Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique
Fascicule no 16 - Témoignages du 22 octobre 2018
OTTAWA, le lundi 22 octobre 2018.
Le Comité spécial sénatorial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 30, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Unnusakkut. Bienvenue à cette réunion du Comité spécial sénatorial sur l’Arctique. Je suis Dennis Patterson, et je représente le Nunavut au Sénat. J’ai le privilège d’être président du comité. Je voudrais maintenant demander aux sénateurs qui sont là de se présenter.
La sénatrice Bovey : Sénatrice Patricia Bovey, Manitoba. Je suis la vice-présidente du Comité sur l’Arctique.
La sénatrice Dasko : Sénatrice Donna Dasko, de l'Ontario.
Le sénateur Neufeld : Sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Eaton : Sénatrice Nicky Eaton, de l'Ontario.
La sénatrice Boyer : Sénatrice Yvonne Boyer, de l'Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.
Le président : Je vous remercie, chers collègues.
Ce soir, nous poursuivons notre étude des changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et de leurs effets sur les premiers habitants en abordant deux sujets précis : le développement économique et l’infrastructure.
Je suis ravi de souhaiter la bienvenue — au sein de notre premier groupe de témoins — à la mairesse de la Ville d’Iqaluit, Son Honneur Madeleine Redfern; bienvenue. Nous accueillons Michael Spence, maire, et Cory Young, directeur général, de la municipalité de Churchill. Merci beaucoup de vous être joints à nous. Je vous inviterais chacun à procéder à votre déclaration préliminaire. Vous pouvez vous attendre à vous faire poser des questions après.
Michael Spence, maire, municipalité de Churchill : Merci.
Je suis honoré de m’adresser à cet important comité spécial sénatorial. Votre sujet — les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants — est important pour toutes les collectivités arctiques et subarctiques, y compris Churchill, naturellement.
Nous prenons part au nouveau Cadre stratégique pour l’Arctique du gouvernement fédéral. La première séance de cette initiative a été tenue dans notre collectivité il y a environ un an. Nous en sommes reconnaissants.
La collectivité de Churchill est depuis longtemps le lieu de résidence d’Inuits de Keewatin, maintenant la région de Kivalliq. Les Inuits vivent à Churchill et près de la municipalité depuis des milliers d’années, et c’est encore le cas aujourd’hui. En tant que collectivité subarctique, il s’agit d’un volet important de notre histoire et de l’histoire canadienne.
Churchill a fait partie des Territoires du Nord-Ouest jusqu’en 1911. La municipalité en tant que telle a été la capitale administrative du district de Keewatin des Territoires du Nord-Ouest jusqu’en 1970.
Notre hôpital sert la région, et les marchandises arrivaient presque exclusivement de Churchill par le chemin de fer et le port de la baie d’Hudson pendant plus de 70 ans. Nous entretenons une solide relation de longue date qui est d’une importance cruciale.
Comme vous le savez sans doute, pas plus tard qu’il y a un mois — le 31 août —, le gouvernement fédéral a effectué un investissement stratégique majeur de 117 millions de dollars dans le but de faciliter le transfert de la propriété du port et du chemin de fer. Les gouvernements autochtones concernés et les municipalités situées le long de la voie ferrée, y compris Churchill, ont établi un partenariat avec le secteur privé dans le but d’en devenir propriétaires. Les réparations du chemin de fer en sont aux étapes finales. Nous prévoyons que le premier train arrivera au cours des deux ou trois prochaines semaines.
Notre collectivité était un membre fondateur de la table ronde régionale de la baie d’Hudson et, depuis 2001, nous tenons au Manitoba et au Nunavut des tables rondes sur une diversité d’enjeux importants et de priorités que nous avons en commun.
L’une des plus grandes priorités a été le besoin de remplacer la consommation de diesel dans les hameaux. Le sénateur Patterson a appuyé fermement ce projet et joué un rôle de leadership dans le cadre de la rédaction du rapport de 2017 du comité sénatorial intitulé Énergiser les territoires du Canada. Les études réalisées à ce jour ont permis de découvrir que de solides arguments peuvent être avancés afin de montrer qu’une ligne hydroélectrique pourrait remplacer les centrales au diesel vieillissantes et pourrait apporter de l’énergie renouvelable vers la région de Kivalliq pour la toute première fois.
L’Association inuite du Kivalliq a pris des mesures importantes pour faire avancer le projet. Je souligne qu’elle présentera ce soir son plan concernant la proposition. Je laisserai son représentant expliquer l’état actuel du projet.
Nous appuyons fermement les efforts déployés par l’association pour la concrétisation du projet d’électricité et de fibre optique. Il est crucial.
Au moment où le gouvernement fédéral déploie ses efforts dans le but de réduire l’utilisation des combustibles fossiles, il importe qu’il reconnaisse les défis auxquels fait face le Nord. En raison de la fermeture du chemin de fer de la baie d’Hudson, au cours de la dernière année, Churchill a connu des prix de l’essence parmi les plus élevés en Amérique du Nord, jusqu’à 2,34 $ le litre. Le gouvernement du Nunavut a été forcé de subventionner l’essence et le diesel pour les résidants et les entreprises. Même si nous appuyons en principe l’établissement d’un prix sur le carbone, il est essentiel que le gouvernement fédéral reconnaisse la situation et qu’il agisse afin de protéger les résidants du Nord des coûts additionnels.
Comme le savent les membres du comité, Churchill possède le seul port en eaux profondes du Canada. Maintenant que le nouveau groupe de propriétaires en assume la responsabilité, nous verrons des investissements importants qui pourront dynamiser le port et son rôle dans l’Arctique.
Nous croyons qu’il sera concurrentiel auprès des expéditeurs de la côte Est et — fait plus important — qu’il pourra fournir un meilleur service aux résidants et aux entreprises de l’Arctique.
En plus d’avoir le seul chemin de fer qui atteigne l’Arctique, des réservoirs de carburant marin et un port, nous sommes également dotés d’un aéroport appartenant au gouvernement fédéral qui comporte des avantages majeurs.
Il a été construit par l’armée et peut accueillir les plus gros avions de la planète. Actuellement, il est sous-utilisé. Il possède un énorme potentiel de servir de complément à notre chemin de fer dans le cadre d’un processus fluide pour l’expédition de marchandises partout dans le Nord. Nous poursuivrons les discussions avec le gouvernement fédéral au sujet de l’utilisation accrue de l’aéroport et de la possibilité de le relier au port et au chemin de fer dans le cadre des efforts visant la création d’une vraie porte du Nord.
Nous allons nous organiser pour que l’aéroport soit en position d’assumer un mandat élargi afin de répondre aux grands besoins de l’Arctique. Nous avons hâte aux discussions avec les dirigeants et les résidants du Nord concernant l’initiative de l’aéroport de Churchill.
Nous voulons être des partenaires dans le cadre des prochains investissements qui permettront de relier nos aéroports à l’infrastructure existante de notre port et de notre chemin de fer. Il n’est que logique que nous maximisions cette infrastructure au profit de nos collectivités nordiques de l’Arctique.
Plus précisément, nous voulons voir un nouvel investissement stratégique dans l’aéroport, y compris aux fins d’un entreposage à température contrôlée, l’établissement d’un lien direct entre les voies ferrées et l’aéroport, la création d’une chaîne d’approvisionnement intégrée et l’installation d’équipement de déchargement spécialisé.
Churchill peut jouer un rôle important pour ce qui est de réduire davantage l’insécurité alimentaire dans le Nord grâce à des investissements visant à réduire les coûts de réapprovisionnement.
Je m’en voudrais de ne pas aborder les changements climatiques et les conséquences qu’ils ont sur notre collectivité. Les intervenants de notre secteur touristique font le suivi de nos ours polaires et bélugas depuis nos installations de calibre mondial; le Centre d’études nordiques et l’observatoire maritime de Churchill joueront un rôle crucial dans ce domaine important.
En conclusion, je veux remercier le comité de m’avoir invité. Le travail que vous faites ici est important pour le Nord. Je vous encourage à promouvoir largement votre rapport final.
Le président : Merci.
Madame Redfern?
Madeleine Redfern, mairesse, Ville d’Iqaluit : Je veux aussi déclarer officiellement qu’en plus d’être la mairesse d’Iqaluit — la capitale du Nunavut —, je suis la présidente de l’Association des municipalités du Nunavut, qui représente l’ensemble des 25 collectivités. Je suis également vice-présidente du Forum des collectivités nordiques et éloignées de la Fédération canadienne des municipalités, et je suis membre de son conseil d’administration.
Je tenterai d’être concise.
En ce qui concerne le Cadre stratégique pour l’Arctique, au départ, il ne comportait aucune mention des municipalités, ce qui, bien entendu, était un oubli malheureux. Les municipalités sont un intervenant clé et important. Nous sommes un ordre de gouvernement, et on dit souvent qu’il est le plus proche des gens. Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos collectivités et organisations territoriales, fédérales et autochtones.
Je suis heureuse d’affirmer que les choses ont enfin changé après qu’on a fait beaucoup de bruit pendant plus d’un an. En août 2018, de la sensibilisation a enfin été faite auprès de la Fédération canadienne des municipalités, qui a également milité en notre nom pour s’assurer que nos municipalités nordiques étaient incluses.
Au mois de septembre, les deux autres présidents des associations municipales du Nord et moi-même avons été en mesure de formuler de précieux commentaires qui, nous l’espérons, seront utilisés au moment de la rédaction du Cadre stratégique pour l’Arctique.
Le plus important, c’est d’assurer l’inclusivité. Souvent, nous nous retrouvons tous à travailler dans notre sphère respective. Pourtant, nous savons que nous sommes plus forts si nous travaillons ensemble et en collaboration. Nous devons faire tomber les obstacles structuraux qui, selon moi — et ce n’est parfois pas intentionnel —, font que nous ne travaillons pas en aussi étroite collaboration que nous le pouvons et le devrions.
Dans le cadre de ce processus, nous avons eu la possibilité de souligner la façon dont nous pouvons et devrions mieux collaborer avec les représentants fédéraux, nos gouvernements territoriaux ou provinciaux nordiques, les municipalités et les collectivités autochtones.
Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons vu se tenir les traditionnelles rencontres fédérales-provinciales-territoriales ainsi que les rencontres entre les dirigeants fédéraux et autochtones. Les municipalités ne font partie d’aucune de ces rencontres.
Si j’ai bien compris ce qu’on m’a expliqué, même si les organisations autochtones ou leurs entités représentent les collectivités — même si c’est vrai —, elles ne sont pas des municipalités. Elles ne sont pas responsables du type de services que nous fournissons, qui concernent l’aménagement des terres, la gestion des déchets, l’aqueduc, les égouts et les services des loisirs. C’est nous qui fournissons ces services.
L’autre chose que nous pouvons reconnaître, c’est qu’on n’a pas établi de stratégies concernant les infrastructures nordiques. Dans les domaines clés touchant l’énergie, même si des corridors de transport nordique ont récemment été annoncés, ils ne s’étendent pas à l’Est de l’Arctique. Il n’existe aucune stratégie pour les télécommunications dans le Nord. Même si on a établi la stratégie nationale en matière de logement et d’itinérance, les mesures sont prises à l’échelon régional. Ces stratégies n’incluent ni les municipalités, ni l’association municipale. C’est problématique, surtout que les stratégies du Nunavut comportent des recommandations à l’intention des municipalités et de notre association. Nous devons contribuer à la formulation de ces recommandations, surtout si nous devons être responsables de leur mise en œuvre.
Bien entendu, il y a l’annonce récemment faite par le gouvernement fédéral et l’Inuit Tapiriit Kanatami concernant la tuberculose. Idéalement, les gouvernements régionaux qui sont directement responsables de la santé auraient dû prendre part à cette initiative avant l’annonce, et ils auraient très bien pu le faire. Nous devons maintenant nous rattraper et apprendre comment mettre en œuvre ces travaux qui sont en cours.
