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ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

LE COMITÉ SPÉCIAL SUR L’ARCTIQUE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 11 juin 2018

Le Comité spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 30, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique.

Je m’appelle Dennis Patterson et je représente le Nunavut au Sénat. J’ai le privilège de présider ce comité. J’aimerais maintenant demander à mes collègues sénateurs de se présenter en commençant par ma droite.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey du Manitoba.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Ce soir, dans le cadre de notre étude sur les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants, nous continuons de nous intéresser à deux aspects particuliers: le développement économique et les infrastructures.

Premièrement, par vidéoconférence depuis les bureaux du gouvernement du Nunavut à Iqaluit, nous recevons Virginia Mearns, sous-ministre déléguée, Affaires intergouvernementales et exécutives. Également par vidéoconférence, nous accueillons le chef Steve Smith des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik. Enfin, M. Clint Davis, associé et directeur général de la société Acasta Capital Indigenous, est avec nous dans cette salle.

Merci d’avoir répondu à notre invitation. Je vous prierais maintenant de nous faire part de vos observations préliminaires dans l’ordre où je vous aie présentés. Nous allons donc débuter avec Mme Mearns. Une fois que chacun de vous aura fait son exposé, nous passerons aux questions des sénateurs. À vous la parole.

Virginia Mearns, sous-ministre déléguée, Affaires intergouvernementales et exécutives, gouvernement du Nunavut : Bonsoir, monsieur le président et honorables sénateurs.

Merci de m’avoir invitée à comparaître ce soir. Comme le président l’a indiqué, je suis sous-ministre déléguée au ministère des Affaires intergouvernementales et exécutives pour le gouvernement du Nunavut. Je vais vous parler du développement de la main-d’œuvre dont notre gouvernement a besoin, en mettant l’accent sur l’emploi des Inuits au sein de la fonction publique.

Dans son rôle d’organisme central, notre ministère est chargé de concevoir et de mettre en œuvre un plan directeur pour l’emploi des Inuits au gouvernement du Nunavut ainsi que d’offrir dans l’ensemble du gouvernement des programmes favorisant l’emploi des Inuits. Nous nous occupons également de la formation pour tous les fonctionnaires.

En vertu de l’article 23 de l’accord sur le Nunavut, notre gouvernement est tenu d’assurer une représentation équitable des Inuits au sein de sa fonction publique. Le Nunavut compte environ 38 000 habitants dont 85 p. 100 sont des Inuits. De plus, 30 p. 100 des Nunavummiut sont âgés de moins de 15 ans. En mai 2018, Statistique Canada estimait à environ 15 000 travailleurs la population active du territoire, ce qui comprenait 10 400 Inuits.

Bien que le niveau de scolarité des Inuits du Nunavut augmente, les données du recensement de 2016 indiquent que 56 p. 100 des Inuits âgés de 20 ans et plus n’avaient pas terminé leurs études secondaires et n’avaient ni diplôme ni certificat. Il en ressort que les plans de développement de la main-d’œuvre du gouvernement du Nunavut doivent prévoir une formation préalable à l’emploi de telle sorte que les Nunavummiut soient prêts à occuper des postes précis au sein de la fonction publique. Une formation en cours d’emploi doit aussi être planifiée.

Le gouvernement du Nunavut offre environ 4 900 postes dont quelque 27 p. 100 sont vacants. Les Inuits comptent actuellement pour 50 p. 100 de cette main-d’œuvre. Les possibilités d’emploi ne manquent donc pas au sein de la fonction publique du Nunavut. Nous finançons un nombre croissant de programmes d’études et de formation préalable à l’emploi dans divers domaines comme les soins infirmiers, l’enseignement, les technologies environnementales, l’entretien d’édifice et l’informatique. Nous devons parvenir dans un premier temps à inciter des jeunes à participer à ces programmes de formation et à les mener à terme, puis à attirer les diplômés au sein de notre fonction publique.

Nous commençons à prendre des mesures à l’égard de certains des facteurs influant sur la réussite lors des programmes de préparation à l’emploi et de la transition vers le marché du travail à la suite de l’obtention d’un diplôme. Le Collège de l’Arctique du Nunavut se penche également sur les éléments qui peuvent favoriser la persévérance scolaire et la réussite des étudiants en ciblant notamment une plus grande offre de programmes au sein même des collectivités ou via le téléenseignement de telle sorte que les étudiants puissent demeurer à proximité de leur domicile.

Véritable traité des temps modernes, l’accord sur le Nunavut prévoit l’autonomie gouvernementale des Inuits dans la région via leur participation au gouvernement public du territoire et à ses différentes institutions. Nous voulons non seulement accroître l’emploi des Inuits au sein du gouvernement du Nunavut, mais aussi le bonifier, car l’accord sur le Nunavut vise une participation des Inuits leur permettant d’exercer une influence sur les résultats en matière de culture, de langue, de mieux-être social, et de partage du territoire et des ressources aquatiques et autres.

Pour qu’une telle influence puisse s’exercer, l’emploi des Inuits ne doit pas se limiter aux postes de premier échelon.

Depuis 1999, le gouvernement du Nunavut s’est sans cesse montré déterminé à développer les capacités et le professionnalisme de sa main-d’œuvre au moyen du mentorat, des congés d’études, de la formation spécialisée, et des programmes de perfectionnement en leadership et de formation générale. Nous offrons également des programmes de perfectionnement professionnel destinés expressément aux employés inuits comme le programme de stages Sivuliqtiksat.

La signature de l’entente de mai 2015 nous a donné accès aux fonds nécessaires pour financer des programmes permettant aux Inuits de progresser dans des rôles de professionnels, de gestionnaires et de leaders au sein de la fonction publique.

Parmi ces mesures, notons le congé d’études Amaaqtaarniq, notre programme d’enrichissement des perspectives professionnelles, le programme des futurs leaders Hivuliqtikhanut et le programme de formation de base pour les décideurs publics.

Le comité s’est réuni pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants. J’aimerais conclure en vous signalant un phénomène qui nous pose de plus en plus de difficulté au Nunavut.

À la faveur de la diversification constante de notre économie, les habitants du Nunavut ont de plus en plus d’options en matière d’emploi. Les Inuits possédant des compétences et de l’expérience sont en forte demande partout dans le territoire. C’est une situation relativement nouvelle pour les Inuits qui sont nombreux à ne pas avoir encore réussi à s’établir vraiment sur le marché du travail. Pendant que certains optent pour l’emploi à temps plein, d’autres préfèrent le travail occasionnel ou des modes de vie plus traditionnels. Il est difficile pour certains de concilier travail et responsabilités familiales ou encore de composer avec des problèmes de santé physique ou mentale. S’il y en a qui sont disposés à quitter leur collectivité pour faire des études, suivre une formation ou travailler, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y en a aussi qui choisissent une orientation de carrière pour changer d’avis par la suite.

Partout au pays, les Canadiens font des choix quant au travail qu’ils veulent faire et à l’emploi qu’ils recherchent. Tous les employeurs doivent composer avec un certain taux de roulement du personnel dans leurs efforts pour développer leur main-d’œuvre. Il y a toutefois une différence marquée à ce chapitre entre le Nunavut et la grande majorité du reste du pays. Les employeurs du territoire ont accès à un bassin de main-d’œuvre très restreint au sein duquel la majorité des travailleurs sont affectés par des iniquités sociales de longue date qui ont un impact permanent sur leur préparation à l’emploi et leurs choix en la matière.

En sa qualité d’instance publique, le gouvernement du Nunavut est fier de poursuivre ses efforts pour le développement d’une fonction publique professionnelle qui contribuera à offrir un avenir prometteur aux Nunavummiut tout en favorisant le respect de nos obligations en vertu de l’accord sur le Nunavut.

Merci de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant vous. Je serai ravie de répondre à vos questions.

Le président : Je vais maintenant donner la parole au chef Steve Smith, des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik.

Steve Smith, chef, Premières Nations de Champagne et d’Aishihik : Merci aux membres du comité sénatorial de m’avoir invité à leur faire part des points de vue de nos Premières Nations sur les changements à la politique de l’Arctique et leurs impacts sur les peuples qui ont habité traditionnellement notre territoire.

Les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik vivent au sud-ouest du Yukon. Nos 1 200 citoyens occupent un territoire ancestral de 41 000 kilomètres carrés avec 2 400 kilomètres carrés de terres octroyées par l’entente. Nous possédons également un territoire non cédé dans le coin nord-ouest de la Colombie-Britannique qui représente environ 1 p. 100 de la superficie totale de province.

Le cadre de l’Arctique propose un modèle de leadership fondé sur un partenariat entre les gouvernements dans cette région. Il est bien de travailler ainsi en partenariat avec d’autres ordres de gouvernement, mais nos Premières Nations doivent être les principaux interlocuteurs relativement aux enjeux cruciaux qui touchent nos citoyens en matière de culture, d’affaires sociales et d’économie. C’est ce que nous avons obtenu par voie de traité et c’est la seule façon de renverser la vapeur quant aux répercussions du colonialisme. Le cadre proposé pour l’Arctique traite de bon nombre de ces enjeux essentiels, y compris les infrastructures, la santé, les conditions sociales et le développement économique. Les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik misent sur une restructuration des bases linguistiques et culturelles pour améliorer les conditions sociales et économiques. Cette vigueur culturelle que nous appelons Dän K’e, notre voie, est synonyme d’un rétablissement concret et véritable par rapport aux effets dévastateurs des politiques passées. C’est uniquement au gouvernement des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik qu’il incombe de rebâtir ainsi nos fondements culturels et linguistiques.

Les gouvernements fédéral et territorial peuvent investir des ressources financières et autres au besoin, tant et aussi longtemps que les Premières Nations Champagne et Aishihik demeurent les seules responsables. Les investissements s’inscriront dans la foulée des obligations issues de traités du Canada et des objectifs globaux de l’accord définitif des Premières Nations Champagne et Aishihik.

Si nous mentionnons cela, c’est parce que les politiques qui nous sont venues d’Ottawa étaient souvent fondées sur les principes économiques du Sud, et que ces principes ont souvent échoué à donner de bons résultats au Yukon. Nous avons des projets qui ne reçoivent pas de soutien, mais qui sont les seuls vrais projets possibles au Yukon.

Notre lien avec la terre est une composante essentielle de Dän K’e, et c’est ce qui fait la force de notre culture. Les Premières Nations Champagne et Aishihik ont toujours eu un lien très fort avec la terre, et ce lien n’a pas été altéré par les changements climatiques, les pressions exercées par le développement, l’urbanisation et les affres de la vie moderne. Notre culture est bien vivante, et nos peuples ont une grande capacité d’adaptation, mais les menaces qui pèsent sur notre territoire traditionnel, sur nos terres et sur la faune terrestre et aquatique sont bien réelles et toujours présentes.

