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ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique

Fascicule no 26 - Témoignages du 8 avril 2019 (séance du matin)


OTTAWA, le lundi 8 avril 2019

Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 9 h 2, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Bonjour et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je m’appelle Patricia Bovey. Je suis une sénatrice qui représente le Manitoba. Je suis aussi vice-présidente du comité, en remplacement du sénateur P?tterson, le président, qui est malheureusement absent aujourd’hui.

Nous sommes peu nombreux au sein du comité ce matin. Je demanderais maintenant à ma collègue de se présenter.

La sénatrice Anderson : Je m’appelle Dawn Anderson, de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest.

La vice-présidente : Nous poursuivons aujourd’hui notre étude visant à examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins, de 9 heures à 10 heures, ce matin, je suis heureuse de souhaiter la bienvenue, par vidéoconférence, à Eirik Sivertsen, député et président du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, Stortinget. M. Sivertsen se joint à nous depuis Oslo, en Norvège. Monsieur, je crois que nous avons eu le plaisir de nous rencontrer l’automne dernier, à Inari; je suis donc heureuse de vous revoir. Je tiens à vous remercier, vous et votre adjoint, de discuter avec nous aujourd’hui. Monsieur Sivertsen, je vais maintenant vous demander de présenter votre déclaration préliminaire, puis nous vous poserons quelques questions. Sachez que nous approchons de la fin de la comparution des témoins et des témoignages dans le cadre de notre étude spéciale sur l’Arctique canadien. Vos commentaires sont vraiment les bienvenus. Merci.

Eirik Sivertsen, député, président du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, Stortinget, à titre personnel : Merci, madame la sénatrice Bovey, de m’avoir invité à comparaître devant votre Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Par l’intermédiaire de notre groupe de parlementaires de la région de l’Arctique, j’ai trouvé les interactions, l’échange de points de vue et les discussions avec les députés et sénateurs canadiens très intéressants et enrichissants.

Aujourd’hui, dans le cadre de ma déclaration préliminaire, je vais me concentrer sur le travail que je fais en tant que président du Comité permanent des parlementaires de la région arctique. Après, bien sûr, je serai heureux de répondre à vos questions au sujet de ce travail ou au sujet des politiques générales de la Norvège sur l’Arctique, si cela vous intéresse.

Au sein du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, mon vice-président est M. Larry Bagnell, qui représente le Yukon au Parlement canadien. Je l’ai rencontré il y a deux ou trois semaines lorsque le comité s’est réuni en Russie. Espérons que nous aurons l’occasion de nous rencontrer à nouveau tandis que le comité planifie sa prochaine réunion au Canada à la fin de mai, cette année.

Tous les deux ans, les parlementaires de la région arctique se réunissent pour discuter d’enjeux liés à l’Arctique dans le cadre d’une conférence. C’est quelque chose que vous savez, madame la présidente, puisque nous nous sommes rencontrés à Inari, dans le cadre de la dernière conférence en septembre, l’automne dernier. À cette occasion, on a adopté des déclarations associées à la conférence, des déclarations qui concernent les principaux sujets qui ont fait l’objet de discussions durant l’événement. Nous vous les ferons parvenir afin que vous puissiez les avoir à portée de main. M. Robstad s’en chargera lorsque nous aurons terminé notre travail, ici, aujourd’hui. Entre les conférences, les membres du comité permanent se réunissent de trois à quatre fois par année pour mettre en œuvre les déclarations découlant de la conférence et discuter des enjeux actuels liés à l’Arctique dans les différents pays de la région.

Je vais utiliser le temps qui m’est accordé aujourd’hui pour parler de certains des défis et de la principale menace dans l’Arctique, mais je vais aussi mettre l’accent sur certaines occasions à saisir que nous constatons dans l’Arctique.

Le document de la conférence compte quatre rubriques : la première concerne l’amélioration de la connexion numérique dans l’Arctique, la deuxième, l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à de tels changements dans l’Arctique, la troisième, la responsabilité sociale des entreprises et les attentes à l’égard des entreprises qui œuvrent dans les environnements fragiles et vulnérables de l’Arctique, tant du point de vue social que du point de vue écologique, et la quatrième, le bien-être social des habitants de l’Arctique.

Permettez-moi de commencer par vous parler du bien-être des habitants de l’Arctique. Nous sommes tous les deux des représentants élus qui ont des responsabilités à l’égard des gens vivant dans le Nord. Par conséquent, les politiques liées à l’Arctique doivent avoir pour objet, de prime abord, le bien-être des gens qui vivent là-bas. Comme c’est le cas pour tout le monde, l’objectif est de permettre aux gens de vivre dans de bonnes et prospères sociétés, pour eux et pour leur famille. Les gens doivent être en sécurité et avoir accès à une infrastructure moderne et à des débouchés d’emploi.

Je dois souligner le fait que, selon moi, il n’y a pas un seul Arctique. Il y en a de nombreux. Lorsque nous abordons la question des défis et des occasions, c’est quelque chose qu’il ne faut pas oublier. Souvent, nous parlons de l’Arctique du Groenland, de l’Arctique américain, scandinave ou nordique... Le troisième est l’Arctique russe. Cependant, il est toujours possible de diviser tout ça d’autres façons. Nous avons en commun beaucoup des mêmes défis, et certains de ces défis sont liés au bien-être des gens, là-bas. De nombreuses façons, il y a un problème entre le Nord et le Sud dans tous les États de l’Arctique, même en Islande, dirais-je, mais les gens qui vivent dans le Nord affichent des niveaux de scolarité moindres et ont plus de problèmes sociaux et de problèmes de santé que les gens du Sud.

Sur les 4 millions d’habitants qui vivent dans l’Arctique, il y a de nombreux Autochtones. Ils partagent bon nombre des mêmes défis, qui sont parfois différents de ceux de la plupart des gens du pays. Je sais qu’il s’agit d’une préoccupation pour le Canada et pour la Norvège, où le peuple saami affiche des caractéristiques uniques comparativement à la majeure partie de la population. Pour améliorer les conditions de vie des gens dans l’Arctique, il est important aussi d’apprendre les uns des autres et de mettre en commun nos pratiques exemplaires, parce que même s’il y a des Arctiques différents, certains des défis rencontrés sont les mêmes.

Le groupe des parlementaires de la région arctique a été, est et continuera d’être un grand défenseur du développement économique de l’Arctique. La plupart des personnes qui vivent dans l’Arctique ont besoin d’activités économiques pour avoir un emploi et un avenir dans le Nord, surtout lorsqu’ils constatent, comme vous l’avez abordé dans le cadre des travaux de votre comité spécial, les changements environnementaux rapides découlant du réchauffement de la planète ou des changements climatiques. Pour assurer un tel développement économique, il faut dialoguer étroitement avec le secteur des affaires. Nous soulignons que c’est là une condition essentielle. Nous croyons qu’il est aussi très important que les entreprises qui veulent œuvrer dans l’Arctique apprennent des choses au sujet de la région, et, dans le cadre d’un dialogue avec le secteur des affaires, nous devons établir les bonnes normes d’infrastructure fondées sur des critères en matière de responsabilité sociale des entreprises. Au moment de réaliser les activités économiques, surtout celles liées à l’exploitation des importantes ressources naturelles du Nord, il faut donner aux gens du Nord leur juste part et leur permettre d’en bénéficier. Les gens doivent voir et comprendre clairement qu’ils ont droit à leur juste part des avantages; ils doivent constater les bénéfices à long terme et ils doivent participer au développement économique qui se produit sur leur territoire. En bref, on pourrait officialiser tout ça en exigeant une approbation spéciale pour œuvrer là-bas en obtenant le soutien des gens qui vivent dans l’Arctique.

Si on veut assurer un développement économique responsable et durable dans l’Arctique, il est nécessaire d’investir dans l’infrastructure. Dans la société d’aujourd’hui, une infrastructure numérique de haute qualité est un prérequis au moment d’offrir de bons services à la population, ainsi que des occasions d’éducation et pour favoriser l’entrepreneuriat. Si l’avenir est numérique, il l’est aussi pour les gens qui vivent dans l’Arctique. Bien sûr, c’est quelque chose qui est nécessaire pour les emplois et les services publics, entre autres, mais les gens dans l’Arctique veulent aussi pouvoir regarder Netflix. Cela fait partie du monde moderne. Il n’y a aucune raison pour laquelle les gens qui vivent dans le Nord ne devraient pas participer à tout ça.

Le problème, c’est que le coût d’un accès à haute vitesse à Internet sera extrêmement élevé pour chaque personne parce qu’il y a tellement peu de gens dans de vastes territoires, qu’il faudra investir des fonds publics et trouver des solutions pour permettre un accès à haute vitesse à Internet dans toute la région arctique. Je sais que c’est quelque chose qui est au programme du Conseil de l’Arctique depuis au moins quatre ans, et on fait valoir que plus d’évaluations sont nécessaires. Selon moi, le temps est venu de reconnaître que nous connaissons le problème et de passer à l’action.

Du côté de la Norvège, je peux vous dire qu’il y a eu des débats et que le Parlement a décidé de lancer deux satellites pour assurer des télécommunications à large bande modernes au nord du 71e parallèle, ce qui est un problème pour tout l’Arctique, mais aussi pour l’important secteur maritime arctique en Norvège.

Tandis qu’approche la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique des 6 et 7 mai, en Finlande, il est important de continuer d’aborder la question de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation aux changements climatiques. Le changement climatique touche durement l’Arctique, et nous constatons déjà des changements majeurs en matière de fonte de glace, de dégel du pergélisol, d’érosion accrue et j’en passe. Ces changements ont un impact majeur sur la vie de nombreuses personnes vivant dans l’Arctique. Permettez-moi de parler de sécurité, d’infrastructure, et ce sera le dernier point, mais non le moindre, des façons traditionnelles de vivre.

Je vais souligner deux points principaux aujourd’hui. Le premier concerne la perception du reste du monde à l’extérieur de l’Arctique. Même si l’Arctique est touché le plus durement et le plus rapidement, peut-être à l’exception de certaines îles du Pacifique, les causes du réchauffement climatique ne viennent pas de l’Arctique. Ce ne sont pas les 4 millions d’habitants qui vivent dans l’Arctique qui, à eux seuls, ont entraîné le réchauffement climatique. Le réchauffement climatique est une conséquence de l’ensemble des activités réalisées par les 7 milliards d’habitants qui vivent sur la planète. Cela signifie que, si nous voulons régler le problème, on ne peut pas transformer l’Arctique en une sorte de réserve ou de musée ou encore d’une zone où il n’y aura pas d’activité économique. Il faut trouver des solutions planétaires à un problème planétaire.

L’autre point principal dont, selon moi, le comité tient compte d’après ma lecture de votre mandat, c’est que les changements climatiques ou les conséquences du réchauffement climatique ne sont pas des choses qui arriveront à l’avenir. Elles se produisent déjà. Sur la côte ouest de l’Alaska, les États-Unis déplacent des villages entiers parce qu’il n’y a pas de glace durant l’hiver et que le pergélisol dégèle. Cela entraînera de l’érosion, et les villages se retrouveront dans l’océan si on ne les déplace pas.

À Svalbard, nous avons vu des avalanches à des endroits où il n’y en avait jamais eu, et les gens meurent parce que tout ça est arrivé par surprise. Nous déplaçons maintenant des centaines de bâtiments parce qu’ils ne sont plus sécuritaires.

Les coûts pour déplacer les usines et des villes entières en Russie en raison du dégel du pergélisol en Sibérie seront énormes. De quelle façon allons-nous régler ce problème maintenant et à l’avenir, puisque c’est une situation qui est en cours au moment où on se parle? Dans l’un de ses rapports, le Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique a déclaré que le coût du réchauffement climatique dans l’Arctique et de ses répercussions sur le reste du monde s’élèvera à une somme allant de 7 billions à 90 billions de dollars américains d’ici l’année 2100.

Afin de relever ce défi et de s’attaquer à cette menace, nous devons fonder nos mesures sur la science et le savoir, pas sur des spéculations. Le Conseil de l’Arctique a à sa disposition des chercheurs de calibre mondial. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, des Nations Unies possède beaucoup de recherches, et il y a beaucoup d’autres connaissances partout dans le monde sur lesquelles on pourrait s’appuyer, mais on ne peut pas se lancer dans de pures spéculations, ici. Il faut fonder nos mesures sur des connaissances solides qui s’appuient sur les meilleures données scientifiques et les meilleures recherches que nous avons à notre disposition.

Merci, madame la présidente. Je crois que je vais m’arrêter ici. Vous pouvez me poser des questions ou me demander de formuler des commentaires. Merci de votre attention.

La vice-présidente : Merci beaucoup. J’aime vraiment le point de vue dont vous nous faites part aujourd’hui. Pouvez-vous, s’il vous plaît, envoyer à la greffière du comité les déclarations de la conférence de septembre dernier? Comme vous le savez, dans le cadre des rapports comme celui que nous présentons, les documents qui seront mentionnés doivent être présentés au comité en tant que tel. Si vous pouviez le faire, ce serait très utile, parce que, selon moi, les thèmes abordés par ces déclarations sont importants et significatifs.

J’aimerais aussi vraiment que vous nous fournissiez aux fins d’examen d’autres documents plus récents ou encore que vous nous parliez d’autres préoccupations ou mesures qui, selon vous, pourraient nous aider dans le cadre de notre travail à l’avenir. Comme vous le savez, notre étude a compté plusieurs volets et était fondée sur le cadre de la politique sur l’Arctique.

Je vais maintenant demander à ma collègue, la sénatrice Anderson, si elle a une question.

La sénatrice Anderson : J’ai une question. Dans ce dont vous venez tout juste de parler, il n’a pas été beaucoup question de culture et de langage. Je suis une Inuvialuk. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, où nous avons 11 langues officielles. On met beaucoup l’accent en ce moment sur les accords d’autonomie gouvernementale. Vous avez parlé un peu de développement économique, et je me demande si, vu la tendance des peuples autochtones à la décolonisation et à l’autodétermination — ce à quoi s’ajoutent les efforts pour conclure des accords d’autonomie gouvernementale — de quelle façon vous voyez la culture et la langue s’inscrire dans les priorités dont vous avez parlé? Comment peut-on trouver cet équilibre entre le développement économique et la croissance tout en maintenant la culture, la langue et la façon de vivre traditionnelle?

