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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 6 - Témoignages du 18 septembre 2018


OTTAWA, le mardi 18 septembre 2018

Le Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 9 h 5, pour examiner l’impact des lois et politiques spéciales fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse. Je suis président du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance.

Comme vous le savez tous, le comité accueillera plusieurs groupes de témoins aujourd’hui, et je tiens à remercier tous les particuliers et toutes les organisations d’avoir réservé un peu de temps dans leur horaire chargé et d’avoir gentiment accepté notre invitation.

Le comité poursuit aujourd’hui son examen de l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et les autres groupes similaires et de l’impact du secteur volontaire au Canada.

Durant la réunion, nous allons nous concentrer sur la question des activités de collecte de fonds des organismes de bienfaisance et des organisations sans but lucratif.

Avant d’accueillir nos témoins, je vais demander à mes collègues sénateurs et sénatrices de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Omidvar : Bonjour. Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice indépendante de l’Ontario.

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard. Bienvenue.

[Français]

Le sénateur Gold : Bonjour. Marc Gold, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le président : Nous accueillons Michael Lionais, directeur exécutif du Centre d’expertise de l’établissement des coûts des coûts, Bureau du du contrôleur général du Canada, du Canada, Secrétariat dudu Conseil du Trésor, et Carolyne Blain, directrice générale du Secteur de la politique stratégique stratégique, Services publics et Approvisionnement Canada. Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître.

Je demande à nos témoins de présenter des exposés qui durent de cinq à sept minutes chacun. Par la suite, nous allons passer aux questions. Je demande aux intervenants d’être brefs et directs et aux témoins de répondre de la même façon.

[Français]

Madame Blain, veuillez commencer, s’il vous plaît.

Carolyne Blain, directrice générale, Secteur de la politique stratégique, Services publics et Approvisionnement Canada : Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité spécial. Merci de nous accueillir ce matin. Je m’appelle Carolyne Blain et je suis la directrice générale du Secteur de la politique stratégique du Programme des approvisionnements à Services publics et Approvisionnement Canada. Je comprends que vous examinez la façon dont le Canada peut améliorer les lois et les politiques régissant les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif afin de les aider à surmonter les défis.

Le secteur de la bienfaisance joue un rôle fondamental au Canada qui consiste souvent à améliorer les possibilités économiques des groupes sous-représentés pour le bien de la société.

[Traduction]

À Services publics et Approvisionnement Canada, nous étudions les moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut contribuer à cet objectif grâce au pouvoir d’achat. La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité a pour mandat de moderniser nos pratiques en matière d’approvisionnement fédéral. Cela comprend mettre à profit l’approvisionnement pour appuyer les objectifs de nos politiques socioéconomiques. En tant qu’organisme d’approvisionnement central du gouvernement du Canada, nous achetons annuellement pour environ 20 milliards de dollars de biens et de services pour le compte d’environ une centaine d’organisations fédérales et nous faisons appel à environ 9 000 fournisseurs. Le gouvernement a clairement exprimé sa volonté de tirer parti de son important pouvoir d’achat pour générer des retombées positives pour la société. Aujourd’hui, je veux vous parler de ce que nous faisons pour concrétiser cette idée. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions concernant les projets pilotes que nous avons lancés et qui visent particulièrement les achats sociaux.

Depuis plusieurs années, Services publics et Approvisionnement Canada cherche à intégrer les résultats sociaux dans ses activités d’approvisionnement. Nous reconnaissons toutefois qu’il existe des défis systémiques qui rendent le processus d’approvisionnement fédéral difficile à gérer pour de nombreuses organisations qui souhaitent faire affaire avec le gouvernement fédéral. Nous avons entrepris plusieurs initiatives pour réduire ces obstacles et accroître la diversité de nos fournisseurs. Ces initiatives consistent notamment à aider les petites et moyennes entreprises, y compris les entreprises dirigées par des femmes et les entreprises autochtones, à s’y retrouver dans le processus d’approvisionnement fédéral et à y participer activement. Notre objectif ultime est d’accroître et de diversifier notre base de fournisseurs, ce qui se traduira par une concurrence accrue entre les fournisseurs, une valeur élevée pour les Canadiens et des occasions pour de nouveaux fournisseurs diversifiés, y compris les entreprises sociales.

[Français]

Nous cherchons également des moyens de mieux créer des possibilités pour les groupes sous-représentés, y compris les entreprises sociales, afin qu’ils puissent devenir des fournisseurs de biens et de services pour le gouvernement du Canada. Les entreprises sociales comprennent les organismes à but non lucratif qui cherchent à atteindre des objectifs sociaux, culturels ou environnementaux par la vente de biens et de services.

Une partie de nos efforts consiste à mettre en œuvre des solutions numériques qui simplifieront notre processus d’approvisionnement et rendront l’approvisionnement fédéral plus accessible à tous. Ces solutions nous donneront également une capacité renforcée lorsqu’il s’agit de suivre et de surveiller des renseignements essentiels tels que la participation de petites entreprises et d’entreprises sociales, ce qui nous permettra d’orienter nos décisions futures tout en continuant à diversifier notre base de fournisseurs.

Le Bureau des petites et moyennes entreprises de Services publics et Approvisionnement Canada aide les fournisseurs à mieux comprendre la façon dont le gouvernement achète des biens et des services et la manière de trouver des occasions d’affaires. Le bureau les aide aussi à mieux comprendre le processus de passation de marché du gouvernement et les outils connexes au moyen de séminaires, de webinaires gratuits ainsi que de rencontres individuelles. Le Bureau des petites et moyennes entreprises dispose d’un réseau de bureaux partout au Canada et d’un numéro sans frais.

[Traduction]

Récemment, nous avons entrepris des initiatives pilotes qui, à notre avis, fourniront des renseignements précieux sur la manière d’intégrer avec succès les résultats sociaux dans les activités d’approvisionnement.

En avril dernier, nous avons lancé un projet pilote de un an sur les services de traiteur dans la région de la capitale nationale qui met l’accent sur la promotion de nos objectifs d’approvisionnement social. Dans le cadre de ce projet, nous avons établi une liste d’entreprises sociales et de petits fournisseurs diversifiés et sous-représentés capables de fournir des services de traiteur dans la région de la capitale nationale. Cette liste peut être utilisée au sein de notre ministère afin que les employés puissent répondre à leurs besoins en matière de traiteur, tout en soutenant des fournisseurs diversifiés et de petites tailles, et ce, sans aucun effort supplémentaire. Pour être admissibles, les fournisseurs devaient répondre à un court questionnaire pour confirmer leur statut de fournisseur diversifié ou d’entreprise sociale ainsi que leur capacité de fournir des services de traiteur dans la région de la capitale nationale. Pour nous, il s’agit d’une première étape importante de la prise en compte de la diversité au moment de l’élaboration des exigences en matière d’approvisionnement, et cela nous aidera à mettre à l’essai et à déterminer les approches futures visant à inclure les objectifs associés aux politiques socioéconomiques dans le cadre des activités d’approvisionnement.

Nous avons aussi prévu un autre projet pilote d’approvisionnement social qui visera à accroître la diversité des fournisseurs. En décembre 2017 et en juin 2018, nous avons consulté l’industrie pour intégrer des objectifs sociaux dans la méthode d’approvisionnement des services d’aide temporaire. Les résultats des consultations contribuent à l’élaboration d’une stratégie d’approvisionnement en matière de services d’aide temporaire. Une fois en place, cette stratégie visera à augmenter le nombre de fournisseurs invités à présenter des soumissions dans le cadre des processus d’approvisionnement de services d’aide temporaire.

[Français]

Au fur et à mesure que ces initiatives progressent, nous suivons aussi de près le projet de loi C-344, qui a été approuvé par le gouvernement, au moment où il passe à la Chambre des communes et au Sénat. Le projet de loi C-344, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, met l’accent sur la mesure de l’incidence des dépenses fédérales au sein des collectivités. Il propose d’accorder au ministre le pouvoir d’exiger une évaluation des retombées qu’une collectivité tire d’un projet de construction, d’entretien ou de réparation géré par Services publics et Approvisionnement Canada.

Nous suivons également de près les progrès réalisés dans la mise en œuvre du projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité. Le projet de loi C-81 décrit, entre autres, comment le gouvernement du Canada obligera les organisations sous réglementation fédérale à cerner, à éliminer et à prévenir les obstacles à l’accessibilité. Cette mesure s’appliquerait aux biens et services que nous achetons pour les Canadiens, ce qui favoriserait non seulement la promotion des pratiques de services commerciaux accessibles, mais améliorerait également les conditions des fonctionnaires handicapés.

[Traduction]

Alors que le gouvernement du Canada continue de faire de l’approvisionnement social une priorité, les leçons tirées de nos projets pilotes et d’autres initiatives nous seront utiles, et je serai heureuse d’en discuter avec les membres du comité. Merci beaucoup.

Michael Lionais, directeur exécutif, Centre d’expertise de l’établissement des coûts, Bureau du contrôleur général du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président de m’avoir invité à comparaître devant votre comité.

[Français]

Je suis heureux d’être ici à titre de directeur exécutif responsable de la Politique sur les paiements de transfert. Cela dit, je ne puis parler que de l’administration des subventions et des contributions qui relèvent de cette politique.

[Traduction]

De ce fait, j’aimerais fournir au comité un résumé du travail que nous avons accompli à l’égard de la réforme des programmes de subventions et de contributions et lui indiquer où nous en sommes en ce qui concerne l’exécution d’une politique permettant de continuer à mieux servir la population canadienne et les intérêts canadiens à l’étranger.

Comme vous le savez sans doute, le monde des subventions et des contributions évolue depuis 2006, année où le Groupe d’experts sur les programmes de subventions et de contributions a publié son rapport, dans lequel il a conclu qu’un changement fondamental s’impose dans la façon dont le gouvernement comprend, conçoit et gère les programmes de subventions et de contributions et en rend compte.

[Français]

En réponse aux constatations du groupe d’experts, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié, en 2008, un plan d’action pour réformer l’administration des programmes de subventions et de contributions.

[Traduction]

Nous nous sommes engagés à simplifier les processus, à réduire le fardeau administratif imposé aux bénéficiaires et à veiller à une meilleure participation des intervenants dans le cadre de la conception et de l’exécution des programmes.

Une autoévaluation effectuée en 2013 des progrès réalisés par le gouvernement à l’égard du respect de ses engagements dans le cadre du plan d’action a permis de constater des percées importantes, notamment dans les domaines des pratiques de financement, de l’accès à l’information, de la mobilisation des bénéficiaires, de l’établissement de rapports et de la gestion des risques. Cependant, on a constaté qu’on pouvait faire encore mieux. Plus précisément, l’évaluation de 2013 a révélé qu’il fallait consentir davantage d’efforts pour assurer une expérience plus uniforme chez les bénéficiaires à l’échelle du gouvernement grâce à la mise en œuvre de normes de service en matière de subventions et de contributions et par l’élargissement continu des renseignements et des services accessibles en ligne. On a également relevé des occasions de rationaliser davantage les obligations en matière d’établissement de rapports et de vérification pour les bénéficiaires qui avaient conclu plusieurs ententes.

[Français]

Nous nous sommes engagés à réévaluer les progrès réalisés par rapport aux constatations de l’évaluation de 2013. En 2017, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié sa deuxième auto-évaluation.

[Traduction]

D’après les conclusions de cette évaluation, nous avons réalisé d’importants progrès dans les domaines des normes de service, des processus de demande simplifiés et des ententes de financement, de la gestion souple des risques, de la mobilisation des bénéficiaires et de l’administration rationalisée. Les conclusions ont aussi souligné le besoin de mieux harmoniser les renseignements et les pratiques dans l’ensemble des ministères, le besoin, pour les demandeurs et les bénéficiaires, de pouvoir communiquer avec le gouvernement en ligne, l’utilisation des résultats des évaluations des risques dans le cadre de la surveillance des ententes et, enfin, l’utilisation de l’information sur les normes de service afin de produire des rapports clairs et utiles et de permettre aux bénéficiaires de compter sur une expérience de service constante.

[Français]

Nous poursuivons notre élan à ce chapitre, notamment sous la forme d’une réinitialisation des politiques. En fait, les constatations des évaluations de 2013 et de 2017 sont prises en compte dans le cadre du renouvellement actuel de la Politique sur les paiements de transfert.

[Traduction]

Le renouvellement de la politique est important puisque celle-ci continuera de promouvoir une approche pangouvernementale à l’appui d’une expérience utilisateur commune pour les bénéficiaires de subventions et de contributions. On mettra davantage l’accent sur la transparence, le rendement et l’établissement de rapports utiles destinés à la population canadienne.

En plus des progrès que nous avons réalisés au chapitre de la réforme des politiques relatives aux subventions et aux contributions, nous avons mis sur pied une initiative visant à promouvoir l’innovation dans le cadre du financement des subventions et des contributions. Plus précisément, nous avons entrepris un projet pilote sur cinq ans en 2017-2018 sur les « modalités génériques ». Cette initiative permet aux ministères d’utiliser le microfinancement, les prix et les défis ainsi que le financement incitatif pour promouvoir des moyens novateurs d’utiliser les paiements de transfert dans les collectivités partout au Canada, y compris dans le secteur de la bienfaisance.

[Français]

Il n’est pas facile de favoriser le changement dans ce secteur. Toutefois, grâce au renouvellement de la Politique sur les paiements de transfert, nous sommes convaincus que les éléments fondamentaux sont mis en place pour mener à un changement concret.

[Traduction]

Dans cette optique, j’espère que le comité appuiera la réforme de l’administration des subventions et des contributions au profit de tous les Canadiens. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, je devrais peut-être nous mettre en garde, moi le premier. Mme Blain a beaucoup parlé d’approvisionnement et ainsi de suite, et il n’est pas du tout nécessaire pour nous de parler du système Phénix, ici, parce que ce système n’est pas lié à l’étude du comité. Puisque je continue à poser des questions sur le système Phénix, je vais hésiter à le faire, ici, aujourd’hui, et je vous rappelle à l’ordre : ne parlez pas du système Phénix, parce qu’il n’est pas lié à notre étude actuelle.

La sénatrice Omidvar : J’ai une série de questions qui sont liées précisément à vos exposés. Merci beaucoup du travail que vous faites et merci aussi de votre présence.

Ma première question est destinée à Mme Blain. Je suis reconnaissante qu’on parle autant d’approvisionnement social et qu’on déploie beaucoup d’efforts à cet égard. C’est un moyen sous-utilisé d’acheter des biens et de favoriser le bien commun à l’avenir. Je suis heureuse de vous dire que, en fait, je suis la marraine espace insécable, le projet de loi sur les retombées locales, alors tout cela s’emboîte merveilleusement.

Ma question vous est destinée, madame Blain, et elle concerne l’approvisionnement social et l’expérience canadienne, si je peux m’exprimer ainsi, jusqu’à maintenant. Avez-vous regardé ce que font d’autres administrations étrangères, peut-être au Royaume-Uni, en Australie ou aux États-Unis? Qu’avez-vous appris d’elles?

Ensuite, puisque l’approvisionnement social est une possibilité qui s’offre à tous les gouvernements — fédéral, provinciaux et municipaux —, a-t-on pensé à créer un genre de table ronde pour mettre en commun des politiques et des pratiques de tous les ordres de gouvernement? Il faudrait une assez grande table s’il fallait inclure toutes les municipalités, mais, parfois, ce sont les municipalités qui, en fait, ont les idées concrètes les plus utiles.

Voilà donc la question que je vous pose, et je vais vous laisser répondre avant de passer à M. Lionais.

Mme Blain : Merci beaucoup de la question et de votre soutien du projet de loi C-344.

Pour ce qui est des administrations étrangères, je vous répondrais que oui, absolument. Je crois que partout dans le monde on comprend l’importance d’utiliser l’approvisionnement public en tant que levier pour soutenir des objectifs socioéconomiques généraux. Nous avons regardé ce que font d’autres administrations à l’échelle internationale avec des collègues du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui se sont joints à SPAC afin de regarder la marche à suivre en matière de politique gouvernementale qui mise sur l’approvisionnement public pour atteindre des objectifs socioéconomiques.

Fait intéressant, la semaine dernière, j’ai participé à un forum international appelé le Forum mondial des entreprises sociales. Quarante-deux pays de partout dans le monde ont participé, et il y avait aussi plus de 1 400 candidats. C’était un événement très tangible en ce qui concerne la sensibilisation et l’importance d’utiliser les activités d’approvisionnement public pour soutenir les entreprises sociales à l’échelle internationale. C’était l’un des thèmes importants de la conférence.

Au pays, nous tenons ces conversations avec nos partenaires à l’échelon fédéral, particulièrement nos collègues du Secrétariat du Conseil du Trésor, mais aussi avec des représentants des échelons provinciaux, territoriaux et municipaux. En fait, nous organisons cette semaine une réunion des sous-ministres fédéral, provinciaux et territoriaux sur l’approvisionnement. L’un des sujets sera l’approvisionnement social et les objectifs socioéconomiques qu’on tente d’atteindre grâce à nos occasions de marchés publics. Nous sommes tous très conscients du besoin et voulons faire avancer les choses.

Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, nous connaissons certains des obstacles qui constituent des défis lorsque nous tentons de faire les choses le plus efficacement possible. C’est en partie ce que nous tentons de régler grâce à nos initiatives de modernisation de l’approvisionnement qui figurent dans la lettre de mandat de notre ministre.

La sénatrice Omidvar : Vous avez parlé du Forum mondial des entreprises sociales auquel, si je ne m’abuse, j’ai participé l’année dernière. Diriez-vous que le Canada est au niveau primaire, secondaire ou universitaire?

Mme Blain : C’est difficile à évaluer. Assurément, le niveau de participation était phénoménal. Grâce au soutien d’EDSC, nous avons eu droit à une solide participation, et beaucoup d’entreprises sociales de partout au Canada étaient sur place pour le Forum.

Pour ce qui est de notre travail au sein du gouvernement, nous aimons bien être en tête. Nous ne sommes peut-être pas un chef de file, mais je dirais que nous sommes dans la course. Les chefs de file qui mènent actuellement la charge à l’échelle internationale, y compris le Royaume-Uni et l’Australie, tirent profit de cette occasion pour promouvoir leur programme. Nous participons à des réunions trilatérales à l’échelon fédéral avec les États-Unis et le Royaume-Uni pour discuter de certains de ces sujets et mettre en commun des idées sur la façon d’y arriver ensemble. Nous aimerions connaître les façons de procéder les uns des autres afin de pouvoir vraiment tirer parti des leçons tirées collectivement et des façons de faire encore mieux les choses.

La sénatrice Omidvar : Monsieur le président, voulez-vous que je pose ma question à M. Lionais?

Le président : S’il vous plaît.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je ne veux pas accaparer le temps des autres.

Monsieur Lionais, en 2006, on a eu le Groupe d’experts indépendant sur les programmes de subventions et de contributions. C’était il y a 12 ans. Vous avez dit que d’importants progrès ont été réalisés et vous en avez décrit certains. Avez-vous constaté ces progrès dans le cadre de votre autoévaluation ou a-t-on mobilisé les bénéficiaires de subventions et de contributions pour connaître les progrès réalisés depuis 2006?

M. Lionais : Les rapports officiels ont été produits à la suite d’autoévaluations des ministères à qui on a demandé de communiquer avec leurs bénéficiaires. Nous n’avons pas parlé directement aux bénéficiaires dans le cadre des mises à jour de 2013 et 2017, mais nous avons demandé aux ministères de le faire lorsque nous leur avons envoyé les questionnaires.

La sénatrice Omidvar : Donc, en fait, les intervenants ont participé, mais vous avez procédé de façon indirecte, sans interagir directement avec eux.

M. Lionais : Indirectement, mais ce n’était pas nous.

La sénatrice Omidvar : Vous avez constaté des progrès, mais y a-t-il eu une grande amélioration?

M. Lionais : Il y a bien sûr toujours place à l’amélioration.

La sénatrice Omidvar : J’ai remarqué que vous mentionnez dans votre mémoire la mise en place d’un système d’évaluation des risques. Pouvez-vous nous le décrire? Pouvez-vous nous dire si, oui ou non, les bénéficiaires — c’est-à-dire les organisations communautaires, les organismes de bienfaisance et les organisations sans but lucratif — sont au fait de cette évaluation des risques et ont reçu des indications quelconques sur la façon dont ils doivent tenir compte des risques lorsqu’ils vous présentent des propositions, afin que vous ne soyez pas les seuls à évaluer les risques indépendamment de leur évaluation des risques?

M. Lionais : Notre évaluation des risques vise les ministères. Nous établissons les cadres administratifs que les ministères doivent respecter et nous leur fournissons des directives sur la façon de réaliser des évaluations des risques au niveau des programmes et au niveau des bénéficiaires. Ce sont en fait les ministères qui travaillent en collaboration avec les bénéficiaires pour discuter du niveau de risque d’une proposition et des éventuelles mesures d’atténuation. Nous ne participons pas directement à ce processus.

La sénatrice Omidvar : Encore une fois, dites-vous que, indirectement, soit par l’intermédiaire des ministères, le processus d’évaluation des risques est bien connu des organismes communautaires et des bénéficiaires de subventions et que ceux-ci ont modulé, réalisé ou envisagé une évaluation des risques durant la préparation de leurs propositions? Pouvez-vous me confirmer que j’ai bien compris?

M. Lionais : Oui. Nous tentons d’harmoniser l’évaluation des risques en fonction de la capacité des organisations.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous nous fournir un peu plus d’explications à ce sujet?

M. Lionais : Nous examinons la nature de la relation entre le ministère et le bénéficiaire. Est-ce une relation de longue date, une relation continue ou une relation ponctuelle? Est-elle limitée dans le temps? Ces différents types de relation sous-entendent des profils de risque différents.

La sénatrice Omidvar : Ai-je raison de présumer qu’une des composantes de l’évaluation des risques est le montant de la subvention demandée? Si c’est un petit montant, j’espère qu’on n’exige pas des organisations le même niveau de paperasserie et de travail qu’on le ferait pour une subvention d’un demi-million de dollars.

M. Lionais : C’est exact.

Le président : Avant de passer au prochain intervenant, madame Blain, je viens de la Nouvelle-Écosse. Le gouvernement fédéral est très présent dans ma ville natale de Halifax, tant une présence militaire qu’une présence d’autres ministères du gouvernement. Dans votre discussion sur l’approvisionnement, vous semblez mettre l’accent sur l’approvisionnement dans la région de la capitale nationale. Il y a d’autres endroits au pays à part la région de la capitale nationale, mais ne le dites pas aux gens d’Ottawa. C’est important que ce processus d’approvisionnement soit d’envergure nationale. Avez-vous un plan pour miser sur les activités d’approvisionnement dans diverses régions du pays et mesurer les occasions de travailler en collaboration avec des entreprises possiblement liées au secteur à l’étude?

Mme Blain : Merci beaucoup de la question.

Vous avez tout à fait raison. On réalise des activités d’approvisionnement d’un bout à l’autre du pays. En fait, nous ne mettons pas uniquement l’accent sur la RCN. Dans les projets pilotes que j’ai mentionnés, il y a un projet pilote précis qui est réalisé uniquement dans la RCN, mais il s’agissait d’un projet assez restreint qui visait à mettre à l’essai de nouvelles idées. Dans l’autre projet pilote que j’ai mentionné, celui sur la méthode d’approvisionnement des services d’aide temporaires, il s’agissait d’une méthode d’approvisionnement nationale en vertu de laquelle nous obtenons des services d’aide temporaires partout au Canada et pour tous les ministères et organismes du gouvernement.

L’autre aspect que j’aimerais mentionner pour ce qui est de la portée nationale du processus et des activités d’approvisionnement public, c’est que nous misons aussi sur un solide partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. En fait, nous avons mis en place des occasions d’approvisionnement fondées sur la collaboration en vertu desquelles les provinces et les territoires créent maintenant des partenariats et adhèrent à certaines de nos différentes méthodes d’approvisionnement afin que nous puissions acheter des choses ensemble — à l’échelon provincial et fédéral — en misant sur des offres à commandes et des arrangements en matière d’approvisionnement. Quasiment toutes les provinces et tous les territoires adhèrent maintenant à cette approche d’approvisionnement axée sur la collaboration.

Le président : Certaines provinces se sont réunies, et le Conseil des premiers ministres des Maritimes a fait du travail collectif au fil des ans pour s’assurer que les activités d’approvisionnement ont une incidence régionale pour les gouvernements provinciaux aussi. Nous espérons que vous travaillez en collaboration avec lui pour poursuivre sur cette lancée, parce que c’est assurément une façon de générer des emplois. C’est une façon de créer de bons emplois dans les régions. Et j’espère que le gouvernement fédéral peut obtenir par le fait même de bons prix et de bons services.

Le sénateur Gold : Merci d’être là ce matin.

J’ai une question générale sur la portée des différents programmes que vous décrivez et leur incidence possible pour le milieu sans but lucratif et social. Je vais poser certaines questions précises, et, si vous n’avez pas toutes les données à portée de main — et je ne m’attends pas à ce que vous ayez nécessairement toute l’information —, vous pourriez peut-être fournir les renseignements au greffier du comité lorsque vous les aurez.

Il y a deux enjeux connexes : dans un premier temps, quel est le montant total de fonds fédéraux qui ont été affectés aux programmes de subventions et de contributions au cours de la dernière année, disons en 2017, et, de ce montant, combien a été affecté à des organismes de bienfaisance enregistrés et des organisations sans but lucratif? Et, dans un même ordre d’idées, quelle est la ventilation entre les grandes et les petites organisations, peu importe la façon dont vous faites cette distinction?

