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ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique

Fascicule no 21 - Témoignages du 27 février 2019


OTTAWA, le mercredi 27 février 2019

Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 11 h 33, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour chers collègues. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je suis Dennis Patterson, sénateur qui représente le Nunavut. J’ai le privilège de présider ce comité. J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs, et tout spécialement à notre nouvelle sénatrice qui nous vient du nord du 60e parallèle, Dawn Anderson.

Je vais demander aux sénateurs qui sont autour de la table de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, Manitoba. Je suis vice-présidente du comité.

La sénatrice Anderson : Dawn Anderson, Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci. Aujourd’hui, nous allons poursuivre notre étude sur les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants. Notre premier témoin, qui représente la Fondation Gordon, qui œuvre dans le Nord depuis longtemps, est M. Blair Hogan, président de Gúnta Business.

Monsieur Hogan, merci d’être parmi nous aujourd’hui. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi il y aura une période de questions.

Blair Hogan, président, Gúnta Business, The Gordon Foundation : Merci beaucoup de m’avoir invité à témoigner. Je m’appelle Blair Hogan. Je suis un citoyen du Conseil des Teslin Tlingit. Ma façon traditionnelle de me présenter est celle-ci :

[Note de la rédaction : M. Hogan s’est exprimé dans sa langue autochtone.]

Cela veut dire que je suis une petite grenouille dans l’étang. Le chef de mon clan est Sam Johnson. Je fais partie du clan de la grenouille.

J’ai participé à la réunion des 21 et 22 août tenue à Iqaluit par la Gordon Foundation. Pendant ces deux jours, nous avons tenté de déterminer quels étaient les plus grands obstacles auxquels se heurtent les microentreprises ainsi que les petites et moyennes entreprises afin d’en arriver à des politiques qui favorisent le démarrage d’entreprises, leur développement ainsi que l’accès aux marchés d’exportation.

Je ne sais pas dans quelle mesure vous souhaitez que je présente le contenu du rapport. Je pense que je suis plutôt ici pour mettre les recommandations en contexte. Je vais passer rapidement en revue les quatre recommandations. Il y avait trois grands énoncés de base : toute nouvelle politique élaborée pour les entreprises du Nord doit être conçue en collaboration les gens du Nord, les gens qui sont sur place dans le Nord, qui travaillent avec les entreprises, qui sont propriétaires d’une entreprise, et ainsi de suite; les infrastructures de communication et de télécommunication jouent un rôle crucial dans le Nord, elles doivent être améliorées et les programmes dans ce domaine renforcés; une stratégie globale et intégrée s’impose.

Le premier thème est celui des données. Les décideurs n’ont pas assez de données à leur disposition pour prendre des décisions éclairées. Le rapport renferme des recommandations sur les façons d’améliorer la situation à cet égard. La réalisation d’une enquête triennale en est un exemple. Cela permettrait de combler les lacunes laissées par le questionnaire détaillé de recensement et de recueillir des données portant plus particulièrement sur les entreprises, sur les besoins des propriétaires d’entreprise, les choses importantes à leurs yeux et les éléments nécessaires au développement de leur entreprise.

Les propriétaires d’entreprise ont déjà plusieurs points de service auprès des organismes de financement fédéraux ou territoriaux. Il pourrait y avoir une meilleure coordination et intégration entre ces derniers pour la collecte de certaines de ces données.

Le deuxième thème est celui de l’innovation. Nous avons grandement besoin d’un cadre d’innovation pour le Nord. L’établissement de carrefours d’innovation est un élément qui est ressorti de notre démarche. À Whitehorse, nous avons le carrefour d’innovation NorthLight Innovation. C’est un tout nouvel espace consacré à l’innovation. J’utilise cet endroit pour offrir un accélérateur d’entreprises pour le compte du gouvernement du Yukon et de la Chambre de commerce de Whitehorse.

Le thème suivant est celui de l’acquisition de compétences. Les services de conseils aux entreprises dans les communautés sont un domaine que je connais bien. Je fais partie d’un groupe qui travaille avec des entrepreneurs potentiels ou actuels ou des propriétaires d’entreprises bien établies et leur fournis des conseils sur place, dans leur communauté. À mon avis, on pense à tort qu’on peut se concentrer sur les centres urbains, comme Whitehorse, Yellowknife ou Iqaluit, et y offrir tous les services aux entreprises. On appuie ainsi ces écosystèmes d’affaires, mais pas ceux des régions périphériques.

Je viens de la petite communauté de Teslin. Dans mon territoire, il y a d’autres petites communautés où les entreprises n’arrivent pas à se développer quand elles n’ont pas accès à des services aux entreprises. Ce n’est pas toujours le cas. Je parle de façon générale. Il ne s’agit pas de développement économique dans le sens macroéconomique. Il s’agit des besoins de l’entreprise, de ses objectifs financiers, de ce qu’elle doit faire pour progresser. Il s’agit de voir quelles sont les possibilités de financement, et ainsi de suite. On parle d’une approche individuelle. Dans les communautés, le succès des entreprises devient rapidement apparent.

L’autre thème est la culture d’entrepreneuriat dans le Nord. J’ai également participé à un programme de mentorat dans le domaine des affaires destiné aux élèves autochtones. Il faut des mentors. Dans les Premières Nations, souvent il n’y a pas à la maison un modèle qui pousse les jeunes à poursuivre leurs études et à démarrer leur propre entreprise.

Il existe des programmes pour combler cette lacune. J’ai participé au programme In.Business de l’Université du Cap-Breton. Il s’agit d’un programme de mentorat en affaires dirigé par des Autochtones qui a exactement cette mission. On trouve des jeunes dans leurs dernières années du secondaire intéressés par l’entrepreneuriat et on les met en contact avec un propriétaire d’entreprise des Premières Nations.

Cet entrepreneur peut se trouver dans leur communauté ou ailleurs. Les élèves ont ainsi la possibilité de voir une entreprise de plus près et d’en retirer l’impression que si l’autre personne a réussi, ils le peuvent aussi.

Voilà les thèmes de base des recommandations formulées par la Gordon Foundation. Je pense que je serai mieux à même de vous fournir des renseignements en répondant à vos questions plutôt qu’en discourant. Je m’arrête donc ici pour voir si vous avez des questions.

Le président : Merci. Je vais donner la parole à la vice-présidente, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Merci de votre présence parmi nous aujourd’hui, monsieur Hogan. Je vous félicite de ce que vous faites, de votre travail.

J’ai quelques questions découlant de votre exposé. À qui appartient la responsabilité des recommandations de politiques? Je vois que vous mentionnez Affaires mondiales Canada parmi les ministères qui devraient assumer cette responsabilité. Pourriez-vous nous parler de la relation que vous avez, aimeriez avoir ou devriez avoir avec Affaires mondiales Canada en matière de commerce international? J’aurai ensuite une deuxième question, monsieur le président.

M. Hogan : Je ne peux pas me prononcer sur la recommandation précise dont vous parlez.

La sénatrice Bovey : Elle figure sur la page des recommandations de politiques de votre document.

M. Hogan : Je ne suis pas l’auteur du document. J’ai participé à la séance de groupe qui a mené aux recommandations. L’accès aux marchés extérieurs serait peut-être la question à aborder. Peut-être voulait-on parler du délégué commercial. Le marché du Nord est assez limité. Il est rapidement saturé.

En allant dans les communautés, j’ai constaté, par exemple, qu’il y a beaucoup d’artisans qui demandent pour leurs créations un prix bien inférieur à leur valeur. La raison en est que le marché est saturé. Je pense qu’un des grands objectifs de la recommandation est de trouver un moyen de permettre aux entrepreneurs des communautés d’avoir accès au marché mondial. Le délégué commercial ou des services qui aideraient les entreprises du Nord à exporter leurs produits et leurs services sont des possibilités qui ont été proposées.

La sénatrice Bovey : Vous parlez d’artisanat. J’y vois un lien avec l’intégration des connaissances traditionnelles et culturelles, une recommandation formulée sous le deuxième thème. Pour mettre les choses en contexte, je pense que — je vais peut-être parler pour les artistes inuits — l’art inuit a toujours figuré parmi les formes d’art canadiennes les plus connues dans le monde et qu’il a laissé une marque très importante partout. J’ai l’impression, pour une raison quelconque, que les choses ont peut-être changé. Je me demande si cela, les arts et l’artisanat, fait partie de ce que vous parlez, de tout l’éventail. Pourriez-vous faire le lien avec vos observations sur l’innovation, l’intégration et les connaissances traditionnelles et culturelles?

M. Hogan : Certainement. L’art est un exemple simple, car il y a beaucoup d’artisans dans les communautés où je travaille. Ma communauté compte 400 habitants et je pense que 200 d’entre eux sont des artistes. La moitié de la population crée des objets d’artisanat de grande qualité. Par contre, l’éventail peut être assez limité. Le commerce en ligne représente une possibilité simple et permet de vendre les produits en dehors des frontières habituelles.

Dans ce cas, la solution est facile. Des services de soutien aux entreprises peuvent être offerts dans les communautés et aider les entrepreneurs à employer ces plateformes pour vendre leurs produits. À plus grande échelle, nous ne démarrons pas beaucoup d’usines, nous ne créons pas beaucoup de produits destinés à l’exportation. Les choses sont ainsi parce que nous n’avons pas une entité coordonnatrice qui peut réunir tous les éléments d’information et nous dire qu’il y a un marché en Finlande ou en Autriche pour tel ou tel produit et qui crée ensuite un environnement propice à la mise sur pied des entreprises en question. Cela dépasse le domaine des arts et de l’artisanat traditionnels. C’était un simple exemple.

La sénatrice Bovey : Fort bien. J’aimerais revenir sur quelque chose d’autre que vous avez dit : il est vrai que le prix auquel sont vendus certains de ces objets d’art et d’artisanat est bien trop faible. Quand vous parlez de mentorat, s’agit-il du mentorat offert pour permettre à ces créateurs d’établir un prix adéquat pour leurs œuvres? Quand on pense au prix auquel certaines de ces œuvres sont vendues, c’est terrible. C’est un affront.

M. Hogan : Oui. C’est une question de confiance. Quand une personne essaie de vendre une œuvre à un prix qu’elle pense être justifié et qu’on lui dit « non, non, non, je vous en ai déjà acheté cinq », cela fait baisser le prix. Je pense que, lorsqu’un artiste a une présence bien établie sur une plateforme et que les achats se font au prix approprié, le problème disparaît. Certains artistes sont bien établis, sont bien connus, jouissent d’une grande crédibilité et ils n’ont pas de difficulté à vendre leurs œuvres. Cependant, il y en a beaucoup qui n’ont pas tout à fait encore atteint ce stade. Ils font des choses d’aussi bonne qualité, mais ils sont moins bien connus. Il s’agit de trouver un moyen de les amener à ce stade.

Je pense que ce cas se rapproche davantage du thème de l’acquisition des compétences et des services de conseils aux entreprises dans les communautés. Le territoire, le gouvernement du Yukon, a mené un projet pilote de commerce en ligne il y a six ans. J’ai été envoyé dans certaines des communautés qui ont le plus de difficultés, Ross River et Faro. Les choses ont bien fonctionné avec une quarantaine d’entrepreneurs. Nous avons créé des sites Etsy ou WordPress. Nous avons aidé les gens à prendre des photos de leurs produits et leur avons appris comment calculer leurs coûts pour qu’ils puissent mieux les comprendre. Un grand nombre d’artistes demandent des prix inférieurs à leurs coûts. Il y a une éducation de base à faire : le prix d’un objet ne peut être inférieur à celui des matériaux nécessaires à sa création. Cela nous donne au moins un point de départ.

Ils ne veulent pas avoir l’impression de voler les gens. Ils se rendent compte aussi que les gens n’ont pas tous de gros revenus. Je pense que, ce qu’il faut retenir, c’est que si on leur donne accès à une plus vaste clientèle, une clientèle qui est plus que disposée à payer le prix que vaut l’objet, les choses vont se préciser pour eux.