Les politiques et les lois fédérales et provinciales que nous avons à l’heure actuelle sont désuètes et ne sont pas en phase avec les pressions qui nous viennent en particulier des changements climatiques. Les changements climatiques ont des répercussions négatives sur nos droits de chasser et de pêcher et sur les ressources alimentaires dont nous avons besoin pour assurer notre survie dans le Nord. Ces lois désuètes semblent de moins en moins en mesure de protéger nos ressources à long terme.

Les Premières Nations Champagne et Aishihik prennent donc les devants pour offrir des services aux citoyens, et ce programme est fondé sur Dän K’e, notre manière à nous de faire les choses. Nous voulions ainsi nous débarrasser des politiques et procédures qui nous ont été préjudiciables, parce qu’elles ont été imposées par le gouvernement fédéral. Nous avons lancé ce programme pour créer nos propres politiques. Nous l’avons fait en raison de la solidité de nos ententes sur les revendications territoriales et sur l’autonomie gouvernementale.

Les Premières Nations Champagne et Aishihik ont entrepris de renouveler les services offerts aux citoyens, malgré des ressources financières insuffisantes. Nous avons notamment besoin de ressources financières pour mener divers projets, en particulier dans le domaine de l’infrastructure.

J’aimerais attirer votre attention sur un exemple en particulier. Nous avons fait une demande de financement pour développer de nouveaux lotissements dans notre territoire traditionnel, en particulier le village de Haines Junction. Nous avons été informés que notre projet ne serait pas pris en considération avant 2021, ou même 2023. Cela nuit vraiment à notre capacité de mettre en place des modèles intéressants pour attirer de nouveaux citoyens et de nouveaux travailleurs sur notre territoire traditionnel afin d’aider les Premières Nations Champagne et Aishihik à pouvoir continuer à saisir les occasions qui s’offrent à elles.

Au Yukon, le logement est un problème permanent. Nous avons connu un boom comme à Vancouver, Toronto et dans d’autres grands centres urbains. Le prix des logements a donc beaucoup augmenté. Nous en ressentons les effets, car nous essayons d’attirer des gens pour venir travailler pour nous, mais nous n’avons pas de logements disponibles, en particulier à Haines Junction. Ainsi, d’une part, nous avons besoin de gens pour développer le territoire, mais nous n’avons pas de logements disponibles, et d’autre part, l’aide financière ne viendra que dans cinq ou six ans. Nous subissons donc les contrecoups de cette situation de plein fouet.

S’agissant du développement économique, nous avons toujours été d’avis qu’il est préférable que les programmes et politiques soient élaborés au sein même de la collectivité. Par le passé, j’ai vu le gouvernement fédéral réserver l’aide offerte aux avancées technologiques ou aux entreprises de technologie, et c’est un problème pour nous.

Ces entreprises ne restent pas longtemps au Yukon, qui souffre d’un manque réel d’infrastructures. Nous avons un conduit entre le Yukon et le Sud, mais nous avons besoin de redondance, car les câbles à fibre optique qui font fonctionner notre Internet sont souvent mis à rude épreuve. Il est vraiment indispensable pour nous d’investir dans les infrastructures, tant technologiques que terrestres.

Je vais m’arrêter ici. Merci de m’avoir écouté. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Davis, allez-y, s’il vous plaît.

Clint Davis, directeur général, North35 Capital Partners : J’aimerais d’abord apporter une précision. Je suis directeur général de North35 Capital Partners, qui a remplacé Acasta Capital Indigenous. Cela s’est produit le mois dernier. J’aurais dû le mentionner. North35 fournit des services consultatifs liés aux affaires et au capital aux gouvernements autochtones, aux sociétés de développement, de même qu’aux entreprises qui veulent faire des affaires sur le marché autochtone.

Je suis un Inuk du Labrador et je suis un bénéficiaire au titre de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador.

J’ai l’honneur de servir ma communauté en tant que président du conseil d’administration du Nunatsiavut Group of Companies depuis près de huit ans. NGC regroupe 12 entreprises qui travaillent dans des domaines comme le transport maritime, les aéronefs à voilure fixe et tournante, la construction, la mise en valeur des terres, la location immobilière et les services de soutien sur place. NGC emploie près de 400 personnes, dont la moitié sont inuites. Nous sommes un employeur important dans la région, et nous voulons être un employeur de choix pour nos gens.

Notre gouvernement et notre groupe d’entreprises présentent d’énormes possibilités pour les Inuits du Labrador. Je pense que l’Arctique présente aussi d’énormes possibilités pour le Canada. Même si les pays étrangers voient la valeur stratégique de l’Arctique, la région demeure l’une des plus sous-estimées au pays par nos citoyens. On la considère parfois comme un désert financier, ce qui n’est pas étonnant, puisque moins de 15 p. 100 des Canadiens l’ont visitée.

L’Arctique canadien constitue 25 p. 100 de la région circumpolaire, mais sa production économique représente moins de 2 p. 100 de celle de l’ensemble de la région, qui totalise 230 milliards de dollars par année. Pourquoi? Parce que la région manque d’infrastructures.

Les enjeux dans l’Arctique sont importants pour notre pays : ils touchent à la souveraineté, la sécurité nationale, l’exploitation des ressources, la protection de l’environnement, la recherche et l’innovation. La région couvre 40 p. 100 du territoire canadien. Plus de 120 000 personnes y vivent, dont 80 p. 100 sont autochtones. La plupart des communautés autochtones dans l’Arctique canadien ont réglé leurs revendications territoriales, ce qui veut dire qu’elles possèdent et contrôlent de vastes territoires et disposent de près de 3 milliards de dollars de capitaux à investir. Toutefois, ces communautés souffrent d’un déficit d’infrastructures, d’un accès à Internet déficient, de moyens de transport limités et d’installations publiques vieillissantes.

L’Arctique demeure toutefois un sujet d’actualité. L’ONU, le Forum économique mondial et l’Union européenne ont fait de cette région émergente une priorité. Le Forum économique mondial a même publié son protocole d’investissement en Arctique, qui fournit un cadre pour procéder à de bons investissements en tenant compte des particularités environnementales, sociales, culturelles et liées à la gouvernance de la région.

L’intérêt international pour l’Arctique ne cesse de croître. Le Canada doit donc rattraper son retard.

Selon un rapport publié il y a deux ans par le Conseil national de développement économique des Autochtones, le déficit d’infrastructures dans le Nord constitue la barrière la plus importante à son développement économique et commercial.

Il y a deux initiatives qui, à mon avis, vont permettre de faire tomber les barrières existantes. Au cours de la dernière année, j’ai participé aux efforts de création d’une plateforme qui vont permettre aux six sociétés de développement inuites de collaborer pour saisir des occasions ensemble et apprendre les unes des autres. Le comité de développement des entreprises inuites s’est réuni à maintes reprises et a recensé quatre secteurs d’activités importants: l’énergie renouvelable, l’accès Internet, l’infrastructure et les nouvelles routes maritimes dans le passage du Nord-Ouest.

La collaboration présente de nombreux avantages, mais il y en a un particulièrement important, et c’est que tous les profits réalisés restent dans le Nord. Quand nous établissons un partenariat avec des entreprises situées dans le Sud, près de la moitié des profits, quand ce n’est pas plus, quitte l’Arctique. Les sociétés de développement économique inuites travaillent toutes pour nos communautés. Nos revenus nets sont soit réinvestis dans nos entreprises, soit affectés à des programmes qui profitent aux membres de nos communautés. En collaborant, nous nous assurons que nos capitaux restent dans notre région.

Le deuxième élément est la création d’un fonds d’infrastructure autochtone. Mon entreprise, North35, s’emploie à recueillir des fonds auprès principalement des investisseurs des communautés autochtones. J’entends par là les fiducies qui gèrent les sommes qu’ont reçues les Autochtones dans la foulée du règlement des revendications territoriales, des ententes sur les répercussions et les avantages, et cetera. Le fonds procédera à des investissements dans l’infrastructure au Canada, en ciblant les communautés autochtones et le Nord. À mon avis, ce fonds servira de catalyseur pour amener les investisseurs traditionnels, qui n’y auraient pas songé autrement, à investir dans le Nord. Nous croyons que la participation du secteur privé nous amènera des sources de financement novatrices et nous sera d’une aide précieuse pour sélectionner les projets à travers le prisme commercial.

Nous y travaillons depuis six mois. Ce qui ressort clairement de nos discussions avec les communautés autochtones et les responsables des infrastructures, c’est que nous avons besoin d’un plan et d’un engagement à l’égard du Nord pour favoriser les investissements du secteur privé. Les capitaux sont là, et il y en a tant en fait que les gens disent ne pas savoir où les investir.

Les capitaux sont là, les besoins sont là, mais il faut maintenant un engagement du gouvernement fédéral pour favoriser un climat de confiance pour ceux qui sont prêts à prendre des risques commerciaux, en particulier les fiducies autochtones qui veulent investir dans notre fonds.

On pourrait accomplir et apprendre tant de choses si le gouvernement du Canada s’engageait à procéder aux investissements nécessaires dans l’Arctique. Sur ce, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup à tous nos témoins. Je cède maintenant la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Merci à tous. Vos propos sont intéressants et utiles à nos délibérations.

La formation semble être un fil conducteur. Je vais poser ma question à Virginia. Vous avez beaucoup parlé de l’éducation et des programmes de formation offerts — et du fait que la variété des emplois s’élargit et que les Inuits qui possèdent des compétences et de l’expérience sont en forte demande.

J’aimerais savoir, d’après vous, quels sont les programmes de formation ou les programmes de perfectionnement professionnel qui sont les plus utiles pour permettre aux gens de la communauté d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires pour occuper les emplois qui sont offerts?

Mme Mearns : Je vous remercie de poser la question. La réponse n’est pas facile, bien que nous nous efforcions par divers moyens de comprendre la complexité du processus de diversification de notre économie et les répercussions que cela entraîne sur la main-d’œuvre.

Nous avons examiné la question sous divers angles, en tenant compte du fait que le gouvernement du Nunavut a connu du succès dans certains domaines professionnels grâce à des programmes collégiaux ou à des programmes directs. Nous avons réussi à offrir un programme complet en droit à la fin duquel 11 étudiants, tous du Nunavut, ont obtenu leur diplôme d’avocat. Nous entreprenons notre deuxième programme de droit auquel sont inscrits plus de 20 étudiants qui poursuivront leur formation au cours des trois prochaines années au Nunavut.

Je vous ai aussi parlé des programmes que nous offrons depuis longtemps dans le domaine de la santé pour les infirmières, et dans le domaine de l’éducation pour les enseignants. Nous sommes partis de là pour ensuite procéder à un examen de notre effectif dans la fonction publique pour déterminer nos lacunes, à la lumière de nos obligations dans l’accord sur le Nunavut, et déterminer ce qu’il reste à faire.