M. Sivertsen : Merci. J’estime qu’il s’agit là d’une très bonne question. Cette année, 2019, est l’Année internationale des langues autochtones des Nations Unies, ce qui est une occasion en or de soulever cette question à l’ordre du jour. J’ai eu le plaisir dans le cadre de mon travail d’aborder beaucoup de questions sur les politiques des Saami, en Norvège. Il y a aussi plusieurs langues saami qui sont menacées. Ce sont des langues très limitées qui ne sont ni parlées ni utilisées au quotidien.

La réponse courte, pour moi, c’est que nous créons et comprenons notre monde grâce à la langue que nous utilisons et, par conséquent, la langue est la composante la plus importante pour préserver ou renforcer la culture d’un peuple. Si on n’a pas notre propre langue, notre culture ne peut pas survivre. L’une des principales tâches doit être de soutenir les peuples autochtones dont la langue est peu parlée ou menacée afin de les aider à la conserver et à en assurer le renforcement dans le monde moderne. L’une des façons les plus efficaces de le faire, c’est d’exiger que les langues autochtones soient aussi utilisées dans la fonction publique. Cela suppose des coûts. Il faudra relever d’énormes défis pour qu’assez de gens parlent la langue, qu’on dispense des services pour les experts qui ne la parlent pas, pour assurer l’interprétation dans la langue autochtone en question... Cependant, il faut le faire si nous voulons soutenir le renforcement des langues.

Pour ce qui est de votre question au sujet de l’équilibre entre les collectivités locales, souvent des petites collectivités qui n’ont pas beaucoup d’expertise au sujet de l’industrie minière moderne ou des questions financières, mais qui possèdent beaucoup de compétence et d’expertise quant à ce qu’il faut faire pour vivre une bonne vie dans le Nord, je crois qu’il faut mettre l’accent principalement sur les responsabilités sociales des entreprises. Ce n’est pas seulement une question de retombées et de juste part. Il s’agit aussi de respecter l’occasion de participer et de définir les prémisses lorsqu’on planifie ou qu’on analyse une nouvelle possibilité d’affaires en n’oubliant pas que les intervenants ont des points de vue et des antécédents différents. C’est quelque chose que l’on constate souvent dans les industries d’extraction. Je pourrais utiliser un exemple norvégien, où de grandes entreprises internationales ont des capitaux et veulent creuser une mine qui aura une incidence sur des éleveurs de rennes dans de petites collectivités. Comment trouver un terrain d’entente? Comment l’entreprise doit-elle se comporter? De quelle façon peut-on protéger l’intérêt des collectivités locales? C’est une composante essentielle des responsabilités sociales des entreprises.

J’ai fait valoir, bien sûr, que l’initiative du Pacte mondial des Nations Unies pourrait être l’un des ensembles de critères que nous utilisons, mais j’aimerais mentionner le protocole d’investissement dans l’Arctique, qui a découlé d’une initiative du fonds Guggenheim et qui a été présenté dans le cadre du Forum économique de Davos en 2017. Ce n’est pas un instrument parfait, mais c’est un bon début. Nous pourrions le mettre au point, tout comme d’autres instruments pour donner suite à ce que vous demandez.

La sénatrice Anderson : Merci.

La vice-présidente : Nous sommes tous préoccupés par la fonte du pergélisol, et des scientifiques au Canada nous disent que cette fonte... Vous avez parlé de l’enjeu des bâtiments, et c’est assurément quelque chose que nous constatons également, et il y a les aéroports aussi. C’est un problème très grave. Constatez-vous une augmentation des niveaux de mercure dans la chaîne alimentaire en raison de la fonte du pergélisol?

M. Sivertsen : Je ne suis pas au courant de ce problème. Je n’en ai pas entendu parler.

La vice-présidente : Vos gens du Nord formulent-ils des préoccupations au sujet de la modification de la chaîne alimentaire en raison de certaines espèces de poissons qui se déplacent vers le Nord et d’autres changements du genre?

M. Sivertsen : Oui. L’un des problèmes en Norvège, c’est que nous sommes un grand pays lorsqu’il est question d’océans. Si nous classons les pays à l’échelle internationale en additionnant la masse terrestre et les zones océaniques, la Norvège arriverait au 10e rang des pays à l’échelle internationale. Au total, 80 p. 100 de nos eaux océaniques se trouvent au nord du cercle arctique. Ce que nous constatons, comme vous l’avez mentionné, c’est que des populations de poissons se déplacent vers le Nord. Nous observons des pêcheries au nord de Svalbard — c’est à plus de 80 degrés au nord — où il n’y avait pas de poisson avant. Nous voyons les températures des océans grimper, et nous constatons aussi l’acidification des océans, ce qui menace les populations de poissons.

Ce sera aussi l’un des documents que je vais demander à M. Robstad de vous envoyer. C’est une étude de cas réalisée sous l’égide du Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, PSEA, et l’un des cas étudiés dans le rapport concerne ce qu’il adviendra de la population de la morue dans la mer de Barents dans le cadre de notre scénario du statu quo jusqu’en 2800. Selon l’étude, dans la version courte, si la température des océans continue d’augmenter, les océans deviendront plus acides, et la taille des populations de morue chutera de 85 p. 100. Ce sera un coup majeur pour l’économie locale.

Je vais terminer en vous donnant deux autres exemples de ce que nous constatons au sujet de la sécurité alimentaire. L’une des principales préoccupations découle de ma rencontre d’éleveurs de rennes, qui m’ont dit que des arbres poussent là-bas, dans des endroits où il n’y en avait pas avant, et que, dans quelques années, les rennes n’auront plus d’herbe à manger parce qu’il n’y en aura plus. L’autre préoccupation majeure, c’est la pollution. Je ne suis pas au courant de rapports qui parlent de l’augmentation des niveaux de mercure, mais nous trouvons maintenant du plastique dans tout, dans les populations de poissons, les oiseaux de mer et ainsi de suite. C’est une grande préoccupation.

La vice-présidente : S’agit-il d’enjeux que les parlementaires de toute la région arctique examinent ou est-ce des thèmes auxquels la Norvège s’intéresse, comme on le fait au Canada?

M. Sivertsen : Les parlementaires de l’Arctique ne mettent pas vraiment l’accent sur la question du plastique, parce que l’enjeu principal à ce chapitre a été les changements climatiques et le réchauffement climatique et ses conséquences. En Norvège, le plastique est l’une de nos principales préoccupations de pair avec les changements climatiques, mais je suis sûr que vous savez aussi que notre premier ministre dirige un groupe de haut niveau au sein des Nations Unies qui s’intéresse à la santé des océans. Le plastique est une préoccupation majeure, et c’est un thème qui a obtenu le soutien sans réserve du Parlement.

La vice-présidente : Vous avez mentionné la recherche scientifique et l’importance d’avoir des faits concrets et solides à l’avenir. C’est un besoin ou un souci partagé. L’une des préoccupations sur lesquelles nous nous sommes penchés, c’est le besoin de trouver un équilibre et d’assurer une relation entre les données scientifiques empiriques et le savoir autochtone.

M. Sivertsen : C’est un enjeu auquel les parlementaires de l’Arctique s’intéressent depuis plusieurs années, et nous sommes, comme je l’ai mentionné, très désireux de fonder notre travail sur des données tirées de recherches scientifiques, mais nous avons aussi un profond respect pour les connaissances traditionnelles, et ce savoir doit aussi avoir sa place lorsque nous recueillons des renseignements, de l’expertise et des résultats relativement à la situation actuelle. Je dis souvent que la recherche scientifique essaie d’expliquer la situation et pourquoi les choses sont devenues ainsi, mais le savoir traditionnel pourrait nous en dire plus sur la façon dont les choses sont et sans souvent pouvoir expliquer pourquoi, mais il y a beaucoup de connaissances dont nous devrions tenir compte lorsque nous envisageons ce qu’il faut faire. Par conséquent, la science occidentale moderne doit expliquer pourquoi les choses sont ainsi, mais il faut aussi tenir compte du savoir traditionnel dans le cadre de notre travail.

La vice-présidente : Par conséquent, tandis que des scientifiques internationaux travaillent dans le cercle arctique, incluent-ils des Autochtones dans leurs équipes de recherche et permettent-ils aux habitants autochtones de poser certaines des questions auxquelles il faut répondre aujourd’hui et à l’avenir?

M. Sivertsen : C’est quelque chose qui varie beaucoup. De façon générale, je pourrais dire qu’on le fait « trop peu », parce qu’il y a beaucoup de sciences naturelles, et pas beaucoup de sciences sociales. Dans les sciences naturelles, on mesure beaucoup de choses, mais on ne parle pas beaucoup des gens, et ces chercheurs ont donc moins cette tradition, et il faut donc miser davantage sur ce genre de chose, selon moi. Pour ce qui est des sciences sociales, on le fait davantage, mais je crois que ce n’est quand même pas assez. Nous allons continuer de promouvoir une telle chose.

Permettez-moi de vous donner un bref exemple de la raison pour laquelle c’est important. L’exemple illustre aussi ce que j’ai dit précédemment sur le fait que le savoir traditionnel connaît souvent la réponse sans pouvoir fournir d’explication connexe. Les éleveurs de rennes ont fait valoir qu’on ne peut pas construire des lignes de transport d’énergie à certains endroits, parce que les rennes refusent de passer en dessous.

La vice-présidente : Je suis désolée, monsieur Sivertsen. Je crois que l’image a gelé, et nous avons manqué une partie de votre propos. Vous avez dit que la crainte, c’est que les rennes ne passent pas sous les lignes de transport d’énergie, puis l’image a arrêté. Pouvez-vous reprendre à partir de là?

M. Sivertsen : La crainte, c’est que les rennes ne passeront pas sous les lignes de transport d’énergie. Personne ne comprend pourquoi, mais les éleveurs disent : « Eh bien, c’est ainsi. » La situation est restée telle quelle jusqu’à ce que certains chercheurs de l’université à Tromsø, l’Université de l’Arctique de la Norvège, mesurent les émissions ultraviolettes des lignes de transport. Ils ont constaté qu’il y a des émissions. Puis, ils ont poursuivi leur enquête et découvert que les rennes peuvent voir la lumière ultraviolette, raison pour laquelle ils ont peur des lignes de transport d’énergie. C’est la raison pour laquelle ils refusent de passer en dessous. Rapidement, c’est quelque chose dont on entendait parler depuis des dizaines d’années, mais on n’écoutait pas ce que les gens disaient parce que personne ne pouvait expliquer pourquoi il en était ainsi. C’est un bref exemple de la raison pour laquelle le savoir traditionnel est important. Il peut y avoir un problème sans que l’onconnaisse la réponse — sans qu’on sache pourquoi —, mais c’est une bonne question à laquelle les scientifiques occidentaux peuvent répondre.

La vice-présidente : C’est un bon exemple.

J’aimerais aller un peu plus loin — madame la sénatrice Anderson, interrompez-moi si je parle trop longtemps —, mais j’aimerais poser une question au sujet de la médecine. Parlez-moi de la relation entre le savoir autochtone et la médecine autochtone et la médecine fondée sur la science, la médecine moderne. Constatez-vous, en Norvège ou dans d’autres pays de l’Arctique, qu’il y a des différences et qu’il faut réaliser plus de travaux à cet égard?

M. Sivertsen : Je vais m’appuyer sur mon expérience norvégienne. Il n’y a pas de reconnaissance officielle de la médecine traditionnelle dans la sphère publique. Bien sûr, des gens continuent d’utiliser des médecines traditionnelles et à y croire, mais, dans la sphère publique, il n’y a aucun statut officiel accordé à la médecine traditionnelle.

La vice-présidente : Merci de votre réponse.

Je vais maintenant passer à la question de la souveraineté et de la sécurité. Avez-vous des commentaires à formuler qui pourraient nous aider relativement à la souveraineté dans les zones et les océans de l’Arctique? Avez-vous des préoccupations ou est-ce que des préoccupations sont exprimées au sujet des enjeux liés à la sécurité dans le cadre de la Conférence des parlementaires de la région arctique?

M. Sivertsen : Merci de poser une question très ouverte. Permettez-moi d’abord de commencer par d’autres positions connues. Ce n’est pas que l’Arctique soit un territoire sans foi ni loi.

La vice-présidente : Exact.

M. Sivertsen : C’est l’océan Arctique où s’appliquerait la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, tout comme d’autres cadres juridiques internationaux concernant les mers. Autour de l’océan Arctique, on retrouve cinq nations côtières de l’Arctique et huit pays de l’Arctique. Ce sont toutes des nations souveraines, et leurs obligations et leurs droits sont conformes aux cadres juridiques internationaux. Elles les respectent et prennent leurs décisions en conséquence. Donc, les États membres du Conseil de l’Arctique et les parlementaires de l’Arctique ont défendu l’idée qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un traité spécial pour l’Arctique. Ce n’est pas un héritage commun ou quoi que ce soit; c’est réglementé par le droit international.

Nous savons qu’il y a des changements. C’est pourquoi nous sommes très heureux d’avoir obtenu un accord entre la plupart des pays de l’Arctique — les États-Unis, la Chine, la Corée du Sud, l’Union européenne — sur les pêches dans l’océan Arctique, où l’on dit que nos navires n’iront pas pêcher là-bas jusqu’à ce que notre régime de réglementation soit en place. Les gens font preuve de bonne volonté. La situation, c’est qu’il n’y a pas encore de poisson là-bas, mais qui sait?

La vice-présidente : Je suis désolée, nous n’arrêtions pas de vous perdre.

M. Sivertsen : Je m’excuse. Avez-vous entendu tout ce que j’ai dit, madame la présidente, ou est-ce que la connexion s’est bloquée?

La vice-présidente : Je crois que nous avons juste perdu les dernières secondes.

M. Sivertsen : Qu’avez-vous entendu en dernier?

La vice-présidente : Nous vous avons entendu parler du fait qu’il n’y a pas encore de poisson dans l’Arctique, mais que — je vais utiliser le mot « protocoles » — il, y a des accords en fonction desquels des protocoles seront en place.

M. Sivertsen : D’accord, bien. Alors, vous avez entendu l’essentiel.

Je suis sûr que vous savez en outre que, conformément à la Déclaration d’Ottawa, le Conseil de l’Arctique a dit qu’il n’allait pas aborder de questions de sécurité difficiles. Celles-ci sont donc écartées.

