur la réglementation du cannabis, l’Uruguay n’est pas un paria, n’a pas été frappé de sanctions ni été puni parce qu’il avait effectué cette réforme.

L’Uruguay maintient que sa politique s’inscrit dans l’axe des objectifs de départ que soulignent les traités de contrôle des drogues des Nations Unies, mais qui n’ont pas été atteints par la suite : assurer la santé et le bien-être de l’humanité.

L’Uruguay a contourné la question de la contravention, avançant que sa nouvelle loi respecte les obligations fondatrices du pays aux termes du droit international. En cas de conflit entre le respect des droits de la personne et les exigences de contrôle des drogues, l’Uruguay fait valoir qu’il est tenu de donner la priorité aux obligations à l’égard des droits de la personne.

Par le passé, des pays comme les États-Unis ont utilisé leur pouvoir considérable pour encourager l’application entière des traités en matière de drogues et pour décourager les innovations tournant le dos à la méthode orthodoxe, soit la prohibition et la criminalisation. Toutefois, cinq ans après l’adoption de la loi sur le cannabis de l’Uruguay, les États-Unis n’ont pas orchestré de campagne pour punir l’Uruguay soit dans leurs relations bilatérales soit sur la scène internationale.

À vrai dire, l’Uruguay a vraiment bien choisi son moment, l’adoption de sa loi survenant au moment d’une évolution majeure en faveur de la réglementation du cannabis à l’intérieur même des États-Unis.

Les droits de la personne avancés par l’Uruguay pour justifier sa réglementation du cannabis sont un excellent point de départ, même si la réglementation nécessite une contravention à certaines obligations des traités en matière de drogues. Toutefois, avancer l’argument des droits de la personne ne résout pas automatiquement le conflit juridique avec les traités actuels ou le problème de non-respect.

Il est compréhensible que l’Uruguay ait hésité à se démarquer et à reconnaître ouvertement son non-respect des traités, vu le risque d’isolement et l’absence d’alliés manifestes. L’Uruguay a estimé qu’il valait mieux attendre que d’autres pays soient confrontés au même problème, comme le Canada aujourd’hui et d’autres pays sans doute dans un avenir proche, avant d’affronter ce défi sur la scène internationale.

Alors, si le fait d’avancer des arguments fondés sur les droits de la personne et les objectifs fondamentaux de santé et de bien-être des traités en matière de drogues ne résout pas le problème du non-respect, ce sont toutefois des arguments solides à l’appui d’une période temporaire de non-respect des traités en matière de drogues pendant laquelle un pays entend modifier officiellement ses liens à l’égard des obligations internationales qu’il a décidé ne plus pouvoir respecter. Comme l’expliquera Martin, une telle période transitoire de contraventions empreinte de respect pourrait être le prélude d’une situation où deux ou trois pays auraient recours à la modification inter se des traités.

Je vais aborder brièvement mes deux autres points.

Le Canada peut éviter les problèmes bancaires qui ont gêné l’Uruguay. Alors que l’Uruguay était particulièrement vulnérable, vu la taille minime de son économie et sa dépendance majeure envers les banques américaines, le Canada possède, quant à lui, des attributs qui devraient l’aider à éviter ces obstacles. D’abord, le Canada a déjà de l’expérience dans le domaine du cannabis médical, expérience que l’Uruguay commence juste à développer. Deuxièmement, la population du Canada, son économie et les marchés du cannabis sont beaucoup plus importants que ceux de l’Uruguay; conséquemment, les banques du pays ont bien plus intérêt à participer au secteur du cannabis légal.

Il se peut que le Canada se heurte à quelques difficultés en matière de services financiers, mais il y a des signes avant-coureurs montrant que les autres institutions du Canada ont l’intention de participer. On est en droit de penser qu’elles font preuve de la diligence requise pour ce faire, notamment en ce qui concerne leurs liens avec les banques américaines.

Mon troisième et dernier point a trait aux États-Unis, qui évoluent eux-mêmes vers une réglementation du cannabis. Cela ne saute pas nécessairement aux yeux, vu l’attitude hostile envers le cannabis de notre procureur général actuel, Jeff Sessions, mais les États-Unis sont en voie de légaliser le cannabis ou, plus précisément, d’adopter une loi fédérale permettant une réglementation légale au niveau des États, avec des lignes directrices. Par exemple, on a fait état la semaine dernière d’une entente entre le président Trump et le sénateur Gardner, du Colorado, pour protéger d’une intervention fédérale les États qui légalisent le cannabis médical ou non médical.

Le débat à l’échelle fédérale a encore du chemin à faire avant qu’une loi ne soit adoptée. Même si le président Trump changeait d’avis et donnait les rênes de la politique sur le cannabis à nouveau au procureur général, Jeff Sessions, on ne devrait pas s’attendre à ce que les États qui l’ont déjà légalisé retournent en arrière, et d’autres États les joindront fort probablement au cours des mois et des années à venir. À l’heure actuelle, un Américain sur cinq vit dans un État ayant voté pour légaliser le cannabis, d’autres initiatives de mises au vote sont en cours et l’opinion publique est de plus en plus en faveur de la légalisation, idée qui est attrayante peu importe les allégeances politiques ou idéologiques.

En conclusion, la relation Canada-États-Unis importe énormément pour les deux pays. Pour ce qui touche la législation en matière de cannabis, le gouvernement du Canada est très certainement en avance sur le gouvernement fédéral américain. Toutefois, sans établir de délai, on peut dire que les États-Unis se dirigent dans une direction semblable et que, dans un avenir rapproché, le Canada devrait s’attendre à ce qu’il soit plus probable que les États-Unis deviennent un partenaire plutôt qu’un antagoniste pour ce qui est de régler les préoccupations communes quant aux politiques sur le cannabis.

Merci.

La présidente : Pourriez-vous éclaircir deux choses? Votre organisation travaille partout en Amérique du Sud, en Amérique centrale ainsi qu’en Amérique du Nord, est-ce exact?

M. Walsh : Oui, nous travaillons plus particulièrement en Amérique centrale et en Amérique du Sud, mais nous œuvrons dans toutes les Amériques, notamment parce que les questions entourant les droits de la personne et les politiques sur les drogues sont des enjeux mondiaux et multilatéraux. Par exemple, nous intervenons au sein de l’Organisation des États Américains ainsi qu’à l’ONU, où tous les gouvernements participent aux discussions.

La présidente : Pouvez-vous me confirmer quelque chose? Je pensais qu’en Uruguay, le cannabis était distribué dans les pharmacies?

M. Walsh : C’est exact.

La présidente : S’agit-il de pharmacies gouvernementales ou d’entités privées?

M. Walsh : Ce sont des propriétés privées. Les pharmaciens ne sont pas obligés de faire partie du réseau. En fait, la plupart n’y participent pas. Ils peuvent choisir d’y adhérer.

À l’heure actuelle, les pharmacies participantes le font sans accès à des services financiers, puisque les banques leur ont dit : « Soit vous vendez du cannabis sans compte bancaire soit vous n’en vendez pas. » La plupart ont choisi d’arrêter d’en vendre afin de conserver leurs services bancaires.

La présidente : Merci pour ce détail. Je cède maintenant la parole à M. Jelsma.

Martin Jelsma, directeur du programme Drogues et démocratie, Transnational Institute, à titre personnel : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant votre comité aujourd’hui.

Les composantes internationales du projet de loi C-45 sont de la plus haute importance, non seulement pour le Canada, mais pour de nombreux pays autour du monde qui se dirigent dans la voie de la réglementation légale du marché du cannabis. La position que prendra le Canada relativement aux conventions de contrôle des drogues de l’ONU pourrait être une étape cruciale dans la longue histoire troublée du contrôle des drogues à l’échelle internationale.

Permettez-moi de vous affirmer d’emblée que j’appuie la politique de changement proposée par le projet de loi C-45, et que le Transnational Institute, le TNI, a joué un rôle actif dans le cadre d’initiatives semblables de réforme des lois sur les drogues en ce qui a trait au cannabis dans d’autres pays, où nous avons fourni des conseils d’experts et facilité les réunions pour discuter des dilemmes auxquels font face les pays.

Le système de contrôle des drogues de l’ONU a été mis sur pied en vue de protéger la santé et le bien-être de la population mondiale. La crise actuelle entourant les morts par surdose d’opioïdes au Canada et aux États-Unis est un dur rappel qu’il faut préserver ses principes clés en vue d’améliorer le fonctionnement de ce système.

En ce sens, je suis d’accord avec les déclarations faites le mois dernier devant votre comité par M. Gwozdecky, d’Affaires mondiales Canada, qui affirmait que l’approche du Canada est conforme aux grands objectifs de ces conventions et qui reconnaissait que cela ferait en sorte que le Canada contrevienne à certaines obligations ayant trait au cannabis. Il n’y a aucune façon d’ignorer ce fait. En niant cette réalité, nous serions malhonnêtes et peu respectueux du droit international.

Pour le TNI, et malheureusement pour de nombreux pays, y compris le Canada, le respect du droit international est crucial pour maintenir un minimum d’ordre et de gouvernance à l’échelle mondiale. Comme on sait, pacta sunt servanda, de sorte que le Canada fera face à des problèmes juridiques, tout comme cela est déjà arrivé à l’Uruguay et aux États-Unis — problème auquel il faut s’attarder et qui devra être résolu à un moment donné.