Nous avons procédé à une analyse stratégique de la main-d’œuvre et de notre propre administration sur une période de près de 20 ans, et nous avons constaté que les Inuits demeurent sous-représentés dans le domaine des politiques au sein de notre administration. Nous continuons de vouloir donner aux Inuits la chance d’occuper des postes dans les catégories gestion, haute gestion et direction. Pour répondre à ces besoins, nous avons conçu et continuons d’offrir un programme de formation des dirigeants et un nouveau programme de formation sur l’élaboration des politiques pour les fonctionnaires du gouvernement du Nunavut.

La sénatrice Bovey : J’ai vraiment hâte de voir les résultats dans la communauté. Je pense que c’est important.

Vous avez aussi parlé des besoins en infrastructures. Pourriez-vous nous parler un peu des installations dont vous avez besoin pour offrir une partie de ces programmes de formation et de perfectionnement professionnel?

Mme Mearns : Bien sûr. Les télécommunications sont un élément important de l’infrastructure qui accroîtrait rapidement notre capacité d’offrir de la formation et du perfectionnement continus. Cela nous empêche encore aujourd’hui d’avoir accès à l’information et de la diffuser à la population, mais aussi d’élargir les possibilités de formation et de perfectionnement, aussi bien pour la population que pour nos fonctionnaires qui sont dispersés dans nos 25 collectivités, toutes accessibles uniquement par avion.

Lorsqu’il faut se déplacer pour suivre une formation, cela coûte très cher. En investissant dans l’infrastructure pour régler le problème des télécommunications, on réduirait substantiellement ce qu’il nous en coûte actuellement pour veiller à ce que nos fonctionnaires, de même que la population en général, aient accès à de la formation et du perfectionnement.

La sénatrice Bovey : Je présume que la situation est la même dans l’est de l’Arctique et dans l’ouest de l’Arctique? Partout dans l’Arctique?

Mme Mearns : Oui.

La sénatrice Bovey : Merci. Je vois que tout le monde opine du bonnet.

Le président : Monsieur Davis, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Davis : Je veux simplement ajouter une chose, et c’est que le Conseil économique de l’Arctique a publié un rapport sur les besoins en matière d’accès Internet et de large bande dans le monde. Si j’ai bien compris, tous les pays considérés comme faisant partie de l’Arctique polaire, que ce soit la Russie, la Finlande, la Norvège ou les États-Unis, tous ces pays se sont donné une date butoir pour connecter toutes leurs collectivités, à l’exception du Canada. Comme nous venons de l’entendre, c’est une lacune importante dans les infrastructures essentielles.

À l’heure actuelle, l’Internet est omniprésent dans nos vies ici, dans le Sud, et mes enfants qui ont 3, 6 et 8 ans n’ont pas connu la vie sans Internet. Pour eux, cela fait partie de la vie normale. En fait, dans ma région au Nunatsiavut, l’accès Internet est de mauvaise qualité. Malheureusement, d’après ce que j’ai entendu dire, les investissements qui sont faits, de notre point de vue, par le gouvernement fédéral vont amener les collectivités à niveau, mais on tirera rapidement de l’arrière. En raison de l’évolution de la technologie, le fossé ne cessera de s’élargir si les investissements nécessaires ne sont pas faits. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en est au Yukon.

Le président : Au sujet des infrastructures de communications, j’aimerais poser la question suivante au chef Smith: vous avez dit que vous aviez la fibre optique au Yukon, si j’ai bien compris, et que cela fonctionne bien, en partie. Pourriez-vous nous en dire plus?

M. Smith : Oui, nous avons l’accès à Internet par fibre optique; toutefois, nous en sommes aussi dépendants. Le Yukon est dans une situation intéressante puisque le réseau routier a commencé à se développer il y a plus de 100 ans. La plupart de nos collectivités sont reliées par la route. Nous avons une collectivité isolée dans le nord, celle d’Old Crow. Toutefois, nous sommes dépendants de la seule connexion que nous ayons vers le Sud. Nous avons besoin de plus de redondance dans le système.

À Champagne et Aishihik, où nous nous trouvons au Yukon, nous examinons la possibilité de créer une connexion redondante vers l’Alaska, qui sera branchée sur le réseau américain à partir du Yukon. Nous constatons qu’il serait extrêmement avantageux pour les entreprises, au fur et à mesure que l’économie se développe et se diversifie, d’avoir cette connexion à distance dans un endroit comme Haines Junction.

Oui, nous avons la fibre optique, mais elle passe dans un petit conduit, et six ou sept fois pendant l’année, quelqu’un qui utilise une petite chargeuse arrache la canalisation, et on se retrouve sans service pendant quelques jours. La redondance est un élément très important pour nous.

Le président : Merci. Qu’est-ce qui arracherait la canalisation déjà, monsieur?

M. Smith : Les travaux de voirie constants. Comme nombre d’entre vous le savez, la route de l’Alaska est toujours en développement. Le gouvernement des États-Unis et le gouvernement de l’Alaska investissent toujours dans la route. Nous voyons toujours des mises à niveau et beaucoup de perturbations. C’est l’équipement lourd qui arrache littéralement la canalisation qui se trouve dans le sol.

La sénatrice Coyle : Merci à tous les merveilleux intervenants ce soir. J’ai d’abord une question pour la sous-ministre déléguée, Mme Mearns, et ensuite j’en ai une pour M. Davis.

Je vous sais vraiment gré du survol que vous nous avez donné de la situation avec le gouvernement du Nunavut. C’était très clair. Je suis curieuse de savoir ce qui, dans votre position et selon vous, fonctionne bien pour vous. Quels sont certains des points fort du travail que vous faites en matière de perfectionnement de la main-d’œuvre au Nunavut? L’inverse est de savoir quels sont les modèles que vous examinez ailleurs? À quoi ressemblent les modèles que vous êtes peut-être intéressée à appliquer à votre propre situation? Je vais commencer par cela et ensuite peut-être faire le suivi auprès de M. Davis.

Mme Mearns : Revenons un peu en arrière, à 1993, année où nous avons ratifié l’Accord du Nunavut, à 1999, où nous avons vu la création du territoire du Nunavut pour ensuite revenir à aujourd’hui, alors qu’une des réussites en termes d’analyse stratégique de la main-d’œuvre est le fait que nous menions l’analyse en tant que telle.

Nous analysons notre propre main-d’œuvre. Nous sommes en mesure d’établir une référence en fonction de laquelle nous pouvons évaluer le succès, sur une période relativement courte, comparativement à d’autres administrations canadiennes, tout en prenant note des exigences imposées à la main-d’œuvre nationale et les types de répercussions que cela pourrait avoir sur le territoire du Nunavut. Nous avons encore bien besoin de faire venir des professionnels de diverses professions dans le territoire pour offrir des services et des programmes pendant que nous essayons de faire la transition et de former plus d’Inuits.

Nous déterminons et confirmons de plus en plus efficacement la situation de la fonction publique au chapitre des possibilités d’emploi, de formation et de perfectionnement des Inuits, ainsi que les possibilités préalables à l’emploi ou les occasions d’études postsecondaires que nous essayons de créer pour les Inuits du territoire.

Ce serait un marqueur ou principal indicateur de rendement, je suppose, que je pourrais vous donner quant au contexte dans lequel nous avons commencé en 1993 par rapport à celui où nous sommes en ce moment en 2018.

La sénatrice Coyle : Monsieur Davis, merci beaucoup pour votre exposé. C’était très intéressant de connaître le point de vue circumpolaire, ainsi que celui à la grandeur du pays, des diverses sociétés de développement économique inuites en plus du groupe d’entreprises Nunatsiavut auquel vous êtes associé.

J’ai deux questions. La première est la suivante : vers la fin de votre exposé, vous avez clairement énoncé ce que vous estimiez être des priorités et les priorités auxquelles vous travaillez, mais vous avez ensuite mentionné, à la fin, que des capitaux étaient disponibles. Les besoins existent, mais le gouvernement du Canada doit s’engager à offrir un niveau de certitude à ceux qui prendront ces risques commerciaux, ce qu’il ne fait pas.

Quel est l’engagement que vous cherchez? Pourriez-vous nous le décrire? Je vais ensuite poser ma seconde question.

M. Davis : Merci, sénatrice, c’est une excellente question. À titre d’exemple, lorsque vous prenez les investissements dans l’infrastructure, lorsque vous essayez d’attirer des capitaux privés, soit sous forme de dettes ou d’avoirs, surtout lorsque vous prenez l’aspect avoirs, vous optez pour des programmes de partenariat public-privé ou d’énergie renouvelable.

Dans le cas particulier de ces deux exemples, nous avons eu une couple de programmes de partenariats public-privé au Nunavut. Je pense qu’il y en a eu précisément deux au Nunavut, dont le plus récent était l’aéroport d’Iqaluit. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a un partenariat public-privé en cours, celui de l’hôpital territorial de Stanton, si je comprends bien.

Dans ces circonstances, il est question de grands projets échelonnables. Nous avons constaté qu’un des défis était qu’il existe de très bons projets qui sont réalisables et viables au plan économique qui, au lieu de valoir de 250 millions à 300 millions de dollars, seront plus modestes, soit de 75 millions à 100 millions de dollars. Dans ces cas, l’exigence liée au capital pourrait se situer entre 8 millions et 10 millions de dollars. Les modèles de financement qui viennent généralement du gouvernement du Canada ont tendance à être à court terme. Le chef nous a parlé plus tôt du fait que sa collectivité et d’autres régions ne sont pas admissibles à du financement, et le seul temps où elles le seront sera dans un certain nombre d’années.

Je pense que pour bien faire les choses et vraiment attirer les capitaux privés, il faut simplement dire: « Regardez, nous allons devoir ajuster nos modèles de financement pour que nous puissions continuer sur une certaine période, entre 20 et 25 ans », car vous voulez cette source de revenu continue pour vous assurer de générer des recettes dignes de ce nom. Il serait judicieux que les fiducies autochtones investissent dans ces modèles, car ils généreront des recettes se situant entre 6, 8 et 10 p. 100, ce qui est un investissement assez attrayant — et je fais de la spéculation, car personne ne pourra jamais, ou ne devrait jamais, vous dire la direction que prendra le marché.

L’autre point est de s’assurer que le gouvernement du Canada peut être innovateur pour garantir certains projets et faire office de garant. Avec un peu de chance, la Banque de l’infrastructure pourrait offrir des débouchés sur ce point. On cherchera sûrement du financement novateur. Je pense que le défi avec la Banque de l’infrastructure sera qu’il s’agit d’une nouvelle entité, et je pense qu’elle considère les projets à très grande échelle, que l’on trouve dans le Sud, ce qui est bien. Je pense que nous allons commencer à voir du changement lorsque le reste du Canada percevra vraiment le Nord comme un atout stratégique, car les besoins en capital, l’investissement nécessaire, est considérable.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. C’était clair. Vous avez aussi abordé ma seconde question. Vous avez dit que moins de 2 p. 100 de l’ensemble de l’économie de la région circumpolaire se trouve ici au Canada. Les 98 p. 100 qui restent se trouvent dans les autres pays.

