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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 3 - Témoignages du 7 mai 2018


OTTAWA, le lundi 7 mai 2018

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 18 h 35, pour examiner l’impact des lois et des politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance.

Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et je préside le comité. J’aimerais, pour commencer, demander à mes collègues de se présenter, en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique

Le président : Le comité poursuit aujourd’hui son examen sur l’impact des lois et des politiques fédérales-provinciales sur les organismes de bienfaisance, les organismes sans but lucratif, les fondations et autres groupes semblables, et son examen sur l’impact du secteur volontaire au Canada.

La réunion de ce soir portera plus précisément sur la contribution économique du secteur.

Notre premier groupe de témoins de ce soir est composé de représentants de Statistique Canada, Catherine Van Rompaey et Matthew MacDonald, respectivement directrice et directeur adjoint de la Division des comptes économiques nationaux.

Merci d’avoir accepté notre invitation. Avant le début de la réunion, j’ai eu le plaisir d’apprendre qu’ils venaient tous les deux du Canada atlantique.

J’aimerais inviter les témoins à faire leur présentation, non sans leur rappeler que, conformément aux instructions qu’ils ont reçues précédemment, elle ne doit pas dépasser 10 minutes. L’exposé des témoins sera suivi d’une période de questions et réponses au cours de laquelle chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser des questions avant que le président ne donne la parole au suivant. Il y aura autant de tours de questions que le temps le permettra. Les sénateurs ne doivent pas se sentir obligés de poser toutes leurs questions en même temps. Je leur demanderais d’être brefs dans leurs questions.

Avant que nous ne commencions, je dois préciser qu’il y a un photographe dans la salle ce soir qui représente les Communications du Sénat, alors ne vous sentez pas intimidés. C’est un photographe amical.

Au nom du comité, je vous remercie sincèrement et je vous invite à commencer votre exposé.

Catherine Van Rompaey, directrice, Division des comptes économiques nationaux, Statistique Canada : C’est un plaisir pour moi d’être ici ce soir pour vous communiquer les données reflétant l’importance et la portée du secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif du Canada.

Ces statistiques proviennent du système des comptes macroéconomiques de Statistique Canada. Il s’agit en fait d’un ensemble intégré de comptes économiques fondés sur des normes internationales. On tire de cet ensemble de comptes des indicateurs importants comme le produit intérieur brut, la productivité du travail et la richesse nationale.

Comme vous avez tous, je pense, reçu un exemplaire de la présentation, je voudrais la parcourir avec vous, en commençant, si vous le voulez bien, par la deuxième diapositive. Pour ce qui est de la contribution économique du secteur sans but lucratif au Canada, elle représente environ 7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

On peut subdiviser le secteur en trois parties distinctes. La majorité du secteur sans but lucratif est composée de ce que nous pourrions considérer comme des organismes quasi gouvernementaux. Ce qu’on appelle dans la diapositive, les organisations gouvernementales. En font partie notamment les hôpitaux, les universités, les centres de soins infirmiers et les établissements de soins pour bénéficiaires internes. Elles représentent environ les deux tiers de l’activité économique du secteur sans but lucratif.

Viennent ensuite les organismes communautaires, mais ne faites pas une fixation sur ces termes parce qu’ils ne sont pas officiels. Ils sont juste un peu plus intuitifs que les termes techniques dont on se sert en macroéconomie. Ils représentent environ 22 p. 100 de ce montant. Ils englobent les services à l’enfance et à la jeunesse, les organismes d’aide sociale et tout ce qu’on associe en général au secteur sans but lucratif ou caritatif.

Enfin, le reste du secteur est composé d’organisations d’affaires. On peut les décrire comme des organisations sans but lucratif au service de l’entreprise. On pensera, par exemple, aux associations commerciales et aux chambres de commerce, mais d’autres organisations, comme les associations de copropriétaires et les organisations de soutien aux employés, entrent également dans cette catégorie.

À propos de ce dernier groupe, je vous dirai quelques mots des outils de mesure. Dans notre série actuelle de statistiques, les données les concernant font largement défaut. Les organisations d’affaires ne sont pas bien représentées dans la série de statistiques que l’on produit à l’heure actuelle. Je vais vous présenter les statistiques dont on dispose actuellement. J’y reviendrai à la fin de mon exposé.

Passons maintenant à la diapositive 3, pour parler brièvement du premier segment, celui donc des organisations gouvernementales. Comme je l’ai déjà mentionné, elles comprennent notamment les hôpitaux, les établissements de soins pour bénéficiaires internes, les universités et les collèges. Elles dominent vraiment le paysage économique lorsqu’il s’agit de la valeur économique globale du secteur sans but lucratif. Comme on peut le voir dans le tableau de droite, ce secteur est un gros pourvoyeur d’emplois. Environ 1,4 million d’emplois, ce qui représente 7,3 p. 100 de l’emploi total au Canada. Plus de la moitié du total, soit 55 p. 100, se trouve dans les hôpitaux et un peu plus de 20 p. 100 dans les universités. Pour ce qui est du segment de la santé, la grande majorité du financement de ces organisations, plus de 80 p. 100, provient des transferts des gouvernements provinciaux. Les ventes de biens et de services constituent également une importante source de financement, soit 13 p. 100. Ces ratios sont restés assez stables au cours des années 2000. Pour les universités et les collèges, les transferts des gouvernements provinciaux et la vente de biens et services, qui correspondent en fait aux frais de scolarité des universités, sont des sources de revenu importantes, soit environ 40 p. 100 de leur financement.

À la diapositive 4, si l’on examine de plus près les organisations communautaires, on constate qu’elles ont des sources de financement beaucoup plus diversifiées. Je centrerai le reste de mon exposé sur ces organisations. Pour revenir, à la fin, aux questions plus générales de mesure. Une grande partie de leur financement, qui s’élève à environ 17 milliards de dollars, provient de dons ou de transferts de particuliers. Cette ligne comprend également les cotisations des membres. Les sociétés fournissent environ 3 milliards de dollars de financement tandis qu’un montant important, soit environ 19 milliards de dollars, provient des gouvernements, la majorité des gouvernements provinciaux. Si vous regardez la petite ventilation ici, elle vous donne la ventilation des 40 p. 100 du montant provenant des gouvernements.

Les ventes de biens et de services ne sont pas indiquées dans ce tableau. Il s’agit d’une petite particularité de la méthode de mesure dans les statistiques macroéconomiques. On ne les présente pas statistiquement. Si on les montrait, on verrait qu’elles représentent un montant important pour ce groupe d’organisations sans but lucratif. En fait, elles s’élevaient à 18 milliards de dollars en 2017. Exprimé en pourcentage, cela représente plus du quart de leur financement. En fait, elles ont connu une croissance assez constante au cours des dernières années, tant en valeur absolue qu’en pourcentage.

À la diapositive 5, c’est la contribution de ce sous-secteur à l’activité économique qui retiendra notre attention. Je parle du pourcentage du PIB que représente la seule activité de ce que nous appelons les organismes communautaires. Sa part du PIB était d’environ 1,4 p. 100 en 2014. La principale contribution venant de deux industries que nous avons identifiées dans nos statistiques, soit les organisations civiques subventionnaires et les organisations semblables, qui comprennent les fondations, et les organisations sans but lucratif du secteur de la santé, qui correspondent en fait à l’assistance sociale. Cela représente plus de la moitié de cette activité.

À la diapositive 6, si on examine l’emploi dans ce domaine, cette partie du secteur sans but lucratif représente 615 000 emplois, soit environ 3,3 p. 100 de l’emploi total au Canada. Les deux catégories que j’ai mentionnées plus tôt, les organismes de santé ou d’assistance sociale et les organismes civiques et professionnels subventionnaires, représentent plus de la moitié de ce montant en termes d’emploi.

Passons à la diapositive 7. Si l’on examine la rémunération moyenne par type d’organismes sans but lucratif, on constate que le groupe des organismes communautaires sur lequel je me concentre actuellement se situe légèrement en dessous de la moyenne en ce qui concerne le salaire moyen dans l’ensemble de l’économie. Comme on peut le voir dans cette diapositive, c’est la rémunération moyenne dans l’ensemble des industries du secteur commercial qui a été retenue comme base de comparaison. Ensuite, en haut de la page, on compare les composantes des organisations communautaires par rapport aux organisations gouvernementales, hôpitaux, universités, et cetera. Il apparaît que dans les organisations communautaires, les salaires sont inférieurs à la moyenne pour l’ensemble de l’économie alors que dans les hôpitaux et les services gouvernementaux, ils sont supérieurs.

La huitième diapositive porte sur ce dont j’aimerais vous parler, c’est-à-dire l’évolution des méthodes de mesure de la contribution économique du secteur sans but lucratif au Canada. Je vous ai dit que nous avons un segment du secteur sans but lucratif qui n’est pas actuellement identifiable dans la série de statistiques que nous avons produites. C’est celui des organisations sans but lucratif au service des entreprises. La dernière fois que nous l’avons mesuré, ce segment représentait environ 13 p. 100 de l’activité globale du secteur.

Pour prendre un peu de recul et vous donner un peu de contexte, Statistique Canada a commencé à élaborer des comptes économiques complets dans le secteur sans but lucratif dès le début des années 2000. Il s’agissait à l’époque de fournir des informations sur les activités du secteur volontaire. On a développé un produit qui s’appelait le compte satellite des institutions sans but lucratif et du bénévolat, qui couvrait l’ensemble du secteur sans but lucratif dans tous les segments dont je vous parlais. Il était aligné sur les normes internationales des Nations Unies qui se fondaient en fait sur des recherches effectuées à l’époque par l’Université Johns Hopkins. Statistique Canada compte parmi les tout premiers pionniers à avoir donné une description statistique du troisième secteur de l’économie nationale, conforme aux principes fondamentaux des statistiques macroéconomiques. On a produit des données pour la période de 1997 à 2008 afin de brosser un tableau complet du secteur sans but lucratif au Canada.

On avait identifié ces trois éléments. On peut voir dans le petit graphique de la dernière diapositive que les organisations commerciales sont surlignées en rouge. C’est l’élément qui nous manque à l’heure actuelle, mais on l’avait lorsqu’on publiait le compte satellite. On a cessé de le publier en 2010. À l’époque, on avait décidé d’avoir des statistiques trimestrielles plus récentes sur le segment dont je vous ai parlé, celui des organismes communautaires que l’on désigne par un terme macroéconomique différent. On les appelle institutions sans but lucratif au service des ménages. On a des statistiques très récentes à ce sujet. Les autres éléments, les universités, les hôpitaux, et cetera, sont identifiables dans nos publications statistiques; mais le secteur auxiliaire des affaires n’est plus identifiable, comme je l’ai déjà mentionné. On dispose de statistiques plus récentes, mais pas aussi complètes. On ne publie plus non plus un tableau complet avec la description et la contribution du secteur à l’économie.