La vice-présidente : Oui, je le comprends.

M. Sivertsen : Nous avons chez les parlementaires une tradition qui consiste à ne pas aborder de questions de sécurité — ce qui veut dire des questions militaires — difficiles. Je vois que la question prend de plus en plus d’importance dans le programme ou la discussion politique à l’échelle internationale.

Il y a deux semaines, notre comité permanent s’est réuni pour la dernière fois à Mourmansk. Du côté tant des représentants du comité que du responsable russe de l’Arctique, on a soulevé la question de lancer une discussion et de trouver une tribune ou une avenue pour aborder des questions de sécurité difficiles dans le contexte de la signification élargie du mot « sécurité ».

Tous les États arctiques ont convenu qu’il est important de poursuivre la coopération dans l’Arctique, même si le climat politique sur la scène internationale est devenu plus difficile. Il y a plus de conflits, et ce, à cause de l’occupation par les Russes de la péninsule de Crimée et de leurs actions en Ukraine. Nous avons aussi essayé de tenir cela hors du champ de la coopération dans l’Arctique. Étant donné la situation en Syrie et d’autres situations internationales, nous avons essayé de ne pas produire d’effet d’entraînement. Je crains que nous ne commencions à voir ce type d’effet d’entraînement. Cela pourrait être un argument qui milite en faveur de la création de tribunes ou de lieux où aborder des questions de sécurité dans le contexte de l’Arctique qu’un argument pour s’y opposer. Une fois que vous lancez une discussion à ce sujet dans le contexte de l’Arctique, je redoute que cela devienne le sujet principal, qui écarte toutes les autres questions. Jusqu’à nouvel ordre, je crois que je vais m’en tenir à la position suivante : nous n’aborderons pas ces questions dans le contexte de l’Arctique, mais nous essaierons de nous concentrer sur les intérêts communs entre les nations de l’Arctique et les gens de l’Arctique qui s’y intéressent. Cela me préoccupe ces jours-ci.

La vice-présidente : Je vous remercie énormément. Comme vous le savez, vu les six volets de notre étude, il importe que nous présentions les questions liées aux enjeux qui s’y rattacheront. Je vous remercie de votre candeur et je reconnais les limites de la portée du travail que vous effectuez.

J’ai une question de plus, si vous le permettez, au sujet de l’éducation. Comme nous le constatons avec notre Arctique, vous avez mentionné que le fossé Nord-Sud est très réel, car il y a moins d’éducation et plus de problèmes sociaux dans le Nord, et nous avons certainement nos problèmes et nos préoccupations en matière d’éducation dans le Nord. En Norvège, dans votre travail dans le contexte de la Conférence des parlementaires de la région arctique, comment les autres composent-ils avec ces enjeux? Parce qu’ils sont complexes et qu’ils sont exacerbés par les distances. Les distances intensifient ces enjeux.

M. Sivertsen : Oui, la distance est un problème, mais je ne crois pas que ce soit le principal problème. Je crois que le principal problème, c’est que nous vivons dans un monde qui possède une expertise de plus en plus grande, ce qui veut dire que tout le monde doit étudier davantage pour être admissible à des emplois. Même si les gens du Nord de la Norvège étudient de plus en plus longtemps, ce n’est pas autant que les gens du Sud. Ce sont les jeunes aussi. C’est le fait que les parents n’ont pas étudié autant que les gens du Sud. Ce sont les critères socioéconomiques, qui sont très bien reconnus comme votre héritage, votre éducation et votre volonté d’aller étudier loin de chez vos parents. Si vous ne comblez pas cette lacune, les différences entre le Nord et le Sud continueront de s’accroître.

Je ne vois pas d’autre solution que de construire une infrastructure éducative dans le Nord. Pour nous, il a été essentiel d’établir deux universités dans le Nord de la Norvège. Nous voyons que cela contribue à des études supérieures, et les gens qui entreprennent des études supérieures, plus que ceux qui s’instruisent eux-mêmes dans d’autres régions du pays, demeurent dans les régions nordiques et sont une ressource pour les collectivités d’où ils viennent. Ils ne retournent peut-être pas dans leur village d’origine, mais ils pourraient vivre dans une ville ou un village plus grand que celui-là. C’est un travail laborieux, mais je n’ai pas d’autre réponse que de construire des infrastructures dans le Nord pour les gens, vu les énormes distances. Bien sûr, vous pourriez utiliser des moyens de télécommunications modernes, comme nous le faisons, dans une certaine mesure, mais cela comporte ses limites, et nous devons le reconnaître.

Les parlementaires de l’Arctique défendent aussi fermement l’importance de l’éducation, et particulièrement pour les Autochtones qui doivent gagner leur vie en faisant quelque chose de totalement différent de leur gagne-pain traditionnel, et ils ont besoin d’obtenir l’accès à des études abordables et de bonne qualité.

Nous faisons la promotion de programmes d’échange entre les étudiants, les enseignants et les chercheurs ainsi que d’autres moyens pour stimuler l’éducation, mais peut-être que la chose la plus importante que nous avons faite en tant que parlementaires, c’est contribuer à l’établissement de l’Université de l’Arctique. C’est un réseau maintenant composé de 170 établissements de l’Arctique, je crois, qui prennent des mesures afin d’y contribuer. De plus, comme vous le savez probablement, ils manquent bien sûr de fonds pour faire ce qu’ils doivent faire. C’est la situation tant au Canada qu’en Norvège, et je crois que c’est la même chose dans tous les autres pays. C’est un travail de longue haleine. Il vous faut des infrastructures et une coopération de part et d’autre de la frontière, car il y a des occasions d’apprendre les uns des autres.

La vice-présidente : Il y a 15 ans environ, alors que je jouais un rôle complètement différent, j’ai eu l’occasion de visiter l’Université de Tromsø, et j’ai été impressionnée par ce qui se passait. J’ai suivi le travail des universités circumpolaires. Je me rappelle avoir assisté à une conférence il y a quelques années. Je suis impressionnée par tout le chemin qu’elle a parcouru, mais je suis aussi très au courant de tout ce qui lui reste à accomplir pour permettre la pollinisation croisée de la recherche, des résultats et des données scientifiques, afin que nous puissions nous assurer que c’est vraiment ouvert à nos étudiants du Nord.

La sénatrice Anderson : Au sujet de l’éducation, dans les Territoires du Nord-Ouest, on a dans le système scolaire une politique qui s’appelle l’intégration scolaire ou la promotion automatique, où l’on fait passer un élève au niveau supérieur en fonction de son âge plutôt que de son acquisition d’un ensemble de compétences. On le fait jusqu’à la 10e année. Une fois que l’élève arrive en 10e année, il doit satisfaire à des obligations. Malheureusement, dans les Territoires du Nord-Ouest, la plupart des élèves n’arrivent pas à atteindre cette norme. Est-ce quelque chose qui se produit dans votre région? Savez-vous si c’est un facteur qui contribue aux faibles taux de scolarisation?

Je vous pose la question, parce que lorsque j’ai étudié dans les Territoires du Nord-Ouest, à l’école de Tuktoyaktuk, une petite collectivité de 900 âmes sise juste à côté de l’océan Arctique, nous ne faisions pas de promotion automatique. Cela n’existait pas à l’époque. Ce que j’ai appris, c’est que les élèves qui n’obtiennent pas leur diplôme de 12e année — nous offrons un programme social d’aide financière aux étudiants grâce auquel les étudiants des Territoires du Nord-Ouest sont financés — leur première année d’aide financière aux étudiants sert souvent à les mettre à niveau. Ce n’est pas pour des études de première année au collège ou à l’université. Cela sert à la mise à niveau. Donc, une année de financement n’est pas utilisée au meilleur de sa capacité.

Je me demande si c’est un enjeu que vous constatez. Vous avez aussi parlé des universités, mais êtes-vous au courant d’interventions éducatives qui seraient faites en amont pour tenir compte de certains de ces enjeux avant qu’un étudiant ne devienne un adolescent ou un adulte?

M. Sivertsen : Je vais répondre à cette question selon notre point de vue norvégien. Dans le système scolaire de la Norvège, vous passez au niveau supérieur et continuez de suivre vos cours en fonction de votre âge jusqu’à la 10e année.

Je vais parler d’un problème qui n’est peut-être pas très bien connu à l’extérieur de la Norvège. Nous disons qu’environ 20 p. 100 de nos jeunes réussissent leurs examens pratiques et connaissent leur alphabet lorsqu’ils terminent la 10e année. Ils n’ont pas appris à lire, à écrire ou à faire des calculs mathématiques à un niveau élémentaire de base. C’est un problème important.

Dans les écoles secondaires de deuxième cycle, nous voyons les problèmes dont vous parlez. Seulement les deux tiers des jeunes commencent les études secondaires, et c’est bien sûr obligatoire en Norvège. Vous n’allez nulle part si vous ne terminez pas le second cycle de l’enseignement secondaire. Nous voyons que seulement les deux tiers terminent dans les délais prévus. Je crois que seulement 75 p. 100 des élèves terminent leurs études en plus de cinq ans. Nous avons donc un grave problème.

Dans le Nord, ils sont moins nombreux à terminer leurs études que dans le Sud. Des recherches donnent à penser que c’est attribuable au faible niveau de scolarité chez la population du Nord — ce qui n’est pas du tout surprenant. On a pris plusieurs mesures à grande échelle et dans nombre des comtés responsables de cette situation pour essayer d’obtenir de meilleurs résultats. Nous commençons maintenant à voir ces résultats, mais cela demeure un grand problème. Il n’y a pas de solution rapide. Il s’agit de rencontrer chaque étudiant où il se trouve et de réduire le nombre de cours théoriques au profit d’un apprentissage davantage axé sur la pratique. On tente de fournir aux garçons d’autres possibilités ou moyens d’apprentissage que ce qui est offert aux filles, et ainsi de suite. On met à l’essai une vaste gamme de mesures dans différentes régions.

La réponse courte, c’est que oui, nous voyons la même chose, et oui, nous essayons d’intervenir le plus tôt possible, mais il demeure d’énormes problèmes dans le système scolaire de la Norvège.

La vice-présidente : Notre temps est compté. J’ai une question de plus, si je peux la poser. Je vous remercie d’avoir répondu à un éventail de questions. Certains de nos collègues sont en tournée dans le pays en ce moment. D’autres comités ont essayé de susciter leur intérêt également.

Vous avez mentionné les changements climatiques et le fait que la région arctique est peut-être celle qui souffre le plus en ce moment. Toutefois, les problèmes ne naissent pas dans l’Arctique; ils sont causés ailleurs sur la planète, en partie. J’aimerais savoir comment vous percevez le rôle des nations et des organisations qui ne font pas partie de l’Arctique dans le travail qu’effectue le Conseil de l’Arctique dans cette région en ce moment. Quels sont les rôles et les responsabilités? Y a-t-il des problèmes par rapport à la participation dans l’Arctique de pays ne faisant pas partie de la région? Je serais curieuse d’avoir votre avis à ce sujet.

M. Sivertsen : Je vais commencer par les changements climatiques. Je disais que ce ne sont pas les 4 millions d’habitants du Nord qui créent le problème. Toutefois, je vais ajouter que c’est pour nous un énorme défi d’amener 200 pays du monde à s’engager à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Si vous incluez l’UE comme État observateur du Conseil de l’Arctique, de concert avec les 8 pays de l’Arctique et les 12 États observateurs, y compris l’UE, ces pays comptent pour 80 p. 100 des émissions mondiales de CO2 chaque année. Il sera peut-être plus facile pour ces 20 entités de parvenir à une entente que pour 200 pays du monde entier. Je ferai valoir que le Conseil de l’Arctique et ses observateurs ont une responsabilité spéciale pour ce qui est d’ouvrir la voie, et nous savons que l’Arctique est la première région touchée.

Je passe maintenant à la question des observateurs. Bien sûr, il y a des difficultés, car on spécule et on se demande pourquoi la Chine viendrait dans l’Arctique et aurait un intérêt pour cette région. Je choisis d’être naïf. Je me dis que si vous vous êtes engagés à demander le statut d’observateur dans le Conseil de l’Arctique, vous voulez contribuer. Ensuite, le Conseil de l’Arctique et le pays qui siège comme président ont la responsabilité de faciliter des processus où les observateurs contribueraient en fournissant leurs connaissances, leur expertise et leurs ressources.

Il y a bien sûr une différence énorme entre la Chine, qui est un État observateur, et le Saami Council, qui est aussi un observateur. Ils doivent être autorisés à contribuer d’une manière utile pour eux, sur place, en fonction des ressources qu’ils possèdent. Je crois que le Conseil de l’Arctique a toujours du mal à obtenir les ressources que les deux États, les ONG et d’autres entités représentent. Ils ont commencé à le faire. C’est une possibilité.

Je dirai aussi que je suis très heureux que nous ayons des observateurs, parce que, s’ils ne s’étaient pas joints à notre club, ils auraient créé leur propre club. Au final, il faut que ce soit les nations de l’Arctique, en tant que particuliers ou États, qui s’engagent, assument la responsabilité et prennent des décisions au sujet de ce qui est bon pour l’Arctique. Elles sont invitées à se joindre à notre groupe. Je suis sûr que nous obtenons de meilleurs résultats en écoutant les commentaires des Autochtones, des ONG, des États, des chercheurs et ainsi de suite, qui sont des observateurs du Conseil de l’Arctique.

La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup de vos réponses ainsi que du vaste éventail de témoignages que vous nous avez présentés aujourd’hui. Cela nous a été fort utile. C’est toujours important d’obtenir une diversité de points de vue. J’aimerais vous remercier de vos témoignages.

Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins ce matin. Je suis tout particulièrement heureuse de recevoir Paul Crowley, vice-président, Programme Arctique, WWF-Canada. Merci d’être venu.

Comme je l’ai dit plus tôt, certains de nos collègues se promènent en ce moment partout au pays. Nous arrivons au terme de la partie sur les témoignages de notre étude d’un an au sujet des enjeux touchant l’Arctique, et je suis particulièrement reconnaissante que vous puissiez venir aider à combler certaines des lacunes que nous découvrons à cette étape-ci de notre travail. Je vais maintenant vous céder la parole, si vous le permettez, monsieur Crowley, et vous demander de présenter votre déclaration liminaire. La sénatrice Anderson et moi, au nom de nos collègues, vous poserons un certain nombre de questions.