M. Davis : Dont l’Islande et…

La sénatrice Coyle : Que font-ils bien et quels sont les principaux secteurs, je suppose, qui contribuent à ces 98 p. 100?

M. Davis : Ce qu’ils font bien? Lorsqu’on prend le Groenland, la population entière vit dans l’Arctique. Même chose en Islande. En Alaska, les gens sont créatifs, et la population entière se trouve dans l’Arctique. Ils ont beaucoup d’investissements militaires et d’activités du secteur privé.

Ce sont d’excellentes questions. Je pense que pour les entrepreneurs, les dirigeants politiques et, d’abord et avant tout, les habitants du Nord, ainsi que les dirigeants politiques et du monde des affaires ici dans le Sud, au chapitre des mesures à prendre pour faire les choses différemment, les collectivités de l’Inuit Nunangat, qui sont au nombre de 53 ou 54, utilisent pratiquement toutes le diesel. Par contre, le Groenland a réalisé un travail phénoménal pour faire en sorte que ses collectivités cessent d’utiliser ce carburant. Elles utilisent maintenant de l’énergie hydroélectrique et, je crois, de l’énergie éolienne.

J’aimerais commencer par parler d’un sujet dont nous avons discuté en comité et avec le reste des sociétés de développement économique inuites, soit que nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. Quelqu’un dans le monde s’en tire mieux que nous et pourquoi y arrive-t-il?

Lorsque vous vous penchez sur l’utilisation des microréseaux et de l’entreposage des piles et de l’évolution de la technologie renouvelable, cela se produit en Islande, au Groenland et dans d’autres pays scandinaves. Dans la mesure où nous pouvons investir dans ces technologies dans nos régions à la grandeur de l’Arctique, je pense qu’il nous faut examiner la chose d’un œil critique.

Nous n’avons pas nécessairement besoin de mener une autre étude, et nous n’avons pas nécessairement besoin de penser à la façon dont cela fonctionnera. Je pense que cela peut se produire quand nous privilégions une approche sérieuse à l’égard de la façon dont nous pouvons répondre aux exigences en matière d’énergie renouvelable qui existent dans le Nord et de la façon dont cela se fait dans d’autres parties du monde.

Le sénateur Neufeld : Ma première question s’adresse à Mme Mearns. Vous dites que le niveau de scolarisation se rehausse du côté des Inuits au Nunavut. Pouvez-vous me dire ce que vous faites pour le rehausser? Vous dites que 56 p. 100 des Inuits n’ont toujours pas de diplôme d’études secondaires. Quels programmes offrez-vous pour encourager la chose? Quelque chose doit fonctionner, car vous dites que les nombres sont à la hausse. Peut-on prendre des mesures pour faire en sorte que les choses fonctionnent mieux?

Mme Mearns : Merci d’avoir posé cette question. Il y a deux ou trois aspects qui contribuent à l’augmentation graduelle du niveau d’études secondaires. Nous devons garder à l’esprit que, jusqu’à environ 1996, les élèves étaient toujours tenus de se rendre à l’extérieur de leurs collectivités pour suivre leurs études secondaires. Pour nombre d’entre eux, cela signifiait qu’ils devaient quitter la maison en 9e ou en 10e année pour se rendre dans un plus grand centre communautaire où on offrait la 12e année. Malheureusement, ce facteur faisait en sorte, dans bien des cas, que les élèves ne puissent terminer leurs études.

Maintenant que tous les niveaux sont offerts dans l’ensemble de nos collectivités, le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires a augmenté.

D’autres facteurs contribuent directement au fait que nous avons des taux de diplomation chroniquement bas pour lesquels nous avons ciblé ce que nous considérerions être des élèves matures — des jeunes adultes et des adultes plus âgés — qui ont l’occasion de retourner aux études pour obtenir leur diplôme d’études secondaires.

Un des programmes conçus pour permettre que cela se produise est géré par notre Collège de l’Arctique du Nunavut, soit le programme PASS. Il vise à répondre aux besoins des personnes et à les rencontrer où elles en étaient rendues au moment d’interrompre leurs études, qu’elles aient besoin de faire leur 9e année ou d’obtenir cinq crédits de plus en 12e année pour obtenir leur diplôme. Le programme répond aux besoins des personnes au niveau où elles sont rendues afin de les aider à satisfaire toutes les exigences pour recevoir leur diplôme d’études secondaires.

Au fur et à mesure que ce programme est déployé dans diverses collectivités année après année, nous constatons une hausse du nombre de personnes qui finissent par obtenir leur diplôme d’études secondaires, en plus de celles qui suivent la filière traditionnelle de la maternelle à la 12e année. C’est un aspect de ce qui contribue à un taux accru d’obtention du diplôme d’études secondaires chez les Inuits.

Alors que nous ciblons les collectivités, regardons les données démographiques et prenons des décisions clés pour déterminer ce que sont les facteurs qui contribuent à la non-obtention d’un diplôme d’études secondaires, nous pouvons adapter les services ou les programmes devant être mis en place pour permettre à plus de gens de terminer leurs études secondaires.

Le sénateur Neufeld : Un autre point que vous avez mentionné est que « les Inuits possédant des compétences et de l’expérience sont en forte demande partout dans le territoire ». Pouvez-vous me dire en forte demande dans quel domaine? Qu’est-ce qui stimule cette demande?

Mme Mearns : En 1999, si vous étiez un jeune Inuit titulaire d’un diplôme d’études secondaires, vous étiez employable. C’est toujours le cas aujourd’hui. L’employabilité se fait beaucoup en fonction du niveau d’études et n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est dans d’autres administrations.

Nous voyons aussi un nombre accru d’Inuits qui suivent des programmes de niveau collégial, qui reçoivent des diplômes, qui vont à l’université, qui obtiennent leur baccalauréat. Une tendance que nous avons observée et dont nous avons tenu compte est que le taux de roulement des employés inuits est très élevé dans diverses occupations en raison du fait qu’ils ont peut-être un baccalauréat en éducation. Ce type de diplôme ouvre à peu près toutes les possibilités d’emploi sur le territoire.

Cela ne se rapporte pas à une occupation en particulier, mais bien au fait que vous avez atteint un certain niveau d’études. Peu importe le sujet, un baccalauréat est un atout très prisé des employeurs.

À l’heure actuelle, le gouvernement du Nunavut continue d’être le principal employeur sur le territoire. L’industrie joue un rôle important dans la croissance et la diversification économiques du territoire et elle a un intérêt direct à le faire aussi par l’intermédiaire d’ententes sur les répercussions et les avantages au titre desquelles elle doit embaucher un certain nombre d’Inuits, et pas seulement pour des postes de premier échelon, mais bien des postes qui requièrent des compétences techniques et d’autres qui requièrent des études universitaires.

Le sénateur Neufeld : Merci beaucoup.

Le président : Je sais, monsieur Davis, que vous devez partir. Je me demande si vous pouviez, maintenant ou plus tard, nous donner un peu plus de renseignements sur le comité de développement des entreprises inuites — les six sociétés — et peut-être un complément d’informations sur les secteurs d’intérêt que vous avez cernés.

M Davis : Bien sûr. Les six sociétés de développement sont l’Inuvialuit Development Corporation; la Kitikmeot Corporation; Sakku Investments; la Qikiqtani Corporation; la Nuvviti Development Corporation, qui est la nouvelle société de développement au Québec, au Nunavik; et le Nunatsiavut Group of Companies.

La raison pour laquelle nous nous sommes réunis au départ a été, d’abord et avant tout, que nous avons commencé à examiner la gamme de différentes sociétés d’exploitation que nous avons tous. Après observation, nous avons constaté que des six sociétés de développement, nous avons 120 sociétés subalternes et énormément de chevauchements.

Nous pensions tous avoir conclu nos ententes respectives avec différentes sociétés du Sud, ce qui est bien, car cela aide à renforcer les capacités, et cetera. Dans certains cas, il y aurait de grandes occasions pour nos sociétés de développement de collaborer et de soumissionner des contrats communs et, au bout de compte, d’en arriver à un échelon où nous pourrions construire cette entreprise qui offre des services exceptionnels dans l’Arctique, mais qui peut même faire concurrence à une entreprise du Sud. C’était le principe sous-jacent.

Monsieur le président, nous avons aussi commencé à penser aux questions ou aux secteurs qui nous touchent tous. Ils se rapportent généralement à une certaine relation avec le gouvernement fédéral et à ce que nous pouvons faire, collectivement, pour dire que nous pensons qu’il est nécessaire de s’attacher à ces priorités en particulier. Si nous le faisons, nous avons la capacité de respecter les exigences opérationnelles, alors que ces priorités auront aussi une incidence positive sur nos collectivités. C’est à ce moment-là que nous avons dégagé les questions de l’infrastructure, de l’énergie renouvelable, du transport maritime dans le passage du Nord-Ouest et de la connectivité. C’est ainsi que nous avons cerné nos priorités.

Nous avons récemment commencé à officialiser notre organisation pour avoir un membre du personnel à Ottawa, question d’avoir une présence ici, où nos sociétés de développement peuvent parler d’une seule voix, ce qui serait tout à fait nouveau pour le pays.

Le sénateur Neufeld : J’ai quelques autres questions. Si vous devez partir immédiatement, monsieur Davis, je vais m’adresser à vous en premier.

Je comprends ce dont vous parlez, les diverses organisations qui travaillent ensemble. Je peux comprendre ce que vous dites, mais vous avez dit à la fin « Les capitaux sont là, les besoins sont là, mais il faut maintenant un engagement du gouvernement fédéral pour favoriser un climat de confiance pour ceux qui sont prêts à prendre des risques commerciaux ».

J’en déduis que vous dites que vous êtes prêt à prendre des risques commerciaux, mais que vous voulez que le gouvernement fédéral offre une garantie si, en fait, les choses ne vont pas comme prévu et que l’investissement n’est pas rentable. C’est bien ce que vous dites? Peut-être que vous pouvez l’expliquer un peu mieux.

M Davis : Non. C’est une excellente question, sénateur Neufeld.

Je ne pense pas que quiconque se lance en affaires croit qu’il n’y aura aucun risque. Cela n’aurait aucun sens. En fait, ce serait merveilleux si c’était le cas.

Le sénateur Neufeld : Je le comprends bien. Je connais le monde des affaires.