La sénatrice Bovey : Je pense que l’accès à un plus grand bassin de clients possibles est un élément très important. Monsieur le président, je conclurai ainsi : quand on dit qu’aucune œuvre d’un des artistes les plus connus du Yukon, bien qu’il ne soit pas autochtone, Ted Harrison, ne figure dans la collection du Musée des beaux-arts du Canada, pas plus que les œuvres d’autres artistes du Yukon d’ailleurs, je pense qu’il y a un travail collectif à faire au niveau de la prise de conscience et de l’appréciation.

M. Hogan : Absolument.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur Hogan. L’automne dernier, nous avons eu la chance de nous déplacer. Les membres du comité se sont rendus jusqu’au cercle arctique. Il n’y a essentiellement aucune assise manufacturière là-haut. Ce que vous avez à exporter est la culture, l’artisanat, et cetera, mais ce sont des choses assez simples. Votre fondation est-elle en mesure d’aider la population locale à améliorer les objets d’art et d’artisanat qu’elle produit ou à en accroître la quantité pour l’exportation à l’étranger? Une partie de ces objets serait, bien entendu, vendue aux touristes qui viennent sur place. Il reste que la majeure partie de ces objets d’art de l’Arctique canadien serait destinée à l’exportation.

M. Hogan : Je ne pense pas que ce soit le rôle de la Fondation Gordon. Cette dernière est une excellente entité pour formuler ces recommandations, mais ce rôle revient aux mentors, aux formateurs en affaires. J’ai mentionné, par exemple, le projet mené par le gouvernement du Yukon il y a six ans. Il s’agissait d’un projet pilote. On a trouvé quatre ou cinq formateurs dans le domaine des affaires chargés de se rendre dans les communautés. Il s’agissait de contractuels du secteur privé. Leurs honoraires étaient payés par le programme et les entrepreneurs avaient ainsi accès à leurs services gratuitement. Avec ce genre d’encadrement individuel, l’artiste ou le propriétaire d’entreprise est en mesure de commercialiser directement ses produits et de les vendre directement à des marchés extérieurs sans l’aide d’un organisme central.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Je ne pense pas que la Fondation Gordon jouerait ce rôle. Par contre, elle est au courant de ce qui se passe dans la région.

Le sénateur Oh : Parlons de commerce électronique. Quand nous sommes allés là-bas, nous avons pu constater que le plus grand problème en ce qui concerne le commerce électronique est l’accès au service à large bande. Vous n’avez pas Internet haute vitesse.

M. Hogan : C’est exact.

Le sénateur Oh : Nous avons parlé à beaucoup de gens. On nous a dit que le simple envoi d’un courriel prenait beaucoup de temps.

M. Hogan : Oui.

Le sénateur Oh : Comment pouvez-vous utiliser le commerce en ligne alors que vous n’avez pas les outils pour vous connecter au monde extérieur?

M. Hogan : Exactement. Cela nous ramène à l’infrastructure. Les besoins dans ce domaine sont grands. Par exemple, je suis installé à Whitehorse, mais je fais affaire avec un artiste vidéo qui se trouve à Beaver Creek, une petite localité du Yukon située à la frontière de l’Alaska. Pour que je puisse avoir accès à une de ses vidéos, il doit en faire une copie sur une clé USB et me l’envoyer par transport routier. Si je veux apporter des modifications, je dois lui transmettre les changements à faire par courriel et il me renvoie ensuite la vidéo. Cela peut prendre des semaines avant que j’obtienne une vidéo. Ce n’est pas pratique. Cette situation reflète notre infrastructure.

De mon côté, à Whitehorse, cela ne pose pas de problème. Je pense qu’il n’y a pas de problème pour les gens de Yellowknife et des autres centres urbains. Dès qu’on sort des centres urbains, la transmission de données présente des difficultés. On pourrait penser à favoriser les secteurs fondés sur le savoir dans ces communautés, ce qui est probablement un des domaines dans lesquels il est le plus facile d’établir des entreprises — par exemple, je n’ai pas besoin d’être à Whitehorse pour faire ce que je fais, je pourrais être établi à Teslin ou à Ross River. Or, l’infrastructure, le service à large bande et les limites en matière de transmission de données ont une énorme incidence sur les possibilités.

Aujourd’hui, un grand nombre de localités ont le service cellulaire, ce qui est bien, mais, même là, la transmission de données est très limitée.

C’est un problème fondamental qui, s’il n’est pas réglé, limite vraiment ce qui peut être fait pour les communautés du Nord.

Le président : Puisque cette dernière question portait sur la Fondation Gordon et son rôle, j’en profite pour poser une question à mon tour. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste un marathon de programmation, comment cela fonctionne? Cette activité a été parrainée par la Fondation Gordon et a mené à ces recommandations? De quoi s’agissait-il au juste?

M. Hogan : Il s’agit d’une série d’ateliers dirigés auxquels participaient des propriétaires d’entreprise du Nord, des représentants des gouvernements et de sociétés de développement communautaire et des PDG. On posait une question ou un problème et les participants formulaient des recommandations quant aux solutions possibles. Comme je l’ai mentionné, je ne suis pas l’auteur du rapport. J’ai participé à la formulation de ces recommandations. Il y en a un bon nombre que j’ai moi-même faites.

Le marathon de programmation ou d’élaboration de politiques est une démarche ascendante pour la formulation d’orientations stratégiques et de conseils sur l’établissement d’un cadre. C’était peut-être le deuxième ou le troisième auquel je prenais part. J’ai déjà participé à ce genre de démarche dans le domaine de la santé. C’était mon deuxième marathon de programmation dans le domaine des affaires. Bref, c’est une série d’ateliers dirigés qui permet aux participants de donner des conseils sur les politiques visant un groupe donné. Voilà ma définition d’un marathon de programmation.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie d’être venu témoigner. C’est très intéressant. Je vais vous demander d’être patient avec moi; je suis nouvelle ici.

J’aimerais m’attarder à la situation des services Internet, car il me semble qu’il est essentiel d’avoir des services Internet à large bande, haute vitesse, si on veut créer un contexte favorable aux entreprises. À votre avis, s’agit-il d’une responsabilité fédérale? Sinon, qui, selon vous, devrait assurer l’accès à Internet haute vitesse?

M. Hogan : Il faut que ce soit une responsabilité fédérale. Les entreprises du secteur privé ne seraient pas en mesure de rentabiliser l’infrastructure nécessaire pour fournir ces services. Quand on prend des localités comme Beaver Creek, qui compte 85 habitants et se trouve à environ 600 kilomètres de la capitale, Faro, 35 habitants, ou ma communauté, Teslin, 400 habitants et est un peu plus près de la capitale, il n’y a pas un marché qui crée un environnement propice à ce genre d’investissement.

Chez nous, par exemple, Northwestel entretient le réseau en grande partie grâce à des subventions, mais l’entreprise n’a pas vraiment le mandat ni les capacités pour apporter d’importantes améliorations au réseau. J’irais même jusqu’à dire que le gouvernement du Yukon... est principalement financé par le gouvernement fédéral.

C’est la même chose pour les lignes de transport d’électricité vers les petites localités. Il n’y a pas la rentabilité nécessaire pour faire l’investissement sans participation du gouvernement fédéral. Je pense que ce serait dans l’intérêt du gouvernement canadien que les communautés du Nord bénéficient d’un environnement plus propice aux entreprises.

J’aborderai un dernier point : l’intégration de la culture. Il y a un grand nombre de gouvernements autonomes au Yukon qui accordent une grande place à l’économie traditionnelle. Prenons la bande des Gwitchin Vuntut à Old Crow. Son gouvernement compte un assez grand nombre de personnes, car on prévoit un excédent de personnel pour les situations où, si un trappeur doit s’absenter pendant trois ou quatre mois pour ses activités de piégeage, il y a quelqu’un pour le remplacer. Cette structure organisationnelle est conçue pour permettre ce genre de chose, mais ce n’est pas toujours le cas.

Du point de vue des entreprises... Je suis un entrepreneur indépendant, je peux donc prendre congé pendant deux mois pendant la saison de la chasse pour aller sur la terre et m’adonner à mes activités traditionnelles avec ma famille. C’est le genre de chose qui est possible pour un propriétaire d’entreprise ou un travailleur autonome.

Si les infrastructures nécessaires étaient en place, les propriétaires d’entreprise locaux fonctionneraient dans un environnement plus certain et auraient accès aux marchés dont ils ont besoin pour que leur entreprise soit rentable. Leur situation leur permettrait alors davantage de participer à des activités traditionnelles, ce qui réduit les problèmes de santé et la dépendance envers le gouvernement fédéral.

Si on examinait les choses dans cette perspective plus générale, on pourrait justifier l’investissement. Il faut se fonder sur une optique plus générale. Si on se limite à faire des calculs en fonction de la taille du marché et de l’utilisation des infrastructures, ça ne marche pas. Selon cette optique limitée, l’investissement n’a pas de sens. Quand on tient compte de tous les autres facteurs, on obtient une justification plus claire de l’investissement.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. On peut prendre l’exemple de la Saskatchewan, qui a beaucoup investi dans les services à large bande dans le nord de la province. Cela a donné d’excellents résultats, surtout pour ce qui est de réduire les coûts des soins de santé.

Dans quelle mesure travaillez-vous, dans le Nord, avec les pays scandinaves, qui sont plus avancés? Je pense que nous devrions nous intéresser à ce qu’ils font pour faciliter le développement de leurs régions nordiques. Je pense que c’est un crime de ne pas développer le Nord canadien; c’est notre trésor. En n’investissant pas pour concrétiser ces idées et ces possibilités, nous perdons énormément.

Est-ce que vous dialoguez avec les pays scandinaves?

M. Hogan : Merci. C’est une excellente question. Je suis heureux de pouvoir dire que oui. Une des choses que je fais à Teslin à l’heure actuelle est de construire des systèmes de chauffage centralisés alimentés à la biomasse. Je travaille en étroite collaboration avec l’Autriche et la Finlande. Cela n’a pas de sens de transporter du carburant à base de pétrole pour se chauffer dans le Nord. Nous avons à notre disposition une énorme quantité de ressources locales.

J’ai construit trois systèmes complets. Nous avons compensé presque la moitié du diésel de la communauté dans les quelques dernières années. Je travaille maintenant sur les quatrième et cinquième systèmes. Je construis un système combiné électricité-chaleur qui compensera pour la consommation du secteur culturel. Je travaille avec Volter, une entreprise finlandaise. Je n’y suis pas encore allé. Par contre, un grand nombre de collègues sont venus voir mon projet, de même qu’un partenaire du projet actuel.

Entre autres choses, mon entreprise aide les communautés à tirer parti des possibilités en matière d’énergie renouvelable. La première chose que je dis toujours est que, c’est peut-être nouveau pour nous dans le Nord, ou même le Canada, mais ce ne l’est pas dans l’hémisphère Nord.

On en trouve de nombreux exemples du côté de la Scandinavie, de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark et de la Finlande depuis près d’une génération. Certains de ces systèmes énergétiques collectifs fonctionnent très bien depuis 30 ans. Je suis ravi de pouvoir dire que Teslin est en train de devenir la petite Scandinavie hors de la Scandinavie. Plus de 900 personnes sont venues voir notre système à la biomasse. Des gens de partout au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ce que nous faisons suscite beaucoup d’intérêt.

Les gens des pays scandinaves viennent constater qu’il y a une communauté qui a enfin compris. J’apprécie la question. Cela m’est très utile. Ainsi, je cherche à savoir comment ils s’organisent pour que tout le monde travaille vers le même objectif. C’est un élément que nous essayons de résoudre. Nous faisons des visites. Nous avons aussi des modèles de coentreprises fondées sur la coopération qui assurent l’adéquation entre les intervenants. J’apporte ces modèles chez nous et j’ai l’air très intelligent. C’est exactement sur de tels exemples que nous devons fonder ce genre de projet.