Je pose la question parce que, dans un rapport précédent, le rapport de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire de 2003, on exprimait certaines préoccupations quant au fait que la diversité au sein du secteur bénévole était compromise, pour ne pas dire érodée, parce que les petites organisations livrent concurrence aux plus grandes qui sont mieux outillées pour demander et administrer des fonds de projet. Quels efforts faites-vous pour aider les petites organisations à avoir accès aux fonds dans le cadre de ces programmes fédéraux de subventions et de contributions?

C’est pas mal de choses en une question, mais je suis sûr que vous vous y retrouverez. Votre réponse nous sera utile. Merci.

M. Lionais : Je ne peux pas fournir d’information sur les comptes publics qui seront déposés cet automne parce qu’ils ne sont pas encore publics, mais je peux vous préciser ce que nous avons dépensé dans le passé.

Nous avons dépensé environ 38 milliards de dollars en subventions et contributions. Environ 13 milliards de ce montant ont été fournis au secteur de la bienfaisance. Dans le secteur de la bienfaisance, le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord — l’ancien nom — a dépensé 6,4 milliards de dollars, soit environ 50 p. 100 des fonds destinés au secteur de la bienfaisance. Santé Canada a dépensé environ 1,9 milliard de dollars, soit environ 15 p. 100, et EDSC, environ 850 millions de dollars, soit environ 6 ou 7 p. 100. Ce sont là les principales dépenses en subventions et contributions, et elles représentent environ 13 des 30 milliards de dollars dépensés. C’est environ le tiers.

Pour ce qui est de la comparaison entre les grandes et petites organisations, je n’ai pas de telles données à portée de main, mais je verrai ce que je peux trouver et je vous donnerai des nouvelles.

Pour ce qui est de l’érosion de la diversité, il est ici question de la capacité des organisations lorsqu’elles présentent des demandes dans le cadre de programmes précis. Les programmes sont conçus à différentes fins. Si certains ministères ciblent précisément les petites organisations pour maintenir le secteur de la bienfaisance, ce sera là un des critères utilisés dans le cadre de la conception du programme. Je n’ai pas d’exemples qui me viennent à l’esprit, mais tout est fonction de l’objectif du programme. Ce ne sont pas tous les programmes qui sont de nature générique. Si c’était le cas, les grandes organisations rafleraient tout simplement l’ensemble du financement. Certaines initiatives sont conçues de façon à permettre aux petites organisations de présenter des demandes. Encore une fois, je n’ai pas d’exemple qui me vient à l’esprit, mais tout dépend du mandat et de ce qu’on cherche à obtenir dans le cadre des programmes.

Mme Blain : Du point de vue de l’approvisionnement public et pour ce qui est des activités d’approvisionnement fédéral, j’ai mentionné que nous dépensons, en moyenne, environ 20 milliards de dollars par année. Environ la moitié de ce montant est fourni à des petites et moyennes entreprises. Des quelque 9 000 fournisseurs, presque 90 p. 100 sont des petites et moyennes entreprises.

Nous ne faisons pas actuellement un suivi de la ventilation entre les petites et moyennes entreprises. Nous n’avons donc pas de données en ce qui concerne leur composition et le nombre de petites entreprises qui sont des entreprises sociales, par exemple, et on ne peut pas non plus faire une ventilation en fonction d’autres caractéristiques des entreprises.

Nous tentons, dans le cadre de nos initiatives de modernisation de l’approvisionnement — comme on l’a annoncé dans le dernier budget fédéral — d’investir de façon importante dans la mise à jour de notre système d’approvisionnement électronique. Notre système d’achats électroniques pourra, à l’avenir, nous permettre de consigner de telles données afin que nous puissions nous faire une meilleure idée des entités avec lesquelles nous travaillons. Ces renseignements nous aideront à établir les politiques et les initiatives plus ciblées que nous voulons mettre en œuvre.

Le sénateur Gold : Merci de votre réponse.

Le président : Il me semble que le président du Conseil du Trésor aimerait connaître l’impact de tout ça sur les petites entreprises. En fait, le ministre actuel est mon député — c’est une coïncidence — et, en Nouvelle-Écosse, il y a beaucoup de petites entreprises qui pourraient participer, ce qui irait dans le sens des mandats du Conseil du Trésor et d’Approvisionnement Canada. À mon avis, il serait utile pour nous d’avoir de tels renseignements détaillés. Ce serait aussi utile pour le grand public, afin que les citoyens puissent savoir que leurs impôts ne sont pas seulement dépensés à un endroit, fournis uniquement à des grandes entreprises, mais que l’argent a une incidence à l’échelon local.

Le sénateur Duffy : Merci d’être là. Ma collègue est responsable du projet de loi C-344 au Sénat. Pour ce qui est du projet de loi C-81, savez-vous qui en est responsable et à quelle étape on en est à l’heure actuelle?

Mme Blain : En fait...

Le sénateur Duffy : C’est quelque chose que nous devrions savoir. La sénatrice Martin le sait peut-être vu qu’elle traite des affaires émanant du gouvernement.

J’essaie d’aborder la question de l’accessibilité. Il y a beaucoup de petits groupes communautaires qui sont très préoccupés par l’accessibilité. Y a-t-il un portail ou un guichet unique où l’on pourrait s’occuper de certaines de ces préoccupations?

Mme Blain : Je vais aborder la question du point de vue des activités d’approvisionnement fédéral. Il y a actuellement un portail, achatsetventes.gc.ca, où les fournisseurs peuvent avoir accès à toutes les occasions d’affaires offertes par l’intermédiaire des processus d’approvisionnement public. Nous apportons continuellement des améliorations au portail pour qu’il soit plus facile à consulter, mais, dans le cadre de sondages annuels auprès des petites et moyennes entreprises, nous avons entendu dire qu’il est difficile d’y découvrir les occasions. Notre nouveau système d’approvisionnement électronique nous permettra d’innover et d’utiliser les technologies de pointe pour fournir un meilleur encadrement afin de saisir ces occasions d’approvisionnement fédéral. Cependant, le système achatsetventes.gc.ca est actuellement accessible et il est de portée nationale, réunissant toutes les occasions d’approvisionnement fédéral.

Le sénateur Duffy : S’agit-il d’une variation ou d’une amélioration du système MERX?

Mme Blain : Oui.

Le président : Monsieur le sénateur Duffy, vous avez posé une question au témoin, mais c’est le président qui vous répondra : le projet de loi C-81 en est à la première lecture devant la Chambre.

Le sénateur Duffy : Il n’est pas encore rendu ici pour faire l’objet d’un second examen objectif.

Le président : Nous déploierons toute notre objectivité lorsqu’il arrivera.

Le sénateur Duffy : Monsieur Lionais, vous avez parlé des 37 milliards de dollars en subventions et contributions. Ce montant inclut-il les subventions pour le développement industriel et régional?

M. Lionais : Le montant inclut toutes les dépenses votées dans l’affectation des subventions et des contributions.

Le sénateur Duffy : C’est donc impressionnant. Essentiellement, le tiers de tout ça, si je ne me trompe pas, est destiné aux petits groupes communautaires?

M. Lionais : Aux organismes de bienfaisance.

Le sénateur Duffy : Oui.

M. Lionais : Il ne s’agit pas nécessairement de petits groupes communautaires.

Le sénateur Duffy : D’accord, alors le montant inclut aussi les fonds destinés aux grands organismes de bienfaisance nationaux.

M. Lionais : Oui.

Le sénateur Duffy : Il y avait une autre chose, mais je vais peut-être céder la parole pendant que je consulte mes notes.

La sénatrice Martin : Je suis désolée de mon retard et d’avoir manqué votre exposé, madame Blain.

Je voulais revenir sur une question du sénateur Gold au sujet des préoccupations liées à l’érosion de la diversité au sein du secteur de la bienfaisance. Je me demandais quels efforts vous déployez et peut-être aussi quelles activités d’extension et quelles mesures proactives vous réalisez et mettez en place pour aider les petites organisations à avoir accès aux programmes de subventions et de contributions fédéraux. À la lumière de ce qu’un témoin a dit hier, un témoin qui représentait un groupe de bénévoles qui travaillent extrêmement dur et qui ont une fondation ou un organisme de bienfaisance... Eh bien, ils ont à peine le temps d’assurer le fonctionnement de leur organisation, et encore moins le temps de comprendre les programmes qui leur sont offerts et les étapes à suivre pour y participer, et je ne parle même pas ici des lourds travaux administratifs que tout ça suppose. Quels efforts déploie-t-on pour joindre de tels groupes afin que tout le monde puisse avoir accès à ces programmes, pas seulement les plus grandes organisations qui ont la structure nécessaire et du personnel embauché à cette fin? Nous sommes préoccupés par le sort des petits, aussi, surtout lorsqu’on parle des petites et moyennes entreprises. La fourchette est assez large. J’ai toujours en tête les petites entreprises, les entités familiales ou les organisations qui sont en fait simplement composées d’un groupe de bénévoles dévoués. Quels efforts fait-on et quelles activités d’extension avez-vous réalisées?

Mme Blain : Merci de la question.

Pour ce qui est des efforts déployés, Services publics et Approvisionnement Canada possède le Bureau des petites et moyennes entreprises dont le mandat consiste à réaliser beaucoup d’activités d’extension pour soutenir les fournisseurs à tous les niveaux sur la façon de s’y retrouver dans le système et de faire affaire avec le gouvernement, la façon de trouver les occasions et de se préparer pour saisir ces occasions d’approvisionnement public ainsi que la façon de préparer une soumission. Nous faisons déjà beaucoup de ce genre de travail d’extension. Nous comptons des bureaux dans toutes les régions du Canada. On déploie des efforts spéciaux précis pour les petites et moyennes entreprises, les entreprises diversifiées et celles dirigées par les femmes et des Autochtones afin de vraiment les aider à s’y retrouver dans le cadre du processus.

Cependant, nous reconnaissons que ce n’est pas nécessairement assez. Il faut regarder nos propres systèmes pour nous assurer qu’ils sont accessibles et faciles à utiliser. Dans le cadre des initiatives de modernisation de l’approvisionnement, nous avons lancé une initiative de simplification des contrats. Il s’agit d’un processus interne dans le cadre duquel nous examinons toutes nos dispositions contractuelles afin de simplifier et rationaliser le processus, de sorte que les contrats seront plus courts et miseront sur un langage plus simple. Des gens nous parlent parfois des contrats qui sont très lourds et très difficiles à comprendre. Pour les petites entreprises qui ne sont pas nécessairement outillées, qui ne comptent pas nécessairement d’équipe juridique et qui n’ont peut-être pas accès à des services d’interprétation du droit contractuel, il peut s’agir d’un obstacle potentiel à la participation à des processus d’approvisionnement public.

Ce sont les genres de choses que nous tentons de faire. Tout ça, en plus de notre nouveau système d’approvisionnement électronique, devrait aider à faciliter une participation accrue aux occasions d’approvisionnement public des entreprises diversifiées et de petite taille.

La sénatrice Martin : Ce sont toutes de très bonnes initiatives. Réalisez-vous aussi des activités d’extension dans d’autres langues pour expliquer aux gens comment procéder?

Mme Blain : Évidemment, nous le faisons en anglais et en français. J’ai vu que certains documents étaient traduits, si je ne m’abuse, dans certaines langues asiatiques, particulièrement sur la côte Ouest par l’intermédiaire de notre bureau de Vancouver, mais je devrai confirmer le genre d’activités d’extension que nous réalisons.

Nous déployons aussi des efforts d’extension en formats accessibles et fournissons une interprétation en langage des signes lorsque nous réalisons des activités d’extension auprès de différents groupes qui peuvent avoir besoin d’approches ou de formats accessibles à même de leur faciliter la tâche.

La sénatrice Martin : J’aimerais bien en savoir plus au sujet de votre bureau sur la côte Ouest. Je viens de Vancouver. Notre ministère a approuvé huit langues patrimoniales. Il y a de plus en plus de collectivités dont les petites entreprises sont au cœur de la croissance. J’aimerais bien voir certains des produits que vous offrez et connaître les langues possiblement utilisées.

Mme Blain : Je serai heureuse de faire un suivi et de vous fournir cette information.

Le président : Si vous pouvez l’envoyer au greffier, il en assurera la distribution.

Monsieur Lionais, bon nombre des programmes qui soutiennent le secteur sont des programmes liés au travail. Les noms et les titres des programmes évoluent et changent au fil des ans. Lorsque j’étais directeur exécutif de l’Association canadienne du diabète, à Toronto, j’avais accès à un programme de soutien dans le cadre duquel nous avions embauché quatre ou cinq chômeurs. Il y avait un programme de soutien qui aidait l’Association canadienne du diabète. Le programme payait ces personnes et leur donnait une expérience de travail qui, c’était à espérer, leur permettrait de se trouver un autre emploi. Mesurez-vous le succès de tels programmes lorsque vous produisez vos rapports à l’intention du gouvernement, par exemple, en précisant avoir dépensé 1 million de dollars dans le cadre de tel ou tel programme et avoir obtenu un taux de réussite de 2 p. 100 ou de 95 p. 100 ou quelque part entre les deux?

M. Lionais : Oui. Le Secrétariat du Conseil du Trésor ne mesure pas lui-même la réussite des différents programmes, mais, au moment de la conception d’un programme, on cerne les critères qui seront mesurés, les résultats, comme on les appelle. Au fil du temps, les ministères mesurent ses résultats en fonction des cibles et présentent des rapports annuels par l’intermédiaire de leurs processus redditionnels. Le tout est communiqué au Parlement, chaque année, et tous les Canadiens peuvent y avoir accès annuellement sur les sites web.

Le président : Les gouvernements changent et évoluent, et nous devrions examiner ces programmes pour voir lesquels ont eu du succès. Dans le programme dont j’ai parlé, celui qui, à l’époque, m’a permis d’embaucher des personnes, au moins trois des cinq personnes ont fini par se trouver un emploi à temps plein dans le secteur de la bienfaisance, pas nécessairement auprès de l’Association canadienne du diabète, mais elles ont acquis une expérience ayant une valeur sur le marché et ont pu trouver un emploi permanent.

M. Lionais : Cela fait partie de la stratégie d’évaluation que chaque ministère applique relativement à ses programmes. Les ministères regardent le niveau de réussite des programmes et cernent les rajustements à apporter au fil du temps.

La sénatrice Omidvar : J’ai une série de questions un peu décousues, alors pardonnez-moi.

Je veux revenir à la question de l’approvisionnement social. Vous avez mentionné les efforts déployés par votre Bureau des petites et moyennes entreprises. Vous travaillez principalement avec des fournisseurs qui viennent de contextes différents. Y a-t-il une décision stratégique ou encore à quel moment décidez-vous de passer à l’échelon suivant, c’est-à-dire de demander à un grand fournisseur, dans le cadre du processus de soumission, de présenter un plan sur les avantages communautaires pour certaines portions d’un marché passé avec vous? C’est vraiment sur ça qu’on concentre tous les efforts lorsqu’on tente de générer des avantages pour les collectivités, lorsqu’on réalise de grands projets à l’échelle du pays et qu’on veille à intégrer la question des retombées communautaires dans la culture de travail de ces organisations, en plus d’avoir une certaine réussite quant au prolongement de la ligne du métro de Toronto et des choses de ce genre. Est-ce quelque chose que vous prenez en considération? À quel moment serez-vous prêts à passer de l’école primaire à l’école secondaire?

Mme Blain : Merci de la question.

Pour ce qui est de l’approvisionnement social, nous réalisons un grand nombre d’activités d’approvisionnement qui comprennent des objectifs sociaux et qui génèrent des retombées sociales. Par exemple, je peux vous parler d’acquisitions militaires. Par l’intermédiaire du ministère de l’Innovation des Sciences et du Développement économique, on met en œuvre la Politique des retombées industrielles et technologiques. Cette politique s’applique aux acquisitions militaires. Dans le cadre des grandes initiatives d’approvisionnement réalisées dans le cadre de projets de Défense, il y a une exigence selon laquelle il faut inclure des retombées industrielles et technologiques. Mes collègues seraient mieux placés que moi pour vous parler de ce programme, mais, essentiellement, il faut que les soumissionnaires dans le cadre de contrats de défense de grande envergure intègrent une retombée industrielle et technologique — c’est-à-dire une proposition de valeurs — à leur soumission. Tout ça est ensuite évalué dans le cadre de l’évaluation générale de la soumission. On arrive à environ 100 p. 100 de la valeur du contrat. C’est un exemple. C’est quelque chose qu’on fait dans le cadre des processus d’acquisition de matériel de défense.

Nous réalisons aussi, par exemple, des évaluations des retombées dans le cadre des activités d’approvisionnement destinées aux Autochtones. C’est quelque chose que nous avons fait par l’intermédiaire de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, une initiative que dirige actuellement RCAAN. Encore une fois, les représentants de ce ministère seraient les mieux placés pour vous en dire plus sur leur programme, mais nous nous assurons qu’il y a des occasions qui sont saisies à même les exigences en matière d’approvisionnement public qui soutiennent les collectivités autochtones les plus touchées par les activités d’approvisionnement en question et qui leur sont bénéfiques.

Ce ne sont, évidemment, que des exemples.

La sénatrice Omidvar : J’imagine alors — s’ils sont parties à un accord avec différents ministères — qu’il y a un mécanisme redditionnel nous aidant à comprendre si les retombées communautaires promises ont bel et bien été générées.

Mme Blain : C’est exact. On produit des rapports dans le cadre des deux programmes dont je viens de parler. ISDE publie un rapport annuel sur son site web concernant le Programme des retombées industrielles et technologiques. Il en va de même pour le programme de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, la SAEA. RCAAN produit un rapport chaque année.

La sénatrice Omidvar : Pour rester sur ce thème, je suis sûre que vous connaissez le groupe consultatif du ministre sur les finances et l’approvisionnement à vocation sociale d’EDSC. Le groupe a produit son rapport. Quelle est l’incidence de ce rapport sur ce que vous faites?

Mme Blain : C’est un rapport important. Il contient des recommandations très importantes. L’une des recommandations est liée à l’approvisionnement public et à la façon dont nous pouvons miser sur ces activités pour soutenir des objectifs sociaux, fournir plus d’orientation, de formation et d’extension et faciliter la consultation des mesures d’approvisionnement à vocation sociale enchâssées dans les occasions d’approvisionnement public. Nous travaillons avec bon nombre de nos partenaires d’EDSC qui mènent le bal pour élaborer la réponse et la stratégie du gouvernement en réaction à ce qu’on a pu lire dans ce rapport.

Tout ça est harmonisé avec une récente étude menée par le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires sur les petites et moyennes entreprises, les entreprises régies par des femmes et dirigées par des Autochtones aussi. Le comité a présenté un rapport très complet en juin, qui contient environ 40 recommandations. Nous sommes en train de préparer la réponse du gouvernement à cette récente étude.

La sénatrice Omidvar : Pouvons-nous vous demander deux choses : un, de fournir au greffier une copie du rapport et, deux, d’obtenir votre réponse lorsqu’elle sera rendue publique?

Mme Blain : Elle sera présentée le 18 octobre.

La sénatrice Omidvar : Ce serait un moment parfait.

Me reste-t-il du temps pour une troisième question?

Le président : Il reste sept minutes, et le sénateur Duffy est prêt.

Le sénateur Duffy : Je cède mon temps à la sénatrice Omidvar.

La sénatrice Omidvar : Ma question est destinée à M. Lionais. Je trouve parfois qu’il est utile de poser une question par la négative : quelles recommandations du groupe de travail d’experts — et remontons même jusqu’à l’ISBC — n’ont pas été mises en œuvre?

M. Lionais : Il faut travailler plus dur ou adopter une approche horizontale plus exhaustive. Nous ne sommes pas très efficaces lorsqu’il s’agit de tirer parti des programmes des différents ministères. C’est l’aspect le plus important sur lequel il faut mettre l’accent, et c’est une des composantes du nouveau paradigme stratégique que nous envisageons à l’heure actuelle, c’est-à-dire de déterminer de quelle façon nous attaquer à ce problème de façon horizontale pour qu’il soit plus facile pour les bénéficiaires d’avoir une expérience utilisateur plus uniforme à l’échelle du gouvernement du Canada tout en rendant les programmes plus accessibles.

La sénatrice Omidvar : Pourriez-vous aussi tenter d’obtenir des données sur la quantité d’argent qu’IRCC dépense en subventions et contributions?

M. Lionais : Je n’ai pas l’information entre les mains.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous l’obtenir?

M. Lionais : Oui.

Le président : Vous avez fourni au comité les montants affectés en subventions et contributions. Ce montant inclut-il toutes les subventions et contributions, seulement celles de plus de 100 000 $ ou seulement celles dans les comptes publics?

M. Lionais : Les comptes publics incluent toutes les subventions et toutes les contributions. En fait, les subventions et les contributions de 100 000 $ et plus sont présentées individuellement, et celles d’un montant inférieur à 100 000 $ sont réunies.

Le sénateur Duffy : La question que je voulais poser concernait les services d’aide temporaire. On parle d’horizontalité; de quelle façon peut-on élargir à l’échelle du pays cette idée d’embaucher des aides temporaires? Le Nouveau-Brunswick offre un programme fantastique, Nouveau-Brunswick au travail. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, mais il permettait à l’époque à des gens de secteurs vulnérables de recevoir une formation en travail de bureau et d’obtenir un premier emploi. C’était un programme vraiment merveilleux. J’ai l’impression que votre projet d’aide temporaire a le potentiel de faire la même chose pour certaines personnes vulnérables. De quelle façon avez-vous procédé jusqu’à maintenant pour l’offrir à l’échelle du pays, et les provinces participent-elles aux côtés du gouvernement fédéral?

Mme Blain : Merci de la question.

Il s’agit d’une stratégie d’approvisionnement nationale. Tous les ministères et organismes ont accès à cette méthode d’approvisionnement en services d’aide temporaire. C’est un arrangement en matière d’approvisionnement.

Grâce à l’initiative pilote dont j’ai parlé, nous avons communiqué avec des fournisseurs diversifiés et tous les fournisseurs de services d’aide temporaire pour leur demander de quelle façon on pourrait inclure délibérément des groupes de fournisseurs plus diversifiés et sous-représentés dans l’arrangement en matière d’approvisionnement de services d’aide temporaire, de façon à accroître leur présence et à leur donner l’occasion de soumissionner lorsqu’il y a des appels d’offres.

Le sénateur Duffy : De quelle façon l’industrie a-t-elle réagi?

Mme Blain : Très bien. Il y a assurément un désir et un intérêt pour aller de l’avant dans ce dossier, alors nous travaillons par l’intermédiaire de ces fournisseurs. Grâce aux réponses que nous avons reçues, nous avons réalisé beaucoup d’activités d’extension par l’intermédiaire du ministère. Nous misons aussi sur un comité consultatif des fournisseurs qui nous soutient grâce à des conseils sur la façon de procéder, de joindre les différents groupes de fournisseurs et de représenter le plus possible la diversité des fournisseurs à l’échelle du Canada.

Le sénateur Duffy : J’ai une question rapide à poser sur l’accord conjoint en matière d’approvisionnement avec les provinces. Pour poursuivre sur la lancée de la sénatrice Omidvar, quelles provinces ne se sont pas jointes à l’initiative?

Mme Blain : J’y vais de mémoire. Je crois que le Québec n’y est pas encore; il reste certaines questions juridiques à régler. Je crois que la Colombie-Britannique aussi était sur le point de se joindre aux autres, tout comme la Saskatchewan.

Le sénateur Duffy : Merci beaucoup.

Le président : Madame Blain et monsieur Lionais, merci de votre participation aujourd’hui. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements dans le cadre de notre débat et avez répondu à certaines de nos questions.

Comme je l’ai dit à d’autres témoins, à mesure que vous voyez nos réunions se succéder, si vous constatez qu’il manque quelque chose, que quelque chose a changé ou que quelqu’un nous fournit une information qui, selon vous, n’est peut-être pas exacte, n’hésitez pas à communiquer avec nous par l’intermédiaire du greffier. Il nous fournira l’information dans les deux langues officielles.

Nous vous sommes reconnaissants d’avoir pris le temps de venir.

Nous allons maintenant accueillir Stephen Huddart, président-directeur général de la Fondation McConnell, Susan Manwaring, associée et chef du Groupe Impact social de Miller Thomson LLP, et Tonya Surman, chef de la direction du Centre for Social Innovation.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. J’invite les témoins à présenter leur exposé en leur rappelant que leur temps est limité.

Je veux aussi vous préparer : lorsqu’on arrivera à la période des questions, essayez de répondre de façon succincte afin que nous puissions poser le plus de questions possible. Et je rappelle encore une fois à mes collègues de poser des questions brèves.

Nous allons commencer par M. Huddart.

Stephen Huddart, président-directeur général, Fondation McConnell : Merci, monsieur le président, et merci aux honorables sénateurs de l’important travail que vous faites et de l’invitation à comparaître aujourd’hui.

Nous vivons à une époque où les nouvelles façons de réfléchir, de comprendre et de mesurer les choses mettent en lumière un changement de direction sociale prometteur et nécessaire. La Fondation McConnell, une fondation familiale nationale privée sise à Montréal et oeuvrant à l’échelle nationale, travaille en collaboration avec des partenaires et des représentants de la société civile, le gouvernement et le secteur privé pour améliorer le bien-être communautaire, soutenir la transition vers une économie équitable à faible teneur en carbone et promouvoir la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada.

