Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique
Fascicule 2 - Témoignages du 12 février 2018
OTTAWA, le lundi 12 février 2018
Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 30, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.
[Traduction]
Maxime Fortin, greffière du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l’absence inévitable du président et du vice-président et de présider à l’élection d’un président suppléant. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet. Sénatrice Eaton?
La sénatrice Eaton : Puis-je proposer que la sénatrice Bovey soit notre présidente suppléante pour la réunion de ce soir?
Mme Fortin : Certainement. Y a-t-il d’autres nominations? Merci. L’honorable sénatrice Eaton propose que l’honorable sénatrice Bovey assume la présidence du comité. Consentez-vous, honorables sénateurs, à adopter cette motion?
Des voix : Oui.
Mme Fortin : La motion est adoptée.
Sénatrice Bovey, je vous invite à prendre place au fauteuil.
La sénatrice Patricia Bovey (présidente suppléante) occupe le fauteuil.
La présidente suppléante : Bonsoir et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je m’appelle Pat Bovey et je représente le Manitoba.
J’aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public qui sont ici dans la salle ainsi qu’à ceux qui nous regardent à la télévision ou sur Internet. J’en profite pour rappeler que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu’on peut aussi les visionner sur le site web du Sénat à l’adresse sencanada.ca.
C’est la première fois que nous accueillons des témoins au sein de ce comité spécial. C’est donc un véritable honneur d’être ici aujourd’hui.
Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter à tour de rôle.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.
Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
La présidente suppléante : Merci.
Chers collègues, en septembre dernier, le Sénat a formé ce Comité spécial sur l’Arctique avec comme mandat d’examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants. Comme il a été entendu lors de la réunion de la semaine dernière, nous entreprendrons ce soir la première de quelques réunions pour contextualiser les enjeux importants qui concernent l’Arctique.
Avant de vous présenter nos témoins, j’aimerais vous informer que nous avons dû annuler à la dernière minute la comparution de notre premier témoin, M. David J. Scott, président-directeur général de Savoir polaire Canada, car nous avons éprouvé des problèmes techniques avec la vidéoconférence. Je présume que nous pourrons réorganiser une autre séance avec M. Scott.
Je tiens à remercier nos témoins d’être des nôtres ce soir. C’est avec plaisir que nous accueillons M. Stephen Van Dine, sous-ministre adjoint, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, et M. Wayne Walsh, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques du Nord, Affaires du Nord, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.
Je vous invite maintenant à faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.
[Français]
Stephen Van Dine, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. Il s’agit d’un moment opportun pour un comité sénatorial de prendre connaissance d’une partie de la myriade de questions politiques que doivent gérer les régions nordiques et arctiques.
[Traduction]
À l’heure actuelle, l’Arctique subit des changements très importants. L’Arctique canadien n’y échappe pas, et cette région vit des transformations sociales, économiques et environnementales sans précédent. L’accélération rapide des changements climatiques a une incidence majeure sur la vie quotidienne des habitants de l’Arctique ainsi que sur les écosystèmes et les infrastructures de la région. Les collectivités de l’Arctique sont très unies et solidaires et tirent une grande force de leurs cultures autochtones et de leurs modes de vie uniques. Toutefois, ces collectivités font également face à d’importants défis sur le plan sanitaire et social, dont un grand nombre découlent de facteurs historiques, géographiques et systématiques.
De nombreux Canadiens vivant en Arctique subissent les vestiges d’un héritage du colonialisme, y compris les séquelles laissées par les pensionnats indiens, la réinstallation d’Inuits dans l’Extrême-Arctique et d’autres sources de traumatismes intergénérationnels.
[Français]
Alors que l’attention mondiale continue de se concentrer vers le nord en raison de l’ouverture de l’accès à des ressources et à des moyens de transport, l’Arctique canadien a le potentiel de jouer un rôle de leadership sur la scène internationale avec ses systèmes de cogestion et d’ententes d’autonomie gouvernementale, ainsi qu’avec les régimes de réglementation mondiale que les gouvernements canadiens ont établis pour superviser le développement de l’économie et des ressources.
[Traduction]
Le Sénat s’est penché sur les défis et les possibilités qui se présentent dans l’Arctique canadien. Au cours des dernières années, les comités du Sénat ont entrepris des études sur les enjeux touchant le Nord et l’Arctique, notamment dans les domaines des nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, de la défense, du logement, de la mobilité internationale et de l’énergie.
Ces sujets traduisent l’ampleur des questions de politique qui se posent dans l’ensemble de l’Arctique canadien. Ils donnent également une idée du niveau d’attention que le Sénat a consacré à l’étude des défis auxquels la région est confrontée et à l’élaboration de possibilités d’action à l’intention du gouvernement.
Depuis la fameuse vision du Nord du premier ministre John Diefenbaker, les administrations fédérales qui se sont succédé ont cherché à orienter leurs propres visions du rôle du gouvernement du Canada dans le Nord.
Ce rôle a lui-même changé en réponse aux changements majeurs dans les domaines social, politique et de gouvernance des régions du Nord. Les institutions politiques et de revendications territoriales du Nord se sont développées, et le gouvernement fédéral a travaillé à une collaboration graduelle grandissante, et en partenariat, avec les gouvernements territoriaux et autochtones du Nord, ainsi que d’autres organisations autochtones.
Par ailleurs, les représentants des peuples autochtones ont cherché à établir une relation avec l’ensemble du gouvernement fédéral plutôt que par l’intermédiaire du ministère Affaires autochtones et du Nord Canada. La création de mécanismes permanents bilatéraux, y compris le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, est un bon exemple de cette relation profonde et compréhensive entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.
À la suite de la Déclaration conjointe du Canada et des États-Unis sur le climat, l’énergie et le rôle de leadership dans l’Arctique en mars 2016, la ministre Bennett a annoncé la nomination de Mary Simon à titre de représentante spéciale de la ministre chargée de diriger la mobilisation concernant l’élaboration d’un nouveau modèle de leadership partagé dans l’Arctique et de fournir des conseils au gouvernement du Canada à cet égard. En tant qu’ancienne diplomate distinguée et chef inuite, Mme Simon a apporté l’expérience et l’expertise nécessaires pour conseiller le gouvernement du Canada sur les questions les plus pressantes entourant l’Arctique.
Ses rapports intitulés Un nouveau modèle de leadership partagé dans l’Arctique décrivent le défi que nous devons maintenant relever avec les résidants du Nord. Pour citer Mme Simon :
Selon moi, en ce moment, il est primordial de ne pas oublier les visions, les plans d’action, les stratégies et les initiatives qui sont, depuis longtemps, conçus « pour le Nord » et non « en collaboration avec le Nord ». Au fil des ans, les premiers ministres ont exposé l’importance de l’Arctique pour le Canada dans de nombreuses déclarations. En règle générale, ces déclarations étaient réactionnaires plutôt que visionnaires.