M. Davis : C’est tout à fait insensé.

Ce que je dis, c’est que dans le contexte actuel il n’y a aucune règle du jeu. Il s’agit d’investissements ponctuels dans les infrastructures. Je pense aux partenariats public-privé et aux énergies renouvelables. Ce sont des initiatives ou des programmes ponctuels qui existent. Il n’y a pas de règles communes pour les administrateurs de fonds et de capitaux privés de Bay Street à Toronto qui veulent investir dans le Nord canadien.

Bref, vous n’avez pas un organisme comme Infrastructure Ontario ou un processus d’approvisionnement commun pour les travaux d’infrastructure de moyenne ou de grande envergure dans le Nord canadien. Cela permettrait d’établir les exigences en matière d’approvisionnement et les règles du jeu qui encourageraient les administrateurs de capitaux privés à investir dans le Nord canadien. C’est tout ce que je dis.

S’il y a d’autres risques qui vont au-delà des risques que nous voyons dans le sud du pays, le gouvernement fédéral a peut-être un rôle à jouer en ce sens. Je ne parle absolument pas d’investissements sans risque.

Le sénateur Neufeld : Je vous avais donc mal compris. Je vous remercie de cette précision. Merci.

J’ai des questions pour le chef Smith.

Le président : Oui. Allez-y. Le sénateur Oh sera le prochain intervenant. Votre question a déjà été posée. D’accord.

Le sénateur Neufeld : Chef Smith, je connais bien l’endroit où vous vivez.

J’ai vécu à Fort Nelson et j’habite à Fort St. John. Je sais que vous connaissez ces deux endroits.

Vous avez longuement parlé de le faire à votre manière. Je le comprends. Dans quelle mesure cela fonctionne-t-il avec le gouvernement fédéral? Cela doit être un peu difficile avec la façon dont le gouvernement fédéral peut parfois être. Avez-vous connu passablement de succès en le faisant d’une manière qui tient compte en fait de votre situation et de vos défis au lieu d’avoir une personne à Ottawa qui vous dit comment le faire? Veuillez m’expliquer un peu plus comment cela se passe.

M. Smith : Cela s’est concrétisé pour les Premières Nations de Champagne et de Aishihik au cours des dernières années. Nous avons réglé nos revendications territoriales, comme le Nunavut. Nous avons signé le règlement en 1993, et c’est entré en vigueur en 1995.

Nous le faisons depuis à peine un peu moins de 25 ans. Nous avons constaté une énorme amélioration des indicateurs sociaux de nos citoyens. C’était intéressant d’entendre les commentaires de la vice-première ministre au sujet de l’éducation et des taux de réussite; c’est le reflet de notre situation au Yukon.

Nous avons vu une amélioration constante des taux de réussite aux études secondaires et postsecondaires. Ce que je veux dire par le faire à notre manière, c’est que nous élaborons des programmes en nous fondant sur la manière de faire les choses dans les Premières Nations de Champagne et de Aishihik. Vous pouvez connaître du succès en affaires, à l’instar des Japonais, mais les Japonais ne cessent pas d’être Japonais. Ils continuent de faire des affaires en se fondant sur les principes connexes qui font d’eux des Japonais. C’est ce dont je parle. Nous continuons de respecter les principes de transparence et de reddition de comptes. Nous convenons aussi de le faire d’une manière qui est propre aux Premières Nations de Champagne et de Aishihik, et cela devient de plus en plus évident en ce qui concerne l’éducation, la langue, la revitalisation culturelle et les programmes sociaux.

Au moment de l’entrée en vigueur du règlement sur nos revendications territoriales, le gouvernement de Champagne et de Aishihik avait initialement réservé 1 million de dollars pour soutenir les étudiants qui poursuivent des études collégiales, comme le fait le Nunavut et le reste de l’Arctique, je crois. Les possibilités de poursuivre des études universitaires et postsecondaires sont limitées dans la région, et un grand nombre de nos étudiants doivent se rendre dans le sud. Nous avons bonifié le financement pour eux. C’était probablement financé environ à 75 p. 100 par le gouvernement fédéral et à 25 p. 100 par Champagne et Aishihik, mais le financement provient maintenant environ à 30 p. 100 du gouvernement fédéral et à 70 p. 100 du gouvernement de Champagne et de Aishihik. Comme je l’ai mentionné, nous avions initialement réservé 1 million de dollars à cette fin. L’année dernière, notre chef et le conseil, soit le gouvernement de Champagne et de Aishihik, ont prévu 750 000 $ dans le budget pour financer les études postsecondaires.

En ce qui concerne la revitalisation de notre langue, nous venons de lancer un programme d’immersion pour les adultes que nous finançons. Le gouvernement de Champagne et de Aishihik, avec le soutien de ses citoyens, a utilisé une partie des fonds obtenus à titre d’indemnisation dans le cadre de nos revendications territoriales pour financer un programme d’immersion pour les adultes, parce que nous avons constaté — et ce n’est pas seulement caractéristique du gouvernement fédéral; ce l’est aussi du gouvernement territorial — que le gouvernement territorial investit environ 6 millions de dollars par année dans les langues autochtones. Un tiers de ce montant va aux nations dont la langue est le tutchone du Sud. En 40 ans, ces programmes n’ont pas permis de créer de nouveaux locuteurs. Lorsque nous disons que nous le faisons à notre manière, nous sommes aussi disposés à en assumer le coût. Nous en avons donc le contrôle. Nous pouvons prendre des décisions. Le financement du programme d’immersion pour les adultes provient entièrement du gouvernement de Champagne et de Aishihik. Bref, le gouvernement de Champagne et de Aishihik est le seul qui aura son mot à dire quant à ce programme. C’est le seul qui établira les critères de réussite de la formation. C’est ce que je veux dire lorsque je parle de le faire à notre manière. Tout programme dont nous nous occupons, même si cela provient des gouvernements fédéral ou territorial, doit correspondre à la manière dont le gouvernement de Champagne et de Aishihik souhaite appuyer ses citoyens relativement au financement de ce programme. Si le financement s’arrime à notre vision, nous irons chercher du financement et le soutien du gouvernement fédéral, et nous en sommes reconnaissants, mais nous devons avoir le contrôle.

Le sénateur Neufeld : Merci. Je suis au courant d’un programme semblable, et je suis persuadé que vous l’êtes aussi. C’est à Fort Nelson avec la bande de Fort Nelson qui s’occupe en grande partie de l’éducation au sein de sa communauté et qui connaît aussi beaucoup du succès.

Je crois que je vais passer à un autre sujet. Dans une autre vie, j’ai collaboré avec bon nombre de bandes des Premières Nations en Colombie-Britannique relativement à des projets de centrales hydroélectriques. L’une d’entre elles était Atlin. Je suis certain que vous êtes au courant de ce qu’Atlin a fait. La communauté s’est complètement affranchie du diesel. Vous parlez d’autres emplacements hydroélectriques sur votre territoire. Se trouvent-ils à proximité d’une collectivité ou s’agit-il d’emplacements éloignés? S’agit-il de grands ou de petits projets? Pouvez-vous me donner une idée de l’endroit où ils se trouvent? C’est ma dernière question.

M. Smith : Les Premières Nations de Champagne et de Aishihik ont revendiqué deux emplacements hydroélectriques dans leurs revendications territoriales. Le territoire le plus adapté à un emplacement hydrographique nous appartenait. C’était stratégique de notre point de vue. Nous revenons encore une fois à l’idée de le faire à notre manière. Lorsque l’un de ces deux projets sera envisagé, le gouvernement de Champagne et de Aishihik en sera le principal promoteur.

Par contre, je dois souligner que le Yukon a des besoins en matière de capacité de production d’hydroélectricité, et le gouvernement territorial se penche sur ce problème.

L’une des avenues que nous examinons actuellement, en particulier dans ma communauté pour être en mesure d’alimenter le réseau, c’est l’adoption de la production d’hydroélectricité et d’électricité à partir de la biomasse. Le gouvernement territorial a affirmé qu’il devra se rabattre sur des génératrices alimentées au diesel, parce qu’il n’y a pas de centrales hydroélectriques qui entreront en service à court terme.

Nous avons proposé l’idée de fournir de la biomasse pour produire de l’électricité, étant donné que le dendroctone du pin argenté a envahi les forêts de la Colombie-Britannique et que nous sommes aux prises avec le typographe de l’épinette dans notre secteur. Le typographe de l’épinette a fait son apparition il y a environ 25 ans sur le territoire traditionnel des Premières Nations de Champagne et de Aishihik. Cet insecte a consommé environ 300 millions de mètres cubes de bois. Nous avons des troncs secs sur pied sur notre territoire traditionnel qui seraient propices à cette production d’électricité.

Les deux emplacements potentiels que nous avons sont très près. Une ligne de transport d’environ 20 ou 30 kilomètres serait probablement nécessaire dans le cas du plus grand projet, et ce serait une centrale de 25 à 35 mégawatts. Cela se trouve à un endroit qui chevauche le territoire traditionnel d’une autre Première Nation. Il faudrait donc conclure une entente avec l’autre Première Nation. Nous sommes en pourparlers au sujet de ce projet avec l’autre Première Nation et nous nous en occuperions possiblement.

Sur notre propre territoire traditionnel, nous avons un emplacement potentiel qui pourrait produire de 10 à 15 mégawatts; c’est un plus petit projet. Cet emplacement se trouve plus près du réseau électrique. Le gouvernement du Yukon a commandé il y a quelques années un rapport et il a investi beaucoup d’argent à ce sujet. Le gouvernement a omis de faire certaines choses, et c’est une bonne leçon à retenir. Il a oublié de tenir compte de l’acceptabilité sociale dont il aurait besoin. Son principal projet était d’ériger un barrage sur la rivière Pelly au Yukon. Eh bien, les environnementalistes et les Premières Nations s’y seraient opposés jusqu’à la fin des temps.

Nous avons parlé de certains éléments concernant ce possible projet sur notre territoire, et j’ai demandé à quel point ce projet serait en tête de liste si nous obtenions l’acceptabilité sociale nécessaire à sa réalisation. La personne m’a répondu, sans aucune hésitation, que ce projet serait en tête de liste. Ce potentiel existe, et cela nous intéresse.

Comme dernier commentaire au sujet des Premières Nations de Champagne et de Aishihik, je souligne notamment que nous avons une centrale hydroélectrique sur notre territoire traditionnel depuis plus de 40 ans, et cette centrale a eu des effets très dévastateurs sur une grande partie de notre territoire traditionnel.

Certains de nos citoyens, la moitié de nos Premières Nations, la bande de Aishihik, vivent avec les conséquences de cette centrale depuis 40 ans. Cela témoigne de l’époque, et la période de renouvellement de permis est en cours. Nous devons composer avec une situation où nous essayons maintenant de corriger une situation qui découle d’une mentalité qui remonte à 40 ans et de l’adapter. D’autres Premières Nations ont déjà connu une telle situation et elles sont très sceptiques à l’égard de tout développement.