Nous adoptons une approche fondée sur les changements systémiques à cet égard, et il s’agit là d’un important changement quant à la façon de travailler et de créer des partenariats dans le domaine de la philanthropie. Nous misons sur des outils d’innovation sociale et de finance sociale pour nous attaquer aux causes sous-jacentes des problèmes dans le domaine social, en cernant, grâce à des activités de recherche et de développement, des solutions prometteuses que nous mettons ensuite à l’essai avant de les mettre en œuvre à plus grande échelle en collaboration avec nos partenaires.

Ce type de travail est actuellement à un tournant, et le Canada est bien placé pour devenir un chef de file mondial de la transformation des défis sociaux économiques en occasions de croissance inclusive. C’est l’appel à l’humanité auquel nous sommes ici pour répondre et, en effet, nous voulons être des leaders en la matière.

Cependant, pour renforcer ces travaux, il faut faire les choses différemment, en commençant par une restructuration et un renouvellement de la relation entre la société civile et le secteur public. On a commencé à faire consciemment ces travaux relativement aux ODD et à l’engagement de notre pays d’atteindre ces objectifs ambitieux en assez peu de temps.

Un exemple de ce type de collaboration est le récent processus de coformulation de recommandations sur la Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale du Canada, dans le cadre duquel 17 membres représentant la collectivité, le milieu philanthropique, les Autochtones et les secteurs public et privé ont travaillé en collaboration durant un an pour élaborer une feuille de route pour l’avenir.

Une des recommandations qui figure dans le rapport concerne la création d’un conseil multisectoriel permanent de l’innovation sociale pour favoriser ce type de collaboration continue.

De plus, comme l’ont souligné plusieurs autres intervenants, vu les contributions de la société civile à une croissance économique inclusive, il faut moderniser la réglementation régissant le secteur de la bienfaisance. Dans notre rapport, nous approuvons les recommandations formulées en mars dernier par le Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, dont Susan Manwaring était membre.

À ce sujet, nous recommandons l’utilisation de bacs à sable réglementaires, la réalisation d’expériences et d’application d’exemptions à durée déterminée permettant l’élaboration et l’évaluation de nouveaux modèles réglementaires. L’ouverture du gouvernement à accorder le statut d’organisme de bienfaisance à des compagnies médiatiques, ce qui leur permettrait de recevoir des dons déductibles pour soutenir le journalisme d’enquête et lié à l’intérêt public, est un exemple de situation où une telle approche pourrait être appliquée.

Un enjeu central qui est ressorti des consultations à l’échelle du Canada était le besoin de trouver de nouvelles sources de capitaux pour financer le changement social. Nous avons recommandé l’établissement d’un fonds de finance sociale qui utiliserait des fonds publics pour générer des capitaux philanthropiques et privés supplémentaires qu’on pourrait investir pour obtenir des résultats positifs pour les collectivités tout en générant un rendement financier. Un tel fonds pourrait fournir des capitaux à des intermédiaires, des coopératives, des sociétés mutuelles et autres du domaine de la finance sociale, finançant ainsi les résultats, offrant des prêts garantis et du capital de première perte et permettant essentiellement au Canada de combler le retard comparativement au Royaume-Uni, au Portugal, au Japon et à plusieurs autres pays qui ont adopté une telle approche et ont obtenu des résultats très prometteurs. À une époque où les dons se font plus rares dans notre secteur lorsqu’on regarde le montant général et la participation de la jeune génération, nous devons garantir la viabilité financière future de notre secteur social. C’est l’une des façons d’y arriver.

On a aussi une importante occasion d’améliorer les résultats sociétaux en améliorant les capacités en matière de données du secteur social. Il y a une grande quantité de données administratives communiquées dans la sphère publique par les gouvernements, mais il y a très peu de capacités dans notre secteur pour les utiliser.

Selon nous, les occasions de faire un meilleur suivi des résultats et de produire de meilleurs rapports à ce sujet, de trouver des gains d’efficience et d’améliorer la productivité sociale sont importantes et méritent de nouveaux investissements. Notre rapport demande la mise en place d’une initiative pour combler le manque de données probantes liées à l’innovation stratégique afin de combler l’écart entre les recherches, dans lesquelles nous investissons beaucoup au pays, et la pratique. Il y a ici un important et coûteux écart que nous pouvons aider à combler. Les What Works Centres du Royaume-Uni sont une approche intéressante à cet égard; ces centres sont au service des intervenants et de la société civile, du gouvernement, des universitaires et du grand public.

Pour ce qui est de la réconciliation avec les Autochtones, tout en respectant le besoin d’améliorer les relations de gouvernement à gouvernement, nous croyons que la société civile peut jouer un rôle plus important pour créer de nouveaux partenariats entre tous les Canadiens et les Autochtones. Parmi les exemples de structures avec lesquelles nous travaillons, mentionnons le Cercle sur la philanthropie et les peuples autochtones au Canada, l’initiative de la Famille Martin, Indspire et une initiative d’innovation autochtone que nous mettons en œuvre en partenariat avec Grands Défis Canada.

Chacune des 12 recommandations formulées par le groupe directeur, dans son rapport publié le 31 août dernier, mise sur la synergie et vise à soutenir une approche fondée sur l’écosystème. Nous réussirons seulement si nous arrivons à relever de façon simultanée les défis interreliés du financement, du renforcement des capacités, de l’utilisation des données, de la communication des renseignements, de l’accès au marché — j’ai bien aimé la conversation au sujet de l’approvisionnement dont j’ai été témoin il y a un moment — l’innovation en matière de gouvernance et la mise en place d’un environnement réglementaire habilitant.

C’est une époque excitante pour le Canada. Nous sommes heureux de voir que vous vous penchiez sur la question de l’impact des politiques publiques sur les organismes de bienfaisance et le secteur sans but lucratif et que le gouvernement est déterminé à mettre au point une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale. Nous avons hâte de lire votre rapport et nous sommes prêts à travailler en collaboration avec vous pour mettre en œuvre les recommandations formulées par notre comité.

Merci du temps que vous nous avez accordé aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Monsieur Huddart, merci beaucoup de votre exposé. Je suis un admirateur de la Fondation McConnell depuis de nombreuses années. Nous avons hâte de continuer la discussion avec vous.

Susan Manwaring, associée et chef, Groupe Impact social, Miller Thomson LLP : Merci de l’invitation à comparaître ici aujourd’hui. Je suis heureuse de suivre mon ami Stephen Huddart. Son exposé a mis en contexte les commentaires que je vais formuler, parce que, dans le cadre de mon travail, j’interagis avec beaucoup d’organisations qui sont confrontées aux réalités de la finance sociale, de l’entreprise sociale et de tous les enjeux associés à notre nouvelle réalité. Souvent, une personne arrivera avec de grandes et excellentes idées quant à ce qu’elle veut faire, et je suis ensuite obligée de m’asseoir avec elle afin de voir si c’est possible vu nos règles actuelles, de vieilles règles.

Le thème que j’aborde aujourd’hui et mes commentaires portent vraiment sur le fait que nous devons aller de l’avant et poursuivre la modernisation. Je crois que c’est vraiment à propos, parce que c’est un sujet sur lequel le comité s’est penché, et j’espère que vous continuerez de le faire.

Nous comptons sur un secteur solide et dynamique. Il ne faut pas l’oublier. Nous voyons souvent à la une des journaux — je trahis un peu mon âge, ici — des nouvelles négatives, mais, en fait, notre secteur a beaucoup de succès. L’une des choses qu’on devrait faire tandis que nous allons de l’avant avec cette notion de modernisation, c’est d’y aller de façon prudente. Cela ne signifie pas d’avoir de la retenue, mais il faut s’assurer de préserver les avantages dont nous bénéficions actuellement. Les organisations continuent de chercher de nouvelles sources de financement, et on a besoin de meilleures règles qui permettront de créer un environnement habilitant et une augmentation des occasions pour la finance sociale et les entreprises sociales. En procédant ainsi, il faut aussi s’assurer de continuer à miser sur les forces de notre secteur.

À mon avis, il faudrait changer les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu — les dispositions réglementaires applicables — ainsi que les règles touchant les subventions et contributions et d’autres dont on a parlé. Assurément, elles doivent être modernisées. Les règles figurant à l’article 149.1 qui régissent la façon dont un organisme de bienfaisance peut exercer ses activités, générer des revenus et investir sont une mosaïque de dispositions qui ont été bricolées. Si on les examine aujourd’hui d’un point de vue global, elles n’ont pas beaucoup de sens. D’une part, elles parlent d’activités caritatives, ce qui, à mes yeux, ne renvoie qu’aux activités caritatives; mais d’autre part, elles montrent implicitement que les organisations font d’autres choses que des activités caritatives. Elles sont complètement incohérentes, et cela a fait en sorte qu’il est très difficile pour les organismes de bienfaisance de faire ce qu’ils doivent faire et administrer régulièrement. L’expérience récente dans l’arène politique — et, comme M. Huddart vous l’a dit, j’ai fait partie du groupe de témoins qui a présenté des recommandations au ministre au sujet du besoin de changement des dispositions relatives au secteur — est un exemple classique de la façon dont les règles ont été mises ensemble au fil du temps et n’ont pas fonctionné.

Heureusement, je tiens à souligner que, vendredi, le gouvernement a présenté un projet de loi provisoire pour mettre en œuvre certaines de ces recommandations et régler cette question. Encore une fois, est-ce dans le contexte de la disposition globale, ou s’agit-il d’une mosaïque de solutions qui, si on tient compte de la disposition globale, ne favoriseront pas nécessairement une partie de ces initiatives et de ces objectifs de financement que nous pourrions améliorer si nous examinions la disposition globale? Le secteur ne se limite pas aux seuls organismes de bienfaisance enregistrés. Il englobe aussi les organisations sans but lucratif non imposables, et elles ont aussi été assujetties à des règles qui sont insensées aujourd’hui. Elles sont très démodées et elles ont été bricolées.

La modernisation est importante et elle s’impose depuis longtemps. Elle devrait permettre des investissements en faveur de l’intérêt public et devrait aider les organisations du secteur à générer des revenus afin de soutenir leurs activités. On a fait dans le passé et on peut faire aujourd’hui une bonne partie de cela, mais les finances sociales et l’entreprise sociale ne seront pas nécessairement des choses nouvelles pour ces organisations. Elles ont été novatrices et ont bien travaillé pour assurer leur durabilité depuis des années, mais c’est très difficile à faire. Je dirais que ce sont seulement celles qui disposent des ressources pour obtenir des conseils et des commentaires appropriés qui ont réussi à ce jour. C’est inacceptable. Nous entendons ce matin parler des partis pris à l’égard de grandes organisations et de petites organisations communautaires. Nous avons besoin d’un système qui permet à toutes les organisations d’accéder à du financement social ou de diriger une entreprise sociale qui n’est pas lourde ou carrément prohibitive.

Quels sont les changements requis? Nous devons revoir tout le système, comme de nombreux témoins l’ont dit. Notre système actuel ressemble beaucoup à un système fermé. En ce moment, des fonds sont envoyés à des organismes de bienfaisance enregistrés, et ils ne peuvent jamais vraiment sortir. Ils peuvent être utilisés par l’organisme de bienfaisance ou encore donnés à d’autres organismes de bienfaisance enregistrés, mais ils ne peuvent en réalité pas être investis et utilisés à l’extérieur de ce système. Les règles l’interdiraient. Si on veut conclure des partenariats novateurs avec des organismes sans vocation de bienfaisance ou travailler à l’extérieur du Canada avec des ONG étrangères, ceux-ci sont soumis à des restrictions qui les empêchent de régler certains de nos problèmes les plus graves.

Au XXIe siècle, nous reconnaissons maintenant qu’il n’y a pas une entité unique qui puisse régler les problèmes du jour. Nous savons que les collaborations et la mise en commun de l’expertise sont essentielles; pourtant, notre système actuel les interdit. La modernisation doit permettre d’éliminer ces obstacles, en exigeant notamment des organismes de bienfaisance et des organisations à but non lucratif qu’ils rendent compte des fonds qu’ils dépensent et montrent comment leurs dépenses renforcent leur but caritatif, sans vérifier comment ils le font. Une telle responsabilité à l’égard des dépenses leur assurerait une prestation de services plus efficace, ce qui permettrait d’investir dans des choses qui sont bonnes pour les collectivités, qui n’auraient autrement pas été autorisées, parce qu’ils ne sont pas un organisme de bienfaisance enregistré, et permettrait aux organisations d’aller de l’avant sans devoir consacrer inutilement des ressources à des gens comme moi et d’autres conseillers qui essaient de trouver des solutions de rechange à des règles qui ne sont pas habilitantes.

Les organismes d’intérêt public entreprenants savent comment générer des revenus. Ils excellent dans l’art d’essayer de maintenir leurs programmes. Dans la foulée de la modernisation, on devrait moins s’inquiéter du fait de savoir s’ils ont réussi et font de l’argent pour soutenir leurs programmes que du fait que les fonds sont utilisés pour les programmes. Nous voulons qu’ils génèrent des revenus, mais s’ils sont importants, il ne devrait pas y avoir de mal à cela. En vertu des règles actuelles, si vous réussissez trop bien, vous pourriez être visé par des règlements.

Cela m’amène à mon dernier point concernant les organisations hybrides. Ce qu’on dit de plus en plus au sujet des organisations hybrides, qui sont des entités à but lucratif ayant des idées pour le bien public et des actifs immobilisés à des fins sociales, c’est qu’elles témoignent du fait que la réalité de l’époque où j’ai commencé ma pratique n’existe plus. Nous considérions jadis les entreprises à but lucratif comme un pilier et les organismes de bienfaisance enregistrés et les organisations communautaires publiques comme des entités distinctes; elles l’étaient. Nous avons créé, je crois, les politiques et les règles pour régir ces secteurs différemment les uns des autres.

Aujourd’hui, le public demande que les sociétés prennent au sérieux la responsabilité sociale et, de même, que les organisations du secteur aient l’esprit d’entreprise et soient axées sur les affaires. On a abattu les cloisons, et ce dont on a vraiment besoin, c’est de faciliter un changement qui permette aux organisations de collaborer, qui permette à une organisation hybride de prospérer aussi bien dans le contexte de toutes ces organisations, tout en nous assurant d’exercer un contrôle sur toutes sortes d’avantages privés importants ou autres préoccupations. Je crois que cela débouchera sur de grandes occasions de financement dans le secteur.

Je pense que, dans l’avenir, le changement devrait tenir compte d’options de changement structurel; il devrait refléter la conjoncture du XXIe siècle dans nos collectivités au Canada; il devrait assurer la transparence et la responsabilisation ainsi que la confiance dans le secteur caritatif. Je pense que l’initiative de collaboration proposée par M. Huddart et d’autres témoins et la notion d’un bureau ou d’un ministère spécial qui peut aider à faire la promotion des finances sociales et de l’entreprise sociale dans le contexte de ces efforts collaboratifs serait souhaitable.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur un de mes commentaires. Merci de votre temps.

Le président : Merci de votre exposé intéressant.

Tonya Surman, chef de la direction, Centre for Social Innovation : Merci de m’avoir invitée à prendre la parole ici aujourd’hui. Je me présente à vous avec le point de vue d’une entrepreneure sociale en série et d’une organisatrice communautaire. Je tiens aussi à me faire l’écho des commentaires de mes collègues ici.

La promesse de l’innovation sociale, c’est que nous pouvons régler les questions les plus pressantes avec lesquelles notre société doit composer tout en imaginant une façon de générer des revenus. Les revenus soutiennent notre durabilité, font économiser de l’argent aux gouvernements et créent du travail utile pour nos citoyens.

Comme vous, nous voulons que les Canadiens possèdent et accumulent des actifs communautaires qui serviront pendant des générations, mais le terrain de jeu au Canada favorise le secteur privé, et les organismes de bienfaisance et le secteur à but non lucratif bénéficient de peu de soutien et font face à de nombreux obstacles. Même si d’autres pays accélèrent leur économie sociale, les entrepreneurs sociaux du Canada pataugent dans des sables mouvants, et cela doit changer. J’arrive ici non pas avec un sentiment de calme, mais plutôt avec un sentiment d’urgence en tant qu’entrepreneure sociale.

J’aimerais vous raconter mon histoire. Il y a environ 14 ans, le Centre for Social Innovation est devenu le premier espace de travail communautaire au Canada, et probablement dans le monde. Nous servons maintenant plus de 1 000 organisations à mission sociale et plus de 3 000 personnes chaque jour. Nos membres sont tous petits. Ils imaginent des solutions à certaines des difficultés sociales, environnementales et économiques les plus dures auxquelles les Canadiens font face. Ils génèrent collectivement plus de 250 millions de dollars par année, emploient des milliers de personnes et en servent des millions de plus.

Nous sommes une entreprise sociale à but non lucratif. Nous sommes également considérés comme une histoire de réussite canadienne. Pourtant, à chaque étape de notre croissance, nous avons été confrontés à des obstacles, là où les sociétés privées auraient vu des occasions. Lorsque nous avions besoin de capital pour notre toute première expansion, nous avons été exclus des programmes de croissance d’entreprises du gouvernement, parce que nous n’étions pas admissibles en tant qu’organisme à but non lucratif; donc, automatiquement, tout ce que nous voulions faire pour pouvoir agrandir notre entreprise sociale ne nous était pas offert.

Pour acheter notre premier immeuble, nous avons parlé à tout le monde. Les seules personnes qui semblaient intéressées à travailler avec nous étaient les investisseurs en capital risque, qui voulaient tous nous acheter purement et simplement. Ils ne voulaient certainement pas nous consentir un prêt parce que, bien sûr, nous étions un organisme à but non lucratif. Par ailleurs, Infrastructure Ontario jugeait que nous étions inadmissibles pour la raison tout à fait opposée : nous n’avions pas reçu assez de fonds du gouvernement pour être considérés comme admissibles à leur hypothèque à faible intérêt. Enfin, nous pourrions obtenir une hypothèque si nous nous tournions vers les différentes coopératives de crédit disponibles, mais afin d’obtenir des capitaux au titre de notre avoir propre, nous devions imaginer quelque chose de complètement différent. Inadmissibles dans le secteur à but tant lucratif que non lucratif, nous avons été forcés d’inventer quelque chose qui s’appelle l’obligation communautaire, un outil que nous avons été en mesure d’utiliser, pour accéder à du capital appartenant à plus de 223 investisseurs communautaires et fondations privées. Nous avons acheté l’immeuble grâce à un investissement communautaire.

Nous avons créé des outils numériques pour donner plus d’ampleur à notre travail, et, encore une fois, personne ne veut nous donner le capital dont nous avons besoin pour investir. Dans le cadre des programmes RS-DE et PARI, deux programmes de financement du gouvernement fédéral, les organismes à but non lucratif sont inadmissibles, parce qu’ils ne seraient pas novateurs. Nous avons fait nos preuves dans l’innovation et la création d’emplois. Où est le problème? Pourquoi ces programmes ne nous soutiennent-ils pas? Les organismes à but non lucratif ne sont pas admissibles, donc nous avons créé un organisme à but lucratif pour héberger notre travail d’innovation numérique. En fait, nous avons dû créer et gérons maintenant trois organisations — une organisation à but non lucratif, une organisation à but lucratif et un organisme de bienfaisance enregistré — pour que notre travail le plus essentiel soit fait. Avez-vous idée du nombre de conseils d’administration que je dois gérer?

Ces obstacles nous ont ralentis et ont gaspillé énormément d’énergie. Malgré tout, nous avons connu une croissance, passant d’un surplus de 572 $ durant notre premier trimestre à 10 millions de dollars de revenus maintenant et à 30 millions de dollars en biens immobiliers, dans quatre lieux, avec 70 employés et 180 bénévoles. Nous employons cinq personnes à temps plein qui sont considérées comme marginalisées, et nous avons fait absolument tout notre possible en vue d’accumuler des actifs communautaires pour notre collectivité, par notre collectivité. Imaginez seulement ce que nous aurions pu faire si nous avions eu moins d’obstacles et plus de soutien.

Nos membres sont confrontés aux mêmes défis, et une nouvelle génération de bien-pensants au Canada se sentent obligés de se tourner vers des organisations à but lucratif. Comme je l’ai dit, j’ai le privilège de travailler avec des milliers de jeunes entreprises en démarrage et entreprises sociales dans nos locaux. Elles se dirigent presque toutes directement vers le secteur à but lucratif; nous n’arrivons à attirer presque aucune d’entre elles dans le secteur à but non lucratif et caritatif. Pensez à l’exode des cerveaux qui grève le secteur bénévole.

Le hic, c’est que les organismes à but lucratif ne peuvent régler les problèmes qui importent le plus. La motivation d’une société privée à but lucratif ne peut régler le problème de la pauvreté. Les actifs qui devraient servir au bien public sont exposés à être achetés et retirés.

M’appuyant sur les recommandations du Groupe directeur sur la co-création d’une Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale — qui sont des questions incontestables, il n’y en a aucune qui soit controversée — je veux m’en faire l’écho et faire preuve de plus de dureté et de fermeté.

Premièrement, en tant qu’entreprise sociale, je vous implore d’uniformiser les règles du jeu pour les organisations à mission sociale. Nous devrions avoir un égal accès aux mesures de soutien du gouvernement qu’utilisent les organismes à but lucratif. Notre régime réglementaire devrait débloquer et habiliter, non pas susciter peur et inquiétudes.

Deuxièmement, il faut absolument moderniser l’ARC. Cela aurait dû être fait il y a 50 ans. Cela dit, veuillez s’il vous plaît adopter un critère pour la destination des fonds. N’essayez pas de déterminer comment nous pouvons ou non faire de l’argent. Vous n’avez aucune idée — tout comme nous — de l’endroit d’où cet argent pourrait provenir. Concentrez-vous sur le fait de savoir si l’argent servira notre mission. L’Australie l’a fait, et le Canada peut faire de même.

Troisièmement, soutenez l’entreprise sociale et l’innovation sociale à la manière dont vous soutiendriez tout secteur que vous voulez voir croître au Canada. D’innombrables millions servent à des stratégies d’innovation perfectionnées du secteur à but lucratif. Imaginez ce que nous pourrions faire avec un peu d’aide pour notre pays et nos collectivités, dans l’intérêt public.

Enfin — certaines personnes m’ont dit de ne pas en parler, mais je le fais tout de même — veuillez cesser de nous traiter comme si nous enfreignions la loi. Les deux millions de personnes qui travaillent dans ce secteur au pays sont brillantes, gèrent plusieurs revenus et sacrifient énormément pour servir nos collectivités et notre pays. Veuillez traiter notre secteur avec le respect que nous avons mérité en tant que professionnels.

Je vous remercie de nouveau de m’avoir invitée.

Le président : Pour ma part, je suis très heureux que vous ayez décidé d’en parler. Je vous en suis très reconnaissant.

J’aimerais toutefois dire qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui méritent qu’on accole ce mot à leur titre, le Centre for Social Innovation. Je crois que tout ce dont vous avez parlé a été novateur, et vous avez dû être novatrice. C’était un aparté.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de ces magnifiques exposés. Je tiens à vous remercier tous du travail que vous faites pour notre pays et nos collectivités. C’est fantastique. J’ai une question pour chacun d’entre vous, et je vais commencer par M. Huddart.

Pour tout vous dire, j’ai travaillé dans le domaine de l’innovation sociale avec Stephen, et de façon très diligente, au cours des dernières années. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entrepris une étude sur les finances sociales, à mon initiative, et est arrivé à la même conclusion que vous. Toutefois, on ne parle pas beaucoup d’innovation sociale. Vous avez parlé des centres What Works, du bac à sable expérimental, d’innovation et d’entrepreneuriat. Pourriez-vous nous raconter une histoire où l’innovation sociale nous permettrait vraiment d’accélérer la cadence vers des solutions durables à nos problèmes les plus urgents?

M. Huddart : Merci de me donner l’occasion d’en parler. Cela me fait grandement plaisir.

Je vais donner en exemple l’extrémité nord de Winnipeg, sans aucun doute le quartier urbain le plus pauvre du Canada, dont la population est composée à 50 p. 100 d’Autochtones et où près de 20 p. 100 des enfants qui naissent sont arrêtés par l’État avant d’avoir atteint l’âge de5 ans. Pensez juste à cela. C’est une statistique consternante.

Au cours des quatre dernières années, nous avons collaboré avec le gouvernement du Manitoba et la collectivité pour diriger un laboratoire de solutions sociales, un processus de collaboration qui fait intervenir des parents, des aînés, des chercheurs, des dirigeants d’agences sociales et le comité directeur auquel nous siégeons avec Centraide et d’autres dirigeants locaux pour explorer des solutions de rechange au statu quo. Il ne faut pas oublier qu’il en coûte entre 50 000 et 100 000 $ par année pour confier un enfant aux soins de l’État. C’est une situation coûteuse et très dysfonctionnelle.

Cette initiative, qui s’appelle Winnipeg Boldness, a permis de créer une série d’hypothèses vérifiables concernant l’amélioration des résultats pour les enfants et les familles. Permettez-moi d’en mentionner une, qui est la création de la profession des doulas autochtones, des femmes qui accompagnent des mères vulnérables durant leur grossesse et l’accouchement, et par la suite, pour s’assurer qu’elles tissent des liens avec des aides communautaires et qu’elles sont soutenues durant une période difficile ou éprouvante de leur vie. Au début, les doulas accompagnaient en réalité les membres de la collectivité à l’hôpital lorsque ces mères accouchaient et disaient au travailleur social qui avait l’ordre de s’emparer de l’enfant : « Vous n’avez pas à faire cela; nous sommes ici pour soutenir cette mère. »

La province est prête à reproduire ces mesures avec des obligations à impact social, nous l’espérons, pour mettre à l’essai ce modèle fonctionnel à une échelle qui peut être évaluée et qui peut changer les choses. Nous parlons maintenant de nouveaux emplois dans l’économie sociale, de la possibilité de créer des entreprises sociales et de générer de meilleurs résultats, à à un coût abordable, pour une tranche très vulnérable de notre société. C’est un exemple pratique, si je peux dire.