S’appuyant sur les conseils de Mme Simon, le gouvernement du Canada — en collaboration avec les principaux partenaires — a adopté une nouvelle approche pour combler les lacunes et s’assurer que les politiques élaborées pour le Nord sont conçues par et avec les résidants de cette région.
Le 21 décembre 2016, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que le Canada allait élaborer un nouveau Cadre stratégique pour l’Arctique en collaboration avec les gens du Nord, les gouvernements territoriaux et provinciaux ainsi que les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le processus d’élaboration conjointe offre une occasion unique de bâtir une vision à long terme pour la région, de déterminer les priorités communes et les résultats souhaités en plus d’étudier les possibilités de partenariat. N’empêche qu’il faudra des délais réalistes qui offrent une certaine souplesse ainsi qu’une approche de collaboration et d’ouverture de la part de tous les partenaires.
L’élaboration du nouveau cadre s’appuie sur le travail de longue haleine qui a déjà été entrepris par nos principaux partenaires lorsqu’ils ont défini les priorités de leurs régions respectives. Le cadre sera également étayé par les recommandations issues des rapports du modèle de leadership partagé dans l’Arctique de Mme Simon. Plus précisément, Mme Simon a formulé un ensemble de principes de partenariat pour orienter l’élaboration du Cadre stratégique pour l’Arctique et améliorer les relations Couronne-Autochtones de façon générale. Ces principes continuent d’être à la base de notre approche.
En plus de l’étroite collaboration avec des partenaires externes, une approche pangouvernementale a été adoptée à l’échelle des ministères fédéraux. Affaires autochtones et du Nord Canada et Affaires mondiales Canada dirigent conjointement les efforts du gouvernement fédéral, avec la participation active de plus d’une dizaine d’autres ministères fédéraux.
La décision de dissoudre Affaires autochtones et du Nord Canada et de créer deux nouveaux ministères — le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère Services aux Autochtones Canada — a renforcé l’importance du Cadre stratégique pour l’Arctique et des enjeux liés au Nord dans le programme du gouvernement.
Dans sa lettre de mandat, le premier ministre a demandé à Mme Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, de faire avancer le travail sur un modèle de leadership partagé dans l’Arctique et sur une nouvelle politique canadienne pour l’Arctique, en plus d’appuyer les programmes, les institutions dirigeantes et les initiatives scientifiques dans le Nord.
La ministre Bennett a saisi cette occasion pour positionner le Canada en tant que leader de l’Arctique, tant au niveau national que sur la scène mondiale. Dans son allocution à l’Assemblée du Cercle polaire à Reykjavik en octobre dernier, la ministre Bennett a présenté l’approche qui a été au centre de notre travail dans le Cadre stratégique pour l’Arctique.
Pour citer la ministre :
Nos actions doivent être fondées sur la conviction fervente que l’avenir du Nord doit être façonné par les habitants du Nord. Notre travail consiste à soutenir leur vision et leur réalité…
… Le futur doit reposer sur l’imagination et l’humilité de la part des habitants du Sud. II est temps d’écouter les premiers peuples.
Le 15 novembre 2017, la ministre Bennett et sa collègue, la ministre Freeland, ont annoncé une phase de consultations publiques sur le Cadre stratégique pour l’Arctique. De concert avec les fonctionnaires provinciaux et territoriaux, on a élaboré un guide de discussion axé sur six grands thèmes qui constitueront le point de départ de la mobilisation du public sur l’avenir de la politique du Canada pour l’Arctique. Ces thèmes sont les suivants : l’infrastructure globale de l’Arctique; des collectivités et des citoyens forts dans l’Arctique; des économies solides, durables et diversifiées dans l’Arctique; les connaissances scientifiques et autochtones dans l’Arctique; la protection de l’environnement et la préservation de la biodiversité dans l’Arctique; et l’Arctique dans un contexte mondial.
De novembre 2017 à janvier 2018, il y a eu plus de 4 000 visites sur notre site web, qui propose des liens vers le guide de discussion et une invitation aux Canadiens à donner leur avis sur ce que le Canada peut faire pour soutenir la région de façon solide, prospère et durable. Notre participation en ligne a été appuyée par une campagne de médias sociaux, qui comprend de courtes vidéos sur la vie, le travail et les loisirs dans l’Arctique, l’infrastructure, la science et le savoir traditionnel et quelques aperçus de la participation régionale. Jusqu’à présent, il y a eu plus de 100 000 impressions dans les médias sociaux — incluant tous ceux qui ont lu, repris les gazouillis, et cliqué sur les liens — et je vous dirais que seulement la moitié proviennent de moi.
L’annonce de notre décision d’étendre la participation au public a atteint plus de 21 000 utilisateurs sur Facebook et Twitter. En plus de la participation en ligne et d’une série de tables rondes à Ottawa avec les intervenants et experts, le ministère a travaillé avec les gouvernements territoriaux, provinciaux et les représentants des peuples autochtones afin de cibler des participants et de coordonner des séances de tables rondes dans les communautés de l’Arctique. À ce jour, nous avons organisé des tables rondes à Churchill, au Manitoba; à Nain, à Terre-Neuve-et-Labrador; à Happy Valley-Goose Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador; à Kuujjuaq, au Québec; à lqaluit, au Nunavut; à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest; à Whitehorse, au Yukon; et à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces tables rondes régionales ont réuni de nombreux participants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, des représentants de sociétés de développement économique, de chambres de commerce, des provinces et des territoires, de l’industrie et de plusieurs ministères fédéraux.
Les rapports sur chacune de ces séances sont en voie d’élaboration et seront présentés aux participants des tables rondes aux fins de validation avant d’être publiés sur notre site web. Tout au long du processus de participation, on a convenu que le thème des collectivités et des citoyens forts serait au cœur du Cadre stratégique pour l’Arctique. Ce qui est ressorti, surtout, est l’importance d’adopter une approche axée sur les individus en mettant l’accent sur le développement social et le bien-être.
En plus de diriger les activités de mobilisation, la ministre Bennett a participé activement au processus d’élaboration conjointe. Elle a organisé des réunions sur le cadre au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. De plus, elle a récemment travaillé avec le sénateur Patterson afin de mobiliser les associations régionales inuites du Nunavut.