Dans cette perspective, nous avons étudié avec un groupe d’avocats experts en traités internationaux, des agents de l’ONU, des représentants gouvernementaux et des experts de la société civile les meilleures options pour faire face à ces tensions découlant des traités. Les résultats sont présentés dans un rapport récent intitulé Balancing Treaty Stability and Change, qui a été présenté en mars à la Commission des stupéfiants de l’ONU à Vienne.

J’aimerais que l’ensemble du rapport soit transmis au comité. J’ai quelques exemplaires papier pour ceux qui seraient intéressés.

J’ai pris connaissance des délibérations de votre comité à ce jour. Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit, par conséquent, permettez-moi de faire un survol de certains éléments clés de notre rapport qui n’ont pas reçu beaucoup d’attention jusqu’à maintenant dans vos délibérations.

D’abord, l’inclusion du cannabis, mais également de la feuille de coca dans les annexes visant les contrôles les plus stricts a été une erreur historique qui a affaibli et délégitimisé l’ensemble du système. Il est grand temps de réparer ces erreurs et de réorienter les priorités pour que le système soit plus approprié et axé sur des données probantes .

Le processus de préexamen du cannabis qui a actuellement lieu à l’Organisation mondiale de la Santé est un pas dans la bonne direction. Le comité d’experts sur la dépendance aux drogues de l’OMS est mandaté par les traités de faire des recommandations sur les substances devant figurer sur la liste, mais jamais auparavant n’a-t-on examiné la classification actuelle du cannabis, qui a été essentiellement un copier-coller des traités d’avant-guerre dans la convention unique.

En juin, le comité d’experts se réunira pour discuter des objectifs des examens préalables et s’engagera sans doute à entreprendre un examen essentiel et à formuler des recommandations sur le changement des annexes.

Deuxièmement, de plus en plus de pays se dirigent vers un cadre de réglementation légale du marché du cannabis. Cette tendance se constate surtout dans les Amériques, dans les États américains, au Canada, en Uruguay et dans divers pays des Caraïbes, comme la Jamaïque et Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

Cette tendance se dessine aussi en Europe, où des pays comme les Pays-Bas, la Suisse, l’Espagne et l’Allemagne sont près d’une solution, tout comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie. D’autres pays d’Afrique et d’Asie comme le Maroc, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, le Myanmar et l’Inde suivent également ce dossier avec intérêt. Notre institut participe activement au dialogue dans tous ces pays.

L’atteinte d’un nouveau consensus mondial pour réviser ou modifier la Convention des Nations Unies sur le contrôle des drogues ne semble être une option politique viable dans un avenir prévisible.

Comme l’ont démontré la session extraordinaire des Nations Unies sur les drogues en 2016, l’UNGASS, et la dernière commission sur les stupéfiants à Vienne, il n’existe aucun consensus mondial sur la politique en matière de drogues, et la situation semble sans issue.

Troisièmement, la nature du régime de contrôle des drogues limite les avenues formelles dont disposent les États pour faire évoluer les traités ou les moderniser par une approche consensuelle. Les États comme le Canada qui veulent réformer le régime doivent respectueusement refuser de s’y conformer de façon temporaire ou prendre des mesures extraordinaires, comme la Bolivie qui s’est retirée du régime avant d’y réadhérer avec une nouvelle réserve. Notre institut a également été étroitement lié à ce processus.

Quatrièmement, l’option de modification inter se, reconnue à l’article 41 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a été conçue justement pour trouver un équilibre entre la stabilité des régimes découlant de traités et l’obligation de changement en l’absence de consensus. Cette option semble représenter une solution utile à la paralysie du régime actuel de contrôle des drogues.

Cinquièmement, un accord inter se sur la réglementation du cannabis permettrait à un groupe de pays de modifier certaines dispositions du traité entre eux tout en maintenant un engagement clair envers le but original du traité qui est de promouvoir la santé et le bien-être de l’être humain, et envers les obligations du traité original face aux pays qui ne sont pas partie à l’accord inter se.

Sixièmement, un accord de modification inter se donnerait l’occasion d’expérimenter et d’apprendre de différents modèles de réglementation, offrirait la possibilité de faire du commerce international entre les États ayant des marchés du cannabis réglementés, et permettrait aux petits exploitants dans les pays du Sud traditionnellement producteurs d’approvisionner les nouveaux espaces réglementés et licites sur le marché mondial.

Lorsque l’option inter se a été soulevée de séances antérieures du comité, on a dit que ce mécanisme n’était prévu que pour les pays qui voulaient s’entendre sur des règles plus sévères que celles qui se retrouvaient dans les traités. Il ne s’agissait pas de réduire les obligations au titre des traités.

Comme nous l’expliquons en détail dans notre rapport, il ne fait aucun doute que la modification inter se peut être appliquée par un groupe de pays afin de déroger à certaines dispositions du traité.

La Commission du droit international des Nations Unies a discuté de cette question en détail et a conclu que, dans ce cas-ci, les mêmes règles s’appliquent pour un accord inter se que pour une réserve. C’est-à-dire que cela ne devrait pas avoir une incidence sur les droits des autres parties et que, et je cite « cela n’est pas lié à une disposition ou à une dérogation qui est incompatible avec la réalisation efficace de l’objectif du traité ».

Je serai ravi de parler des détails juridiques durant la période des questions. J’aimerais terminer en abordant deux points importants concernant la question de savoir si l’accord inter se pour déroger aux dispositions de traités portant précisément sur le cannabis serait admissible au titre des conditions stipulées dans l’article 41.

Tout d’abord, tout dépend de la nature du traité. Par exemple, l’interdiction de la torture en application du droit international est un principe absolu. Y déroger par le truchement d’une réserve ou d’une modification inter se n’est bien sûr pas permis.

De même, un accord inter se dérogeant des dispositions d’un traité sur le désarmement nucléaire serait illégal, car cela minerait nécessairement les droits des autres parties. Voilà un exemple où seules des règles plus strictes par l’intermédiaire d’une modification inter se seraient légales. Par exemple, l’établissement de zones dénucléarisées dans quelques pays.

Il existe toutefois plus de marge de manœuvre pour les traités où l’incidence d’une modification entre deux ou plusieurs parties inter se peut se limiter à ces parties et n’a pas d’effet immédiat sur les droits des autres parties ou sur l’objectif de l’ensemble du traité.

La Convention unique de 1961, qui comportait une dimension morale, a peut-être tenté d’élever la politique de l’interdiction de drogues au titre de principe absolu. Par contre, cet argument n’est pas viable étant donné que le principe ne s’applique pas à bon nombre de substances psychoactives, dont l’alcool.

Cela m’amène à mon deuxième point qui porte sur l’acceptabilité d’une entente inter se sur le cannabis. Une majorité de pays, du moins à court terme, maintiendra un régime d’interdiction stricte pour le cannabis. Alors dans quelle mesure leurs droits seront-ils immédiatement violés si un groupe de pays décide d’en faire autrement?

Évidemment, les pays qui adopteront une réglementation promettront dans leur accord inter se de collaborer pour éviter toute fuite vers les pays où le cannabis restera interdit.

En pratique, il existe très peu d’exemples qui démontrent la possibilité d’une coexistence pacifique entre des régimes de contrôle d’une même substance qui sont fondamentalement différents.

La dérogation bolivienne de certaines obligations de traités pour la feuille de coca ne semble pas avoir eu de conséquences graves sur les droits d’autres parties.

D’autres plantes psychoactives telles le khât, la kratom et l’éphédra ne sont nullement visées par les conventions des Nations Unies et sont assujetties à des contrôles et à des interdictions nationaux qui varient grandement.

Dans le cas du cannabis, il est permis au titre de traités depuis bon nombre d’années sur le marché légal du cannabis à des fins médicales. En pratique, toutefois, le cannabis demeure strictement interdit dans la plupart des régions du monde.

L’essor rapide du marché du cannabis à des fins médicales s’est fait sans avoir de trop grandes répercussions dans les pays où la substance est toujours interdite. Pourquoi la situation serait-elle différente maintenant avec l’émergence du marché légal à des fins non médicales dans plusieurs pays si le marché est réglementé de façon stricte, comme le projet de loi C-45 entend le faire?

Manifestement, le système international de contrôle des drogues ne parvient pas à empêcher le trafic international illégal de cannabis malgré l’interdiction presque universelle de cette substance. Un marché réglementé et légal rigoureusement contrôlé sera probablement plus efficace pour prévenir l’exportation illégale de cannabis. Même si un marché réglementé légal peut paraître contre-intuitif pour certains, il pourrait profiter aux pays qui ne sont pas partie à l’accord au lieu de leur nuire.

Il y aura bien sûr de l’opposition, et certains États remettront en question la légalité du mécanisme, comme ce fut le cas pour la réserve bolivienne sur la feuille de coca. À l’époque, 18 pays, y compris le Canada, ont soulevé des objections, et j’espère que le gouvernement corrigera cela en retirant l’objection officielle du Canada contre la Bolivie. Il devrait le faire non seulement pour ouvrir la voie à une exemption future similaire pour le cannabis, mais aussi par respect pour les droits des Autochtones.