Paul Crowley, vice-président, Programme Arctique, WWF-Canada : Merci de m’avoir invité. Je serai heureux de répondre à toute une série de questions. Mes commentaires porteront directement sur deux sujets particuliers, le premier étant la planification de l’aménagement du territoire et le caribou de la toundra, et le deuxième, les investissements dans l’économie fondée sur la conservation.

Cela fait longtemps que je vis dans le Nord. J’habite à Iqaluit depuis 1995, et j’ai assumé une diversité de rôles depuis lors. Avocat de formation, j’ai déjà travaillé auprès du premier ministre et du chef de cabinet ainsi que de la première ministre Eva Aariak, mais aussi auprès de Sheila Watt-Cloutier sur le dossier des changements climatiques, et mon travail a généralement porté sur le lien entre l’environnement, les questions sociales et culturelles ainsi que les droits de la personne.

Le premier sujet sur lequel j’aimerais attirer votre attention, c’est, compte tenu du changement rapide qui se produit en Arctique, l’état des troupeaux de caribous de la toundra, une des questions qui sont extrêmement importantes. Vous connaissez peut-être le caribou d’autres régions du Canada, que ce soit le caribou de montagne ou le caribou des bois. Toutefois, le caribou de la toundra, le caribou emblématique qui migre en gros troupeaux sur des milliers de kilomètres dans la toundra, se trouve en situation très fragilisée. Sauf pour la harde de caribous de la Porcupine, qui est partagée entre les Territoires du Nord-Ouest et l’Alaska et pourrait être en péril si on ouvrait l’exploration dans le refuge de l’Alaska, tous les autres troupeaux, ceux qui se trouvent au Canada et qui vêlent au Nunavut, sont en situation de fragilité.

Certains, comme la harde de Bathurst, ont connu un déclin, passant de données historiques de près de 500 000 animaux à maintenant moins de 5 000, soit une diminution de 98 p. 100. Jamais auparavant les troupeaux n’avaient connu un déclin aussi marqué. Ces troupeaux connaissent des cycles naturels. Ils connaissent des cycles de 50 à 80 ans de croissance et de décroissance, mais jamais auparavant la décroissance n’avait été aussi marquée et aussi synchronisée, ce qui est une très grande préoccupation. Pourtant, nous avons l’occasion de bien faire les choses, et pour le caribou, cela veut dire protéger son habitat.

Trois principales pressions s’exercent sur le caribou. La première, c’est la chasse, qui est probablement la pression le mieux gérée. Il y a des conseils de gestion. Par exemple, sur l’île de Baffin, où je vis, il existe maintenant des quotas applicables à la chasse au caribou.

La deuxième pression est liée aux changements climatiques. Ce n’est pas quelque chose qui est bien compris, et nous devons mieux le comprendre. Cela pourrait avoir des répercussions sur tout, comme le changement du fourrage auquel le caribou a accès, les épisodes de glace au sol, ce qui signifie que de la pluie attribuable aux changements climatiques va glacer la neige sur la toundra et rendre très difficile pour les animaux l’accès à leur nourriture, mais cela change aussi des choses comme les cycles des parasites et les changements des traverses de glace. Il y a le troupeau de caribous de Dolphin-et-Union, qui se déplace de la partie continentale du Canada jusqu’à l’île Victoria, qui traverse la glace de mer là-bas et fait l’aller-retour deux fois par année. Bien sûr, notre gestion du déglaçage de cette traverse de glace de mer, et cetera, est très importante.

La dernière pression tient à l’industrialisation et à la présence accrue d’humains, particulièrement en raison de l’exploration minière dans le Nord. Le caribou est un animal très sensible. Au mauvais moment, un hélicoptère qui passe par là va effrayer une femelle qui vient de mettre bas, et elle abandonnera les petits. Il est très important que l’habitat ne soit pas perturbé.

Même si ces événements surviennent et qu’ils ont été reconnus par le COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, qui a recommandé que le caribou de la toundra soit inscrit dans la Loi sur les espèces en péril, il y a une autre occasion d’agir plus tôt, et c’est au moyen de l’aménagement du territoire. En ce moment et depuis un certain temps, il existe au Nunavut un processus de création d’un plan d’aménagement du territoire du Nunavut. Il est presque achevé. Malheureusement, il semble y avoir un problème pour ce qui est de l’obtention finale du financement qui permettra son achèvement. La commission d’aménagement, si j’ai bien compris, a besoin de 12 millions de dollars de plus pour terminer ce plan.

L’aménagement du territoire dans une région de la taille de l’Europe de l’Ouest, c’est-à-dire le Nunavut, est un problème complexe. Ce n’est pas facile. Vous ne pouvez pas dire à la commission, par exemple, qu’il faut construire un immeuble de 10 étages, mais lui fournir des fonds pour six étages. Vous devez lui fournir des fonds suffisants pour qu’elle puisse l’achever. Je dirais maintenant que nous sommes rendus à environ six ou sept étages, mais il nous en faut trois ou quatre de plus pour le terminer. Si ça peut arriver, nous pourrions faire une planification à l’échelle du paysage. Non seulement c’est important pour le caribou, mais en plus, cela donnerait une certitude aux collectivités, qui dépendent du caribou ainsi que du développement économique, et pas seulement les collectivités au Nunavut. Le caribou de la toundra est chassé par des collectivités dans les Territoires du Nord-Ouest, dans le Nord de la Saskatchewan et aussi dans le Nord du Manitoba. Récemment, lors du symposium minier du Nunavut, l’économiste du territoire, M. Picotte, a signalé que l’absence d’un plan d’aménagement du territoire était aussi problématique lorsqu’il s’agit de fournir une certitude concernant le développement industriel.

J’inviterais le comité à présenter des recommandations fortes quant à la nécessité d’achever ce plan d’aménagement du territoire et les plans d’aménagement du territoire de façon générale, pour donner une certitude aux collectivités, au caribou et à l’industrie. Je préconiserais aussi que l’on fournisse des fonds appropriés aux entités chargées de mener ces plans d’aménagement du territoire et de les achever.

Je ne sais pas combien de temps il me reste. Si j’ai quelques minutes de plus, j’aimerais parler d’une autre question.

La vice-présidente : Veuillez prendre ces quelques minutes pour en parler.

M. Crowley : L’autre question sur laquelle je voulais attirer votre attention concerne l’investissement dans l’économie de conservation. Quand je dis « économie de conservation », la définition du terme pourrait être vaste. J’en parle maintenant comme d’une économie qui se développe à partir des pratiques de conservation, que ce soit la création de parcs ou de réserves d’espèces sauvages, ou encore de zones autochtones protégées et conservées, de zones de protection marine ou autre chose.

Le Nord a une occasion en or de protéger un habitat suffisant par ces moyens, mais cela ne veut pas juste dire encercler certaines zones et demander à tout le monde de rester à l’extérieur. Dans le contexte du Nord, c’est une occasion de développer une économie de conservation qui est beaucoup plus en phase avec la culture locale de la collectivité et qui est complémentaire à l’économie extractive.

Si nous encerclons une zone et disons que c’est une zone de grande importance pour la faune, les collectivités et la chasse, cela devrait s’accompagner d’investissements. Pour vous donner quelques exemples dans le monde, si nous examinons les zones de protection marine à l’échelle internationale, les dépenses annuelles médianes pour une zone de protection marine s’élèvent à 775 $ le kilomètre carré. Si vous regardez une région qui fait, disons, 100 000 kilomètres par année, il faut investir beaucoup ne serait-ce que pour atteindre la médiane de ce qui est dépensé à l’échelle internationale.

Généralement, au Canada, nous n’arrivons pas près de ces chiffres, et c’est malheureux; car si vous recevez bel et bien un tel investissement, vous pouvez mettre en place des infrastructures communautaires fort nécessaires qui permettent l’accès aux ressources. Cela procure des emplois à temps plein, dans le cadre de programmes de gardiens ou de programmes de surveillance scientifique. Ces programmes peuvent être dirigés par des Autochtones. En tant que pays, nous croyons que, lorsque nous créons une zone de protection, il suffit de l’encercler, et c’est tout. Non, il faut aussi des investissements.

À ceux qui diront que c’est cher, je vais signaler une étude parue récemment qui fait ressortir que, entre le gouvernement canadien et nos quatre provinces les plus riches, nous subventionnons les activités commerciales à hauteur de 29 milliards de dollars par année. Le soutien d’une économie de conservation en phase avec une culture communautaire et qui cherche vraiment à atteindre les mêmes objectifs en matière d’emploi, de bien-être communautaire et d’avantages communautaires est quelque chose qui devrait être envisagé.

Je vais souligner que ces investissements rapportent également des dividendes. Une étude récente menée dans une région a fait ressortir qu’un investissement de 4,5 millions de dollars générait 11,1 millions de dollars en avantages socioéconomiques et culturels. Donc, pour chaque dollar investi, vous obtenez un rendement de 2,50 $. Il a aussi été noté, dans une étude réalisée à Clyde River, qu’un investissement de 50 $ dans les récoltes produisait suffisamment pour nourrir 20 personnes — si ce sont des récoltes — alors que si vous allez au magasin, vous ne pourrez nourrir que 3,3 personnes.

Soutenir l’économie fondée sur la récolte et l’économie fondée sur la conservation qui y est associée rapporte gros. J’exhorte le comité à en tenir compte lors de la rédaction de son rapport. Je termine ici.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Anderson : Vous avez parlé de la dimension financière du nouvel aménagement du territoire. Vous avez dit que vous aviez des fonds. Idéalement, d’où provient ce financement? Vous avez parlé de l’industrie. Je sais qu’au Nunavut, l’exploitation minière est l’une des industries en ce moment. Y a-t-il un investissement des sociétés minières ou de tout autre secteur?

M. Crowley : En vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, un certain nombre d’institutions gouvernementales ont été créées, notamment la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, l’Office des eaux du Nunavut, un conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut ainsi que la Commission d’aménagement du Nunavut. Il s’agit d’une institution gouvernementale qui est dotée de son propre conseil constitué de commissaires. Son financement provient de ce qui était auparavant AANC, maintenant RCAANC, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, par l’intermédiaire de la Direction générale de la mise en œuvre de Relations Couronne-Autochtones. C’est de là que vient le financement.

Pour ce qui est du financement de l’industrie, il s’agit pour le moment d’un organisme indépendant doté des qualités d’un tribunal. Il a besoin d’indépendance au chapitre du financement qu’il reçoit. Toutefois, comme tout tribunal, s’il n’a pas les moyens de faire son travail, il ne peut pas s’acquitter de ses fonctions. Actuellement, je crois comprendre que la commission a été informée, et vous devriez en parler à la commission elle-même, qu’elle devrait le faire à même son financement de base. Cependant, il s’agit d’un exercice extraordinaire, qui consiste à tenter de planifier l’utilisation du territoire dans une région de la taille de l’Europe occidentale. Pour pouvoir mener à bien ce plan, la commission a besoin de fonds en plus de son financement habituel, qui lui permet de réaliser ses activités courantes, c’est-à-dire examiner les demandes afin de s’assurer qu’elles sont conformes au plan et vérifier s’il y a lieu d’apporter des modifications.

La sénatrice Anderson : Par souci de précision, s’agit-il d’un financement ponctuel, ou avez-vous également eu des problèmes de financement à court terme, comme lorsque le financement est annuel ou que le financement a trait à un projet pilote de trois ans, puis prend fin?

M. Crowley : À propos de la commission d’aménagement, je ne peux pas parler trop concrètement. Je peux vous dire ce que je sais et, dans ce cas, je sais qu’elle a son financement de base, mais c’est un exercice extraordinaire. C’est un projet qui peut être réexaminé en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Un plan pour tout le Nunavut peut être réexaminé tous les cinq ans; il a donc une chance de l’être, mais les responsables n’ont pas encore réussi à mettre la dernière main à un plan pour l’ensemble du territoire. C’est le plus grand exercice. Je m’attendrais à ce qu’un examen quinquennal ne soit pas une tâche aussi ardue.

La sénatrice Anderson : J’ai une autre question brève. Vous avez dit que le caribou était en danger. Y a-t-il d’autres espèces en péril au Nunavut?

M. Crowley : Dans le Nord, d’autres espèces sont répertoriées. Je dirais que le caribou est vraiment l’enjeu en matière de conservation en ce moment, non seulement au Nunavut, mais également dans d’autres régions du Nord, comme le Nord du Québec, où la harde de la rivière Georges est passée de plus de 900 000 individus à moins de 10 000. Certaines populations de bélugas sont préoccupantes. Les ours polaires sont une source de préoccupation, mais à long terme, compte tenu de leur capacité d’adaptation aux changements climatiques. Pour le moment, je dirais que le caribou de la toundra constitue le principal enjeu en matière de conservation.

La sénatrice Anderson : Merci.

La vice-présidente : Pour poursuivre sur cette question, je vais passer aux océans, si vous le permettez. Y a-t-il des préoccupations quant aux changements qui touchent les espèces de poissons en provenance du Nord en raison des changements climatiques? Cet aspect fait-il partie de votre objectif scientifique, devrais-je dire?

M. Crowley : Ce n’est pas un travail que nous avons effectué directement au Fonds mondial de la nature, mais c’est quelque chose dont je suis au courant, à la suite de conversations que j’ai eues, en particulier avec des personnes qui récoltent de l’omble chevalier, notamment.

La vice-présidente : Les saumons vont plus au nord, n’est-ce pas?

M. Crowley : De nouvelles espèces de poissons apparaissent. Je sais que, dans certaines collectivités, comme Pangnirtung, au nord de l’endroit où nous sommes, les ombles mangent différents types de nourriture, ce qui modifie leur aspect, la couleur de leur apparence, et cetera. Même dans les zones où nous pêchons dans la baie de Frobisher, il y a plus d’ombles chevaliers qu’auparavant.