Enfin, à l’échelon local, on connaît souvent des problèmes sur le plan des capacités. J’ai travaillé auprès de tous les ordres de gouvernement, et il existe des problèmes de capacité à tous les échelons. Le taux de roulement est souvent élevé, à Ottawa. Les gens, là-bas, ne savent pas toujours quelles sont nos réalités. Parfois, on a enfin l’impression de tomber sur quelqu’un qui comprend, puis cette personne est mutée vers un autre portefeuille. Il faut s’assurer qu’il y a de la stabilité à tous les échelons du gouvernement et au sein de nos collectivités autochtones. Ensemble, nous pouvons être plus forts et plus intelligents, nous pouvons mieux travailler et, au bout du compte, nous pourrons obtenir de meilleurs résultats. Merci.
Le président : Merci.
Monsieur Spence, vous ne nous avez rien dit sur vous-même. Combien de fois avez-vous été élu maire? Pouvez-vous nous parler un peu de vos antécédents?
M. Spence : Je vais devoir faire le calcul à cet égard. Je suis maire depuis 1995.
Le président : Nous allons maintenant passer à la période des questions.
La sénatrice Bovey : Merci à vous deux de vos exposés. Comme je suis allée dans vos deux collectivités, je pense avoir une petite idée de votre situation et du temps qu’il faut pour s’y rendre, ainsi que de l’isolement. Pourtant, la chaleur et la profondeur de l’engagement envers la collectivité... ce sont deux endroits très spéciaux.
Monsieur le maire Spence, vous avez parlé de la porte de l’Arctique et du fait que vous possédez trois des moyens de transport clés, grâce à votre aéroport, à votre voie ferrée et à votre port. Nous savons que les routes ne font pas partie de cette équation, dans le Nord.
Dans les deux collectivités, l’infrastructure présente des problèmes en ce qui a trait aux télécommunications et à Internet.
Pourriez-vous nous donner des détails sur ces problèmes, notamment nous expliquer ce que signifie cette porte, à vos yeux, monsieur Spence, et comment, selon vous, les voies aériennes, maritimes et ferroviaires — maintenant que le chemin de fer est sur le point d’être réparé — pourront établir ces liens et créer cette porte vers le Nord?
Madame Redfern, pouvez-vous nous parler des problèmes liés à l’absence d’une connexion rapide à Internet dans votre collectivité?
Et je conclurai avec la fibre optique.
M. Spence : En tant que collectivité, nous avons eu la chance de bénéficier d’investissements du gouvernement fédéral sur notre territoire dans le cas du chemin de fer en 1929, du port en 1931, et du grand aéroport dont nous disposons, qui avait d’abord fait l’objet de financement de l’armée américaine. Toutes ces infrastructures ont été conçues non seulement pour notre collectivité, mais aussi pour notre région. Il s’agissait de l’investissement du Canada dans la construction d’un pays plus fort.
À l’époque, comme c’est aussi le cas aujourd’hui, le transport s’effectuait par chemin de fer, car c’était une solution rentable, jusqu’au port, ou bien jusque dans la collectivité, puis on utilisait le transport par avion durant les mois d’hiver. Cette situation perdure aujourd’hui, dans certains cas. Nous avions un hôpital militaire à Fort Churchill, qui servait la région du district de Keewatin des Territoires du Nord-Ouest, soit aujourd’hui le district de Kivalliq du Nunavut. L’investissement était destiné à notre région dans son ensemble, pas seulement à Churchill. Nous nous trouvions tout simplement à un endroit stratégique par pur hasard.
Pour ce qui est de réunir la somme nécessaire à un investissement de ce genre... Ce sont des milliards de dollars. Dans le cadre de la table ronde régionale de la baie d’Hudson, nous nous réunissons deux fois par année avec les collectivités situées au nord de la nôtre pour trouver des synergies possibles. Comment pouvons-nous, en tant que région, fournir les services de façon efficace et intégrée?
En ce qui concerne la ligne de transport de la fibre optique, dans le cadre de la table ronde régionale de la baie d’Hudson tenue il y a quatre ou cinq ans, nos voisins de la baie d’Hudson — la région d’Arviat et de Killiq — parlaient d’électricité. Nous avons dit : « Organisons le projet et trouvons l’argent nécessaire pour le réaliser! » Nous avons fourni 75 millions; ils en ont trouvé 75. Nous avons procédé à une étude d’établissement de la portée à hauteur de 150 millions de dollars, comme le sait très bien le président. Maintenant, la KIA a saisi la balle au bond et passe à l’action.
Il est question de fibres optiques et d’électricité... une électricité fiable qui alimentera la région. Nous sommes contents pour eux. C’est un avenir plus radieux. C’est ce que nous devons faire, n’est-ce pas? Nous devons nous rassembler en tant que partenaires et trouver des synergies en nous assurant que de bons investissements sont effectués. L’avenir sera formidable.
Mme Redfern : Pour parler de la question des télécommunications, quand les gens visitent notre ville, la toute première chose qu’ils remarquent en débarquant de l’avion, c’est le service Internet lent et instable. Ce que vous ne voyez pas, en tant que visiteur, c’est la facture qui arrive à la fin de tous les mois.
En ce qui concerne les télécommunications, c’est pourquoi nous avons désespérément besoin que les bonnes personnes viennent tenir cette discussion avec nous.
J’ai eu la chance d’organiser une telle rencontre avec Janet King, l’ancienne présidente de CanNor. La première a été tenue en janvier dernier, en partie parce que les progrès et les projets relatifs aux télécommunications se produisent très rapidement.
Nous constatons maintenant qu’au Québec, on annonce que la fibre se rendra jusque sur la côte est de la baie d’Hudson, pas aussi loin que Kuujjuaq. Puvirnituq. Il y a aussi la fibre qui s’étend de Nuuk jusqu’à Terre-Neuve. Pour 250 000 $, ces installations auraient pu et auraient dû être dotées d’une unité de dérivation, ce qui aurait permis à nos régions de la partie sud de l’île de Baffin — la partie nord du Nunavik, le Nunatsiavut — de s’y raccorder. Cela coûte tellement cher qu’on ne peut effectivement pas ajouter d’unités de dérivation après que la construction a été effectuée. Cela coûterait aussi cher qu’une nouvelle construction. Nous avons raté une occasion clé.
L’administration d’Iqaluit et le gouvernement du Nunavut militent fortement en faveur de la construction d’une ligne de fibre optique s’étendant d’Iqaluit à Nuuk, à un coût d’environ 80 millions de dollars. Si cette unité de dérivation à 250 000 $ avait fait partie de la conception et de la construction initiales, nous aurions pu réduire ce coût à moins de la moitié, probablement dans la fourchette des 25 à 40 millions de dollars.
Même au moment où le gouvernement du Nunavut effectue le relevé géotechnique, ce qui m’a étonnée quand j’ai parlé à son représentant, récemment, c’est que, quand je lui ai demandé : « Êtes-vous certain qu’il y a une unité de dérivation afin que le Nord du Québec et le Labrador puissent un jour se raccorder? », il a répondu : « Nous avions prévu en installer une, mais dans le but de raccorder un jour la ligne à la côte est l’île de Baffin. Peut-être qu’elle s’étendra un jour vers l’ouest. »
Voilà pourquoi ces conversations interrégionales sont très importantes. Elles peuvent coûter très cher.
Il s’agit d’un exemple visant à vous faire comprendre qu’il faut être plus intelligent et plus stratégique. Au bout du compte, c’est ce que font les autres pays de l’Arctique. C’est ce que font le Groenland, l’Islande, les pays scandinaves et l’Alaska. Nous pensons souvent que, dans l’Arctique canadien, nous sommes meilleurs. Selon moi, il s’avère que nous accusons sérieusement un retard de plus en plus important.
La sénatrice Bovey : Merci.
M. Spence : Je veux apporter une correction. Je pense avoir dit 150 millions de dollars. C’était 150 000 $ pour l’étude d’établissement de la portée.
Le président : Nous allons le noter.
La sénatrice Bovey : Je ne poserai pas d’autres questions. Je veux formuler un commentaire. Avant de me rendre compte de la lenteur d’Internet, j’ai remarqué les œuvres d’art. Je veux vous féliciter, les responsables de l’aéroport et vous, des merveilleuses œuvres d’art exposées. C’est époustouflant. J’en ai déjà parlé à l’occasion d’un congrès national tenu il y a une semaine.
Mme Redfern : Merci.
Le sénateur Oh : Chers témoins, je vous remercie de votre présence. Nous sommes allés à Iqaluit. Nous vous avons manqués. Vous étiez ici. Cette fois-ci, nous vous accueillons.
Ma question s’adresse au maire de Churchill. Vous avez mentionné une somme de 117 millions de dollars pour terminer le pont, le chemin de fer et le port, est-ce exact?
M. Spence : C’est 117 millions de dollars au total pour le port et le chemin de fer.
Le sénateur Oh : Cette somme fait-elle partie de l’argent investi là-bas par le gouvernement fédéral?
M. Spence : Oui. Il s’agissait de fonds fédéraux.
Le sénateur Oh : Quelle part était constituée de fonds fédéraux, parce qu’une part provenait du consortium des entreprises autochtones, n’est-ce pas?
M. Spence : La diversification de l’économie de l’Ouest.
Le sénateur Oh : D’accord, c’est cela.
Le président : A-t-on répondu à votre question?
Le sénateur Oh : Oui.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup. Je vous ai tous écoutés, surtout Mme Redfern, et cela m’a beaucoup rappelé quand nous étions dans l’Arctique, au mois de septembre. Les programmes créés dans le Sud ne fonctionnent pas pour le Nord. Lorsque nous visitions les écoles, nous n’arrêtions pas de nous demander pourquoi ces décisions étaient prises dans le Sud, alors qu’une personne pouvait venir ici et voir la réalité.
Cela dit, utilise-t-on votre port autant qu’on le pourrait? Autrement dit, est-il question d’un oléoduc allant jusqu’à Churchill pour qu’on puisse ensuite transporter le pétrole brut du Canada vers l’Europe ou par le canal de Panama vers l’Inde et la Chine?
M. Spence : À l’époque du groupe de propriétaires précédent, notre port était sous-utilisé. Aujourd’hui, comme il appartient à un nouveau groupe, nous envisageons des produits différents, naturellement. L’aspect exact que cela pourrait prendre reste à déterminer. Il est essentiel que nous mettions au point un outil de marketing pour le maximiser.
La sénatrice Eaton : Est-il ouvert à longueur d’année?
M. Spence : Il est ouvert maintenant, depuis environ la mi-juin. Il y a certaines contraintes à la fin du mois d’octobre en raison des primes supplémentaires de la Lloyd’s de Londres. On peut utiliser ce port jusqu’à un certain moment à la fin de novembre.
Ce qui est important, en réalité, c’est que le changement climatique est à nos portes. Le Sénat devrait inviter M. Dave Barber. C’est l’expert en matière de changements climatiques en ce qui a trait à la glace. Cet homme est un éminent scientifique. Il affirme que, d’ici 30 ans, nous serons dépourvus de glace. C’est réel. Cela s’en vient. C’est évident. Nous le constatons avec la saison prolongée. C’est quelque chose de réel.
La sénatrice Eaton : J’ai été surprise d’apprendre que, dans l’Arctique — compte tenu de toute l’importance qu’attache la ministre McKenna à la réduction des émissions de gaz à effet de serre —, autant de tonnes de diesel servent au chauffage et à la production d’électricité, alors que nous sommes dotés de très nombreuses ressources naturelles.
Est-ce que cela est en train de changer? Cette première étape, cette centrale hydroélectrique, est très enthousiasmante. Cette électricité se rendra-t-elle jusqu’à l’île de Baffin, par exemple?
M. Spence : Eh bien, c’est possible. Il est possible de faire passer la ligne dans la mer.
La sénatrice Eaton : S’agit-il d’un argument que vous utilisez quand vous vous adressez au gouvernement fédéral, si vous devez réduire vos émissions de gaz à effet de serre...
M. Spence : Eh bien, dans le cadre de l’étude d’établissement de la portée, nous avons étudié uniquement la possibilité d’une ligne terrestre s’étendant de Churchill jusqu’à des endroits dans le Nord. Je crois savoir qu’il est possible d’immerger cette ligne en mer également. Rien n’est exclu.