En conclusion, bien que les éléments de changement posent des défis sans précédent pour l’Arctique canadien, l’union de nos forces peut offrir à la population de la région, aux collectivités, aux territoires et provinces ainsi qu’aux pays du monde entier une abondance de possibilités sur les plans social, économique et environnemental.
J’attends avec impatience la suite des délibérations du comité sur l’avenir de l’Arctique canadien et je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
La présidente suppléante : Monsieur Walsh, avez-vous une déclaration?
Wayne Walsh, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques du Nord, Affaires du Nord, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Non. Je tiens simplement à remercier le comité de m’avoir invité à participer à la séance de ce soir.
La présidente suppléante : Nous allons maintenant passer à la période de questions.
La sénatrice Eaton : Merci. Parmi les six thèmes proposés par Mary Simon qui feront l’objet d’une étude, selon vous, lequel représente le plus grand défi à long terme? Est-ce la durabilité des communautés ou les menaces mondiales que nous recevons de pays comme la Chine, qui est une nation proche de l’Arctique? Qu’en pensez-vous, monsieur Van Dine?
M. Van Dine : Merci pour cette question. Chose certaine, ce que nous constatons en travaillant dans l’Arctique, c’est qu’il y a beaucoup d’éléments interreliés. Compte tenu de la fragilité de l’écosystème, de l’abondance des ressources naturelles et des Premières Nations qui sont beaucoup plus autonomes, le gouvernement fédéral doit faire preuve de prudence. Dans des régions aussi éloignées que l’Arctique, de très petits efforts peuvent avoir d’énormes répercussions — prévues ou imprévues.
Selon moi, le plus grand défi pour le gouvernement du Canada sera d’adopter une approche qui reconnaît que les habitants du Nord sont les mieux placés pour trouver des solutions à leurs problèmes…
La sénatrice Eaton : Vous pensez donc qu’on devrait les appuyer plutôt que de leur imposer des mesures?
M. Van Dine : En fait, nous préconisons une approche de partenariat. Nous sommes en terrain inconnu, et nous cherchons à trouver le juste équilibre. Comme Mary Simon l’a indiqué, les visions et les stratégies pour le Nord se sont succédé au sein du gouvernement fédéral, des gouvernements territoriaux et des organisations autochtones. Le gouvernement du Canada cherche ici à établir une série de priorités et de mesures communes qui nous permettront de réaliser des progrès à long terme. Sans vouloir être trop simpliste, je considère que c’est une question de coordination et d’intégration entre les différents intervenants fédéraux.
La sénatrice Eaton : Monsieur Walsh, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Walsh : Non. Le rapport de Mme Simon était très réfléchi. Les six thèmes n’ont pas été choisis au hasard. Comme M. Van Dine l’a indiqué, ils sont tous interreliés. Lorsqu’on examine les défis auxquels sont confrontés les habitants du Nord, je pense qu’il faut envisager de multiples solutions. Lorsqu’on regarde les six thèmes, on constate qu’ils sont intégrés et étroitement liés.
Pour revenir à ce que disait M. Van Dine au sujet des partenariats, je pense que l’époque où un seul gouvernement avait réponse à tout est révolue. En fait, beaucoup de gens diraient que cela n’a jamais existé. Lorsqu’on regarde la situation dans le Nord, avec les gouvernements territoriaux et l’autonomie gouvernementale des Autochtones, il faudra absolument établir des partenariats et amener les multiples administrations à collaborer afin de relever ces défis.
La sénatrice Eaton : Ma prochaine question est un peu délicate, mais je la trouve tout de même pertinente. Je siège au Comité sénatorial des finances, et comme le sait M. Van Dine, des représentants d’Affaires du Nord sont souvent appelés à comparaître devant nous.
M. Van Dine : Absolument.
La sénatrice Eaton : Si nous devons travailler en coordination et appuyer les différentes administrations, y a-t-il moyen que le gouvernement du Canada exige des comptes? Lorsqu’on nous demande, chaque année, combien d’argent nous allons consacrer au logement des Autochtones, je pose toujours la question suivante : « Ces logements seront-ils construits conformément au Code du bâtiment? », et on me répond toujours très poliment que non, ils ne seront pas construits selon les exigences du code.
Y aura-t-il une forme quelconque de reddition de comptes qui sera établie lorsque nous commencerons à distribuer les fonds?
M. Van Dine : C’est une question à laquelle nous nous faisons toujours un plaisir de répondre lorsque nous avons l’occasion de présenter notre budget.
J’ai une observation plus générale avant de répondre directement à votre question. Ce que nous essayons de faire dans le cadre de cet exercice, c’est de formuler une définition géographique légèrement différente du Nord. Dans le cadre de cet exercice visant à remplacer la stratégie du Canada pour le Nord par un cadre stratégique pour l’Arctique, la participation des trois territoires et du Nord du Manitoba est sollicitée. Nous voulons également faire participer le Nunatsiavut et le Nunavik. C’est nouveau. Nous avons mis en place des programmes qui ont établi un contact avec ces régions. Je vous fais cette remarque générale avant de répondre à votre question sur la reddition de comptes concernant certaines normes.
La sénatrice Eaton : Il y a des normes en matière de santé et d’éducation.
M. Van Dine : Le libellé que nous utilisons actuellement essaie d’en venir aux résultats. En ce qui concerne les résultats que nous essayons d’obtenir, pour revenir à l’argument de M. Walsh, si nous pouvions cibler notre intérêt commun dans ces secteurs, comment pouvons-nous maximiser nos efforts collectifs pour favoriser les progrès?
Un programme de logement devient une occasion de développement économique. Un programme de logement devient aussi une solution éventuelle en matière de santé.
La sénatrice Eaton : Il doit être viable.
M. Van Dine : Il doit être viable.
La sénatrice Eaton : Il doit faire partie de la communauté.
M. Van Dine : Et il doit faire partie de la communauté.
Les modèles de participation dans les capitaux propres représentent une partie de la solution qu’on nous encourage actuellement à examiner. Certains de nos partenaires autochtones, qui bénéficient maintenant du règlement de revendications territoriales depuis 20 ans ou plus, veulent envisager des partenariats de participation au capital et la possibilité d’assumer un rôle de propriétaire. Nous croyons qu’offrir la viabilité à laquelle vous faites référence aurait une certaine utilité.
Le sénateur Gold : Merci de votre présence ici. Aujourd’hui, sur la Colline, un groupe important d’étudiants en médecine canadiens de partout au pays ont rencontré des parlementaires pour discuter des problèmes de santé mentale auxquels sont confrontés les Autochtones. Voilà le lien avec ma question.