Nos océans changent considérablement à mesure qu’ils se réchauffent. Ce n’est pas quelque chose que nous comprenons parfaitement. Il y a beaucoup de problèmes concernant nos pêches que nous devrions mieux comprendre, en particulier les pêches commerciales au flétan noir et au turbot, qui sont la principale pêche commerciale. À l’heure actuelle, nous gérons la situation de la même manière que nous le faisions traditionnellement en ce qui concerne les pêches au Canada; autrement dit : « Pêchez jusqu’à ce que la ressource s’effondre, puis espérez qu’on se retire assez tôt. » Nous ne savons pas, par exemple, où le flétan noir se reproduit. Nous ne savons pas où il va, à quel endroit il revient, et comment cela pourrait changer. Une chose doit changer : notre approche de la gestion de la pêche commerciale, en particulier, et une meilleure compréhension du cycle de vie du stock en question.

La vice-présidente : Le Fonds mondial de la nature collabore-t-il à la définition de certaines de ces questions et préoccupations?

M. Crowley : Oui. Nous travaillons avec l’Université de Windsor pour tenter de mieux comprendre la question même de savoir où va le flétan noir, où il se reproduit et si nous devrions protéger les frayères en particulier. Y a-t-il des domaines auxquels nous devrions accorder plus d’attention? Nous tentons donc de fournir une aide afin d’acquérir des connaissances supplémentaires à ce sujet.

La vice-présidente : Qu’en est-il des oiseaux de mer?

M. Crowley : En ce qui concerne les oiseaux de mer, on observe beaucoup de changements, tout comme dans leurs sources de nourriture. Là où ils se nourrissaient de morue polaire, et une colonie en aurait dépendu... J’ai lu des articles publiés dans des revues avec comité de lecture selon lesquels, s’il y a moins de morue ou que ce poisson s’est déplacé, on retrouve maintenant le chabot, qui est un poisson très épineux. C’est un poisson laid, pour ainsi dire, et qui procure beaucoup moins d’énergie. Ces colonies ne vont pas bien. Les jeunes ne peuvent pas avaler ce poisson, et la quantité d’énergie contenue dans ces poissons est réduite, de sorte que les colonies d’oiseaux sont en danger.

Les écosystèmes en mutation ont cette incidence. En outre, nous devons mieux comprendre les problèmes de prises accessoires en matière de pêche commerciale. C’est quelque chose que nous ne comprenons pas encore tout à fait.

La vice-présidente : J’apprécie vos commentaires au sujet de l’économie fondée sur la conservation. Je pense que nous connaissons assez bien, sinon très bien, les travaux de Mary Simon dans ce domaine.

Comment faites-vous le lien avec le risque pour certaines espèces? Vous avez mentionné le caribou et les préoccupations futures quant aux ours polaires. Je ne sais pas quelle place occupe le bœuf musqué dans tout cela. Ensuite, vous faites le lien avec les changements constatés chez les poissons, puis vous examinez les plastiques dans l’eau, et ceux-ci se retrouvent dans l’estomac des oiseaux de mer. Quels changements prévoyez-vous compte tenu de tous ces éléments dans l’économie fondée sur la conservation?

M. Crowley : Assurément, la récolte devient de plus en plus difficile à mesure que l’environnement change. Dans une vie antérieure, j’ai travaillé avec Sheila Watt-Cloutier, et nous avons réalisé énormément de recherche sur l’incidence de la récolte. Nous avons constaté des conditions moins fiables, une glace de mer moins fiable. Des chasseurs ont traversé la banquise, là où auparavant, ils pouvaient le faire sans danger. Avec le réchauffement des températures, la glace s’est fragilisée par en dessous.

Personnellement, je constate que les chasseurs individuels savent très bien s’adapter. Bien que cette adaptation comporte des limites, le métier de chasseur consiste tous les jours à regarder la situation et à se demander : « À quoi suis-je confronté aujourd’hui? » Toutefois, nos institutions n’ont pas cette facilité d’adaptation. Elles mettent plus de temps à dire : « D’accord, le nombre de caribous diminue. Comment allons-nous gérer cette situation? » Comment permettre à ces institutions d’avoir une plus grande capacité d’adaptation? À mes yeux, la meilleure solution est d’autonomiser les collectivités locales grâce à une gestion dirigée par les Autochtones. Celles qui sont le plus à risque devraient avoir leur mot à dire, mais pas exclusivement, car ces hardes appartiennent à l’ensemble du Canada et sont importantes pour le monde. Toutefois, ceux qui assument le risque devraient assurément diriger la gestion, la science et la surveillance connexes en dirigeant la protection de ces zones.

L’environnement est en mutation, et j’estime donc que des investissements dans ce type d’activités de conservation, liés à des investissements supplémentaires, sont vraiment importants. Nous avons actuellement une possibilité dans la région de Baffin. Nous sommes sur le point d’obtenir une protection marine vraiment intéressante. Avec le projet de loi C-55, qui fait l’objet d’un amendement devant le comité des pêches, nous aimerions certainement que cet amendement ne soit pas soumis à un examen et que le projet de loi C-55 fasse l’objet d’une adoption accélérée, car il permettra la conservation dirigée par les Autochtones dans ces zones ainsi que des investissements en ce sens.

La vice-présidente : J’apprécie cette observation, et je dois vous signaler que je suis la marraine du projet de loi C-55. Il a été présenté au Comité sénatorial des pêches et est sur le point de l’être à la Chambre à l’étape de la troisième lecture. Tous ces travaux vont de pair, dirons-nous.

Je voudrais cependant revenir sur votre commentaire, que je trouve particulièrement intéressant : les personnes les plus touchées devraient être les plus écoutées. Que fait-on pour que le savoir, les préoccupations, les observations et les traditions des Autochtones fassent partie des travaux scientifiques en cours dans notre Arctique?

M. Crowley : Nous souhaitons certainement que cela se produise de plus en plus, tout comme le milieu scientifique.

La vice-présidente : Les choses ont-elles progressé au cours des dernières années?

M. Crowley : Je dirais que c’est effectivement le cas dans le Nord, pendant la période où j’y étais.

La vice-présidente : Les choses ont-elles suffisamment bougé?

M. Crowley : Non, mais je ne pense pas que cela ait un lien avec les personnes qui font le travail. C’est lié à la gouvernance de ces questions. Si, dans une région, la gouvernance est dévolue à la collectivité locale ou aux organisations autochtones de la région, la gouvernance donnera alors le ton aux exigences à cet égard. Jusqu’à ce que cela se produise, je ne sais pas si la situation pourra évoluer davantage. Il s’agit vraiment de la décentralisation de la gouvernance.

La décentralisation est un problème, par exemple, au Nunavut — les négociations sur le transfert des responsabilités du gouvernement fédéral au gouvernement du Nunavut. Or, à mon avis, la question est plus générale qu’un simple transfert des responsabilités au gouvernement du Nunavut pour ce qui est des terres et des ressources. Il n’existe aucune autre façon de procéder à ce transfert des responsabilités. Le gouvernement peut transférer ces responsabilités à la collectivité locale en créant une aire de conservation, mais en veillant à ce que la gouvernance de cette aire de conservation soit dirigée localement.

La vice-présidente : Vous avez mentionné le programme de gardiens un peu plus tôt. Pouvez-vous préciser comment vous verriez les Rangers ou le programme des gardiens? Voulez-vous en débattre un peu plus?

M. Crowley : Quand je dis « gardiens », je devrais dire, en fait, « un programme semblable à celui des gardiens », car le concept général est adapté aux régions. Ce sont essentiellement ceux qui connaissent le pays et qui sont sur le terrain qui devraient assumer le rôle de gardiens du territoire et disposer des moyens pour le faire.

Dans la région de Baffin, il y avait un projet pilote dans la baie de l’Arctique. Le projet n’était pas connu comme un programme de gardiens, mais il présente des caractéristiques similaires. En gros, cela a permis aux Inuits des collectivités locales d’utiliser les compétences dont ils ont besoin pour être des gardiens et gérer les terres qui les entourent. C’est un investissement qui leur permet de prendre en charge des éléments comme la capacité de lutte contre les déversements d’hydrocarbures, laquelle est très faible dans le Nord et qui devrait faire l’objet d’une plus grande surveillance scientifique et des changements climatiques. Ils peuvent ensuite occuper ces emplois, et ce sont des emplois. Ce n’est pas quelque chose qui devrait être fait sur le coin du bureau, la fin de semaine. Ce sont des emplois à temps plein qui sont importants non pas seulement pour la région, mais également pour le reste d’entre nous afin que nous puissions comprendre ce qui se passe dans l’Arctique et l’incidence des changements sur cette région.

La vice-présidente : Vous avez mentionné les déversements d’hydrocarbures. Avec l’ouverture de l’océan Arctique, voyez-vous cela comme un problème croissant?

M. Crowley : Oui, tout comme le constate le Conseil de l’Arctique. Les déversements provenant de navires ont été considérés comme l’un des plus grands risques pour l’océan Arctique. Le Canada est mal équipé pour faire face à des déversements dans l’Arctique, qu’il s’agisse d’un petit déversement ou d’un déversement massif. La plupart des collectivités du Nunavut, par exemple, disposent d’un conteneur sur le rivage pour lequel une personne peut avoir ou non la clé; ce conteneur peut ou non contenir de l’équipement, et cette personne sait peut-être comment l’utiliser. Nous ne sommes pas vraiment équipés pour faire face à des déversements provenant de navires ou autres.

À titre d’exemple, le Fonds mondial de la nature collabore avec la collectivité de Resolute Bay afin d’élaborer un plan communautaire à cette fin. Toutefois, ce plan doit disposer de ressources, et ce, de façon continue, afin que les personnes puissent s’entraîner et que l’équipement soit tenu à jour, et ce n’est que pour une collectivité. Chaque collectivité en a besoin, et une mise à niveau s’impose à cet égard; il devrait également y avoir des plans régionaux de lutte contre les déversements.

La vice-présidente : Je vais revenir à la recherche et à la combinaison de connaissances scientifiques et de savoir autochtone. Grâce à la station de recherche à Cambridge Bay, je sais que cela fonctionne, ou du moins dans certaines zones. Je suppose qu’il y a quelques éléments. Ce n’est pas tout à fait fonctionnel. Collaborez-vous avec les responsables de cette station? Avez-vous des programmes ou des projets de recherche liés à la station de recherche à Cambridge Bay?

M. Crowley : Pas tellement jusqu’à présent, et c’est une déception. Je pense que la SRCEA, la Station de recherche du Canada dans l’Extrême-Arctique, a mis un certain temps à fonctionner et à être réellement opérationnelle. On y fait de l’excellent travail, mais ce n’est pas le genre de travaux auxquels nous participons pour l’instant. J’espère qu’à l’avenir, nous serons en mesure d’être complémentaires et d’appuyer le travail de la station.

À titre d’exemple, nous avons un programme appelé le Fonds pour la conservation des espèces de l’Arctique. Nous ne sommes pas une grande organisation au Canada, mais nous octroyons des fonds supplémentaires à des chercheurs qui visent habituellement l’obtention d’un financement autour de 30 000 $. Parfois, c’est ce type de financement qui permet à une collectivité d’établir des liens avec un programme de recherche. Nous espérons pouvoir intégrer davantage nos activités avec les travaux issus de la SRCEA.

La vice-présidente : Les membres de notre comité se sont rendus en Arctique en septembre dernier. Je pense qu’il est juste de dire que nous avons été impressionnés par la SRCEA et son potentiel. J’attends avec impatience de la voir fonctionner à pleine capacité plutôt que partiellement. Lorsque nous étions là-bas, une grande partie de l’équipement venait tout juste d’être livré, mais n’avait pas encore été connecté. J’attends tout cela avec intérêt. J’encourage les chercheurs internationaux dans l’Arctique à utiliser cette installation.

Y a-t-il d’autres idées que nous devrions mettre de l’avant dans notre rapport? Nous sommes un comité spécial, et notre existence est donc de courte durée. Nous voulons que nos travaux éphémères aient de profondes répercussions.

M. Crowley : Comme je veux profiter de l’occasion, je vais signaler quelques autres éléments.

Récemment, lors de l’évaluation environnementale stratégique relative à l’exploitation pétrolière et gazière dans la baie de Baffin et le détroit de Davis, nous avons constaté que nous ne sommes pas préparés pour l’exploitation pétrolière et gazière, certainement pas dans l’Est de l’Arctique. À moins d’un investissement accru dans des mesures comme les interventions en cas de déversement et jusqu’à ce qu’on en sache davantage au sujet des répercussions potentielles sur l’activité sismique ou l’intensification de la navigation, j’encourage le maintien du moratoire sur les nouvelles licences et les nouveaux permis pour l’exploitation pétrolière et gazière. J’hésiterais également à permettre des projets d’exploitation pétrolière et gazière jusqu’à ce que les conditions soient réunies. Voilà la première idée.

En second lieu, j’encouragerais aussi le comité à examiner la nécessité de planifier les réseaux. À l’instar de la planification de l’utilisation du territoire, il convient de planifier les réseaux, en ce qui concerne les zones de protection marine et la planification spatiale marine, afin d’avoir une certitude quant à ce qui doit être fait dans notre environnement marin, aux conditions propices à certaines activités et à l’endroit où il convient de prévoir des protections dans le but d’assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires ainsi que la récolte qui permet la sécurité alimentaire.

Actuellement, le Canada entreprend la planification du réseau dans cinq régions. L’Est de l’Arctique n’en fait pas partie. Dans l’Ouest de l’Arctique, la situation stagne. Je nous encouragerais à être très proactifs et à effectuer cette planification. Le Fonds mondial de la nature travaille actuellement très fort sur un projet qui fournirait la dimension écologique de ce à quoi un réseau pourrait correspondre dans l’Est de l’Arctique, mais la planification complète d’un réseau en vaudrait la peine.

Il y a eu un bon début, mais nous avons besoin d’un soutien pour les énergies renouvelables dans l’Arctique. Nous avons effectué des travaux, en particulier au Nunavut, qui démontrent l’existence d’un potentiel intéressant pour les énergies renouvelables, en particulier l’énergie éolienne et solaire avec stockage. Nous savons que l’Alaska compte plus de 60 collectivités qui utilisent des systèmes hybrides au diesel et aux énergies renouvelables. Dans de nombreux cas, ils réduisent considérablement l’utilisation du diesel — de plus de 40 p. 100 dans certaines collectivités et même jusqu’à 100 p. 100 à certains moments de l’année.