On nous a demandé à plusieurs reprises très récemment de rétablir un produit semblable qui ressemble à l’ancien compte satellite, de la part d’organisations comme Imagine Canada, dont je sais que vous entendrez des représentants, ainsi que du Conseil canadien de développement social et d’un certain nombre de partenaires provinciaux. De même, Emploi et Développement social Canada est très intéressé à comprendre l’entrepreneuriat social, qui est à cheval sur le secteur sans but lucratif. On dialogue activement avec tous ces partenaires. On cherche un mécanisme pour rétablir ce produit. On n’a pas de source de financement permanente pour l’instant, mais ça reste un objectif pour nous. Si c’est une priorité, Statistique Canada continuera certainement d’y travailler en interne.

Voilà qui conclut la partie officielle de mon exposé, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci de votre exposé très instructif. Vous avez soulevé plusieurs questions.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question qui porte sur la clarté du langage et des définitions que vous comprenez probablement très bien à Statistique Canada. Au cours de nos premières réunions, nous avons en quelque sorte conclu que le secteur sans but lucratif et les organismes de bienfaisance ne sont pas la même chose. Ils ont des régimes, des mécanismes de transparence et de reddition de comptes différents. Donc, les dons et les contributions ne sont pas les mêmes non plus. Dans votre document, vous parlez du secteur sans but lucratif du Canada.

Ai-je raison ou tort de penser que vous devriez appeler cela les organismes de bienfaisance et le secteur sans but lucratif du Canada?

Mme Van Rompaey : Vous avez raison.

La sénatrice Omidvar : Cela m’aide un peu. Chers collègues, nous devons être très clairs. Le mélange porte à la confusion.

À ce stade-ci, êtes-vous en mesure de fournir l’information sur le secteur sans but lucratif séparément des organismes de bienfaisance puisqu’ils ne sont pas les mêmes? Êtes-vous en mesure de le faire?

Mme Van Rompaey : La question appelle une réponse un peu longue. Je peux peut-être vous donner un peu de contexte. Au départ, on a élaboré ces statistiques, comme je l’ai déjà mentionné, en recourant à une définition internationale conçue pour le secteur sans but lucratif, pas pour le secteur sans but lucratif par opposition à la bienfaisance. On a créé un ensemble de comptes qui inclut à la fois les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. Il n’y a pas de distinction entre les deux. L’idée des statistiques macroéconomiques était de définir le secteur de façon générale. Il ne s’agissait pas nécessairement d’une définition juridique, mais plutôt d’une définition opérationnelle permettant la comparaison d’un pays à l’autre.

Dans les statistiques que l’on produisait autrefois et dans celles que nous produisons actuellement, on n’identifie pas les organismes de bienfaisance séparément des organismes sans but lucratif. Je suppose qu’on pourrait le faire, parce qu’on les élabore à partir de toute une série de fichiers administratifs, et qu’on intègre, par exemple, tous les dossiers de l’ARC sur les organismes de bienfaisance enregistrés avec ceux des institutions et des sociétés sans but lucratif. On pourrait le faire à l’avenir, mais dans notre série actuelle de statistiques, ce n’est pas disponible.

La sénatrice Omidvar : Puisque vous envisagez de rétablir le compte satellite, il serait opportun qu’un comité sénatorial présente une recommandation disant que l’Association canadienne des automobilistes est très différente du Club des garçons et filles.

Mme Van Rompaey : D’accord. Le compte satellite identifiait différents types d’organisations selon une classification appelée la classification internationale des organismes sans but lucratif. Elle permet de faire la distinction entre organisations philanthropiques et organisations professionnelles et commerciales. L’une de ses classifications permet de délimiter les parties, mais cette classification ne repose pas sur une définition juridique d’organisme de bienfaisance par opposition à organisme sans but lucratif.

La sénatrice Raine : Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par système de compte satellite. Je me demande si vous pourriez nous en parler. Je suis sûre que cela a quelque chose à voir avec des statistiques que je ne connais pas, mais j’aimerais comprendre le terme « compte satellite ».

Aussi, si vous voulez bien préciser, dois-je comprendre que notre aventure avec Statistique Canada était motivée par le désir de pouvoir mesurer ce qui se passe au Canada par rapport à tous les autres pays du monde, plutôt que par le désir d’exploiter les statistiques en réponse aux besoins internes du Canada?

Mme Van Rompaey : Je vais commencer par votre question sur le compte satellite. Je sais que c’est un terme étrange. C’est un terme technique qui renvoie à la macroéconomie et aux lignes directrices internationales. Il s’agit simplement d’un ensemble de comptes économiques spécialisés qui permettent de faire ressortir des choses qui ne figurent pas dans les statistiques économiques normales. On peut introduire de nouvelles classifications. On peut présenter des concepts plus généraux.

Je vais donner un exemple. À l’origine, le compte satellite comportait aussi un volet non commercial qui permettait de calculer la valeur économique de l’activité bénévole. Cela n’entrait pas dans le cadre des statistiques économiques courantes de la production, mais le compte économique spécialisé permettait de le faire. C’est un mécanisme qu’on utilise pour élaborer des statistiques comparables aux indicateurs. Si j’élabore une statistique dans un compte satellite en utilisant les mêmes conventions que pour les statistiques économiques normalisées comme le PIB, elle sera comparable au PIB, de sorte que je pourrai, par exemple, l’exprimer en part du PIB.

Pour ce qui est de l’équilibre entre la comparabilité internationale et la satisfaction des besoins d’information locaux, la réponse courte est qu’on essaie de faire les deux. À l’époque, au début des années 2000, on avait un comité consultatif sur les activités du secteur volontaire. On suivait ses directives. Bien sûr, il y a toujours des limites à la faisabilité. Cela dépend des sources de données et de l’information dont on dispose. Certaines choses sont plus faciles à mesurer que d’autres. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La sénatrice Raine : Pour l’instant. Je vais écouter les autres questions, mais j’en aurai d’autres pour plus tard.

La sénatrice Frum : Tout d’abord, veuillez excuser mon retard. J’ai manqué une partie de votre présentation. Vous en avez peut-être déjà parlé, mais tenez-vous des statistiques sur la contribution des différents groupes d’âge ou des différentes régions du pays?

Mme Van Rompaey : Oui, mais pas dans les statistiques dont je suis responsable, donc pas dans les statistiques économiques. Il y a une enquête régulière qui fait partie de l’Enquête sociale générale sur le don, le bénévolat et la participation. Cette enquête mesure le bénévolat et le don. Elle comporte un volet démographique qui permet de voir qui contribue, quels groupes d’âge, combien, et ce genre de choses.

Cette enquête est actuellement menée suivant un cycle de cinq ans. La dernière date de 2013. Il y en a une actuellement en préparation pour 2018.

La sénatrice Frum : Dans le même ordre d’idées, tenez-vous des statistiques sur la contribution du Canada aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif par rapport à d’autres pays?

Mme Van Rompaey : Je ne sais pas combien de pays ont effectivement compilé des comptes sur le secteur des organismes sans but lucratif. Au début des années 2000, lorsque nous le faisions, nous étions membres d’un groupe d’essai de pays intéressés à établir des statistiques.

Je sais que certains chercheurs universitaires aux États-Unis, notamment à Johns Hopkins, ont produit ce genre de statistiques. Je pourrais vérifier, mais je ne peux pas vous dire de mémoire qui le fait actuellement. Un manuel publié par l’ONU a récemment été mis à jour. Il énonce les lignes directrices à suivre pour ce faire, de sorte que tous les pays qui veulent entreprendre ce genre d’exercice puissent y avoir accès.

La sénatrice Frum : Mais vous dites que de nombreux pays ne produisent pas de statistiques.

Mme Van Rompaey : Il n’est pas obligatoire de les produire. Tout dépend de l’intérêt politique de ce pays. Je pourrais vous dire plus tard qui s’en charge en ce moment.

Le président : Si vous obtenez cette information, vous pouvez nous la faire parvenir par l’entremise du greffier, qui nous la distribuera.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais examiner de plus près la différence entre les organismes de bienfaisance et le secteur sans but lucratif. D’après vos travaux à l’échelle internationale et vos analyses comparatives avec d’autres pays, le contexte canadien est-il différent de celui des autres pays? Je parle de la distinction en loi, en reddition de comptes et en transparence entre les organismes de bienfaisance et le secteur sans but lucratif? Ou est-il assez courant dans des pays semblables qu’il y ait une séparation et une certaine confusion, si je puis dire, entre les deux?

Mme Van Rompaey : En toute franchise, comme ce n’est pas l’objet de mes recherches, je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à cette question. Si je devais me prononcer, je dirais que c’est la même chose dans de nombreux autres pays, mais ce n’est pas l’objet de notre travail à Statistique Canada.

La sénatrice Omidvar : J’ai cru vous entendre dire que Statistique Canada cherche peut-être à obtenir d’autres renseignements et données probantes sur le secteur. J’ai cru vous entendre dire cela, compte tenu de ce qui se passe dans d’autres salles. Quel processus vous permet d’approfondir les sujets qui vous intéressent?

Par exemple, si le pays voulait examiner la représentation de la diversité et de l’égalité entre les sexes dans le secteur des organismes de bienfaisance sans but lucratif, faudrait-il que cela vienne d’un autre ministère comme Condition féminine Canada ou le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique? Est-ce ainsi que vous obtenez du financement?

Mme Van Rompaey : C’est l’un des mécanismes de financement. Je ne pense pas qu’il y ait de réponse claire à cette question. Nous essayons de répondre le plus possible aux besoins stratégiques du moment. Nous jonglons toujours avec toutes sortes de priorités en concurrence à l’intérieur d’un budget donné. C’est ainsi que je vous répondrais.

Si la politique exige clairement que nous produisions des statistiques, nous essayons assurément de donner suite à cette exigence.

La sénatrice Omidvar : Si Condition féminine Canada l’exigeait et vous octroyait des fonds pour faire plus de recherche sur la représentation des sexes dans les organismes de bienfaisance, dans leurs conseils d’administration et dans le secteur sans but lucratif, et ainsi de suite, vous auriez la capacité de le faire?

Mme Van Rompaey : Si c’était une priorité et si nous pouvions trouver une source de financement, oui.