Le président : À ce propos, monsieur Spence, vous avez perdu un été ici cette année, alors qu’on n’avait aucune capacité de transporter des cargaisons par train et par bateau jusqu’à Kivalliq ou ailleurs. Vous attendez-vous à récupérer cette activité? Ai-je raison d’affirmer que les fournisseurs sont allés à Montréal au lieu de Churchill, comme ils le faisaient auparavant?
M. Spence : Tout à fait. Essentiellement, c’était probablement l’ensemble des achats qui sont allés à Montréal par le lien de Québec.
Naturellement, le but est de conserver cette activité et de s’appuyer dessus. Les collectivités de Kivalliq feraient partie du groupe de propriétaires. Il s’agit d’une vraie propriété régionale. Rien ne se compare à ce groupe de propriétaires qui a été formé au Canada. Il s’agit d’une propriété locale, régionale avec Fairfax-AGT. Nous avons enfin l’occasion de nous assurer que les sommes sont réinvesties dans l’infrastructure. Il faut s’assurer que la région en tirera des avantages à long terme, ce qui est d’une importance cruciale.
Le président : Pouvez-vous livrer concurrence à Montréal?
M. Spence : Absolument. Il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres périodes de l’année où, par exemple, ces produits sont envoyés par train et expédiés par voie aérienne depuis Churchill jusqu’à des endroits situés au nord.
La sénatrice Boyer : Merci beaucoup de vos exposés. J’ai une question à poser à la mairesse Redfern.
Vous avez parlé du Cadre stratégique pour l’Arctique et de l’initiative relative à la tuberculose et expliqué que les municipalités avaient été tenues à l’écart. Selon vous, que peut-on mettre en place afin que vous n’ayez pas à dépenser toute cette énergie à tenter de vous faire entendre? Dans ce cas-là, il vous a fallu des mois pour vous faire entendre. Selon vous, qu’est-ce qui peut être mis en place afin d’empêcher une situation comme celle-là de se reproduire?
Mme Redfern : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je veux seulement apporter une précision : ce sont les gouvernements territoriaux qui ont la responsabilité en matière de santé. Ils n’ont pas pris part à ces conversations, mais ils auraient dû être inclus. En ce qui concerne le Cadre stratégique pour l’Arctique, nous espérons qu’il facilitera la tenue de rencontres entre les gouvernements fédéral, provinciaux — ceux qui existent dans le Nord et dans certaines des régions —, territoriaux et autochtones et les administrations municipales — ou, dans notre cas, les organisations — pour discuter des enjeux communs, au lieu de privilégier l’approche fragmentaire qui est actuellement adoptée.
J’espère que le Cadre stratégique pour l’Arctique fera tomber certaines de ces structures. Je ne veux pas dire par là que nous souhaitons le moindrement usurper le pouvoir ou la responsabilité de quiconque. Toutefois, lorsqu’il est question de logement — à l’égard de quoi nous avons une responsabilité, bien entendu, à l’échelon municipal, tout comme les gouvernementaux territoriaux et fédéral, parfois de façons différentes —, nous devons participer à ces conversations et élaborer ces stratégies ensemble. Nous serons responsables de la mise en œuvre de ces stratégies ensemble.
La sénatrice Boyer : Merci.
La sénatrice Coyle : Je vous présente mes excuses pour mon retard. Aujourd’hui est un jour d’élections municipales à Ottawa. Ma fille est candidate au conseil. Vous allez me voir arriver et repartir rapidement. Quoi qu’il en soit, je vous admire tous les deux pour votre service. Nous sommes très désolés de vous avoir manqués quand nous étions à Iqaluit, mais nous comprenons certainement votre situation.
Madame Redfern, je veux également faire une brève déclaration en votre faveur et à l’appui de certains des problèmes que vous avez mis en lumière devant d’autres comités parlementaires ainsi que dans les médias. Sachez qu’un grand nombre d’entre nous vous sont solidaires. Vous n’êtes pas seule dans le désert.
Quand nous sommes allés à Iqaluit, nous avons rencontré des membres de la Chambre de commerce. J’ai été quelque peu surprise, même si je n’aurais probablement pas dû l’être. J’aurais probablement dû être au courant. Je viens de la Nouvelle-Écosse, et je sais que l’Université Dalhousie a mené énormément de travaux de recherche dans votre municipalité ainsi que sur l’île de Baffin sur les changements climatiques. Les membres de la Chambre de commerce nous ont parlé de la crise liée à l’eau potable qui a failli éclater l’été dernier dans la ville d’Iqaluit. Pour être honnête, je n’en avais jamais entendu parler avant. Je parle de l’assèchement du lac, qui est la principale source d’eau potable de la ville, évidemment, ainsi qu’un élément important pour le tourisme, l’industrie et les autres choses dont il est question ici ce soir, mais principalement pour les habitants. Il y a deux causes à cela : premièrement, la baisse des précipitations, ce qu’avaient prévu des scientifiques de différents endroits, y compris, sans aucun doute, ceux de l’Université Dalhousie; et deuxièmement, la fonte du pergélisol qui a entraîné la déformation du réseau de distribution aérien sous coffrage. Ces déformations ont provoqué des fuites, d’où les pertes d’eau.
Pouvez-vous nous parler un peu de la vulnérabilité de votre ville en ce qui concerne les besoins essentiels des habitants et aussi de l’importance d’avoir des ressources hydriques stables, entre autres choses, puisque vous voulez accroître vos possibilités de développement économique, par exemple le tourisme?
Mme Redfern : Je suis contente que la Chambre de commerce vous en ait parlé. Elle a fait du très bon travail.
Avant tout, il est important de souligner que la ville d’Iqaluit n’est pas la seule collectivité au Nunavut qui a des problèmes relativement à l’eau. La moitié d’entre elles, au moins, ont régulièrement ce genre de problèmes. C’est en partie parce que le gouvernement fédéral, lorsqu’il a choisi les sources d’eau des établissements permanents, n’a probablement pas suffisamment pris en considération les capacités d’expansion pour la croissance de la population, le transport et les zones propices à la chasse.
Pour ce qui est du problème d’eau que nous avons vécu pendant l’été, vous avez absolument raison : c’était parce qu’il n’y avait pas eu assez de neige et de pluie. La ville a été proactive et a pris des mesures pour remplir notre réservoir à partir d’une source d’eau à proximité.
C’était l’exemple parfait d’une situation où tous les ordres de gouvernement travaillent en étroite collaboration. Malgré tout, ce que je trouve frustrant, c’est que cela faisait deux ans et demi que je faisais pression sur le gouvernement pour obtenir des fonds pour l’atténuation ou l’adaptation à l’égard des changements climatiques. Je voulais notamment faire installer des éléments d’accouplement flexibles. Nous devons composer avec les changements du pergélisol depuis de nombreuses années. Les tuyaux brisent couramment, peu importe la saison. À l’époque où les tuyaux ont été enterrés, on croyait qu’il aurait été impossible de faire mieux même en utilisant du béton. Mais aujourd’hui, le pergélisol est en train de fondre, et les tuyaux sont désormais dans le mollisol. En réalité, ce sont les champs d’accès qui bougent vers le haut ou vers le bas, ce qui fait que les tuyaux brisent ou se séparent. Peut-être que les problèmes n’auraient pas été aussi graves qu’ils l’ont été pendant l’été si nous avions eu accès à des fonds pour réagir aux changements climatiques.
J’ai aussi trouvé frustrant de devoir communiquer avec toutes sortes de ministères différents pour essayer d’obtenir un soutien financier. J’avais l’impression d’être une bille dans un billard électrique. J’ai été renvoyée de ministère à ministère et d’un échelon à un autre, et j’essayais en même temps désespérément de comprendre comment je pourrais obtenir de l’aide, étant donné les investissements de 2 milliards de dollars qui avaient été annoncés.
Dans une certaine mesure, je crois qu’il y a trop de programmes. Un fonctionnaire du gouvernement du Nunavut et un représentant de l’Association of Yukon Municipalities — l’Association des municipalités du Yukon — ont recensé 27 ou 28 programmes de lutte contre les changements climatiques. Le fait est que nous avons un problème. Il y a une solution, et vous devez nous aider avec tout cela. Les programmes n’ont pas donné les résultats escomptés.
Pour en revenir à notre intervention face à notre problème d’eau, on m’a dit, à un moment donné, que nous avions dépassé une date limite. J’ai répondu : « Je suis vraiment navrée de ne pas avoir planifié ma catastrophe climatique en fonction de vos échéances. »
Finalement, j’ai réussi à obtenir un maigre 480 000 $, environ. C’était tout ce qui restait des 8 millions de dollars qui avaient été affectés à Relations Couronne-Autochtones et à Affaires du Nord Canada pour aider les collectivités autochtones du Nord à réagir aux changements climatiques.
C’est frustrant; nous savons que les fonds existent. Et c’est tout aussi frustrant de voir que la plus grande partie de ces fonds semble être utilisée pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. C’est bien sûr une initiative louable, mais il demeure que de nombreuses municipalités d’un bout à l’autre du pays doivent affronter des problèmes liés aux changements climatiques, allant des inondations aux feux de forêt en passant, comme dans notre cas, par le manque de précipitations. Accéder à des fonds, quels qu’ils soient, a été très difficile.
Pour terminer, je veux aussi parler du fonds d’intervention en cas de catastrophe de 2 milliards de dollars. Après que nous avons appris son existence, on nous a informés que le montant minimal était de 20 millions de dollars. Le coût de notre intervention se chiffrait à environ 3 millions de dollars, avant l’achat de notre appareil à osmose inverse.
Nous ne pouvons pas, de bonne foi, demander 20 millions de dollars si nous en avons besoin de 3 ou de 4 millions.
Les petites et moyennes collectivités qui ne font pas partie des 22 grandes villes vont être laissées de côté; elles auront difficilement accès à ce genre de fonds. Il y a 3 500 municipalités au Canada, et seulement 22 d’entre elles sont réputées être des grandes villes.
Le sénateur Neufeld : Merci à vous deux. Vous nous avez présenté de bons exposés. Rapidement, je veux dire quelque chose à propos des initiatives du gouvernement fédéral en matière de lutte contre les changements climatiques. Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique. Quand je dis cela, la plupart des gens supposent, à tort, que je vis à Vancouver. Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique, alors je peux comprendre votre frustration au moment de communiquer avec quelqu’un pour savoir ce que vous pouvez obtenir. Où je vis, à Fort St. John, les choses ne se passent pas comme à Vancouver, c’est certain.
Au sujet de la fibre optique, c’est justement arrivé cette année également. C’est quelque chose de tout nouveau dans de nombreuses régions du Nord du Canada.
Je siège aussi au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, et j’ai parlé avec les représentants de nombreux ministères à propos de la réalité des changements climatiques; c’est bien réel. Nous savons que le climat est en train de changer. Même si vous prévoyez un tas de petites choses à faire d’ici 30 ans, le fait est qu’il faut prendre des mesures d’adaptation aujourd’hui et qu’il faudra en prendre demain. Je suis toujours enthousiaste quand je peux parler des mesures d’adaptation. Je peux comprendre votre point de vue. Nous tous au sein du gouvernement fédéral allons devoir étudier la question et faire participer les collectivités du Nord à certaines décisions ainsi qu’aux 28 programmes que vous avez recensés. Cela ne me surprend pas qu’aucun des programmes ne vous ait permis d’agir vraiment.
Je pense, monsieur le président, que nous devrions mettre l’accent là-dessus dans notre rapport.
Monsieur le maire, aidez-moi un peu à comprendre. Vous dites — comme le comité le sait déjà — que le seul port en eaux profondes au Canada se trouve à Churchill. Vous m’excuserez, mais je viens de la Colombie-Britannique, et je sais qu’il y a un port en eaux profondes à Prince Rupert. Je voulais savoir s’il y avait une différence. Le nôtre est exploité toute l’année.
M. Spence : Le port dans notre région est situé près du 60e parallèle. Par sa nature même, l’installation pourrait servir davantage à accroître la prospérité du Canada.