Au Canada, même si nos collectivités sont tout aussi éloignées et que les ressources pour les énergies renouvelables sont tout aussi bonnes, nous n’avons pas déployé d’énergies renouvelables à l’échelle de la collectivité. J’encouragerais le soutien fédéral à cet égard. Il est très difficile pour les services publics de la Couronne appartenant aux territoires de le faire tout en maintenant l’infrastructure du diesel, qui restera pendant un certain temps le pilier de la sécurité énergétique dans le Nord. Cependant, une transition vers les énergies renouvelables, qui récupèrent l’énergie de l’environnement local de manière durable, pourrait nécessiter un soutien supplémentaire.

La vice-présidente : Merci.

La sénatrice Anderson : Vous avez parlé d’investissements dans l’économie fondée sur la conservation. Y a-t-on eu recours au Nunavut pour résoudre des problèmes de sécurité alimentaire au chapitre de la récolte, ou estimez-vous qu’il s’agit d’une option pour résoudre certains problèmes de sécurité alimentaire auxquels est confronté le Nord?

M. Crowley : Absolument. Par exemple, la Qikiqtani Inuit Association a proposé des chasseurs à temps plein qui pourraient aider la collectivité et lui fournir de la nourriture. Cela doit toutefois être adapté, notamment en ce qui concerne la protection et la gestion de la récolte des troupeaux de caribous. Le caribou est une source de nourriture très importante pour de nombreuses collectivités du Nord. Il faut avant tout protéger l’habitat pour permettre aux troupeaux de connaître leur cycle normal de croissance et de décroissance. Ensuite, il faut investir beaucoup plus dans la récolte et la gestion de ces troupeaux. Par exemple, on a modifié le programme Nutrition Nord afin de permettre un soutien de la récolte, mais s’il n’y a pas de caribou à récolter, vous n’êtes pas plus avancés. Tout doit s’emboîter. Si vous investissiez davantage dans ce type de programme, les gardiens, la surveillance, vous seriez mieux en mesure de comprendre comment se comporte le caribou de la toundra. C’est un travail très coûteux. C’est en région éloignée. Même le dénombrement approprié des troupeaux coûte très cher. Plus d’investissement à cet égard serait très approprié. Passons ensuite à l’écologie et à la façon dont le climat change, aux répercussions de l’industrialisation et de l’exploration sur les troupeaux également.

La sénatrice Anderson : Quyanainni.

La vice-présidente : Nous avons parlé de l’économie fondée sur la conservation. Bien entendu, l’autre aspect de cette question est l’économie fondée sur les activités d’extraction. Voulez-vous approfondir ce que vous avez dit au sujet de l’économie fondée sur les activités d’extraction? Vous avez parlé de l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers. Je crois comprendre que l’extraction coûte environ 100 $ le baril. Avec les marchés mondiaux, nous n’y sommes pas encore. Que pensez-vous de l’économie fondée sur les activités d’extraction terrestres?

M. Crowley : Bien sûr. À ma connaissance, le pétrole et le gaz dans l’Arctique coûtent au moins 150 $ le baril pour atteindre le seuil de rentabilité. Nous savons qu’à l’est du Nunavut et dans le nord-ouest du Groenland, un vaste programme d’exploration n’a donné aucun résultat. Nous savons que, dans la mer de Beaufort, des décennies de travail ont été consacrées à la mise en valeur de cette industrie. Vraiment, cela n’a donné aucun résultat. Nous avons vu que, dans l’Alaska arctique, Shell a investi 2 milliards de dollars dans l’exploration. Le rendement du capital investi ne s’est pas matérialisé, et l’entreprise s’est retirée.

Cela dit, il y a une place pour l’économie fondée sur les activités d’extraction dans le Nord. Au Fonds mondial de la nature, nous admettons cela. Nous savons qu’elle joue un rôle important dans le développement de l’économie du Nord. Je ne voudrais pas trop insister sur ce rôle, toutefois. Actuellement, particulièrement au Nunavut, où je connais mieux les problèmes, notre bassin de main-d’œuvre ne peut pas suffire à la demande des mines existantes. Les avantages découlant de mines supplémentaires sont assez limités. Les redevances provenant des mines au Canada ne sont en réalité pas si importantes. Nous sommes très loin d’obtenir un emploi local, d’employer des Inuits dans les mines à des niveaux qui seraient représentatifs de la population. Le bassin de main-d’œuvre n’est pas là.

Nous étions récemment à Taloyoak, au Nunavut. La collectivité là-bas cherche à protéger son troupeau de caribous. Les membres de la collectivité aimeraient créer un type d’aire de conservation à cette fin. Ils ont été très clairs. Ils ont dit : « Nous ne sommes pas des mineurs; nous sommes des chasseurs. Nous savons déjà que nous pouvons obtenir des emplois dans les mines existantes, que ce soit à la mine Baffinland dans le Nord de l’île de Baffin, à la mine à Meadowbank ou à celle qui ouvrira ses portes près de Rankin Inlet. » Des emplois seront offerts là-bas, mais cela ne leur correspond pas. Ce n’est pas ce qu’ils recherchent.

La promotion des industries extractives exige beaucoup de travail et de subventions, comme la construction de routes et d’infrastructures qui parfois n’aident pas vraiment les collectivités, lesquelles en sont éloignées, n’améliorent pas leur accès au territoire et ne renforcent pas leur capacité de se nourrir. Pas plus que la construction d’un port, s’il ne fait pas partie d’une collectivité.

Donnons à l’industrie extractive ce qui lui revient, mais sans plus. Examinons d’autres moyens de promouvoir une économie fondée sur la conservation et une économie traditionnelle mieux adaptées aux collectivités. Nos collectivités souffrent à bien des égards. Si vous regardez les indicateurs sociaux et de santé, ils ne sont pas très bons. Un coup de pouce extrême afin que l’on passe des routes à des ressources consacrées aux activités d’extraction n’a pas réellement eu les effets escomptés, ou ceux qui en font la promotion ne sont pas ceux qui pourraient en tirer profit sur le plan de l’amélioration de la collectivité grâce à eux.

La vice-présidente : Je vous remercie de ces commentaires.

Pour terminer sur une question, vous parlez des collectivités locales, et nous avons parlé du savoir autochtone. Je voudrais donc savoir comment le Fonds mondial de la nature collabore avec les collectivités autochtones locales pour mener à bien son travail.

M. Crowley : Je suppose que nous tenons pour acquis, même si nous ne le devrions pas, que nous ne travaillerons que sur des questions de conservation bénéficiant du soutien de la collectivité. En fait, nous avons un programme que nous appelons la voix des communautés; nous travaillons avec les membres qui possèdent le plus le savoir traditionnel dans les collectivités afin de veiller à ce que leur voix soit entendue dans les processus réglementaires toujours croissants et de plus en plus complexes. Habituellement, les chasseurs et ceux qui connaissent le territoire consulteront une évaluation environnementale stratégique et seront frustrés d’avoir des pages et des pages à lire en anglais. Ils devront ensuite formuler des commentaires sur ce processus étrange avec lequel ils ne sont pas vraiment à l’aise; alors, il se peut qu’ils aillent plutôt à la chasse, tout simplement. Nous travaillons donc avec des organisations de chasseurs et de piégeurs et des hameaux afin d’appuyer leur voix.

Comme à Taloyoak, nous sommes allés là-bas et avons dit : « Comment pouvons-nous offrir un soutien? » Ils ont dit : « Eh bien, nous tentons de protéger les terres sur lesquelles vivent nos caribous depuis des décennies, et nous n’avons pas obtenu l’aide souhaitée. Alors, aidez-nous à l’obtenir. » Voilà comment nous travaillons.

À Arviat, nous venons de mettre fin à un programme qui, pendant des années, a aidé la collectivité grâce à un financement qui lui a permis de disposer d’un gardien d’ours polaires pour chasser les ours à l’extérieur de la collectivité à l’automne, et ce programme a été très bien accueilli. Ce n’est pas un programme habituel de conservation, mais nous avons pensé que c’était vraiment important, et la collectivité l’a vraiment apprécié.

Nous travaillons au meilleur de nos capacités dans les collectivités. Nous avons des bureaux dans le Nord. Nous avons des bureaux à Iqaluit, une personne à Yellowknife et, jusqu’à tout récemment, une personne à Inuvik. Nous envisageons de déployer plus de personnes. Nous avons de plus en plus de personnes dans le Nord. Présentement, l’ancien premier ministre du Nunavut, M. Paul Okalik, travaille avec nous. Nous essayons réellement de soutenir les initiatives communautaires du mieux que nous le pouvons, lorsqu’on nous demande de l’aide.

Nous avons également soutenu la Commission Pikialasorsuaq, une commission inuite qui étudie la polynie des eaux du Nord. Il s’agit d’une région extrêmement importante entre le Groenland et le Canada dans l’Extrême-Arctique.

Cela fait partie de notre travail habituel.

La vice-présidente : Merci. Monsieur Crowley, je tiens à vous remercier de votre témoignage aujourd’hui. Je vous suis reconnaissante d’avoir pris le temps de nous faire part de votre expertise. Cela nous aidera certainement pour la suite des choses. Merci beaucoup.

Je suis très heureuse de vous présenter notre troisième témoin d’aujourd’hui, M. Les Klapatiuk, président d’International Logistical Support Inc., (ILS). Je vais vous demander de présenter votre discours préliminaire, puis nous passerons à la période de questions. Puisqu’un certain nombre des membres de notre comité sont en déplacement en raison des travaux du Sénat ou de travaux connexes, les questions que nous allons vous poser, comme cela a été le cas avec les témoins précédents, seront axées sur leurs préoccupations ainsi que les nôtres. J’espère que vous ne voyez pas d’inconvénients à ce que nous vous posions des questions d’une multitude de points de vue, même si nous sommes peu nombreux.

Les Klapatiuk, président, International Logistical Support Inc. (ILS) : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Sénatrice Anderson, c’est bon de vous revoir.

Le titre de mon exposé est « Vous en souciez-vous? ». La politique du Canada pour l’Arctique comporte des lacunes qui ont des conséquences sur la souveraineté, la sécurité, l’environnement, l’économie et la gouvernance.

Je m’appelle Les Klapatiuk, et mon entreprise s’appelle International Logistical Support. Je possède et exploite un hangar à l’aéroport d’Inuvik. Je suis un sous-traitant du ministère de la Défense nationale pour le NORAD et les opérations nationales liées à la souveraineté. ILS est une entreprise pour la défense dans le Nord... loin dans le Nord, à l’aéroport d’Inuvik.

Comme je l’ai mentionné, notre politique est lacunaire. D’autres pays se dotent d’une politique relative à l’Arctique. Il y a les États arctiques; la politique de la Russie, en voie d’élaboration, cible des aspects militaires et économiques et elle est aussi en train de construire ou de reconstruire son infrastructure; les États-Unis sont en train de réélaborer leur politique et, en mars 2019, ils ont mis à jour les aspects relatifs à leur structure de défense et à l’Arctique. Le Canada, quant à lui, n’a toujours pas de réelle politique pour l’Arctique.

Même la Chine, un État non arctique, s’est dotée d’un livre blanc sur l’Arctique. C’est son initiative de la « Nouvelle route de la soie » polaire. La Grande-Bretagne a adopté une politique en matière de défense intitulée « On Thin Ice ». À certains égards, le Canada pourrait prendre des mesures similaires.

Il y a des menaces conventionnelles à la souveraineté. La Russie a lancé des opérations militaires dans l’Arctique. Elle est en train de rénover toutes ses bases. La position de la Russie est renforcée et est équivalente à celle qu’elle avait pendant la Guerre froide. Pour la Russie, les ressources naturelles, en particulier le pétrole et le gaz naturel, sont des ressources stratégiques dans le cadre de sa politique de défense, comme cela est mentionné dans le rapport de renseignement de la Norvège, Focus 2019.

Au Canada, Inuvik est l’emplacement stratégique le plus important pour la défense dans l’Arctique. Cependant, le Canada l’a terriblement négligé. Des menaces internes pèsent également sur la souveraineté et la sécurité. D’autres pays empruntent le passage du Nord-Ouest, tandis que les capacités du Canada sont limitées. Il y a aussi un important déficit infrastructurel dans l’Arctique. Nous n’avons aucun approvisionnement stratégique en combustible, que ce soit pour le NORAD ou pour les navires océaniques. Nous n’avons aucun appui aérien stratégique non plus, aucune ressource de recherche et de sauvetage. Vous en souciez-vous, au bout du compte?

Il y a aussi des menaces économiques visant la souveraineté et la sécurité. La Chine a des investissements financiers partout dans le monde, et elle compte les utiliser à des fins de conquête. C’est un fait connu en Afrique. La Chine a investi dans l’Arctique canadien, parce qu’elle estime que le Canada a délaissé son propre territoire dans l’Arctique.

Il y a des investissements stratégiques que l’on pourrait effectuer dans l’industrie pétrolière et gazière et dans l’infrastructure marine de l’Arctique. Pour plus de précision : la sénatrice Anderson m’a dit que des Chinois étaient passés par Tuktoyaktuk pour y examiner les ressources marines qui s’y trouvaient. Il est extrêmement critique que nous ayons la main haute sur l’infrastructure arctique. Compte tenu des capacités logistiques de l’infrastructure arctique, quiconque la possède contrôle également l’accès aux ressources en mer et sur terre.

Tout le monde peut librement emprunter le passage du Nord-Ouest. Le manque d’investissement du Canada dans l’Arctique et la croissance économique ont pour effet de décimer l’Arctique. Les interdictions de forage, la lenteur des études environnementales et la confusion entre la politique sociale et la politique économique créent de l’instabilité pour les investissements. Les investisseurs vont délaisser l’Arctique. Selon moi, la stratégie pour notre Arctique est atrophiée.

Je vais aborder la mission d’International Logistical Support. ILS est une entreprise pour la défense dans le Nord qui appuie le NORAD et les opérations liées à la souveraineté dans le Nord. Nous travaillons à l’établissement d’un centre de recherche et de sauvetage dans l’Ouest de l’Arctique, parce qu’il n’y a rien présentement.

Le centre d’ILS joue divers rôles stratégiques. Nous soutenons le NORAD en plus de nos autres activités. Nous fournissons des hangars et agissons à titre de centre logistique pour les principaux exercices militaires. Nous fournissons un centre de recherche et de sauvetage ainsi qu’un centre de réparations pour les aéronefs militaires endommagés. Le centre d’ILS est un carrefour stratégique dans l’Ouest de l’Arctique.