La sénatrice Omidvar : Merci. Cela brosse un magnifique tableau des possibilités.

Quels sont les changements qu’on doit apporter à la Loi de l’impôt sur le revenu pour aider les fondations et les organismes de bienfaisance à collaborer plus étroitement?

M. Huddart : Je me demande si je pourrais renvoyer cette question à ma collègue, spécialiste dans ce domaine.

Mme Manwaring : Je pense que le principal changement dont nous avons parlé ou dont nous voulions parler dans le passé, c’est qu’on est actuellement incapable, si vous parlez d’un organisme de bienfaisance enregistré, d’accorder une subvention à des organismes de bienfaisance non enregistrés ou de les financer, de façon générale. Ce sont en réalité des donateurs qualifiés, soit quelque chose d’un peu plus vaste. Souvent, lorsque vous faites le type de travail dont Stephen parle, il y a un certain nombre d’organisations communautaires différentes qui ne sont peut-être pas des organismes de bienfaisance enregistrés, donc l’organisme de bienfaisance, soit peut-être une fondation ou un organisme qui mène des activités de bienfaisance sur le terrain, est limité, parce que s’il donne ses fonds ou en fait profiter des organismes non caritatifs, la Direction des organismes de bienfaisance de l’ARC pourrait y voir un problème.

Si c’est un organisme à but non lucratif qui dirige l’entreprise sociale, s’il y a une activité qui génère des revenus... Nous avons ces organisations exemptées d’impôt dont le but premier est non pas d’enrichir les gens, mais de faire quelque chose pour notre collectivité. Ce ne sont pas nécessairement des organismes de bienfaisance enregistrés, mais ils ont tout l’air de ligues de hockey ou d’organisations communautaires. L’idée, c’est qu’ils génèrent des revenus, mais vous ne devriez pas les imposer, parce que, au bout du compte, c’est un profit communautaire ou public. Ces organisations sont soumises à une règle qui a été très strictement interprétée, c’est-à-dire que si vous faites un dollar de plus que vos dépenses, vous pourriez être écarté et soudainement vous faire imposer. Leurs moyens de générer des revenus finissent par les limiter. Ce sont les organismes sans but lucratif.

Les fondations comme McConnell, qui veulent investir dans ces initiatives, doivent le faire comme s’il s’agissait d’un investissement prudent, comme vous le feriez dans le marché des valeurs mobilières, ou s’inquiéter du fait qu’on estimera qu’elles accordent une subvention à un organisme à but non lucratif.

Ces règles pourraient facilement être assouplies. Il pourrait y avoir des mesures redditionnelles : si vous faites de l’argent, comme Tonya l’a dit, et que ces fonds reviennent au public, il n’y a pas de mal à faire un surplus. Pourquoi devrions-nous nous inquiéter si nous générons des revenus qui peuvent aider à régler certains de ces problèmes? Si vous avez géré un investissement, pourquoi celui-ci doit-il être au taux du marché, si c’est pour l’intérêt public et que la fondation peut démontrer que c’est ce qu’il soutient?

Ce sont, je crois, les types de règles que le cadre modernisé permettrait d’assouplir, en plus de permettre aux organisations de rendre compte du profit qu’elles tirent, mais sans devoir s’occuper des interdictions artificielles qui existent en ce moment.

La sénatrice Omidvar : Merci. C’était utile.

Tonya, votre histoire était fascinante. J’espère qu’elle trouvera une case dans notre rapport. J’aimerais que vous nous parliez de l’exportation de cette idée canadienne à New York et aussi — je l’ai presque fait et je ne me rappelle pas pourquoi je ne suis pas allée jusqu’au bout — de votre initiative qui permet aux Canadiens d’investir dans votre organisation au moyen des REER.

Mme Surman : Cela a aussi été éliminé, merci beaucoup.

Permettez-moi de vous parler des obligations communautaires, parce qu’elles sont facilement reproductibles. Nous avons trouvé des interprétations intéressantes du droit canadien par les banques.

D’abord, retournons en arrière et racontons rapidement l’histoire. Notre entreprise prospérait. Notre chiffre d’affaires frôlait les 500 000 $ par année. Nous avions économisé jusqu’à 50 000 $, ce qui paraissait beaucoup à l’époque. Je me disais que ce serait suffisant pour acheter un immeuble. Nous avons trouvé un immeuble incroyable. Je ne connaissais rien à la finance, juste pour que vous sachiez où je veux en venir. Nous possédions 50 000 $ et avions trouvé cet immeuble incroyable, et j’ai approché des banques et je leur ai dit : « Pouvez-vous me donner une hypothèque? » Elles m’ont raccroché la ligne au nez en moins de cinq minutes.

Je suis ensuite allée à Toronto voir mon ami Mike Williams, qui est responsable du développement économique de la municipalité, et je lui ai dit : « Pourrais-tu me donner une garantie de prêt pour que je puisse prendre une hypothèque à la banque? » Il m’a répondu : « Est-ce que nous faisons cela? » Je lui ai dit : « Oui, vous le faites, Mike. » Donc bien entendu, la ville a mis l’épaule à la roue en offrant une garantie de prêt. J’ai été en mesure d’apporter cette garantie à une coopérative de crédit et d’obtenir une hypothèque, mais j’ai ensuite dû trouver 2 millions de dollars supplémentaires à même notre argent pour couvrir ce qui était exigé en avoir propre pour cet achat. Et je me disais : « Qu’est-ce que les gens font? »

À l’époque, j’ai examiné les seuls actifs que je détenais, qui étaient ma collectivité, mes relations et les gens qui aimaient ce que nous faisions. Avec l’aide d’un avocat d’affaires et de notre avocat, nous avons trouvé dans la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario une exemption selon laquelle les organismes de bienfaisance et — c’est là où les choses s’embrouillent un peu — et comment appelaient-ils cela? C’était quelque chose d’obscur comme les Chevaliers du Temple. Quoi qu’il en soit, il n’était pas explicitement précisé qu’on faisait allusion aux organismes à but non lucratif, mais nous nous sommes dit que nous l’interpréterions comme tel. L’échappatoire était immense.

Nous avons créé une obligation communautaire, qui était un prêt qu’un organisme à but non lucratif peut accorder à un membre de la collectivité, et celui-ci était garanti par la valeur de l’immeuble. J’ai dû amasser 2 millions de dollars rapidement, et personne n’avait jamais fait cela auparavant. Je me rappelais que mon frère avait retapé ses maisons en utilisant des REER. J’ai dit, pourquoi ne pouvons-nous pas offrir un véhicule de REER pour laisser les Canadiens ordinaires investir dans cette initiative? Assurément, à ce moment-là, nous pouvions le faire. Au total, 60 investisseurs ont participé à cet achat d’immeuble, et 20 d’entre nous ont été en mesure d’investir dans le cadre de notre REER, ce qui nous a permis d’apporter une grande contribution ou un prêt au CSI, le Centre for Social Innovation, qui accordait alors un rendement de 5 p. 100 au titre de ce REER. Donc, je suis en fait un titulaire. J’ai un REER investi dans ma propre organisation, et tout cela va m’aider financièrement à ma retraite.

Dans ce cas-ci, ce qui s’est passé était spectaculaire. Les lois canadiennes sont assez claires; vous pouvez détenir des hypothèques à l’intérieur de votre REER. Les banques n’aiment pas cela, toutefois, elles ne font pas beaucoup d’argent sur ces transactions; cela a facilité les hypothèques intergénérationnelles et les a obligées à se retirer de ce champ d’activité. Pour quelque raison que ce soit... Et honnêtement, au bout de deux ans de recherche, je n’ai pas réussi à le comprendre. Je peux vous dire que j’ai eu beaucoup plus de succès pour ce qui est de changer des lois au Canada que des politiques bancaires. Donc, c’était une histoire très intéressante.

Nous n’avons pas pu reproduire l’obligation communautaire lorsque nous avons acheté notre deuxième immeuble au centre-ville. Ce que nous avons dû faire, c’est réduire notre investissement minimal pour le faire passer de 10 000 à 1 000 $, ce qui veut dire qu’il nous était beaucoup plus difficile d’obtenir les capitaux. Or, la bonne nouvelle, c’est que, à ce moment-là, la fondation communautaire s’était imposée et avait commencé à intensifier ses activités. Ensuite, nous avons eu le problème des ILP. Faisons-nous des investissements liés à des programmes si nous ne sommes pas un organisme de bienfaisance enregistré? Cela dépend à qui vous le demandez. Comme tout est flou, les investisseurs et les gens qui veulent soutenir ce travail deviennent extrêmement inquiets, et ce ne sont que les audacieux et les courageux qui vont de l’avant.

Pour répondre à votre deuxième question, notre modèle d’affaires a été convoité à l’échelle mondiale. Nous l’avons mis en libre accès en 2008 et, en 2010 et 2011, nous avons été invités à ouvrir un local à New York; nous avons été invités à ouvrir des locaux dans plus de 200 collectivités au monde. C’est une exportation vraiment canadienne. Comment pouvons-nous capitaliser une stratégie d’expansion, particulièrement dans la sphère numérique, pour un secteur à but non lucratif? Donc, pendant que nous ouvrions un lieu extraordinaire à Manhattan — et c’est un lieu stimulant et dynamique qui soutient des entrepreneurs sociaux incroyables dans ce pays — nous nous sommes de nouveau retrouvés devant des obstacles ridicules, incapables de trouver une façon de capitaliser des organismes à but non lucratif. Je suis littéralement forcée d’adopter un modèle qui convient aux organismes à but lucratif. Ce qui est enrageant, c’est que j’ai renoncé à tous mes gains personnels. Peut-être suis-je folle. Peut-être devrais-je devenir entrepreneure dans un secteur à but lucratif, mais j’ai fait un choix de vie et décidé que mon travail et mon énergie allaient servir à la constitution d’actifs communautaires, mais absolument tout ce à quoi je suis confrontée, dans ma façon de gérer les programmes gouvernementaux, m’empêche de pouvoir servir mon pays.

Le président : Merci beaucoup. J’ai dit au début que le nom de votre organisation contenait le mot « innovation ». Le mot « innovation » apparaît dans presque tous les exposés des gens de votre groupe, sauf pour une autre organisation qui a comparu devant le comité, et c’est l’ARC. J’ai l’impression que, au bout du compte, nous allons recommander à l’ARC d’innover, parce que le monde change.

Monsieur Huddart, votre fondation existe depuis de nombreuses années. Avez-vous été en mesure de surveiller et, en quelque sorte, de codifier les changements qui sont survenus dans ce monde numérique?

M. Huddart : Eh bien, l’absence de données au sujet de notre secteur est un autre problème. Nous avons perdu cette capacité lorsque des changements ont été apportés à Statistique Canada, et nous espérons que les choses sont maintenant rétablies. Nous avons par exemple des renseignements de l’Association pour l’investissement responsable selon lesquels, au Canada, environ 10 milliards de dollars sont investis dans des fonds à impact, et nous en avons environ 150, dont bon nombre sont très petits. Je pense que, dans les témoignages que nous entendons et les cas que nous voyons, comme celui de l’innovation de Tonya qui est appliqué à un contexte social, ou effectivement dans l’histoire des doulas que j’ai racontée, c’est vraiment là que nous voyons comment l’innovation sociale et les finances sociales débloquent les actifs communautaires et libèrent la créativité et nous permettent de financer la croissance inclusive. Ce sont les liens que nous devons faire. Nous ne disons pas qu’un secteur s’occupe des gens vulnérables là-bas et que le secteur privé accumule toute la richesse ici. Nous vivons dans un monde nouveau, dans lequel nous devons libérer la créativité humaine et les aspirations de façon à non pas obtenir un seul résultat, mais plutôt à savoir comment travailler ensemble afin de créer une meilleure société.

Le président : C’est une époque fascinante pour ce qui est de l’évolution du secteur, en raison de la dynamique en jeu.

Le sénateur Duffy : Merci de votre présence. C’est fascinant et intéressant de constater, si on regarde le nombre de témoins que nous avons reçus cette semaine et plus tôt, comment vous avez réussi, d’une certaine façon, à synthétiser les divers messages que nous avons entendus. J’ai quelques questions rapides.

Après la réunion, j’aimerais m’entretenir avec vous, Tonya, d’un projet à l’Île-du-Prince-Édouard.

On nous a dit que l’un des problèmes dans le vieux modèle, c’est que les baby-boomers vieillissent, que la religiosité est en baisse, que le nombre de donateurs chute et que nous ne savons pas comment mobiliser les jeunes du quartier. J’ai l’impression que Tonya présente à cette nouvelle génération des idées et des occasions dont nous pourrions nous servir pour amener cette nouvelle génération de gens à participer par des moyens différents de ceux que nous avons utilisés dans le passé.

Selon tout ce que nous entendons et avons entendu dire au printemps dernier, avons-nous besoin d’un ministre, d’un défenseur, d’une personne qui ira présenter, d’abord au gouvernement, puis partout au pays, le type d’exposé que Tonya nous a présenté aujourd’hui, qui dit aux membres de cette jeune génération que nous avons un grand pays parce que nos prédécesseurs l’ont bâti ainsi et que nous avons besoin de leur aide, au lieu qu’ils restent les bras croisés, pour l’améliorer encore davantage? Avons-nous besoin d’un défenseur, d’une personne qui a de l’envergure, pour aller secouer les gens d’un océan à l’autre et travailler à éliminer ces obstacles au sein du gouvernement?

Mme Manwaring : Merci. Je pense que c’est une suggestion valable, à savoir trouver un endroit différent pour situer ce mouvement à l’avenir. Cela me ramène aux commentaires du sénateur Mercer au sujet de l’innovation à l’ARC. Nous ne devons pas oublier que l’innovation au ministère des Finances s’impose également, parce qu’il est, en réalité, le ministère responsable des règles. Je veux rattacher cela à ce commentaire, car je crois que tout cela est relié au fait de savoir si c’est une dépense fiscale, dans le contexte de la sphère caritative, qui crée ce genre d’approche plus restrictive et conservatrice. Il serait utile d’avoir un bureau ou un ministre dont l’intérêt principal serait de la favoriser et de travailler avec les Finances.

Le président : Nous avons reçu hier un témoin, Andrea McManus, de Calgary, qui a siégé au comité spécial qui a conseillé l’ARC, il y a quelques années. Elle a parlé d’innovation à l’ARC, malgré ses limites strictes. J’ai critiqué l’ARC, donc je veux dire aux fins du compte rendu que je sais qu’elle...

Mme Manwaring : Elle essaie.

Le président : Je sais qu’elle peut être novatrice, et nous avons besoin de la volonté politique pour l’amener vers l’innovation.

Mme Surman : Ce serait fantastique d’avoir un champion qui pourrait aller propager la bonne nouvelle, mais je pense qu’on le fait déjà. Je pense que le réel problème tient à l’absence de clarté des règles. Vous ne pouvez attirer de nouveaux talents jeunes et incroyablement énergiques et leur dire toutes les choses qu’ils ne peuvent pas faire. Ce n’est pas ce à quoi ressemble le changement social.

En ce moment, l’ARC fait face à un risque lié aux organismes sans but lucratif. Dans son examen, elle a indiqué qu’un énorme pourcentage — 40 p. 100 — des organismes à but non lucratif n’étaient pas visés par la loi touchant les organismes à but non lucratif. Ce message nous renvoie à nos jeunes entreprises en démarrage, qui veulent apporter du changement, faire le bien dans leur collectivité et créer des infrastructures locales et de la richesse locale, puis on leur donne 17 raisons pour lesquelles elles ne peuvent aller de l’avant. Le résultat, c’est que nous perdons simplement les talents.

Je vous conseille vraiment d’éviter de vous emballer sans changer les difficultés fondamentales et sous-jacentes. Je sais que c’est un projet qui s’échelonne sur 10, peut-être 20 ans. Je vous en supplie, en tant que personne qui ne profitera probablement jamais de tous les changements que vous recommanderez. Nos générations futures ont besoin de plus de clarté. Mon fils veut travailler dans ce domaine et élargir ce travail et ce genre de choses, mais nous ne traçons pas une voie facile. Le secteur caritatif et à but non lucratif n’est pas uniquement composé de vieilles organisations. Il y a cette incroyable source de talents. J’ai l’impression que nous avons l’occasion de construire le pays le plus bienveillant au monde, et c’est un pas essentiel pour nous.

Le sénateur Duffy : Monsieur Huddart, vous avez dit dans votre exposé que vous vous intéressez — la Fondation McConnell a ou avait des liens avec des journaux — à cette idée de journaux à but non lucratif. Comment pouvons-nous nous assurer que le fait de mettre de l’argent dans ces institutions désuètes ne va pas éloigner l’argent de causes novatrices et valables? N’y a-t-il pas là un conflit? Une dérive de la mission.

M. Huddart : J’aimerais pouvoir vous en parler plus longuement, monsieur le sénateur, mais je crois que nous sommes à une époque d’énorme transition, de bouleversements et de changement du paysage concernant le journalisme d’intérêt public. Si nous croyons que le journalisme est l’oxygène de notre démocratie, et je crois que nous avons quelques graves questions à poser au sujet de la santé du journalisme d’intérêt public; la perte de capacité est ahurissante.

Nous soutenons les efforts d’entreprises sociales pour combler cette lacune. Nous les finançons. Nous voulons voir cette sphère croître, mais je crois que nous devons également parler aux propriétaires d’entreprise, aux journalistes, aux écoles et aux étudiants en journalisme de la façon dont nous pouvons trouver une solution collaborative à ce problème. Ce ne sont pas juste les nouvelles petites entreprises en démarrage, si utiles qu’elles soient, qui vont régler cela pour nous; elles doivent faire partie de la conversation.

Pour revenir à votre point précédent, si je peux me permettre, plutôt qu’un ministre, ou en plus du ministre et du changement réglementaire, nous avons besoin de pouvoir continuer de tenir ce type de conversation. Un conseil de l’innovation sociale composé de dirigeants de tous les secteurs doit être en mesure d’établir un programme pour aborder des questions comme celle-ci, d’examiner comment nous pouvons aller de l’avant pour créer une économie plus lucrative et inclusive.

Le président : Merci.

La sénatrice Dasko : Merci à vous tous d’avoir comparu aujourd’hui et d’avoir présenté vos commentaires, que j’ai trouvés très instructifs.

Comme j’ai pu observer le secteur caritatif et en faire partie, en siégeant à des conseils d’administration, j’ai toujours considéré le secteur caritatif au pays comme prospère. C’est ma perception. Je ne l’ai jamais vu comme un secteur en déclin; c’est plutôt un secteur prospère, mais je crois que vous demandez ce que je pourrais considérer comme un changement radical par rapport au statu quo. C’est difficile pour moi de regarder vers l’avenir et d’imaginer un changement radical. Je verrais plutôt un changement progressif.

Cela dit, y a-t-il des pays qui sont passés par ce que j’appellerais le changement radical que vous proposez? Y a-t-il un régime dans quelque pays que ce soit que nous devrions vraiment adopter ou, si ce n’est le régime entier, des aspects de sa réglementation? Quel est l’idéal à atteindre? Y a-t-il des pays qui ont atteint ce que vous aimeriez voir atteindre ici et pourquoi?

Mme Manwaring : Je pense que la réponse est non, nous n’avons pas un exemple à vous montrer. Stephen a d’ailleurs parlé de l’occasion pour le Canada d’être un chef de file. Cela dit, je pense qu’il y a en Angleterre et au Royaume-Uni des règles où on a élargi la capacité de faire plus de financement social et d’investissement social. Certainement, en Nouvelle-Zélande et en Australie, on a fait un certain travail pour permettre à des organisations d’être de grandes défenseures et d’autoriser plus de systèmes ouverts. Ce sont des exemples.

Toutefois, je ne suis pas sûre que ce que nous devons faire soit aussi radical que ce que vous laissez entendre. J’essayais de faire comprendre que notre secteur est prospère, qu’il fait un travail absolument incroyable et qu’il innove depuis des années. Une des choses auxquelles je m’oppose, c’est cette idée que l’innovation est nouvelle. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais je pense que nous sommes à un point de basculement de l’équilibre entre les organismes à but lucratif, les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif qui essaient ensemble de se mobiliser à l’égard des problèmes sociaux. C’est là le changement radical.

Ce type d’approche systémique qui consiste à aider les gens dans le besoin est peut-être radical, mais même si nous voulons qu’elle soit modernisée, je ne suis pas sûre que nous devrions pour autant perdre certains des éléments essentiels. Je pense que, avec les exemples du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, en plus du travail qui est fait et du groupe de travail dont Stephen a parlé ainsi que d’autres travaux, nous pouvons apporter des changements qui permettront à l’approche de fonctionner complètement, mais sans perdre ce qui est dans le système.

M. Huddart : Pendant que vous parliez, je pensais au mouvement Centraide au Canada, qui fait partie du tissu social depuis au moins 50 ans. C’est une organisation extraordinaire et considérable qui, à mon avis, plus que tout autre acteur de notre secteur, a construit et maintenu un pont entre le secteur communautaire et le secteur privé.

De nos jours, les responsables de Centraide ont de la difficulté à mobiliser les nouveaux donateurs, les jeunes, parce que les campagnes menées dans les entreprises dans les années passées ne sont plus aussi sympathiques, attrayantes ou intéressantes aux yeux des employeurs, et c’est pourquoi Centraide examine des stratégies numériques. Le Canada abrite actuellement une des entités qui mettent à mal cette catégorie d’organismes, soit une entreprise qui s’impose dans ce domaine et qui est en train de créer une approche globale en matière d’engagement en ligne des employés. Il s’agit d’une entreprise privée, et ses activités font prendre conscience aux responsables de Centraide qu’ils doivent trouver un nouveau modèle d’affaires.

Par exemple, Centraide à Vancouver propose d’intégrer le secteur des entreprises sociales pour soutenir des entreprises naissantes qui sont orientées vers un objectif à caractère social. Ils prennent un grand risque, mais, vu la situation à laquelle ils font face, ils estiment que c’est nécessaire. À Montréal, nous faisons partie d’un regroupement de fondations qui ont participé à la mise en commun de fonds destinés à permettre à des communautés de cerner leurs propres priorités, de les fixer et de se servir du fonds communautaire à ces fins. Ils mettent à l’essai des modèles d’affaires ou innovent en matière de modèles d’affaires pour essayer des choses et s’adapter aux changements générationnels qui se manifestent de même que tenter de répondre au besoin de continuer à attirer la force, la capacité et les talents du secteur privé vers le secteur à vocation sociale.

Mme Surman : Je souhaite répondre à votre question. Ce n’est peut-être pas un changement radical, mais il est urgent. La menace qui pèse, c’est la privatisation de nos actifs communautaires. C’est un tout autre sujet que d’aborder ce qui se passe et la façon dont les entreprises privées sont en train d’acheter différentes parties de notre système de santé. J’ai toute une liste d’exemples que je peux donner. À mon avis, une des questions, c’est de savoir si nous sommes en train de perdre tous les actifs que nos collectivités ont créés aux mains d’entreprises privées. Prenez par exemple les églises au Canada. Combien en avez-vous vu transformé en copropriétés? Cet actif collectif est perdu à jamais. Donc, je vous pose la question suivante : d’après vous, quel est l’impératif pour être en mesure d’aider à protéger les collectivités et pour s’assurer que la richesse collective augmente dans notre pays au lieu qu’elle disparaisse?

Le président : Nous allons permettre à une autre personne de poser des questions, parce que nous allons manquer de temps.

Avant de le faire, monsieur Huddart, je me souviens de la période où j’ai été le porte-parole d’un important organisme de bienfaisance à Toronto qui était membre de Centraide. La lutte actuelle concernant les retenues à la source versées à Centraide atteignait un tournant. C’est très difficile de communiquer le message de la part de Centraide parce qu’il ne s’agit pas d’un seul message, il s’agit de 20 ou 30 messages, selon le nombre d’organismes qui sont des membres locaux de Centraide. C’est aussi un point positif. Le bon côté, c’est qu’il y a un organisme qui offre des services à tous ces autres organismes qui sont habituellement plus petits. Je travaillais pour un important organisme de bienfaisance à Toronto à l’époque, et il était fascinant de voir les réactions suscitées quand on transmettait ces différents témoignages aux employés dans différentes entreprises; c’est la possibilité de témoigner de ces différentes histoires qu’offre Centraide.

La sénatrice Omidvar : Je souhaite examiner davantage les solutions touchant les éléments des organismes à but lucratif, des organismes sans but lucratif, et du milieu des affaires que vous avez tous soulignées de façon tellement éloquente. Il nous appartient non seulement de comprendre les problèmes, mais aussi de proposer des solutions raisonnables et de formuler des recommandations. J’aimerais obtenir vos commentaires à propos d’une loi à double finalité qui viserait les sociétés de ces trois domaines. Comme vous le savez déjà, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté des mesures législatives en ce sens. Le gouvernement de l’Ontario a décidé de ne pas le faire, par crainte d’excès. Croyez-vous qu’il s’agit de quelque chose que nous devrions recommander?