C’est bien loin de chez nous cependant. C’est très difficile de présenter cet exemple au monde en ce moment. Ce qui est très intéressant, c’est que, à Teslin, par exemple, avec nos trois systèmes de chauffage centralisés qui compensent la moitié de la consommation de diésel servant au chauffage des bâtiments, les gens viennent maintenant chez nous et peuvent voir à quoi pourrait ressembler un projet scandinave chez eux. Cela a suscité un énorme taux d’adoption. Le ministère des Ressources naturelles est très satisfait de voir le nombre de communautés qui demandent ce genre d’investissement et de soutien. Excellente question. Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur le président, je ne fais pas partie du comité, mais je dirais qu’un voyage en Scandinavie serait peut-être utile pour voir comment on développe le Nord. Ce sera tout de mon côté. Merci.

La sénatrice Coyle : Prochaine législature.

Le président : Quel biocombustible utilise-t-on à Teslin? De la fibre de bois?

M. Hogan : De la fibre de bois, entièrement des résidus, de provenance locale. Dix bâtiments à Teslin sont raccordés aux trois premiers systèmes. On met la dernière main à une entente avec le gouvernement du Nunavut pour le chauffage des écoles; le raccordement est déjà fait. En passant, il s’agit de fibre récoltée. Il y a beaucoup de travaux routiers dans la communauté et de travaux liés aux lotissements et aux servitudes. Pendant la dernière saison de travaux de construction, nous avons réussi à transférer l’équivalent de plus de 500 cordes, ce qui représente assez de combustible pour à peu près deux ans. La prochaine étape serait de recueillir les chutes de sciage. Nous avons une vieille scierie qui sera remise en activité et servira principalement à la production de biomasse. Elle servira en deuxième lieu à l’atténuation des risques de feux de forêt.

On associe ainsi un aspect financier à la réduction des risques de feux de forêt. Le dernier élément est la récolte commerciale du bois. La coupe de bois expressément pour produire de la biomasse n’est pas rentable économiquement parlant, mais si on inclut assez de résidus de bois, on arrive à des coûts de combustible globaux suffisamment bas pour créer des débouchés pour la communauté.

Il y a six ans, nous avons affiché trois postes de tronçonneur. Une quarantaine de personnes ont postulé. Nous les avons toutes embauchées, car nous avons constaté qu’il y avait un important besoin dans la communauté. Nous avons ensuite lancé des programmes de tronçonnage, ce qui a mené au projet de biomasse.

L’objectif est d’utiliser le plus de résidus de bois possible et de compléter avec des achats commerciaux. Nous avons une balance et nous achetons à la tonne séchée au four auprès de citoyens qui ont des contrats de vente de cordes de bois lucratives et peuvent également nous vendre leurs résidus de bois — les cimes et les branches de différentes tailles. Nous pouvons déchiqueter, peser et proposer un prix pour tout ce qui ne peut être vendu à la corde. C’est la stratégie d’approvisionnement multifibres que nous utilisons pour gérer nos coûts de base pour pouvoir faire les achats nécessaires.

Le président : Très bien. Merci.

La sénatrice Eaton : Je suis désolée d’avoir manqué une partie de votre exposé. J’adore votre coin de pays. Je vais d’ailleurs aller y faire de la pêche cet été.

Vous venez d’une partie du monde riche en ressources naturelles. Ces ressources sont-elles exploitées? Si oui, quels genres de petites entreprises pourraient être développées à partir de l’exploitation de ressources naturelles, comme celle d’une mine?

M. Hogan : L’exploitation minière occupe une place importante au Yukon. C’est une industrie qui a des hauts et des bas, comme tous les autres secteurs. Il y a de nombreuses entreprises rattachées aux mines dans le territoire. À l’heure actuelle, plusieurs mines sont presque arrivées au stade de la production. De nombreux corps de mise en valeur des ressources des Premières Nations établissent des partenariats judicieux pour permettre aux communautés de tirer parti des possibilités d’affaires et des activités qui en découlent.

Au lieu de parler des mines, je vais revenir au secteur forestier. À l’heure actuelle, les activités de ce secteur sont très limitées. Il y a une quinzaine d’années...

La sénatrice Eaton : Il y a eu un terrible ralentissement.

M. Hogan : C’est exact.

La sénatrice Eaton : En réalité, le territoire se réinvente.

M. Hogan : Effectivement. Cette absence d’activité dans le secteur forestier a entraîné une grande partie des problèmes actuels. Selon les analyses qui ont été effectuées, Whitehorse et Teslin présentent des risques élevés de feux de forêt. Cette situation découle du fait que, quand on ne récolte pas, quand il n’y a pas...

La sénatrice Eaton : De coupes à blanc et de sylviculture.

M. Hogan : Il ne s’agit même pas d’une question de coupes à blanc, mais de coupes à blanc limitées qui conviennent davantage à l’industrie. Vous n’éliminez pas les risques d’incendie de forêt. Une centrale alimentée à la biomasse représente une très grande initiative pour créer et revitaliser le secteur forestier. Elle peut s’établir en tant qu’acheteuse principale des résidus d’une scierie lorsque celle-ci n’a plus à produire du bois d’œuvre pour les marchés. La scierie produit des déchets pour la centrale alimentée à la biomasse et, de façon accessoire, du bois de construction de dimensions courantes que vous ne vendez pas; vous ne faites que contrebalancer vos besoins internes.

La sénatrice Eaton : Le Sénat a mené une étude sur l’industrie forestière. Nous savons que les Maritimes favorisent l’utilisation de la biomasse.

M. Hogan : Oui, l’Île-du-Prince-Édouard est un important modèle pour nous.

La sénatrice Eaton : Vous avez les choses très bien en main. Oui, vous avez une scierie et une centrale alimentées à la biomasse, mais est-ce que cela signifie que vous obtenez une librairie, une pharmacie ou un restaurant? Quels sont les pourvoyeurs?

M. Hogan : Comme je le disais, grâce au secteur forestier, la biomasse crée un environnement qui donne lieu à ces types d’entreprises. Il y a maintenant des gens qui participent à l’économie fondée sur les ressources naturelles et des entreprises qui peuvent l’appuyer. Comment pouvons-nous stimuler l’économie de nos collectivités? Les ressources naturelles représentent le premier pas. Les mines sont un peu difficiles et différentes. Comme vous le savez, selon leur emplacement, vous pouvez gagner la loterie géographique, pour ainsi dire. Nous sommes tous entourés de forêts. Il s’agit d’une occasion exceptionnelle — et pas dans l’ensemble de l’Arctique.

La sénatrice Eaton : Il y a aussi le tourisme.

M. Hogan : Le tourisme est un secteur inconstant. Grâce à notre centrale alimentée à la biomasse, Teslin a accueilli 800 visiteurs. Il y a fort à parier qu’ils se paient le dîner, louent des chambres et se disent: « Tant qu’à être ici, faisons une visite guidée et allons au lac. »

La sénatrice Eaton : N’y a-t-il pas des gens qui vont au Yukon pour faire du ski de fond en hiver et de la pêche et de la chasse en été en raison de son paysage de toute beauté?

M. Hogan : Le nombre n’est pas aussi élevé que vous pourriez le croire. Dans les Territoires du Nord-Ouest, des entreprises organisent des excursions pour observer les aurores boréales qui entraînent des retombées secondaires pour nous. Nous sommes reconnaissants à ces entreprises, car les gens qui ne peuvent pas trouver de chambre à Yellowknife viennent à Whitehorse.

Notre tourisme est un sous-produit de l’économie touristique de l’Alaska. Des gens passent par le Yukon pour accéder à l’Alaska et ensuite retourner chez eux.

La sénatrice Eaton : Pourquoi? Le Yukon est un aussi beau territoire que l’Alaska.

M. Hogan : Il s’agit peut-être de la façon dont l’État est commercialisé. C’est une destination qui se trouve à la tête de la liste des voyageurs. Les touristes américains ont déjà une idée de leur hébergement, de leurs achats et de leurs activités. Si vous ne pouvez pas les convaincre de vous envisager comme option lorsqu’ils planifient leur voyage, vous ne verrez pas une grande incidence économique. De toute évidence, des milliers de touristes traversent Teslin chaque jour, mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’ils représentent un facteur économique aussi positif que nous l’aurions voulu.

Je parle au nom de ma petite communauté. Nous établissons des stratégies pour les inciter à ralentir.

Lorsque la route a été emportée par les eaux, des touristes se sont trouvés coincés à Teslin. Cependant, en raison de leur expérience forcée, ils jurent maintenant qu’ils reviendront chaque année à Teslin. Ils ont aimé la communauté, l’amitié des habitants et l’environnement. Ce n’était toutefois pas quelque chose qui était à la tête de leurs plans de voyage. Teslin n’était pas leur destination prévue, mais c’est là qu’ils se sont retrouvés.

En terminant, nous avons un centre culturel où vous pouvez voir des employés très passionnés donner des démonstrations. Au cours de l’été, nous recevons des notes de remerciement presque toutes les semaines de gens qui nous indiquent que le centre était le clou de leur voyage et qu’ils passeront beaucoup plus de temps en ville pendant leur prochain voyage. Si nous parvenons à les ralentir et à les inciter à s’arrêter pour une raison quelconque, ils finissent par voir que leur expérience a de la valeur et veulent la répéter. Il faut simplement essayer de les convaincre que nous sommes une option avant qu’ils commencent leur voyage.

La sénatrice Eaton : Il y a CanNor et Exportation et développement Canada. Quel type d’aide gouvernementale recevez-vous pour dans le domaine de la construction? Lors de notre voyage dans l’Arctique, on nous a parlé du manque de lignes électriques et de câbles de fibre optique. On nous a également parlé d’un partenariat public-privé pour installer des lignes électriques et des câbles optiques dans l’ouest de la baie d’Hudson. Voyez-vous quelque chose de semblable à l’horizon, c’est-à-dire de l’aide du gouvernement ou des partenariats publics-privés?

M. Hogan : Depuis sept ans, je suis aussi le chef et un membre du conseil des Tlingits de Teslin. Nous envisageons d’établir un partenariat public-privé afin de construire un pont de 80 millions de dollars dans notre communauté. Il s’agit d’une première pour nous. Je pense qu’il s’agit aussi d’une première pour le Yukon. Nous en sommes toutefois toujours au stade exploratoire. En ce qui concerne les entités, CanNor est la grande agence à qui nous pouvons demander de l’aide financière pour financer des études de préfaisabilité et de faisabilité, certains besoins en capitaux et un programme de capitaux de contrepartie, qui est un excellent programme. Dans le cadre de mon travail, j’aide beaucoup de clients à naviguer le programme.

Ces types de programmes sont importants, mais ils ne suffisent pas. La concurrence est très féroce. Il y a des gagnants et des perdants. Ce n’est pas toujours une bonne chose pour une économie en croissance. Par exemple, beaucoup de collectivités ont une société d’aide au développement des collectivités. Nous n’en avons pas au Yukon.

La sénatrice Eaton : Qu’est-ce qu’une société d’aide au développement des collectivités?

M. Hogan : Les sociétés d’aide au développement des collectivités sont un service de soutien offert aux entreprises. Les propriétaires d’entreprise peuvent se présenter à l’une de ces sociétés et dire : « Voici où j’en suis. » Elles peuvent les aider à établir leur plan d’entreprise et leur stratégie de marketing et à accéder à des fonds afin de commercialiser leur entreprise.

La sénatrice Eaton : Vous ne pouvez pas obtenir de l’aide en ligne?

M. Hogan : Les sociétés d’aide au développement des collectivités sont axées sur les régions. Elles se trouvent dans les centres urbains, mais sont également poussées vers l’extérieur. Elles sont dans l’ensemble du Canada. Le développeur économique communautaire à Teslin était l’un des fondateurs initiaux des sociétés d’aide au développement des collectivités au Manitoba. C’était son plus gros casse-tête. Il n’y a aucun service de soutien aux entreprises dans les collectivités qui est semblable aux sociétés d’aide au développement des collectivités.