La sénatrice Omidvar : Si c’était une priorité et si vous n’étiez pas en mesure de trouver une source de financement, que se passera-t-il?

Mme Van Rompaey : Des processus internes nous permettent d’examiner nos diverses priorités. Nous pourrions obtenir le financement dans le cadre de ces processus.

Le président : Une question intéressante pour ceux qui nous regardent : à quelle fréquence êtes-vous sur le terrain? Nous connaissons tous l’enquête de Statistique Canada, mais à quelle fréquence êtes-vous sur le terrain pour poser des questions sur différents sujets? À quelle fréquence allez-vous sur le terrain?

Mme Van Rompaey : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question. Sommes-nous en contact avec nos utilisateurs?

Le président : Oui.

Mme Van Rompaey : Nous essayons de garder le plus possible le contact avec tous nos principaux utilisateurs.

Le président : Ma question est la suivante : à quelle fréquence recueillez-vous des données? C’est probablement la meilleure façon pour moi de poser ma question.

Mme Van Rompaey : Nous menons toute une série d’enquêtes. Nous recueillons continuellement des renseignements.

Le président : Vous avez mentionné dans votre exposé qu’il était envisagé de rétablir un ancien produit autrefois utilisé. Pouvez-vous nous dire quel serait ce processus? Comment arriveriez-vous à rétablir ce produit?

Mme Van Rompaey : Pour revenir à ce que vous disiez précédemment, si nous trouvions un bailleur de fonds, ce serait clairement une façon très simple pour nous d’avoir la capacité de rétablir ce produit. Nous envisagerions de faire une mise à jour ponctuelle parce que l’information que nous tirions du compte satellite est maintenant assez désuète. Comme je l’ai dit, je crois que nous l’avons produit pour la dernière fois en 2008.

Nous ne serions pas en mesure de maintenir un produit permanent si nous n’avions pas un mécanisme de financement permanent.

Le président : Rien n’est motivé par l’intérêt des universitaires à étudier les attitudes des Canadiens.

Mme Van Rompaey : En effet, c’est aussi un facteur à prendre en considération.

Le président : Ce n’est pas ce qui motive Statistique Canada. Il peut s’agir de la façon dont vous répondriez au besoin d’un client ou d’un organisme gouvernemental. Vous répondriez en offrant ce service, n’est-ce pas?

Me suis-je mal exprimé? Je vous prie de m’excuser si c’est le cas. Permettez-moi de repenser à ma question, mais entre-temps, je cède la parole à la sénatrice Raine.

La sénatrice Raine : J’ai quelques questions au sujet de vos graphiques. Quand vous parlez d’autres institutions sans but lucratif au service des ménages, qu’entendez-vous par « au service des ménages »?

Mme Van Rompaey : C’est une expression technique que nous utilisons dans le domaine de la statistique macroéconomique. Il s’agit en fait des organismes communautaires dont je vous ai parlé plus tôt. En fait, c’est un peu une appellation erronée parce que certaines organisations principalement financées et contrôlées par le gouvernement, comme les universités et les hôpitaux, sont aussi au service des ménages, mais c’est l’expression que nous utilisons pour décrire le secteur que nous identifions dans les statistiques macroéconomiques de base.

La sénatrice Raine : Cela ne m’éclaire pas du tout.

Mme Van Rompaey : Je suis désolée.

La sénatrice Raine : Sur le graphique que je regarde, je lis « organismes de financement ».

Mme Van Rompaey : C’est la même chose que ce que nous appelons les organismes communautaires. La première diapositive vous donne des exemples de ce qui se trouve à la deuxième diapositive.

La sénatrice Raine : Les organismes artistiques et récréatifs en font partie, mais vous les avez ventilés dans l’autre groupe. La ventilation que vous avez à la diapositive 5 est une ventilation du groupe du centre, celui des organismes communautaires, à 22 p. 100.

Mme Van Rompaey : C’est exact.

La sénatrice Raine : J’ai une assez bonne idée de ce qu’est un club, mais le sport n’est pas entièrement organisé par des clubs. Il y a des organisations sportives nationales, et il y a énormément de financement continu qui est octroyé par l’entremise des organisations sportives nationales. Tout cela est-il inclus?

Mme Van Rompaey : Oui, tout cela fait partie de cette catégorie.

La sénatrice Raine : J’en aurais peut-être d’autres.

Le président : Pour revenir à ma question, j’essaie de la reformuler.

Est-ce que tout est axé sur l’utilisateur?

Mme Van Rompaey : Oui.

Le président : C’est peut-être là où je voulais en venir. Tout est axé sur l’utilisateur, c’est-à-dire un ministère ou une industrie qui veut connaître les réponses.

Cela vous met-il en concurrence avec les sondeurs indépendants, partout au pays, qui recueillent des données à d’autres fins?

Mme Van Rompaey : Nous ne faisons généralement pas de sondages d’opinion. Ce n’est pas le rôle de Statistique Canada. Nous menons des enquêtes statistiques sur toute une gamme de sujets, et nous avons le mandat de le faire.

Le président : Les sondeurs pourraient-ils utiliser vos données à la base de leur fonctionnement continu?

Mme Van Rompaey : Oui, j’imagine.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question à laquelle j’espère que vous pourrez répondre rapidement.

Je comprends qu’il s’agit d’un niveau élevé. Il y a beaucoup d’éléments dans ce que vous nous avez présenté. Vous serait-il possible de nous dire combien reçoivent les organismes de bienfaisance en financement en provenance de l’étranger?

Mme Van Rompaey : Vous pourriez probablement obtenir cette information dans la déclaration des organismes de bienfaisance.

La sénatrice Omidvar : Vous ne recueillez pas de renseignements sur les sources de financement des organismes de bienfaisance? Vous ne recueillez pas ces renseignements?

Mme Van Rompaey : Non, nous ne compilons pas ou ne publions pas cette information.

La sénatrice Omidvar : Je sais que vous publiez ces conclusions. J’ai cru vous entendre dire que vous avez publié ces résultats pour la dernière fois pour l’année 2009. Des efforts sont déployés pour améliorer la fréquence. Qu’entend-on au juste par fréquence? Pourquoi ne les publieriez-vous pas annuellement, compte tenu, comme vous l’avez dit, de la taille, de la profondeur et de l’ampleur du secteur?

Mme Van Rompaey : J’aimerais simplement apporter quelques précisions. Nous n’avons pas publié le compte satellite au complet, qui couvre l’ensemble du secteur sans but lucratif et inclut la partie commerciale. Nous l’avons publié pour la dernière fois pour l’année 2009. Nous publions toutefois régulièrement des statistiques, parfois même trimestrielles, pour les éléments du secteur que nous pouvons identifier.

Pour ce qui est du volet communautaire, que nous désignons par l’expression technique « institutions sans but lucratif au service des ménages », nous diffusons régulièrement des renseignements trimestriels. Les ISBL du gouvernement, les hôpitaux, les universités, et ainsi de suite, sont également identifiables dans nos statistiques actuelles. Pour ceux-ci, nous avons des statistiques jusqu’à l’année 2017. Pour ce qui est du volet communautaire, certains segments sont même trimestriels.

Nous ne tenons pas compte de l’ensemble de la situation. Nous n’avons pas fait le tour de la question depuis la création du compte satellite. Nous avons publié pour la dernière fois pour l’année 2008, je crois.

La sénatrice Omidvar : Comment les données que vous recueillez se comparent-elles à vos données sur les petites entreprises? Sont-elles assez détaillées? Leur portée est-elle assez large ou pourriez-vous améliorer et élargir la portée des données que vous recueillez?

Mme Van Rompaey : Les organisations sans but lucratif sont couvertes dans bon nombre de nos enquêtes économiques. Par exemple, lorsque nous menons une enquête auprès de différents types d’organisations, notamment sur leurs dépenses d’investissement ou, disons, sur leurs activités en cours, les données sont parfois reprises dans bon nombre de nos enquêtes. Si je prends l’exemple des enquêtes sur la culture, elles touchent probablement plusieurs secteurs. Nous pourrions sonder des organisations du milieu des affaires, du secteur public et des organismes sans but lucratif, mais nous ne les identifions pas nécessairement comme groupe dans chacun de ces produits d’enquête.

Il y a aussi le Registre des entreprises de Statistique Canada, qui est essentiellement le cadre que nous utilisons pour échantillonner toutes les enquêtes économiques. Nous travaillons d’arrache-pied pour essayer de repérer les institutions sans but lucratif dans ce secteur et les signaler. Si nous réussissons, ce sur quoi nous travaillons actuellement de façon très intensive, nous pourrons les trouver dans toutes nos enquêtes économiques.

Le président : Vous avez parlé d’institutions sans but lucratif au service des ménages. Quel est le nom de ces données et où peut-on les trouver?

Mme Van Rompaey : Si vous regardez les comptes trimestriels des revenus et des dépenses du Système des comptes macroéconomiques de Statistique Canada, vous verrez que c’est le même ensemble de statistiques que nous publions tous les trimestres lorsque nous publions le produit intérieur brut. Vous trouverez un ensemble de comptes sectoriels sur les institutions sans but lucratif au service des ménages qui montrent leurs revenus et leurs dépenses, leur investissement et leurs économies. Ces données sont publiées tous les trimestres pour ce segment. Vous trouverez également les mêmes types de comptes sous le secteur public pour les ISBL du gouvernement.

La sénatrice Raine : Lorsque vous parlez des ISBL, voulez-vous dire n’importe quelle institution sans but lucratif?

Mme Van Rompaey : Oui.

La sénatrice Raine : Votre document présente deux mesures différentes pour ce qui est du pourcentage du PIB et de la rémunération totale par heure travaillée, ou de la valeur des salaires dans ce secteur. Lorsque vous examinez la rémunération d’un secteur, tenez-vous compte de la partie bénévole du travail effectué et y accordez-vous une valeur? Il pourrait s’agir du salaire horaire moyen de la personne employée dans cette institution. Peut-on mesurer cela?

Mme Van Rompaey : C’est une très bonne question. Dans les statistiques macroéconomiques courantes, le travail bénévole ne se situe pas dans les limites de la production. Il ne figure pas dans les données régulières du PIB. Il dépasse en quelque sorte les limites du PIB.

Lorsque nous avons créé le compte satellite toutefois, nous sommes allés plus loin en accordant une valeur économique au travail bénévole. Nous avons déterminé la variation de la valeur de la rémunération du travail dans un tel cas. Nous avons également examiné comment le pourcentage du PIB évoluerait. Cette enquête date d’il y a longtemps. Nous utilisions l’enquête sur le don, le bénévolat et la participation. Nous avons fait cette estimation pour la dernière fois pour l’année 2000. Cette année-là, ce facteur a ajouté 20 p. 100 à la rémunération des travailleurs pour l’ensemble du secteur sans but lucratif, soit 14 milliards de dollars. Ce facteur valait 14 milliards de dollars en l’an 2000, en plus des 56 milliards de dollars pour la rémunération du travail.