En terminant, nous avons consulté des avocats spécialisés en traités internationaux, et il semble que la modification inter se est une soupape de sécurité légitime. Étant donné les circonstances actuelles, il s’agit peut-être de la meilleure option pour un groupe de pays de déroger de façon collective à certaines dispositions du traité sur le cannabis.

J’espère donc que votre comité envisagera la légitimité de cette option pour permettre au Canada de résoudre le conflit avec ses obligations internationales, et que dans votre rapport, vous recommanderez au gouvernement d’envisager cette possibilité de concert avec un nombre croissant de pays qui ont des vues similaires aux vôtres et qui sont confrontés au même dilemme.

Je vous remercie de votre attention.

La sénatrice Ataullahjan : Merci de votre présentation.

Avec la promulgation de cette loi, même si nous contreviendrons aux conventions des Nations Unies sur le contrôle des drogues, croyez-vous que des sanctions pourraient nous être imposées?

Hier, un témoin a suggéré que nous devrions peut-être adopter le projet de loi, mais faire en sorte que la loi entre en vigueur plus tard pour nous donner le temps de résoudre quelques problèmes. Êtes-vous d’accord avec cette idée?

M. Jelsma : Merci de votre question.

Je vais commencer avec la question sur la possibilité d’imposer des sanctions. Au sein du système de contrôle de l’ONU, il existe l’Organe international de contrôle des stupéfiants, l’OICS, qui a le mandat de surveiller la conformité avec les traités. Il dispose de mécanismes de sanctions qui peuvent être imposées dans les cas extrêmes, mais cela n’est jamais arrivé.

Cela entrerait également en conflit avec les autres objectifs du système de traités, c’est-à-dire qu’il faut fournir une disponibilité suffisante des substances contrôlées à des fins médicales car, en théorie, le mécanisme de sanctions pourrait limiter la possibilité d’octroyer des permis d’exportation et d’importation pour les substances contrôlées à un pays qui serait en violation flagrante du traité.

Je peux vous assurer que cela n’arrivera pas. Ce n’est pas arrivé dans le cas de l’Uruguay. J’ai eu plusieurs discussions avec des membres de l’OICS, et l’organe commence à repenser son propre rôle dans ce processus. Les membres de cet organe voient bien que cette tendance se poursuivra. Il faut donc trouver une façon de faciliter cette tendance tout en protégeant le système des traités pour s’assurer qu’il ne s’effrite pas.

Au lieu, comme ils l’ont fait à ce jour, de se borner à condamner des pays ayant manqué à certaines obligations, ils envisagent aussi la possibilité de jouer un rôle de facilitateur et de discuter de la façon d’apaiser pareilles tensions relatives aux traités.

Il m’apparaît donc important que, le mois prochain, pour la première fois de l’histoire de l’OICS, ils ont convoqué des représentants spécialistes de la société civile à une séance publique pour discuter précisément de la réglementation en matière de cannabis.

C’est, selon moi, un signe positif.

M. Walsh : En ce qui concerne les sanctions, j’ajouterais que, par le passé, ce sont les pays puissants, comme les États-Unis, qui ont exercé des pressions et menacé d’imposer des sanctions aux pays qui auraient voulu s’éloigner des exigences des traités.

Les autres États comme, par exemple, les Pays-Bas qui envisageaient de s’écarter des traités en matière de cannabis ont fait marche arrière par crainte de ce que diraient les États-Unis. Il faut comprendre que, dorénavant, les États-Unis ne sont plus en mesure de menacer les pays qui ne respecteraient plus intégralement les conventions sur le cannabis.

Selon l’OICS, c’est parce que des États américains réglementent maintenant le cannabis et que, en conséquence, le gouvernement fédéral américain ne se conforme plus aux traités sur les drogues.

Si les États-Unis le souhaitaient, ils ne pourraient plus exercer des pressions sur les pays qui envisagent de faire ce que certains États américains font déjà.

Pour ce qui est de savoir si le Canada voudrait adopter une loi et remettre à plus tard sa mise en œuvre, du point de vue de l’application du traité, je ne crois pas que cela soit nécessaire.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup. C’est très intéressant. Je n’ai pas encore terminé la lecture du plus récent rapport, mais déjà, je trouve que certaines recommandations en matière de politique sont très intéressantes. Je vous en remercie.

Hier, nous avons entendu le témoignage de M. Rolles, du Royaume-Uni. Il a déclaré que l’approche proposée par le Canada pourrait l’amener à enfreindre certaines obligations dans les conventions onusiennes sur les droits. Il a dit :

Du point de vue juridique, c’est la réalité. Il est préférable d’être honnête et de reconnaître que le Canada ne se conformera plus que partiellement aux conventions plutôt que de se cacher derrière des arguments juridiques douteux pour permettre la légalisation et la réglementation du cannabis, comme certains représentants américains qui prétendent que les traités portent une marge de manœuvre suffisante pour permettre la légalisation, ce qui n’est pas le cas.

Dans la préface du rapport Balancing Treaty Stability and Change dont vous êtes tous les deux auteurs, vous dites au sujet des nombreux pays qui se dirigent vers la légalisation :

En prévision de la réglementation du cannabis par un nombre croissant de pays même si cela viole les traités sur les drogues, les gouvernements et le système onusien devraient examiner attentivement les façons de gérer ces changements de politiques afin de renforcer les piliers de l’ONU, soit la paix et la sécurité, les droits de la personne, le développement et la primauté du droit, et de moderniser le régime des traités sur les drogues.

Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Hier, on nous a dit que le Canada devrait être un chef de file dans ce dossier. Que devrions-nous faire relativement à ces changements de politiques et de lois?

M. Jelsma : Merci. C’est en effet un des principaux enjeux. Je suis entièrement d’accord avec ce que Steve Rolles a dit hier, soit que la solution d’opter pour la réinterprétation désordonnée des traités n’est pas la bonne. Ce serait nier l’évidence et, selon moi, manquer de respect pour le droit international.

Devant ce dilemme auquel fait face la communauté internationale, les Américains et d’autres ont fait des suggestions en ce sens. Il est si difficile de modifier ces traités que la plupart des pays préfèrent éviter toute discussion en ce sens. Ils préfèrent chercher des façons créatives de réinterpréter les traités et faire fi de la réalité et de la nécessité de trouver de véritables solutions qui respectent le droit international.

En ce qui concerne le leadership du Canada et, de façon générale, la possibilité de faire progresser le régime onusien de contrôle des drogues vers une meilleure protection des droits de la personne, la santé, la paix, et cetera, la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies à laquelle nous avons tous les deux participé a donné lieu à des progrès prometteurs. Le discours a déjà nettement changé, comme on peut le constater dans le rapport de l’UNGASS de 2016, qui insiste plus que toute autre déclaration politique précédente sur l’importance de respecter pleinement les obligations en matière des droits de la personne dans les domaines comme le contrôle des drogues.

Il y est aussi question de l’adaptation des mécanismes de contrôle des drogues aux objectifs de développement durable. Bien sûr, c’est ce qui encadre tout ce que fait la communauté internationale à l’heure actuelle. On s’interroge sur la façon dont le régime actuel de contrôle des drogues peut contribuer à la réalisation des cibles de développement durable et sur les conflits possibles pouvant empêcher l’atteinte de ces cibles d’ici 2030.

Le Canada joue déjà un rôle actif dans les discussions internationales qui se tiennent à l’ONU, mais il pourrait en faire plus. La Commission des stupéfiants de l’ONU mène actuellement un examen d’ensemble en prévision de l’échéance de la déclaration politique de 2009, en 2019. Le plan décennal sera alors évalué et, déjà, la façon d’organiser cette évaluation qui se fera l’an prochain suscite des tensions.

Il est crucial de participer activement à ces discussions, car il y a une réorientation à l’ONU aussi. Le Canada pourrait de plus explorer plus précisément le dossier du cannabis avec les pays qui s’interrogent sur ces questions, amorcer des consultations officieuses sur ce qu’envisagent les autres pays et élaborer des pistes de solutions avec les États aux vues semblables.

M. Walsh : Très brièvement, grâce au Canada, même sur les tribunes multilatérales, on ne peut plus jouer à l’autruche dans le dossier de la réglementation du cannabis. Le Canada est le premier pays du G7 à le faire en vertu d’un mandat démocratique, ce qui lui confère un grand avantage dans les discussions sur les droits de la personne, la santé, la sécurité et la démocratie. Je crois que le point de vue du Canada sera bien accueilli et encouragera bien d’autres pays à participer à la discussion.

Le sénateur Massicotte : Merci à vous deux d’être venus.

Permettez-moi de résumer vos témoignages afin qu’il soit bien clair aux fins du compte rendu. Tout d’abord, vous êtes tous les deux pour la décriminalisation de la marijuana, n’est-ce pas? Ou de sa légalisation. Vous estimez tous les deux que le projet de loi enfreint nos obligations découlant de traités. Est-ce exact?

M. Jelsma : Oui.

Le sénateur Massicotte : Néanmoins, pour toutes les raisons que vous avez données, le projet de loi devrait être adopté, n’est-ce pas?

Cela dit, si je vous ai bien compris, il est fort peu probable que nous fassions l’objet de sanctions directes de la part d’autres pays. Par ailleurs, et cela va un peu à l’encontre de la position adoptée par les représentants du Canada qui est essentiellement de ne rien faire, vous estimez que nous devrions expliquer de façon plus proactive les arguments moraux ou liés à la santé qui motivent notre décision.