M. Huddart : Je suis d’avis qu’il s’agit d’un aspect très important. Vous avez mentionné la Colombie-Britannique. Il existe aussi un modèle semblable en Nouvelle-Écosse, qui offre la possibilité de créer une société par actions où des limites sont imposées au capital réservé à un but social. Je crois que ce genre d’exemple d’approche combinée est important. N’oublions pas qu’au Québec, nous avons une des économies sociales les plus importantes et les plus prospères en Amérique du Nord. Près de 9 p. 100 de notre PIB sont générés par des coopératives, des mutuelles, des coopératives d’épargne et de crédit, ainsi de suite, et ce secteur produit d’excellents résultats. Il crée beaucoup d’emplois et d’occasions diverses. Les acteurs de ce secteur mettent à contribution le capital là où les besoins sont les plus pressants. À mon avis, nous pouvons nous inspirer de certains modèles, mais c’est important d’être en mesure de les cerner et de créer le message, pour revenir au point soulevé par le sénateur Mercer, selon lequel notre pays fait bien les choses dans ce domaine et que nous pouvons grandement nous améliorer grâce à un soutien adéquat.

Mme Manwaring : Les sociétés hybrides constituent un modèle de société ouverte, donc vous pourriez recommander d’adopter des mesures législatives en droit commercial au palier fédéral. Les provinces de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse ont adopté de telles mesures législatives. Elles n’ont pas été beaucoup utilisées parce qu’elles ne sont pas assorties d’avantages fiscaux. L’idée, c’est que les actifs sont réservés à un but social. Il peut y avoir des investissements privés, mais il y a quand même une limite sur les rendements que peuvent obtenir les investisseurs privés.

À mon avis, l’expérience a montré que, sans un incitatif — cela a aussi été constaté au Royaume-Uni — comme un crédit d’impôt pour actions accréditives, qui est offert dans le domaine de l’exploration et du développement dans le domaine minier, pour inciter les gens à investir dans ce type de société hybride, ce type d’investissement ne semble pas susciter autant d’intérêt. Il s’agit d’entités imposables. À mesure qu’on adaptera le système pour essayer de permettre aux organisations de collaborer davantage, on pourrait accorder de l’attention non seulement aux mesures législatives touchant les corporations, mais aussi aux modifications du côté des impôts qui pourraient encourager l’utilisation de ce type de sociétés.

Mme Surman : Nous avons déjà vu ces différents processus — et j’ai participé à plus d’un —, qui visaient à apporter des modifications touchant les entreprises à but lucratif, ne rien faire pour régler ce qui ne fonctionne pas du côté des entreprises sans but lucratif ou des organismes de bienfaisance. Il est temps de s’atteler à la tâche pour régler les problèmes qui touchent les organismes de bienfaisance et les entreprises sans but lucratif.

Je souhaite avoir des précisions quant à l’amélioration de l’utilisation des fonds. C’est ce qui est le plus important à mes yeux. Si nous pouvions adopter des mesures comme celles déjà adoptées en Australie, ce serait un excellent point de départ. Examinons les différences entre les bénéfices publics et les bénéfices des membres des organismes sans but lucratif, et établissons la différence entre les deux. Examinons aussi sérieusement le verrouillage des actifs afin que, au moment où un groupe communautaire décide de mettre un bien au service de la collectivité, ce bien soit visé par un verrouillage permanent d’actif. Ce sont là mes trois recommandations.

Le président : Merci beaucoup. Comme vous pouvez tous le constater, nous avons dépassé le temps alloué. Les membres du comité me réprimanderont à un moment donné, mais je leur rappellerai que ce sont leurs questions qui ont entraîné ce retard. Je tiens à vous remercier tous les trois. Vos témoignages ont été très utiles.

Nous recevons maintenant notre collègue, l’honorable sénatrice Frances Lankin, C.P. Nous recevons aussi parmi les témoins Ian D. Clark, coprésident, Groupe d’experts indépendant sur les subventions et les contributions, et Patrick Johnston, directeur principal, Borealis Advisors et ancien coprésident, Initiative sur le secteur bénévole et communautaire.

Je tiens à tous vous remercier de votre présence. J’aimerais vous rappeler que le temps de votre exposé est limité. Lorsque nous passerons à la période de questions, nous souhaitons que vos réponses soient brèves et concises. Mes collègues poseront des questions concises.

Je veux aussi vous dire à l’avance que, à midi moins dix, je quitterai le siège du président et que la sénatrice Omidvar me remplacera, car je dois me rendre rapidement à une autre réunion que je dois aussi présider; toutefois je serai de retour pour la séance de cet après-midi. C’est ce qui arrive lorsqu’on porte plusieurs chapeaux ici. Nous commençons donc par la sénatrice Lankin.

L’honorable Frances Lankin, C.P., sénatrice, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Je souhaite remercier les membres du comité de l’occasion de témoigner qui m’est offerte. J’estime M. Clark et j’apprécie le fait qu’on m’ait demandé de venir parler du Groupe d’experts indépendants sur les subventions et les contributions. Je suis d’avis qu’il est important que vous entendiez des témoignages concernant l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire par la même occasion. Ces deux initiatives, d’un point de vue historique, ont été entreprises par le secteur et le gouvernement pour améliorer les résultats, au bout du compte, et pour comprendre le fonctionnement du secteur et les avantages qu’il procure à l’économie canadienne, aux gens et à l’intérêt public ainsi que pour trouver des façons d’offrir du soutien et de permettre de réaliser ces bénéfices.

Je vais parler pendant quelques minutes, et ensuite je vais donner la parole à Ian, pour qu’il aborde le rapport du Groupe d’experts indépendants sur les subventions et les contributions.

En 2006, le ministre Baird, qui était à l’époque le président du Conseil du Trésor, a convoqué quelques personnes. Au début, nous étions trois, et Mark Tellier a dû abandonner le groupe en cours de route à cause de problèmes qui exigeaient qu’il consacre beaucoup de temps à son entreprise. Nous trois avons donc établi le cadre de nos travaux. Ensuite, Ian et moi-même avons terminé les travaux, après que Mark a dû quitter le groupe au cours de la dernière partie de nos activités.

Ce sujet peut sembler peu intéressant, notamment la gestion touchant les subventions et les contributions, mais nous avons appris beaucoup de choses au cours de nos travaux. Étant donné le peu de temps qui m’est alloué, je ne vais pas entrer dans les détails, parce que je crois que ce n’est pas ce dont vous avez besoin. Nous avons examiné 27 milliards de dollars de subventions et de contributions octroyées par quelque 50 ministères et programmes différents ainsi que les différentes règles qui s’y rattachaient, et les mécanismes de contrôle. Nous avons constaté un manque de cohérence, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous avons tiré des conclusions importantes.

Vous devez vous souvenir que ces travaux ont été menés au moment où le gouvernement avait pris l’engagement d’améliorer la reddition de comptes, l’efficience et la transparence. Ces thèmes au début du mandat du gouvernement dirigé par le premier ministre Harper s’appliquaient à tous les ministères. Quand le ministre Baird a communiqué avec moi, il était influencé par les relations qu’il avait eues avec les acteurs du secteur de la bienfaisance à l’époque où il avait été ministre en Ontario et ministre au gouvernement fédéral, et par les problèmes auxquels il avait fait face en ce qui concerne la gestion et la collaboration avec les services publics dans ces deux ordres de gouvernement. C’est ce qui est à l’origine de ces travaux.

Je ne parlerai pas au nom d’Ian parce que, à titre d’ancien administrateur général au sein du Conseil du Trésor, il avait un point de vue différent du mien par rapport au secteur de la bienfaisance, mais j’ai été étonnée par les secteurs touchés, notamment ceux de la communauté des petites entreprises, des collectivités autochtones, le milieu de la recherche universitaire, des services sociaux et de la santé. Il s’agissait d’un large éventail d’investissements effectués dans tous ces portefeuilles. Au fil du temps, beaucoup d’initiatives ont été mises en place à la pièce pour former des programmes touchant la façon dont les bénéficiaires — il s’agit du mot que nous avons utilisé dans ce rapport — étaient traités, les renseignements qui leur étaient demandés et le seuil de risque jugé acceptable. Il n’y avait aucune cohérence.

Nous avons tiré quelques conclusions importantes. Nous devions transformer ces activités et nous placer du point de vue du bénéficiaire, et il fallait que le gouvernement tienne compte du bénéficiaire de façon globale. Habituellement, nous parlons du gouvernement dans son ensemble, mais, dans ce cas-ci, il y avait des bénéficiaires qui recevaient certains renseignements auprès d’un programme dans un ministère, auprès d’un autre programme compris dans le précédent, et d’un troisième et d’un quatrième programme dans d’autres ministères. Tous les renseignements étaient répétitifs et ils n’étaient pas toujours exactement les mêmes; les formulaires étaient parfois différents. Cela créait une lourdeur administrative.

Le genre de comptabilité qui a été effectuée ne tenait pas du tout compte des capacités de l’organisation. Par exemple, s’agit-il d’une petite ligue de soccer et d’une subvention par l’intermédiaire de Patrimoine canadien, ou bien d’un organisme de bienfaisance majeur dans le milieu de santé qui se concentrait sur le cancer? Les capacités différaient en ce qui a trait à ce que les organismes peuvent faire des points de vue de la comptabilité et de la mesure du rendement.

Aucune évaluation clé des risques n’a été effectuée. De fait, on a été complètement intolérant à l’égard des risques, c’est-à-dire que tout risque a fait l’objet d’un suivi étroit parce que les conséquences n’étaient pas seulement liées aux programmes et aux résultats; la mentalité du « je t’ai eu » des politiciens dans l’opposition a eu des conséquences d’ordre politique. Aucun parti n’est exempté; tout le monde participe à des moments différents. La politique du « je t’ai eu » et l’approche analogue des médias ont donné lieu à des histoires comme celle du fiasco de un milliard de dollars qui, au bout du compte, s’est révélée ne pas du tout en être un, mais je pense que Jane Stewart a eu l’impression que cette expression l’a suivie tout au long du reste de sa carrière politique et jusqu’à la retraite.

Nous avons mis l’accent sur le bénéficiaire, sur le fait de rendre l’initiative conviviale pour ce dernier, de la simplifier et d’amener le gouvernement à déterminer comment communiquer l’information. J’affirmerai, à la lumière de ma conversation avec certains administrateurs généraux, dernièrement, que cela n’a pas été fait. Les règles du Conseil du Trésor créent encore un obstacle au moment de communiquer l’information qui rendrait ces types de demandes de subventions et de programmes plus efficients.

Enfin, nous avons formulé des recommandations sérieuses au sujet d’un leadership et d’un soutien continus. Le soutien doit provenir du centre. Ce doit être fait à l’intérieur des ministères, et des négociations risquées doivent toujours avoir lieu en ce qui concerne le Conseil du Trésor, le rôle du centre et la nature du rôle du ministère. Il faut que la coordination et le soutien proviennent du centre. Il fallait que le Conseil du Trésor apporte des changements à ces règles et que l’on investisse dans la consolidation ou dans des technologies semblables pour permettre une simplification. Nous nous sommes tournés vers d’autres administrations où cela avait été fait. C’est possible.

Nous avons formulé un certain nombre de conclusions. Elles vont jusque dans le menu détail de l’échelon opérationnel, ce qui ne préoccupera pas beaucoup le comité, mais je vous demande de regarder les grands thèmes de nos recommandations. Selon moi, même si on a fait des progrès, on a encore beaucoup de chemin à faire. Essentiellement, cette initiative s’est transformée en un projet qui a été entrepris avec enthousiasme par certaines personnes, et pas autant par d’autres, et, au fil du temps, il a tout simplement perdu son inertie.

Le président : Merci.

Ian D. Clark, coprésident, Groupe d’experts indépendant sur les subventions et les contributions, à titre personnel : Je suis heureux que nous nous réunissions après 12 années de travail avec la sénatrice Lankin sur ce projet. Contrairement à elle, qui a imprimé sa copie, j’ai une copie originale reliée que je vous confierais ainsi qu’aux chercheurs participant au projet.

Comme l’a mentionné la sénatrice Lankin, beaucoup de travail a été effectué à l’avance, et, dans ce rapport, on a tenté de rassembler l’ensemble du travail accompli dans le cadre de l’initiative bénévole. Un comité de la Chambre et des comités spéciaux l’ont examinée. Mme Echenberg a participé à un grand nombre de ces examens, alors vous êtes bien placés pour connaître son histoire, et ce rapport la raconte bien, selon moi.

La sénatrice Lankin a mentionné qu’elle se demande si les recommandations tiennent toujours aujourd’hui. Nous en avions formulé 32. J’ai été impressionné par la mesure dans laquelle la haute fonction publique a pris ces recommandations au sérieux. Des comités de sous-ministres ont été mis sur pied, un centre d’excellence, et ainsi de suite. J’ai eu l’occasion de voir ces groupes à l’œuvre, après quoi j’ai siégé pendant huit ans à deux comités d’audit — un à Affaires autochtones et du Nord, et l’autre à Santé Canada. Au comité d’audit, on rendait régulièrement compte de la progression de la mise en œuvre. Toutefois, il s’agissait d’un défi très difficile à relever, comme nous l’avons expliqué dans le rapport et comme l’a mentionné la sénatrice Lankin.

J’ai déposé un mémoire, qui présente certaines autres réflexions sur notre situation actuelle. L’un des éléments qui pourraient être utiles, selon moi, consiste à reprendre ce que nous avons fait au sein du groupe d’experts, c’est-à-dire mobiliser le milieu des universitaires qui réfléchissent à ces dilemmes. Il s’agit essentiellement de l’administration publique et des chercheurs en politique publique de partout au pays. Vous en avez entendu plusieurs parmi les témoins qui ont comparu plus tôt devant votre comité. Je félicite le comité de l’excellente liste de témoins qu’il a invités. Le site web de votre comité, où on peut relire les témoignages, produira une ressource très précieuse pour les personnes qui réfléchiront à cette question dans les années à venir.

Afin de tenter de mobiliser ce milieu et de fournir un soutien particulier à Mme Echenberg, alors qu’elle contribue à la réflexion sur la façon dont vous allez rendre des comptes à ce sujet, j’ai essayé de produire sur le site Atlas of Public Management une page web qui présente un cas, en utilisant cette initiative comme étude de cas. Voici votre comité. Il vous reste trois mois avant d’avoir à produire votre rapport. Vous disposez d’une énorme quantité de données merveilleuses. Que recommanderez-vous qui fera avancer les choses, et comment le ferez-vous? Le site web que j’ai créé reprend les meilleures techniques que les chercheurs en politique publique utilisent pour s’attaquer aux problèmes et former des recommandations sur des affaires de politique publique.

J’ai également produit une page appelée Denman Island Charities, qui porte sur une collectivité de 1 100 personnes dans laquelle je vis maintenant, en Colombie-Britannique. Son secteur bénévole et communautaire est dynamique. À mes yeux, en tant que personne qui a vécu dans des milieux urbains et qui a été fonctionnaire, je trouve qu’il est formidable d’observer ces différences de points de vue. Je suis maintenant dans une collectivité. En voyant ces activités de bénévolat, je me pose la question suivante : que pourrait faire le comité pour influer sur la vie des gens de l’île Denman, en Colombie-Britannique? C’est une question fascinante. Je laisserai le comité y réfléchir. Certains de ces universitaires ont déjà formulé des commentaires à ce sujet et utiliseront ce cas ou ce mandat. Si des idées sont avancées dans les écoles de politique publique, vous pourrez les trouver sur le site web.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Clark. Je peux vous assurer que nos analystes ont accès à tous les documents que vous avez mentionnés. Ils feront partie du dossier.

Je vais maintenant passer à M. Johnston. Je suis heureux de vous revoir. Bienvenue au comité.

Patrick Johnston, directeur principal, Borealis Advisors et ancien coprésident, Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, à titre personnel : Je suis heureux de vous voir, moi aussi, monsieur le sénateur, et je vous remercie, vos collègues et vous, de l’invitation à comparaître aujourd’hui.

Je ferai fond sur les commentaires formulés par la sénatrice Lankin et par M. Clark et vous parlerai d’un exercice ayant eu lieu encore plus tôt dans notre histoire, qui a mobilisé de façon intensive le gouvernement fédéral et les membres du secteur bénévole et communautaire. Cet exercice était l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, qui a eu lieu de 2000 à 2005.

J’ai présenté un mémoire écrit, où j’ai donné beaucoup plus de détails sur le contexte du secteur bénévole et communautaire, alors je ne donnerai vraiment pas beaucoup de détails à ce sujet, sauf pour aborder la question particulière qui vous intéresse aujourd’hui, qui est liée au financement du gouvernement.

Bref, les responsables de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire ont adopté une approche unique — à ce moment-là, du moins — que nous appelions les tables mixtes qui réunissaient un nombre égal de hauts fonctionnaires fédéraux et de hauts représentants du secteur bénévole et communautaire afin qu’ils entreprennent une diversité d’initiatives et qu’ils abordent les enjeux qui suscitaient des préoccupations à l’époque, pour le secteur bénévole et communautaire ainsi que pour le gouvernement fédéral en ce qui a trait à leur relation. Dans le cadre de cette initiative, on a abordé et étudié divers domaines — du recours à la gestion de l’information à certains des problèmes liés à la réforme réglementaire, en passant par la technologie, le bénévolat et le renforcement des capacités du secteur.

J’étais un coprésident représentant le secteur bénévole et communautaire de ce qu’on appelait le comité mixte de coordination, qui était l’organisme de surveillance pour l’ISBC. Ma coprésidente fédérale était Kathy O’Hara, qui, à l’époque, était la sous-secrétaire du Cabinet. C’était un modèle qui était respecté à chaque réunion des tables mixtes; il y avait un responsable du secteur bénévole et volontaire et un responsable du gouvernement fédéral.

Curieusement, nous n’avons pas abordé précisément la question du financement. Toutefois, dans le cadre de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, nous avons mené plusieurs activités connexes qui se sont soldées par la production de deux rapports particuliers sur lesquels je veux attirer votre attention aujourd’hui, lesquels portent sur la question du financement par le gouvernement des organisations du secteur bénévole et communautaire.

Le premier était ce qu’on appelle un accord. Comme M. Clark, j’ai dépoussiéré mes archives et apporté une copie d’un accord entre le gouvernement du Canada et le secteur bénévole et communautaire, signé en décembre 2001. Il est convivial et rédigé dans les deux langues officielles. Il s’appuyait sur l’expérience d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni, qui avait récemment élaboré ce qu’on appelle une entente commune. Elle était axée précisément sur la relation entre le gouvernement et le secteur bénévole et communautaire. Le but de l’accord était à la fois simple et complexe. Il était simple du fait qu’il visait à améliorer le fonctionnement de la relation entre le secteur et le gouvernement au profit des Canadiens — un énoncé simple, mais un objectif complexe. L’accord établissait une série de valeurs, de principes et d’engagements dont les représentants du gouvernement fédéral et du secteur bénévole et communautaire ont reconnu conjointement l’importance pour ce qui est de sous-tendre la relation.

La création de deux codes de pratiques exemplaires a été l’un des résultats particuliers de l’accord. Le premier concernait le dialogue stratégique, c’est-à-dire la façon dont le gouvernement fédéral et les organisations du secteur bénévole et communautaire participent à de bonnes discussions stratégiques constructives. Le deuxième, qui revêt une pertinence particulière pour vos travaux, était un code de bonnes pratiques sur la collecte de fonds. Ce code n’a jamais eu pour but d’aborder les questions particulières qui pourraient avoir trait à un ministère ou à un sous-ensemble d’organisations bénévoles ou communautaires en particulier; il s’agissait plutôt d’un cadre qui pouvait être utilisé par toutes les organisations du secteur bénévole et communautaire et tous les ministères fédéraux afin d’orienter leur relation. Il établissait également un ensemble de valeurs et de principes qui devraient orienter cette relation. Fait particulièrement intéressant — et j’ai donné des exemples dans mon mémoire écrit —, il présentait et formulait des engagements précis que chaque secteur avait pris envers les autres relativement à la façon dont il établirait la relation.

La valeur de ce processus consistant à rassembler les gens tient au fait qu’il a donné aux représentants du gouvernement fédéral la possibilité de discuter avec leurs collègues du secteur bénévole et communautaire, qui proposent peut-être quelque chose qui était complètement impossible. Les gens du gouvernement fédéral pouvaient dire : « Vous savez quoi? Nous affirmons que cela ne fonctionnera tout simplement pas. » Il s’agissait d’un mode d’essai probatoire. Du même coup, les gens du secteur bénévole et communautaire pouvaient dire aux représentants fédéraux qui parlaient d’un enjeu particulier : « Vous savez quoi? Ce ne sera tout simplement pas logique sur l’île Denman ou dans les collectivités où je vis. Ce n’est pas le monde dans lequel nous fonctionnons. » C’était une façon de mettre ces recommandations à l’épreuve.

Même si ce rapport date maintenant de plus de 15 ans, je vous le confie parce que, de bien des manières, il s’applique tout autant aujourd’hui, voire encore plus. Comme le cadre a été élaboré avec un énoncé de valeurs et de principes, beaucoup de ces valeurs et principes ont résisté à l’épreuve du temps. Il faut peut-être les mettre à jour ou les adapter.

Je veux aborder deux ou trois autres éléments, puis je terminerai. En ce qui concerne la question du financement des organisations du secteur bénévole et communautaire par le gouvernement fédéral en particulier, l’amélioration de ces mécanismes est une condition nécessaire, mais insuffisante, au règlement de l’ensemble des problèmes financiers auxquels sont confrontés les organismes de bienfaisance et sans but lucratif. Laissez-moi donner deux exemples.

J’encouragerais votre comité à envisager aussi la possibilité d’offrir des incitatifs fiscaux améliorés pour les dons de charité. Laissez-moi vous dire pourquoi c’est important. Un nombre relativement petit d’organisations bénévoles et communautaires — en particulier des organismes de bienfaisance — reçoit des fonds directement du gouvernement fédéral. Il s’agit d’un nombre relativement petit de la totalité du bassin d’organismes caritatifs. Dans mon mémoire, je cite un rapport qui mentionnait qu’en 2014 — je crois —, les organismes de bienfaisance ont déclaré avoir reçu approximativement 6,8 milliards de dollars de financement fédéral durant cette année d’imposition. C’est beaucoup d’argent, et ce doit être pris au sérieux. Toutefois, si on regarde le montant total que les organismes de bienfaisance ont déclaré en dons de charité faits par des particuliers... et cette information provient d’une étude phare appelée 30 ans de don au Canada, produite par Imagine Canada pour la Fondation Rideau Hall. Si vous ne l’avez pas vue, je vous recommande fortement d’y jeter un coup d’œil. On y déclarait que le montant total des dons faits par des particuliers canadiens en 2014 s’élevait à 14,3 milliards de dollars. En ce qui concerne l’importance des dons, un bien plus grand nombre d’organisations s’intéressent davantage à ce qui se passe sur le plan de l’impôt pour dons de charité qu’aux politiques relatives au financement direct. Voilà un élément.

Ensuite, j’ai cité une étude menée il y a quelques années par David Lasby, qui a été publiée dans The Philanthropist, sur le financement des organismes de bienfaisance. Encore une fois, si vous essayez de comprendre cette question, je vous recommande fortement ce court article. Il présente l’un des aspects les moins compris du secteur caritatif, c’est-à-dire la portion du revenu total qui provient d’un revenu gagné. Il est déclaré au moyen du formulaire T3010 de l’ARC, alors il est facile d’obtenir ce chiffre. Qu’entendons-nous par « revenu gagné »? Si vous avez déjà acheté une carte de souhaits d’UNICEF, c’est un revenu gagné. Si vous êtes allé dans une galerie d’art ou un musée et que vous avez acheté quelque chose dans une boutique de cadeaux, vous avez contribué au revenu gagné de l’organisme de bienfaisance en question. Si vous avez garé votre voiture dans le stationnement d’un hôpital et payez des frais, il s’agit d’un revenu gagné. L’importance de ce type de revenu pour les organismes de bienfaisance est énorme. Selon l’estimation du document que je cite, de 17 à 19 p. 100 des recettes proviennent du revenu gagné.

Ce que je tente de vous expliquer — et je veux m’appuyer sur les commentaires formulés par le groupe témoin précédent et m’associer à eux —, c’est que de nombreux organismes caritatifs sont très axés sur l’entrepreneuriat, entreprenants et innovateurs depuis longtemps. Ce n’est pas nouveau. Le jargon et certains des termes sont peut-être nouveaux, mais les notions ne le sont pas. Dans une certaine mesure, ce fait est très peu compris parce que les organismes de bienfaisance sont répandus au point qu’ils sont presque invisibles et qu’ils se cachent devant nous. Je pense que le revenu gagné prendra de l’importance en temps voulu. Les organismes de bienfaisance se débrouillent pour générer cette quantité de recettes malgré les règles et la réglementation existantes, pas grâce à elles.

Je veux conclure, encore une fois, en m’associant aux commentaires formulés par les témoins du groupe précédent ainsi qu’aux recommandations qu’ils ont citées dans le récent rapport du groupe responsable de la Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale. Il contient un certain nombre de recommandations solides. Je ne les considère pas comme étant radicales. Je pense que l’un de vos collègues les a désignées ainsi. Je ne suis certainement pas de cet avis, et je ne pense pas que la plupart des gens dans le secteur les considèrent comme étant radicales. Je pense que la plupart des gens affirmeraient qu’elles sont le gros bon sens. Je veux proposer que vous examiniez sérieusement ces recommandations, surtout celles concernant l’établissement d’un fonds de finance sociale. L’un des problèmes tient au fait que, compte tenu du très grand nombre d’initiatives auxquelles j’ai participé au fil du temps, une fois qu’elles sont terminées et que les rapports sont produits, elles ne se poursuivent peut-être pas. Je pense que, en ce qui a trait aux changements dans l’innovation et la finance sociales, ce dont on a besoin, c’est un mécanisme continu qui agira comme un catalyseur pour maintenir l’élan acquis. Un fonds de finance sociale est le moyen parfait.