Le sénateur Neufeld : Je me posais la question, étant donné qu’il y a d’autres ports dans le Nord du Canada.
M. Spence : Notre pays a tendance à négliger le Nord, au contraire de la Russie qui, elle, cherche à l’exploiter. La Russie a investi dans des ports dans le Nord. Elle fait un excellent travail.
Le sénateur Neufeld : Oui.
M. Spence : Donc, il faut y accorder plus d’attention.
Le sénateur Neufeld : Je connais cela. Je sais que nous devons assurer le bien-être des habitants des grandes villes du sud des provinces.
Je sais que le grain était quelque chose d’important pour Churchill. Le chemin de fer est actuellement en cours de réparation, mais croyez-vous que le grain reprendra son importance?
M. Spence : Ce sera l’un des nombreux produits, bien sûr. C’était un pilier. Comme vous le savez, nous ne pouvons plus compter sur la Commission canadienne du blé. Naturellement, d’autres entreprises céréalières ont manifesté leur intérêt. Étant donné que les autres ports appartiennent aux Richardson et aux Cargill de ce monde — et que c’est leur seul produit —, ce sont eux qui essentiellement décident du prix et du moment où vous pourrez utiliser leurs installations pour expédier la marchandise.
Notre port sera indépendant, même si, évidemment, nous devrons être sensibles au prix du marché et envisager d’autres marchandises.
Je vais vous donner un exemple : il y a une mine à environ 480 kilomètres de notre collectivité. Croyez-le ou non, le minerai est transporté par camion de Thompson, au Manitoba, jusqu’au Saint-Laurent. C’est un problème. Le minerai devrait être à bord d’un train à destination de Churchill. Je sais bien que le port de Churchill n’est pas en activité 12 mois par année, mais c’est ce genre de possibilité que nous devons étudier.
Il n’y a rien de bien sorcier là-dedans. Il vous suffit d’aiguiser un crayon. D’autres produits peuvent transiter par ce port.
Le sénateur Neufeld : Vous avez dit : « Nous voulons être des partenaires dans les autres investissements qui permettront de relier nos aéroports à l’infrastructure existante de notre port et notre chemin de fer. »
Pouvez-vous m’aider à comprendre? Expliquez-moi un peu ou dites-moi ce que vous voulez comme résultat, ce que vous voulez créer.
M. Spence : Encore une fois, on revient au fait que la raison d’être de Churchill est essentiellement de servir la région. Le problème, entre autres, c’est que cela coûte cher. Chaque fois que quelque chose est expédié par voie aérienne, cela coûte beaucoup d’argent. Si vous expédiez quelque chose par camion ou par train de Winnipeg au Manitoba, par exemple, ou de n’importe quelle province des Prairies, jusqu’à Churchill, la destination, vous allez devoir l’expédier par voie aérienne. Si la distance à parcourir par voie aérienne était plus courte, ce serait plus raisonnable.
C’est si cher que nous devons utiliser le programme Nutrition Nord Canada. Présentement, certains produits doivent être expédiés par voie aérienne depuis Winnipeg, Montréal ou Ottawa. Nous n’avons parfois pas d’autres choix.
Le sénateur Neufeld : Vous utilisez le programme Nutrition North Canada.
M. Spence : C’est un des programmes, un des outils, oui.
Le sénateur Neufeld : Cela ne me dit toujours pas pourquoi le chemin de fer devrait se rendre jusqu’à l’aéroport. Je suis quelqu’un de très pragmatique, alors éclairez-moi.
M. Spence : C’est pour éviter une deuxième manipulation des marchandises à la gare de triage ou au terminal portuaire de Churchill. Le terminus de la ligne de chemin de fer n’est pas si loin de l’aéroport. Ce ne serait pas un investissement énorme. On parle d’à peine un kilomètre et demi.
La sénatrice Dasko : Merci à vous deux de nous avoir présenté vos exposés
Monsieur le maire, j’ai l’impression que Churchill est sur le point d’être transformée ou d’atteindre un point critique grâce au rétablissement du chemin de fer. Je veux vous poser une question à propos du rôle des activités économiques traditionnelles dans la région de Churchill, comme la chasse et la pêche. J’aimerais savoir si ces activités traditionnelles risquent de disparaître au profit d’un objectif très ambitieux, semble-t-il, en ce qui concerne l’exploitation des ressources de la région de Churchill.
Va-t-il y avoir une place pour les activités économiques traditionnelles? Les considère-t-on comme étant moins importantes? Aussi, à propos du développement économique, l’exploitation des ressources me semble très prometteuse, mais croyez-vous que le rétablissement du chemin de fer va aussi aider à redynamiser l’industrie touristique? Croyez-vous que ce sera une industrie importante pour Churchill à l’avenir?
M. Spence : Nous misons sur quatre piliers : le transport portuaire et ferroviaire; la science et la recherche scientifiques; le Churchill Health Centre — le Centre de santé de Churchill —; et le tourisme. L’industrie touristique a véritablement explosé. Nous sommes non seulement la capitale mondiale de l’ours polaire, mais nous avons aussi un grand nombre de bélugas dans les estuaires du fleuve Churchill, de la rivière Seal et du fleuve Nelson, dans la région. L’industrie va continuer de prospérer. Cela va de soi.
Un trajet par train jusqu’à Churchill, par VIA Rail, serait très raisonnable. À moins d’avoir réservé, il faudrait débourser 2 000 $ pour prendre un vol de Winnipeg à Churchill. C’est beaucoup d’argent.
En ce qui a trait à l’exploitation des ressources, la pêche n’est plus une possibilité depuis le début des années 1970, lorsque la rivière Churchill a été déviée vers le fleuve Nelson dans le cadre d’un projet hydroélectrique. Nous avons dû dire adieu à cela.
Les activités de chasse, elles, se poursuivent. Mais notre projet consisterait plutôt à intégrer cela davantage dans une chaîne d’approvisionnement, des choses du même genre, et au tourisme, absolument. C’est une possibilité dont nous devons tirer parti.
En réalité, c’est la région qui en tirera avantage, ce n’est pas nécessairement la Ville de Churchill. C’est toute la région qui en profitera parce que l’infrastructure a été conçue pour la région.
La sénatrice Dasko : Cela vaut aussi pour le Manitoba.
M. Spence : C’est exact.
Le président : Madame la mairesse, j’aimerais vous poser une question à propos des ressources énergétiques. Avant tout, je crois que vous faites partie d’un groupe consultatif d’Affaires autochtones et du Nord Canada — je sais que le ministère a changé de forme —, qui explore les solutions de rechange au diesel. Il y avait aussi un financement. Pouvez-vous nous dire comment les choses se passent?
Deuxièmement, avez-vous des commentaires à faire sur le potentiel hydroélectrique de votre ville?
Mme Redfern : Merci de poser la question. Le groupe de travail qui a été mis sur pied par l’ancien ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada ne s’est malheureusement pas réuni depuis le sommet sur l’énergie de Whitehorse, il y a près d’un an déjà. J’ai été un peu déçue, et pour plus d’une raison, notamment le fait que tout tournait presque exclusivement autour de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne. Nous n’avons pas vraiment parlé d’autres sources d’énergie.
Iqaluit est la capitale. Nous sommes l’une des 25 collectivités du territoire, mais nous représentons 25 p. 100 de la population et nous consommons environ 50 p. 100 du diesel sur le territoire en entier. Le gouvernement du Nunavut dépense plus ou moins 200 millions de dollars par année pour l’approvisionnement en combustible fossile. Ce ne serait pas seulement avantageux pour Iqaluit de réduire sa dépendance au diesel, ce serait une bonne chose pour le gouvernement territorial et pour le Canada.
L’hydroélectricité est la meilleure solution énergétique pour Iqaluit, mais les petits réacteurs modulaires sont une autre possibilité que nous étudions présentement. C’est ce que la Russie utilise et ce que l’industrie songe à employer dans d’autres régions de l’Arctique. Le Conseil national de recherches a mis sur pied un groupe de travail national composé de représentants du secteur énergétique de chaque province et de chaque territoire. Le groupe a lancé un appel de propositions, et en a reçu 70. Il a retenu deux propositions et envisage maintenant de lancer un projet pilote.
Si nous voulons que notre ville puisse remplir en bonne et due forme son rôle de capitale, prospérer et se développer, nous avons besoin d’une source d’énergie stable et abordable. L’énergie solaire et l’énergie éolienne ne seront pas suffisantes. Le diesel n’est pas une ressource durable, et nous sommes très vulnérables devant les hausses de prix. Ce qu’il faut, c’est poursuivre l’évaluation des autres sources d’énergie. Malheureusement, la société d’énergie Qulliq et le gouvernement du Nunavut sont à court de moyens. Ce dernier a atteint la limite de sa capacité d’emprunt. Heureusement, il compte modifier la loi pour permettre à un tiers d’intervenir et de mettre en œuvre un projet énergétique quelconque pour régler la situation.
C’est une très bonne chose que De Beers ait fait l’acquisition de la mine de diamants à proximité. Il faut énormément d’énergie pour exploiter une mine de diamants. Nous avons discuté avec les représentants du groupe, et ils veulent eux aussi, pour leur mine, trouver une solution au problème d’énergie. Elle ne se trouve qu’à une centaine de kilomètres. C’est exactement dans ce genre de situation que nous devons saisir l’occasion d’établir un partenariat entre le gouvernement fédéral, la municipalité, la société d’énergie ou une tierce société privée et la mine. Merci.
La sénatrice Bovey : Monsieur le maire, vous avez parlé de tables rondes et de perspectives régionales sur des problèmes qui pourraient et qui devraient faire l’objet d’un partenariat et d’un effort collectif. Je me demandais s’il était possible — sans que cela vous prenne trop de temps, à votre personnel ou à vous— de faire parvenir à la greffière l’information concernant certaines des initiatives que vous considérez comme étant extrêmement importantes pour la région, afin qu’elles figurent au compte rendu. Cela nous aiderait pour le reste de nos discussions dans le cadre de l’étude.
M. Spence : Oui, nous n’y manquerons pas.
La sénatrice Bovey : Vous avez mentionné David Barber. Il est déjà venu témoigner devant le comité. Comme vous le savez, j’ai eu l’occasion de me rendre à Edmonton au début de juillet et d’assister à une conférence qu’il a donnée devant un très grand groupe d’entrepreneurs, entre autres personnes. Il a dit que les changements climatiques ouvraient aussi des possibilités. Il a été très terre à terre lorsqu’il a parlé des côtés négatifs — je veux éviter de dire « désastreux »—, mais il a ensuite montré l’autre aspect des choses.
J’aimerais poursuivre sur sa note positive. Vous avez dit que Churchill est la porte d’entrée de l’Arctique. Dites-moi en quoi le port de Churchill est une porte sur le reste du monde.
M. Spence : Les changements climatiques sont inévitables. Tout porte à croire qu’ils ne ralentiront pas, alors aussi bien considérer qu’ils ouvrent des possibilités. Nous ne pouvons et ne tenterons pas de freiner les changements climatiques, alors saisissons les occasions qu’ils offrent.
Il n’y aura plus de glace. C’est clair pour tout le monde. L’endroit où nous nous trouvons sera libre de glace d’ici 30 ans. Le Nord va s’ouvrir, et cela va nous donner de nouvelles possibilités.
Bien sûr, il y aura aussi un lot de difficultés, comme les déversements de pétrole. Justement, les installations du CMO sont faites pour cela, même si la construction n’est pas encore terminée; c’est d’ailleurs à cause du problème du chemin de fer. Elles devraient être achevées l’année prochaine. On va mélanger du pétrole à de l’eau douce et à de l’eau salée. Il y a le nettoyage à faire, mais cela va aussi nous permettre de bien observer ce qui se passe dans la baie d’Hudson; pour l’instant, c’est un trou noir.
Au sujet de la recherche et de la science, notre collectivité a hâte que les étudiants d’ici et d’ailleurs puissent jouer un rôle dans le développement des connaissances scientifiques et jouer un rôle dans le milieu de la recherche à l’avenir.