En fait, le travail bénévole a ajouté environ 1,5 p. 100 au PIB. Plutôt que de dire 7 p. 100, ce serait 8,5 p. 100 disons, si nous avions ajouté la valeur du travail bénévole. Lorsque nous avons effectué cette enquête, nous devions connaître le nombre d’heures de bénévolat, ce que nous pouvons obtenir de l’enquête sur le don, le bénévolat et la participation dont je vous parlais plus tôt. Ensuite, il faut appliquer un salaire moyen. Le salaire moyen que nous avons choisi était celui des occupations dans les services sociaux. Il correspondait à ce que d’autres faisaient dans ce domaine et à des enquêtes antérieures sur le travail non rémunéré des ménages également menées à Statistique Canada.

Nous avons aussi constaté que ce travail était très important pour certains types d’organisations. Par exemple, dans le domaine de la culture et des loisirs, il équivalait probablement à la valeur de la rémunération du travail. Il était aussi très important dans les services sociaux et dans les organisations religieuses. Ces données se trouvent encore, comme je l’ai déjà mentionné, dans les enquêtes en question. Si nous devions faire une mise à jour, nous pourrions de nouveau produire ces estimations pour l’année 2013, actuellement, et lorsque l’information sera disponible pour 2018, nous pourrons également le faire pour cette année-là. Ces données sont disponibles suivant un cycle de cinq ans.

Le président : Vous avez dit que vous ne pouvez pas préciser le financement provenant de sources étrangères, mais à la diapositive 4, il est intéressant de signaler le financement en provenance des non-résidents, même s’il n’est pas très élevé. Je suppose qu’un non-résident est une source de financement étrangère.

Mme Van Rompaey : C’est exact. Il s’agit de financement qui vient de l’extérieur du Canada. En 2017, les organismes communautaires ont reçu environ 386 millions de dollars de telles sources.

Le président : D’accord, parce que c’était un élément incohérent.

La sénatrice Frum : Ce n’était pas dans votre présentation et vous n’avez peut-être pas ces chiffres sous la main, mais je m’intéresse aux tendances de croissance du PIB. Dans les 50 dernières années, par exemple, y a-t-il eu une décennie ou une période de variation extraordinaire, comme un pic ou un déclin inhabituel? Dans l’affirmative, avez-vous une idée de ce qui déclenche ces périodes de variation?

Mme Van Rompaey : Pour ce qui est du PIB du secteur sans but lucratif, je n’ai effectivement pas ces chiffres sous la main.

Lorsque nous avons créé le compte satellite complet, y compris la partie concernant les entreprises, nous étions en 1997. Nous pourrions examiner les chiffres pour cette période, mais nous avons des statistiques pour les institutions sans but lucratif. Je suis désolée, j’utilise encore une fois mon jargon technique. Pour les organismes communautaires au service des ménages, cela remonte à 1961. Nous pourrions examiner cette composante au fil du temps par rapport au PIB. Nous pourrions vous reparler à ce sujet également.

La sénatrice Frum : Permettez-moi de revenir à la question qui a été posée plus tôt au sujet de la contribution de source étrangère de 386 millions de dollars.

Mme Van Rompaey : Oui, 386 millions de dollars.

La sénatrice Frum : Vous avez dit que cet argent allait surtout à des organismes communautaires.

Mme Van Rompaey : C’est ce que nous avons mesuré ici, effectivement.

La sénatrice Frum : Pouvez-vous donner des exemples d’organismes de ce genre?

Mme Van Rompaey : Je n’ai pas cette information sous la main.

La sénatrice Frum : J’ai toujours cru comprendre qu’il n’y avait pas beaucoup de contributions de sources étrangères parce qu’il n’y avait pas d’avantage fiscal particulier pour les entités étrangères qui contribuent à des organismes de bienfaisance canadiens, est-ce exact?

Mme Van Rompaey : Oui.

La sénatrice Frum : C’est beaucoup d’argent. N’y a-t-il pas d’avantage fiscal pour les donateurs de ces 386 millions de dollars?

Mme Van Rompaey : Il peut s’agir de toute contribution provenant de l’extérieur du Canada. Cela pourrait être des dons récents pour l’accident de Humboldt ou d’autres choses du genre. Il se pourrait que même les contributions individuelles provenant de l’extérieur du Canada soient incluses dans ce montant. Ces contributions ne viennent pas nécessairement d’organisations ou de sociétés.

La sénatrice Frum : Même en provenance d’une société commerciale, cela représenterait 386 millions de dollars de contributions pour lesquelles les donateurs ne s’attendaient à aucun crédit d’impôt.

Mme Van Rompaey : J’imagine que oui.

La sénatrice Frum : C’est beaucoup.

La sénatrice Omidvar : Puis-je clarifier cette question ou aller un peu plus creux au sujet des contributions de 386 millions de dollars aux institutions sans but lucratif? N’est-il pas juste de dire qu’il s’agit en grande partie de cotisations?

Mme Van Rompaey : En effet, c’est possible.

La sénatrice Omidvar : Ou de services rendus?

Mme Van Rompaey : Toute forme de financement. Il ne s’agit pas nécessairement de dons. Vous avez raison.

La sénatrice Omidvar : Pas seulement des dons, mais aussi des cotisations ou des frais d’adhésion.

Mme Van Rompaey : C’est exact. Des choses de ce genre.

La sénatrice Frum : Que voulez-vous dire? Je ne comprends pas.

Mme Van Rompaey : Si quelqu’un de l’extérieur du Canada était membre d’un organisme canadien sans but lucratif, sa cotisation serait comptée dans ce nombre également.

La sénatrice Frum : Que voulez-vous dire?

La sénatrice Omidvar : Greenpeace.

La sénatrice Frum : Pourquoi un non-Canadien serait-il membre de Greenpeace du Canada, et non de la branche américaine?

La sénatrice Omidvar : Je ne suis pas un témoin ici, mais je pense qu’il y a lieu d’explorer la question. Je pense qu’il est important de distinguer les contributions, les cotisations, les frais de services et les dons. Est-il possible d’obtenir une ventilation de ces 386 millions de dollars?

Mme Van Rompaey : Je peux vérifier.

Le président : Vous avez dit aussi dans votre exposé que les ventes de biens et de services se chiffraient à 18 milliards de dollars.

Mme Van Rompaey : C’est exact.

Le président : C’est un nombre appréciable. Il serait intéressant de savoir comment se répartissent ces 18 milliards. Une partie consiste en frais de services. Comme j’ai moi-même travaillé dans ce secteur pendant longtemps, j’avoue que ce peut être mêlant et qu’on peut finir par se retrouver dans la sphère commerciale.

Par exemple, il peut y avoir au YMCA un endroit où les gens achètent de l’équipement, des tee-shirts, du matériel de course, ce genre de choses. Cela revient à exploiter une entreprise. Je soupçonne qu’on ne le fait pas à perte, alors il y a probablement un souci de rentabilité. Séparez-vous cela des 18 milliards de dollars? Est-ce que vous ventilez ces 18 milliards en éléments que nous pourrions voir?

Mme Van Rompaey : J’aimerais apporter une précision. Les 18 milliards de dollars correspondent à ce que vous dites à propos des institutions ou des organismes à but non lucratif qui ont une activité commerciale. Votre exemple du YMCA est bon. Si on y trouve une boutique ou un comptoir commercial pour lequel il facture des frais, ce serait inclus dans les ventes de biens et de services. Il y a aussi, par exemple, beaucoup d’églises qui louent des stationnements et qui tiennent différentes activités commerciales pour financer leurs organisations. Tout cela serait inclus.

Nous pourrions ventiler par types d’organisation, mais je ne sais pas si nous pourrions détailler les types précis de services offerts, parce que nous n’aurions qu’un seul chiffre provenant de ces dossiers administratifs, qui correspondrait au montant global.

Le président : Cela varie d’un organisme à l’autre. J’ai été directeur administratif à l’Association du diabète à une époque, nous avions un magasin qui vendait des fournitures aux diabétiques. De toute évidence, il s’agissait d’une entreprise détachée de l’aspect caritatif de notre activité.

La sénatrice Raine : Les frais de scolarité doivent représenter une part énorme de ces 18 milliards. La plus grosse part, j’imagine.

Mme Van Rompaey : En fait, les 18 milliards de dollars ne tiennent compte que des organismes communautaires, à l’exclusion des universités. Tous les établissements d’enseignement sans but lucratif qui ne sont pas des universités ou des collèges pourraient y être, mais pas les grands acteurs comme les universités et les collèges. C’est seulement pour les organismes communautaires.

La sénatrice Raine : La diapositive 3 montre les ventes de biens et de services, les frais de scolarité, comme sources de financement des hôpitaux, des universités et des collèges.

Mme Van Rompaey : C’est sans rapport avec les 18 milliards de dollars dont je parlais sur la diapositive suivante.

La sénatrice Raine : Ce serait combien, alors?

Mme Van Rompaey : Ce serait beaucoup plus. Je n’ai pas le chiffre ici, mais il est beaucoup plus élevé.

La sénatrice Omidvar : Pour revenir aux questions qui nous intéressent, est-ce que le financement provenant de non-résidents comprend les frais de scolarité des étudiants étrangers? C’est un gros marché.

Mme Van Rompaey : Je pense que oui. À ma connaissance, les étudiants étrangers ne sont pas considérés comme des résidents, mais il faudrait que je confirme.

Le président : Pourriez-vous faire cela, si c’est possible?

Mme Van Rompaey : Laissez-moi confirmer cela.

Le président : Je sais que beaucoup d’universités de ma province passent un temps fou à courtiser les étudiants étrangers. Le grand avantage, c’est qu’ils paient le plein prix, contrairement à d’autres dont la scolarité peut être subventionnée par différentes sources.

La sénatrice Omidvar : Et ils enlèvent des places à nos étudiants.

Le président : C’est très rentable pour les universités. Cela les aide à garder leurs portes ouvertes.

Sur votre diapositive, vous parliez des organismes communautaires sans but lucratif. Est-ce que cela comprendrait le financement des écoles privées par des non-résidents?

Mme Van Rompaey : S’il s’agit d’établissements d’enseignement privés sans but lucratif, oui, ils seraient inclus.

Le président : Y a-t-il d’autres questions, chers collègues?