Cependant — pour revenir aux menaces économiques internes —, les Opérations immobilières du ministère de la Défense nationale ont mis fin au contrat d’utilisation des hangars d’ILS. Nous sommes de retour à la table de négociations. Il n’est pas clair pourquoi le Canada se dessaisit des quelques ressources auxquelles il a accès dans l’Arctique. On serait en droit de se demander si la défense de l’Arctique et les opérations de recherche et de sauvetage ont vraiment de l’importance pour le Canada.

Les photos affichées à la diapositive suivante ont toutes été prises le mois dernier à Inuvik. Un Twin Otter s’était écrasé sur la glace et avait perdu sa roue avant. Les photos montrent l’hélicoptère en train d’élinguer le Twin Otter; des hélicoptères Griffin en train d’être déchargés d’un C-17; mon hangar, où se trouve un aéronef à voilure fixe appartenant à DLR, le Centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique, qui était là pour mener une étude sur les changements climatiques; et, bien sûr, un Sikorsky S-61, un hélicoptère civil de transport lourd.

Inuvik a été construit afin d’être un centre de défense; il possède plusieurs attributs essentiels à la défense de l’Amérique du Nord. Il est situé au cœur de la défense aérienne du Canada et du NORAD, et c’est l’endroit le plus près de la région d’où émanent les menaces. Par « cœur », je veux dire que tous les avions de chasse et les ravitailleurs ainsi que toutes les autres ressources se regroupent à Inuvik avant de décoller pour combattre les menaces entrantes, peu importe lesquelles, car, oui, effectivement, il y a des menaces entrantes.

Il s’agit de la seule piste asphaltée au nord du cercle arctique canadien. La piste d’Inuvik peut être prolongée de 3 000 à 9 000 pieds. C’est l’installation d’entretien centrale dans l’Ouest de l’Arctique pour le Système d’alerte du Nord. C’est aussi la passerelle pour l’Ouest de l’Arctique, le Passage du Nord-Ouest et l’archipel Arctique. C’est le meilleur endroit de téléchargement de l’information par satellite au Canada et en Amérique du Nord. C’est le point le plus septentrional du Canada qui dispose d’une connexion à fibres optiques pour les communications en temps réel. La route vers le Sud est ouverte toute l’année. ILS peut mettre des hangars à la disposition des opérations pour la défense et la souveraineté, près de l’emplacement d’opérations avancées d’Inuvik.

La recherche et le sauvetage égalent la souveraineté. J’adore dire cela. Nous recueillons des fonds pour nos garde-côtes bénévoles en organisant des bingos, des ventes de pâtisseries et des collectes de dons. Le mois dernier, nous avons organisé un bingo à Inuvik et avons remis 50 000 $. La Garde côtière canadienne elle-même a une présence minimale dans l’Arctique. Il n’y a pas de ressources ou d’infrastructure de recherche et de sauvetage dans l’Arctique. Le Canada n’est donc pas en mesure de respecter ses engagements internationaux en matière de recherche et de sauvetage. Nous n’avons pas du tout les ressources nécessaires dans l’Arctique. Je vais utiliser le problème du Viking Star comme exemple. Le navire est tombé en panne près de la côte norvégienne, mais heureusement, il était suffisamment près des centres où se trouvaient des hélicoptères. Au Canada, cependant, dans le Passage du Nord-Ouest, où le Crystal Serenity a circulé il y a plusieurs années, nous n’aurions pas été en mesure de lui porter secours si un problème était survenu. Cela aurait été impossible.

Depuis plus de 100 ans, l’industrie est présente dans l’Arctique. Il y a très longtemps, la Compagnie de la Baie d’Hudson et d’autres s’y trouvaient, par exemple les baleiniers qui passaient l’hiver près de l’île Herschel. L’industrie crée l’infrastructure. Elle assure la souveraineté du pays par sa présence et par des projets de développement. Elle offre des capacités de recherche et de sauvetage et procure des avantages économiques à tous. Elle contribue à l’amélioration des services sociaux, des soins de santé, du système de justice, du logement et de l’éducation. Pourquoi donc l’industrie est-elle pénalisée pour sa présence dans l’Arctique?

En conclusion, le déficit infrastructurel du Canada dans l’Arctique est considérable et ne cesse de progresser. En matière de défense, la capacité insuffisante du Canada se répercute sur la défense de l’Amérique du Nord. Le Canada ne s’est pas doté d’une politique pour l’Arctique qui soit viable. Le Canada ne possède pas les capacités de recherche et de sauvetage nécessaires dans l’Arctique. Les facteurs de menace ne font qu’augmenter. J’ajouterai également à cette liste que nous n’avons aucune capacité d’intervention en cas de déversement. J’ai participé à l’intervention lorsqu’il y a eu le déversement dans le delta du Mackenzie il y a plusieurs années, et tout était lié à l’industrie ou dirigé par elle. La Garde côtière ne fait que commencer son travail dans la région.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Anderson : L’une de vos diapositives portait sur la Garde côtière et la façon dont elle est financée. Pouvez-vous nous parler de la Garde côtière auxiliaire, de son rôle, de ses responsabilités et des régions dont elle s’occupe?

M. Klapatiuk : La Garde côtière auxiliaire canadienne — ou GCAC — est un organisme formé de bénévoles qui s’occupe de la plus grande région au Canada, pratiquement aussi grande que l’île de Vancouver. Cette région va de l’ouest de l’île Herschel jusqu’à environ Tuktoyaktuk et du sud du fleuve Mackenzie jusqu’à Normal Wells. C’est une étendue immense. Nous recueillons des fonds pour qu’elle puisse mener ses activités. L’année dernière, j’ai présenté une proposition à BRP — anciennement Bombardier Produits récréatifs — et elle nous a donné deux Sea-Doo de recherche et sauvetage. Nous les avons ajoutés à notre liste de matériel de recherche et sauvetage. Nous sommes le seul groupe bénévole de recherche et de sauvetage au Canada qui possède des Sea-Doo. Comme tous les autres acteurs dans l’Arctique, nous organisons des bingos et des ventes de pâtisseries afin de recueillir les fonds nécessaires à la formation et à l’achat d’équipement.

La sénatrice Anderson : À propos du financement, de quoi auriez-vous besoin si on vous offrait un financement pour ce programme?

M. Klapatiuk : Ce dont nous aurions besoin?

La sénatrice Anderson : Oui.

M. Klapatiuk : J’ai récemment discuté avec une personne de la Garde côtière, et même un endroit pour entreposer l’équipement coûterait 50 000 $ par année. Nous sommes des bénévoles, mais nous avons créé le seul centre de recherche et sauvetage dans l’Ouest de l’Arctique. Nous utilisons des communicateurs satellites inReach. Nous utilisons cela en conjonction avec des communications satellites, des radios VHF, des téléphones et des téléphones cellulaires afin de communiquer avec les intervenants qui sont en mer.

Si vous me demandez si nous aurions besoin de financement, la réponse est : nous avons besoin d’un nouveau navire, d’un entrepôt pour entreposer le matériel et d’un centre de formation. Jusqu’ici nous finançons toutes nos activités grâce au bingo.

La vice-présidente : Que ce soit dans le Nord ou dans le Sud, je crois que les bingos et les ventes de pâtisseries sont utilisés pour financer énormément de choses. Nous avons tous déjà participé à un bingo ou une vente de pâtisseries. Je comprends bien ce que vous dites.

La sénatrice Anderson : Vous avez mentionné la Chine, la Russie ainsi que des risques potentiels liés à l’absence d’une politique canadienne pour l’Arctique. Selon vous, qu’est-ce que le Canada devrait faire, au minimum, en ce qui concerne les ressources dans l’Arctique et pour élaborer une politique à cet égard?

M. Klapatiuk : Premièrement, pour ce qui est de l’aspect de défense, nous devons recommencer à investir dans l’Arctique. Cela fait longtemps que les vivres ont été coupés. L’infrastructure est dans un état désastreux.

Je peux aussi parler des ressources aériennes dans la région d’Inuvik. L’emplacement d’opérations avancées d’Inuvik peut accueillir six F-18, mais elle a besoin d’un entretien majeur. Comme pays arctique — nous le défendons et faisons partie de NORAD —, nous devrions déployer au moins quelques F-18 et les maintenir à Inuvik. Il n’y a aucune capacité à Inuvik en ce qui concerne les avions-citernes. En outre, la portée des avions de chasse qui vont et qui viennent est limitée par le volume de combustible qu’ils consomment. Nous avons besoin d’un avion ravitailleur. Cela a bien été mis en évidence dans la politique de défense pour l’Arctique de la Grande-Bretagne, intitulée « On thin Ice ». Dans le rapport, on se désole de l’absence d’avions ravitailleurs. Nous en avons besoin d’un, et le meilleur endroit où le déployer est Inuvik.

Même si on s’intéresse à la militarisation de l’Arctique, le fait est que si nous n’avons qu’une présence, et donc aucune souveraineté, dans l’Arctique, nous ne pouvons rien faire. Comment peut-on dire que l’Arctique appartient au Canada? C’est la première chose que nous devrions envisager de faire pour renforcer nos ressources aériennes. Plus précisément, nous devrions établir des centres opérationnels. Inuvik est le seul centre opérationnel occupé en tout temps. Mon entreprise est toujours intégrée au centre opérationnel. Nous accordons la priorité à un centre opérationnel, une base qui doit être remise à neuf. Ensuite, nous passons à une autre, comme celle de Yellowknife, puis celle d’Iqaluit.

Pour ce qui est des installations maritimes, je ne suis pas un expert dans le domaine, mais je sais que nous n’avons pas la capacité de déployer des brise-glaces. La Russie dispose, je crois, de 43 brise-glaces et elle est en train de construire de nouveaux brise-glaces à propulsion nucléaire. La Chine va faire de même. Par ailleurs, nous avons des patrouilleurs qui ne pourront pas circuler dans les eaux où la glace est profonde et épaisse.

Le fait que nous n’ayons aucune capacité de recherche et de sauvetage dans l’Arctique est un autre problème. L’Arctique représente 40 p. 100 du territoire canadien; et pourtant, nous n’avons aucune ressource pour la recherche et le sauvetage en cas de problème, que ce soit un aéronef, un hélicoptère ou des infrastructures.

La vice-présidente : J’aimerais revenir sur deux ou trois choses que vous avez dites, afin de les clarifier. Je sais que le comité des pêches et des océans a réalisé une étude sur la recherche et le sauvetage. Avez-vous témoigné devant ce comité pendant son étude? Avez-vous lu son rapport? Je sais que les membres se sont rendus dans le Nord et à l’étranger, alors je me demandais tout bonnement si vous aviez témoigné devant eux. Avez-vous lu leur rapport?

M. Klapatiuk : Je ne crois pas, non. J’ai lu un rapport — je ne suis pas sûr de savoir qui l’avait rédigé —, mais c’était un rapport soit du ministère des Pêches et des Océans, soit de la Garde côtière. Selon le rapport, si le gouvernement fédéral embauchait du personnel pour remplacer les unités de recherche et de sauvetage bénévoles, cela coûterait plus de 300 millions de dollars pour remplacer les ressources et environ 200 millions de dollars annuellement en salaires. Nous, comme bénévoles, devons acheter nos propres bateaux, et nous payons notre propre formation. Nous soulageons le gouvernement fédéral d’un énorme fardeau en ce qui touche l’infrastructure, les ressources et le personnel.

La vice-présidente : Était-il question dans le rapport de la Grande-Bretagne de tout le travail effectué par les bénévoles au large des côtes britanniques? Des membres de ma famille ont récolté des fonds pour cela et ont également travaillé comme bénévole pendant des générations. Je veux seulement établir des liens avec ce que vous dites, parce que je crois qu’en Grande-Bretagne les unités de recherche et de sauvetage bénévoles sont très impressionnantes.

M. Klapatiuk : Je trouve que tous les groupes de bénévoles sont extrêmement impressionnants, vu tout le travail à faire et le fait qu’il s’agit de bénévoles; ces gens ont aussi un travail à temps plein. Je ne connais pas vraiment le modèle britannique. Je sais cependant qu’à Inuvik — ce modèle, je le connais très bien —, les bénévoles passent énormément de temps simplement à recueillir des fonds. Les bénévoles offrent leur temps et, dans mon cas, une installation en plus de mon temps. J’offre des hangars, mes biens et de l’équipement. Je donne aussi de l’argent à l’unité pour l’entretien de l’équipement. Aussi, mon fils est à la tête de l’unité de l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens, l’ACRSA, à Inuvik. L’unité s’occupe également de la recherche et du sauvetage terrestres.

La vice-présidente : Nous sommes du même avis. Le travail fait par les bénévoles d’un bout à l’autre du pays est vraiment impressionnant. Je crois que ce serait une bonne idée si, dans le cadre de son étude, le comité se penchait sur le rapport du ministère des Pêches et des Océans, en ce qui a trait à la recherche et au sauvetage. Comme comité spécial, nous devons savoir que notre étude touche aux travaux d’un certain nombre de comités, et nous devons mentionner tous les rapports pertinents à des fins de référence. À la lumière de ce que vous avez dit, je crois qu’il serait approprié d’inclure ce rapport dans notre étude.

J’aimerais aussi savoir si vous avez témoigné devant le comité sénatorial responsable de la défense à propos du travail que vous effectuez.

M. Klapatiuk : Non.

La vice-présidente : Encore une fois, c’est ce comité qui est véritablement chargé d’étudier la défense dans le Nord. Notre rôle est d’établir les liens pertinents. Savez-vous si ce comité a entrepris une étude sur l’Arctique?

M. Klapatiuk : Non. À dire vrai, lorsque votre comité s’est rendu dans le Nord en septembre, c’était la première fois que j’avais affaire à un comité sénatorial.

La vice-présidente : Nous voulions faire énormément de choses quand nous étions dans le Nord. Cela s’est avéré être un voyage très enrichissant et très intéressant. Je ne l’oublierai jamais.

M. Klapatiuk : Cependant, une chose que vous n’avez pas vue, c’est le déploiement complet qui se produisait à Inuvik durant cette période. Il y avait des F-18 et des ravitailleurs. J’aurais aimé ouvrir les portes du hangar assez grand pour que vous puissiez voir le ravitailleur en vol. Je ne voulais rien vous montrer d’autre, à cause des considérations liées à la sécurité et tout le reste... J’aurais vraiment aimé vous le montrer. Vous connaissez le proverbe : une image vaut mille mots. Vous auriez tout compris d’un coup en voyant le ravitailleur et les F-18 et tout le reste.