Le gouvernement de Champagne et de Aishihik ne veut pas utiliser cette approche. Nous examinons tous nos emplacements potentiels, parce que nous sommes conscients, comme Canadiens, du besoin d’alimenter le réseau et que nous savons que l’hydroélectricité a une empreinte écologique passablement propre après l’aménagement du site. C’est une électricité à bon marché et constante. Même si nous regardons du côté des énergies solaire et éolienne, nous savons que nous n’avons tout simplement pas la technologie pour que ce soit économiquement viable. Nous sommes toujours disposés à examiner et à discuter des possibilités d’exploiter nos ressources.

Les membres des Premières Nations ont toujours exploité le territoire pour en tirer des avantages économiques. Nous devons le voir ainsi. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Chef Smith, pouvez-vous brièvement nous parler de votre expérience avec Infrastructure Canada? Avez-vous des recommandations au sujet de ce programme, qui distribuera des milliards de dollars au cours des prochaines années, pour mieux l’adapter à vos besoins?

M. Smith : Dans notre cas, le financement doit être plus facilement accessible. Nous sommes prêts à développer certaines parcelles de notre territoire, en particulier dans la région de Haines Junction. Je n’ai pas eu beaucoup d’échanges directs avec Infrastructure Canada et les responsables du programme, mais j’ai récemment été informé que notre projet devra attendre au moins en 2021, voire en 2023. Je recommande de rendre le programme suffisamment dynamique pour qu’il puisse démarrer des projets lorsque les communautés sont prêtes à le faire.

Il est vrai que, si de l’argent a été affecté au programme, nous devrions pouvoir aller de l’avant avec ces projets au moment précis où nous sommes prêts à le faire au lieu de devoir patienter plusieurs années et peut-être même tout un cycle électoral.

Le président : Par ailleurs, les politiques de l’Agence canadienne de développement économique du Nord ne fonctionnent pas dans votre cas. Comment pouvons-nous essayer de changer la donne?

M. Smith : Encore une fois, le programme représente une évolution entre Entreprise Autochtone Canada et le Programme de développement des entreprises autochtones. Nous l’avons toujours vu comme un programme d’Ottawa. Il faut que ce programme soit un peu plus fluide et plus adapté à notre réalité.

En raison de l’immense diversité entre les régions arctiques qui composent le Canada, le Yukon a une infrastructure routière beaucoup plus développée. Nous avons certaines capacités, mais c’est très différent de la situation au Nunavut et dans les Territoires-du-Nord-Ouest.

Ce que nous pourrions proposer, c’est la création d’un programme destiné aux Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, programme qui jouerait un rôle dynamique dans tout le Nord et qui serait plus adapté aux régions précises visées par les fonds administrés.

Le président : Je tiens à vous remercier, vous et tous les autres témoins, de votre participation ce soir.

Nous accueillons maintenant notre prochain témoin : Sheldon Nimchuk, directeur, Développement de projets et partenariats, Qikiqtaaluk Corporation.

Bienvenue, monsieur Nimchuk. En passant, nous venons de la même région.

Sheldon Nimchuk, directeur, Développement de projets et partenariats, Qikiqtaaluk Corporation : Merci, monsieur le président, sénateur Patterson, et distingués membres du comité. Je m’appelle Sheldon Nimchuk, et je suis directeur de la division du développement de projets et des partenariats au sein de la Qikiqtaaluk Corporation. Je suis heureux de témoigner devant le comité ce soir. Malheureusement, notre président, qui aurait voulu être ici pour vous parler ce soir, avait un engagement préalable, puisque les réunions de notre conseil d’administration vont débuter demain. Il m’a demandé de représenter la Qikiqtaaluk Corporation en son nom.

La Qikiqtaaluk Corporation est la société de développement de la région de Qikiqtani, au Nunavut. Elle représente 13 collectivités locales qui, ensemble, comptent environ 14 000 Inuits. En tant qu’organisation, la Qikiqtaaluk Corporation s’efforce de créer des possibilités intéressantes en matière de diversité économique, d’emploi et de perfectionnement professionnel pour les Inuits.

Nous sommes ici aujourd’hui pour examiner des thèmes liés au guide de discussion sur le cadre stratégique pour l’Arctique, plus particulièrement en ce qui concerne les infrastructures et le développement économique. Ces thèmes, qui sont indissociables, constituent deux domaines prioritaires pour la Qikiqtaaluk Corporation.

Je m’attarderai sur certaines des principales initiatives que la Qikiqtaaluk Corporation mène activement en ce qui a trait aux infrastructures et au développement économique au Nunavut. Le message le plus important que je tiens à vous transmettre aujourd’hui est le suivant: pour réaliser des progrès relativement à tous les thèmes abordés dans le guide de discussion, il faut mettre de l’avant des politiques et des procédures à l’appui d’une nouvelle approche de mise en œuvre des projets d’infrastructure, en partenariat avec les sociétés de développement inuites. Les organisations inuites plaident depuis longtemps pour une répartition équitable des programmes de financement fédéraux disponibles à l’échelle nationale afin d’appuyer l’édification des nations et la réconciliation.

En ce qui a trait à la position du gouvernement du Canada, le premier ministre Justin Trudeau a accordé la priorité à la réconciliation et aux relations avec les Autochtones. Permettez-moi de le citer:

Nous sommes déterminés à faire une vraie différence dans la vie des Autochtones — en comblant les écarts socio-économiques, en favorisant une plus grande autodétermination et en créant des opportunités de travailler ensemble à faire avancer nos priorités communes.

Le même message se dégage des Principes régissant la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones, et je cite:

Le gouvernement du Canada reconnaît que la réconciliation et l’autonomie gouvernementale exigent une nouvelle relation financière avec les nations autochtones, établie dans un esprit de collaboration avec celles-ci, laquelle favorise un climat propice à la création de partenariats économiques et au développement des ressources.

Dans notre cas, de la même façon, les principes directeurs du gouvernement du Nunavut, Turaaqtavut, sous le nouveau gouvernement, établissent la priorité suivante: « [établir] des partenariats stratégiques avec les organisations inuites, le gouvernement fédéral et le secteur privé pour répondre aux besoins de nos collectivités. »

La Qikiqtaaluk Corporation est encouragée par les mandats et les engagements actuels des gouvernements fédéral et territorial. Cette année, nous célébrons le 25e anniversaire de l’accord sur le Nunavut. Grâce à cet accord, nous soulignons la création des trois associations inuites régionales et leurs sociétés de développement respectives. Au cours des deux dernières décennies, la capacité, les ressources et l’expérience des sociétés de développement inuites ont augmenté. Nous sommes bien placés pour être des chefs de file à mesure que nous faisons avancer des économies arctiques solides, durables et diversifiées. Nous brûlons d’impatience de voir les engagements du gouvernement du Canada et du gouvernement du Nunavut se transformer en mesures tangibles.

En tant que membres du Comité spécial sur l’Arctique, vous êtes bien au fait, j’en suis sûr, du déficit actuel en matière d’infrastructures au Nunavut. Ce déficit touche toutes les catégories, de l’infrastructure d’aqueducs et d’égouts aux infrastructures de communication et de transport, en passant par les infrastructures communautaires et culturelles. Notre déficit est tel que la pénurie de logements adéquats et sûrs sur notre territoire constitue une crise nationale.

L’infrastructure de base sert de fondement à l’activité économique. Le Nunavut a besoin d’investissements stratégiques, prévisibles et à long terme dans les infrastructures afin de faire croître son économie. Le manque d’infrastructures au Nunavut limite la croissance économique et la prospérité culturelle des Inuits. Il en résulte une fuite des capitaux sur notre territoire.

Dans le cadre de nos fonctions à la Qikiqtani Corporation, nous avons piloté des projets et déployé des efforts afin d’éliminer cette insuffisance de l’infrastructure et d’offrir des possibilités économiques aux Inuits de notre région et de tout le Nunavut. Permettez-moi de parler de quelques-uns de nos projets actuels afin de souligner les occasions qui existent au chapitre des investissements stratégiques à long terme et des accords de partenariat avec les sociétés de développement inuites du Nunavut.

Les organisations inuites de Qikiqtani, par exemple, ont présenté conjointement une approche d’exécution axée sur le partenariat pour le Centre du patrimoine du Nunavut, une installation tant attendue, qui est naturellement en adéquation avec les mandats respectifs du gouvernement du Canada et des organisations inuites vouées à améliorer les possibilités offertes aux Inuits. En fait, les organisations inuites ont engagé un montant de 10 millions de dollars pour ce projet. Une équipe de conception-construction, qui accorde la priorité aux entreprises et aux compétences du Nunavut, est prête à aller de l’avant, sous réserve de l’attribution d’un financement pluriannuel.

De plus, nous avons entamé l’aménagement d’une parcelle de terre appartenant aux Inuits dans la ville d’Iqaluit. Une fois terminé, le projet dans son ensemble appuiera environ 300 à 400 millions de dollars au titre de l’infrastructure. Au cours des 10 à 15 prochaines années, ce projet d’aménagement pourrait servir de programme de formation et de planification de carrière unique en son genre.

Pour l’heure, l’aménagement des terres à Iqaluit est en stagnation à cause de l’infrastructure vieillissante d’aqueducs et d’égouts ayant atteint leur capacité maximale. À nos yeux, il s’agit là d’une occasion unique d’investissements stratégiques dans cette infrastructure pour appuyer les terres appartenant aux Inuits et les subdivisions municipales qui pourraient en découler dans le but d’offrir des possibilités à notre collectivité grâce au développement des infrastructures économiques et culturelles. En l’occurrence, nous serions tout à fait disposés à travailler en partenariat avec le gouvernement du Canada, le gouvernement du Nunavut et la ville d’Iqaluit pour aller de l’avant avec cette initiative.

Nous avons également terminé des études de délimitation pour la création d’un port en eau profonde dans la communauté de Qikiqtarjuaq. L’infrastructure maritime stratégique pourrait promouvoir la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique ainsi que d’innombrables débouchés économiques, tout en appuyant le développement économique à l’échelle communautaire et régionale.

Autre point d’intérêt : la Qikiqtaaluk Corporation a récemment créé la Nunavut Nukkiksautiit Corporation pour faire progresser des projets d’énergie propre et offrir des perspectives d’emploi et des possibilités financières aux Inuits de la région de Qikiqtani. La NNC, qui sera le premier promoteur d’énergie propre appartenant aux Inuits du Nunavut, collaborera avec chacune des collectivités de notre région pour faire valoir des projets d’énergie propre. Grâce aux investissements gouvernementaux dans de tels projets, nous pourrons réduire notre dépendance à l’égard de l’énergie dérivée de combustibles fossiles, ce qui constitue une étape cruciale vers la sécurité énergétique, la réconciliation et l’autodétermination des Inuits.