Monsieur Jelsma, en particulier, vous insistez sur l’approche inter se. Ce que vous dites, en fait, c’est : « Canada, ne restez pas là à ne rien faire et agissez, à tout le moins, faites bonne figure, en quelque sorte, pour vous assurer que les gens comprennent que vous êtes responsable, même si vos actes vont à l’encontre d’une obligation qui vous incombe en vertu du traité. » Est-ce que cela résume bien ce que j’ai entendu?

M. Walsh : Je le pense, oui. Je préciserais toutefois, au sujet du dernier élément, que nous estimons que le Canada exprime déjà clairement le raisonnement de ce changement de politique. Depuis le tout début, lors de la réunion de la Commission des stupéfiants à Vienne et de l’UNGASS, le motif de ce changement de politique était très clair.

Je pense aussi avoir compris de ce que disait le gouvernement qu’il n’y a pas pour l’instant de plan d’action en ce qui concerne les traités. À notre avis, il n’y a pas d’urgence pour le Canada. Ce qui compte, c’est de nous assurer de faire les choses comme il se doit, et de veiller à ce que les autres pays sachent que le Canada étudie les options, et qu’il ne suffit pas simplement de reconnaître qu’il y a non-conformité et de penser que la question est réglée.

Je pense que le Canada devrait, de bonne foi, faire passer le message qu’il étudie les possibilités, mais il n’a aucune obligation, je pense, de dire aux autres pays quelles sont ces possibilités tant qu’il ne sera pas prêt à passer à l’action.

Le sénateur Massicotte : J’aime bien ce résumé.

Aussi, en ce qui concerne les diverses options, vous semblez en écarter quatre ou cinq. Vous écartez l’idée de l’adhésion et du retrait, ou du retrait et de la réintégration. Un pays l’a déjà fait, où il s’est retiré, puis est revenu avec une réserve. Vous ne recommandez pas cela. Vous ne recommandez pas non plus, à ce que j’ai compris, l’autre choix, qui consiste en gros à négocier la liste des drogues incluses. Je crois cependant que vous avez tous les deux reconnu que c’est une bonne idée, qui prendrait de nombreuses années à se concrétiser, je le soupçonne, compte tenu de la prépondérance des pays beaucoup plus conservateurs. C’est d’ailleurs pourquoi vous n’obtiendrez probablement pas de consensus sur ce point. J’en conclus que c’est pourquoi vous aimez bien l’approche inter se, qui permet une approche qui, bien qu’elle soit fragmentée, est bien ancrée sur le plan moral. Est-ce là encore une fois un bon résumé?

M. Jelsma : Oui, l’approche inter se est non seulement appropriée sur le plan moral, mais c’est aussi une procédure juridique qui, de fait, permettrait de résoudre le conflit juridique en ce qui concerne les traités. De plus, c’est une démarche beaucoup plus coordonnée, ce qui présente un avantage comparativement au retrait unilatéral suivi d’une nouvelle adhésion avec réserve, qui est tout de même une possibilité pour le Canada.

Le sénateur Massicotte : Dans cette approche inter se, combien de pays faut-il pour avoir une certaine crédibilité, ou pour obtenir des résultats? Est-ce une majorité, ou simplement un bon nombre?

M. Jelsma : La façon de procéder, c’est que deux ou plusieurs pays peuvent s’entendre pour modifier certaines dispositions du traité. La procédure sur les objections que peuvent invoquer d’autres pays est un peu moins claire que celle qui a trait aux réserves.

Dans le cas des réserves, il est clair, à tout le moins à la lumière de la Convention unique de 1961, que d’autres pays ont un an pour faire objection à une réserve formulée, comme l’a fait le Canada avec la Bolivie, et s’il y a plus d’un tiers des signataires du traité, ce qui, dans le cas de la convention unique, revient à peu près à 62 pays, qui y font objection, la réserve est déclarée contraire à la loi.

Dans le cas de la Bolivie, il n’y en a eu que 18, donc loin du seuil. Donc, dans ce sens-là, cela a créé un précédent juridique, ce qui en fait une option possible, en principe, pour le Canada dans le cas du cannabis.

L’avantage de l’approche inter se, c’est que, d’un côté, il est encore plus difficile aux autres pays de formuler une objection, de bloquer les progrès ou de déclarer l’accord inter se illégal. L’avantage, je pense, pour le système mondial des contrôles, c’est que cela éviterait un scénario plus chaotique où tous les pays tenteraient unilatéralement de trouver une solution.

Le sénateur Massicotte : Ai-je raison de penser, toutefois — et je pense que nous avons très bien compris, et que votre document de position est très clair — que les Canadiens devraient s’attendre à ce que, quoi que nous fassions pour l’éviter, nous serons probablement en contravention des traités pendant de nombreuses années, probablement au moins 10 ans. Est-ce exact?

M. Jelsma : Non, actuellement, un accord inter se pourrait être conclu avec un groupe de pays et, dès lors, le Canada ne serait plus en contravention des traités. Cela dépend, donc.

Le sénateur Massicotte : Vous pensez donc que c’est une simple formalité?

M. Jelsma : Cette mesure a l’effet d’une réserve collective.

Le sénateur Massicotte : Si c’est tellement facile, pourquoi le gouvernement du Canada ne dit-il tout simplement pas que c’est ce qu’il compte faire?

M. Jelsma : La procédure n’est pas souvent employée et, pour cela, elle est contestée, mais elle est précisément conçue dans l’optique d’éventuelles paralysies entourant les traités internationaux.

Nous pensons effectivement que c’est probablement la meilleure solution sur laquelle on pourrait commencer à travailler dès maintenant. Elle exige une consultation attentive des autres parties parce que c’est un peu comme négocier un petit traité pour préciser les dispositions qui ne s’appliquent plus à ce groupe de pays, mais aussi pour indiquer aux autres parties et leur promettre qu’il s’acquittera de ses obligations à l’égard des autres pays qui ne sont pas parties à l’accord inter se.

Le sénateur Massicotte : Je pense que votre point de vue est très clair.

Le sénateur Oh : Je vous remercie pour vos exposés.

Messieurs, vous êtes experts des politiques internationales en matière de drogues. La Patriot Act des États-Unis ne permet pas aux banques de servir des comptes liés aux substances, dont le cannabis à des fins récréatives, y compris les banques non américaines qui ont des comptes interbancaires aux États-Unis. C’est pourquoi les banques de l’Uruguay ont fermé les comptes d’entreprises qui vendaient du cannabis légalement après la légalisation du cannabis en Uruguay.

Est-ce que les banques canadiennes pourraient en faire autant, c’est-à-dire fermer les comptes d’entreprises canadiennes liées à la fabrication, à l’importation, à la vente ou à la distribution illégales de cannabis à usage récréatif si le projet de loi C-45 était adopté.

M. Walsh : En théorie, c’est une question de gestion des risques et les diverses institutions bancaires canadiennes ont probablement chacune leur propre niveau de tolérance aux risques.

L’envergure du secteur canadien du cannabis, comparativement à celui de l’Uruguay, et l’autonomie et l’indépendance relative des services financiers canadiens en regard du pouvoir de leurs homologues bancaires américains sont des facteurs d’importance. À la lumière de ce que les Canadiens ont constaté en Uruguay et de la façon dont le secteur des services financiers du Canada a pu composer avec le cannabis à usage médical et s’y adapter d’une manière qui n’a jamais été à la portée de l’Uruguay, j’ai l’impression qu’une fois que le cannabis à usage non médical sera devenu légal en ligne, les institutions canadiennes sauront travailler avec le secteur non médical sans contrevenir à la Patriot Act ou aux lois bancaires des États-Unis en général.

C’est ce que je pense personnellement. Ce n’est pas dire que la légalisation au Canada ne fera pas sans accrocs, mais je soupçonne que bon nombre des grandes institutions canadiennes vont trouver le moyen de servir le secteur canadien du cannabis à usage non médical.

Le sénateur Oh : Je vous remercie.

La sénatrice Saint-Germain : Avant de poser ma question, je tiens à vous remercier pour votre exposé très intéressant.

[Français]

Je veux revenir au cœur de la décision que nous avons à prendre, comme comité, et de ce que nous devons examiner. Le projet de loi C-45 concerne notamment le respect de trois conventions des Nations Unies relatives à la lutte contre les drogues et vise à assurer le bien-être et la santé de l’humanité.

Vous avez dit, monsieur Walsh — et d’autres témoins l’ont dit auparavant —, que l’inclusion du cannabis dans les tableaux de la convention sur les drogues est une erreur historique. En outre, vous nous avez tous les deux proposé deux options : premièrement, celle de reconnaître la non-conformité en donnant les explications des motifs de sécurité et de santé publique; deuxièmement, l’option inter se qui est plutôt liée à une solution à plus long terme.