La sénatrice Raine : Pourriez-vous m’expliquer ce qu’on entend par « services de soins de santé ambulatoires » à la diapositive 5 et à nouveau à la diapositive 7? Je ne comprends pas le sens d’ambulatoire.

Mme Van Rompaey : Il s’agit d’une catégorie professionnelle qui fait partie de nos comptes réguliers. Elle est tirée de la classification des industries de l’Amérique du Nord. Je pense que cela comprend les services de santé de toutes sortes qui sont offerts par des institutions sans but lucratif.

Matthew MacDonald, directeur adjoint, Division des comptes économiques nationaux, Statistique Canada : Il peut s’agir des ambulanciers paramédicaux, des équipes d’intervention d’urgence et d’autres du même genre.

Le président : Sénatrice Omidvar, je vous laisse poser la dernière question.

La sénatrice Omidvar : J’essaie de sortir des tranchées pour voir la situation dans son ensemble.

Je sais que ce document raconte une histoire. Il y a une tendance quelque part en ce qui concerne les contributions économiques. Si vous rédigiez la manchette de l’article, qu’est-ce que ce serait?

Mme Van Rompaey : La manchette d’un article sur le secteur sans but lucratif?

La sénatrice Omidvar : D’après les données que nous avons ici, à moins qu’elles ne servent pas à raconter une histoire.

Mme Van Rompaey : Dans notre exposé, nous avons essayé de tracer les grandes lignes des contributions économiques.

La sénatrice Omidvar : C’est la tendance.

Mme Van Rompaey : Pour ce qui est de la contribution au PIB, si on suit le fil du temps, elle est en fait assez stable. On ne voit pas beaucoup de changements dans la contribution au PIB. Si on remonte à l’an 2000, par exemple, on voit peu de variations d’une année à l’autre.

Quant aux composantes du secteur sans but lucratif, que ce soit les organismes communautaires, gouvernementaux ou d’affaires, même si nous n’en présentons pas un compte détaillé, elles apparaissent relativement stables dans l’ensemble, pour autant que nous sachions d’après les données que nous avons.

Il y a une dynamique à l’intérieur du secteur, de sorte qu’on voit, par exemple, différentes sources de financement ou différentes tendances de l’une à l’autre. J’ai mentionné que les ventes de biens et de services augmentent. Elles sont en croissance constante, tandis que les dons privés montent et descendent et paraissent un peu moins stables. C’est ce genre d’histoires que racontent les données.

Le président : Vous ne rédigez peut-être pas les manchettes, mais vous recueillez certainement les données qui font les manchettes.

Au nom de mes collègues, je vous remercie tous les deux d’être ici ce soir et de nous avoir présenté vos exposés. Parfois, quand on se met à parler de statistiques, les gens se mettent aussitôt à bâiller. Vous avez su rendre la chose intéressante et vous nous avez mis au courant.

Plusieurs questions ont été soulevées durant la soirée sur lesquelles vous avez dit pouvoir obtenir plus d’information. Nous vous saurions reconnaissants de nous la faire parvenir par l’entremise du greffier. Pour ma part, je suis un grand admirateur de Statistique Canada. Merci beaucoup de ce que vous faites.

Nous poursuivons maintenant avec notre prochain témoin, M. Brian Emmett, économiste en chef pour le secteur canadien des organismes de bienfaisance et sans but lucratif, chez Imagine Canada. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vous invite maintenant à présenter votre exposé et je vous rappelle que vous devez vous en tenir à une dizaine de minutes. Mes collègues vous poseront ensuite des questions et je leur ai demandé d’être brefs eux aussi. Nous ferons le plus grand nombre de tours possible. Nous sommes assez ouverts à partager notre temps de parole.

Allez-y, monsieur Emmett.

Brian Emmett, économiste en chef pour le secteur canadien des organismes de bienfaisance et sans but lucratif, Imagine Canada : Je suis le chef et le seul économiste d’Imagine Canada et je dispose d’un personnel très restreint. Je suis arrivé chez Imagine Canada après une longue carrière au gouvernement à m’occuper des politiques et des analyses stratégiques, ce genre de choses. Cela m’incite à examiner certains des chiffres que nos collègues de Statistique Canada ont présentés aujourd’hui et à m’attarder, non pas tant sur les chiffres, mais plutôt sur ce qu’ils disent. Je veux me concentrer sur le sens à tirer de ces chiffres et sur le rôle que peuvent jouer Imagine Canada et le secteur de la bienfaisance pour aider à relever les défis économiques et sociaux du Canada.

Les chiffres de Statistique Canada montrent que les organismes de bienfaisance jouent un rôle important sur le plan économique. Il y a parfois un léger écart par rapport à ce que Statistique Canada nous dit, mais au sens large, le secteur compte pour 13 ou 14 p. 100 des emplois canadiens et 8 p. 100 du PIB. Selon tous les calculs, le secteur de la bienfaisance est un gros employeur. Sa contribution au PIB est considérable. Un des points que j’essaie de faire valoir est que le gouvernement ne l’apprécie pas à sa juste valeur.

D’autre part, le secteur ne peut apporter une grande contribution que dans la mesure où il est financé. D’une certaine façon, ses sources de financement sont variées. Statistique Canada a parlé de la vente d’adhésions, de biens et de services, de l’aide des gouvernements, de transferts des ménages sous forme de dons, de transferts des entreprises, et cetera. Toutes ces sources ont quelque chose en commun : les revenus doivent d’abord être générés par l’économie.

Il y a un autre aspect à ce manque d’appréciation, c’est que les organismes de bienfaisance n’aiment pas en général le rôle que l’économie joue dans leur vie. Nous avons d’un côté des organismes qui contribuent à l’économie et, de l’autre, une économie qui leur est essentielle. Il y a là une synergie dont on n’a pas vraiment tiré le maximum. Je dirais même qu’une des raisons pour lesquelles les organismes et les gouvernements n’en ont pas fait meilleur usage, c’est que les gouvernements, en particulier, ont agi en se fiant à de mauvaises réponses à certaines questions techniques en économie.

À propos de l’exonération d’impôt qui permet aux organismes de bienfaisance de livrer une concurrence déloyale au secteur privé, nous sommes en train de produire une étude qui dit que ce n’est absolument pas vrai. En fait, dans les marchés où les deux se concurrencent, ce sont les entreprises à but lucratif qui évincent généralement les organismes de bienfaisance.

À propos des organismes de bienfaisance qui ne paient pas d’impôt et qui seraient des quantités négligeables sur le plan macroéconomique, je pense que des chiffres comme 13 p. 100 de l’emploi et 8 p. 100 du PIB répondent à cette question.

À propos des mesures fiscales d’incitation à faire des dons qui seraient coûteuses et inefficaces, nous avons produit des études qui disent que ce n’est pas vrai. Elles constituent un levier important des politiques publiques.

À propos des rapports avec le gouvernement et de l’impression que les changements nécessaires à une contribution optimale des organismes de bienfaisance sont coûteux et difficiles, nous trouvons qu’un grand nombre des mesures envisagées sont relativement simples, exigent probablement des ajustements plus bureaucratiques que législatifs et ne sont pas très coûteuses.

Il est important de s’éloigner du portrait de l’économie dont Statistique Canada et moi-même avons parlé jusqu’ici et de mettre les choses en branle pour avoir un tableau mouvant, plutôt qu’un portrait instantané. Ce qui s’est passé jusqu’à présent nous révèle peut-être une partie de ce tableau mouvant. Quand on regarde les chiffres fournis par l’Université Johns Hopkins dans l’Enquête nationale auprès des organismes bénévoles dont parlait Statistique Canada, on voit que les organismes de bienfaisance connaissent une croissance plus rapide que l’ensemble de l’économie.

Jusqu’en 2009-2010 environ, année où nos statistiques s’arrêtent brusquement, la croissance réelle de l’économie a oscillé autour de 3,5 p. 100, mais celle des organismes de bienfaisance a été plus rapide. Statistique Canada l’a mentionné. Pourquoi les organismes de bienfaisance ont-ils grandi plus rapidement? À mon avis, c’est parce que la demande a augmenté plus rapidement. Ils ont grandi plus rapidement parce que la demande est dictée par d’autres facteurs que ceux de l’économie. En général, l’économie se soucie de productivité, d’investissement et ainsi de suite. En bienfaisance, la demande est déterminée par la démographie, par la culture, par l’évolution de la structure familiale, par la diversité, par l’augmentation des dépendances, ce genre de choses. Le facteur premier est le vieillissement de la population.

Il y a de bonnes raisons pour lesquelles le secteur de la bienfaisance a grandi plus rapidement que l’économie en général. On le voit évoluer au fil du temps, et je dirais qu’à l’avenir les tendances vont probablement se maintenir et même s’accélérer. La demande continuera d’augmenter rapidement parce que la population ne rajeunira pas. La culture continuera d’évoluer, la structure familiale aussi. Nous n’entrevoyons pas de recul des dépendances, de l’itinérance et des autres maux de la société. En fait, la demande sera telle que les organismes de bienfaisance seront de plus en plus sollicités.

Qu’en est-il des moyens, des moyens générés par l’économie? Nous constatons, comme le directeur parlementaire du budget, le Conference Board du Canada et d’autres analystes, que la croissance économique à long terme est susceptible de ralentir jusqu’à moins de 2 p. 100, une chute très importante par rapport aux 3,5 p. 100 des dernières décennies. Voilà qui creuse un écart de perspectives entre les fins et les moyens et qui complique l’action des gouvernements et des organismes de bienfaisance. D’une certaine façon, l’État et le secteur de la bienfaisance font tous deux la même chose : ils offrent des biens sociaux aux particuliers.

Le meilleur exemple est celui des soins de santé. Le vieillissement de la population aura une incidence sur les soins de santé. Il aura une incidence sur les recettes fiscales. La demande de soins de santé grimpe et les recettes fiscales ne suivent pas. Le Conference Board a prévu des déficits d’environ 300 milliards de dollars par année pour les gouvernements provinciaux d’ici 2036, je crois. Il s’agit d’une prévision à long terme, mais l’idée que les fins et les moyens divergeront s’impose comme fondamentale.

Nous nous sommes penchés sur cette prévision. Si la demande d’œuvres de bienfaisance continue de croître aussi rapidement qu’au cours des 15 ou 20 dernières années et que la croissance économique ralentit, pouvons-nous arriver à un chiffre de déficit qui risque de faire pression sur le secteur? Nous avons calculé un déficit social d’environ 26 milliards de dollars en 2026.