Il est aussi extrêmement important de surveiller ce qui se passe dans le Nord de la Chine et de la Russie pour voir comment ils exploitent leurs ressources nordiques. Il serait très important pour nous de nous inspirer de leurs pratiques afin d’en tirer parti.
Bien entendu, nous nous contentons d’observer. Il est crucial que nous investissions à nouveau dans le Nord. La situation ne va simplement pas changer du jour au lendemain. Nous sommes une part intégrante du pays. Alors, cernons et examinons les possibilités qui existent. Allons de l’avant. Dans l’avenir, les endroits comme Churchill, avec son port maritime dans l’Arctique, joueront un rôle.
Je crois savoir qu’Iqaluit compte avoir son propre port maritime. Toutes les collectivités du Nord ont la possibilité de prospérer.
Le président : Par CMO, vous vouliez dire le Churchill Marine Observatory, soit l’Observatoire maritime de Churchill.
Monsieur le maire, je crois que vous avez attendu pendant deux ans que le problème du chemin de fer se règle, si je ne me trompe. Cela a dû être une période difficile. Quelles ont été les conséquences pour Churchill d’avoir dû attendre aussi longtemps pour une solution? Avez-vous perdu des gens?
M. Spence : Nous avons perdu plus de 60 étudiants dans nos écoles, ce qui équivaut à environ 300 membres de la collectivité. Cela a été un coup dur, sur le plan démographique. En ce qui concerne le prix pour l’acheminement des vivres, nous comprenons maintenant ce que vivent et ce que paient les collectivités du Nord accessibles seulement par voie aérienne. C’était une période très difficile et éprouvante pour les familles.
Quant au prix du propane et de l’essence, comme je l’ai dit, grâce à la subvention que nous venons de recevoir, je crois que le prix du litre d’essence est de 2,11 $. Je doute que quiconque d’autre paie cela au Canada. C’était loin d’être facile.
Nous avons quand même reçu énormément de soutien de la part des Manitobains et des Canadiens qui ont contribué au Fonds de développement économique de Churchill et de la région créé par le gouvernement du Canada. Je crois que cela représentait plus de 7 millions de dollars. N’oubliez pas qu’il y a des gens qui travaillaient au port pour le chemin de fer, qui n’ont pas eu de travail pendant deux ans. La construction s’est tout bonnement arrêtée. L’industrie touristique en a pâti. Le chômage a augmenté. Aujourd’hui, la collectivité reprend du mieux, elle est revigorée. C’est une collectivité très forte. Encore une fois, nous n’aurions pas été en mesure de traverser cette période sombre sans la grande générosité des Canadiens d’un bout à l’autre du pays.
Le président : J’ai également entendu dire que vous aviez une serre à Churchill. Pouvez-vous nous en parler?
M. Spence : Oui, c’est pour la production en culture hydroponique. La serre est gérée par le Churchill Northern Studies Centre — le centre des études nordiques de Churchill —, qui fait un excellent travail. Nous avons des légumes et de la laitue chaque semaine.
Ce producteur montre que parfois, il y a de la lumière au bout du tunnel. C’est ce qui nous est arrivé; si nous n’avions pas perdu le chemin de fer, jamais nous n’aurions eu ce producteur. C’est une perte à court terme qui s’est transformée en un gain important, j’imagine. La serre se porte extrêmement bien. Il y a d’autres collectivités du Nord qui s’intéressent au modèle. Il en existe deux autres ailleurs dans le Nord. C’est quelque chose de très pratique.
Le président : Qu’est-ce que cette serre a de si spécial?
M. Spence : Elle ne coûte pas vraiment beaucoup d’argent, et il est très facile d’y faire pousser les produits. C’est simple, parce que tout ce dont vous avez besoin, c’est de lumière, d’eau et d’une excellente installation de croissance.
Le président : Merci. J’aimerais vous remercier tous les deux. Vos témoignages, ce soir, nous seront très utiles. Merci d’être venus et de nous avoir donné une très bonne idée de ce qui se passe dans vos régions ainsi que le point de vue tout aussi important de vos municipalités. Merci beaucoup.
Chers collègues, nous commençons la deuxième partie de notre séance sur l’Arctique. Pour la deuxième heure, nous accueillons un autre témoin qui va nous parler de la région de Kivalliq, et plus précisément des projets liés à l’hydroélectricité et à la fibre optique. Je crois parler au nom de tous en disant que nous sommes heureux de recevoir Tom Garrett, consultant, de la Kivalliq Inuit Association, et Philip Duguay, vice-président, Canada, de Anbaric Development Partners.
J’aimerais mentionner que j’ai vu M. David Ningeongan, le président de la KIA, au déjeuner ce matin, à Iqaluit. Il n’était pas disponible aujourd’hui, mais il était heureux que vous puissiez être ici pour parler de vos liens avec la KIA.
Vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire.
Tom Garrett, consultant, Kivalliq Inuit Association : Merci beaucoup. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonsoir. Comme le président l’a mentionné, je suis ici aujourd’hui pour représenter le président de la Kivalliq Inuit Association, ou KIA. Le président n’était pas disponible aujourd’hui, puisqu’il devait assister à l’assemblée générale annuelle de la NTI à Iqaluit. Il aurait vraiment aimé être ici, mais il est déjà venu à Ottawa la semaine dernière pour témoigner devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Vous le savez sûrement, mais il est loin d’être facile de faire l’aller-retour continuellement entre Rankin Inlet et Ottawa.
Je suis accompagné aujourd’hui de Philip Duguay, vice-président, Canada, d’Anbaric Development Partners, qui travaille lui aussi avec la Kivalliq Inuit Association. Il vous présentera aussi ses commentaires sous peu.
La KIA remercie le Sénat d’avoir entrepris cette étude. Il y a plusieurs questions importantes sur lesquelles on doit se pencher relativement à l’Arctique canadien. Nous sommes ici aujourd’hui pour faire valoir que la priorité devrait être de régler le problème du manque d’infrastructure.
On m’a demandé aujourd’hui de vous parler d’un projet hautement prioritaire de la Kivalliq Inuit Association, la ligne d’électricité et de liaison par fibre optique de Kivalliq. Je sais que vous êtes nombreux au comité à bien connaître ce projet.
Récemment, des membres de votre comité se sont rendus à Kivalliq pour prendre en personne connaissance des difficultés et des possibilités de la région. Comme vous le savez sûrement, ce qui freine souvent la plupart des efforts de développement économique, c’est le manque d’infrastructures de base, celles que les Canadiens du sud tiennent pour acquises.
L’absence de services à large bande nuit à la prestation des programmes d’enseignement et de soins de santé et aux possibilités connexes.
L’absence de routes et d’installations portuaires adéquates réduit notre capacité de partager nos ressources et empêche les habitants de se déplacer facilement pour le travail.
Tous ceux qui vivent au Nunavut doivent composer avec ces difficultés. Maintenant, une occasion unique se présente dans la région de Kivalliq, et nous devons en tirer parti.
Laissez-moi vous montrer comment ce projet inuit progresse, en ce moment critique, grâce au soutien général du gouvernement et du secteur privé. Comme les membres du comité l’ont constaté pendant leur visite de la mine Meadowbank de Baker Lake, le plus grand employeur du secteur privé au Nunavut, Agnico-Eagle Mines, a investi plus de 2 milliards de dollars dans la région depuis son arrivée.
On estime que l’année prochaine, lorsque l’exploitation des gisements Whale Tale et Meliadine va commencer, Agnico emploiera plus de 2 000 personnes au Nunavut, dont un tiers seront des Inuits. Chaque année, le gouvernement fédéral recevra plus de 60 millions de dollars en cotisations sociales seulement grâce à ces nouvelles mines.
Si je mentionne ces projets miniers, c’est pour souligner l’énorme potentiel économique et minier de la région, malgré des coûts énormes et l’absence d’infrastructures de base. À présent, la KIA souhaite réaliser ce potentiel au moyen de sources d’énergie renouvelable, fiable et abordable ainsi qu’à des services Internet à large bande fiables. C’est le temps d’agir.
Comme le comité doit le savoir, les sept collectivités et les mines de la région de Kivalliq, comme tout le Nunavut, dépendent entièrement du diesel pour la production d’électricité et pour le chauffage. Il n’y a aucun accès aux réseaux électriques ou de gaz naturel nord-américains. Il n’y a pas de routes qui mènent à la région de Kivalliq, et plus important encore, il n’y a pas des routes qui connectent les collectivités entre elles.
Si un résidant de Whale Cove doit se déplacer pour travailler dans une mine Meliadine, à seulement une centaine de kilomètres, il devra prendre un vol d’une durée de 15 minutes qui lui coûtera quelques centaines de dollars au lieu de mettre 50 $ d’essence dans son camion. C’est la réalité quand il n’y a pas d’infrastructure.
Le transport du carburant diesel par bateau dans la région, pendant les mois d’été, mène à des problèmes environnementaux comme l’augmentation du trafic maritime, les gaz toxiques, le risque de contamination du sol et de l’eau par des déversements et par les émissions de gaz à effet de serre.
Un grand nombre de centrales alimentées au diesel dans la région de Kivalliq ont déjà dépassé leur durée de vie utile et doivent être remplacées. Ces centrales ont été construites il y a 40 ans par le gouvernement fédéral qui en est le propriétaire, elles représentent l’héritage laissé par le gouvernement fédéral dans la région.
La région a atteint sa pleine capacité énergétique. Elle manque de sécurité en matière d’énergie. La KIA propose des plans qui permettraient à cinq collectivités d’abandonner le diesel d’ici juin 2024.
La région de Kivalliq a des frontières communes avec la province du Manitoba, qui dispose d’abondantes ressources hydroélectriques renouvelables. Il serait donc possible de connecter les collectivités et les mines de la région de Kivalliq au Manitoba et au grand réseau énergétique nord-américain.
Ce projet relierait le Nunavut au reste du Canada pour la première fois par la toute première liaison terrestre.
Le projet comprend également le plan de prochaine génération d’un réseau de lignes à fibres optiques. Pour la première fois, la région peut avoir des services à large bande fiables et efficients.
Cette semaine, les médias ont interrogé Mary Simon sur ses recommandations touchant l’élaboration du Cadre stratégique fédéral pour l’Arctique. Sa réponse était axée sur l’importance des larges bandes. Elle a déclaré :
[...] la plupart des collectivités de l’Arctique sont très éloignées, et on ne peut pas vraiment y accéder sauf par voie aérienne. J’ai donc pensé que si nous avions un service approprié, un bon système Internet, nous pourrions avoir accès à la télésanté, à l’enseignement à distance et que nous pourrions avoir un grand nombre de services grâce à un bon système.
La mise en place d’un réseau optique à large bande dans le cadre de ce projet est essentielle pour les collectivités.
Les Inuits de Kivalliq travaillent sur ce projet depuis de nombreuses années. Une étude technique sur la portée de ce projet a été achevée en 2015. L’étude a conclu qu’il aurait permis d’économiser plus de 40 millions de dollars par an sur les subventions en matière de consommation de diesel tout en atténuant les problèmes liés à l’environnement.
Les économies dans l’industrie minière ont été estimées à plus de 60 millions de dollars par an.
Avec la prochaine entrée en vigueur de la tarification du carbone, ces montants augmenteront, et il sera toujours plus urgent de trouver des solutions en matière d’énergies renouvelables.
L’industrie minière a besoin d’énergie pour mener ses activités et pour se développer. Le projet est arrivé à une étape cruciale, où nous devons nous assurer que l’investissement du secteur privé dans les énergies renouvelables optimisera les avantages pour la collectivité. Le réseau hydroélectrique et la ligne de transmission par fibre optique feront justement cela; c’est le projet préféré de la KIA et des collectivités de Kivalliq.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’informer le comité que la KIA a également atteint un jalon important de son processus de planification. Elle a établi un partenariat avec une entreprise de transmission du secteur privé, Anbaric Development Partners. Anbaric apporte son expérience technique en tant qu’entreprise du secteur privé qui a mis sur pied deux systèmes de transmission importants, dans le respect des échéanciers et du budget.