Nous savons malheureusement que le taux de suicide parmi les Inuits est 10 fois plus élevé que la moyenne nationale ou est scandaleusement plus élevé. En effet, un récent article d’Ashlee Cunsolo Willox sur les changements climatiques et sur la santé mentale des Inuits — qui remonte à quelques années seulement — a révélé qu’il y avait un lien entre les conditions climatiques changeantes et l’augmentation des cas de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé dans les collectivités inuites dans le Nord.
Que fait le gouvernement pour régler cette situation? Comment utilise-t-il les connaissances et les pratiques de guérison et comment s’associe-t-il à d’autres initiatives des collectivités locales dans le Nord?
M. Van Dine : Merci de votre question. De toute évidence, c’est en quelque sorte une crise dans certaines collectivités qui requiert une approche exhaustive. Je crois que la Dre Philpott, avant de devenir ministre du nouveau ministère des Services aux Autochtones, dans ses anciennes fonctions de ministre de la Santé, a conclu une entente avec l’ITK, l’organisation nationale inuite, concernant une stratégie du bien-être psychologique. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux. Je pense qu’environ 9 millions de dollars étaient versés sur une période donnée pour trouver des solutions afin de régler cette crise urgente, qui ne remonte pas à si loin. Je crois qu’une partie de ces fonds étaient prévus dans le budget de 2016. Il faudra vérifier.
Dans le cadre de nos discussions et de nos tables rondes, nous constatons que les collectivités font une demande intéressante. D’une part, les jeunes leaders, qui sont très bien représentés, veulent avoir un peu plus de pouvoirs et commencer à assumer un rôle plus actif dans leurs collectivités afin d’apporter des changements positifs. C’est ce qu’on nous demande dans le cadre de nos consultations.
Nous constatons que, dans le cas d’autres instances et de nos organismes autochtones, ils examinent des établissements de traitement et des façons dont nous pouvons être des collaborateurs pour trouver des investissements afin d’offrir des traitements adaptés à leur culture.
La ministre Bennett ne parle jamais longtemps du Nord sans mentionner l’importance des programmes sur les terres qui sont mis en place dans de nombreuses régions différentes, y compris dans les Territoires du Nord-Ouest.
Une multitude d’idées sont présentées, et nous devons les appuyer et les encourager, à mon avis. Il est de plus en plus clair dans le Cadre stratégique pour l’Arctique, comme je l’ai mentionné, que les gens et les collectivités doivent faire partie intégrante des discussions sur la façon dont nous structurerons ce cadre. Nous avons hâte de tenir des discussions approfondies avec nos partenaires et d’élaborer ce cadre avec eux.
Pour répondre à votre observation sur le bien-être mental, ce sera fort probablement un secteur où il faudra prendre des mesures collectives.
M. Walsh : J’ai deux remarques à ajouter. Il y a premièrement que c’est une question géographique. Dans le Nord, la majorité des habitants sont autochtones, mais le Nord, ce n’est pas le Sud. Le gouvernement territorial a un rôle important à jouer pour ce qui est d’offrir des services de santé et de produire des résultats relativement aux déterminants sociaux de la santé.
Pour répondre à l’observation que M. Van Dine a formulée plus tôt, il faut absolument travailler en partenariat avec ces collectivités territoriales et autochtones pour résoudre les situations de crise comme le suicide.
En ce qui concerne le Cadre stratégique pour l’Arctique, l’autre élément qui est unique dans ce processus, c’est que nous l’élaborons en tenant compte non seulement de la réalité au pays, mais aussi de la perspective internationale de la vision du Canada de l’Arctique. La vision ou les priorités nationales s’articulent autour de l’espoir que nous avons et ont une incidence sur notre perspective internationale.
Dans le cas du suicide, les pays circumpolaires sont aux prises avec des taux de suicide semblables dans leurs collectivités autochtones. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres de ce que les peuples samis font, par exemple, et de ce que d’autres collectivités autochtones font dans le monde circumpolaire.
Il ne s’agit pas seulement de tenir un dialogue entre nous et nos partenaires territoriaux et autochtones; nous devons aussi échanger les pratiques exemplaires d’un point de vue international. Nous l’avons déjà fait par l’entremise du Conseil de l’Arctique et du Groupe de travail sur le développement durable.
Une conférence a eu lieu l’an dernier à Iqaluit intitulée « RISING SUN », qui a réuni ces partenaires. Si nous tenons plus de dialogues de la sorte, pas seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale, nous contribuerons à reconnaître l’existence de ces problèmes et à trouver des solutions communes, espérons-le, à l’avenir.
Le sénateur Oh : Je veux parler de l’infrastructure dans l’Arctique. Le manque d’infrastructures en matière d’énergie, de transmission à large bande et de transport a une incidence sur le coût de la vie, sur le bien-être des collectivités et sur l’exploitation d’une entreprise dans l’Arctique.
Mary Simon a signalé que les programmes d’infrastructures fédéraux ne reconnaissent pas que l’Arctique doit rattraper le retard qu’il a sur d’autres régions du Canada. Les participants aux tables rondes régionales à Nain et à Churchill ont fait ressortir les besoins en infrastructures de transport, tels que des routes et des ports, et ont déclaré que l’infrastructure existante est en train de se détériorer.
Quelles options explore-t-on à l’heure actuelle pour combler l’écart au chapitre des infrastructures entre le Nord et le Sud du Canada?
M. Van Dine : Merci beaucoup, sénateur. C’est une question très opportune.
Mary Simon est un peu une visionnaire qui possède une vaste expérience et qui comprend les problèmes et les défis. Malheureusement, nous avons bénéficié de son expertise pour une courte période seulement. Ses engagements s’échelonnaient sur une période très précise, mais durant cette courte période, elle a pu grandement nous aider.
Depuis le conseil de Mary, le gouvernement a produit un budget fédéral, le budget de 2018, dans le cadre duquel certaines des questions que vous soulevez sont abordées. Quant à savoir si nous avons tout fait correctement ou si nous avons abordé tous les enjeux considérés urgents par Mary, il faudra se pencher sur cette question. Cependant, nos collègues à Transports Canada sont en train de travailler sur des ports et des corridors dans l’Arctique. Nos collègues à Infrastructure Canada ont, par l’entremise du budget de 2018, trouvé du financement dans le cadre du Fonds pour l’énergie dans l’Arctique. Pour ce qui est de la transmission à large bande, le ministre Bains s’est rendu dans le Nord pour examiner la possibilité d’améliorer la connectivité.