Je mets tout cela en lien avec le contexte où un nombre croissant de pays, y compris les États-Unis, souhaitent traiter autrement la lutte contre le trafic illégal et la consommation illicite de substances, y compris le cannabis. Ma question est liée au traité international : n’avons-nous pas là une occasion, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies et avec l’appui d’un nombre croissant de pays qui souhaitent lutter autrement contre le trafic illicite de drogues, pour des motifs notamment de santé et de sécurité publique, d’actualiser le droit international et de faire en sorte que les traités permettent aux États de contribuer davantage aux enjeux contemporains de santé et de sécurité publique?

[Traduction]

M. Jelsma : C’est une importante question. La difficulté vient du fait que ce type de modernisation du régime lui-même exige plus ou moins un consentement unanime.

Donc, bien qu’un nombre croissant de pays changent, c’est vrai, leurs perceptions en ce qui a trait à la politique relative aux drogues en général, non seulement au cannabis, on observe clairement une tendance chez un nombre croissant de pays qui veulent faire cela. Ce qui est néanmoins apparu clairement, lors de réunions de l’UNGASS et de la Commission des stupéfiants, c’est qu’à l’autre extrémité du spectre il se trouve un groupe bien organisé de pays qui exprime clairement son refus de tout changement, particulièrement dans la structure des traités. Et cela comprend la Russie, la Chine, le Japon et certains pays de l’Europe. Cependant, ces pays forment le noyau du bloc, auxquels s’ajoutent plusieurs pays du Moyen-Orient, comme l’Iran et l’Égypte, qui participent déjà à ces débats. Ils manifestent très clairement leur intention de bloquer toute « flexibilisation » du régime lui-même.

C’est une question à laquelle je n’ai pas encore répondu. Il est possible de reclassifier le cannabis dans les traités. D’ailleurs, cette procédure est déjà entamée dans le cadre du processus de révision de l’OMS, et elle est prometteuse.

Cette procédure a, entre autres, pour avantage de ne pas exiger un consentement unanime. L’OMS recommande à la Commission des stupéfiants certaines propositions de reclassification, puis le vote revient à la commission.

Dans le cas de la convention de 1961, une simple majorité suffit pour approuver les recommandations de l’OMS. Pour ce qui de la convention de 1971, c’est plutôt une majorité des deux tiers.

J’ai certaines attentes par rapport au processus de révision de l’OMS. Selon moi, l’OMS va assurément recommander de retirer le cannabis de l’annexe IV, qui est la plus stricte de la convention de 1961. L’OMS va aussi probablement recommander de le retirer de l’annexe I et peut-être de l’inscrire à l’annexe II.

Il est peu probable que l’OMS ose proposer le retrait du cannabis de toutes les annexes. Ce n’est pas certain que la majorité de la Commission des stupéfiants voterait même en faveur du retrait du cannabis de l’annexe IV et de sa déclassification. Ce serait un message très fort de la part de l’OMS, à savoir qu’il est grand temps d’avoir une autre approche face au cannabis. Cela étant dit, la majorité des membres de la Commission des stupéfiants voteraient-ils en faveur de cette proposition? Ce n’est pas certain.

La sénatrice Cools : J’aimerais remercier les témoins pour leur présence au comité. Leurs témoignages sont très perspicaces.

Tout d’abord, madame la présidente, je voudrais vous remercier pour votre persévérance et votre ténacité, ce qui nous permet d’étudier ce projet de loi de façon approfondie et adéquate. Je crois que ce projet de loi représente un énorme dilemme moral que nous n’avons pas encore abordé à titre de comité. La question est de savoir si le gouvernement a la responsabilité de rendre les psychotropes et les stupéfiants disponibles pour certaines personnes ou même pour tous.

J’ai beaucoup lu au sujet du développement de la gouvernance, des gouvernements et des principes à ce sujet, mais je ne connais aucun principe du genre.

Vos témoignages furent exceptionnels, messieurs. Cela dit, je demeure non convaincue que la décriminalisation et la légalisation de la marijuana sont souhaitées ou même souhaitable au Canada. Le gouvernement n’a donc pas encore réussi à me convaincre. Cela prendrait un miracle pour me convaincre dans les prochains jours, mais je ne crois pas que cela se produise.

Pourriez-vous nous parler des enjeux moraux liés à ce sujet? Je suis certes une femme plus âgée aujourd’hui, mais je connais des familles qui ont de jeunes adolescents d’environ 14 ans et qui me disent que ces drogues sont partout dans les écoles et qu’il leur faut surveiller leurs enfants tous les jours afin qu’ils n’accèdent pas à ces drogues, car ceux qui font rentrer de la drogue dans les écoles savent très bien quoi faire.

Ce projet de loi me trouble énormément. Je crois que nous devrions nous tourmenter davantage à cet égard, car c’est un enjeu extrêmement sérieux. Je ne suis pas certaine que la position du gouvernement du Canada soit positive. En fait, je suis persuadée du contraire.

La présidente : Peut-être voulez-vous répondre à cette question. Nous sommes ici pour connaître votre opinion d’experts. C’est à vous de décider si vous désirez répondre à une question personnelle ou non.

J’aimerais seulement vous signaler que nous avons dépassé le temps prévu. Si vous désirez répondre à la question, pouvez-vous le faire brièvement? Il est souvent très difficile de répondre rapidement à des questions d’ordre moral.

M. Walsh : Merci pour la question. Je crois que les choix concernant les politiques en matière de drogue sont des choix d’ordre moral. Ce qui est évident, c’est que des substances psychotropes de toutes sortes sont déjà largement accessibles un peu partout dans le monde, y compris au Canada. Le gouvernement n’a pas de choix à faire à cet égard, car ces drogues sont disponibles presque partout dans l’illégalité, ce qui cause toutes sortes de torts supplémentaires, en plus du risque réel relié à la consommation de drogues.

Je ne crois pas que le choix du gouvernement d’opter pour la réglementation légale a à voir avec la libéralisation des drogues, tant et aussi longtemps qu’il existe des règles strictes, surtout pour empêcher l’accès à ces drogues à ceux qui ne devraient pas encore y accéder, car ils sont jeunes. La réglementation légale est la responsabilité du gouvernement de protéger ces citoyens contre ce qui peut leur causer du tort, mais qui est utilisée par bien des personnes de façon responsable. Il est toujours question d’équilibre en ce qui a trait aux politiques en matière de drogue. Je crois qu’on n’arrêtera jamais d’en parler. C’est un enjeu fondamentalement moral pour presque toutes les parties concernées.

Selon moi, la réglementation légale est responsable. C’est une réponse éthique et morale à un problème qui ne sera jamais résolu, à un dilemme qui existera toujours, mais qui peut être géré d’une manière positive ou négative.

Je suis convaincu qu’une approche réglementaire est une approche préférable à celle de simplement laisser le marché entre les mains des criminels.

La présidente : Merci. Nous avons couvert beaucoup de sujets.

Monsieur Jelsma, vous avez été expert-conseil en Bolivie. La Bolivie a décidé de se retirer de la convention, de changer sa constitution et d’émettre une réserve, si je ne m’abuse.

Vous avez beaucoup parlé d’accords inter se aujourd’hui. Avez-vous envisagé cette option en Bolivie?

M. Jelsma : La différence, pour ce qui est de la Bolivie, c’est qu’à l’époque, aucun autre pays ne faisait de même. La Bolivie a effectué des changements constitutionnels d’abord. C’était obligatoire pour la Bolivie. Dans la loi approuvant la nouvelle constitution, il fut également décidé d’harmoniser les obligations internationales du pays avec la nouvelle constitution. La nouvelle constitution prévoit le respect des traditions reliées aux feuilles de coca.

Nous sommes en train d’envisager un accord inter se au sujet du coca, car la difficulté maintenant que la situation est réglée en Bolivie et que le commerce international des produits naturels de feuilles de coca est interdit. Un accord inter se permettrait de régler le problème de la Bolivie.

La présidente : Merci à vous deux d’être venus nous donner vos points de vue. Voilà exactement ce que nous recherchions. De nombreux témoins nous ont parlé des conséquences potentielles reliées à l’adoption du projet de loi C-45. C’est ce que vous venez de faire.

Merci pour vos mémoires et vos réponses aux questions des sénateurs.

Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude sur le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

Nous recevons aujourd’hui Mme Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale chez REAL Women of Canada. Mme Landolt est accompagnée de Mme Diane Watts, recherchiste.

Merci d’avoir accepté notre invitation. Comme je l’ai déjà dit à nos témoins, nous aimerions que vos propos liminaires soient brefs. Après vos exposés, nous aurons une période de questions. J’aimerais rappeler aux sénateurs que nous désirons avoir une courte réunion à huis clos après les témoignages.

Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale, REAL Women of Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. C’est un immense privilège d’être parmi vous afin de parler d’un sujet qui préoccupe grandement tout le monde au Canada, hommes, femmes et enfants, et des conséquences, pas seulement pour les Canadiens, mais aussi à l’échelle internationale.

Le Canada a ratifié trois traités des Nations Unies sur le contrôle des drogues, qui exigent la criminalisation de la production et de la distribution de la marijuana.

Le Canada a aussi ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. L’article 33 de cette convention stipule que les enfants doivent être protégés des drogues illicites et ne pas être utilisés dans la production et le trafic de drogues.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant fut confirmée et approuvée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève au mois de mars 2013. À l’époque, le conseil a fait précisément référence au caractère important de l’article 33 en matière de protection des enfants. Les trois conventions des Nations Unies en matière de contrôle des drogues ont été examinées en avril 2016 par les Nations Unies, pour la première fois en 20 ans. Les leaders mondiaux présents à la réunion ont encore une fois confirmé et approuvé la convention.