Anbaric est appuyée par le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Ce partenariat envisage d’investir dans les énergies renouvelables pour le bien de tout le Canada. La contribution du gouvernement fédéral attirera donc du capital du secteur privé qui permettra de terminer ce projet. Je demanderais à Philip Duguay de donner davantage d’informations au comité au sujet d’Anbaric, lorsque nous en serons aux questions et réponses.
C’est une incroyable occasion pour les Inuits du Nunavut. Grâce au soutien fédéral, la KIA sera en mesure de conclure un partenariat en coparticipation et d’aller de l’avant avec ce projet d’infrastructure essentiel. La planification de notre étude technique et de notre étude de faisabilité va bon train.
C’est un projet d’infrastructure qui concourt à l’édification du pays et jouit d’un fort appui du gouvernement du Nunavut; des organismes inuits territoriaux et nationaux; de Nunavut Tunngavik inc. et d’Inuit Tapiriit Kanatami; des chefs de file locaux des collectivités de Kivalliq; de la Qulliq Energy Corporation qui est la société d’énergie du territoire; et du secteur minier, y compris les mines Agnico Eagle. Le projet a également le potentiel de devenir un volet essentiel du nouveau cadre stratégique de l’Arctique du gouvernement fédéral.
En conclusion, le projet du réseau de transmission hydroélectrique et de fibres optiques de Kivalliq fournira une énergie renouvelable, fiable et abordable ainsi qu’une liaison Internet à haute vitesse à un prix abordable. Ce sera un moteur de développement économique qui bénéficiera à tout le Nunavut et à tout le Canada.
Plus important encore, le projet favorisera la réconciliation entre le Canada et les Nunavummiuts de la région de Kivalliq. C’est un projet d’infrastructure qui crée des débouchés économiques et un environnement plus propre. C’est le type de prospérité économique que les habitants du Nord veulent. Nous avons hâte de poursuivre nos efforts avec le gouvernement fédéral pour faire de projet une réalité.
Merci de m’avoir permis de m’exprimer devant votre comité aujourd’hui. Nous serions ravis de répondre à toutes les questions.
Le président : Merci.
La sénatrice Bovey : Merci pour votre exposé. J’apprécie l’immense somme de travail que supposent la planification de ce projet et la mobilisation de tous les partenaires. La nécessité d’une fibre optique à large bande était un thème récurrent lors des déplacements du comité en Arctique le mois dernier.
L’une de mes questions est la suivante : quel est l’échéancier du projet? Je vous laisserai revenir là-dessus.
Ensuite, vous avez mentionné que l’absence de la large bande se répercute sur la prestation de services et les possibilités en matière d’éducation et de santé. J’aimerais approfondir l’aspect éducatif et celui de la formation.
En parlant aux jeunes, quand nous étions en Arctique, j’ai été stupéfaite devant le nombre d’étudiants qui avaient des A+ sur leur bulletin scolaire de 12e année et qui se retrouvaient perdus, quand ils arrivaient dans le Sud pour faire leurs études postsecondaires, parce qu’ils découvraient que leurs compétences en mathématiques étaient du niveau de la 5e année. Vous pouvez comprendre la situation, quand vous savez qu’il n’y a pas de fibre optique et qu’il n’y a pas de large bande rapide.
Quel type de formations considérerez-vous prioritaires quand cela entrera en vigueur? Quel type de postes seront disponibles à l’avenir pour les jeunes qui suivront ces formations?
M. Garrett : Peut-être que je laisserai Philip Duguay répondre à la question qui concerne l’échéancier. J’en parlerai rapidement.
Essentiellement, chaque fois que nous discutons avec des dirigeants de la région de Kivalliq, nous constatons à quel point la fibre optique est indispensable dans le cadre de ce projet. C’est en partie en raison du manque de débouchés; comme la mairesse d’Iqaluit l’a dit plus tôt, c’est en partie en raison des énormes coûts. Le satellite à large bande actuellement disponible fonctionne déjà à pleine capacité. Même si vous essayez de télécharger des fichiers volumineux, vous n’y arrivez tout simplement pas.
L’une des priorités pour la KIA, en particulier à mesure que ce projet va de l’avant, c’est de réaliser un examen de la formation pour déterminer les possibilités de formation actuelles dans la région et d’optimiser les bénéfices à mesure que le projet avance. Bien souvent, nous constatons que les grands projets prennent beaucoup de temps avant d’être finalement prêts à démarrer, et que les responsables ne pensent qu’après-coup à la formation. Il s’agit trop souvent d’un problème et vous ratez des occasions, car, à mesure que le projet va de l’avant, il est presque trop retard pour commencer la formation. Je dirai que, pour la KIA, il s’agit de l’une des plus grandes priorités en ce moment en matière de formation.
En ce qui concerne la mine Meliadine et le travail qui a été fait par Agnico, il y a eu de grands progrès au chapitre de la formation. Les premiers chiffres sont bons, et ils se traduisent par la création d’emplois pour les Inuits. Il n’ont pas atteint les objectifs qu’ils ont fixés. La KIA a travaillé avec le secteur pour définir des critères pour l’emploi des Inuits. Nous n’en sommes pas encore là.
Philip Duguay, vice-président, Canada, Anbaric Development Partners : J’ajouterai une chose ou deux. Je ne suis pas un résidant du Nord, mais j’ai vécu à Yellowknife pendant deux ou trois années. J’ai vécu assez longtemps dans le Nord pour savoir que je ne suis pas un véritable habitant du Nord, mais j’y ai vécu.
Quand je suis revenu dans le Sud et que j’ai commencé à travailler pour Anbaric, je me suis retrouvé dans une position particulière, puisque je travaillais pour une entreprise ayant des liens avec des investisseurs institutionnels. Nous avons établi une coentreprise avec le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Cette coentreprise avec des enseignants nous permet de créer des plateformes physiques pour transporter, dans le cas qui nous occupe, des électrons et des bits d’information. Cette plateforme fait partie intégrante des infrastructures de la région, ou elle le deviendra.
En ce qui concerne le transport d’électrons vers l’endroit où ils seront utilisés, Anbaric a une certaine expérience dans les travaux d’énergie distribuée. Nous sommes un microréseau et une entreprise de transmission. Nous aiderons les Inuits de Kivalliq à réaliser une analyse de rentabilisation sur les commutations de charge à grande échelle, c’est-à-dire, à passer d’un système de chauffage au combustible fossile à un système de chauffage à l’électricité. Cela améliorera l’analyse de rentabilisation pour la ligne de transmission et aidera la collectivité à décarboniser.
C’est un domaine sur lequel nous allons travailler, dans des délais serrés, et grâce aux fonds de formation et d’études provenant de diverses sources du gouvernement fédéral canadien, afin d’aider les Inuits de Kivalliq à jouer un rôle de premier plan dans cette arène.
Parlons des données et des fibres; je m’intéresse beaucoup à l’électricité. Ce n’est pas non plus directement du ressort de mon entreprise. Cela dit, je suis Canadien. Ces hommes et ces femmes sont mes concitoyens. Nous serons intéressés à nous engager avec la Kivalliq Inuit Association pour assurer des formations appropriées et faire en sorte que cette ligne à fibres optiques sera bien utilisée.
J’ai vécu en Afrique de l’Ouest dans le cadre d’un échange d’étudiants de l’Université Dalhousie au moment où l’Internet à haute vitesse a été introduit dans la région. Cela a causé beaucoup de problèmes. Cela doit être examiné, comme lorsque vous vous assurez, quand vous faites entrer des électrons, s’ils seront utilisés à bon escient par la collectivité. Vous introduirez une nouvelle capacité en données. C’est une bonne question.
En ce qui concerne les échéanciers, nous sommes arrivés à un point critique du projet. Le client potentiel principal est Agnico Eagle Mines. Nous avons échangé des données avec cette société, et nous avons une bonne collaboration; nous, c’est-à-dire le partenariat, la Kivalliq Inuit Association et Anbaric. Le client doit prendre des décisions importantes en matière de planification des immobilisations, dans des délais serrés, afin d’effectuer une transition vers des formes d’énergies plus vertes, de réduire son exposition non seulement à la volatilité des combustibles fossiles en tant que carburant, mais également à la tarification prochaine du carbone.
Un client principal est un client à qui vous voulez vendre le plus d’électrons possible le plus longtemps possible, ce qui favorise l’analyse de rentabilisation portant sur la ligne. En ce moment, la date ciblée pour faire démarrer le projet est le 30 juin 2024. Nous pensons que c’est raisonnable. Cette semaine, nous participons à une conférence technique, ici à Ottawa, avec divers experts et intervenants concernés par le projet, afin de peaufiner l’échéancier. Je pense que nous pouvons atteindre cette cible.
De plus, nous affinerons l’étude de rentabilisation de la ligne. Nous envisageons d’échanger activement avec des représentants du gouvernement canadien, tous les types d’intervenants et des groupes de la société civile, pendant l’automne, ce qui amènera au budget de 2019.
La sénatrice Bovey : Merci.
Le président : À ce sujet, monsieur Duguay, j’aimerais vous demander quelle est la prochaine étape de ce projet? Que demandez-vous dans l’immédiat pour que le projet aille de l’avant?
M. Duguay : Je comprends qu’il s’agit d’un comité spécial et que vous abordez présentement le sujet de l’infrastructure dans le Nord. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Dans un monde idéal, nous nous serions rencontrés dans trois semaines, mais nous serons ravis de revenir voir les membres du comité — individuellement ou autrement — pour fournir les renseignements.
Au milieu du mois prochain, nous présenterons une demande ferme au gouvernement du Canada pour qu’il accorde une subvention d’immobilisations à la Kivalliq Inuit Association afin qu’elle devienne partenaire du projet. Cela inclura un filet de sécurité quelconque pour un contrat qui sera signé par le distributeur et l’acheteur d’énergie. Je m’exprime vaguement, mais c’est voulu, car je ne veux pas me perdre en conjectures quant au type de contrat que nous négocions. Au bout du compte, une facilité de crédit doit être accordée pour que l’on puisse financer le projet, construire l’infrastructure, signer les chèques, faire venir des équipes de construction et aller de l’avant avec le projet.
La troisième demande s’adressera à la Banque de l’infrastructure du Canada. Cette dernière peut offrir un financement par emprunts et par actions à de meilleurs taux que ceux que l’on trouve habituellement sur le marché. Nous dialoguerons avec elle.
Ce sont trois domaines à l’égard desquels nous devons nous engager activement au cours des semaines et des mois à venir.
Le président : Le maire Spence a parlé d’une étude de délimitation de l’étendue que je connais bien. Quelle est la prochaine étude à réaliser pour faire avancer les choses?
M. Duguay : Nous en sommes au processus de faisabilité. Nous en parlerons à l’occasion de la réunion technique prévue cette semaine à Ottawa. L’étude de délimitation de l’étendue était un document de 2015. On peut dire qu’il s’agit d’une étude de préfaisabilité. Nous devons maintenant procéder à une analyse plus approfondie, pour dire ainsi. Cet hiver et durant le prochain exercice financier du gouvernement, nous procéderons à des travaux d’ingénierie. Ainsi, nous comprendrons mieux le choix de technologie, le tracé ainsi que le calendrier d’évaluation environnementale et nous tracerons la voie à suivre pour la réalisation des travaux de construction.
Comme vous le savez, il s’agit d’un domaine de construction très difficile. L’infrastructure de base est déficiente. Nous revenons constamment au fait que la construction doit se faire graduellement en raison de la saison du transport maritime. Il vous faudra probablement larguer différentes fournitures dans différentes régions et zones de largage pour vous assurer d’avoir tout ce qu’il vous faut quand vous commencerez à passer des fils dans le Nord.
La sénatrice Eaton : Le sénateur Patterson vous a posé une question au sujet du gouvernement fédéral. De quel type de participation avez-vous besoin pour assurer la viabilité du projet et dire à Agnico : « Nous avons l’argent. Passons à l’action. » Parlez-vous de 30 p. 100, de 50 p. 100? De combien parlez-vous en chiffres ronds?