Je répète que Mary possède une vaste expérience. Les besoins, comme vous les avez décrits, sont énormes. Il y a un écart dans les transports et le secteur numérique qui continue d’exister entre le Nord et le reste du Canada. Nous espérons que nous pourrons poursuivre cette conversation et maintenir l’attention prêtée à cette question pour voir si nous pouvons réaliser des progrès afin de réduire le coût de la vie des habitants du Nord.
Le sénateur Oh : Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Walsh : Non. J’ajouterais seulement qu’on nous a dit haut et fort dans le cadre de nos séances de consultation avec diverses régions que l’infrastructure est un outil essentiel pour réaliser des progrès et produire des résultats, que ce soit pour la sécurité alimentaire, le développement économique, l’éducation dans les collectivités éloignées ou même les services de santé.
On nous a également dit de penser à l’infrastructure différemment. Quand on pense à l’infrastructure au XXIe siècle, on ne pense pas à des routes; on pense à un service à large bande pour de nombreuses collectivités. L’une des frustrations que les habitants du Nord ont exprimées, c’est que l’approche qui est adoptée à l’égard des politiques publiques a tendance à être axée sur les infrastructures communautaires plutôt que sur des projets régionaux d’envergure ou des projets de construction nationaux, et cette approche repose habituellement sur des formules fondées sur la population. Si nous continuons d’adopter cette approche, le Nord ne pourra jamais reprendre son retard, car la population n’est pas assez importante.
Ce sont là quelques-uns des problèmes qu’on nous a demandé d’examiner dans le cadre de l’élaboration du Cadre stratégique pour l’Arctique.
La sénatrice Pate : J’aimerais revenir aux deux dernières questions que les sénateurs Gold et Oh ont posées et me concentrer sur certaines décisions relatives aux infrastructures qui ont été prises, sur la qualité de vie et sur le renforcement des citoyens et des collectivités dans l’Arctique. Comme on l’a mentionné, les logements sont surpeuplés. Le Comité sénatorial des peuples autochtones a relevé d’importants problèmes entourant le logement, les taux de suicide élevés, les taux de violence et de victimisation élevés à l’endroit des femmes et les taux d’incarcération extrêmement élevés. Je serais curieuse de savoir ce que le Canada devrait faire à court, moyen et long termes, d’après vous, et comment vous feriez cadrer ces mesures avec une décision de dépenser jusqu’à 76 millions de dollars pour construire une autre prison à Iqaluit.
La dernière fois que je suis allée là-bas, j’ai remarqué entre mes deux visites qu’il y avait de nouvelles prisons, mais pas de nouveaux refuges ou systèmes de soutien dans la collectivité. Nous connaissons les problèmes qui sévissent dans cette région, et une situation est survenue lorsque j’étais là-bas. Une femme qui avait besoin d’être hébergée dans un refuge parce qu’elle se faisait battre a été mise en prison pour assurer sa sécurité. Tout le monde pouvait parler du caractère inapproprié de certaines de ces décisions, mais le manque d’infrastructure pour régler les problèmes de façon plus proactive n’a pas donné lieu à des taux d’incarcération plus élevés, par exemple.
J’aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont nous abordons cette question et encourageons la prise de certaines décisions stratégiques pour que des investissements dans l’infrastructure favorisent davantage le renforcement des citoyens et des collectivités.
M. Van Dine : Merci, madame la sénatrice. Nous entendons certainement parler de l’infrastructure sociale dans toutes nos séances de consultation. Nous nous attendons à ce que les gens continuent d’encourager le gouvernement du Canada à trouver des moyens de contribuer à combler l’écart au chapitre de l’infrastructure sociale.
À l’heure actuelle, le cadre stratégique vise à remettre la Chambre sur la bonne voie, pour ainsi dire. Comment examinons-nous les divers enjeux à partir d’une vision intégrée afin d’avoir une incidence positive optimale par l’entremise de diverses initiatives, que ce soit des programmes pour le logement, du soutien au bien-être mental et d’autres programmes et services? Comme M. Walsh l’a souligné, dans chacun de ces cas, nous ferions appel à de solides partenaires gouvernementaux territoriaux pour déterminer ce que nous devons faire collectivement.
Nous entendons dire pour la première fois que certaines des organisations de revendications territoriales déterminent les ressources en capital qu’elles aimeraient investir dans certaines de ces solutions. Nous n’avons pas complètement exploré ce que cela signifie, mais, pour certains des membres qui connaissent les approches novatrices au financement et à la propriété, on semble s’intéresser au fait que tant que les programmes gouvernementaux peuvent offrir du soutien au locataire, alors les biens peuvent appartenir à quelqu’un d’autre. Tant que nous pouvons offrir cet engagement à long terme, les modèles de propriété permettent d’optimiser les fonds pour répondre aux besoins en programmes sociaux que vous décrivez au lieu d’être détournés pour régler les défis liés aux ressources en capital et aux programmes. C’est relativement nouveau pour nous, et nous sommes emballés à l’idée d’explorer tout le potentiel que cette option peut offrir. Nous n’avons pas tous les leviers, comme M. Walsh l’a souligné.
L’autre dimension est à l’échelle internationale. Il est très intéressant de voir comment d’autres pays circumpolaires règlent des questions semblables. Les histoires, les cultures et d’autres facteurs à prendre en considération sont différents, mais il y a toujours au moins un élément pour vous encourager à faire une pause et à réfléchir à ce qui peut être adapté.
Dans le système pénal que vous avez mentionné — et ce n’est pas mon secteur, alors les représentants de la sécurité publique seraient les mieux placés pour répondre à cette question —, les Norvégiens ont adopté une approche légèrement différente sur laquelle nous devrions nous pencher pour découvrir s’il existe d’autres modèles que nous pouvons envisager et appliquer.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup.
Messieurs Van Dine et Walsh, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Walsh : Merci de la question. Mme Simon dit notamment que le concept d’un modèle de leadership partagé dans l’Arctique, ou d’un modèle de gouvernance partagé, faute d’une meilleure expression, ne consiste pas seulement à partager la responsabilité d’investir des ressources pour bâtir des infrastructures. Les politiques publiques ont des conséquences. Selon elle, c’est le leadership que vous exercez conjointement avec vos partenaires pour prendre des décisions qui produisent certains résultats. Ce leadership est très utile au début et influence grandement les décisions que nous prenons plus tard, que ce soit pour investir dans des centres de traitement plutôt que dans des établissements correctionnels, par exemple. Il ne s’agit pas seulement d’un jeu à somme nulle concernant l’argent qui est dépensé ici et là. Vous devez travailler dès le début avec vos partenaires pour prendre des décisions en matière de politique publique afin d’atteindre les résultats que vous espérez atteindre collectivement.