Mon travail consiste essentiellement à essayer d’établir un service semblable. Je le fais par l’intermédiaire de ma propre pratique commerciale et je renforce cette capacité dans les collectivités. Si un propriétaire d’entreprise exploite son entreprise dans une collectivité, sa capacité de se déplacer au principal centre urbain afin d’obtenir de l’aide ne lui donne pas exactement ce dont il a besoin. En fait, cela l’encourage à changer de marchés. Si nous voulons que de tels propriétaires exploitent des entreprises où ils se trouvent, nous devons fournir des services de soutien aux entreprises à ces endroits.

La sénatrice Eaton : Si vous pouviez demander une chose au gouvernement et la recevoir demain, qu’est-ce que ce serait?

M. Hogan : Je voudrais qu’il y ait un conseiller aux entreprises dans toutes les collectivités ou, du moins, que toutes les collectivités reçoivent une visite périodique d’un conseiller aux entreprises afin que les entrepreneurs locaux soient appuyés.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Hogan. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements intéressants sur l’environnement du Yukon, votre entreprise et votre participation au développement économique communautaire. Revenons au rapport, nous sommes très impressionnés par la Gordon Foundation et ce qu’elle a accompli dans le Nord au cours des dernières décennies. Le rapport d’aujourd’hui est très intéressant. J’ai trois questions.

À la page suivant celle sur les recommandations de politiques, j’ai remarqué qu’il y a cinq icônes qui représentent les cinq thèmes, mais nous en voyons ensuite seulement quatre. Le cinquième thème est le financement. Nous venons tout juste de commencer à parler du financement. Ma propre expérience est dans le microfinancement à l’échelle nationale et internationale et, en particulier dans le microfinancement communautaire. J’aimerais commencer par parler des sociétés d’aide au développement des collectivités. Il y a parfois un lien au financement.

En ce qui concerne le gouvernement du Canada, notre principal sujet d’intérêt, quelles sont les recommandations liées au financement qui découlent du rapport, le cas échéant? Nous avons entendu — et le président peut peut-être me rafraîchir la mémoire sur le sujet — que des instruments financiers autochtones sont offerts dans l’ensemble de l’Arctique par des organismes financiers autochtones. J’oublie leur nom. Vous souvenez-vous de quoi je parle?

Le président : Oui, il s’agit de sociétés patrimoniales, de sociétés de développement et des sociétés de développement autochtone.

La sénatrice Coyle : Des Autochtones dans l’Arctique eux-mêmes. Ils ont leurs propres institutions. Ce sont celles-ci qui m’intéressent. J’aimerais en savoir plus sur les banques, les coopératives de crédit et les solutions communautaires. Quelles options de financement ont fait l’objet de discussion et quels sont vos points de vue?

M. Hogan : Je pense que si vous vous penchez plus en détail sur le troisième thème, c’est-à-dire l’acquisition de compétences, vous constaterez que c’est ce thème qui est vraiment touché par le financement.

La sénatrice Coyle : Vous avez intégré le financement au thème de l’acquisition de compétences?

M. Hogan : Je crois que c’est le cas. Comme je l’ai dit, je ne suis pas l’auteur du rapport. J’étais simplement un participant du marathon de programmation. Il donne à un conseiller aux entreprises la capacité de tenir des rencontres individuelles avec des entrepreneurs pour leur apprendre comment élaborer une stratégie financière et établir une aide financière globale.

La sénatrice Coyle : Cela répond en partie à ma question. Cependant, où allez-vous après avoir reçu de l’aide?

M. Hogan : Où allez-vous? Les options sont un peu limitées au Yukon. Nous avons des sources de financement traditionnel, mais elles sont inappropriées à la phase de démarrage. C’est très difficile.

La sénatrice Coyle : Plus l’entreprise est nouvelle, plus c’est dur.

M. Hogan : Il y a däna Näye Ventures à Whitehorse, une organisation qui a été fondée il y a plus de 30 ans. Elle accorde des prêts à haut risque, mais à un taux d’intérêt plus élevé, n’est-ce pas? Ce taux peut être de 15 p. 100. Il est très difficile d’assurer la réussite d’une entreprise qui doit rembourser un prêt dont le taux d’intérêt est de 15 p. 100. On a besoin d’une autre option. CanNor a maintenant un nouveau nom, mais l’agence avait le Programme d’entrepreneuriat autochtone, qui était un programme de capitaux de contrepartie. Lorsque je travaillais avec un propriétaire d’entreprise sur l’élaboration d’un plan d’entreprise, nous faisions en sorte que le plan excède ses moyens financiers. C’était important parce que la subvention de CanNor lui accordait des capitaux de contrepartie.

Il s’agissait d’une subvention non remboursable, mais maintenant les propriétaires d’entreprise peuvent se tourner vers le financement traditionnel. S’ils bénéficient des capitaux de contrepartie de 30 p. 100, ils peuvent obtenir un prêt d’une banque et lancer leur entreprise. Souvent, däna Näye Ventures joue le rôle de banque de facto. Ma stratégie personnelle consiste à demander un prêt initial à däna Näye Ventures, mais à essayer de le refinancer ailleurs après un an. Les prêts accordés par däna Näye Ventures sont des prêts remboursables sur demande. Ils peuvent être rappelés en tout temps. À un taux d’intérêt de 15 p. 100, ils n’inspirent pas grandement confiance, surtout lorsque je travaille avec des propriétaires d’entreprise.

Comme vous l’avez dit, il s’agit d’une situation difficile. Des programmes comme le Programme d’entrepreneuriat autochtone de CanNor sont sûrement utiles, mais je pense qu’un peu plus de soutien pourrait être offert. Il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle institution. Il faut seulement aider les propriétaires d’entreprise qui ne sont pas tout à fait prêts à faire appel au financement traditionnel. Comment pouvons-nous faciliter leur transition? Le programme de capitaux de contrepartie est un exemple parfait de la façon de s’y prendre.

La sénatrice Coyle : Le programme de capitaux de contrepartie est un bon programme pour les entreprises d’une certaine grandeur où les capitaux entrent en jeu. Quelques-unes pourraient avoir besoin de fonds de roulement ou besoin d’acheter quelques biens. On dirait qu’il existe un certain vide concernant un éventail de produits et de mécanismes financiers?

M. Hogan : Je suis de cet avis.

La sénatrice Coyle : C’est ce que je voulais savoir.

Ensuite, j’estime que ce que vous faites est extrêmement impressionnant, ainsi que ce que font les gens à plus petite échelle dans les petites collectivités éloignées.

J’ai déjà travaillé dans le Nord, mais pas dans l’Arctique. J’ai constaté que beaucoup de gens avec qui je travaillais dans les collectivités suppléaient leur revenu et leur gagne-pain. Tous leurs revenus ne provenaient pas de l’entreprise X ou Y. Ils avaient peut-être deux ou trois petites entreprises, mais il était possible d’ajouter à cela la chasse, la pêche et d’autres activités de subsistance. L’ensemble de ces activités donnait leur revenu — le revenu de leur ménage.

Avez-vous discuté de ce type de réalité au cours du marathon de programmation? Dans l’affirmative, est-ce qu’il en tenait compte ou l’appuyait? Quelle en a été l’incidence sur certaines des recommandations formulées?

M. Hogan : Je vais revenir à mon histoire. Je suis un propriétaire d’entreprise depuis sept ans, mais c’est seulement depuis la dernière année que je suis un propriétaire d’entreprise à temps plein. J’ai toujours eu à combler mon écart de revenu avec du travail à temps partiel. C’est la réalité dans le Nord. Je recommande à la plupart de mes clients de limiter leurs frais de fonctionnement et d’essayer de déterminer leurs processus tout en évitant d’investir complètement dans l’entreprise et de créer le risque d’échouer lamentablement si les efforts déployés ne portent pas fruit.

Depuis que je me suis entièrement dévoué à mon entreprise, mon nombre d’employés a grimpé à cinq. Nous travaillons en Colombie-Britannique, en Ontario, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. C’est fréquent dans le Nord de voir des gens commencer une entreprise sur le côté de leur bureau. Ils doivent combler l’écart de revenu par divers moyens.

Le sujet a fait l’objet de discussions au marathon de programmation. Il s’agit d’une situation courante. Je vous ai fait part de mon expérience au Yukon, mais nous avons entendu des récits semblables à maintes reprises de tous les participants du Nord.

Je ne sais pas comment les recommandations améliorent la situation, autre qu’en reconnaissant qu’il s’agit d’une réalité et que de nombreux entrepreneurs doivent suivre cette voie avant de pouvoir se lancer avec toute confiance et à 100 p. 100 dans leur entreprise à temps plein.

La sénatrice Coyle : Je vais mettre de côté mon autre question.

La sénatrice Anderson : Merci de votre présentation.

Ma question porte sur le rapport lui-même. À la page 6, il y a une liste de recommandations pour sept groupes responsables des recommandations de politiques. Pouvez-vous me dire si ces sept groupes relèvent uniquement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux? Dans l’affirmative, pourquoi? A-t-on envisagé de demander à des groupes et des gouvernements autochtones de participer à la mise en application des recommandations de politiques?

M. Hogan : Pourriez-vous me lire le nom des six entités, s’il vous plaît?

Le président : Elles sont énumérées à la page 6 de votre présentation.

M. Hogan : Je suis désolé. Il est difficile pour moi de défendre un document que je n’ai pas écrit. J’ai seulement fait partie des discussions sur les recommandations.

Pour revenir à votre question, je fais partie de la société de développement des richesses Tle’Nax T’awei Limited Partnership. Il s’agit de la société privée de financement par capitaux propres de ma Première Nation. Elle possède 27 entreprises dans l’ensemble du Canada, dans cinq régions géographiques et dans six secteurs. Elle serait une candidate idéale pour faciliter l’orientation des politiques. Non seulement cela, nous avons maintenant une chambre de commerce des Premières Nations, c’est-à-dire la Chambre de commerce des Premières Nations du Yukon, qui rassemblent essentiellement les PDG de toutes les sociétés de développement des Premières Nations à la table. Ce serait une excellente entité de laquelle recevoir des orientations stratégiques.

Mettant de côté la liste des six entités — je ne reconnais pas la moitié d’entre elles —, je dirais que, même dans ce contexte, je ne pense pas que les PDG des diverses sociétés de développement ou les gens des chambres de commerce, d’ailleurs, représentent pleinement les propriétaires d’entreprise des Premières Nations et leurs besoins ou parlent entièrement en leur nom. Une partie de la recommandation portait sur la conception conjointe de solutions. Si on prévoit établir des services de programme ou créer des politiques qui auront une véritable incidence sur les propriétaires d’entreprise du Nord, il faut expressément travailler en collaboration avec eux.

À mon avis, c’est qu’a fait le marathon de programmation. Il y avait quelques PDG de sociétés de développement et membres de chambres de commerce. Il y avait des gens du gouvernement. Il y avait aussi des personnes comme moi. Je ne fais pas partie du gouvernement; je suis un propriétaire d’entreprise. Il y avait des propriétaires d’entreprise de partout dans la Nord dans la salle. Si vous aviez observé le marathon de programmation, vous auriez constaté que c’était eux qui faisaient preuve de dynamisme, qui se faisaient entendre et qui ont établi un grand nombre des éléments fondamentaux.

Je ne pense pas qu’il y ait vraiment eu de discussion sur la plupart des entités lors du marathon de programmation. Je ne peux pas défendre la liste. Je suis désolé.

La sénatrice Anderson : Ce n’est pas un problème.

J’allais vous poser une question, mais je vais plutôt la transformer en déclaration puisque vous n’êtes pas l’auteur du rapport. La dernière phrase de la page 11 est la suivante : « Au besoin, la stratégie pourrait également miser sur les célébrations et les événements locaux afin de pousser plus loin les efforts de sensibilisation (p. ex., les assemblées générales des Premières Nations [...] ). »

En tant qu’Autochtone, je trouve que le langage utilisé dans cette phrase, particulièrement le mot « miser », illustre l’idée de s’approprier quelque chose au lieu d’établir un partenariat et de travailler en collaboration pour obtenir quelque chose.

Je voulais simplement indiquer qu’il faudrait porter attention au langage utilisé au cours de la rédaction de tels rapports et mettre l’accent sur l’équité et le partenariat plutôt que sur un privilège ou un droit.