Je vais faire une suggestion qui a été soulevée par d’autres personnes. L’un de vos collègues — le sénateur Eggleton — a mentionné une utilisation plus créative et novatrice des comptes bancaires inactifs qui se trouvent dans les registres de la Banque du Canada. À la fin du mois de décembre de l’an dernier, la banque a déclaré 742 millions de dollars en comptes bancaires inactifs, de l’argent qui reste là à dormir. Si nous voulons être innovateurs et créatifs, réfléchissons à une utilisation de ces fonds, peut-être pour garantir le fonds de finance sociale. Cette idée n’est pas nouvelle. Cela a été fait au Royaume-Uni plus tôt cette année. Le gouvernement de ce pays a affecté 330 millions de livres sterling — c’est environ 500 millions de dollars — provenant de l’équivalent de leur Banque du Canada à l’appui d’un éventail d’activités caritatives.

Sur ce, je vais conclure, mesdames et messieurs les sénateurs; merci.

Le président : Voilà ce qui arrive quand on embauche le président de la Banque du Canada à la Banque d’Angleterre. C’est une très bonne idée, monsieur Johnston, et je vous en remercie infiniment.

La sénatrice Omidvar : J’ai un certain nombre de questions à poser à chacun d’entre vous, ou à vous tous, selon le cas. Madame la sénatrice Lankin, je vous remercie de votre présence; nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez. Nous savons à quel point nous sommes tous occupés.

J’ai été intéressée par votre commentaire selon lequel, tout comme nous parlons de l’approche pangouvernementale et de l’appareil gouvernemental, nous parlons rarement de l’approche axée sur l’ensemble des bénéficiaires et de l’appareil qui les entoure. Je me demande si vous pouvez commenter le besoin d’établir ou d’améliorer l’initiative nationale qui existe et qui est axée sur l’ensemble des bénéficiaires? Y a-t-il un endroit où les responsables du secteur se réunissent, sans égard à l’ampleur ou à la concentration du travail?

La sénatrice Lankin : Je ne suis pas certaine d’avoir une réponse à jour à cette question. Patrick en sait peut-être plus à ce sujet. Dans le secteur en tant que tel, il a toujours été difficile de regrouper ces intervenants, mais des tentatives sont faites. Imagine Canada a établi un certain nombre de groupes d’intervenants qu’il a rassemblés, et ils sont représentatifs des grands, des petits, et cetera.

Le monde des bénéficiaires est plus vaste que le secteur caritatif. L’un des éléments de ce rapport qui, selon moi, est intéressant, c’est la lecture des commentaires qui figurent dans des cases — on peut les trouver en feuilletant les pages — formulées par des bénéficiaires et par des gens du milieu des affaires. Ils portent sur les problèmes qu’ils connaissent au chapitre de l’exploitation de petites entreprises compte tenu du manque d’efficience.

Je ne sais pas s’il existe actuellement un endroit où les intervenants du secteur se réunissent. Là où je pense que nous avons tous trouvé de la valeur dans l’accord sur le secteur bénévole et communautaire, c’était en ce qui concerne non seulement l’initiative, l’accord et les recommandations, mais aussi les relations qui ont été établies et qui ont été maintenues de façon continuelle. Tout comme des changements se produisent dans le secteur public, il s’en produit également à la direction des organisations du secteur bénévole et communautaire, et ces relations se rompent au fil du temps parce que les gens vont à d’autres endroits.

C’est quelque chose qu’il importe que vous preniez en considération. Je pense qu’il en ressort beaucoup de valeur.

M. Johnston : Je souscris à l’opinion de la sénatrice Lankin selon laquelle, en ce qui a trait aux organisations bénéficiaires, du moins, il n’existe pas de moyen unique. Pour être honnête avec vous, madame la sénatrice, je ne suis pas certain qu’il puisse un jour y en avoir un. L’une des plus grandes forces du secteur, c’est son incroyable diversité, mais cette caractéristique peut présenter des inconvénients. Bien des gens s’associent à une organisation particulière. J’ai commencé ma carrière en Colombie-Britannique, en 1975, à titre de directeur général de la Richmond Youth Service Agency. À cette époque, en tant que petite entreprise exploitée par une seule personne, je n’avais aucune idée de l’existence d’autres univers que celui des organisations auprès desquelles je travaillais à Richmond. Je n’avais aucune idée qu’il existait d’autres organisations de service pour les jeunes. Je l’ai appris en temps voulu. Je ne me serais certainement pas associé à un vaste ensemble sous l’égide des organismes de services sociaux, et encore moins à une organisation nationale. Voilà une des réalités de ce secteur. La plupart des organismes caritatifs et bénévoles sont petits, communautaires et locaux, et c’est fort heureusement le cas, mais ils tendent à se concentrer sur leur propre communauté et leur cause. Il ne s’agit là que d’une réalité avec laquelle, selon moi, le secteur doit composer, mais c’est un défi perpétuel.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Clark, notre premier témoin de la journée était le directeur exécutif du Centre d’expertise de l’établissement des coûts, Bureau du contrôleur général du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, un endroit que vous connaissez probablement très bien. Je dois admettre qu’il nous a mis à l’aise quant au fait que des progrès sont réalisés. C’est progressif. Quand j’ai lu son mémoire, j’ai eu l’impression qu’il était un peu prudent, mais il y avait des progrès. Il a abordé le changement fondamental que votre groupe a recommandé au sujet de la simplification des processus et du fait de s’assurer que l’horizontalité existe. On a procédé à une évaluation en 2013; on a répété l’évaluation en 2017, et on procède à ce qu’il appelle une réinitialisation des politiques. On a institué les procédures d’évaluation des risques. De votre point de vue, comme vous avez été dans le ventre de la bête, pour ainsi dire, pensez-vous que le gouvernement peut en faire plus ou, d’après votre évaluation, affirmeriez-vous qu’il s’agit de bons progrès?

M. Clark : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

Je dirais que je n’ai ni suivi, ni vu, ni lu les études, mais j’ai hâte de lire le témoignage présenté ce matin. À mon avis, des progrès ont été réalisés, et j’ai pu le constater, comme je l’ai mentionné, depuis mon siège aux comités d’audit, mais c’est à cause de la nature des bureaucraties et du gouvernement qu’au fil du temps, dans un environnement marqué par une aversion pour le risque, on a tendance à établir plus de règles, à microgérer et à uniformiser les exigences. De temps à autre, il faut vraiment s’adresser aux dirigeants qui sont au sommet afin de dégager la voie et d’obtenir un point de vue plus large.

Je pense que les travaux du comité tombent vraiment à point, et je pense qu’il pourrait — mais le gouvernement pourrait probablement le faire — lancer le genre d’initiative que nous avons menée au sein du groupe d’experts, qui consistait à obtenir un point de vue systématique — on peut le faire assez rapidement grâce à un sondage en ligne — et à mener le secteur bénévole et communautaire à faire une estimation de la part de son temps qu’il consacre aux tâches administratives, au fait de remplir des formulaires et à présenter des demandes. Ensuite, vous pourrez faire la même chose dans le cas des administrateurs du gouvernement, pas les personnes qui sont responsables de fixer les règles, mais celles qui doivent administrer les programmes.

Ce que nous avons découvert, dans notre rapport, a été un chiffre consternant, à mes yeux à moi, qui suis un ancien membre du Secrétariat du Conseil du Trésor, c’est-à-dire que 5 p. 100 de cette somme de 27 milliards de dollars étaient consacrés par le gouvernement à l’administration des programmes. C’est 1,5 milliard de dollars seulement pour l’administration des programmes. Ensuite, du point de vue des bénéficiaires, nous avons obtenu des chiffres troublants de personnes affirmant qu’elles y consacraient de 15 à 30 p. 100 de leur temps, et je présume que c’est du temps de travail rémunéré effectué par des gens de l’échelon de la direction. C’est beaucoup trop.

Le défi que doit maintenant relever le Conseil du Trésor consiste à établir un autre... pas un groupe d’experts complètement indépendants, mais une analyse objective et à observer, la mettre à l’épreuve.

Le président : La question de la conformité est une chose très coûteuse pour tout un tas d’organismes de bienfaisance au sein desquels j’ai œuvré. Au moment où on commence à devoir s’acquitter de l’obligation de se conformer et de rendre des comptes à ce sujet, cela coûte de l’argent, et la question qui se pose ensuite consiste à déterminer si les données que demande le gouvernement relativement à la conformité lui sont utiles. Utilise-t-il l’information? La réponse est parfois « non », et cela nous amène même à un autre sujet lié à mon rôle précédent : les partis politiques doivent maintenant consacrer une bonne part de l’argent à la conformité; c’est ce que le public exige, et c’est ce qu’il obtient maintenant, mais il s’agit d’un coût.

La sénatrice Martin : Quelle part des données que vous avez recueillies auparavant est encore applicable et utilisable? J’ai l’impression que, quand vous parlez de l’accord et de ces documents formidables qui existent déjà, peut-être que nous pourrions les utiliser comme fondement et simplifier l’exercice, parce que je pense que nous avons besoin de le faire le plus tôt possible. Vous avez en quelque sorte répondu à cette question pour affirmer que vous n’avez pas besoin de tout refaire. Je voudrais peut-être que vous me donniez une idée de ce qui pourrait être fait maintenant pour mettre à jour et entreprendre un processus sans avoir à réinventer la roue et à répéter tout ce qui a déjà été recueilli et qui est actuellement utilisable, à la lumière de ce que vous avez vécu.

La sénatrice Lankin : Sans approfondir toutes les recommandations, nous les avons regroupées par thème et selon qu’elles étaient à court, moyen ou long terme, et une évaluation de ces recommandations, de ce qui a été accompli à leur sujet ne prendrait pas beaucoup de temps à réaliser. En outre, il pourrait y avoir une tribune utile. Dans le cadre de la discussion concernant la nature lourde de la reddition de comptes, en particulier, nous avons constaté qu’il y avait eu des améliorations. Les gens du secteur vous diront que des progrès marqués ont été faits, puis que les choses ont en quelque sorte commencé à se détériorer.

Ce à quoi nous ne sommes pas arrivés, selon moi, c’est à amener le gouvernement dans tous les ministères à repenser complètement la classification de ses subventions, contributions et contributions remboursables, et cetera. Nous pensons qu’il y a des cas où, si on compare les exigences redditionnelles aux objectifs que l’on veut atteindre et à la capacité de l’organisation, à la reddition de comptes concernant ces objectifs et à la nature du travail à effectuer, parfois, c’est une question de financement de base et du soutien apporté à une capacité dans une collectivité qui a une incidence sur beaucoup d’autres pièces qui s’emboîtent parce qu’il s’agit de capacité. Il est inutile de surveiller cela de la même manière que le résultat d’un projet et de la méthodologie qui a été employée. Je pense qu’on n’en a pas fait beaucoup à cet égard.

Certains progrès ont été réalisés par des ministères qui ont collaboré d’une manière particulière avec des collectivités autochtones, ce qui, selon moi, constitue un pas en avant, encore une fois, pas dans l’ensemble des ministères, mais un peu de travail a été accompli sur les plans de l’emploi, du développement social, de la santé, et cetera.

L’une des choses qui, je le crois, devrait faire l’objet d’une vérification — si je ne m’abuse —, c’est la présence persistante d’énormes obstacles à la communication des renseignements des bénéficiaires qu’ils inscrivent dans leurs demandes adressées à l’ensemble des ministères en raison des règles établies par le Conseil du Trésor. En découvrant ce qui est réellement requis, nous avons vraiment cru qu’il existe un moyen non pas de tout centraliser, mais d’élaborer un formulaire unique sur lequel figurent toutes les données de base, les renseignements, et cetera, alors qu’un autre document servirait à recueillir des données propres à un programme. Je ne pense pas que vous devriez cesser de recueillir des renseignements propres aux programmes, mais, si vous pouvez en obtenir la majeure partie au moyen d’un portail unique et les présenter à de nombreux bailleurs de fonds, cela permet d’éliminer une tonne de travail. Il existe certaines initiatives comme celles-là qu’on a amorcées en cours de route, mais elles ne sont pas allées assez loin, et ces recommandations sont encore très valables.

La sénatrice Martin : Simplement pour formuler un commentaire sur le fonds de finance sociale, cette idée me plaît, et je suis curieuse de savoir comment il a été établi au Royaume-Uni. Qu’est-ce qui s’est passé? A-t-on adopté des lois? Je suis curieuse à ce sujet, et je souhaiterais obtenir d’autres exemples d’autres pays, le cas échéant. Cette idée a été soulevée d’une certaine manière, hier, par l’un des témoins du groupe qui est le président d’une fondation dirigée par des bénévoles, et il a affirmé que si on disposait d’un genre de fonds d’incubation qui permettrait à des groupes comme le sien de s’en sortir, cela ferait toute la différence pour ce qui est de contribuer à la croissance de sa fondation jusqu’au prochain niveau. Le fonds de finance sociale est une excellente idée.

M. Johnston : Brièvement, madame la sénatrice — et je suis loin d’être un expert en la matière —, à ma connaissance, certains des faits nouveaux au Royaume-Uni... Honnêtement, s’il y a un pays que je pense que nous devrions regarder afin de nous orienter quant à des choses qui y ont été faites et qui sont pertinentes et applicables, c’est bien le Royaume-Uni. Le gouvernement précédent a institué quelque chose qu’on appelle l’initiative de la grande société, et elle est axée sur la façon de renforcer et d’améliorer la relation entre le gouvernement et le secteur bénévole et communautaire. L’un des résultats de cette initiative a été l’adoption au Royaume-Uni — en 2008, je crois — d’une loi appelée la Dormant Bank and Building Society Accounts Act, qui, si je me souviens bien, prévoyait essentiellement que la seule utilisation possible des fonds de comptes bancaires inactifs consistent à les utiliser aux fins d’une quelconque activité menée à l’appui d’une œuvre caritative. C’est la seule façon dont on pouvait l’utiliser, et c’est ce qui a établi le cadre et permis au gouvernement actuel, plus tôt cette année, au Royaume-Uni — comme je l’ai dit —, d’affecter 330 millions de livres sterling.

Le sénateur Duffy : J’ai une question à l’intention de M. Clark. Je vous remercie, votre groupe et vous-même, de tout le travail que vous faites. Je vous ai regardé faire, puis je me suis un peu demandé où il est allé.

Dans sa lettre de mandat du mois de novembre 2015, le premier ministre a écrit à la ministre de la Justice et, dans la lettre qu’il lui a adressée, il a affirmé qu’il voulait qu’elle :

[…] travaille avec le ministre des Finances et la ministre du Revenu national afin d’élaborer un cadre législatif et réglementaire modernisé pour régir le secteur des organismes de bienfaisance et celui des organismes sans but lucratif.

Je crois comprendre qu’il se passe de petites choses, mais ma question est la suivante : à votre connaissance et comme vous tentez de faire bouger les choses, ce processus serait-il facilité par la nomination d’un ministre ou d’un ministre d’État, qui disposerait d’un petit secrétariat et qui défendrait de l’intérieur le genre de modifications législatives que vous avez mentionnées et d’autres changements qui doivent être apportés?

M. Clark : Je vous remercie, monsieur le sénateur.

À mon avis, la création d’un ministère d’État et d’un poste de ministre d’État est une technique connue, éprouvée et fort fructueuse pour ce qui est d’accorder une priorité et une attention particulières à tout domaine. Si une personne se consacre à une tâche au sein d’un groupe, d’un Cabinet ou de tout autre groupe, que cette personne est énergique et qu’elle dispose de bons employés, il n’est que logique que le dossier en question sera susceptible de progresser et que les choses seront mieux faites. J’affirmerais qu’il s’agirait d’une mesure positive dans le cas de ce dossier particulier. Je devrais également préciser que les défenseurs de chacune des bonnes causes au pays voudraient avoir un ministre responsable de sa bonne cause. Toutefois, c’est un signe de la priorité que lui accorde le gouvernement. Si un gouvernement affecte un ministre, un ministère, un personnel spécial particulier ou quoi que ce soit à la tâche, elle devient ainsi prioritaire et obtient de meilleures chances de succès.

Le sénateur Duffy : Que diriez-vous d’un organisme de service spécial chargé de transférer des fonds à ces groupes? Il est question de 6 milliards de dollars, je pense. Ce que nous avons entendu certains groupes qui ont comparu ici dire, surtout au printemps dernier, c’est que l’ARC semble adopter une attitude de policiers et présumer que ces gens tentent généralement de faire quelque chose de mal ou de transgresser les règles. Cela les rend craintifs, et nous avons un peu entendu parler de cette situation aujourd’hui. Ne serait-il pas mieux — et cela pourrait aussi s’appliquer à Anciens Combattants — que nous établissions un groupe conçu pour envoyer de l’argent à ces nobles causes au lieu d’agir comme un gardien qui dit : « Oh, oh, cela nous semble être à la limite de l’acceptable ou peut-être dépasser un peu les bornes »?

M. Clark : Encore une fois, je pense que chaque fois qu’on apporte un changement à l’appareil gouvernemental dans le but de mettre un accent particulier sur une politique, le changement aura un effet. Je ne suis pas expert en administration fiscale dans le secteur caritatif, mais, en tant que citoyen, je dois affirmer que le ministère responsable de l’impôt semble être un endroit bizarre pour la surveillance réglementaire d’un secteur. Ces ministères sont entourés de tout un tas de fonctions et de principes qui ne sont probablement pas propices à l’innovation et à la progression des initiatives.

Le sénateur Duffy : C’est pareil pour les Finances qui rédigent les règles?

M. Clark : Je ne formulerai pas de commentaires au sujet de mes anciens collègues du ministère des Finances, merci.

Le sénateur Duffy : Le Conseil du Trésor a l’habitude de dire non, n’est-ce pas? Merci.

M. Johnston : Si je puis répondre à certains des commentaires qu’a formulés le sénateur Duffy : d’autres administrations et gouvernements provinciaux ont de l’expérience en ce qui a trait à l’établissement d’un ministère distinct et d’un service responsable, et je dois vous dire que je voudrais étudier attentivement cette expérience, car elle est mitigée. L’un des arguments qui militent contre l’établissement d’un ministre ou d’un service distinct qui serait responsable du secteur, c’est que l’on dispense ainsi tous les autres services et ministères de prêter un peu attention à ces enjeux, même s’ils sont nombreux à intervenir dans le secteur bénévole et communautaire. Il s’agit là de l’inconvénient.

Ce n’est pas pour laisser entendre qu’il n’existe aucun meilleur moyen de structurer cela. Dans le cadre de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, ceux d’entre nous qui œuvraient dans ce secteur plaidaient en faveur de l’établissement d’un comité spécial du cabinet sur le secteur. Le gouvernement et nos homologues fédéraux — je pense — étaient nerveux à ce sujet. Toutefois, ils ont établi ce qu’on appelait un « groupe de référence ministériel ». Il s’agissait non pas d’un comité officiel du Cabinet, mais plutôt d’un groupe de ministres qui était responsable, du côté du gouvernement fédéral, de surveiller ce que faisait ce gouvernement relativement à sa participation au secteur bénévole et communautaire. Il s’agit là d’un point de vue, et je m’en tiendrai à cela.

La sénatrice Lankin : Dans le cadre du processus d’établissement du rapport du groupe d’experts, comme c’était beaucoup plus opérationnel, nous avons établi un groupe d’administrateurs généraux. Nous nous sommes adressés non pas à l’échelon politique, mais à un groupe d’administrateurs généraux appelé les « administrateurs généraux d’avant-garde ». Il s’agissait d’un groupe de gens qui étaient déterminés à tenter de provoquer les changements appropriés par l’intermédiaire de leurs propres ministères et qui travaillaient en collaboration, ce qui a mené à deux ou trois projets pilotes de financement par plusieurs ministères versé par le truchement d’un guichet unique aux bénéficiaires de l’ensemble des programmes destinés aux collectivités autochtones.

Je pense qu’il existe des méthodes. Je ne suis pas toujours convaincue qu’un comité du Cabinet ou un ministre responsable obtiendra les résultats voulus, exactement pour la raison que Patrick a mentionnée, c’est-à-dire que c’est vraiment d’une approche pangouvernementale que nous avons besoin. Il se pourrait qu’il vaille mieux que nous chargions un groupe d’administrateurs généraux de la promotion de l’ensemble de valeurs, que nous nous réengagions à l’égard des valeurs prévues dans l’accord conclu avec le secteur bénévole et communautaire et que nous le mettions à jour, au besoin, que nous nous réengagions à l’égard du travail sur le comité d’experts, sachant que certains progrès ont été réalisés, mais en examinant les domaines où nous ne réussissons pas à effectuer des percées et en y déployant un effort concerté.

Je suis certaine qu’un groupe d’administrateurs généraux adorerait avoir la possibilité de donner son avis au sujet de ce que le Conseil du Trésor devrait faire autrement. Cela semble faire partie de la culture de division qui règne au sein des services publics et de tous les ordres de gouvernement. Je vous recommanderais de prendre en considération la coordination des travaux dans tous les bureaux des hauts fonctionnaires.

Le sénateur Duffy : Qu’en est-il du rôle de défense des droits du public? Nous avons entendu parler de la façon dont les taux de donateurs chutent à mesure que les gens vieillissent et que, pour l’instant, les jeunes ne souhaitent pas faire de dons à des organismes de bienfaisance comme le faisaient leurs parents et grands-parents. Y aurait-il un rôle à jouer pour un ambassadeur ou une équipe qui parcourrait le pays pour effectuer des interventions publiques et sensibiliser les gens, ou si ce qui existe est déjà suffisant?

La sénatrice Lankin : À mon avis, on dispose déjà de beaucoup de moyens. Sont-ils exploités pleinement? Je n’en suis pas certaine. Par exemple, les lieutenants-gouverneurs de diverses provinces ont assumé ces rôles dans le but de faire ressortir le travail de certains secteurs en général, et il y a la gouverneure générale et son travail sur les organismes de bienfaisance. Il existe des ambassadeurs, ainsi que des organisations. Dans le dernier groupe de témoins, le représentant de la Fondation McConnell a mentionné le réseau de Centraide. Les fondations communautaires sont un autre exemple de groupes qui mènent beaucoup d’activités visant à mieux faire connaître les enjeux au sein des collectivités. On mène beaucoup de ces activités.

Si vous voulez vous attaquer aux attitudes et à ce que nous enseignons à nos enfants, alors, il est question du programme scolaire et de tout un tas de choses sur lesquelles vous pouvez formuler des recommandations, mais elles sont de juridiction provinciale.

Le sénateur Ravalia : Je remercie les témoins. En tant que citoyen qui vit dans une collectivité rurale depuis les 35 dernières années, je me demandais si les témoins avaient une idée du pourcentage de dons de bienfaisance destiné aux collectivités rurales et éloignées par opposition à celui destiné aux régions plus urbaines. Les collectivités rurales et éloignées sont-elles désavantagées parce qu’elles ne bénéficient peut-être pas des mêmes réseaux pour ce qui est de l’accès au financement?

La sénatrice Lankin : Dans les annexes, vous trouverez les ministères, les programmes et la somme qu’ils ont donnée. Nous n’avons pas fait de compilation basée sur le genre de preneur sur place. Je suppose qu’il y a probablement plus d’argent que ce que le prorata de la population pourrait laisser croire, mais je ne pense pas que ce soit une mesure efficace, car je crois fermement que vous devez examiner les actifs et les déficits des collectivités, et travailler avec elles pour mettre en œuvre ce qui est important pour elles.

En ce qui concerne les régions rurales-urbaines de Toronto, où j’ai travaillé pendant de nombreuses années, est-ce qu’une ville comme Jane-Finch a plus de besoins qu’une région rurale du Nouveau-Brunswick ou de Terre-Neuve-et-Labrador? On ne compare pas des pommes avec des oranges. Il faut se concentrer sur les besoins, la conception du programme et les résultats attendus.

La sénatrice Ratna Omidvar(vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Monsieur le sénateur, j’ai une information que nous avons reçue je crois, d’un précédent témoin. Les organismes de bienfaisance des régions urbaines reçoivent plus de financement du gouvernement que les entités rurales, c’est donc en accord avec ce que disait la sénatrice Lankin.

Il nous reste quelques minutes seulement, et je me préoccupe de l’heure, mais, puisque je vous ai tous les trois, j’aimerais vous poser une question sur les activités politiques non partisanes des organismes de bienfaisance, sur l’arrêt de la Cour supérieure de l’Ontario qui a été porté en appel par le gouvernement fédéral et sur les propositions de consultation qui ont été présentées. Pensez-vous que le Canada soit prêt pour le grand jeu, c’est-à-dire à accepter le jugement de la Cour supérieure de l’Ontario, selon lequel toute activité d’un organisme de bienfaisance est caritative? Ou pensez-vous que nous devons y aller progressivement et être un peu plus prudents dans notre approche? Je pense que vos trois avis auront de l’importance, et j’aimerais les entendre.

M. Johnston : J’ai eu la chance d’examiner l’avant-projet de loi qui a été déposé la semaine dernière qui devrait mettre en vigueur ces changements; et je dois dire que je ne suis pas du tout inquiet quant à notre capacité à changer dès maintenant notre façon de voir le rôle que jouent les organismes de bienfaisance dans le développement de la politique publique. Le mot revendication a un peu une connotation négative, c’est donc un mot que je ne veux pas utiliser car il n’a pas beaucoup de sens. Je ne suis pas inquiet, et je ne doute pas que le ministère des Finances et l’ARC s’assureront que des règles seront mises en place en complément des lois actuelles, et qu’il y aura des règles pour interdire toute utilisation inappropriée ou abusive des dons de charité. Comme je le disais, je ne suis pas inquiet.