La sénatrice McPhedran : Bienvenue au comité. Je veux me référer à la page 7 de votre mémoire et vous demander plus de précisions sur les tables rondes que vous avez énumérées. Je veux fonder ma question sur l’énoncé que vous avez fait en dessous de la liste des endroits où les tables rondes ont attiré beaucoup de gens, dont des membres des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des sociétés de développement économique, des chambres de commerce, des fonctionnaires provinciaux et territoriaux, des intervenants de l’industrie et des représentants de plusieurs ministères fédéraux.
J’ai trouvé très encourageant de vous entendre dire dans une réponse précédente que les jeunes leaders sont bien représentés à ces tables rondes.
J’ai une question à deux volets à ce sujet. Premièrement, quelle était la représentation des femmes? Quel âge avaient ces femmes? Si vous ne pouvez pas nous fournir ces données ce soir, je vous saurais gré de transmettre au comité une ventilation de ces chiffres et des participants.
Vous allez rendre public un rapport qui est en cours d’élaboration. Comment le rapport cadre-t-il avec la planification et la mise en œuvre à plus long terme assorties d’importantes ressources?
M. Van Dine : Pour répondre à la première partie de votre question, nous nous ferons un plaisir de vous fournir les renseignements sur le niveau de participation pour les organismes destinés aux femmes et aux jeunes dans le cadre du processus jusqu’à présent. Nous vous ferons parvenir ces renseignements.
Voici quelques points saillants. Nous avons travaillé en partenariat avec l’organisation de femmes inuites Pauktuutit, qui a tenu il y a quelques semaines une séance sur le Cadre stratégique pour l’Arctique à l’occasion d’une réunion de son conseil d’administration. Nous sommes impatients de connaître leurs points de vue. De plus, la ministre Bennett a discuté à Iqaluit avec un groupe jeunesse qui compte de nombreux jeunes et de nombreuses jeunes femmes leaders.
Nous avons aussi discuté avec les gens de la Gordon Foundation dans le cadre du programme Jane Glassco Northern Fellowship. Ils ont participé et donné des points de vue.
D’ici la fin de février, je crois que nous aurons noué le dialogue avec un maximum de 200 jeunes à l’aide d’un autre programme, qui consiste en une combinaison de médias sociaux et de téléconférences, pour permettre à des personnes de partout au Canada, y compris du Nord, de participer. Nous souhaitons donc vivement obtenir ces points de vue.
Pour ce qui est de savoir où se situe le rapport dans tout cela, je signale qu’il y a plusieurs choses que la ministre Bennett doit s’engager à faire dans sa lettre de mandat. Elle doit non seulement corédiger un nouveau cadre stratégique pour l’Arctique, mais aussi le mettre en œuvre. Dans le cadre du processus d’élaboration, elle a sans aucun doute indiqué clairement à M. Walsh et à moi que, avant d’avoir la compétence nécessaire — je ne sais pas si c’est le bon mot — ou plutôt d’être prête à mettre en œuvre un cadre stratégique pour l’Arctique, elle aimerait que les différents partenaires lui disent que le cadre proposé est à la hauteur de leurs attentes.
C’est le défi que nous devons relever. Le délai de production fait encore l’objet de discussions avec nos partenaires et dépendra de décisions que le gouvernement devra prendre.
La sénatrice McPhedran : Si je peux me permettre, je veux obtenir d’autres précisions. Si j’entends et je comprends bien, il faut faire une petite distinction entre les « partenaires » et les personnes invitées à participer aux tables rondes dans le cadre des « consultations ». Nous reconnaissons tous l’importante différence entre la consultation ainsi que la mobilisation et le partenariat qui suivent.
Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir de plus amples détails pour préciser qui est partenaire et qui s’est rendu à une ou à plusieurs consultations.
M. Van Dine : Tout à fait. Merci, madame la sénatrice. Nous serons heureux de le faire.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La présidente suppléante : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Walsh?
M. Walsh : Sans aller trop loin dans les rouages de notre processus de mobilisation, je pense que nous envisageons différentes étapes. Les tables rondes ont joué un rôle très important à l’étape de l’écoute des priorités des habitants du Nord et des difficultés auxquelles ils font face. C’était un objectif des tables rondes.
L’objectif des rapports « Ce que nous avons entendu » était double. Il fallait tout d’abord s’assurer que ce que nous avions entendu était exact. Nos partenaires ont validé le contenu de ces rapports. Une fois validés par les participants à une table ronde, ils sont publiés sur notre site web.
C’est important parce que les habitants de différentes régions du Nord peuvent les consulter et faire des comparaisons. Je pense que ce qui est plus important encore, c’est qu’ils commencent à discerner des thèmes et des points communs, ce qui constitue le fondement de notre prochaine étape, la rédaction, qui consiste à se demander si nous avons bien fait les choses. Vient ensuite la période de validation, que la ministre Bennett nous a mis au défi de faire après avoir terminé les tables rondes.
La sénatrice McPhedran : Quel est le délai de publication?
M. Van Dine : Certains de nos documents « Ce que nous avons entendu » sont maintenant publiés. Je crois que ce sont ceux de notre séance de Churchill, de celle de Nain ainsi que de la séance d’Iqaluit et de celle de Happy Valley-Goose Bay. Je pense qu’il ne reste plus que les rapports des séances du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, mais nous espérons les publier bientôt.
Comme je l’ai mentionné dans mes observations, nous recevons également en ligne les mémoires de différents groupes, que nous essayons également de passer en revue. Les gens se sont montrés pas mal intéressés.
Je pense que votre observation, si je puis me permettre, renvoie implicitement au délai et à l’élaboration conjointe. Nous avons de la difficulté à trouver le bon équilibre pour permettre aux gens de participer pleinement, pour faire de vastes consultations et pour ensuite travailler étroitement avec nos partenaires afin de nous assurer que nous avons bien fait les choses. Je dirais que notre approche pour tenter de résoudre la quadrature du cercle, si je puis dire, en matière de délais consiste à faire preuve de transparence.
Nous espérons qu’une diffusion plus complète des documents dont vous parlez, des processus et des délais dont nous avons entendu parler ainsi que des idées à l’aide d’une approche transparente nous permettra d’apprendre beaucoup plus efficacement les uns des autres, comme pourront en témoigner — espérons-le — nos partenaires et nos divers intervenants.
Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici, messieurs. Ma première question — et je connais les six thème. Ils contiennent tous le mot « Arctique ». Cela ne me pose pas problème, mais nous ne nous limitons pas à l’Arctique. La liste est là et comprend Churchill, Terre-Neuve-et-Labrador de même que Goose Bay.