M. Hogan : Absolument. Je dirais même que, bien qu’il s’agisse de moments de consultation concentrée, c’est très difficile. Comme je l’ai indiqué, je suis le chef du conseil de ma Première Nation depuis sept ans. Nous ne voyons pas d’un très bon œil les gens qui arrivent en hélicoptère pour nous dire : « Hé, regardez-nous. Nous avons un programme fédéral et nous voulons que vous y participiez. » et qui semblent ensuite disparaître. Ce comportement n’engendre pas beaucoup de confiance et ne favorise pas une compréhension commune. Si vous voulez réellement consulter les habitants d’une collectivité et travailler avec eux, vous devez être sur place de façon officieusement. Vous devez être présent, amical et accessible afin de donner aux gens qui veulent vous parler et mieux comprendre votre objectif l’occasion de le faire.

Il ne faut donc pas tant se concentrer sur le langage utilisé, mais plutôt sur le concept. Il faut être présent et travailler de concert avec les organisateurs de ces types d’événements qui acheminent la cible au marché afin d’éclairer la politique. Il s’agit simplement d’une façon de poser les questions suivantes: « Comment élaborerons-nous des politiques conjointement? Comment trouverons-nous des occasions où nous pouvons tous collaborer sur la création d’une politique? » Je pense que c’est la notion que le rapport était censé communiquer.

Comme vous pouvez le voir, ce sont des habitants du Nord qui ont guidé l’élaboration du rapport, mais ce ne sont pas eux qui l’ont rédigé. C’est probablement ce qui explique la divergence.

La sénatrice Eaton : Ce ne sont pas des habitants du Nord qui ont rédigé le rapport?

M. Hogan : Je ne crois pas que beaucoup d’habitants du Nord travaillent pour la Fondation Gordon. Plein d’habitants du Nord ont suivi le stage de la fondation et le programme a connu énormément de succès. Un membre de mon ancienne collectivité suit actuellement le stage. La Fondation Gordon comporte un volet qui est axé sur les stages et un autre volet qui est axé sur les politiques. C’est semblable aux deux ailes d’un oiseau.

Je suis l’un des participants qui ont été consultés dans le cadre de l’élaboration du rapport, mais je n’en suis pas l’auteur. Je suis désolé de ne pas pouvoir entièrement le défendre.

La sénatrice Anderson : Merci.

Le président : Merci. Je suis certain que l’information sera notée.

Sénatrice Coyle, si vous avez une brève question, nous pouvons revenir à vous.

La sénatrice Coyle : Ma question touche à la commercialisation. En général, la commercialisation est un facteur important pour toute entreprise, mais c’est particulièrement vrai pour les gens qui habitent dans des régions éloignées dont la population est dispersée et qui essaient d’acheminer leur produit à l’extérieur de leur collectivité et vers les marchés mondiaux. Je ne parle pas seulement de la transmission d’information sur le produit, mais aussi de sa livraison.

Avez-vous discuté de la commercialisation des produits des collectivités de l’Arctique à l’échelle internationale?

M. Hogan : Oui, nous en avons discuté. Les frais d’expédition sont l’un des principaux obstacles à avoir été soulevés. Le degré auquel ils constituent un obstacle varie en fonction du type de propriétaires d’entreprise. La propriétaire d’Aurora Heat a participé à la discussion. Elle vend un magnifique produit qui est fait de peau d’animal et qui est très facile à expédier, mais si vous construisez votre produit ou votre produit est plus lourd ou substantiel, les frais d’expédition pour chaque transaction représentent un énorme obstacle.

Je ne sais pas si des solutions ont été suggérées pour le problème, mais celui-ci a certainement été indiqué.

La sénatrice Coyle : Y a-t-il eu des discussions sur l’intervention d’Exportation et développement Canada ou d’un des divers mécanismes d’exportation et de développement du Canada? Je pose la question parce que je ne crois pas avoir vu l’organisme sur la liste.

M. Hogan : Oui, le rapport y fait allusion, mais une grande partie du marathon de programmation portait sur le sujet. Tout un atelier a été donné sur la création d’un marché axé sur l’exportation dans le Nord. Une des principales recommandations touchait à l’absence d’un délégué commercial, qui a été mentionnée dans le rapport. Comment pouvons-nous commercialiser non seulement nos produits, mais aussi les marchés aux éventuels propriétaires d’entreprise locaux et comment pouvons-nous établir les liens fondamentaux? Je pense qu’il a été indiqué qu’il n’y a aucun délégué commercial pour le Nord. Il n’y a aucun délégué commercial des Premières Nations. C’est mentionné dans le rapport.

La sénatrice Coyle : Il existe pourtant une belle possibilité.

M. Hogan : Oui. Nous sommes également très différents. Si vous comparez les tâches fondamentales d’un délégué commercial du Canada à celles d’un délégué commercial pour le Nord, vous comparez des pommes et des oranges. Nous avons parlé de beaucoup de ces différences. Je crois que c’est indiqué dans le rapport, mais peut-être pas complètement. C’est l’impression que j’ai. Je pense qu’il s’agit d’un écart fondamental. C’est l’un des changements de politique qui pourraient vraiment aider les entreprises nordiques.

Je ne parle pas seulement des entreprises nordiques qui existent actuellement, mais aussi de celles qui pourraient un jour être établies. Si seulement les gens savaient qu’il existe des possibilités qui leur permettraient de tirer profit de tout ce qu’ils font déjà et de saisir une occasion d’affaires. Cela n’existe pas à l’heure actuelle dans le Nord.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : J’ai une courte question complémentaire. La Banque de développement du Canada est active dans le Sud du pays. Elle aide les petites entreprises avec des coûts de démarrage s’élevant jusqu’à 250 000 $. Est-elle active dans le Nord?

M. Hogan : J’ai travaillé avec elle à une ou deux occasions seulement. Elle travaille dans le Nord, mais il me semble qu’elle s’intéresse davantage aux grandes sociétés et qu’elle travaille plutôt avec celles-ci. Donc, je dirais que non, elle n’est pas aussi active qu’elle pourrait l’être. Elle est présente dans le Nord, mais j’aurais de la difficulté à vous dire ce qu’elle y fait, exactement.

Le sénateur Oh : Elle devrait pouvoir aider dans le Nord; ici, elle contribue beaucoup au démarrage de petites entreprises.

M. Hogan : Ça me semble logique.

Le sénateur Oh : Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hogan, pour votre présentation stimulante et pour la discussion.

J’ai le plaisir de commencer la deuxième partie de la réunion en accueillant Mme Karen Dunmall, ancienne stagiaire postdoctorale Liber Ero. Je suis certain que vous nous expliquerez ce que ça signifie. Merci d’être venue. J’aimerais maintenant vous inviter à prononcer votre allocution d’ouverture. Ensuite, nous passerons aux questions.

Karen Dunmall, ancienne stagiaire postdoctorale Liber Ero, à titre personnel : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Je m’adresse à vous aujourd’hui en ma qualité actuelle de stagiaire postdoctorale Liber Ero de l’Université de Victoria. C’est un grand honneur et un privilège que de vous rencontrer aujourd’hui.

J’ai eu la chance de passer près de 20 ans dans l’Arctique. Mon expérience dépasse les frontières internationales; j’ai mené des recherches sur les pêches en Norvège, en Alaska et dans l’Arctique canadien. Bien que la plupart de ces expériences m’amènent à voyager dans le Nord, j’ai aussi vécu et travaillé pendant plusieurs années dans une région rurale de l’Alaska, juste au sud du cercle polaire arctique, comme biologiste des pêches pour une organisation autochtone.

J’ai beaucoup appris en écoutant les gens tout en buvant une tasse de thé. Leurs expériences et leurs récits ont façonné ma façon de mener des recherches dans le Nord.

Je contribue à raconter une histoire commune de changement. Mon message d’aujourd’hui s’appuie sur cette histoire commune; en élaborant et en adoptant une approche de collaboration qui relie efficacement les systèmes de connaissances autochtones et scientifiques, les peuples du Nord et les gouvernements peuvent se préparer et s’adapter plus efficacement aux changements rapides qui façonnent l’Arctique.

Je vais vous donner deux exemples de programmes de recherche que je dirige, qui englobent la recherche collaborative et communautaire et qui se transforment en efforts dirigés par la communauté. Ces exemples de surveillance du saumon et d’évaluation de l’habitat du poisson aident à la prise en compte des grandes catégories de changements rapides touchant la biodiversité du poisson, et à l’évaluation et à la surveillance des écosystèmes d’eau douce et côtiers de l’Arctique.

Le saumon est maintenant présent dans l’Arctique canadien et son abondance augmente. Nous le trouvons dans plus d’endroits et en plus grand nombre que jamais auparavant, en raison des changements touchant les écosystèmes. Toutefois, contrairement aux côtes Ouest ou Est, le saumon n’est pas le poisson préféré dans l’Arctique. À l’instar des espèces du saumon du Pacifique sur la côte Ouest et du saumon de l’Atlantique sur la côte Est, c’est l’omble chevalier et ses proches parents du Nord qui sont les poissons emblématiques de l’Arctique.

Pourtant, nous vivons à une époque de changements si profonds que ces poissons emblématiques représentatifs des trois côtes du Canada non seulement se trouvent dans le même océan, mais pourraient aussi être pris dans le même filet placé par un pêcheur autochtone qui récolte de la nourriture. L’augmentation de l’abondance et de la présence géographique du saumon dans l’Arctique est donc un exemple concret des changements climatiques. Les habitants de l’Arctique sont aux premières lignes de ces changements. Quand un poisson étrange se présente, cela soulève des questions : Qu’est-ce que c’est? D’où vient ce poisson? Qu’est-ce que cela signifie pour les poissons sur lesquels je compte habituellement? Puis-je le manger?

Je dirige un effort de surveillance communautaire pour suivre le saumon dans l’Arctique canadien afin de répondre à ces questions à l’aide de la science et des connaissances locales. Le projet a commencé parce que les gens ont remarqué des changements, qu’ils avaient des questions et qu’ils voulaient des réponses.

Ce programme, qui s’appelle maintenant Le saumon de l’Arctique, relie les gens dans tout l’Arctique. Il s’appuie sur les piliers essentiels des connaissances locales et de la science, en utilisant le saumon comme indicateur de changement, pour mieux comprendre les changements plus généraux touchant les écosystèmes d’eau douce et marins.

Il aide à répondre à chacune de ces questions que se posent les communautés sur les changements environnementaux qui ont une incidence sur la vie quotidienne. Ce qui est dans le filet détermine le menu du souper. Et un étrange poisson appelé saumon apparaît maintenant dans les filets à l’échelle de l’Arctique. Les changements qui ont une incidence sur la façon dont vous nourrissez votre famille ont un impact sur vous, peu importe où vous vivez. C’est pourquoi il est si important d’évaluer et de surveiller l’évolution de la biodiversité dans l’Arctique.

Le simple fait d’identifier ces poissons comme étant du saumon pose problème. Le saumon n’est pas pêché couramment, de sorte que les gens savent qu’il est différent, mais ils ne reconnaissent pas nécessairement qu’il s’agit de saumon. Cette première étape exige un langage commun et c’est la raison pour laquelle nous avons élaboré des guides sur le saumon et l’omble. Ces carnets d’identification des espèces s’appuient sur des illustrations et indiquent les principaux traits d’identification. Ils sont maintenant traduits dans plusieurs langues locales dans l’Arctique canadien afin d’atteindre un plus grand nombre de pêcheurs.

Que signifie l’apparition d’un plus grand nombre de saumons pour l’écosystème en général? Le Nord est perçu à la fois comme un havre de conservation pour les espèces qui se déplacent vers le nord et comme un danger potentiel pour la conservation mondiale des espèces adaptées au froid dans un environnement en réchauffement. En termes plus simples, l’évolution rapide de l’environnement arctique menace la biodiversité indigène de la région.