Puis-je faire une autre observation sur un commentaire du sénateur Duffy que je ne veux pas passer sous silence? Je ne suis pas sûr que les jeunes Canadiens soient moins généreux aujourd’hui que leurs parents ou grands-parents l’étaient en termes d’esprit de générosité. Le fait est que les jeunes, de manière générale, n’ont pas les ressources qu’ont les personnes d’un certain âge. C’est pourquoi les gens de ma génération donnent beaucoup plus, car, franchement, nous avons les moyens et nous avons travaillé longtemps pour les avoir.

Aussi, n’oubliez pas que — et je pense que c’est quelque chose que le comité voudrait examiner lui aussi —, maintenant, il existe beaucoup de moyens pour faire des dons qui n’ont pas nécessairement à voir avec les organismes de bienfaisance ou les organismes à but non lucratif, comme Indiegogo, Kickstarter et GoFundMe. C’est à prendre en compte également.

La vice-présidente : J’aimerais avoir les réponses de la sénatrice Lankin et de M. Clark à ma question concernant les activités politiques non partisanes, et notre temps est limité.

La sénatrice Lankin : Je suis, en général, d’accord avec ce qu’a dit M. Johnston. Je pense qu’une bonne partie du travail que les organismes de bienfaisance veulent faire, et que les donateurs veulent les voir faire — car les donateurs s’intéressent aujourd’hui aux incidences et aux résultats —, nécessite une réponse complète et substantielle qui engage les gouvernements et les décideurs, autant qu’elle donne aux bénéficiaires individuels le pouvoir d’agir à l’échelon des programmes.

Sommes-nous prêts? Je pense qu’il y aura des difficultés à surmonter, mais je pense que nous pouvons élaborer des règles qui feront ressortir ce qu’il y a de meilleur dans le secteur caritatif et de le renforcer en ce qui a trait à l’activité politique dans son sens le plus large, et de limiter ce qu’il y a de pire, c’est-à-dire un engagement partisan inapproprié.

M. Clark : Je n’ai pas étudié dans les détails cette affaire en particulier, mais j’aimerais faire un plaidoyer général auprès de votre comité sur une affaire similaire. Il est essentiel, pour des raisons qui ont été présentées au comité par plusieurs personnes, que le Canada tente par tous les moyens de renforcer le secteur bénévole et celui des communautés sans but lucratif.

J’espère que les recommandations et les mesures prises seront perçues comme durables. Cela veut dire qu’elles seront perçues comme étant non partisanes, et qu’elles seront soutenues par le gouvernement en place, le prochain et celui d’après. Je m’inquiète de ce qui a trait a l’activité partisane. Vous avez lu les témoignages, et vous pouvez voir qu’il y a des sujets de tension et d’intérêt, donc, quelle que soit la conclusion du comité, essayez d’envisager les choses à long terme, et veillez à ce qu’elles résistent aux changements de gouvernement à l’avenir.

La vice-présidente : Merci à tous — Patrick, sénatrice Lankin et M. Clark — pour votre sagesse et vos observations. Elles sont très appréciées.

Le sénateur Terry M. Mercer(président) occupe le fauteuil.

Le président : Le comité va maintenant entendre M. Norman Ragetlie, chef de la direction du Rural Ontario Institute; Mme Debbie Douglas, du Conseil ontarien des agences servant les immigrants; Paulette Senior, présidente et chef de la direction de la Fondation canadienne des femmes et Tracey Wallace, directrice générale du Northern Council for Global Cooperation.

Bienvenue à tous. Merci d’être venus. Nous allons à présent écouter vos exposés. Je vous rappelle que vous avez chacun de cinq à sept minutes. Après cela, nous passerons aux questions des sénateurs, et je demanderais à mes collègues de s’en tenir à des questions courtes. Je demanderais également aux témoins de fournir des réponses courtes, de sorte que nous puissions traiter le plus de questions et de réponses possible.

Tracey Wallace, directrice générale, Northern Council for Global Cooperation : Merci de m’avoir invitée à m’adresser à votre comité aujourd’hui. Je m’appelle Tracey Wallace, et je suis directrice générale du Northern Council for Global Cooperation. Nous sommes un réseau de particuliers, d’organismes et d’institutions basés dans trois territoires du Nord au Canada, à savoir, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.

Nous sommes engagés à réaliser un développement durable mondial qui soit démocratique, juste, inclusif et respectueux de l’environnement et de toutes les cultures. Nous jouons un rôle de premier plan au moment de sensibiliser les Canadiens du Nord aux questions relatives à la citoyenneté mondiale, à la durabilité mondiale et à la justice sociale.

Par notre travail d’engagement public, nous nous efforçons de donner aux Canadiens du Nord les connaissances, les compétences et les outils nécessaires pour qu’ils deviennent des citoyens du monde actifs. Nous recevons du financement du gouvernement du Canada, par le truchement d’Affaires mondiales du Canada, et nous sommes un réseau d’organismes sans but lucratif et de bienfaisance, qui travaille autant à l’échelle locale qu’à l’échelle mondiale.

Nous faisons également partie du Réseau de coordination des conseils, l’un des huit conseils du pays, représentant plus de 400 organismes membres travaillant dans le domaine du développement local et mondial.

Je suis aussi membre du Conseil canadien pour la Coopération internationale, une coalition nationale d’organismes sans but lucratif et de bienfaisance du Canada, oeuvrant à l’échelle internationale pour assurer un développement humain durable. Rassemblant plus de 80 membres, y compris un grand nombre d’organismes canadiens de premier plan en matière de développement et d’aide humanitaire, le Conseil canadien pour la Coopération internationale réunit et coordonne le secteur de la coopération internationale au Canada et offre des recherches et des analyses indépendantes sur les tendances et sur les programmes canadiens et internationaux.

J’aimerais présenter quelques observations et recommandations. Tout d’abord, l’avantage concurrentiel du Canada passe par la solidité de son secteur caritatif, dont vous avez sûrement dû déjà entendre parler. Les organismes de bienfaisance du Canada emploient environ deux millions de Canadiens et représentent 135 milliards de dollars, soit 8,1 p. 100 du PIB. De plus, ils représentent un élément essentiel de l’identité nationale du Canada. Quand les organismes à but non lucratif canadiens ont les moyens de faire leur travail le mieux possible, c’est la société et l’économie canadiennes qui en bénéficient.

Cependant, il y a la condition préalable à tout cela, c’est l’existence d’un cadre législatif et un contexte politique qui permettent vraiment aux organismes de bienfaisance d’atteindre leur plein potentiel. Nous présentons donc deux recommandations pour améliorer considérablement le cadre réglementaire et législatif des organismes de bienfaisance canadiens.

Nous recommandons que l’Agence du revenu Canada mène la nécessaire d’une réforme législative et réglementaire pour s’assurer que les organismes de bienfaisance puissent, pour reprendre les termes du rapport : « participer pleinement au dialogue sur les politiques publiques et à l’élaboration de celles-ci ». Ces recommandations sont reprises et renforcées dans la récente décision du juge de la Cour suprême de l’Ontario dans l’arrêt Canada Without Poverty c. Attorney General of Canada. Il faut certes maintenir l’interdiction faite aux organismes de bienfaisance d’avoir des activités partisanes mais les directives existantes sont vagues et incohérentes, et il faut les améliorer et les clarifier si l’on veut s’assurer que les organismes de bienfaisance puissent maximiser leur contribution à l’économie et à la société canadiennes.

Nous recommandons que le gouvernement mette en place un processus selon lequel il pourra, de concert avec le secteur de la bienfaisance, identifier et recommander les mesures pour une réforme législative et réglementaire plus large pour le secteur de la bienfaisance. Les organismes de bienfaisance canadiens sont actuellement régis par des interprétations d’une loi caduque fondées sur la common law. Le temps d’une réforme réfléchie et approfondie est arrivé. Le Royaume-Uni, l’Australie, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande ont récemment modernisé leur cadre de travail. Les organismes de bienfaisance canadiens, y compris le Conseil canadien pour la Coopération internationale et le Northern Council for Global Cooperation, ont hâte de travailler avec le gouvernement et les parlementaires afin d’élaborer une vision pour un cadre législatif et réglementaire digne du XXIe siècle pour les organismes de bienfaisance canadiens. Cette recommandation appuie la quatrième recommandation du Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance ainsi que les lettres de mandat des ministres des Finances et du Revenu national.

Enfin, le gouvernement a annoncé en août dernier qu’il modifierait la Loi de l’impôt sur le revenu, dans le cadre de l’affaire Canada sans pauvreté, pour autoriser les organismes de bienfaisance à mener des activités politiques non partisanes, mais il a récemment interjeté appel contre une décision de la cour qui invalidait les restrictions sur ces activités, considérées comme étant une violation de la Charte. Évidemment, nous devons nous demander pourquoi le gouvernement a pris cette position.

Merci.

Paulette Senior, présidente et chef de la direction, Fondation canadienne des femmes : Monsieur le président et membres du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, merci de me donner l’occasion de présenter cet exposé ici aujourd’hui. La Fondation canadienne des femmes apprécie cette occasion de contribuer à améliorer la réglementation de sorte que les organismes de bienfaisance soient davantage en mesure d’accomplir leur mission de transformation sociale et d’offrir du financement à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Je commencerai par un bref aperçu de la Fondation canadienne des femmes. Notre mission est de renforcer la capacité des femmes et des filles canadiennes à échapper à la violence, à sortir de la pauvreté, à prendre confiance et à accéder aux rôles de leadership.

Depuis 1991, nous avons subventionné des programmes dans plus de 1 500 collectivités, partout au Canada, et sommes devenus l’une des plus importantes fondations de femmes au monde. Nous rassemblons des organismes communautaires de manière à apprendre les uns des autres, à renforcer mutuellement nos capacités et à nous attaquer collectivement aux causes premières des difficultés que vivent les femmes et les filles. Après plus de 26 ans de travail, notre organisation est devenue un chef de file dans le mouvement pour l’égalité des genres ainsi qu’un des principaux bailleurs de fonds du secteur des femmes au Canada.

Fortes de cette expertise, nous aimerions aujourd’hui attirer l’attention du comité sur deux questions principales : la première concerne les lois qui régissent la capacité des organismes de bienfaisance de participer à des activités de nature politique. La seconde concerne les règles qui encadrent l’admissibilité à nos procédures d’octroi de subventions.

Je vais commencer par aborder les lois qui régissent les activités politiques et partisanes des organismes de bienfaisance. Nous accueillons favorablement l’engagement du gouvernement à clarifier les règles entourant l’activité politique et attendons avec intérêt l’introduction de dispositions appropriées à cet égard. L’actuel manque de clarté quant à ce qui constitue des activités politiques fait craindre à de nombreux organismes de bienfaisance l’application de mesures punitives. Nous recommandons que des démarches soient entreprises afin de créer un contexte où la compréhension profonde qu’ont les organismes de bienfaisance des enjeux sociaux soit reconnue et où nous puissions jouer un rôle important dans la formulation de recommandations visant à bâtir un Canada plus fort.

J’aimerais maintenant aborder la seconde question, soit les règles qui encadrent notre processus d’octroi de subventions. La Fondation canadienne des femmes s’efforce de subventionner des programmes utiles aux femmes et aux filles des collectivités où les besoins sont les plus pressants. Nous sommes cependant en butte à certaines entraves découlant des règles qui déterminent quels organismes peuvent être subventionnés. Nos bénéficiaires doivent avoir le statut d’organismes de bienfaisance ou être désignés comme « donataires reconnus » par l’Agence du revenu du Canada.

Malheureusement, il existe des organisations fort méritoires — comme DAWN Canada, par exemple, qui travaille auprès des femmes sourdes ou en situation de handicap — qui ne répondent plus aux critères fixés. Cela signifie que DAWN Canada n’est pas admissible à nos subventions ou à celles d’autres fondations ou sources de bienfaisance assujetties aux mêmes règles. Nous pouvons toujours soutenir DAWN de manière limitée par le truchement d’une organisation partenaire ayant le statut d’organisme de bienfaisance, mais cet arrangement, vous en conviendrez, est loin d’être idéal.

Les règles encadrant l’admissibilité sont particulièrement problématiques pour les bandes autochtones qui ne demandent pas le statut de donataire reconnu. On nous a expliqué que les bandes n’acceptent pas les obligations redditionnelles, en faisant valoir qu’elles ne respectent pas les principes de l’autonomie et de la gouvernance autochtones. En conséquence, ces communautés sont forcées de recourir à des arrangements spéciaux, comme le parrainage fiscal. Au final, ces démarches représentent une entrave supplémentaire à l’obtention de l’aide dont ces communautés ont besoin.

Les règles en vigueur empêchent par ailleurs notre fondation de subventionner des particuliers. Cela signifie que nous ne sommes pas en mesure de soutenir des gens qui mènent des recherches approfondies sur des questions relatives à nos domaines de travail et qui pourraient grandement contribuer à l’avancement des politiques et des transformations systémiques nécessaires.

À cet égard, la Fondation canadienne des femmes recommande que le comité envisage de changer les règles de sorte que les organismes de bienfaisance puissent subventionner les organismes sans but lucratif et les bandes autochtones qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance ainsi que les particuliers qui entreprennent des travaux importants pour les causes que nous défendons.

Au nom de la Fondation canadienne des femmes, j’aimerais remercier le comité de se pencher sur ces recommandations. Nous croyons qu’elles renforceront la capacité du secteur de la bienfaisance à réduire les inégalités sociales, ce qui profitera au bout du compte à l’ensemble des Canadiennes et Canadiens.

Debbie Douglas, directrice générale, Conseil ontarien des agences servant les immigrants : Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui à propos de l’expérience des organismes servant les immigrants et les réfugiés en Ontario.

Le Conseil ontarien des agences servant les immigrants, le COASI, est une organisation-cadre. Nous chapeautons 234 organismes travaillant auprès des immigrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile ou encore des travailleurs migrants. Même si je parle ici au nom de COASI, les questions à l’étude concernent également les autres organisations-cadres du pays, qui ensemble représentent 290 organismes supplémentaires.

L’étude que le comité a entreprise est d’une importance cruciale pour notre secteur ainsi que pour l’ensemble du secteur canadien de service communautaire, y compris les organismes qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance.

J’avais prévu aborder trois thèmes principaux dans les cinq minutes qui m’étaient imparties, mais les témoins de cet avant-midi ont parlé en long et en large de la relation entre le gouvernement et le secteur bénévole ou de bienfaisance sans but lucratif, et c’est pourquoi je vais mettre ce que j’avais à dire là-dessus de côté pour mettre l’accent sur le financement de base et le statut d’organisme de bienfaisance. Si vous avez des questions après les exposés, j’y répondrai avec plaisir.

Il y a un document que je voulais vous présenter. Vous m’excuserez de ne pas vous avoir remis une version écrite de mon exposé, mais je vous en ferai parvenir une sous pli séparé, avec une copie du rapport présenté l’année dernière par le COASI et l’Alliance canadienne du secteur de l’établissement des immigrants, une coalition d’organisations à l’extérieur de l’Ontario et du Québec.

Je vais d’abord aborder la question du financement de base. Je suis parfaitement consciente du fait que notre secteur et le gouvernement ont deux conceptions nettement différentes du financement de base. Le secteur soutient que des fonds stables sont nécessaires à la survie de l’organisation et lui assurent une certaine souplesse au moment de répondre aux besoins émergents. L’efficacité et la durabilité de l’organisation dépendent entièrement de sa capacité à s’acquitter du coût véritable des programmes et de l’infrastructure organisationnelle. À l’opposé, nos amis de la fonction publique sont souvent sceptiques face au concept du financement de base des services sociaux, ce qui comprend le financement de base du secteur des organismes de services aux immigrants et aux réfugiés.

Depuis que le gouvernement a commencé à financer le secteur canadien des services communautaires aux immigrants et aux réfugiés — c’est-à-dire vers la fin des années 1970 —, le secteur sans but lucratif, les universités et même le gouvernement n’ont cessé de publier des rapports soulignant qu’il est essentiel de fournir un financement de base pour soutenir les services communautaires.

Par exemple, dans son rapport de 2006, le Groupe d’experts indépendant sur les programmes de subventions et de contributions du gouvernement fédéral recommandait que le Conseil du Trésor examine dans quelles circonstances le financement de base est justifié. Voici un extrait du rapport :

Bien entendu, le manque de financement de base a mis en péril la stabilité de plusieurs organisations communautaires sans but lucratif qui fournissent des services dont le gouvernement a besoin.

Comme je l’ai déjà dit, vous avez entendu plus tôt les témoignages de la sénatrice Frances Lankin et de M. Ian Clark, qui font partie du groupe d’experts.

Le président du Conseil du Trésor de l’époque, Vic Toews, avait promis de mettre en œuvre la recommandation dans son intégralité. Toutefois, après plus de 10 ans, nous attendons toujours un plan de mise en œuvre intégrale. Je sais que des progrès ont été réalisés par certains ministères. Par exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le ministère fédéral avec qui mon secteur interagit le plus souvent, a adopté une approche de financement pluriannuel il y a sept ou huit ans. Malgré tout, il reste à concrétiser d’autres éléments ou recommandations clés. On demande par exemple de favoriser la réduction du nombre de catégories de dépenses dans les accords de financement et de laisser aux bénéficiaires une plus grande latitude pour transférer des fonds d’une catégorie à une autre; d’examiner dans quelles circonstances le financement de base complète de façon rentable le financement d’un projet; et d’adopter le principe selon lequel les niveaux de financement des programmes offerts par l’intermédiaire d’un tiers devraient tenir compte du coût total d’exécution des programmes, probablement l’une des difficultés les plus importantes lorsqu’il est question de fonds gouvernementaux. Ces recommandations sont raisonnables et peuvent être mises en œuvre.

Nous devons nous entendre sur le fait que le coût véritable — et c’est souvent là le premier point de désaccord avec le gouvernement — doit englober tous les coûts liés à l’accomplissement de la mission d’une organisation. Un article récemment publié dans le Nonprofit Quarterly, magazine américain présentant tout de même un intérêt pour les organismes sans but lucratif canadiens, rappelle que toutes les ressources nécessaires à l’exécution de nos programmes sont des coûts véritables, y compris les dépenses directes propres à chaque programme, les dépenses communes à l’ensemble des programmes de l’organisation, les soutiens essentiels à la mission comme le personnel des finances, le conseil d’administration et les ressources humaines. Cela englobe aussi les activités essentielles de collecte de fonds et l’établissement de partenariats financiers.

Lorsque les bailleurs de fonds — en particulier lorsqu’il s’agit du gouvernement — ne fournissent pas un financement de base aux organisations, il arrive souvent que celles-ci ont de la difficulté à payer leurs coûts opérationnels et parfois même à se conformer aux normes du travail. Cela doit changer, et nous espérons que vos principales recommandations seront axées, du moins en partie, sur les relations et sur le financement des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance.

Je vais maintenant parler du statut d’organisme de bienfaisance. Le COASI soutient la décision de la Cour supérieure de l’Ontario invalidant les restrictions sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, parce qu’il s’agissait d’une violation de la liberté d’expression, laquelle est protégée par la Charte. Nous nous réjouissons du fait que le gouvernement fédéral ait promis d’abroger la règle des 10 p. 100 plus tard cet automne. Cependant, nous sommes extrêmement préoccupés par la décision du gouvernement d’interjeter appel. Nous espérons que les tribunaux rejetteront l’appel car nous craignons qu’une victoire encourage les gouvernements futurs à rétablir les restrictions ou à les alourdir. C’est pourquoi nous vous invitons fortement à recommander au gouvernement fédéral d’abroger la règle des 10 p. 100 et d’abandonner son appel.

Je veux aussi prendre un moment pour souligner qu’il est encore très difficile d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisance, en particulier pour les petites organisations au service des minorités ethniques ou des groupes racialisés précis. Le processus décisionnel utilisé par l’ARC pour déterminer si les objectifs et les activités d’un organisme sont conformes à sa définition reste opaque, et il semble arbitraire et incohérent. De nombreux petits organismes s’occupant d’une communauté ethnique ou racialisée particulière ne prennent même plus la peine de présenter une demande puisqu’ils n’en ont ni le temps ni les ressources et qu’ils croient, à juste titre, que leur demande sera rejetée de toute façon. Nous recommandons que l’ARC prenne des mesures afin de rendre son processus décisionnel transparent, équitable et uniforme et aussi afin d’alléger le processus de demande de statut d’organisme de bienfaisance.

D’ailleurs, les organismes qui obtiennent le statut d’organisme de bienfaisance doivent en outre compétitionner avec les grandes organisations très bien réseautées. Souvent, leur conseil d’administration n’a pas la capacité d’organiser des campagnes de financement, même auprès des communautés ethnoraciales auxquelles ils offrent des services. Nous proposons donc de mettre en place une politique fiscale ciblée selon laquelle les donateurs faisant un don aux organismes de bienfaisance dont le budget est en deçà d’un certain seuil auront droit à un allégement fiscal supérieur. Nous espérons que cela fera partie de vos recommandations.

J’ai bien aimé la proposition de Tracey d’organiser un groupe de discussion réunissant des représentants du secteur et du gouvernement qui étudierait une partie des questions et mettrait en œuvre certaines des solutions proposées. Cela dit, toutefois, je crois fermement que la meilleure façon de soutenir les petits et moyens organismes de bienfaisance et sans but lucratif est de leur assurer un financement direct du gouvernement.

Merci. Je suis impatiente de discuter avec vous.

Norman Ragetlie, chef de la direction, Rural Ontario Institute : Merci, monsieur le président, et merci au comité spécial de m’avoir invité à vous fournir de l’information aujourd’hui. Je suis ici à titre de représentant du Rural Ontario Institute. Il y a cinq points que je veux aborder avec vous aujourd’hui.

Mon premier point est surtout à titre informatif. Je veux parler du fait que les différences contextuelles et démographiques entre les régions urbaines et rurales de l’Ontario ont une incidence sur le secteur de la bienfaisance, et je crois qu’on pourrait même généraliser cette affirmation pour l’ensemble du Canada. Environ 20 p. 100 de la population ontarienne vit dans des collectivités rurales ou de petites villes. À bien des égards, les collectivités rurales et les petites villes de l’Ontario ressemblent beaucoup aux grands centres urbains. La qualité de vie dépend non seulement de la richesse locale et des emplois durables, mais aussi des gens qui travaillent ensemble dans des organismes de bienfaisance et sans but lucratif pour fournir un éventail de services et d’activités.

De façon générale, ce qui distingue les collectivités rurales est le fait que les gens sont plus éloignés les uns des autres et doivent souvent se déplacer pour accéder aux services offerts dans les grands centres. En outre, à de rares exceptions près, la population des collectivités rurales de l’Ontario est plus âgée que celle des centres urbains, à cause du départ des jeunes qui font des études postsecondaires, dans la plupart des cas et de l’absence d’afflux suffisant d’immigrant. En conséquence, le vieillissement de la population est souvent plus prononcé dans les régions rurales que dans le reste de la société canadienne. C’est pourquoi les priorités des administrations municipales des régions rurales reflètent souvent les problèmes touchant les services à la population vieillissante, la reprise d’entreprise et les mesures visant à attirer de nouveaux arrivants, selon nos plus récents sondages.

Il n’est donc pas surprenant qu’une analyse préliminaire de 211 appels de service en Ontario donne à penser que, par habitant, les appels pour trouver des services sont plus fréquents dans les zones rurales. Nous ne sommes toutefois pas certains de savoir si cela témoigne d’un besoin plus élevé ou de lacunes dans l’accessibilité aux services. Nous savons toutefois que les organismes de bienfaisance sont plus rares et plus espacés en régions rurales et que la distance nuit à la prestation des services. Par exemple, la proportion de résidents des régions rurales qui disent faire du bénévolat informel, c’est-à-dire à l’extérieur du secteur de la bienfaisance proprement dit, pour aider chez eux des gens qui ne sont pas des membres de leur famille, sans être encadrés par une organisation, est plus élevée que dans les régions urbaines.

Récemment, le Rural Ontario Institute et les Fondations communautaires du Canada ont mené en collaboration un projet de sensibilisation au transfert intergénérationnel de la richesse. Étant donné la tendance démographique constante liée à l’exode des jeunes vers les régions urbaines, on s’attend à ce que l’important transfert intergénérationnel de la richesse des baby-boomers ait pour conséquence un déplacement massif de la richesse des régions rurales vers les régions urbaines. Ce ne sont pas toutes les collectivités rurales qui ont une fondation communautaire locale ou des hôpitaux qui leur permettraient de conserver une partie de leurs actifs. Certains mécanismes, par exemple un fonds communautaire géré par une fondation régionale, présentent des possibilités qui pourraient être fortement améliorées grâce à des programmes de sensibilisation gouvernementaux et à des ressources consacrées au développement organisationnel.

Ce qui m’amène à mon prochain point, soit les difficultés liées à la gouvernance et à la relève, en particulier pour ce qui est du recrutement de membres pour siéger aux conseils d’administration. C’est quelque chose qu’on entend fréquemment dire : les organismes ont de la difficulté à recruter des gens pour siéger à leurs conseils et leurs comités. Les données montrent que les habitants des régions rurales sont plus susceptibles de faire du bénévolat dans plus d’une organisation. Cependant, dans la réalité, il y a un nombre limité de têtes dirigeantes, et il y a une limite à ce qu’on peut leur demander. Les données montrent également que la façon dont les gens font du bénévolat est en train de changer. Les gens mettent davantage l’accent sur les événements et les campagnes de financement que sur les conseils et les comités. La gouvernance n’est pas quelque chose de facile, surtout lorsqu’il est question de reddition de comptes, dans le nouveau climat hybride créé par les entreprises à vocation sociale et tout le reste.