Comment pouvons-nous faire en sorte que ces endroits ont l’impression de faire partie du processus alors qu’il est seulement écrit « Arctique »? Comment peut-on procéder? Y a-t-il un moyen? Je sais que ce serait comme ce qu’a dit Mary Simon, mais il faut être plus inclusif d’une certaine façon.
M. Van Dine : Vous soulevez un point important. Nous définissons l’Arctique un peu différemment pour cette approche que ce que nous avons fait dans les processus stratégiques précédents. C’est partiellement attribuable à Mme Simon, mais c’est aussi en reconnaissance de notre processus de partenariat entre les Inuits et la Couronne dans lequel nous tentons une certaine réconciliation, une reconnaissance des régions de l’Inuit Nunangat, qui comprend les régions inuites ayant fait l’objet d’ententes sur les revendications territoriales au Nunatsiavut, au Nunavik, aux Territoires du Nord-Ouest ainsi qu’au Nunavut. Elles ont défini un intérêt commun sur le plan politique. Il a donc naturellement fallu que nos processus jusqu’à maintenant comprennent dans la formulation de notre approche le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et le gouvernement du Québec.
C’est la même chose pour le Manitoba. Le Manitoba ne fait pas partie de l’Inuit Nunangat, mais il a sans aucun doute été établi que Churchill a des liens historiques avec certaines parties de l’Est de l’Arctique, et nous avons entrepris de l’ajouter.
Nous avons adopté ce que j’appellerais une approche relativement graduelle pour cet exercice. Si je peux me permettre, je vais prendre juste un petit peu plus de temps pour dire que lorsque le premier ministre a pris l’engagement en décembre 2016, la ministre a écrit à toutes les administrations pour leur demander de nommer un représentant qui allait travailler avec Wayne et moi pour commencer à discuter d’un processus visant à nous aider à parvenir à un modèle de leadership partagé dans l’Arctique.
Le processus a commencé en avril, et nous avons allongé la chaîne téléphonique, pour ainsi dire. Nous rencontrons assez régulièrement nos collègues des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que nos différents partenaires autochtones. Nous avons fait une petite pause pendant les vacances de Noël, mais nous nous sommes remis à l’œuvre. Nous espérons que l’approche de transparence, de planification et de mobilisation pour l’élaboration des guides de discussion que nous avons utilisés en novembre nous permet de renforcer la sensibilisation et la prise en charge.
Le sénateur Neufeld : Et l’inclusion, n’est-ce pas?
M. Van Dine : En effet.
Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé de ports, de corridors et de large bande. Pouvez-vous nous donner une réponse un peu plus précise? C’est bien de le mentionner, mais c’est une énorme région du Canada. De quel endroit proviennent certaines de ces idées? Quels sont les ports? Quels sont les corridors? Si vous avez ces renseignements — je sais que vous ne les avez peut-être pas ici —, pourriez-vous les fournir à notre greffière pour que tout le monde puisse les lire?
M. Van Dine : Nous tâcherons de vous les faire parvenir. Dans ce dossier, notre principal ministère partenaire est Transports Canada, avec qui nous collaborons étroitement à l’élaboration du cadre. Nous serons donc très heureux de travailler avec Transports Canada et la greffière de votre comité pour vous transmettre l’information.
Le sénateur Neufeld : Ce serait fantastique.
Mon autre question porte sur l’adaptation. J’en ai parlé longuement. Les changements climatiques sont réels, et qu’on le veuille ou non, rien ne va les arrêter. Le cycle va se poursuivre, peu importe les mesures qu’appliquera le Canada à l’échelle mondiale.
Que faites-vous concernant l’adaptation dans le Nord?
Y a-t-il un chapitre qui examine concrètement la question?
M. Van Dine : Je peux vous assurer que nous ne manquons absolument pas de contenu pour l’élaboration du Cadre stratégique pour l’Arctique. Nous allons de l’avant avec la Stratégie d’adaptation pour le Nord, qui s’inscrit dans le Cadre pancanadien, annoncé par les ministres McKenna et Carr. Cette stratégie s’appuie sur les partenariats en place entre diverses organisations autochtones et les gouvernements territoriaux et provinciaux. Nous abordons certainement la situation de façon globale avec le Cadre stratégique pour l’Arctique, mais en parallèle, d’autres travaillent frénétiquement à soutenir le Cadre pancanadien. Il y a aussi les ressources attribuées dans le budget de 2017, par exemple pour la planification en matière de gestion des mesures d’urgence relativement à l’adaptation aux changements climatiques.
Des projets de recherche étudiant la migration des espèces sont en cours. On m’a parlé récemment d’un projet intéressant qui consiste à faciliter un échange entre une collectivité inuite de Nunatsiavut et une collectivité des Premières Nations du Yukon. La collectivité du Yukon a remarqué que les phoques avaient commencé à s’aventurer dans de nouvelles zones de la mer de Beaufort. Et au Nunatsiavut, on constate la présence d’orignaux, une espèce inhabituelle pour la région. Les deux collectivités vont donc faire un échange : les Premières Nations vont enseigner à leurs partenaires inuits comment chasser l’orignal, et les Inuits vont montrer à leurs partenaires des Premières Nations comment chasser le phoque.
Et il y en a d’autres. Je serais heureux de revenir devant le comité pour discuter de ce que nous faisons précisément en matière d’adaptation pour le Nord.
Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous nous donner une partie de cette information ou nous dire où nous pouvons la trouver?
M. Van Dine : Oui.
Le sénateur Neufeld : Ce serait très utile.
Pour ce qui est du financement accordé en fonction de la population, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que c’est vraiment injuste pour les collectivités du Nord. J’habite dans le Nord. J’ai vécu cette injustice pendant une bonne partie de ma vie. Qu’est-ce qu’on fait pour remédier à la situation à l’heure actuelle? Quelles mesures prend-t-on pour changer cette approche? Envisage-t-on de changer la politique? Est-ce que la ministre s’est engagée à abandonner cette pratique au profit d’une approche globale face aux difficultés liées au Nord?
M. Van Dine : Il y a plusieurs éléments dans cette question. D’abord, Mary Simon a effectivement parlé de la façon dont on détermine le financement des gouvernements territoriaux pour certains programmes. Elle a indiqué que cette façon de faire posait problème.
Comme je le disais, dans le cadre du budget de 2017, le gouvernement a alloué des sommes additionnelles à Infrastructure Canada aux fins du Fonds pour l’énergie dans l’Arctique; le budget prévoit également des fonds supplémentaires pour le plan de logement des Inuits. Toutefois, pour ce qui est de la politique encadrant le financement axé sur la population, il n’y a pas eu de changement global de ce côté.