Cela me ramène à l’un de mes commentaires précédents à propos du fait qu’il n’y a aucun approvisionnement stratégique en combustible. En septembre, nos réservoirs étaient pratiquement vides, parce que le combustible ne nous avait pas été livré et que les conditions étaient telles qu’il était difficile de s’en procurer. La situation était vraiment frustrante, parce que c’était juste là. Tout était à portée de la main, mais comme vous le savez, cela ne changeait rien à notre situation.

La vice-présidente : Je comprends très bien. Les membres du comité étaient au courant de votre gracieuse invitation, mais, malheureusement, il n’y a que 24 heures dans une journée.

Comment le combustible vous est-il acheminé? Est-il transporté par voie aérienne ou par voie maritime?

M. Klapatiuk : Inuvik dispose d’une route toutes saisons. Le combustible peut être acheminé de deux façons. L’année dernière, le combustible a été acheté de la Chine, et un navire de ravitaillement a fait le tour de l’Alaska. Le combustible a ensuite été transféré sur des barges et envoyé à Tuktoyaktuk, où il a de nouveau été transféré dans des réservoirs, puis à bord de camions jusqu’à Inuvik. Je crois que les camions avaient commencé à prendre la route en novembre. L’autre façon d’acheminer le combustible est d’emprunter la route de Dempster. Présentement, il y a d’importantes réserves de combustible à Whitehorse et à Dawson. Du combustible vient de là-bas. Il est plus rare aujourd’hui qu’on achemine le combustible par barge en utilisant le fleuve Mackenzie.

Pour revenir à mon commentaire — et comme la sénatrice Anderson a eu la gentillesse de m’en informer il y a quelques semaines à mon hangar —, la Chine s’intéresse aux installations à Tuktoyaktuk. Il s’agit des mêmes installations que celles où le combustible est entreposé en réserve. La possibilité qu’un pays étranger s’empare de la capacité logistique et d’entreposage menace notre souveraineté et notre sécurité, parce que cela pourrait nous empêcher de gérer nos propres réserves de combustible.

La vice-présidente : Si vous me le permettez, j’aimerais aborder un autre sujet rapidement. Vous avez dit que le Canada n’a aucune politique pour l’Arctique. Je sais que nous sommes en train d’élaborer un cadre stratégique pour l’Arctique, mais nous avons certainement dû travailler sur la politique canadienne pour l’Arctique qui a été mise au point en 2009-2010, non? Est-ce que nous travaillons présentement à l’élaboration d’une politique moderne ou à la mise à jour de la politique, ou est-ce plutôt que nous ne travaillons sur aucune politique?

M. Klapatiuk : Selon moi, il y a une politique que les gens suivent. Vous parlez de celle de 2009-2010. À cette époque, il y avait un autre parti au pouvoir. Nous sommes en 2019, maintenant. Un pays nordique comme le nôtre a besoin d’une politique à long terme, une politique qui puisse survivre aux gouvernements successifs, que ce soit sur 5 ou 10 ans. Une politique à court terme ne peut pas fonctionner pour l’Arctique, parce qu’il serait nécessaire de réunir 18 mois à l’avance tout ce dont on a besoin pour construire des infrastructures. Si on adopte une politique à court terme de 36 ou 48 mois, cela veut dire que la moitié du temps sera gaspillé pour la planification, sans qu’il y ait rien de concret. Qu’allons-nous faire si la politique est modifiée à ce moment-là? Voilà donc pourquoi nous avons besoin d’une politique à long terme, que ce soit en matière de défense, de souveraineté ou de sécurité. Nous avons besoin d’une politique à long terme qui soit logique pour l’Arctique.

La vice-présidente : Je crois que c’est justement ce que nous faisons ici. À propos de l’infrastructure, je comprends bien ce que vous dites, et vu mon travail dans le Nord et même aussi peu au nord que Thompson il y a quelques semaines, je suis bien consciente des difficultés liées aux infrastructures entraînées par la fonte du pergélisol. Dites-moi, quels sont les problèmes relatifs au pergélisol dont nous devons tenir compte pour les nouvelles infrastructures?

M. Klapatiuk : Je vais vous donner l’exemple de l’aéroport d’Inuvik. La piste d’atterrissage s’est affaissée en 2013. Je crois que la longueur de la poste a été raccourcie de 4 500 pieds, ce qui a restreint dramatiquement la capacité opérationnelle des transporteurs commerciaux et des aéronefs militaires. Donc, en 2013, on a creusé une tranchée de drainage et effectué quelques travaux de réparation. La piste s’est affaissée à nouveau en 2015. L’infrastructure sous la piste tombe en ruine à cause de la fonte du pergélisol. Dans une certaine mesure, c’était également parce que l’aéroport n’a pas effectué des travaux d’entretien adéquats pour drainer les fosses d’eau qui se trouvaient sur l’entrepiste de l’aéroport.

Les changements climatiques sont réels et ont des répercussions sur l’infrastructure. Ils ont même des impacts sur ma propriété. Nous ne pouvons pas tout simplement rester assis sur nos lauriers et dire qu’il n’y a rien à faire. Il y a des mesures que nous pouvons prendre. La meilleure façon de présenter les choses serait de dire qu’on ne peut pas lutter contre le froid. Vous pouvez travailler avec le froid et vous habiller en conséquence, mais vous ne pouvez pas le combattre.

Il est tout aussi impossible de lutter contre le pergélisol. Vous devez travailler avec lui, même si cela veut dire d’utiliser davantage de remblais et de tirer parti des capacités et technologies nouvelles. L’infrastructure est là, et nous allons devoir changer, par exemple, les pilotis qui soutiennent les installations et les remplacer par des tuyaux en acier. Cela se fait déjà à Inuvik, et tout le monde semble envisager également cette solution.

De mon côté, j’ai eu de la chance, parce que l’aéroport a été construit sur un substrat rocheux, alors je n’ai pas à affronter ce genre de problème, parce que la construction peut reposer dessus directement. Pour les installations qui reposent sur le pergélisol, il y a effectivement des répercussions.

La vice-présidente : Avez-vous conclu une entente à long terme avec la Garde côtière et le ministère de la Défense nationale?

M. Klapatiuk : Je peux ranger la Garde côtière et Transports Canada d’un côté, et la Défense nationale de l’autre. Je travaille pour la Défense nationale depuis 15 ans maintenant, et cela va continuer. Je sais qu’il y a des choses qui s’en viennent. Les Opérations immobilières ont décidé de mettre fin à mon contrat pour toutes sortes de raisons, mais je sais que nous travaillerons de nouveau ensemble.

J’ai lu dans un article de journal que le commandant actuel de la Garde côtière avait l’intention de faire construire un hangar dans l’Arctique, et je lui ai envoyé sans attendre une lettre pour lui dire que je voulais le construire. On m’a tout de suite répondu que je devais suivre la méthode d’attribution des contrats à Travaux publics. De mon côté, cela me laisse croire que cela ne les intéresse pas.

Je vais vous donner un exemple similaire avec Transports Canada. Transports Canada m’a téléphoné. Mes coûts d’exploitation dans l’Arctique sont monstrueux. L’électricité me coûte 0,70 $ le kilowattheure. À Ottawa, ce serait 0,10 ou 0,12 $. Moi, je paie 0,70 $. Mes coûts d’exploitation et ce que je paie pour le combustible sont aussi élevés. Transports Canada a dit avoir besoin d’un hangar, mais lorsque j’ai dit le prix, on m’a dit que c’était trop élevé, et qu’on pouvait trouver moins cher à Ottawa. J’ai donc dit aux représentants de Transports Canada de cesser de m’appeler, mais nous avons tranquillement renoué des liens. Je vais travailler avec eux en juillet sur l’exploitation d’un véhicule aérien sans pilote à l’aéroport d’Inuvik.

À propos des menaces économiques internes que j’ai mentionnées, une partie des menaces tient directement au fait que les gens ici refusent de payer les coûts. On dit : les coûts d’exploitation sont trop élevés. Eh bien, il y a le même genre de coûts dans l’Arctique, et nous les payons. Soit nous refilons la facture, soit nous demandons des subventions au gouvernement afin de payer une partie des coûts. Pour ma part, je travaille avec le ministère de la Défense nationale, et j’obtiens des subventions du ministère de façons qui ne plaisent pas à tous. J’aime vraiment travailler avec ces gens, ne vous méprenez pas, mais vu le ratio coûts-bénéfices direct, nous avons besoin de subventions pour énormément de choses. Nous avons notre propre équipement et une multitude d’autres choses, mais nous devons toujours composer avec ceux qui disent que c’est trop cher, dans l’Arctique. Ce sont les gens du gouvernement du Canada qui disent cela.

La sénatrice Anderson : J’ai eu la chance de voir les satellites quand j’étais à Inuvik. Vous avez fait mention du système d’information satellitaire utilisé à Inuvik. Pouvez-vous nous parler un peu des avantages du centre de téléchargement d’information par satellite?

M. Klapatiuk : Pour ce qui est des avantages, les capacités avancées militaires et civiles peuvent fournir des connaissances en matière d’infrastructure. Le centre dispose de capacités militaires. Puis-je demander à mon collègue et bon ami de venir répondre? Il pourrait vous donner une bien meilleure réponse que moi.

La sénatrice Anderson : Pouvez-vous vous approcher?

La vice-présidente : Voulez-vous vous installer autour de la table et être reconnu comme témoin officiel? Si vous voulez répondre, vous devrez vous asseoir à la table. La séance du comité est télévisée. Je veux le préciser : selon la procédure, la séance doit être entendue et vue d’un océan à l’autre.

Je veux souhaiter la bienvenue à notre nouveau témoin. Présentez-vous, puis vous pourrez répondre à la question de la sénatrice Anderson.

Paul Komaromi, gestionnaire de projets, New North Networks : Je viens d’Inuvik. J’aide M. Klapatiuk là-bas. Pouvez-vous répéter votre question, madame la sénatrice?

La sénatrice Anderson : Je voulais connaître les avantages du système satellitaire utilisé dans la région d’Inuvik.

M. Komaromi : Pour la municipalité d’Inuvik?

La sénatrice Anderson : Et à l’échelle nationale.

M. Komaromi : Il y a deux centres d’information par satellite. Le Canada possède l’un d’eux par l’intermédiaire du Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre, CCCOT, de Ressources naturelles Canada. Il y a aussi un centre privé qui appartient aux Norvégiens et aux Américains. Il a été construit par des entrepreneurs locaux de la collectivité. Cela ne changera pas.

La sénatrice Anderson : À qui fournissez-vous le service par satellite?

M. Komaromi : C’est un centre. Les satellites donnent accès à Internet quand ils sont en position et, ils reçoivent des données et les transmettent partout dans le monde.

La sénatrice Anderson : Donc, les données sont utilisées au Canada et à l’étranger?

M. Komaromi : C’est bien ça.

La sénatrice Anderson : Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur le type de renseignements qui sont recueillis et utilisés, de façon générale?

M. Komaromi : Ce sont des données liées à l’observation de la Terre. Par exemple, les agriculteurs doivent aller vérifier l’état de leurs champs pour voir si la terre est assez humide. Les satellites qui survolent la région peuvent établir le taux d’humidité et de croissance, et les données sont recueillies à des fins informatives. Les entreprises diffusent les données à quiconque en a besoin dans le monde entier. Par exemple, pour la lutte contre les feux de forêt, les satellites examinent la Terre et fournissent toutes sortes de données. Diverses entreprises analysent les données et fournissent de l’information en temps réel aux gouvernements et à des entreprises. C’est une industrie très vaste.

La sénatrice Anderson : À votre avis, est-ce une bonne chose et est-ce que cela pourrait aider à régler certains des problèmes du Nord?

M. Komaromi : Absolument. La technologie satellitaire d’aujourd’hui comprend de nombreux avantages pour la lutte contre les changements climatiques. Les satellites peuvent surveiller toutes sortes de choses survenues par le passé et en temps réel. Par exemple, on peut observer et surveiller de l’espace l’érosion côtière. Cela vous permettrait de prendre des mesures en conséquence. Certains des témoins précédents étaient en Alaska, où l’érosion côtière est très importante. C’est aussi un problème dans votre propre collectivité. Lorsqu’un satellite survole cette région, il peut analyser ce qui se passe et faire des prédictions. Les gouvernements ont ainsi des outils afin de prendre des décisions de politique publique éclairées sur la façon d’atténuer et de régler ces problèmes au fil du temps.

La vice-présidente : Aux fins du compte rendu, je veux dire que le président de votre entreprise, M. Tom Zubco, a témoigné le 18 juin. Nous avons un témoignage à ce sujet, qui a été présenté le 18 juin 2018. Cela fait un certain moment que nous sommes au courant de cela. Cela met en relief les liens entre les divers sujets que nous étudions. Je vous remercie de cette mise à jour après des mois.

La sénatrice Anderson : À propos de l’érosion côtière, je sais que c’est un problème dans ma collectivité. Savez-vous si, présentement, de l’information à ce sujet est recueillie, enregistrée et utilisée dans le Nord?

M. Komaromi : Je crois que oui. Le Canada, par l’intermédiaire du Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre, dispose d’un ensemble de connaissances plutôt étoffées là-dessus. Je ne suis pas un expert du sujet, mais je sais que l’information est recueillie depuis un certain moment. Il y a énormément d’études qui ont été menées sur les changements dans l’Arctique. Votre comité ainsi que d’autres comités et des organismes gouvernementaux s’y intéressent. C’est une priorité très élevée pour les gouvernements territoriaux et pour les municipalités. Ils se trouvent aux premières lignes. Il y a énormément d’outils que l’on pourrait utiliser, et ce genre de technologie serait certainement bénéfique.

La sénatrice Anderson : Quyanainni.

La vice-présidente : Monsieur Klapatiuk et monsieur Komaromi, je vous remercie tous les deux de votre témoignage. Vous nous avez aidés à combler certaines lacunes dans nos connaissances et à faire la lumière sur certaines questions qui nous avaient été mentionnées auparavant. Merci beaucoup de votre témoignage. Je vous en suis reconnaissante. Nous reprenons les travaux à 13 heures.

(La séance est levée.)

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