À notre avis, l’écart entre les fins et les moyens va se creuser et il y aura un vrai déficit en 2026. Vous ne le verrez pas dans les livres de Statistique Canada, parce qu’il se manifestera dans les longues files d’attente aux banques alimentaires, les longues files d’attente dans les hôpitaux, la congestion, le surmenage de personnel et tous les organismes de bienfaisance qui voudront en faire trop avec trop peu. C’est ce qu’on pourrait appeler un déficit fantôme, mais il n’en sera pas moins réel dans les besoins sociaux non comblés.

J’aimerais aussi vous signaler d’autres travaux en cours à Ottawa. Les indices de bien-être et le rôle des organismes de bienfaisance sont des questions indissociables. Je m’appuie sur les travaux menés par Andrew Sharpe à Ottawa et par l’OCDE pour mesurer les hausses du bien-être par rapport à celles du produit national brut. Si le bien-être se mesure à l’aune de la croissance économique, de l’insécurité d’emploi et de l’inégalité économique, ces travaux démontrent que la croissance économique traîne de plus en plus.

En regardant vers l’avenir et en voyant la croissance économique qui se met à ralentir, on commence à s’inquiéter de ce qu’il adviendra de la hausse du bien-être. Dans la mesure où une lente croissance du bien-être exacerbe d’autant la pression sur les organismes de bienfaisance, nous avons un problème majeur. Voilà encore une contribution importante que les organismes peuvent apporter parce qu’ils s’occupent justement des marginalisés.

En fin de compte, le message que je veux transmettre, c’est qu’en examinant la synergie entre l’économie et la bienfaisance et en essayant de prédire à long terme la divergence entre les fins et les moyens, nous ne parlons pas d’un problème du secteur de la bienfaisance. Nous parlons d’un problème du Canada. Le problème du Canada, c’est que la plupart de ses habitants veulent un mélange de croissance économique, de création de richesse, de justice sociale, de responsabilité environnementale et d’autres bienfaits de ce genre. La divergence entre les fins et les moyens rendra la tâche plus difficile pour nous tous, autant l’État que le secteur de la bienfaisance. Pour moi, cela signifie que vous voulez que chaque secteur soit en mesure d’offrir le maximum de valeur au Canada.

À mon avis, votre comité ferait œuvre utile s’il s’appliquait — et je suis certain que vous y pensez — à définir le cadre dont nous avons besoin pour que les organismes de bienfaisance puissent avec le temps apporter la meilleure contribution possible au Canada. À l’heure actuelle, nous avons un cadre de politiques dépassé, qui remonte en bonne partie au XVIe siècle. Mon avis est qu’une modernisation s’impose de façon criante, sans être nécessairement coûteuse ou difficile. Merci.

Le président : Je vous remercie de votre exposé. J’ai moi-même quelques petites questions. Vous avez dit que la demande à laquelle les organismes de bienfaisance doivent répondre continuera d’augmenter, et j’ai deux questions à ce sujet.

Premièrement, à quoi cette augmentation des besoins est-elle attribuable? Est-ce simplement le vieillissement de la population? Est-ce cela qui est à l’origine de la croissance du secteur de la bienfaisance?

Deuxièmement, cela signifie-t-il que l’ARC ou un autre organisme gouvernemental devra exercer une surveillance accrue du secteur à mesure qu’il prendra de l’expansion et qu’il aura une plus grande incidence sur la société canadienne?

M. Emmett : Parmi les facteurs que j’ai examinés, le vieillissement est de loin le facteur dominant. Il est de loin le plus facile à prédire, parce que dans le domaine des sciences sociales, c’est la démographie qui, d’une certaine façon, produit les données les plus probantes. Il est possible de dire avec assez de certitude combien il y aura de personnes âgées de 75 ans au Canada en 2020.

Ce qu’il n’est pas aussi facile de prédire, parce que nous n’avons pas vraiment de prise sur la demande, c’est combien de sans-abri il y aura en 2020, ou combien de personnes feront la queue aux banques alimentaires en 2020? Il est certain qu’en examinant la structure de la société, les changements dans la structure familiale qui entraînent la demande de services de garde, et cetera, les changements dans la diversité en ce qui concerne la demande d’intégration des réfugiés et des immigrants, et ainsi de suite, on peut avoir une idée assez claire que c’est un mélange de facteurs qui fait en sorte que les organismes de bienfaisance sont soumis à des pressions qui augmentent à un rythme plus rapide que la croissance économique et que les moyens disponibles.

Le président : Et ma question sur la surveillance?

M. Emmett : À certains égards, il serait préférable que mon collègue d’Imagine Canada réponde à cette question. À mon avis, l’ARC exerce une trop grande surveillance. L’une des choses qui, à mon avis, empêchent les organismes de bienfaisance d’être aussi dynamiques et innovateurs qu’ils pourraient l’être, c’est la façon dont l’ARC a tendance à percevoir le secteur. Elle a tendance à mettre l’accent non pas tant sur les objectifs des organismes de bienfaisance, mais plutôt sur les activités de bienfaisance. C’est mon sentiment et mes collègues peuvent me contredire s’ils le veulent. L’ARC tente d’assurer une microgestion du secteur. Le secteur serait dans une bien meilleure position si un plus grand nombre d’administrations lui donnaient plus de pouvoirs. Laissez-nous faire notre travail.

Le président : C’est une théorie, mais il y en a une autre : « Laissez-nous faire notre travail, mais continuez à nous donner de l’argent. »

M. Emmett : Je n’ai pas entendu cela.

Le président : Certains ont tendance à dire : « Laissez-nous faire notre travail, mais continuez à nous donner de l’argent pour le bon travail que nous faisons. »

M. Emmett : C’est un très bon point. Je dirais qu’un nombre important de nos recommandations visent à nous laisser les coudées franches, afin que nous n’ayons pas à demander plus d’argent et que nous puissions explorer des choses comme l’innovation sociale, la finance sociale, l’augmentation de nos propres revenus provenant de la vente de biens et de services, et ce genre de choses.

Parmi les choses qui contribuent à faire avancer les organismes de bienfaisance figure le fait que nous évoluons dans un monde axé sur les dons des particuliers, qui montre des signes d’essoufflement. Depuis de nombreuses années, les dons ont tendance à représenter une proportion fixe du produit national brut. L’un des problèmes que posent les dons, c’est que bon nombre d’entre eux proviennent de la cohorte des baby-boomers, dont je fais partie. Pour être honnête, les dons commencent à y être limités. Ils montrent des signes de déclin, en plus de dépendre dans une grande mesure de cette population particulière.

Lorsque l’on examine les sources de financement, on se demande, compte tenu de cet essoufflement, d’où viendra l’argent qui nous permettra de continuer à faire notre travail. Je pense qu’il faut nous tourner vers certaines autres sources.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais obtenir une précision au sujet de votre document où il est question de l’économie et du secteur de la bienfaisance. Ai-je raison de dire que vous vous concentrez uniquement sur le secteur de la bienfaisance, sans déborder sur le secteur sans but lucratif?

M. Emmett : C’est exact.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais en savoir davantage sur la notion de l’habilitation. Vous avez parlé très brièvement des objectifs des organismes de bienfaisance, par opposition aux activités de bienfaisance. Nous avons le rapport du comité consultatif de la ministre, mais peut-être pourriez-vous nous préciser encore une fois ce que fait l’ARC en ce qui concerne ces activités par rapport aux objectifs? Comment intervient-elle et que faudrait-il changer pour permettre au secteur de maximiser sa contribution?

M. Emmett : Un de mes collègues du secteur consultatif a parlé de l’Agence du revenu du Canada en donnant l’exemple du découpage d’un saucisson. L’accent qu’elle met sur les activités lui permet de trancher très finement ce que font les organismes de bienfaisance. En mettant l’accent sur les objectifs des organismes de bienfaisance, on leur permettrait de se concentrer davantage sur ce qu’ils font, sans ce que j’appellerais une intervention tatillonne dans leurs activités courantes. Cela leur donnerait un peu plus de liberté. Je pense qu’il est important que les organismes de bienfaisance puissent faire leur travail.

La sénatrice Omidvar : Je vais vous poser une question complémentaire sur ce qui pourrait constituer une préoccupation. Si l’on fait passer l’accent des activités aux objectifs, qu’arrivera-t-il si les fonds destinés à la bienfaisance sont mal utilisés? N’est-ce pas une préoccupation? Peut-être. Je vous pose simplement la question.

M. Emmett : Pour ce qui est de la mauvaise utilisation des fonds et des dons de bienfaisance, si vous parlez de fraude et de ce genre de choses, il faut déterminer si l’on tranche le saucisson finement ou grossièrement. Imagine Canada a un excellent programme d’examen et de certification des organismes de bienfaisance en ce qui concerne leur gouvernance, leur structure et leur transparence, notamment. Ce genre de mécanismes créés par le secteur lui-même et surveillés par lui est beaucoup plus utile que la surveillance excessive de l’ARC.

Je veux parler du programme des normes d’Imagine Canada, qui permet aux entreprises d’être certifiées et qui comporte un aspect d’examen par les pairs pour que les organismes de bienfaisance respectent les normes.

Le président : Si vous voulez que le gouvernement laisse le secteur tranquille et le laisse prendre de l’expansion, il me semble qu’il faut un mécanisme de réglementation pour le cas où les choses tourneraient mal. Normalement, quand quelque chose tourne mal, on reproche au gouvernement de ne pas avoir surveillé la situation et de ne pas être suffisamment à l’affût.

M. Emmett : C’est vrai.

Le président : Les gens qui s’occupent de la gouvernance ne souhaitent pas tant que cela qu’on les pointe du doigt parce qu’ils n’ont pas suffisamment surveillé un programme gouvernemental ou les fonds publics qui y sont affectés.

M. Emmett : Je comprends cela. J’ai été un bureaucrate pendant de nombreuses années. Je partage cette aversion pour les risques. Je connais les risques que suscite le manque de prudence.

Je suppose que la question est la suivante : quel est le niveau approprié de prudence? Les organismes de bienfaisance devront continuer à être enregistrés et à préciser leurs objectifs. Ils seront examinés par leurs donateurs. Ils ont des conseils. Il y a d’ailleurs un intérêt grandissant pour des choses comme le programme des normes.

Pour moi, il s’agit de pondérer les coûts et les avantages par rapport aux risques et aux avantages. J’en conclus qu’il serait avantageux pour le Canada que les organismes de bienfaisance aient plus de latitude pour faire leur travail comme bon leur semble.