En buvant du thé, les habitants de l’Arctique ont exprimé plus clairement le problème : le saumon va-t-il s’emparer des rivières qui contiennent actuellement de l’omble? Le saumon peut-il établir de nouvelles populations dans de nouveaux endroits? Ces endroits abritent-ils déjà d’autres espèces de poissons de l’Arctique? Ce sont là d’excellentes questions sur lesquelles nous travaillons ensemble en ce moment même pour y apporter une réponse.

La complexité de la surveillance et de la prédiction de l’évolution de la biodiversité dans l’Arctique est accrue par le manque de connaissances concernant les distributions, la biologie et les besoins en habitat de nombreuses espèces de l’Arctique. À ces connaissances limitées s’ajoutent les changements rapides que ces espèces et leurs habitats sont peut-être déjà en train de subir.

Par exemple, il est très difficile de prédire si le saumon peut coloniser de nouvelles zones et de comprendre les répercussions potentielles de ce changement et les possibilités qu’il se produise sans connaître en détail les habitats de ces zones, la biologie des espèces qui y vivent et les besoins ou tolérances des espèces qui y apparaissent. Ces lacunes dans les connaissances représentent une occasion de combiner les systèmes de connaissances autochtones et scientifiques et de travailler en collaboration avec les communautés pour atteindre des objectifs communs.

Avec mes collègues, y compris mes partenaires des communautés, j’ai mis en place un effort dirigé par les communautés qui consiste à surveiller les habitats du poisson dans les rivières de la région arctique de l’Ouest canadien. Cet effort repose sur les connaissances locales pour identifier les principales zones d’habitat et sur la science pour identifier les goulots d’étranglement qui se répercutent éventuellement sur les établissements de nouvelles espèces dans de nouvelles zones.

L’Arctique change, mais il y fait encore froid en hiver. Les œufs de saumon, d’omble et d’autres espèces de poissons se développent durant ces mois d’hiver froids; ainsi, ils ont besoin d’endroits qui ne gèlent pas, appelés « sources d’eau souterraine », afin de survire et de croître pendant l’hiver. Ces endroits sont limités, mais ils existent néanmoins comme des oasis au milieu d’un désert arctique blanc et gelé.

En nous concentrant sur ces principaux habitats, nous pouvons mieux comprendre les impacts potentiels et les possibilités du changement climatique sur les espèces de l’Arctique ainsi que sur les espèces qui se déplacent vers le nord. Cet effort renforce la capacité des communautés à identifier et à surveiller les principaux habitats afin de répondre aux questions importantes à l’échelle locale.

En écoutant les récits des populations locales de tout l’Arctique, il ressort des points communs. Ce sont la nature profonde des changements, le rythme rapide des changements et l’impact de ces changements sur la vie quotidienne. Les peuples du Nord sont forcés de s’adapter en changeant où, quand et comment ils pêchent, et même maintenant ce qu’ils mangent.

Je m’adapte aussi en changeant ma façon de mener des activités scientifiques dans le Nord. J’écoute ce que disent les gens de là-bas, et j’apprends. J’élabore des approches communautaires qui s’appuient sur la science et sur les connaissances locales, et qui, combinées, permettent de répondre aux questions des communautés. La science dans l’Arctique exige de la patience, du financement, de l’innovation et de nombreuses tasses de thé.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui.

Le président : Merci.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie beaucoup d’être venue nous voir. Ce n’est pas la première fois que j’ai le privilège de vous entendre parler. Le hasard a fait que nous nous sommes trouvées dans le même avion allant d’ouest en est à quelques reprises, et nous avons déjà abordé certaines de ces questions. Je vous suis vraiment très reconnaissante d’être venue faire part de vos perspectives aux membres du comité ici réunis.

Comme vous le savez, notre Comité spécial sur l’Arctique s’intéresse actuellement aux questions touchant le Nord dans les six domaines définis dans la stratégie du gouvernement fédéral, dont l’un est l’alliance, si je puis dire, ou bien la combinaison d’observations scientifiques et de connaissances autochtones.

L’un des aspects de votre travail qui m’intéresse le plus, c’est la façon dont vous avez adapté votre recherche afin d’intégrer des connaissances autochtones à votre propre travail. Pouvez-vous nous expliquer en plus grand détail comment vous combinez les connaissances autochtones et les observations scientifiques? Vous dites que vous écoutez les gens et apprenez, que vous mettez au point des approches communautaires qui reposent sur les données scientifiques et les connaissances locales. En quoi consistent vos responsabilités à la direction de ces programmes? Avez-vous des Autochtones dans votre équipe qui ont des tâches ou des responsabilités particulières? Comment harmonisez-vous les différents éléments? Quelles sont les incidences de cette union, si vous me permettez l’expression, d’observations scientifiques occidentales et de siècles de connaissances et d’observations autochtones?

Mme Dunmall : Le partenariat entre le milieu scientifique et les collectivités commence à partir du moment où l’on cherche à comprendre les enjeux qui touchent les localités. Ensuite, il s’agit de déterminer quels éléments chacun des membres peut contribuer dans l’objectif commun de résoudre le problème ou de consolider nos connaissances en vue de le résoudre.

Par exemple, un de nos projets cherchait à déterminer si le saumon va s’emparer des rivières qui contiennent actuellement de l’omble. C’est une excellente question à laquelle nous travaillons en ce moment pour y apporter une réponse. La première étape consistait à déterminer combien de saumons sont pêchés — ce que nous faisons dans le cadre du programme du saumon de l’Arctique — et puis à cerner les habitats clés pour l’omble. Nous avons des membres de la population locale participant au projet qui ont les connaissances nécessaires pour nous aider à cerner ces habitats. Ensuite, nous combinons à cette information-là les données scientifiques disponibles. Que pouvons-nous surveiller à distance dans ces habitats particuliers qui nous aiderait à mieux comprendre la question? Nous nous intéressons aux paramètres comme la température, les niveaux d’eau, les enjeux touchant la communauté, les changements que les habitants auraient remarqués et exprimés en conversation. Enfin, il faut trouver un moyen de travailler dans les rivières mêmes.

Bien des techniques scientifiques employées dans le Sud ne marchent pas nécessairement dans le Nord. Le simple fait de surveiller la température est plus difficile car la glace détruit tous les appareils qu’on installe. Comment peut-on surveiller la température dans les rivières du Nord? Il faut mettre au point ses propres outils, notamment en ayant recours à un atelier de soudage pour construire un tuyau avec des trous au fond que l’on pourrait ensuite enfoncer sous terre pour surveiller la température de l’eau près de l’endroit où les œufs de certaines espèces de poisson se développent. Ensuite, il faut puiser dans les connaissances locales pour déterminer à quelle hauteur l’installer. Il s’agit de trouver des moyens de recueillir les données nécessaires.

Il y a un bon échange, un transfert de connaissances dans l’optique d’atteindre l’objectif commun de répondre ensemble à certaines questions. C’est un effort soutenu.

Par exemple, je vais parler à des gens d’Aklavik au téléphone cet après-midi; quelqu’un est censé aller se rendre sur le terrain, où les tuyaux dont j’ai parlé ont été installés, pour en extraire les données; ces efforts s’inscrivent dans le cadre d’un projet collaboratif auquel je participe avec mes collègues et des membres des localités dont l’objectif est de nous aider à mieux comprendre les habitats de ces rivières.

C’est tout un processus — nouer des liens, communiquer, chercher à comprendre et à trouver une langue commune, et ensuite trouver des solutions adaptées aux circonstances de ces lieux éloignés afin de pouvoir recueillir des données fiables.

La sénatrice Bovey : Quelle recommandation aimeriez-vous que nous fassions dans notre rapport au sujet de la combinaison de connaissances scientifiques et autochtones? Quelle est la principale recommandation que vous aimeriez faire compte tenu de votre expérience et de vos espoirs?

Mme Dunmall : Je pense qu’il est essentiel pour toute personne voulant faire de la recherche scientifique dans le Nord de savoir nouer des liens.

Le temps que j’ai passé dans le Nord à parler aux habitants constitue un investissement dans le développement de la science et d’efforts communautaires pouvant produire des résultats très intéressants pour les collectivités du Nord.

La sénatrice Eaton : En tant que pêcheuse de saumon, je suis fascinée. Cela fait un moment que le saumon se raréfie dans les rivières du Sud. Il peut y avoir toutes sortes de raisons, comme la surpêche au Groenland.

Est-il possible que le saumon apparaît dans le Nord parce que les eaux y sont plus froides? Peut-être l’eau des rivières du Sud s’est-elle trop réchauffée pour le saumon, amenant celui-ci à se déplacer vers le nord. À votre avis, pourquoi le saumon se déplace-t-il vers le nord?

Mme Dunmall : C’est une excellente question. En fait, la majorité de mon travail postdoctoral vise à cerner les facteurs environnementaux pouvant contribuer au déplacement du saumon et d’autres espèces vers le nord.

Nous cherchons également à recueillir du savoir local à ce sujet afin d’élargir nos perspectives. La température dans le Nord est à la hausse; le printemps arrive plus tôt et l’automne commence plus tard. La glace fond plus tôt et se recrée plus tard. Tous ces changements présentent des occasions pour le saumon, par exemple, d’accéder à des régions du Nord jusqu’alors inaccessibles.

La sénatrice Eaton : Lorsque vous attrapez du saumon de l’Atlantique, disons, pouvez-vous déterminer s’il y en a qui... Comment s’appellent les maladies de poisson?

Mme Dunmall : Des parasites?

Le président : Le pou du poisson est un problème.

La sénatrice Eaton : Outre le pou du poisson, il y avait autre chose qui nuisait au saumon de l’Atlantique, à partir du stade de smolt. Ces espèces apportent-elles leurs maladies avec elles dans le Nord?

Mme Dunmall : Tous les spécimens de saumon que nous prélevons dans le cadre du programme sont entièrement analysés. Nous prenons également toutes les mesures possibles afin de pouvoir répondre aux questions qui se présentent. Nous conservons des échantillons. Nous examinons les poissons pour détecter la présence de parasites, de poux et d’autres parasites apparents, et nous gardons des échantillons afin de pouvoir confirmer la présence de maladies, le cas échéant, surtout lorsque des membres de la communauté soulèvent des questions.

La sénatrice Eaton : Je peux tout à fait comprendre pourquoi un habitant de la région pourrait s’inquiéter de la disparition de l’omble chevalier.

Je sais que, en règle générale, les scientifiques préfèrent ne pas se livrer aux conjectures, mais pouvez-vous me dire, selon les témoignages de la population locale que vous avez entendus, s’il y existe des raisons de craindre que l’omble soit menacé?

Mme Dunmall : Par le saumon?

La sénatrice Eaton : Oui. J’aimerais simplement connaître votre impression; personne ne s’attend à une réponse définitive.

Mme Dunmall : C’est une grande question, effectivement. J’y ai justement touché dans mes travaux postdoctoraux, notamment dans l’optique d’étudier la possibilité que le saumon et l’omble se disputent l’habitat de fraie, par exemple.

La sénatrice Eaton : Mangent-ils la même chose?

Mme Dunmall : Nous nous intéressons notamment à l’alimentation et aux interactions dans le milieu marin. Lorsqu’un saumon du Pacifique pénètre un système d’eau douce, on s’entend généralement pour dire qu’il s’alimente très peu. À cette étape-là, les saumons du Pacifique s’occupent d’abord au fraie, et suivant la période de fraie, ils meurent. Nous prélevons les estomacs de tous les saumons qu’on nous apporte dans l’optique de déterminer, entre autres, si le saumon et l’omble mangent les mêmes choses.

Nous étudions le contenu des estomacs, et j’ai des collègues qui analysent le tissu musculaire afin de déterminer s’il y a moyen de savoir si les deux espèces s’alimentent au même niveau trophique, par exemple — autrement dit, s’ils mangent tous du plancton ou bien d’autres poissons.