De plus, l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies tient des rencontres à Vienne chaque année dans lesquelles ils font l’examen des drogues. Pour les leaders internationaux, les traités sur les drogues sont donc bien mis à jour. Ils sont tous d’accord avec ces traités. Il semble que ce soit presque unanime, avec une ou deux exceptions, et une d’entre elles, bien sûr, est l’Uruguay. Toutefois, il semble que ces traités soient bien soutenus par les leaders internationaux.

Une de nos préoccupations par rapport au projet de loi C-45 se trouve dans les articles 8 et 9, où l’on parle de ce qui se passe avec les personnes entre 12 et 18 ans. Elles ont le droit de posséder, de distribuer ou de partager 5 grammes de marijuana, ou 10 joints. Cela contrevient complètement à la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies.

De la même façon, l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies a écrit dans son rapport annuel de 2017 que le projet de loi C-45 du Canada était incompatible avec l’obligation qu’a assumée le Canada avec les traités de contrôle des drogues.

Selon les termes des traités, le Canada doit donner 12 mois de préavis s’il se retire, mais cela n’a pas été le cas.

De plus, concernant l’article 41 de la Convention des Nations Unies sur le droit des traités, on stipule qu’on ne peut permettre un accord que si cet accord ne fait pas déroger de l’objet et de l’intention du traité.

Le Canada ne peut donc pas affirmer qu’il n’est pas en contravention des traités sur les drogues, ainsi que de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. On ne peut pas échapper au traité sur les drogues des Nations Unies parce qu’on ne peut pas changer l’objet et l’intention d’un traité. Même si deux pays essayaient de les modifier, ce serait très difficile à accomplir.

En 2013, l’Uruguay a été le premier pays à réglementer la marijuana au niveau national. Sa réglementation est beaucoup plus restrictive que ce qui se trouve dans le projet de loi C-45.

En Uruguay, le gouvernement est le seul fournisseur de marijuana, imposant ainsi des limites à la façon dont elle est vendue. Seuls les citoyens et les résidents permanents peuvent participer au programme de marijuana en Uruguay, et ils doivent s’inscrire auprès du gouvernement pour pouvoir en acheter. Les particuliers en Uruguay doivent se limiter à une quantité de 480 grammes, quantité qui peut être obtenue seulement auprès de pharmacies autorisées.

La conséquence inattendue de la législation sur la marijuana en Uruguay est que le gouvernement américain a invoqué la Patriot Act qui empêche les banques américaines de gérer des fonds pour les distributeurs de marijuana. Donc, les banques internationales, celles avec un siège principal aux États-Unis comme la Citibank et les banques européennes comme Santander, ont empêché leurs succursales uruguayennes d’offrir des services aux distributeurs de marijuana.

Initialement, 13 pharmacies étaient d’accord pour distribuer la marijuana. À cause de la Patriot Act, ce nombre a été réduit à quatre pharmacies, et ces pharmacies ne peuvent effectuer des ventes de marijuana qu’en argent comptant; elles ne peuvent pas utiliser de cartes de crédit. On limite la distribution en Uruguay, parce que ce pays se retrouve maintenant coupé de tout le marché des services financiers, et chaque entreprise associée avec le nouveau marché de la marijuana légale risque de contrevenir aux lois sur les drogues américaines et d’ainsi perdre l’accès aux banques américaines et aux transactions en dollars américains.

Il ne fait aucun doute que le Canada fera face à de tels problèmes concernant la Patriot Act. Le président Obama ne s’est pas attardé au développement de l’utilisation de la marijuana dans les États, mais sous le président Trump, l’administration actuelle s’inquiète beaucoup de l’utilisation de la marijuana. Il a invoqué la Patriot Act en Uruguay un mois seulement après être devenu président des États-Unis.

Le Canada sera certainement au centre de l’attention.

En ignorant ses obligations au titre des traités, le Canada établirait un précédent dangereux pour d’autres pays qui pourraient aussi contrevenir aux traités des Nations Unies. Le projet de loi C-45 compromet d’autres traités importants, comme les traités de non-prolifération nucléaire, les traités contre les crimes de guerre et les sept traités sur les droits de la personne. Cela crée des problèmes pour l’ordre mondial et la gouvernance internationale. Ce n’est pas une question futile. Encore une fois, on ne peut pas s’en sauver et on doit suivre les termes des traités sur les drogues. Le fait de donner son préavis est un choix.

Le deuxième choix est d’essayer d’utiliser l’article 41 de l’accord sur le traité, mais cela est extrêmement problématique parce qu’on devrait changer les objets et l’intention de ces lois sur les drogues.

Le troisième choix est de se retirer du traité, comme on peut, et d’ensuite revenir avec des réserves, mais cela est un long processus.

La Convention de Vienne sur le droit des traités, qui a pris effet en 1980, stipule spécifiquement dans la section 3, article 54, que :

L’extinction d’un traité ou le retrait d’une partie peuvent avoir lieu :

a) conformément aux dispositions du traité; ou

b) à tout moment, par consentement de toutes les parties, après consultation des autres États contractants.

Cela ne s’est pas produit.

Si le Canada continue dans son intention d’adopter le projet de loi C-45, malgré ses nombreux problèmes en ce qui a trait à la mise en application nationale et au droit international, il doit le faire de manière raisonnée, surtout que le Canada est fier d’être un pays démocratique qui respecte et fait la promotion de la primauté du droit.

Jusqu’à maintenant, le Canada n’a pas agi de façon raisonnée au regard des traités. Selon l’information donnée à ce comité en mars, les responsables d’Affaires mondiales affirment qu’ils vont tout simplement ignorer les traités. Ils ne vont rien faire; ils vont tout simplement les ignorer.

Cela compromet le système de droit international en entier. On compromet également toutes sortes d’enfants au Canada. En tant qu’organisation pro-famille, cela nous trouble énormément que, selon le projet de loi C-45, les jeunes de 12 à 18 ans auront accès à de la marijuana et pourront en partager. C’est une situation très troublante. Nous aimerions suggérer, très fortement, que le Canada s’arrête et repense à ce qu’il est en train de faire par rapport à la substance du projet de loi et qu’il réfléchisse également aux dommages qu’il est en train de créer au niveau international.

Il existe des choix très limités, mais le Canada, s’il veut faire quelque chose par principe, doit aller de l’avant de la bonne façon et non de façon arbitraire en disant qu’il va ignorer les traités. C’est ce qui s’est passé.

Merci beaucoup.

La présidente : Merci.

Madame Watts, allez-vous seulement répondre à nos questions ou avez-vous quelque chose à présenter?

Diane Watts, recherchiste, REAL Women of Canada : Nous avons une dernière chose à dire en tant qu’organisation pour les femmes.

En 1995, à la Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes à Pékin, le Canada a proposé le concept d’analyse sexo-spécifique. Nous nous préoccupons du fait que ce concept n’a pas beaucoup été utilisé dans le projet de loi C-45. Il existe de grandes différences entre les réactions des hommes et des femmes aux différentes drogues. Par exemple, la réaction à l’alcool est différente pour les femmes. Les femmes réagissent de façon plus négative. Il existe également des différences dans les domaines de la démence, la dépression — plus pour les femmes — moins pour l’autisme, la schizophrénie, la maladie de Parkinson — des temps de convalescence plus longs pour les commotions cérébrales chez les jeunes femmes.

On a découvert récemment que le cannabis réduit la circulation du sang à l’hippocampe du cerveau, qui est lié à la mémoire, à l’apprentissage et à la maladie d’Alzheimer. Cette étude a été effectuée à l’Université de la Californie, avec 26 000 participants et un nouvel instrument de mesure qui n’était auparavant pas disponible pour visualiser la circulation dans le cerveau.

Nous nous inquiétons du fait que cette étude ne comportait pas d’analyse comparative entre les sexes, et nous aimerions savoir dans quelle mesure cette analyse s’appliquera au projet de loi C-45.

La présidente : Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions.

La sénatrice Saint-Germain : Merci à vous deux d’être ici. Je sais que vous êtes venues de loin.

[Français]

Dans votre mémoire, vous affirmez que le Canada serait en contravention de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant en raison de l’absence d’infraction criminelle pour les personnes âgées de moins de 18 ans en cas de possession et de distribution de 5 grammes ou moins de cannabis. Vous savez que le projet de loi C-45, une fois adopté, sera appliqué de façon complémentaire et en harmonie avec les lois provinciales et territoriales. Nous savons déjà que les lois provinciales applicables sur le territoire canadien interdiront la possession et la distribution de cannabis par les jeunes. C’est d’ailleurs ce que vous souhaitez. Comment le Canada pourrait-il être en contravention dans ce contexte où il n’y aura pas de distribution ou de possession de 5 grammes et plus de cannabis par les jeunes au Canada, en raison des lois provinciales ou territoriales?

[Traduction]

Mme Landolt : Oui, l’article 8 du projet de loi C-45 prévoit — et l’article 2 le définit — qu’un jeune, c’est-à-dire une personne âgée de 12 à 18 ans, peut posséder 5 grammes de marijuana, ou 10 joints. L’article 9 précise qu’un jeune, c’est-à-dire une personne âgée de 12 à 18 ans, peut distribuer ou partager 5 grammes de marijuana.