La sénatrice Frum : J’ai du mal à accepter l’idée d’élargir les pouvoirs du secteur de la bienfaisance ou de laisser l’ARC lui donner carte blanche pour faire certaines choses. Vous avez dit que l’entreprise sociale pourrait faire partie des objectifs des organismes de bienfaisance, mais qu’elle peut aussi faire partie du secteur à but lucratif.

M. Emmett : Oui, en effet.

La sénatrice Frum : Comment réglementer quelque chose qui est à la fois rentable et charitable?

M. Emmett : Un groupe de travail va présenter des recommandations sur l’entreprise sociale et la finance sociale, mais je comprends ce que vous voulez dire. C’est un défi.

Dans le cas de la finance sociale, du financement est versé, mais il doit être remboursé. De quelle façon? À même les dons? À même les revenus tirés de la vente de biens et de services? Cela s’apparente-t-il davantage au secteur privé? Je pense que c’est un véritable dilemme pour les organismes de bienfaisance.

En fin de compte, nous parlons de quelque chose qui représente environ 4 p. 100 ou 5 p. 100 des revenus des organismes de bienfaisance provenant des dons, des aspects dont l’ARC s’occupe et se préoccupe le plus. La question la plus importante est la suivante : comment les organismes de bienfaisance s’autofinanceront-ils pour tenir compte de l’écart entre la fin et les moyens? Si nous représentons 8 p. 100 de l’économie et que celle-ci se chiffre à 2 billions de dollars, nous parlons d’un secteur de 160 milliards de dollars environ.

La question que je me pose est la suivante : comment pourrons-nous continuer à maximiser la valeur des organismes de bienfaisance dans ce contexte général? Il est vrai que les dons et leur légitimité posent un problème, mais il y a bien d’autres grandes questions sur lesquelles nous devons nous pencher également.

La sénatrice Frum : Dans les pays où les impôts sont peu élevés, avez-vous déjà mesuré dans vos études si cela avait une influence sur les activités de bienfaisance par rapport aux pays où les impôts sont élevés?

M. Emmett : Nous aimons surtout nous comparer aux États-Unis. Les États-Unis sont très semblables au Canada. Les dons aux organismes de bienfaisance ont tendance à représenter une proportion assez constante du PIB, surtout aux États-Unis, où les impôts changent un peu plus fréquemment qu’au Canada. Le crédit d’impôt non remboursable existe depuis un certain temps au Canada. L’expérience nous montre qu’aux États-Unis, les impôts augmentent et diminuent, mais les dons demeurent plus ou moins constants.

La sénatrice Frum : J’ai une question sur l’un des graphiques que vous nous avez remis, à la page 5, sur la croissance du secteur sans but lucratif par rapport au PIB. L’Australie représente en quelque sorte un cas aberrant sur ce graphique. Si je comprends bien, la croissance du secteur sans but lucratif a dépassé celle du PIB. Est-ce exact?

M. Emmett : C’est exact.

La sénatrice Frum : L’Australie est le cas le plus extrême. Avez-vous des commentaires à faire sur la raison pour laquelle elle se démarque des autres?

M. Emmett : Je ne sais pas précisément pourquoi l’Australie est un cas particulier. Le point que j’aimerais soulever au sujet de l’Australie est peut-être pertinent pour le comité. Parmi les différentes bureaucraties dans le monde, les divers services publics, elle fait de loin le meilleur travail concernant le secteur de la bienfaisance. On y effectue des tonnes de recherches. On y compile de très nombreux chiffres. On y formule des recommandations très créatives. Je ne sais toutefois pas si cela est lié aux résultats différents qu’obtient ce pays.

La sénatrice Omidvar : Je veux revenir à l’habilitation. Je vous ai entendu en parler. Il faut habiliter le secteur pour qu’il maximise sa contribution à la société, et non pas seulement à l’économie.

J’ai aussi entendu des gens dire que l’ARC ne joue pas un rôle habilitant. Il s’agit d’un organisme de réglementation. Il s’agit d’un organisme d’exécution, pas d’un organisme habilitant. Quelle serait l’entité la plus appropriée à cette fin, au gouvernement ou à l’extérieur du gouvernement, selon vous? Que pouvons-nous apprendre d’autres administrations à ce sujet?

M. Emmett : C’est une question très intéressante. Lorsque j’étais dans la fonction publique, j’ai notamment été sous-ministre adjoint aux forêts. Un millier de personnes relevaient de moi. Ce qui nous préoccupait, c’était la santé de l’industrie forestière ou les pouvoirs de l’industrie forestière, si vous voulez. Nous faisions beaucoup de recherches scientifiques, nous examinions les politiques économiques du gouvernement, nous interagissions avec le gouvernement et nous rencontrions les ministres une fois par année de façon assez officielle.

Si j’avais dit à l’industrie forestière que son seul point de contact à Ottawa était l’Agence du revenu du Canada et que tout ce que l’on attendait d’elle, c’était qu’elle paie ses impôts, cela aurait eu l’effet d’une bombe. Nous avons un secteur qui est au moins aussi important que le secteur forestier, et nous n’avons personne vers qui nous tourner, sauf l’ARC. C’est un véritable problème. Il s’agit d’une indication que le gouvernement ne comprend pas vraiment le secteur à certains égards.

Premièrement, j’aimerais que le secteur soit traité par les décideurs économiques de la même façon que bon nombre de secteurs de l’industrie primaire ou de tout autre secteur de l’économie.

Deuxièmement, j’aimerais qu’il y ait un point de contact au sein du gouvernement, une connexion, si vous voulez, pour que lorsque les politiques gouvernementales sont élaborées, le point de vue du secteur puisse être intégré.

Industrie Canada a des divisions qui s’occupent de l’aérospatiale, de l’automobile, des petites entreprises et ainsi de suite. Il serait peut-être extrêmement utile d’avoir une division d’Industrie Canada, ou peut-être un ministre, responsable du secteur. Certains exemples me viennent en tête pour ce secteur qui compte essentiellement deux millions d’employés et qui constitue un élément important de l’économie.

Parlons de l’innovation. Lorsque l’on regarde les mesures élaborées pour stimuler l’innovation, on s’aperçoit que la plupart d’entre elles sont mises en œuvre par l’entremise du régime fiscal, grâce à l’amortissement accéléré, notamment. Cela n’a rien à voir avec le secteur de la bienfaisance parce que nous ne payons pas d’impôt. Si, au moment où ces mesures sont élaborées, les organismes de bienfaisance étaient représentés, il serait possible de dire, à mon avis, que l’élargissement de ces mesures comporte de réels avantages.

Je pense que cela constitue une véritable lacune au gouvernement, et j’aimerais qu’on y remédie.

Le président : Dans votre exposé et dans vos réponses, vous avez parlé de la responsabilité du gouvernement et des changements que le gouvernement devrait peut-être apporter pour laisser les organismes de bienfaisance faire leur travail. Cependant, vous n’avez pas mis l’accent sur les gens, qui font partie intégrante de tout cela. Les organismes de bienfaisance sont dirigés par des bénévoles. Oui, beaucoup de gens travaillent pour des organismes de bienfaisance. J’ai été l’un d’eux pendant de nombreuses années, mais j’ai toujours eu un patron, et mon patron a toujours été un bénévole.

Vous n’avez pas parlé de la valeur des bénévoles, du manque de bénévoles à recruter, de la formation des bénévoles, de la croissance du secteur grâce à la présence de bons bénévoles, ni des interactions dans le secteur, parce que c’est un secteur axé sur le bénévolat.

M. Emmett : Personnellement, je pense que le bénévolat est extrêmement important. Cet aspect n’est pas particulièrement bien traité dans mon exposé. J’aimerais y consacrer un peu de temps. Il en est un peu question dans les chiffres. Je pense que Statistique Canada a démontré que lorsque l’on parle de 8 p. 100 ou de 8,5 p. 100 du PIB, on tient compte de la contribution des bénévoles.

Pour aller plus loin, je dirais que les gens veulent pouvoir faire du bénévolat. Ils veulent pouvoir participer à leur collectivité. Ils veulent faire avancer les choses. Ils veulent faire partie du développement social. Il sera réellement avantageux pour le Canada à l’avenir de compter sur un système dans lequel les bénévoles sont appréciés, sont formés et ont la possibilité, comme quelqu’un l’a dit, de participer pleinement à la collectivité et à son bien-être.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est important. Cette question mérite d’être élaborée davantage, mais je n’ai pas encore eu le temps de le faire.

La sénatrice Frum : Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre référence au modèle de la bienfaisance du XVIe siècle et sur le cadre que nous avons mis à jour depuis? Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là?

M. Emmett : Aucun cadre législatif ne définit ce qu’est un organisme de bienfaisance au Canada. C’est la common law qui s’en charge. Certaines de ces décisions de common law remontent à l’époque élisabéthaine et définissent les organismes de bienfaisance comme étant axées sur trois ou quatre domaines très limités, soit l’allégement de la pauvreté, l’éducation, la religion et d’autres formes générales d’avancement de la société.

Encore une fois, sans vouloir parler de l’Australie, d’autres pays ont une loi qui dit que le terme « organisme de bienfaisance » s’applique à un organisme sans but lucratif qui se consacre à une quinzaine de choses. Cette définition est certainement un peu plus claire.

Ce que je veux dire, c’est que, de temps à autre, nous mettons à jour le droit des sociétés, l’impôt sur le revenu, et cetera, pour tenir compte du fait que notre société évolue, mais on semble passer à côté du secteur de la bienfaisance.

La sénatrice Frum : Cela nous ramène à la question de savoir ce qui est considéré comme une activité de bienfaisance. À l’heure actuelle, certaines activités d’entreprise sociale peuvent ou non être qualifiées d’activités de bienfaisance. C’est le cas parfois et c’est là toute la question. Selon les règles de l’ARC, y a-t-il des entreprises sociales qui pourraient être considérées comme des organismes de bienfaisance?

M. Emmett : Je suis désolé, mais je ne peux pas répondre à cette question.

La sénatrice Frum : Je comprends. Si la définition a besoin d’être modernisée, à votre avis, parce qu’elle est inadéquate par rapport à ce qui se passe, j’aimerais savoir quelles sont les activités qui ne sont peut-être pas couvertes et qui, selon vous, devraient l’être.