Voilà donc quelques-uns des projets mis de l’avant par la Qikiqtaaluk Corporation pour favoriser la construction d’infrastructures et le développement économique dans notre région. Grâce à un partenariat économique et à une nouvelle approche d’exécution, ce genre de projets assureront des gains plus importants, et ce, dans des délais plus courts.

J’ai distribué quelques documents d’information qui pourraient fournir aux membres du comité des renseignements supplémentaires sur les initiatives dont j’ai parlé. En conclusion, nous remercions Mary Simon d’avoir cerné clairement la nécessité d’une intervention inclusive dans le Nord. Voici ce qu’elle déclare dans son rapport de 2017:

Selon moi, en ce moment, il est primordial de ne pas oublier les visions, les plans d’action, les stratégies et les initiatives qui sont, depuis longtemps, conçus « pour le Nord » et non « en collaboration avec le Nord ».

Nous estimons que les organisations inuites ont cherché des moyens de réaliser des projets d’infrastructure « en collaboration avec le Nord » grâce à une relation financière renouvelée avec le gouvernement du Canada et le gouvernement territorial afin de concrétiser des projets et des programmes d’infrastructure utiles et efficaces. Dans le cadre de l’engagement en matière de réconciliation au moyen d’une relation financière renouvelée, nous devrions envisager de réaliser ces projets en partenariat avec des organisations inuites qui peuvent rassembler des équipes de conception-construction de manière à favoriser véritablement la formation et le perfectionnement des Inuits.

En terminant, je tiens à dire que j’ai bon espoir, au moment même où nous célébrons le 25e anniversaire de l’accord sur le Nunavut, que nous pourrons envisager avec enthousiasme les 25 prochaines années grâce à une nouvelle approche qui favorise la réconciliation au moyen de mesures tangibles.

J’aimerais ajouter que le comité devrait, en plus des constats qu’il a déjà dressés, songer à éclairer le nouveau Cadre stratégique de l’Arctique. Ayant moi-même vécu à Iqaluit pendant près de 23 ans et ayant eu l’occasion d’être invité à plusieurs missions d’enquête et études menées par les gouvernements successifs, je peux dire au comité que le Nord, en particulier le Nunavut, a vraiment été étudié à outrance dans ces dossiers, à mon humble avis. Il est temps d’aller de l’avant et de prendre des mesures tangibles pour bâtir les infrastructures nécessaires, qui servent essentiellement à mettre en œuvre des programmes; à cet égard, il serait vraiment avantageux de tenir compte de ces types spéciaux de projets dans le cadre des allocations de base prévues par le Conseil du Trésor pour favoriser l’innovation, la sensibilisation et la collaboration, au lieu de s’en tenir à la procédure habituelle d’approbation ou de refus, d’une année à l’autre, procédure qui rend difficile la possibilité de canaliser les efforts destinés à faire en sorte que les investissements du gouvernement du Canada aient vraiment des retombées. Surtout, travaillez à attirer des capitaux du secteur privé, comme M. Davis l’a expliqué tout à l’heure, grâce à des engagements à long terme en partenariat avec les organisations inuites.

Sur ce, je me ferai un plaisir de répondre aux questions ou de fournir d’autres précisions aux membres du comité.

La sénatrice Bovey : Je trouve tout cela intéressant. Je crois que vous comprendrez pourquoi cela me paraît, d’une part, très inspirant et, d’autre part, un peu préoccupant, compte tenu du peu de progrès accomplis.

Le rapport entre la culture et la terre m’intéresse. Le chef Smith a d’ailleurs fait allusion à ce lien inhérent. En effet, pour bon nombre de mes étudiants autochtones de l’Arctique et du Sud, le mot « culture » évoque la terre.

Vous avez mentionné le Centre du patrimoine du Nunavut, que j’attends avec impatience depuis de nombreuses années, compte tenu de mes antécédents. Les 10 millions de dollars ont été engagés par l’entremise des organisations inuites pour le projet, et vous avez une équipe de conception-construction qui accorde la priorité aux entreprises du Nunavut et qui est prête à aller de l’avant. Voilà une nouvelle emballante. C’est, selon moi, une source d’inspiration.

Par contre, la fin de votre phrase m’inquiète vraiment, lorsque vous dites que tous ces intervenants sont prêts à aller de l’avant, sous réserve de l’attribution d’un financement pluriannuel. Puis-je savoir comment et quand vous comptez recevoir le financement pluriannuel, et quelles sont vos échéances?

M. Nimchuk : Oui. L’accord sur le Nunavut prévoyait la création d’un centre du patrimoine qui serait administré, au bout du compte, ou bien par le gouvernement du Nunavut, avec l’appui du gouvernement du Canada, ou bien, éventuellement, si l’occasion se présentait, par le gouvernement du Canada, en consultation directe avec les organisations inuites, sachant que le gouvernement du Nunavut éprouve beaucoup de difficultés à tous les niveaux en ce qui concerne les infrastructures nécessaires sur son territoire, même au chapitre des infrastructures de base à l’échelle communautaire.

Grâce aux 10 millions de dollars qui sont disponibles, sous une forme ou une autre, il faut conclure une entente avec les divers ordres de gouvernement, qu’il s’agisse du gouvernement du Canada ou du gouvernement du Nunavut — peut-être une entente de 20 ans — pour appuyer la mise en œuvre de ce projet, sans perdre de vue qu’il s’agit d’un centre du patrimoine qui ne présente probablement pas autant de retombées économiques qu’une initiative d’énergie propre. Vu la particularité culturelle du Nunavut, la génération actuelle pourrait perdre ce lien culturel en l’absence d’un centre historique dans notre région, sans oublier les nombreuses retombées sur le plan touristique.

Ce que je voulais dire en parlant des différents paliers de gouvernement — car, après tout, il s’agit d’une obligation gouvernementale aux termes de l’accord sur le Nunavut —, c’est qu’il faut travailler avec les organisations inuites qui ont réuni 10 millions de dollars jusqu’à présent et essayer de trouver un mécanisme qui permettrait de faire avancer ce projet en collaboration avec l’équipe que nous pouvons rassembler afin que le tout soit prêt le plus rapidement possible.

À notre avis, il suffit de se réunir autour de la table, d’avoir des objectifs communs, d’attribuer des mandats et de trouver un moyen de travailler ensemble afin de concrétiser le projet.

Je peux dire à la sénatrice et aux autres membres du comité que nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer les représentants du gouvernement du Nunavut et de nous entretenir avec eux pour leur présenter des options à envisager, en misant sur certains des fonds dédiés par l’entremise des affectations provinciales-territoriales. Dans la même veine, nous avons présenté au gouvernement du Canada une proposition qui reconnaît la pénurie de financement du Nunavut et qui prévoit l’établissement d’une entente directe avec le gouvernement du Canada, tout en permettant au gouvernement du Nunavut d’utiliser ses ressources pour appuyer la mise en œuvre de programmes, plutôt que les capitaux du projet.

La sénatrice Bovey : Si je peux me le permettre, ayant travaillé dans le secteur depuis bien des décennies, nous sommes conscients de la force et du développement économique qui découlent du tourisme culturel. Je suis contente que vous ayez parlé, plus loin dans votre exposé, des investissements stratégiques dans l’infrastructure d’aqueducs et d’égouts. Je ne contesterai rien de cela. Je me demande si vous êtes d’accord avec moi pour dire que ces fonds proviennent de différentes sources. J’avais l’impression que le soutien fédéral au centre du patrimoine culturel était bien conçu et bien avancé.

Monsieur le président, je suppose que je suis déçue de voir que ce projet est reporté à l’infini, sachant qu’il revêt une importance essentielle pour la langue, la vie, le tourisme et tous les aspects de la société. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à ce sujet.

M. Nimchuk : Dans cette situation particulière, le tout reposait sur le caractère unique d’une parcelle de terre appartenant aux Inuits, à Iqaluit, et le constat que la ville d’Iqaluit est aux prises avec de grandes difficultés financières. La capacité même d’envisager l’ouverture de nouvelles parcelles de terre, vu le coût élevé de l’infrastructure d’aqueducs et d’égouts, nous a donné l’occasion — et par « nous », j’entends la Qikiqtaaluk Corporation — de collaborer avec la Fiducie du patrimoine inuit. Non seulement nous pouvons travailler à offrir un modèle d’exécution différent de l’approche habituelle de construction par l’État, mais nous pouvons aussi offrir une parcelle de terre et, partant, avoir la possibilité d’instaurer des projets d’énergie propre, puisque les réseaux d’aqueducs et d’égouts et l’édifice proprement dit sont tous interdépendants.

J’ai essayé de faire comprendre, dans les documents, que cette occasion particulière s’offre à nous aujourd’hui. L’alignement des programmes, les discussions et le recours à un processus de demande nous empêchent de canaliser véritablement nos efforts, en l’occurrence, pour le centre du patrimoine, parce que l’infrastructure d’aqueducs et d’égouts contribuera au développement de cette terre, tout en faisant avancer des initiatives d’énergie propre pour lesquelles nous avons déjà reçu des soumissions et qui sont en attente d’une approbation, espérons-le. Si cette initiative obtient le feu vert, cela pourra changer la donne; en l’espèce, il s’agit d’une approche inspirée du secteur privé, en complément des efforts déployés par les gouvernements pour essayer de s’acquitter de leurs mandats respectifs.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, il nous reste moins de 15 minutes.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, monsieur Nimchuk, de votre excellent exposé et je suis désolée si nous contribuons au phénomène des études à outrance. J’ose espérer que cela aboutira à quelque chose de très productif. Je crois que votre témoignage de ce soir est important.

J’ai d’abord une question générale à vous poser. J’aimerais simplement faire la lumière sur le dernier point que vous avez fait valoir dans votre exposé, à savoir que nous devons faire les choses différemment. Bien franchement, l’ancienne façon de faire ne fonctionne pas depuis un certain temps en ce qui concerne le partenariat avec le gouvernement du Canada. Il se peut bien que la formule universelle ne marche pas non plus.

J’aimerais que vous nous en parliez un peu plus en détail.

Ma deuxième question est beaucoup plus précise. Je m’intéresse beaucoup aux projets d’énergie propre. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la nature de ces projets.

M. Nimchuk : Certainement, sénatrice. Je pourrais peut-être utiliser l’exemple auquel j’ai fait allusion dans le rapport de Qikiqtarjuaq.

Nous savons que l’infrastructure maritime est importante. Nous savons aussi que le gouvernement du Nunavut a récemment obtenu un contrat pour construire ce qu’on appelle un port en eau profonde dans la ville d’Iqaluit et un port pour petits bateaux à Pond Inlet.