Le sénateur Neufeld : Prévoyez-vous y apporter des modifications à un moment donné?
M. Van Dine : Nous attendons de voir ce qu’en pensent nos partenaires et de connaître les résultats du processus final. Les gens sont de plus en plus conscients des limites de cette approche dans les régions éloignées et les régions du Nord. Les collectivités plus démunies n’obtiennent pas nécessairement les fonds dont elles ont besoin. Nous allons voir si la question est soulevée. Je ne sais pas si une refonte totale est prévue à l’horizon à cet égard.
Le sénateur Gold : Ce qui me frappe, c’est l’effort — et c’est tout un effort — déployé pour intégrer différentes perspectives, de même que l’argument présenté dans la documentation à l’effet que tout est interrelié. Nous aussi, au Sénat, nous avons parfois de la difficulté à tout intégrer, car malgré tous nos efforts, nous nous trouvons à travailler en vases clos.
Vous allez donc comprendre ma question. Je suis le vice-président du Comité des pêches et des océans. Nous avons entrepris une grande étude sur la capacité de recherche et sauvetage. Une chose entre autres qui nous préoccupe est la montée du tourisme dans l’Arctique, rendu possible par les changements climatiques; je pense au passage de navires de croisière et à l’écotourisme en général. C’est une perspective qui nous terrifie, car nous n’avons pas les ressources nécessaires en place dans le Nord pour protéger non seulement les résidants qui sont à la chasse ou à la pêche, mais aussi les touristes qui pourraient se retrouver en situation fâcheuse.
Cela dit, quelles répercussions positives et négatives pourrait avoir la hausse de l’écotourisme dans le Nord, peu importe les facteurs y contribuant? Dans votre travail ou vos consultations, que vous dit-on là-dessus? Quels sont les pour et les contre de cet intérêt marqué pour le Nord?
M. Van Dine : Je crois que vous avez assez bien décrit les retombées positives et certains des risques qui y sont associés. Le passage du Crystal Serenity est venu changer la donne pour bien des collectivités, qui doivent composer avec le potentiel économique de l’écotourisme ou de l’intensification du tourisme, surtout maritime. Elles doivent se préparer à cette éventualité.
D’après ce que j’ai compris, certains artisans ont été pris quelque peu au dépourvu, car malgré leur travail acharné, ils n’ont pas pu vendre leurs produits contenant de l’ivoire de narval, les touristes craignant de ne pas pouvoir les ramener chez eux. Il a fallu tirer des leçons de cela.
Par ailleurs, ce sont principalement nos collègues de la Garde côtière et de la Sécurité publique qui s’occupent de la sécurité maritime et des questions relatives aux douanes et à la protection des frontières. Avec le Plan de protection des océans, le gouvernement pensait certainement au Nord. C’est une bonne chose qu’il ait pensé à inclure les côtes de l’Arctique à une initiative qui porte largement sur les enjeux maritimes.
Nous n’en sommes toutefois qu’aux premiers balbutiements. Même s’il y a de plus en plus de signes de navigation en eau libre de glace, nous sommes encore loin du Far West. Nous n'avons pas la vie devant nous, mais devons effectivement collaborer de près. Nos collègues de Transports Canada se penchent sur les portes d’entrée et les corridors, la sécurité maritime et toute autre mesure nécessaire.
Je suis persuadé que la grande différence entre les versions précédentes de la stratégie pour le Nord du gouvernement fédéral et la mouture actuelle, c’est l’ouverture de la troisième côte du Canada. C’est probablement la considération stratégique la plus importante à laquelle nous sommes confrontés.
Mary Simon a abordé franchement la question de la conservation dans son premier rapport à la ministre Bennett, et je m’en voudrais de ne pas reprendre une de ses observations, que je vais paraphraser : « Une collectivité au beau milieu d’une zone de conservation coincée dans le carcan de la pauvreté n’est pas un modèle de durabilité pour l’Arctique .»
Nous tentons donc de trouver des moyens pour soutenir des économies durables. Pour la ministre Bennett, le problème n’est pas de vendre des expéditions de canot par milliers; quand on parle de solutions économiques, il faut penser aux collectivités qui vont profiter de cette industrie et qui devront avoir leur mot à dire à propos des solutions.
Bref, c’était un long préambule pour dire qu’il reste du chemin à faire, mais le processus est enclenché, et nous avons bon espoir que le Cadre stratégique pour l’Arctique permettra de mettre en branle des projets prometteurs qui favoriseront la prospérité des collectivités arctiques.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup.
La présidente suppléante : Je suis bien au fait de la situation dans laquelle se sont trouvés ces artistes et ces artisans. Cela a été brutal. Le premier été qu’un navire de croisière a traversé l’Arctique, les quelque 4 500 passagers se sont fait dire de ne rien acheter des artistes locaux, car leurs produits pouvaient contenir une matière interdite au-delà des frontières du Canada. Il n’y a donc pas que les artisans utilisant de l’ivoire de narval qui en ont souffert, mais absolument tous les artistes. L’art inuit est particulièrement prisé des collectionneurs allemands et français depuis des décennies, alors c’était toute une gifle pour les artisans.
Avant de lever la séance, je tiens à souligner que vous avez utilisé le terme « sensibilité culturelle ». Il a été question, d’une manière ou d’une autre, du savoir autochtone. Je suis certaine que nous aurons l’occasion d’en discuter à maintes reprises dans le cadre de notre étude. Nous n’en sommes après tout qu’au premier acte. Je vous suggère cependant d’utiliser le terme au pluriel : « sensibilités culturelles ». Pour avoir travaillé avec des collectivités et des artistes du Nord, je sais qu’il y a différentes sensibilités culturelles selon les différentes régions du Nord. Je crois qu’il serait pompeux de notre part, nous, gens du Sud, de présumer qu’il n’y a qu’une sensibilité culturelle pour toutes les régions du Nord.
J’ai hâte de voir ce que vous pourrez nous fournir concernant les tables rondes. Je tâcherai d’examiner le tout en pensant aux différentes sensibilités culturelles. Nous devons trouver le moyen d’étudier l’ensemble de ces enjeux et préoccupations de façon à inclure tout le monde. C’est un défi exaltant qui se dresse devant nous.
Merci à vous deux pour vos commentaires, et merci aux témoins. Nous ferons sans doute appel à vous de nouveau pour décortiquer la chose et en extraire l’essentiel. Nous voulons paver la voie à une approche qui reconnaît l’importance, la richesse et les besoins de ce joyau canadien.
S’il n’y a pas d’autres commentaires, je vous demanderais de proposer une motion d’ajournement. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)