M. Duguay : La participation de la Kivalliq Inuit Association?
La sénatrice Eaton : Oui. À quel pourcentage devrait s’élever la participation du gouvernement fédéral pour que vous puissiez dire à Agnico : « Bien, nous l’avons obtenu, allons-y. »
M. Duguay : Nous présenterons une demande très ferme au gouvernement dans trois semaines. Il s’agit d’un projet de 1,2 milliard de dollars.
La sénatrice Eaton : Quelle est sa contribution, 30 ou 40 p. 100?
M. Duguay : C’est exact, environ 30 p. 100 de ce que serait la participation totale en capital.
La sénatrice Eaton : Je trouve cela très intéressant. Depuis longtemps, nous entendons les collectivités autochtones et inuites s’opposer à l’exploitation des ressources. C’est vraiment formidable qu’elles y prennent part.
D’après votre expérience dans le Nord au Nunavut et peut-être même dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon, y a-t-il plus de collectivités inuites et autochtones qui se rangent maintenant de notre côté en ce qui concerne le développement de la recherche? C’est dommage que vous consentiez tous ces formidables efforts pour construire ce réseau de fibres optiques. Prévoyez-vous étendre cela plus au nord à l’île de Baffin ou plus à l’ouest dans d’autres collectivités?
M. Duguay : C’est une dorsale de transmission pour la région de Kivalliq. Ses dimensions seront appropriées pour créer des lignes secondaires jusqu’aux nouveaux complexes miniers qui verront le jour au fil du temps. Dans notre scénario de référence, nous supposons que nous pourrons à tout le moins générer une autre charge de 15 mégawatts durant le cycle de vie du projet. Je pense que c’est une supposition prudente. Je ne suis pas géologue, mais la région est censée offrir d’incroyables possibilités du point de vue minier.
La sénatrice Eaton : Jusqu’où cela ira-t-il à l’ouest? Jusqu’au Yukon? Nous avons entendu parler de toutes les possibilités minières au Yukon, par exemple.
M. Duguay : Je vais faire une distinction entre le projet et mon rôle d’ambassadeur de mon entreprise, Anbaric. Mon entreprise a communiqué avec la Société de développement du Yukon, avec YUC, et avec le GTNO. Nous avons rendu notre une offre simple et claire. Si vous voulez construire une infrastructure énergétique au Canada et que vous cherchez un partenaire du secteur privé qui puisse investir et fournir de l’expérience et de l’expertise financière, communiquez avec nous.
La sénatrice Eaton : C’est bien. Vous êtes donc allé dans d’autres secteurs. Nous avons entendu la mairesse d’Iqaluit dire que De Beers ouvrait une mine de diamants. Pourriez-vous faire passer le réseau sous l’eau jusqu’à l’île de Baffin, par exemple?
M. Duguay : C’est probablement trop éloigné de la région pour que ce soit justifié du point de vue économique. Mon entreprise a mis sur pied deux projets de courant continu à haute tension sous l’eau dans la grande région de New York. Nous connaissons très bien les projets sous-marins. Comme vous pouvez le voir sur la carte, nous étudions la possibilité de construire une ligne sous-marine jusqu’à la baie d’Hudson. Les résultats préliminaires montrent que c’est techniquement faisable.
Vous parlez d’un projet d’envergure; il pourrait être hors de prix d’aller jusqu’à l’île de Baffin. J’aimerais parler à la mairesse Redfern des ressources énergétiques sur place et des solutions de distribution d’énergie pour Iqaluit et cette région du Nunavut.
Le sénateur Oh : Une partie de ma question a déjà été posée par la sénatrice Eaton. Passer sous l’eau constitue une autre solution. Serait-ce plus rapide et plus économique d’y accéder par câble sous-marin?
M. Duguay : Nous avons une longue réunion prévue jeudi ici à Ottawa pour en discuter. La rivière Seal coule juste au sud d’Arviat. C’est une zone écosensible. J’aimerais pouvoir y aller. D’après ce que je comprends, pour accélérer le processus d’évaluation environnementale — et il doit y avoir une analyse coûts-avantages —, ce serait peut-être optimal de passer sous l’eau de Churchill à la région d’Arviat.
Le sénateur Oh : Ce n’est tout de même pas loin. Je sais que, en Asie, on a fait passer un câble de fibres optiques encore plus long.
M. Duguay : On commence à voir des réseaux de fibres optiques. Nous parlons essentiellement de câbles de courant continu à haute tension. En Europe, on voit des lignes qui vont de la Norvège à l’Allemagne. À l’heure actuelle, mon entreprise est en train d’élaborer plusieurs plateformes de transmission extracôtières pour puiser de l’énergie éolienne en mer à New York, au Massachusetts et au New Jersey.
Nous supposons que le tracé est d’environ 170 kilomètres jusqu’à la baie d’Hudson. C’est techniquement faisable. Nous nous sommes penchés sur les problèmes qui peuvent découler de l’érosion par la glace durant la saison de déglacement. Ça semble faisable. Le principal problème, c’est que pour entrer dans l’eau et en sortir, pour ainsi dire, il faut creuser par forage directionnel afin d’éviter les dépôts sédimentaires ou l’érosion par la glace.
Le sénateur Oh : Lorsque nous étions au lac Baker, nous avons tous eu des problèmes de connexion Internet lente. Quelle est la vitesse moyenne du service Internet dans votre collectivité ou votre région à l’heure actuelle? Est-ce que des vitesses de téléchargement et de téléversement de 25 Mbps et de 5 Mbps respectivement suffiraient pour combler l’écart en ce qui a trait à l’infrastructure de télécommunications?
M. Garrett : L’objectif est de nous assurer qu’il y a suffisamment de fibres optiques pour atteindre ce que nous considérerions tous comme des vitesses de service Internet appropriées. Cela aiderait aussi certainement à respecter les vitesses minimales de téléchargement qu’a fixées le CRTC pour les Canadiens.
Une autre de nos priorités, c’est de nous assurer qu’il y a assez de câbles en fibres de verre qui se rendent jusqu’à la région pour soutenir les sept collectivités de Kivalliq. Pour le moment, nous parlons de passer des lignes électriques et des câbles de fibres optiques pour pouvoir desservir cinq des sept collectivités de Kivalliq dans la région. À une phase ultérieure, si le financement fédéral disponible le permet, nous espérons étendre le réseau de fibres optiques jusqu’à Naujaat et Coral Harbour.
M. Duguay : Ce matin, j’ai envoyé un document PDF au président de la Kivalliq Inuit Association à Iqaluit pour qu’il l’approuve. Il n’a pas pu le télécharger. J’ai dû envoyer un message à mon bureau et demander qu’on réduise la taille du document PDF. Nous comprenons qu’il s’agit d’un problème critique pour tout le monde et pour tout.
M. Garrett : C’est très important de faire passer la fibre optique dans cette région. Elle aidera tout le territoire, car elle pourrait aussi permettre une bande par satellite. Si la région de Kivalliq disposait de câbles de fibres optiques en ce moment, d’autres collectivités pourraient utiliser la bande passante par satellite accessible. Ce serait très important, pas seulement pour les résidants. Ce sont les résidants, les entreprises et le territoire qui en profiteraient le plus. Le gouvernement fédéral en tirerait un avantage du point de vue des soins de santé et de l’éducation. Ce serait extrêmement avantageux à tous les égards.
Le sénateur Oh : Lorsque nous étions à Inuvik, le service Internet était beaucoup plus rapide. Y a-t-il maintenant un réseau de fibres optiques?
Le président : Oui, jusqu’à la vallée du Mackenzie. Le gouvernement territorial a dépensé 80 millions de dollars pour mettre en place cette ligne.
Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici. On a déjà posé certaines de mes questions. Quelle portion du projet de 1,2 milliard de dollars est consacrée à l’électricité? Est-ce divisé? Avez-vous cette donnée?
M. Garrett : C’est une question difficile. La réponse la plus facile serait de dire que c’est la vaste majorité. Je crois comprendre que, au moment de construire les nouvelles lignes électriques, on y insère déjà une certaine quantité de câbles de fibres optiques. Notre rôle consisterait à les déployer. S’il n’y avait pas de lignes électriques et que vous deviez passer des câbles de fibres optiques, ce serait un projet beaucoup plus coûteux.
Le sénateur Neufeld : Les câbles de fibres optiques sont intégrés aux lignes électriques?
M. Garrett : En partie.
M. Duguay : Pratiquement toutes les lignes de haute tension seront dotées de câbles de fibres optiques pour pouvoir fonctionner.
Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que c’était le cas en partie. Quelle portion cela représente-t-il? Vous ne savez pas? D’accord.
M. Garrett : Nous pourrons fournir la réponse ultérieurement au comité.
Le sénateur Neufeld : Anbaric a-t-elle de l’expérience sur ce genre de terrain, dans ce type de climat? Une grande partie de la construction se fera en hiver. Je vis dans le Nord; je sais un peu ce qui se passe.
L’entreprise a-t-elle beaucoup d’expérience dans ce domaine ou non?
M. Duguay : C’est un aspect dont nous tenons compte.
Le sénateur Neufeld : Je pense que vous le devriez, en effet.
M. Duguay : Nous prenons part à des partenariats de développement d’infrastructures. Mon entreprise compte 16 personnes. Nous pourrions tous nous asseoir à cette table. Notre objectif n’est pas de nous transformer en gigantesque entreprise ayant une tour de verre sur Bay Street. Nous voulons servir de canal pour déplacer les capitaux des enseignantes et enseignants de l’Ontario vers des projets d’infrastructure verte. En l’occurrence, lorsque nous construisons dans le nord du Manitoba et du Nunavut, nous allons chercher les meilleures entreprises en construction de la région. Nous faisons en sorte d’obtenir les meilleurs conseils possible auprès d’avocats, d’économistes, d’ingénieurs et de tous ceux qui peuvent nous aider. Nous le faisons à l’échelle locale, nous n’allons pas faire venir des équipes du Massachusetts, où se trouve notre siège social. Nous ne ferions jamais venir ces gens par bateau jusqu’au Nunavut pour ce type de projet.
Nous comptons sur l’expertise et les champions de la région. À l’heure actuelle, notre stratégie commerciale à l’échelle du Canada en matière de transmission consiste à travailler avec les entités autochtones canadiennes. Dans ce cas-ci, c’est principalement la Kivalliq Inuit Association qui fait la promotion du projet depuis maintenant plus de 20 ans. Elle a invité l’entreprise Anbaric à devenir sa partenaire. Nous avons signé un protocole d’entente en juillet, et nous prendrons le relais.
Le sénateur Neufeld : Vous allez gérer le projet?
M. Duguay : Nous allons le cogérer avec KIA, oui.
Le sénateur Neufeld : Vous allez cogérer le projet de 1,2 milliard de dollars. Pouvez-vous me dire si Gillam est loin de la frontière du Nunavut et à quelle distance se trouve le reste de la ligne?
M. Duguay : De Gillam jusqu’au 60e parallèle, il y a, je crois, environ 270 kilomètres. Nous aurons une nouvelle carte dans trois semaines. Le projet comporte une ligne d’environ 950 kilomètres.
Le sénateur Neufeld : Le reste serait...
M. Duguay : À peu près 600 kilomètres, si vous comptez la ligne qui se rend jusqu’à Rankin et qui bifurque vers Baker Lake.
Le sénateur Neufeld : Vous avez fait une estimation plus tôt — si je vous ai bien compris — selon laquelle la ligne pourrait être prête et opérationnelle dans cinq ans et demi. Nous avons un nouveau processus d’évaluation qui fait l’objet d’un débat à l’heure actuelle. Il est encore en place, mais on y apportera des changements.
Il est estimé que le projet pourrait prendre de trois à cinq ans. Même s’il s’agit de trois ans, cela vous donne deux ans et demi pour construire la ligne. Est-ce réaliste? Il ne se passera rien sur le terrain avant que vous ayez réalisé l’évaluation environnementale. C’est un projet transfrontalier, alors il devra faire l’objet d’une évaluation environnementale fédérale.