M. Emmett : Oui. Encore une fois, je ne suis pas avocat et je ne peux tout simplement pas répondre à cette question.

La sénatrice Raine : Je suis sûre que vous savez que le Sénat est actuellement très absorbé par le projet de loi sur le cannabis. Aujourd’hui, il y a quelques instants, nous avons entendu l’exposé d’une femme, Mme Bertha Madras, professeure de psychobiologie à la faculté de médecine de Harvard. Elle a brossé rapidement un tableau très sombre des répercussions que cela pourrait avoir sur nous et auxquelles nous ne nous attendons pas. Elle a parlé du syndrome amotivationnel, que j’ai reconnu tout de suite. Je n’avais jamais entendu ce terme auparavant, qui désigne l’attitude des jeunes qui commencent à consommer du cannabis et qui deviennent démotivés et ne réussissent pas très bien dans la vie. Elle a cité des statistiques sur le nombre beaucoup plus élevé de cas d’itinérance et de maladie mentale, notamment.

Je vous entends maintenant dire comment la situation empirera à l’avenir, lorsque la génération du baby-boom ne sera plus là. Si nous voulons renverser la vapeur, il faut que des mesures soient prises par l’ensemble du gouvernement, et non pas uniquement par Revenu Canada, avec l’intervention peut-être de Statistique Canada. Personne ne se rend vraiment compte que la qualité de vie que nous avons au Canada dépend en partie de ces sociétés sans but lucratif et de ces organismes de bienfaisance qui contribuent à faire de nous un grand pays.

J’appuie entièrement votre demande de création d’un poste de ministre d’État pour les organismes de bienfaisance et sans but lucratif, ou quelque chose du genre. Je suis désolée de partir à la retraite parce que je pense que les travaux de ce comité sont très importants. Ce serait une bonne chose de le souligner. Vous dites que nous devrions peut-être examiner de près ce que fait l’Australie, qui est un pays très semblable au Canada. S’ils font bien les choses, nous devrions peut-être nous inspirer de leur cadre.

Cela ressemble plus à un énoncé qu’à une question. Elle est sous-entendue, même si je ne la pose pas directement.

M. Emmett : Cela correspond certainement à ce que je pense. Le gouvernement devrait de plus en plus considérer les organismes de bienfaisance comme des partenaires dans la réalisation de ces objectifs et dans la réflexion commune pour maximiser notre valeur individuelle, y compris le secteur privé. Il y a de plus en plus d’organismes qui relèvent du secteur privé.

En ce qui concerne l’Australie, la Commission australienne de la productivité a fait un excellent travail en étudiant de façon très détaillée la situation des organismes de bienfaisance. Il serait utile que le comité se penche sur ces travaux, que je vous fournirai avec plaisir. Ils m’ont beaucoup apporté.

La sénatrice Raine : Connaissez-vous des gens en Australie qui pourraient témoigner devant le comité?

Le président : Vous pourriez communiquer ces noms au greffier.

M. Emmett : Certainement, je peux vérifier. C’est avec plaisir que je vous fournirai des références et que j’essaierai de trouver des noms pour vous.

La sénatrice Omidvar : Avant de poser ma question, je tiens à informer tout le monde que le Comité sénatorial des affaires sociales déposera, la semaine prochaine, son premier rapport sur la finance sociale, ce qui concorde très bien avec ce que dit notre témoin.

Comme économiste, vous avez besoin de données. Que pensez-vous des données actuellement recueillies par Statistique Canada? Si vous étiez dans la salle aujourd’hui, vous avez peut-être une opinion à ce sujet. Comment peut-on les améliorer? Que faut-il mettre à jour? En ce qui concerne plus particulièrement ce que vous avez dit, il y a notamment les tendances émergentes en matière de vieillissement, de diversité et de démographie. Je me demande si vous pouvez nous aider un peu à ce sujet.

Si nous devions recommander que Statistique Canada améliore la collecte de données probantes et les services au secteur, sur quoi cette recommandation devrait-elle porter?

M. Emmett : D’une certaine façon, mes collègues qui sont experts en statistiques devraient répondre à cela.

Pour ce qui est de ma propre expérience des chiffres et de leur interprétation, et surtout pour ce qui est de prévoir l’avenir, les derniers très bons chiffres que nous avons sur le secteur sur le plan macroéconomique sont ceux de 2006. C’était il y a 12 ans. Il a été question de la dernière enquête nationale sur le bénévolat, qui remonte à 2009, c’est-à-dire il y a neuf ans. Les chiffres que nous utilisons sont désuets. Je serais heureux si nous disposions de données d’enquête à jour pour 2018.

L’un des problèmes que pose l’exposé de Statistique Canada, c’est qu’au fil du temps, la perception par les statisticiens de ce qu’ils devraient mesurer change. Il y a différentes sources de données au Canada et il faut les regrouper. Nous utilisons les données de Revenu Canada sur les dons, qui nous révèlent toutes sortes de choses différentes.

Statistique Canada nous a été très utile. On nous a récemment fourni des chiffres qui ont été mis à jour jusqu’en 2014, mais de façon assez sélective. Nous devons nous asseoir pour essayer de déterminer ce qui s’est passé entre 2006 et 2014 en ce qui a trait à la modification des définitions, à la correspondance entre nos définitions et les leurs, afin de nous assurer de parler le même langage. Les gens ont tendance à se perdre dans les différents chiffres qui décrivent la même réalité. Dans quelle mesure les organismes de bienfaisance contribuent-ils à l’économie? Qu’est-ce qu’une institution sans but lucratif au service des ménages, par exemple?

Statistique Canada nous a bien rendu service. J’aimerais qu’il y ait beaucoup plus de comptes satellites courants qui nous donnent des informations macroéconomiques facilement compréhensibles et fiables sur le secteur.

Pour prévoir le déficit social, j’ai dû remonter à 2006 et prévoir ce à quoi le secteur devrait ressembler aujourd’hui si nous avions des chiffres, ce que nous n’avons pas. Pour moi, il s’agit d’une question urgente. Je ne vois aucun autre secteur de notre importance dans l’économie qui se débrouille avec si peu.

Le président : L’un des facteurs dont vous n’avez pas parlé tout au long de votre exposé de ce soir est l’aspect fiscal et le fait que les organismes de bienfaisance survivent en donnant des reçus d’impôt aux Canadiens pour leurs dons de bienfaisance et que les Canadiens en tirent un petit avantage.

Vous n’avez pas parlé de modifier cela et vous n’avez pas commenté non plus le système en place. Devrait-il être révisé? Certains ont parlé d’appliquer les mêmes règles aux dons de bienfaisance qu’aux dons à des partis politiques, c’est-à-dire remplacer les déductions fiscales par des crédits d’impôt, comme pour les dons à des partis politiques, dans le but de faire augmenter le nombre de dons aux organismes de bienfaisance.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Emmett : Nous avons fait beaucoup de travail sur le régime fiscal s’appliquant aux organismes de bienfaisance. La première chose, c’est qu’au départ, le système est assez généreux au Canada en ce qui concerne les crédits d’impôt remboursables. À certains égards, ils sont équitables. Aux États-Unis, où les dons sont déduits du revenu, la valeur d’un dollar donné à un organisme de bienfaisance dépend de la richesse de la personne qui fait le don. Au Canada, ce n’est pas le cas. Elle dépend de l’importance du don. À bien des égards, il s’agit d’un excellent système.

Il y a des domaines où des changements seraient souhaitables selon nous, comme l’élargissement du crédit d’impôt, ce qui serait un peu plus avantageux pour les gens qui augmenteraient les montants de leurs dons par rapport à ce qu’ils avaient l’habitude de donner. Nous en avons discuté avec le ministère des Finances.

Il y a aussi les dons de titres et de biens immobiliers privés, au sujet desquels le secteur a fait des recommandations au gouvernement. En général, nous avons constaté que nous avons déjà l’un des systèmes les plus généreux au monde et que le gouvernement n’est pas disposé à bouger sur ce front. Nous sommes toujours très intéressés par tout ce qui pourrait rendre les dons plus attrayants, mais nous devons reconnaître qu’il existe une certaine résistance.

La sénatrice Raine : Vous avez parlé plus tôt du cadre nécessaire pour que les organismes de bienfaisance puissent tirer le meilleur parti de leurs efforts. Je voudrais simplement une précision. L’Australie a-t-elle un cadre? A-t-elle une loi?

M. Emmett : La loi australienne est très différente de la nôtre, et définit notamment les objectifs des organismes de bienfaisance. L’Australie a un organisme de réglementation du secteur de la bienfaisance qui est très controversé. Il vient d’être créé et on parle déjà de l’abolir. Je ne sais pas où ils en sont à cet égard.

Quand je parle d’un cadre, je parle de choses vraiment simples. Lorsque le gouvernement envisage une politique macroéconomique, les organismes de bienfaisance devraient être à la table. Nous devrions être considérés comme étant aussi importants que tous les autres secteurs de l’économie qui génèrent des emplois et de la croissance. Nous devrions avoir une connexion avec le gouvernement.

La liste est longue. Nous aimerions également que des mesures soient prises pour donner suite aux recommandations concernant les activités politiques. Ce que j’aimerais voir, c’est un cadre qui permettrait au gouvernement de reconnaître l’importance des organismes de bienfaisance, et aux organismes de bienfaisance de reconnaître l’importance des aspects économiques. J’aimerais que nous agissions un peu plus comme des partenaires pour parvenir à une croissance équitable, à la justice sociale, entre autres choses, au pays.

La sénatrice Raine : Pas des adversaires.

Le président : Au nom du comité, je vous remercie de votre présence, monsieur Emmett. Si vous avez l’impression que nous avons oublié quelque chose, ou si vous vous rendez compte que nous laissons quelque chose de côté par la suite, n’hésitez pas à communiquer avec notre greffier.

Avant de partir ce soir, chers collègues, je crois qu’il est important de souligner que c’était la dernière réunion de notre collègue, Nancy Greene Raine.

Nancy Greene Raine est une sénatrice très, très spéciale. Nous aimons tous penser que nous sommes spéciaux ici, au Sénat, mais je me rappelle très bien où j’étais le jour où elle a remporté la médaille d’or. Je n’oublierai jamais cette journée. Je ne faisais pas de ski à l’époque, et je ne skie pas vraiment beaucoup aujourd’hui, mais je sais à quel point j’ai été fier de ce que vous avez fait ce jour-là. Je sais que les Canadiens partout au pays ont ressenti la même fierté. C’est cette image que vous avez apportée au Sénat.

Nous vous remercions de votre contribution à ce comité. Vos interventions nous manqueront. Vous avez apporté de nombreuses autres contributions au Sénat depuis que vous êtes ici. Je pense à votre proposition très importante concernant le miel, qui aura un effet durable. Vous avez été une excellente ambassadrice sportive. Vous avez été une excellente ambassadrice pour le pays, mais aussi pour le Sénat.

Personnellement, et au nom de nos collègues, je vous remercie de votre contribution à ce comité. Elle a été importante et elle fera une différence.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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