La recherche ne fait que commencer, comme vous pouvez le constater. Nous avons des échantillons et de l’information. Nous commençons à chercher à répondre à ces questions. À mesure que le nombre de saumons augmente, ce genre de question s’impose de plus en plus. Les gens veulent avoir des réponses.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup, madame Dunmall.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. J’ai une question complémentaire. L’omble et le saumon coexistent depuis longtemps au Labrador et dans le Nord du Québec. Y a-t-il eu des études, comme celles que vous effectuez dans le Grand Nord et l’Arctique, afin de déterminer s’il y a eu des problèmes dans ce cas-là? À ce que je sache, les populations des deux espèces sont plutôt élevées encore aujourd’hui au Labrador. Je me demandais si vous aviez de l’information là-dessus.

Mme Dunmall : Ma recherche s’intéresse davantage au saumon du Pacifique, qui coexiste également avec la Dolly Varden, un proche parent de l’omble chevalier. Il y a des exemples de coexistence de saumons et d’ombles autant sur la côte Est que sur la côte Ouest. Le saumon a donc le potentiel de coexister avec l’omble chevalier et d’autres proches parents dans l’Arctique.

Il est important de garder à l’esprit qu’elles peuvent coexister. Le défi consiste à nous inspirer des constatations sur les cas déjà étudiés et chercher à déterminer en quoi les choses seraient différentes si une espèce devait apparaître dans un nouvel endroit.

Lorsque j’habitais en Alaska, j’ai demandé aux biologistes avec qui je travaillais comment la Dolly Varden et le saumon avaient pu coexister dans cette rivière. En réponse, on m’a demandé si j’avais déjà mis ma main dans l’eau. Le fait est que l’eau est bien plus froide près des frayères de la Dolly Varden que près de celles du saumon. La conclusion, c’est que lorsqu’il y a séparation des habitats, il y a le potentiel de coexistence.

Nous concentrons nos efforts de recherche afin de chercher à comprendre ces habitats et ainsi faire plus de lumière sur la question de l’interaction.

Le sénateur Oh : C’est une recherche fort intéressante. Nous avons le saumon de la côte Est et le saumon de la côte Ouest. Lequel s’est aventuré le plus au nord?

Mme Dunmall : Dans le cadre du programme d’échantillonnage du saumon du Pacifique, maintenant le saumon de l’Arctique, il y a des gens qui échangent des saumons du Pacifique jusqu’au Nunavut. Le saumon rose se déplaçant vers l’est s’est rendu jusqu’à Kugluktuk. Le saumon sockeye, pour sa part, s’est rendu jusqu’à Cambridge Bay; nous en avons analysé des spécimens en collaboration avec l’Alaska Department of Fish and Game.

Selon les signalements, il semblerait que le saumon de l’Atlantique se déplace de plus en plus vers le nord. Cela dit, le saumon de l’Atlantique a déjà été pêché dans ces mêmes collectivités par le passé. Il s’agit de comprendre l’ampleur du changement ainsi que sa vitesse d’un côté comme de l’autre. C’est un sujet fort intéressant mais aussi très complexe.

Le sénateur Oh : En tant que chercheuse, vous intéressez-vous à la qualité du saumon qui s’aventure plus au nord? Comparativement au saumon pêché dans le Sud, dans la région de Vancouver, est-il de meilleure qualité? Sa chair est-elle meilleure? Le saumon de l’Arctique pourrait bien avoir une valeur commerciale.

Mme Dunmall : Je ne compare pas la qualité du saumon. Des pêcheurs venant de collectivités sur la côte de la mer de Beaufort et même le long du fleuve Mackenzie nous amènent du saumon. La chair d’un saumon s’assouplit lorsqu’il s’apprête à se reproduire. Des changements physiologiques ont lieu. Lorsqu’un saumon nage vers le nord et qu’il remonte le réseau hydrographique du fleuve Mackenzie, il est en train de subir ces changements physiologiques en prévision du fraie. Les gens sont de plus en plus nombreux à affirmer se nourrir d’espèces de saumon, où qu’ils vivent.

Je n’évalue pas le saumon en termes de qualité, où qu’il ait été pêché.

Le sénateur Oh : Que dire de l’omble? Est-il affecté par l’arrivée du saumon? Se déplace-t-il plus au nord, ou bien son cycle de vie est-il affecté?

Mme Dunmall : L’avantage indirect du programme du saumon de l’Arctique, c’est qu’il nous permet d’apprendre quelles autres espèces inhabituelles ont été pêchées. Ce n’est pas seulement le saumon; l’omble a lui aussi été repéré à l’extérieur de son aire de distribution, tout comme la Dolly Varden. On m’envoie beaucoup de photos de poissons étranges par message texte; j’essaye d’aider les membres de la communauté à identifier de quelles espèces il s’agit.

Je pense que toutes les espèces de poisson dans le Nord sont affectées lorsque leurs milieux changent. Le programme du saumon de l’Arctique et le programme de surveillance communautaire sont l’occasion d’évaluer les changements dans la biodiversité marine à plus grande échelle.

Le sénateur Oh : Quand est-ce que vous avez remarqué que le saumon se déplaçait vers le nord? Cela a dû commencer lorsque la planète s’est mise à se réchauffer.

Mme Dunmall : Nous organisons actuellement un projet avec les collectivités de la mer de Beaufort en vue de recueillir les connaissances locales et traditionnelles sur le saumon dans l’espoir d’améliorer notre compréhension de la façon dont ces changements ont lieu, du moment où ils ont commencé et de l’époque où le saumon a commencé à apparaître dans ces collectivités. C’est intéressant. Les réponses aux questions sur l’histoire et les antécédents du saumon varient d’un pêcheur à l’autre et d’une collectivité à l’autre.

Le sénateur Oh : Très bien. Merci, monsieur le président.

Le président : Vous parliez des façons de nouer des liens avec les peuples autochtones afin d’acquérir des connaissances traditionnelles. Y a-t-il des gouvernements de l’Arctique ou encore des organisations autochtones qui ont contribué à votre projet de recherche?

Mme Dunmall : Le programme postdoctoral Liber Ero a notamment l’avantage d’offrir à ses stagiaires une équipe de mentors dans le cadre d’un réseau de soutien. En ce qui me concerne, j’ai des mentors à l’Université de Victoria et à l’Université du Manitoba. J’ai également des mentors dans les conseils de cogestion dans l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest, au Comité mixte de gestion de la pêche, au Conseil des ressources renouvelables gwich’in et à l’Office des ressources renouvelables du Sahtu. L’idée, c’est de pouvoir mettre les données de recherche en contexte et les présenter de manière à ce que les décideurs puissent les comprendre. L’information a un plus grand impact sur les décideurs lorsqu’ils comprennent la recherche qui a lieu et contribuent à l’orienter.

Le président : Puis-je vous demander si votre recherche est financée par des organismes fédéraux?

Mme Dunmall : Oui; je rédige de nombreuses demandes de financement.

Le président : Nous avons accueilli un représentant de l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation inuite nationale située à Ottawa. Il critiquait les processus fédéraux de financement de la recherche. Selon lui, ils avaient tendance à garder les priorités de recherche des Inuits en marges. Je sais que vous travaillez dans les sciences. On critiquait le fait que les priorités de recherche du gouvernement fédéral reflètent une certaine tendance vers les sciences biologiques et physiques, ce qui aurait pour effet d’exclure les organismes inuits de l’accès au financement de recherche à titre d’établissements ou de chercheurs principaux. D’après vos connaissances des organisations fédérales de financement de la recherche, auriez-vous des observations à faire à ce sujet?

Mme Dunmall : Je tenterai de répondre à la question du point de vue d’une scientifique qui est régulièrement appelée à évaluer différentes options de financement. La préparation de demandes de financement n’est pas une tâche facile. Je travaille également avec des organisations communautaires dans la région de la mer de Beaufort pour les aider à apprendre comment dresser des demandes de financement de recherche sur des questions d’intérêt communautaire.

Je pense que la nécessité de pouvoir dresser un projet de recherche est évidente. Il n’est pas toujours facile de trouver un langage commun de manière à mettre les priorités communautaires à l’avant-plan. Dans le milieu scientifique, que ce soit dans les universités ou dans les collectivités, il est essentiel de pouvoir trouver un langage commun. Nous travaillons tous à l’atteinte du même objectif. Il s’agit de trouver un moyen d’y arriver.

Le président : Selon vous, les organismes eux-mêmes pourraient-ils contribuer à l’atteinte de cet objectif louable? Si oui, comment?

Mme Dunmall : Sans aucun doute. J’ai personnellement reçu un soutien de la part d’organismes à l’égard de ma propre recherche sur l’élaboration d’une approche dirigée par la communauté. Je pense que, si les scientifiques peuvent cultiver une telle approche, cela devrait certainement aider.

La sénatrice Bovey : J’ignore encore si j’ai une question à poser ou bien une observation à faire. Peut-être vous demanderai-je des précisions. L’un des principaux organismes de financement de la recherche est bien évidemment le CRSH, le Conseil de recherches en sciences humaines. Je pense qu’on y a élargi les programmes depuis quelques années. Auparavant, ils étaient vraiment destinés aux chercheurs universitaires. Dans mon domaine, je sais qu’on a permis à des musées de participer — tout comme les sociologues, ceux qui font de la recherche en sciences sociales — à des projets conjoints avec le milieu universitaire.

Le Nord du Canada représente une très grande région sans université de recherche. Est-ce que cela fait partie du problème? Les gens qui ont recours au CRSH pour obtenir d’importantes bourses de recherche — ou encore le CRSNG ou autre partenaire ou organisation communautaire qui ne répond pas nécessairement à la définition d’un établissement universitaire — sont-ils capables de participer en partenariat dans la mesure voulue?

Mme Dunmall : Je pense qu’il est essentiel que les scientifiques puissent collaborer. Je ne suis pas spécialiste en sciences sociales, mais je cosupervise, dans le cadre de mon programme postdoctoral et en collaboration avec mon conseiller postdoctoral, un étudiant qui organise des ateliers de partage de connaissances traditionnelles sur le saumon dans les collectivités de la mer de Beaufort. Le projet est rendu possible par une collaboration que je serais incapable de réaliser seule.

Il est essentiel d’encourager de telles collaborations afin de pouvoir accéder au financement pour toutes sortes de disciplines et d’initiatives différentes, notamment dans les collectivités et chez les scientifiques.

La sénatrice Bovey : Monsieur le président, je pense qu’il pourrait être utile de voir si on pourrait obtenir un peu plus de recherche sur les mandats des différents organismes qui financent des projets de recherche concertés dans le Nord. Il pourrait être utile de savoir dans quelle mesure ces projets doivent être ou devraient être dirigés par la communauté plutôt que de chercher à trouver un membre symbolique de la communauté pour participer au projet afin d’accroître ses chances d’obtenir de l’argent.

Je sais que les critères sont publiés. Je pense qu’il pourrait être utile pour le comité de se renseigner sur les critères de certains des organismes de financement.

Le président : D’accord, merci.

La sénatrice Coyle : Le président et la sénatrice Bovey ont tous deux posé des questions que j’avais l’intention de poser. J’aimerais y donner suite. À propos des systèmes de connaissances autochtones traditionnels, de l’interface et de l’avantage de la combinaison avec d’autres approches traditionnelles et scientifiques pour la recherche dans l’Arctique, vous avez été très claire. Votre présentation m’a plu. Merci pour tout le travail que vous avez fait depuis des décennies. C’est vraiment un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui.

Mme Dunmall : Merci.

La sénatrice Coyle : Vous avez parlé de l’importance fondamentale de nouer des liens. Je me suis renseignée sur la recherche coopérative, la recherche communautaire, les efforts communautaires et la recherche fondée sur les questions soulevées par la communauté. Je sais qu’il s’agit de choses différentes. L’intensité des relations peut varier selon les circonstances, tout comme l’entité responsable de formuler les questions prioritaires et de déterminer quelle approche adopter pour y répondre.

Vous travaillez depuis longtemps dans le milieu. J’aimerais savoir ce qui, selon vous, constitue la prochaine étape pour ce qui est des interactions nécessaires pour que l’on puisse obtenir les meilleurs résultats possibles tout en nous inspirant des connaissances traditionnelles des habitats de l’Arctique. J’aimerais simplement avoir votre avis sur l’état actuel des choses et sur ce que l’avenir nous réserve.