Selon l’article 12 du projet de loi C-45, chaque famille ou chaque foyer peut posséder quatre plants de marijuana. Par conséquent, un jeune peut amener la marijuana de chez lui et la distribuer ou la partager avec ses amis, l’apporter à l’école, l’apporter partout où il veut, au centre commercial, et la partager avec ses amis; légalement, rien ne l’empêche de le faire.

Il ne s’agit pas de personnes âgées de 18 ans et plus, ce qui est permissible. Nous faisons ce qui figurait au projet de loi, ce qui signifie que le jeune pourra prendre de la marijuana chez lui, la consommer, et les policiers ne pourront rien y faire parce que ce n’est pas illégal pour le jeune de posséder, de distribuer ou de partager la marijuana.

C’est très différent de l’alcool, par exemple. Avec l’alcool, c’est entièrement interdit, mais aux termes du projet de loi, un jeune enfant a le droit de le faire, de la transporter, de la distribuer, de la partager et de la consommer, et les policiers ne peuvent absolument rien faire parce que c’est parfaitement légal.

La sénatrice Saint-Germain : Merci.

La sénatrice Bovey : Je veux demeurer dans la même veine. Nous savons que plusieurs provinces n’autorisent pas la culture à la maison, et les provinces travaillent à cet aspect du projet de loi actuellement.

Cette disposition du projet de loi visait à empêcher les jeunes de recevoir des sanctions criminelles s’ils se font prendre à consommer du cannabis, et les provinces et territoires ont imposé des amendes, des saisies du cannabis et des traitements de prévention. À l’heure actuelle, l’objectif est d’établir un équilibre entre les lois fédérales et provinciales.

Étant donné que la criminalisation cause des torts considérables à une personne et à sa famille — et je peux vous dire, à titre de mère, qu’il y a de nombreuses décennies, quelqu’un a apporté de la marijuana dans la cour d’école de mes enfants. C’était dans les années 1970 et, honnêtement, c’était absolument illégal. On a fait beaucoup de sensibilisation à ce sujet. Ce qui m’inquiète, c’est de savoir s’il est logique de criminaliser les gens, de leur imposer un casier judiciaire, pour avoir consommé du cannabis. Serait-il préférable de mettre en place des règlements pour empêcher la vente et en réglementer la consommation et la disponibilité?

Mme Landolt : Non. La prohibition fonctionne. Quand vous dites que c’est légal, déjà, comme vous l’avez mentionné, même dans les années 1970, même si c’était illégal, certains en consommeront, que ce soit de l’alcool, des cigarettes, il y aura toujours des gens qui vont en consommer, mais la prohibition sert de ligne directrice pour la conscience. Pour de nombreuses personnes, si c’est légal, alors c’est plus acceptable. Si on y a accès, si c’est accessible légalement, de plus en plus de gens vont en consommer.

Nous avons déjà un problème au Canada, car nos enfants consomment de la marijuana, et les difficultés seront simplement de plus en plus nombreuses quand cela sera légal parce que si c’est légal, il n’y a pas de problème. Cela doit être sain; cela doit être acceptable.

Comme je l’ai dit, aucune loi ne va jamais empêcher la consommation, il y aura toujours quelqu’un qui le fera, qu’il s’agisse d’alcool, de cigarettes, de marijuana ou de cannabis. Cependant, une loi sert à empêcher, à enseigner, à guider. Si on supprime la loi, alors c’est légal et plus de gens vont en consommer alors que, normalement, ils ne le feraient pas. On peut présumer que vos enfants n’y ont jamais touché, mais certains enfants l’auront fait. Sauf que plus d’enfants le feront si c’est accessible, et non interdit.

La sénatrice Bovey : Je comprends votre point de vue, mais je crains de devoir accepter que nos opinions divergent. Si on remonte à l’histoire de la prohibition de l’alcool dans les années 1930, on constate que la réglementation est une façon plus sûre et saine de distribuer l’alcool. Cependant, je comprends votre argument.

Mme Landolt : C’est un argument très important que vous avez soulevé. C’est un mythe de dire que la prohibition des années 1920 a échoué. Elle n’a pas échoué. Il y avait tout de même des bars clandestins. Les gens y avaient accès, comme ce sera toujours le cas, mais le nombre de personnes qui ont cessé de boire de l’alcool était phénoménal. À cette époque, la cirrhose du foie n’existait pas. S’il vous plaît, ne dites pas que la prohibition n’a pas fonctionné. C’est utile de le dire, mais elle a fonctionné. De plus, les maladies mentales, tous les types de complications liées à l’alcool ont simplement disparu parce que la majorité des gens ne consommaient pas d’alcool pendant la prohibition, même si d’autres le faisaient, comme ceux qui se rendaient dans les bars clandestins.

La présidente : Nous empiétons presque sur le sujet étudié par un autre comité. Nous sommes ici pour examiner les aspects internationaux. Je tiens à le rappeler aux sénateurs et aux témoins.

La sénatrice Cordy : Je sais que nous ne sommes pas censés aborder cette question, mais je ne peux pas en faire fi non plus. C’est peut-être parce que je viens de la Nouvelle-Écosse, qui est au bord de l’océan, mais la prohibition de l’alcool n’a pas fonctionné. Les gens en apportaient des navires. Cela a permis à de nombreuses personnes dans la communauté de s’enrichir énormément, de sorte que cela n’a pas fonctionné.

Je dirais que la guerre contre les drogues ne fonctionne pas. J’imagine qu’on peut prétendre que la marijuana n’est pas consommée par la population, en particulier les jeunes. Je n’ai jamais consommé de marijuana. Je n’ai jamais consommé de cannabis de ma vie, mais je crois fermement que la réglementation permettra de s’assurer que cette substance est plus sûre.

Ma question porte plutôt sur nos obligations internationales.

Des témoins nous ont dit, un peu plus tôt aujourd’hui, que le Canada participe activement aux discussions sur les drogues à l’ONU, dans le cadre de l’examen de la politique de 10 ans, l’examen décennal, de sorte que je pense que, contrairement à ce que vous avez dit, le Canada joue un rôle de chef de file.

Nous savons aussi qu’ils ont dit que la politique mondiale en matière de drogues comporte de profondes fractures.

On nous a également dit que le Canada mène le bal dans la légalisation de la marijuana et que d’autres pays vont dans le même sens. Ces autres pays sont, entre autres, la Jamaïque, les Pays-Bas, l’Australie, le Maroc, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande, pour n’en nommer que quelques-uns. Comme vous l’avez dit plus tôt dans votre témoignage, nous savons que 20 p. 100 des Américains vivent dans un État où le cannabis est légal.

Tout ceci contredit certaines des observations que vous avez formulées dans votre déclaration, et j’aimerais vous entendre au sujet de ce que nous ont dit les autres témoins.

Mme Landolt : L’ancien commentaire que vous avez entendu voulait dire essentiellement : « Oh, eh bien, tout le monde le fera de toute façon, alors aussi bien mener le bal », mais c’est absolument faux. Quand on lit l’examen d’avril 2016 des traités sur les drogues qui a fait l’unanimité, les dirigeants mondiaux se sont exprimés contre la drogue et ils ont dit comment cela s’était réellement passé.

M. Costa, qui était président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants, a dit que la prohibition avait fonctionné et qu’elle fonctionne, et c’est une très bonne raison. Antonio Maria Costa a dit que cette prohibition contre les drogues à l’échelle mondiale est très profonde.

Il n’est pas seulement question des pays en développement. Il y a aussi des problèmes dans les pays non développés ou du tiers monde, et si on lève la prohibition concernant des drogues comme, par exemple, la marijuana, on se retrouvera devant de gros problèmes parce que ces pays n’ont pas l’infrastructure que nous avons dans les pays développés.

Je suis catégorique. Je suis allée à l’ONU à de nombreuses reprises. J’en ai discuté et je sais que les dirigeants mondiaux se sont prononcés contre. En fait, comme nous l’affirmons dans notre mémoire, quiconque dérogeait des traités sur les drogues perdait beaucoup de sa popularité. Ils ont dit que le Canada est à l’avant-plan, comme c’est le cas dans beaucoup de dossiers dernièrement. Je peux quand même vous dire qu’ils sont déconnectés du monde, et les pays ne veulent absolument pas que les drogues deviennent disponibles.

La sénatrice Cordy : Merci.

Le sénateur Massicotte : J’aimerais préciser, si possible, ma compréhension par rapport à la vôtre pour comprendre si vous reconnaissez ceci : le projet de loi traite de criminalité et prévoit le retrait des aspects pénaux pour les jeunes. Vous avez fait une observation par rapport aux jeunes en deçà d’un certain âge, et vous avez raison de dire que le projet de loi retire les aspects pénaux pour les jeunes.

Toutefois vous êtes sans doute au courant et vous reconnaissez que nous contrevenons en quelque sorte aux obligations des Nations Unies et des traités. Vous êtes sans doute au courant que toutes les provinces mettent ou ont mis des mesures législatives en place qui prohiberont, sans criminaliser, la possession et la consommation de marijuana chez les jeunes.