M. Duguay : Merci de la question. Je vais laisser la parole à Tom pour qu’il vous en dise davantage à ce sujet. Je crois comprendre que, comme le corridor a été désigné par la Kivalliq Inuit Association et les Dénés du Nord du Manitoba, nous devrions être en mesure d’accélérer ce processus. Autrement dit, encore une fois, l’association travaille sur ce projet depuis près de deux décennies. La première étude de faisabilité importante a été effectuée par Manitoba Hydro en 1999, avec le soutien du gouvernement canadien. Au chapitre du transport d’électricité, on parle de ce dossier depuis longtemps.
Ce qui est unique, c’est que les Canadiens autochtones se sont regroupés autour de ce projet d’infrastructure tant espéré et qu’ils nous ont pavé la voie pour nous aider à réaliser ce projet.
Le sénateur Neufeld : Dans les cinq ans et demi avant que la ligne soit opérationnelle, selon vos prévisions, combien de temps avez-vous prévu pour réaliser l’évaluation environnementale?
M. Duguay : Nous tenons pour acquis que ce sera deux ans et demi.
Le sénateur Neufeld : Deux ans et demi pour effectuer l’évaluation environnementale et le reste?
M. Duguay : Cela suppose que nous soyons en mesure d’évaluer la portée du projet au printemps et de présenter nos résultats l’été prochain.
Le sénateur Neufeld : Merci.
La sénatrice Dasko : Ma question portait exactement sur l’évaluation environnementale. Je crois que nous sommes tous sur la même longueur d’onde. C’est malheureux qu’il n’y ait pas plus de tours sur Bay Street. C’est une blague. Je vis à Toronto.
Vous êtes assez convaincu du bon déroulement du processus d’évaluation environnementale. Vous ne semblez pas trop vous inquiéter du nouveau processus que le gouvernement fédéral espère mettre en place, lequel fait l’objet de beaucoup de débats ces temps-ci. Vous êtes assez persuadé qu’il ne sera pas un obstacle à cette proposition. Je crois que c’est ce que vous dites.
M. Duguay : Il y a beaucoup de travail à faire. Nous prenons cela très au sérieux. Nous suivons de près le projet de loi proposé. Nous croyons, encore une fois, que nous travaillons avec les gens qui vivent sur le territoire depuis 10 000 ans. Je dois féliciter la Kivalliq Inuit Association : son service d’aménagement du territoire est excellent. Son réseau de spécialistes, qu’il s’agisse d’effectuer un suivi des animaux migratoires comme le caribou ou de faire face aux problèmes liés au pergélisol, possède toute cette expertise à l’interne.
Nous croyons que nous pourrons respecter rigoureusement l’échéancier de deux ans et demi en travaillant avec détermination. Je ne dis pas que ce sera du gâteau. Je crois qu’il faudra travailler très dur. Encore une fois, nous allons trouver les meilleurs experts locaux de la région et travailler avec eux.
La sénatrice Dasko : Vous croyez qu’il s’agit donc d’un projet parfaitement faisable?
M. Duguay : Oui, à ce stade.
La sénatrice Dasko : C’est vraiment utile. Vous ne seriez pas où vous en êtes aujourd’hui avec votre projet si vous n’étiez pas tout à fait convaincu d’obtenir du financement fédéral. Puis-je supposer que vous êtes convaincu à 99 p. 100 ou presque d’obtenir le financement?
M. Garrett : Ce que je vous dirais, c’est que nous sommes actuellement sur deux voies parallèles. Nous sommes à l’étape de la planification où nous travaillons avec le gouvernement fédéral et tenons des discussions avec CanNor et d’autres fonctionnaires du gouvernement fédéral afin de faire avancer notre travail de planification.
En même temps, comme nous l’avons dit, nous avons eu certains problèmes d’échéancier en raison du plus grand consommateur d’énergie de la région qui doit prendre des décisions opérationnelles à l’heure actuelle; de la prochaine tarification du carbone qui entre en vigueur maintenant; des chefs inuits qui appuient ce projet comme ils ne l’ont jamais fait à l’échelon territorial, ainsi qu’à tous les échelons; et de l’investisseur du secteur privé qui, présentement, est prêt également à participer au projet. C’est pourquoi nous sommes sur une autre voie sur laquelle nous tenons de très importantes discussions avec le gouvernement fédéral sur des demandes plus grandes.
Ces deux voies doivent se rejoindre à un moment donné. Je crois que nous avons tenu d’excellentes discussions avec le gouvernement fédéral sur la voie de la planification. Actuellement, nous en sommes à un stade où nous nous concentrons sur les demandes plus grandes pour que la Kivalliq Inuit Association devienne un partenaire financier conjoint afin de faire avancer le projet.
Le président : Dans votre exposé, vous avez mentionné la Banque de l’infrastructure du Canada. Nous n’avons pas beaucoup entendu parler — je suis peut-être ignorant — de la participation de la Banque à des lancements de projets. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Est-ce que c’est mis en place? Tenez-vous des discussions avec la Banque de l’infrastructure du Canada? Pouvez-vous nous donner plus de détails?
M. Duguay : Nous avons rencontré l’équipe de transition au moment de la mise en place de la Banque. Cela fait maintenant à peine quatre mois que nous avons ce partenariat sous forme de protocole d’entente entre Anbaric et la Kivalliq Inuit Association. Par l’intermédiaire de notre investisseur, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario communiquera avec la Banque de l’infrastructure au cours des prochaines semaines.
On nous a dit que la banque sera une ressource pour le financement par emprunt et par actions, mais qu’elle sera aussi là essentiellement pour nous aider. Son rôle est de faire progresser des projets qui, sans ses services, ne pourraient pas être lancés et menés à bien. Le ministère des Finances nous a avisés que la Banque de l’infrastructure nous aidera à parfaire nos méthodes et à élaborer un modèle financier solide pour le projet. Nous avons hâte d’obtenir ses conseils et ses services.
Le président : Qu’en est-il de Manitoba Hydro?
M. Duguay : Manitoba Hydro profitera de l’accès à un nouveau marché, et, apparemment en raison de la géographie, la société d’État aura accès à ce marché pendant très longtemps. Elle serait le fournisseur. Elle devra conclure un certain type de convention de vente sur l’électricité avec la société de titrisation que nous aurons constituée avec la KIA.
Encore une fois, nous possédons toutes les données techniques. Certains de nos consultants ont travaillé à Manitoba Hydro pendant des décennies. Nous sommes assez certains de connaître l’endroit d’où partira la ligne au Manitoba et la façon dont nous allons construire l’infrastructure.
Le gouvernement du Manitoba soutient ce processus de développement. Il a demandé aux partenaires d’aller à Ottawa afin de prendre le pouls du gouvernement fédéral à propos du projet et de voir s’il désire financer la KIA pour l’aider à devenir notre partenaire financier en vue de poursuivre le processus exploratoire avec Manitoba Hydro et le gouvernement du Manitoba.
Le président : Vous avez de l’expérience avec d’autres projets dans des régions à forte densité. Quel défi pose cette région? Je devrais savoir quelle est la population, mais c’est probablement entre 7 000 et 10 000 habitants.
M. Duguay : Dix mille.
Le président : Les contribuables vont-ils assumer le fardeau financier de cette infrastructure, ou comment cela fonctionnera-t-il?
M. Duguay : Avec une subvention d’immobilisation pour la Kivalliq Inuit Association afin qu’elle soit un partenaire financier avec Anbaric ou la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, nous prévoyons une diminution importante du coût de production de l’électricité pour la région. Il y aura une économie de coûts à cet égard. Cela ne se reflétera peut-être pas immédiatement sur la structure tarifaire du territoire pour diverses raisons. Encore une fois, il y a d’importantes exigences en matière d’infrastructure pour Qulliq, le distributeur de la Couronne. Je ne peux pas en parler; je ne suis pas régulateur de taux au Nunavut.
Cela dit, vous parlez de déplacer pour environ 40 millions de dollars par année de consommation de diesel, pour usage résidentiel ou commercial léger. Dans le secteur minier, il pourrait y avoir des économies de l’ordre de 60 millions de dollars par année. Encore une fois, cela suppose une croissance du secteur minier dans la région avec le début de l’exploitation d’une autre mine dans le cadre du projet. C’est très prometteur sur le plan économique, du moment où nous avons un secteur minier solide dans la région.
Le président : Les responsables de la mine Agnico Eagle ont prévu que, à la fin des cinq années, la tarification du carbone, selon les prix par tonne annoncés, leur coûtera 50 millions de dollars supplémentaires par année. Voilà une autre économie potentielle.
La sénatrice Boyer : J’ai une question sur les soins de santé. Je vois que les soins de santé dans le Nord vont grandement profiter d’un projet comme celui-ci. Je sais que vous en êtes aux étapes de planification à l’heure actuelle. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus sur certains problèmes que vous prévoyez régler dans le Nord dans les secteurs des soins de santé. Travaillez-vous avec un plan d’investissements en infrastructure des Premières Nations au cours de ces étapes de planification?
M. Garrett : Non, pas pour l’instant. Je ne suis pas certain d’être en mesure de vous répondre à ce stade. Nous serions plus qu’heureux de fournir une réponse plus tard au comité.
La sénatrice Boyer : Merci.
M. Duguay : Notre entreprise se trouve dans une position très unique : nous construisons une plateforme physique en vue de transporter des données et des électrons vers le Nord. Il se trouve que nous sommes des spécialistes de l’électricité. Nous aurons notre mot à dire concernant l’utilisation des électrons. Nous aurons, comme entreprise, la responsabilité de nous assurer qu’il y ait un dialogue sur la façon dont ces données sont utilisées afin que les locaux puissent en profiter au maximum. Ces questions me font rêver à la possibilité d’offrir une planification et des formations très intéressantes. C’est une très bonne question.
M. Garrett : Une des raisons pour lesquelles la Kivalliq Inuit Association préfère ce projet, c’est qu’il libère le potentiel d’un éventail de nouveaux investissements dans la région dans toutes sortes de secteurs.
Le fer de lance de la construction de cette ligne de transmission, c’est qu’elle place la région dans une position où sa sécurité énergétique est beaucoup plus grande. Nous constatons l’écologisation de choses comme les véhicules, les motoneiges et les VTT électriques. Ce sont des possibilités pour ces collectivités à l’avenir. En ce moment, leur sécurité énergétique est telle qu’elles ont une capacité limitée d’envisager de développer et de faire croître leurs régions. C’est la raison pour laquelle ce projet est si important pour elles.
Le président : Merci. On a parlé d’un lien routier entre Kivalliq et le Sud du Canada. En avez-vous parlé dans le cadre de vos discussions? Vous allez construire un corridor. Avez-vous parlé de la possibilité que le projet puisse mener à un moment donné à la construction d’une route?
M. Garrett : Ce projet, comme nous l’avons mentionné, est sur la table depuis très longtemps. Grâce au processus de planification, la Kivalliq Inuit Association a fait avancer ce projet et ont déterminé un corridor qui permettrait la construction d’une route toutes saisons et d’une ligne électrique dans l’avenir. Cela a fait partie de son processus de planification depuis le moment où elle a choisi les territoires dans le cadre de l’Accord du Nunavut. Cela fait partie de l’Accord.
À ce stade, au lieu de tenter de faire avancer les deux projets en même temps comme s’il s’agissait d’un seul projet, elle a décidé de se concentrer sur le projet de ligne de fibre optique et de transport d’électricité et d’envisager des voies d’accès qui lient les collectivités.
Comme je l’ai mentionné, Whale Cove se trouve seulement à 70 kilomètres au sud de Rankin Inlet. En réalité, Chesterfield se trouve à 70 kilomètres au nord.
À l’heure actuelle, si quelqu’un veut travailler à la mine Meliadine, qui se trouve juste au nord de Rankin, il doit prendre l’avion vers le sud jusqu’à Rankin Inlet et ensuite utiliser la route privée d’Agnico sur 30 kilomètres pour revenir dans sa collectivité. C’est une situation dans laquelle le manque d’infrastructure entrave les déplacements des membres des familles et des collectivités pour aller travailler.
Le président : Merci beaucoup.
Sur ce, nous allons conclure la séance. Je vous remercie beaucoup de vos témoignages et de vos réponses à nos questions, ce que le comité apprécie grandement.
(La séance est levée.)