Nous savons aussi que, d’un point de vue national et international, en particulier pour ce qui est de servir l’industrie de la pêche hauturière, Iqaluit ne servira jamais de port en eau profonde à cet effet. Par ailleurs, Qikiqtarjuaq est établi à un endroit stratégique.

Je suppose que je fais allusion à la capacité de trouver un mécanisme permettant de présenter des initiatives à ces organismes gouvernementaux et à des efforts politiques qui peuvent être plus globaux que les exigences nationales ou internationales. La nouvelle approche consiste à pouvoir s’asseoir ensemble, en tant que partenaires, et à canaliser l’effort dans le cadre duquel le gouvernement fédéral s’engagerait à autoriser l’industrie à envisager également d’être novatrice en ce qui concerne ses services liés aux activités du port.

En fin de compte, dans ce cas en particulier, quels avantages géopolitiques peut-il y avoir à posséder un emplacement stratégique qui pourrait être utile à l’industrie de la défense, c’est-à-dire à la défense du Canada et à sa garde côtière?

Il y a peut-être des projets spéciaux rassembleurs pour une nation qui favorisent le partenariat, si les ordres de gouvernement reconnaissent la capacité qui peut être présentée par les partenaires. Je pense qu’on peut accentuer la possibilité de faire avancer les initiatives de ce genre plus tôt que tard. En outre, je ne m’attends pas à ce que cela fonctionne pour tous les types de projets qui existent.

Puis-je enchaîner avec les projets d’énergie propre? À l’heure actuelle, nous soumettons des propositions liées à une parcelle de terrain appartenant aux Inuits sur lequel nous construisons notre hôtel afin de démontrer une consommation énergétique nette zéro dans le cadre d’un des volets de financement. De même, dans le cadre d’un autre volet de financement, nous avons présenté une proposition, qui pourrait être choisie grâce à des appels d’intérêt, afin de démontrer le fonctionnement d’un réseau électrique intelligent du XXIe siècle doté d’un entreposage de piles à vocation commerciale et d’une centrale solaire de 1,5 mégawatt à l’intérieur de cette zone de développement.

Dans ce cas en particulier, nous devons aussi gérer le fait que le fournisseur de services publics locaux ne bénéficie pas d’une législation autorisant une production indépendante d’électricité. Sa tentative d’autoriser une facturation nette est à une échelle tellement restreinte que nous ne sommes pas adaptés à l’exécution de ce genre de projet. Le gouvernement fédéral prend des mesures pour inciter des collectivités à réduire leur dépendance au diesel pour produire de l’électricité et demande des propositions à cet égard. Iqaluit est la ville qui compte le plus grand nombre d’habitants, mais nous faisons face à la difficulté de concilier aussi le gouvernement fédéral dont nous espérons recevoir bientôt des réponses affirmatives qui nous permettront de passer à l’étape de l’exercice du principe de diligence raisonnable, des services publics offerts par le gouvernement territorial qui ne sont pas encore au niveau voulu et notre désir d’être des chefs de file dans le cadre de cette initiative et d’apporter une contribution financière à celle-ci.

Je pense que mes commentaires à propos d’une nouvelle façon de faire les choses sont les suivants: si l’objectif ultime est de mettre en œuvre des programmes et d’aider une nouvelle génération à changer ce que l’ancienne génération pense des programmes gouvernementaux, il faut agir maintenant, et il doit y avoir un mécanisme qui permet d’examiner les résultats, autre que la seule allocation d’un budget. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice McCoy : Vos commentaires sont très utiles.

Le président : Votre entreprise jouerait un rôle dans le comité de développement des entreprises inuites. Pourriez-vous s’il vous plaît nous expliquer un peu les attentes que vous avez à cet égard?

M. Nimchuk : Certainement. Je serais heureux d’ajouter mes commentaires à ceux de M. Davis, car il joue également un rôle à cet égard. Une partie de la relation naturelle nouée avec les Inuits et les sociétés de développement a été, du moins selon mon expérience personnelle, canalisée de nouveau par l’intermédiaire d’ITK. En octobre dernier, nous avons été invités, en tant que groupe, à nous rendre en Alaska afin d’entamer une conversation concernant les occasions d’affaires interentreprises dans le contexte des nouvelles idées relatives à un commerce est-ouest dans l’Arctique.

Même si ce comité cherche maintenant à conclure une entente officielle, grâce à cette conversation, il a obtenu un point de vue international auprès des sociétés de développement inuites établies de l’Alaska au Groenland. Leur situation est légèrement différente, car ils sont essentiellement membres d’un gouvernement. De mon point de vue, cette participation a été très intéressante parce qu’en fin de compte, il y a de 140 000 à 160 0000 Inuits dans le monde. Si l’on pense à la superficie que leurs revendications territoriales couvrent globalement dans leurs territoires respectifs, si l’on croit que les nouveaux débouchés liés aux intérêts de l’Arctique se concrétiseront d’une manière ou d’une autre, et si l’on songe à la capacité d’inciter des sociétés de développement canadiennes à envisager de nouer des relations avec des Inuits, originaires de la région allant du Groenland à l’Alaska, non seulement dans le cadre de projets rassembleurs pour une nation, mais aussi de possibilités d’affaires est-ouest plus vastes, ces débouchés pourraient être liés au contrôle du pilotage dans le passage du Nord-Ouest ou au passage du Pacifique à l’Atlantique. Les réseaux de communication sont un secteur auquel on ne fait que rêver en ce moment. Toutefois, les Inuits pourraient-ils être propriétaires de leur propre fournisseur de services de télécommunication dans les années à venir, de manière à s’assurer que les investissements sont canalisés pour représenter les gens et améliorer leurs conditions? Je pense que cette possibilité est envisagée.

Monsieur le président, cette initiative en est encore à ses débuts. Je peux vous communiquer qu’en date de vendredi dernier, il y avait des représentants de l’ambassade du Danemark, et on examinait la possibilité de créer l’Arctic Infrastructure Alliance qui comprendrait le Groenland, le Canada et peut-être plus tard l’Alaska. Au bout du compte, de nombreuses dynamiques semblent s’engager, et il s’agit seulement des premières tentatives de se positionner pour l’avenir et de déterminer comment cette force collective pourrait profiter aux Inuits des régions respectives.

Le président : Monsieur Nimchuk, je vous remercie des documents que vous avez mis à la disposition du comité. L’un d’eux porte sur les tendances et les politiques économiques, et il mentionne des occasions manquées. Il contient une allusion à de nouvelles mères qui ont du mal à réintégrer le marché du travail. J’aimerais que vous formuliez quelques observations à propos de la façon dont certains débouchés économiques ont peut-être court-circuité les femmes.

L’autre document indiquait des occasions manquées dans le secteur de la pêche côtière. J’aimerais que vous parliez un peu de ces deux enjeux et de toute autre question que vous souhaiteriez soulever à propos des occasions manquées. Je constate que vous avez également mentionné les aînés et les résidences pour personnes âgées.

M. Nimchuk : Monsieur le président, en ce qui concerne les occasions manquées liées aux garderies, je précise que bon nombre de personnes n’ont accès à aucun service de garderie. Bien que des personnes puissent être en mesure d’aller travailler, le fait en soi qu’elles n’aient pas accès à des établissements de base offrant des soins pour les jeunes enfants peut les empêcher d’avoir une carrière rémunératrice. Je pense que nous faisons simplement valoir que, dans le cadre de divers projets d’infrastructure, il s’agit véritablement d’une nécessité de base, en particulier si les sénateurs considèrent le fait que, dans une petite collectivité comme Grise Fiord, les gens pourraient avoir l’occasion de travailler pour l’une des sociétés de mise en valeur des ressources, comme Baffinland. Toutefois, en l’absence de services de garderie, les gens pourraient avoir du mal à envisager d’accepter un emploi. En fin de compte, cela nous ramène au fait que le financement social est consacré à l’aide sociale ou à un service, quel qu'il soit.

En ce qui concerne les garderies, nous croyons que des occasions sont manquées parce qu’il n’y a aucun investissement dans les services de base des petites collectivités.

En ce qui a trait aux occasions manquées sur le plan du développement de la pêche côtière, il s’agira peut-être d'autant de futures occasions manquées, si nous ne canalisons pas nos efforts dès maintenant. À cet effet, nous avons réalisé des travaux. Lorsque nous examinons le développement futur de la pêche côtière, c’est-à-dire 12 milles vers la côte à partir des eaux adjacentes, nous constatons qu’il est en réalité lié à l’assurance de la sécurité alimentaire au moyen de la création d’une usine de transformation modulaire dont la taille pourrait être adaptée si nous décidons de trouver un marché d’exportation.

L’entreprise Qikiqtaaluk Fisheries investit en ce moment dans un navire de recherche de 40 pieds afin de faire progresser la recherche au sein des collectivités et d’obtenir des résultats tangibles découlant des produits disponibles.

Alors, comment pouvons-nous acheminer les produits vers le marché?

Lorsque nous envisageons d’essayer de résoudre ces problèmes, à savoir les liaisons de transport et l’ajout de produits frais, ou, du moins, de nous préparer à affronter ces problèmes, nous constatons déjà que du point de vue des marchés, nous sommes un peu à la recherche d’un créneau, ce qui est de bonne guerre recherche. Le coût des occasions manquées liées à la pêche côtière n’est pas tant quelque chose qui a été perdu dans le passé, mais plutôt une question de canalisation des efforts visant à permettre à ces produits d’atteindre le marché et à nous permettre de trouver des solutions novatrices pour acheminer les produits à valeur ajoutée vers le marché canadien. Je pense que c’est ce à quoi je faisais allusion dans ce document.

En ce qui concerne les résidences pour personnes âgées, le document fait valoir que nous savons que ces résidences sont l’une des priorités du gouvernement actuel du Nunavut. Les coûts des occasions manquées auxquels nous faisons allusion s’étendent de 1999 à aujourd’hui. De plus, le nombre de programmes et le financement disponible sont mentionnés, mais personne n’a demandé ces chiffres ni visité les partenaires afin d’harmoniser leurs besoins et leur fournir une infrastructure vraiment marquante. Si les choses continuent ainsi, je suppose que nous prédisons que ce sera l’une des raisons pour lesquelles nous pourrions envisager d’adopter une nouvelle approche pour canaliser ces efforts, de manière à ne pas manquer ces occasions. De plus, une nouvelle approche en matière de partenariat pourrait être envisagée afin que les meilleures entreprises, les meilleurs Inuits et les meilleurs gouvernements puissent travailler de concert à la résolution de certains des problèmes auxquels les collectivités font face.

Le président : Merci infiniment. Cela dit, nous allons mettre fin aux témoignages de ce groupe d’experts. Monsieur Nimchuk, je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Chers collègues, nous allons suspendre la séance afin de poursuivre nos délibérations à huis clos pendant quelques minutes en vue de discuter de travaux futurs.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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