Vous avez raison en disant que ces aspects sont retirés des lois fédérales, et plus précisément dans le cas du Québec et de l’Ontario, il sera très clair que ces activités demeureront illégales en deçà d’un certain âge — 18 ans au Québec — notamment la possession ou la consommation de marijuana. En êtes-vous consciente? Est-ce que cela n’apaise pas vos inquiétudes concernant les jeunes? Je sais que cela ne résout pas les problèmes pour les adultes, mais qu’en est-il pour les jeunes?

Mme Landolt : Pas du tout. La réalité pure et dure est telle qu’au Canada les jeunes de 12 à 18 ans y ont accès et peuvent en consommer sans restriction légale. Cela n’a pas changé. Pour ceux de 18 ans ou plus, c’est différent, mais cela demeure une préoccupation grave pour ceux de moins de 18 ans.

Le sénateur Massicotte : Si vous voulez, je peux vous envoyer la loi prévue au Québec. Il est illégal pour un mineur au Québec de posséder ou de consommer de la marijuana. C’est très clair. Je suis d’accord pour ce qui est du fédéral, mais pas pour ce qui est des provinces.

Alors les législateurs doivent trancher. En maintenant l’infraction criminelle, un jeune de 13 ans qui se fait prendre avec de la marijuana se retrouve avec un casier judiciaire. Les législateurs préféreraient plutôt une approche axée sur le développement comme on fait depuis longtemps dans les provinces, plutôt que d’envoyer les jeunes en prison pour avoir fumé un joint, ce qui se rapproche de la méthode du Portugal. On essaie ainsi de gérer la situation en forçant les gens à adopter de meilleures habitudes.

Vous ne semblez pas reconnaître du tout l’existence des lois provinciales. Selon votre interprétation, c’est un fouillis, mais je vous suggère de lire les lois provinciales qui, à cet égard, sont un complément des lois fédérales.

Mme Landolt : Bon, d’accord. D’abord, comme vous le savez, la Loi sur le contrôle des drogues est fédérale et, jusqu’à maintenant, le fédéral a interdit la consommation de marijuana.

Maintenant, en vertu de ce projet de loi et étant donné les responsabilités fédérales-provinciales, les provinces seront responsables de la distribution. En vertu de la loi, les provinces seront responsables de la distribution et de la vente, qui varieront d’une province à l’autre. Toutefois, si le gouvernement fédéral dit : « Non, nous aurons, comme nous avons toujours eu, une loi sur le contrôle des drogues », les provinces n’auraient pas à prendre ces mesures. Tout cela se produit parce que le gouvernement fédéral a donné le coup d’envoi; les provinces et les territoires ne prendraient pas ces mesures autrement.

Le sénateur Massicotte : Je vous propose de lire les mesures législatives proposées par les provinces. Je pense qu’elles complètent très bien la proposition du fédéral. Elles répondent directement à votre inquiétude relativement à la possession de cannabis chez les jeunes.

Mme Landolt : Peut-être suis-je à côté de la plaque — probablement — mais, si j’ai bien compris, vous dites que les provinces peuvent imposer des restrictions.

Le sénateur Massicotte : Elles l’ont fait.

Mme Landolt : Mais elles ne peuvent pas, parce qu’on dit que la loi fédérale régit les pouvoirs des provinces. Leur autorité est limitée parce que la loi fédérale dicte les pouvoirs des provinces. Si le fédéral dit non, elles ne le feraient pas, mais le fédéral a dit qu’elles peuvent.

Le sénateur Massicotte : Vous avez raison sur l’aspect criminel, il sera retiré, mais cela n’empêche pas les provinces d’instaurer des lois, comme c’est le cas pour la possession de marijuana chez les jeunes; je pense que cela apaise votre préoccupation. Je vous suggère quand même de les lire, sinon je peux vous envoyer un exemplaire du projet de loi, du moins celui du Québec.

[Français]

Le sénateur Dawson : Je ne veux pas contredire le témoin et je ne veux pas l’accuser de fausses nouvelles, mais j’ai ici devant moi une déclaration conjointe des Nations Unies et de l’Organisation mondiale de la Santé, qui reconnaît que la guerre contre la marijuana est un échec.

Je suis souvent allé aux Nations Unies en tant que membre de la délégation canadienne de l’Union interparlementaire. Nous avons participé à une conférence aux Nations Unies au cours de laquelle nous avons débattu de la question. La conclusion était très claire : les pays disposent d’une marge de manœuvre pour agir dans leurs domaines de compétences.

Il n’est pas vrai que les Nations Unies ont déclaré que la guerre a été victorieuse. L’échec a été constaté par tout le monde. J’aimerais donc que vous corrigiez vos propos. Malheureusement, je n’ai reçu la déclaration qu’en français. Je vais la transmettre à la greffière afin qu’elle la distribue au comité, car la question est tout de même assez importante. C’est une déclaration conjointe de l’Organisation mondiale de la Santé et des Nations Unies. Je ne voudrais pas que les membres du comité aient la mauvaise impression que vous avez raison. Je crois que c’était malheureusement une fausse nouvelle.

[Traduction]

Mme Watts : Merci de cette intervention. Dans notre mémoire, nous citons Antonio Maria Costa, directeur exécutif du Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’UNODC. Dans son analyse des effets des traités sur les drogues, il dit :

Les contrôles légaux des drogues ont connu du succès. Au cours de la dernière décennie, la production mondiale de cocaïne et d’amphétamines a été stabilisée, et la consommation de la marijuana et la production d’opium ont connu une réduction. Sans interdiction légale de ces drogues, les résultats seraient tout à fait différents.

Il s’agit d’une affirmation faite par un membre de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Il existe donc une différence marquée dans les opinions.

Le sénateur Dawson : Je ne parle pas de l’opinion d’une seule personne.

La présidente : Votre intervention se trouvera au compte rendu. Veuillez soumettre au comité le document auquel vous faites référence.

Le sénateur Dawson : J’enverrai le document à la greffière après la réunion et je trouverai les deux versions pour que nous puissions les distribuer rapidement. Il ne s’agit pas de l’opinion d’une seule personne. Ce n’est pas l’opinion d’une personne aux Nations Unies, mais bien une déclaration de l’Organisation mondiale de la Santé et des Nations Unies. Si j’étais un agent de lutte contre les drogues, je ne voudrais sans doute pas l’avouer, mais si j’étais l’Organisation mondiale de la Santé je dirais : si c’est la bonne chose à faire, faisons-le.

Mme Landolt : L’Organisation mondiale de la Santé n’est pas l’Assemblée générale des Nations Unies. L’OMS est l’organisation regroupant les bureaucrates, mais ce ne sont pas eux qui ont le droit d’adopter des politiques. Leur rôle est de mettre en œuvre les politiques des Nations Unies. Il y a peut-être toutes sortes de bureaucrates à l’ONU qui s’opposent à cette politique, mais cela n’en fait pas la politique de l’ONU pour autant. Il s’agit simplement de l’opinion d’un bureaucrate. Je ne crois pas qu’il faille se fier à l’Organisation mondiale de la Santé. Il faut plutôt s’en remettre aux spécialistes des drogues, comme la Commission des stupéfiants des Nations Unies. Ce sont eux les spécialistes, pas l’OMS.

Le sénateur Dawson : Je tiens à rappeler officiellement qu’il ne s’agit pas d’une déclaration de quelqu’un qui travaille à l’ONU, mais bien d’une déclaration commune de l’ONU et de l’OMS. Quant à la crédibilité de l’OMS, je pense qu’elle est bien reconnue. La déclaration ne vient pas d’un organe des Nations Unies, ni d’un fonctionnaire, ni d’un employé, elle vient de l’ONU en tant qu’institution.

Mme Landolt : Non. Il s’agit peut-être d’une politique de l’OMS, mais il ne s’agit pas de la politique des Nations Unies. Je ne saurais trop vous dire à quel point cette différence est importante. C’est tout à fait faux d’affirmer qu’il s’agit de quelque chose que les Nations Unies ont dit. Ce ne sont pas les Nations Unies. Ce n’est pas non plus l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce n’est pas la politique. Cela a très peu d’importance à l’échelle mondiale.

Le sénateur Dawson : De toute évidence, nous ne sommes pas d’accord. Je vous demanderais d’envoyer une copie de la déclaration au témoin. Ce serait intéressant qu’elle y ait accès.

La présidente : Je ne répondrai pas à votre dernier commentaire. Les témoins sont ici pour comparaître et pour nous faire part de leur opinion. Nous avons eu un débat très constructif aujourd’hui dans lequel des opinions différentes ont été présentées. Nous recevrons votre déclaration, sénateur Dawson, et celle-ci sera intégrée au compte rendu. La greffière pourra le faire parvenir aux témoins s’ils en font la demande.

Sur ce, le débat d’aujourd’hui nous a permis d’entendre des points de vue divergents, et c’est ce que nous voulions. Nous cherchons à permettre aux Canadiens qui souhaitent s’exprimer sur cette question de le faire. Je tiens donc à remercier nos deux témoins d’aujourd’hui de nous avoir expliqué leur opinion. Les sénateurs et les sénatrices de ce comité évalueront toutes les soumissions reçues pour cette étude dans le cadre de la rédaction de notre rapport. Merci de votre présence.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes et nous nous réunirons ensuite à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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