Mme Dunmall : C’est un processus. C’est un processus qui consiste à consolider les connaissances, mais les efforts communautaires dont vous parlez s’inscrivent dans le cadre d’un continuum qui a un début et une suite. J’effectue la recherche scientifique en cherchant à trouver les points communs entre les collectivités. Il faut commencer par les questions et puis les cerner. Ensuite, il faut essayer d’y répondre.

En ce qui me concerne, l’objectif ultime est toujours d’élargir nos connaissances et de les partager. Si nous pouvons y arriver ensemble, nous réussirons. Les efforts communautaires que nous déployons d’année en année contribuent à ces réussites. Par exemple, je m’en vais à la polytechnique la semaine prochaine; j’y rencontrerai des collègues dans le but de trouver une façon de surveiller un écosystème côtier en hiver. Nous avons eu de nombreuses conversations jusqu’à présent dans le but de déterminer comment assurer une surveillance et prendre des mesures, si c’est même possible, et quel genre d’information on est susceptible d’obtenir, et en quoi elle répond aux priorités de la collectivité en question.

Cet hiver, depuis maintenant trois mois, il y a des membres de la communauté qui descendent une fois par semaine pour recueillir de l’information, déterminer ce qui est faisable, faire des tests de matériel et obtenir des données. La semaine prochaine, nous irons prêter main-forte et faire le bilan de tout ce que nous avons appris jusqu’à présent afin de déterminer la marche à suivre.

C’est une conversation qui n’arrête jamais. Il s’agit de savoir où on est afin de définir où on s’en va.

La sénatrice Coyle : Merci. J’ai une dernière petite question. Nous avons visité la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique à Cambridge Bay. Je sais qu’elle n’en est qu’à ses débuts et que l’infrastructure physique vient d’être construite. Par curiosité, avez-vous déjà eu affaire avec la station? Quelles sont les occasions qu’elle représente, selon vous? Avez-vous des réserves à son sujet?

Qu’en pensez-vous dans l’optique de votre travail et de celui des autres scientifiques canadiens qui travaillent dans l’Arctique?

Mme Dunmall : Oui. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais vous avez participé à un déjeuner avec le caucus multipartite sur les océans.

La sénatrice Coyle : Je m’en souviens.

Mme Dunmall : Pour la gouverne des autres membres du comité, nous étions à Ottawa dans le cadre du programme postdoctoral Liber Ero et j’ai eu la chance — et quelle chance c’était — de m’entretenir très rapidement avec vous, sénatrice Bovey, et d’autres sur le travail que nous faisons. Je pense que vous avez posé la question à cet événement-là.

La sénatrice Coyle : En effet, mais nous n’étions pas réunis en comité à ce moment-là.

Mme Dunmall : C’est vrai.

Ma réponse est sensiblement la même. Je considère que la station offre de nouvelles possibilités. Je n’ai pas personnellement eu l’occasion d’avoir affaire avec la Station de recherche dans l’Extrême-Arctique. Je n’ai aucun doute qu’elle représente une nouvelle occasion d’établir des rapports de collaboration et de développer nos connaissances scientifiques dans l’espoir de répondre aux questions d’intérêt pour les habitants du Nord.

La sénatrice Coyle : Vous considérez qu’il s’agit éventuellement d’un instrument ou d’une plateforme très utile au développement du travail que vous et vos collègues effectuez, n’est-ce pas?

Mme Dunmall : Sans aucun doute.

La sénatrice Anderson : Merci pour les témoignages que vous avez donnés jusqu’à présent. J’ai une question à propos du livret. À la fin, il est écrit « Carte-cadeau reçue, oui ou non ». Pouvez-vous nous expliquer le but de la question et nous dire à quoi elle fait référence?

Mme Dunmall : Où est-ce que c’est?

Le président : À la dernière page.

Mme Dunmall : Dans le cadre du programme du saumon de l’Arctique, les gens qui nous amènent du saumon pour la recherche reçoivent une carte-cadeau en échange pour leur temps et leur effort. On me demande souvent si la valeur du saumon correspond à celle de la carte-cadeau. Les cartes peuvent être utilisées dans le Northern Store — le Wal-Mart du Nord. Elles ne couvrent pas l’entière valeur du saumon, alors pourquoi les gens nous apportent-ils leurs saumons? Pourquoi y renonceraient-ils pour la recherche au lieu de les manger?

C’est quelque chose que je me demande assez souvent. Les gens s’attendent à recevoir de l’information en contrepartie. Les saumons que les gens nous apportent nous aident à trouver des réponses aux questions que se posent les pêcheurs et les autres membres de la communauté. Les gens peuvent également soumettre seulement la tête s’ils préfèrent manger le reste. Nous pouvons encore obtenir l’information voulue dans ces circonstances-là.

Nous ne saurions même pas que le saumon se déplace vers le nord si les habitants du Nord n’étaient pas disposés à en parler et à nous remettre leurs poissons de manière à ce que nous puissions répondre aux questions telles que : que mangent-ils? D’où viennent-ils? Nous répondons à ces questions en collaboration avec les collectivités touchées.

La sénatrice Anderson : D’accord, mais pourquoi est-il important qu’il en soit question dans le document?

Mme Dunmall : Ça reflète l’effort logistique nécessaire pour mener une initiative communautaire de cette ampleur. Il arrive que des gens nous ramènent plusieurs têtes de saumon en même temps et que nous n’ayons pas suffisamment de cartes-cadeau dans le bureau pour les leur donner immédiatement. Nous voulons nous assurer que l’on reçoive une indemnisation — la carte-cadeau —, c’est pourquoi nous faisons ce suivi, pour que les gens soient dûment indemnisés. C’est un des aspects logistiques du programme, voilà tout.

La sénatrice Anderson : Vous affirmez que la recherche ne fait que commencer et que vous êtes en train de recueillir des données. Une fois les données recueillies, avez-vous un plan pour partager l’information dérivée avec les collectivités intéressées?

Mme Dunmall : Oui. D’ailleurs, c’est quelque chose que nous faisons régulièrement. Nous avons une page Facebook sur le saumon de l’Arctique. Les parties intéressées peuvent la consulter pour obtenir de l’information immédiatement. On peut parler des endroits où le saumon est pêché, et à quel moment, et on peut fournir des mises à jour en temps réel à mesure que les circonstances changent durant la saison.

Nous voyageons également dans le Nord aux fins de recherche et autres, et nous profitons de toutes les occasions possibles durant nos séjours pour effectuer un échange d’information. Nous avons mis au point des livrets et autres documents à distribuer qui contiennent de l’information à l’intention des collectivités.

Il y a quelques semaines — peut-être même trois — nous étions à Ulukhaktok et nous avons donné de l’information à l’occasion d’un souper communautaire; c’était une excellente occasion d’avoir une conversation avec les gens pour leur expliquer le projet.

C’est un processus continu.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci encore. J’ai une question d’ordre général sur la santé de l’omble et du saumon que vous étudiez, notamment en ce qui concerne les niveaux de mercure. Est-ce que vous en trouvez dans l’omble, et en trouvez-vous également dans le saumon?

Mme Dunmall : Je ne m’intéresse pas particulièrement aux niveaux de mercure dans l’omble, ni même dans le saumon. Cela dit, le mercure a tendance à s’accumuler au fil du temps. Les saumons du Pacifique sont assez jeunes lorsqu’ils s’apprêtent à frayer. Cela varie selon les espèces, mais les saumons roses ont seulement deux ans. Les saumons kétas ont de trois à cinq ans. Ils n’ont pas le temps d’accumuler beaucoup de mercure dans leur corps. En plus, ils mangent dans le milieu extracôtier où ils grandissent pendant une certaine période avant de revenir pour le fraie.

Je n’ai pas d’expertise particulière en niveaux de mercure, mais l’information dont nous disposons sur leur cycle de vie nous permet de brosser un portrait général.

La sénatrice Stewart Olsen : Se pourrait-il donc que le saumon soit un aliment plus sain que l’omble?

Mme Dunmall : Je répète que je n’ai pas l’habitude...

La sénatrice Stewart Olsen : C’est vrai, je suis désolée.

Mme Dunmall : ... de qualifier les différentes espèces de poisson. Le saumon est pêché pour sa valeur alimentaire tout au long de sa distribution.

Le fait qu’il apparaisse dans l’Arctique ne change rien à cela; le saumon reste une source d’alimentation possible. Le saumon est différent de l’omble. C’est une nouvelle option qui soulève néanmoins certaines questions.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

Le président : Vous travaillez avec des habitants locaux. Je me demandais si vous auriez des observations sur les mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral — dont nous relevons — pour rendre les résidents de l’Arctique plus aptes à participer aux initiatives de recherche dans l’Arctique. Ma question est peut-être un peu banale, mais vos informateurs locaux sont-ils indemnisés?

Mme Dunmall : Oui. Je vais répondre en ma qualité individuelle de scientifique qui travaille dans le Nord. D’abord, en réponse à votre deuxième question, oui, les gens qui travaillent avec nous reçoivent de l’argent — des fonds et une indemnisation — en contrepartie de leurs temps. Nous pouvons ainsi remettre une partie du financement à la communauté même. Nous embauchons le plus grand nombre de personnes possibles dans le cadre de chaque projet afin de pouvoir indemniser la communauté au maximum. Nous essayons également de faire intervenir les jeunes. Nous proposons des occasions de mentorat, car le simple fait de participer à un projet contribue énormément au développement des efforts scientifiques et communautaires dans le Nord.

Le président : Les critères de financement actuels permettent-ils un tel soutien financier?

Mme Dunmall : Les modalités du financement de recherche que je reçois pour ce projet permettent la passation de marchés avec des membres de la population locale dans le Nord.

Le président : Le chef d’ArcticNet, M. Fortier, a recommandé des initiatives d’aménagement de l’habitat et de reconstitution des stocks d’omble chevalier. J’ignore si tout cela se rapporte à votre travail, mais avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Mme Dunmall : Ce n’est pas du tout ma spécialisation. Je ne dirai rien de précis. Cependant, cela illustre bien le potentiel — s’il y a des possibilités de communication et de collaboration, nous pourrions fournir de l’information scientifique sur la recherche dans le Nord afin de mieux pouvoir répondre à de telles questions. C’est une occasion pour les scientifiques et les habitants du Nord de communiquer sur de telles questions.

La sénatrice Bovey : Avant de conclure, je signale que nous avons plusieurs nouveaux membres de la communauté depuis ce déjeuner auquel nous avons assisté il y a plusieurs mois. C’est également ce jour-là qu’est paru l’Atlas marin de l’Arctique canadien, qui touche, entre autres, à certaines des questions dont vous parlez. Je m’en sers tout le temps. Il est disponible en anglais, en français et en inuktitut.

Le président : Merci de ce commentaire. J’aime bien la pêche à l’omble. Je me suis toujours demandé si l’omble chevalier et le saumon étaient apparentés. D’un point de vue scientifique, ces espèces sont-elles proches? Vous avez une image qui explique parfaitement comment les différencier. Ils me semblent très semblables. Y a-t-il un lien entre ces espèces?

Mme Dunmall : Ils ne sont pas du même genre, alors on pourrait plutôt parler de cousins.

Le président : Je vois.

Mme Dunmall : La réponse scientifique n’est pas simple quant au lien entre l’omble, le saumon du Pacifique et le saumon de l’Atlantique. Ils ont un lien éloigné et ne sont pas du même genre.

Le président : C’est bon à savoir. Et la différence de goût?

Mme Dunmall : Je trouve qu’ils ont tous bon goût.

Le président : Chers collègues, s’il n’y a pas d’autres questions, j’aimerais remercier Mme Dunmall d’être venue aujourd’hui pour discuter avec nous de cette importante question. Je vous félicite pour votre travail. Vous avez été très utile aux travaux du comité.

Mme Dunmall : Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de venir témoigner. C’était fantastique.

Le président : Merci. Qujannamiik.

(La séance est levée.)

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