Dans ce contexte et compte tenu du vieillissement de la population rurale, nous croyons qu’il est extrêmement important d’investir dans les leaders émergents et d’encourager les jeunes à renforcer leurs capacités de leadership. Il faut davantage de financement durable pour ce genre d’activités, en plus de mettre en place des incitatifs pour favoriser la mobilisation des jeunes et de subventionner leur formation et leur perfectionnement personnel. Ainsi, on s’assure que la bonne gestion et la responsabilisation du secteur de la bienfaisance se maintiennent.

Mon troisième point concerne le fardeau administratif. Deux ou trois autres témoins en ont déjà parlé aujourd’hui. Je crois qu’il existe certaines possibilités d’uniformiser la collecte de données. Les organismes de bienfaisance et sans but lucratif doivent souvent remplir chaque année des formulaires similaires pour l’ARC, le ministère provincial ou les deux, mais il arrive souvent qu’on utilise des formulaires et des processus différents pour recueillir la même information. Votre comité devrait examiner des mécanismes qui permettraient aux gouvernements fédéral et provinciaux de simplifier ce processus en collaboration, soit en se communiquant l’information qu’ils reçoivent, soit en utilisant des formulaires normalisés. Nous avons déjà entendu des témoignages plus tôt aujourd’hui sur le temps perdu en travail administratif.

Pour le quatrième point, je vais aborder les avantages de la collecte de données et d’information très détaillées au niveau régional. La taille des échantillons dans l’Enquête sociale générale ne permet pas de produire une analyse régionale détaillée qui conviendrait à un grand nombre des conseils de planification sociale et des organisations de Centraide avec qui nous travaillons. Dans le même ordre d’idées, nous travaillons actuellement sur un projet avec le groupe de l’Indice canadien du mieux-être de l’Université de Waterloo; nous voulons établir pour certaines régions géographiques des mesures indirectes qui pourraient remplacer les mesures normalement utilisées dans l’Enquête sociale générale pour les grandes villes et les provinces. Le projet est financé par le ministère des Affaires municipales et du Logement de la province à titre de solution au manque de détail des données de l’Enquête sociale générale. Nous croyons que Statistique Canada doit disposer de ressources suffisantes pour être en mesure de recueillir des données robustes qui rendront possibles des analyses régionales de ce genre.

En dernier lieu, je vais aborder les difficultés de financement et les coûts indirects prévus dans les ententes de subventions et de contributions. Je sais que le sujet a déjà été abordé, mais je veux vous parler de l’expérience de mon organisation : nous avons reçu du financement provenant d’un grand nombre de sources et de programmes fédéraux et provinciaux divers. Les coûts indirects sont couverts dans certains accords de transfert, mais ce n’est pas toujours le cas, et il faut remédier à cette incohérence.

Par exemple, actuellement, le volet de financement fédéral-provincial du Partenariat canadien pour l’agriculture ne couvre pas la surveillance des activités liées à un projet ni les coûts indirects du demandeur. Il est difficile d’obtenir des dons ou des subventions pour couvrir les coûts indirects, même s’ils sont essentiels à la réussite et aux résultats des organismes de bienfaisance. Votre comité devrait promouvoir l’intégration des coûts indirects, jusqu’à une limite raisonnable, pour toutes les subventions fédérales, afin que les organismes de bienfaisance puissent davantage axer leurs efforts sur les résultats et les retombées.

Pour terminer, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l’occasion de vous présenter notre point de vue sur toutes ces questions. Nous espérons que cela va aider le comité. Merci, et bonne chance à vous pour ce travail important.

Le président : Merci à vous tous. Vos exposés étaient très instructifs. Je vais céder la parole à mes collègues dans un instant, mais avant, vous avez mentionné qu’il était difficile de trouver des gens prêts à siéger aux conseils d’administration. Je vis dans une très petite collectivité de la Nouvelle-Écosse, et il est toujours difficile de trouver des gens pour siéger aux conseils, que ce soit pour de petits groupes ou le conseil municipal. C’est laborieux de trouver suffisamment de personnes pour remplir les sièges vacants.

Je me demandais si la responsabilité des administrateurs ne serait pas devenue un problème. Laissez-moi m’expliquer : je préside une minuscule association de résidants pour les gens qui vivent dans les environs du lac près duquel moi-même j’habite. Il y a un chemin privé que nous sommes chargés d’entretenir à l’année, alors nous devons percevoir des droits, et cetera. La semaine dernière, pendant que je passais en revue le rapport, à notre réunion annuelle, je me suis souvenu que l’assurance-responsabilité des administrateurs est chaque année notre dépense la plus importante. Les petits organismes que vous représentez ont-ils le même problème?

M. Ragetlie : Oui. Le montant du budget consacré à ces coûts est inversement proportionnel à la taille de l’organisme. Jusqu’à un certain point, c’est disproportionné par rapport à leurs activités. C’est manifestement une difficulté. De nombreux produits d’assurance-responsabilité sont offerts aux organismes à partir d’un certain niveau, et alors cela cesse d’être un problème. C’est une question de taille.

Dans certaines régions rurales de l’Ontario, on a vu s’établir, entre les organisations, des relations de collaboration qui permettent aux petits organismes d’éviter de devoir se constituer en société, obtenir le statut d’organisme de bienfaisance ou obtenir leur propre assurance-responsabilité. L’organisation-cadre, si on peut l’appeler ainsi, fait tout ce travail ingrat. Par exemple, il y a une coopérative dans le comté de Haliburton, la Haliburton County Community Co-operative, qui chapeaute 14 organisations. C’est elle qui détient la police d’assurance. Elle essaie d’innover et de trouver des solutions aux difficultés en matière de gouvernance.

Le président : Un autre sujet qui est toujours d’actualité concerne les restrictions applicables aux activités politiques et l’appel de la décision interjeté par le gouvernement. Moi aussi, j’ai l’impression qu’on essaie trop de restreindre les activités politiques, mais personne n’a défini ce qu’est une « activité politique ». À mon avis, la seule restriction qui devrait s’appliquer aux activités politiques devrait viser à empêcher une organisation de dire de voter pour l’un, mais pas pour l’autre. La revendication fait partie intégrante des activités des organismes de bienfaisance — ils défendent les intérêts des collectivités ou de certains groupes ou militent en faveur d’une cause —, mais jusqu’où est-il justifiable de restreindre leurs activités politiques?

Mme Douglas : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je dirais que les organismes voués à l’intérêt public ont l’obligation d’intervenir en matière de politique publique, de défendre les intérêts des collectivités qu’ils veulent aider à s’épanouir, de donner des conseils ou de faire pression sur le gouvernement afin de faire changer la société. Sauf lorsqu’il est question de politique, dans son sens strict, par exemple lorsqu’un organisme a des liens avec un parti politique ou qu’il enjoint les gens de voter pour quelqu’un en particulier, je ne crois pas qu’il devrait y avoir de restrictions, tant que c’est raisonnable. Nous nous attendons à ce que la conformité continue à poser problème, et il faut veiller à ce que les gens puissent rendre compte de leurs activités. Je crois que l’élimination de toute restriction concernant la défense de certains intérêts — ce que le gouvernement entend souvent par « activités politiques » — est la bonne chose à faire. Nous sommes très préoccupés par le choix du gouvernement d’interjeter appel de la décision après avoir laissé entendre qu’il était ouvert à l’idée que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif puissent participer aux débats publics.

Le président : Donc, il faut essentiellement revoir la terminologie : on arrête de parler d’activités politiques, et on parle de défense des intérêts, ce qui est acceptable. Il n’y aurait aucun problème si on définissait les « activités politiques » strictement comme étant « Votez pour A; ne votez pas pour B ».

Mme Douglas : Je suis d’accord!

Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?

Mme Wallace : J’ai sauté un paragraphe dans mon exposé, de peur de manquer de temps. Pourrais-je le lire?

Je voulais dire qu’il faudra clarifier les règles concernant les activités politiques pour tenir compte du fait que la contribution des organismes de bienfaisance en matière de débat et de politique publique est importante. Depuis longtemps, on dit aux gens qui dirigent des organismes sans but lucratif qu’ils ne devraient pas être présents dans l’arène politique, mais le fait est que les changements sociaux concrets supposent habituellement un changement des politiques, et les organismes sans but lucratif peuvent faire beaucoup de choses pour promouvoir les changements sociaux qu’ils souhaitent. Les décideurs politiques doivent nous accorder leur temps et leur attention; nous devons avoir une relation avec eux si nous voulons faire avancer nos mandats respectifs. En résumé, nous devons pouvoir interagir avec le gouvernement au pouvoir pour discuter des politiques et des questions pertinentes, ce qui, j’imagine, est assimilable à une activité politique.

Le président : C’est curieux. Je crois que tout le monde ici sait que je suis un partisan libéral. Au fil des ans, j’ai dû travailler avec des gouvernements conservateurs, à l’échelon provincial et fédéral, ainsi qu’avec des gouvernements néo-démocrates. J’ai pu dire aux gens de ne pas voter pour eux, et cela n’a jamais fait de vague. Je ne vais pas taire mon opinion pendant une campagne politique. C’est différent si je fais quelque chose pour une collectivité ou un organisme dans lequel je me suis engagé, parce que c’est pour le bien commun.

Mme Wallace : Absolument.

Le président : On oublie trop souvent le bien commun. Il faut être conscient du fait que les décisions de ce genre ne sont pas faciles à prendre, pour les fonctionnaires; il arrive aussi qu’ils doivent suivre les ordres de leurs maîtres politiques, et que ceux-ci changent de temps à autre. Donc, il faut définir tout cela afin d’éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir.

La sénatrice Omidvar : J’ai plus d’une question, mais par souci de temps, je vais commencer par les subventions et les contributions. Vous êtes tous bénéficiaires — ou dans votre cas, Paulette, vous avez des donataires subventionnés qui sont bénéficiaires — de subventions, et de contributions. Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu le témoignage de membres de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire et du Groupe d’experts indépendant sur les subventions et les contributions. Très tôt ce matin, nous avons aussi entendu le témoignage d’un représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, qui nous a expliqué les progrès réalisés ainsi que les recommandations qui ont été adoptées. Je vais résumer brièvement ce qu’il a dit. Il était question d’ententes uniques, d’ententes de financement simplifiées, de sites web centralisés, d’information numérique, d’une approche selon laquelle l’information est fournie une seule fois au lieu de nombreuses fois, de la réduction des audits sur le terrain et d’évaluations du risque adaptées à la taille de l’organisation ou au financement demandé. Ils savent que tout cela ne sera pas fait demain. Je suis tout spécialement intéressée par ce que vous trois — Debbie, Norman et Tracey — avez à dire, parce qu’il est clair, à la lumière de ce que nous avons entendu jusqu’ici, que la taille a une importance. Quels effets ces changements ont-ils eus sur vos collectivités ou vos organisations?

Mme Douglas : La réaction a été mitigée dans notre secteur. Effectivement, il y a eu une certaine diminution des postes budgétaires, par exemple. Nous n’avons plus à présenter des demandes annuellement pour un programme pluriannuel; à présent, les fonds sont versés tous les trois ans, autant au provincial qu’au fédéral. Cependant, on attend encore la mise en œuvre de certaines modifications annoncées par le Conseil du Trésor.

La reddition de comptes continue d’être un fardeau administratif pour les petits organismes et même pour certains organismes de taille moyenne. Disons que vous obtenez du financement pour trois programmes. Cela veut dire que vous devez rendre des comptes pour chacun de ces trois programmes, en plus de saisir des données sur une base mensuelle relativement au nombre de clients. La principale plainte émanant des organismes de service qui font partie de nos membres concerne la lourdeur du fardeau redditionnel et une certaine incertitude quant à l’utilisation de ces renseignements. Est-ce qu’on va modifier les programmes à la lumière de cette information, ou est-ce qu’on veut simplement une preuve de diligence raisonnable? C’est frustrant pour les organismes. Quand ils répondent aux questions, ils veulent que les renseignements fournis servent à améliorer les programmes ou à améliorer les mécanismes de financement.

Certains organismes membres interagissent avec le ministère du Patrimoine, dans le cadre du programme du multiculturalisme, par exemple. Donc, même entre les ministères, il y a un véritable manque de communication. Tandis qu’un ministère avance bon train dans la mise en œuvre des modifications annoncées par le Conseil du Trésor, d’autres n’ont même pas engagé la discussion avec les organismes bénéficiaires.

La sénatrice Omidvar : Me permettez-vous de poser une question complémentaire? Précédemment, M. Clark recommandait, comme prochaine étape, d’organiser une mission d’étude pour savoir si les organismes bénéficiaires et le gouvernement ont trouvé des façons d’alléger le fardeau administratif.

Mme Douglas : Absolument. Le Code de bonnes pratiques de financement de 2001 ainsi que le rapport du Groupe d’experts indépendants doivent être servis de documents de base; il faut avoir des points de comparaison.

M. Ragetlie : En ce qui nous concerne, l’ampleur des activités de reddition de comptes et de surveillance n’a pas vraiment changé, fondamentalement. Je ne pourrais pas dire qu’il y en a moins. Il y a eu des changements, c’est-à-dire que la forme ou la teneur des attentes a changé, mais la quantité demeure essentiellement la même. Je dirais qu’un changement important a été fait du côté des demandes visant divers programmes. Presque chaque fois, vous devez faire état de tous vos objectifs et fournir de l’information sur la composition de votre conseil d’administration. Les différents secteurs du gouvernement demandent encore et encore une foule de renseignements de base normalisés. De nos jours, tout est en format PDF, et nous pouvons envoyer des fichiers par voie électronique. Cependant, c’est toujours à faire et à refaire. Je crois qu’il serait possible d’innover et de créer un entrepôt pour ce genre de données; ce serait une tâche de moins à faire. Cela fait partie de notre reddition de comptes de toute façon. Notre organisme pourra facilement mettre tout cela en place, mais si nous pouvions le faire une fois seulement, ce serait génial.

La sénatrice Omidvar : Changeons un peu de domaine. Parlons de ce qu’on nous dit depuis deux jours. On nous demande de façon pratiquement unanime d’accroître les incitatifs visant à faire augmenter les dons de bienfaisance. Cela s’est déjà vu dans le passé. Les changements précédents, apportés en 2014, en 2013 ou peut-être plus tôt — j’avoue être incertaine de la date —, ont autorisé les dons de titres cotés en bourse aux organismes de bienfaisance. Cela a permis d’injecter énormément d’argent dans le secteur de la bienfaisance. Cependant, encore une fois, je me demande qui bénéficie de cet argent. Selon les données, il semble que la majeure partie des fonds vont aux plus grands organismes.

Ce que je vous demande, c’est si vous êtes en faveur de l’accroissement des incitatifs pour les dons de bienfaisance? Les propositions concernent la vente de biens immobiliers et les dons de titres de sociétés privées. Croyez-vous que cela va avoir une incidence sur vos résultats?

Mme Senior : Peut-être pourrais-je répondre la première. Puisque notre organisme est axé d’abord et avant tout sur la réalisation de l’égalité des sexes au Canada, je dois répondre par un non catégorique, étant donné que nous n’attirons pas vraiment ce genre de fonds par le travail que nous faisons dans l’ensemble du pays. Nous ne croyons pas que cela aura une grande incidence sur notre organisme. Nous offrons un soutien essentiel aux organisations féminines que nous finançons partout au Canada, et, même si notre organisme est plutôt imposant en comparaison d’autres organisations similaires à l’étranger, nous devons tout de même nous battre pour inciter les donateurs, en particulier les gros donateurs, à faire des dons grâce auxquels nous pouvons aider concrètement et financer d’autres organisations qui comblent un besoin important, comme les organisations locales, dans tout le pays. Donc, non, cela n’aurait pas une incidence importante dans notre cas.

Mme Douglas : Je crois que je peux en dire autant. Il n’y pas d’effet de ruissellement : l’argent ne se rend pas à la grande majorité des organismes de service aux immigrants et aux réfugiés. Ce sont les hôpitaux et les universités qui en profitent, plutôt que les organismes communautaires.

La sénatrice Omidvar : Et du côté des organismes ruraux?

M. Ragetlie : Je crois que cela pourrait avoir un effet. Nous savons qu’il y a énormément d’actifs dans les collectivités rurales qui vont être pris en compte dans une planification successorale ou autre chose. Si les règles encouragent les dons de bienfaisance de ce genre, alors peut-être qu’il y aura plus d’argent injecté dans le secteur. Les données montrent qu’il y a une corrélation entre le revenu et l’importance des dons. Les personnes plus âgées ont plus de moyens, alors elles donnent davantage.

À propos de la participation des jeunes au secteur de la bienfaisance — la question a été abordée à divers échelons —, il faut peut-être reconnaître que le temps que les jeunes consacrent au bénévolat remplace l’argent qu’ils ne peuvent pas nécessairement donner. Il faudrait trouver des façons d’encourager cela. Je ne sais pas s’il y a des mesures fiscales que l’on pourrait associer à cela; peut-être que le bénévolat se résume à un siège officiel à un conseil, mais la question mérite d’être étudiée. Peut-être qu’un comité ou sous-comité pourrait se pencher là-dessus, parce que c’est une composante du secteur de la bienfaisance qui est présentement négligée dans notre régime fiscal.

Mme Douglas : Pour l’ensemble des organismes membres en Ontario, je crois qu’il n’y en a qu’un seul sur 234 qui serait avantagé par l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital. Les autres, y compris les grands organismes d’accueil canadiens, ne reçoivent pas ce genre de dons.

La sénatrice Omidvar : Je vais devoir être très concise pour ma dernière question, parce que d’autres sénateurs veulent prendre la parole. Je veux passer au sujet de la gouvernance. Vous avez abordé le sujet, monsieur Ragetlie, et d’autres témoins ont aussi un point de vue là-dessus. J’aimerais savoir s’il y a suffisamment de diversité au sein de l’administration des organismes de bienfaisance et sans but lucratif. Aussi, croyez-vous qu’il serait temps de recueillir des données à ce sujet, fondées sur les définitions de l’équité en matière d’emploi, dans le formulaire T3010?

Mme Douglas : Je crois que nous avons fait des pas de géant. Il y a beaucoup de grands organismes sans but lucratif ou communautaires, par exemple des hôpitaux, qui ont pris des dispositions pour que leur structure de gouvernance reflète les gens qui utilisent leurs services.

Cela dit, je crois qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire. Je viens de Toronto, et certains hôpitaux dans cette ville, le Women’s College, par exemple, ont un système de valeurs particulier. Cet hôpital est proactif pour ce qui est de la sensibilisation, mais je ne sais pas si cela vaut aussi pour tous les gros hôpitaux de la ville ou de la province.

Je crois beaucoup à l’importance des données ventilées. Je crois que cela nous encourage à faire des changements positifs. Je vous encourage vivement à recueillir ce genre de données sur les structures de gouvernance, sur les gens qui sont dans ce genre d’organisations. Ça ne peut que vous être utile. Nous devons commencer à recueillir ce genre de données afin d’être en mesure d’étudier les enjeux en matière de genre, d’origine ethnique ou raciale, d’invalidité et d’autres descripteurs. Je crois qu’il est important de ne pas négliger les organes de gouvernance.

Je sais que je m’éloigne de votre question, madame la sénatrice, mais je crois que nous devons également examiner les besoins en matière de formation de la direction des petits organismes fournissant des services à des groupes ethniques particuliers. Si nous voulons que ces organismes soient compétitifs, leurs capacités de gouvernance doivent être renforcées.

Mme Senior : Je suis d’accord avec ce que Debbie a dit. Je voudrais ajouter que cela dépend de la personne à la tête de l’organisme et des décideurs qui siègent au conseil. Je crois que la volonté est là, mais les résultats ne sont pas nécessairement convaincants. La reddition de comptes doit comprendre une mesure à cet égard; les organisations devraient y adhérer et rendre des comptes si nous voulons qu’il y ait une certaine diversité ou hétérogénéité au sein des conseils d’administration. Sans cela, je crois qu’il y a une trop grande fluctuation entre les organismes et au fil du temps.

Le sénateur Duffy : Rapidement, j’ai une question complémentaire à propos des activités de défense des intérêts. Croyez-vous qu’il devrait y avoir des restrictions à ce chapitre?

Mme Douglas : C’est un sujet qui revient fréquemment depuis les deux ou trois dernières semaines. Je travaille auprès des collectivités où il y a des immigrants et des réfugiés — et j’y vis aussi —, et nous savons qu’il y a un sentiment anti-immigration ou antimusulman croissant. Nous allons devoir, en tant que société — et sans entraver la liberté d’expression, parce que c’est quelque chose qu’on mentionne chaque fois que j’ouvre la bouche sur le sujet —, être vigilants par rapport à ces activités et trouver d’autres solutions que d’imposer des restrictions aux organismes de bienfaisance qui veulent participer au débat public.

Le sénateur Duffy : Croyez-vous que les organismes de bienfaisance devraient pouvoir donner de l’argent directement aux partis politiques?

Mme Douglas : Non.

Mme Senior : Non. À mon avis, les restrictions en place doivent viser ce que les activités de défense des intérêts soient en harmonie avec la mission de l’organisation. Ces activités doivent avoir un objectif lié directement au travail que les organismes accomplissent et aux services offerts à leurs clients.

Le sénateur Duffy : Excellent. C’est très éclairant.

Mme Wallace : Nous en revenons à la définition des « activités politiques » et à la question de savoir si les activités s’inscrivent dans la mission de l’organisme et non dans un programme politique.

Le président : Je crois qu’une définition serait extrêmement importante; nous devons codifier la définition d’une « activité politique », non seulement pour que les règles soient claires pour les organismes de bienfaisance et leurs intervenants, mais aussi pour protéger les fonctionnaires responsables de surveiller tout cela. Sans définition, qu’est-ce qui empêche quelqu’un de dire « C’est une activité politique » alors que ce n’est pas le cas? Nous devons codifier une définition afin que les fonctionnaires puissent faire leur travail de surveillance et le reste de leurs tâches de fonctionnaires sans avoir à prendre des décisions qui pourraient être influencées par leurs maîtres politiques, lesquels, comme nous le savons, changent de temps en temps, tout comme leurs attitudes.

Le sénateur Duffy : Ma seule autre question concerne le document que je ne cesse d’évoquer. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler ou même si c’est d’actualité, mais j’espère que ce l’est. Je parle de la lettre de mandat du premier ministre Trudeau à la ministre de la Justice, Mme Jody Wilson-Raybould, datant du 15 novembre 2015. Il y a un paragraphe où le premier ministre demande à la ministre de travailler avec le ministre des Finances et la ministre du Revenu national afin d’élaborer un cadre législatif et réglementaire modernisé pour régir le secteur des organismes de bienfaisance et celui des organismes sans but lucratif. J’interprète cela comme un signal de la tête du gouvernement du Canada signifiant un désir de changement, et j’espère que vous avez fait passer le message dans vos communications avec les gens qui travaillent à la réglementation.

Mme Wallace : Peut-être pourrais-je ajouter que nous avons élaboré conjointement ce cadre réglementaire. Nous participons à cet effort.

Le sénateur Duffy : Vous êtes au courant?

Mme Wallace : Nous sommes au courant du mandat, bien sûr.

Le sénateur Duffy : Je vois, parfait. Savez-vous s’il y a une adhésion, mis à part ce qui s’est passé vendredi dernier?

Mme Senior : Mis à part la décision du tribunal, je n’ai rien vu.

Le sénateur Duffy : Eh bien, nous allons devoir redoubler d’efforts à l’avenir.

La sénatrice Dasko : Je suis spécialiste en sondage, alors je suis ravie de voir qu’on demande une augmentation de la taille des échantillons de l’Enquête sociale générale. Je n’y croyais plus. C’est merveilleux.

J’ai une question à poser à Debbie. Vous nous avez dit à quel point il est difficile d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisance. Croyez-vous qu’il faudrait faire en sorte que les critères soient plus explicites? Devrait-on élargir les critères, ou est-ce que le problème tient à la lourdeur du processus de demande? Que devrions-nous faire? Je crois que vous avez dit que certains organismes ne prennent même pas la peine de présenter une demande. Qu’est-ce que le comité pourrait faire? Concrètement, quel est le problème ici?

Mme Douglas : Je crois que vous avez cerné les deux parties du problème. Le système est vraiment opaque. Laissez-moi vous donner un exemple : de temps en temps, le Conseil ontarien des agences servant les immigrants agit comme incubateur pour de petits organismes émergents. Deux organismes ont présenté eux-mêmes une demande de statut d’organisme de bienfaisance et ont essuyé un refus; nous avons dû leur fournir un soutien juridique. L’un des organismes, le Ward Museum, étudie l’histoire de l’établissement des immigrants à Toronto. L’autre est un petit organisme qui travaille auprès d’enfants ayant vécu la guerre et toute l’expérience des réfugiés. La demande du Ward Museum a été acceptée, mais pas celle de l’autre organisme, qui a dû présenter une troisième demande. Les deux bénéficiaient d’un très bon soutien juridique. On ne leur a fourni aucune explication pour justifier le refus de leur demande. Leur mandat concerne clairement la sensibilisation du public, et, dans le cas de l’organisme pour les enfants réfugiés, il s’agissait d’un programme d’art et de jeu. Le système est trop opaque. Nous avons l’impression que les décisions sont prises complètement arbitrairement, sans justification.

Je doute que le problème tienne à un manque d’information. Il faut simplifier le système et demander à l’ARC d’expliquer pourquoi certaines demandes sont refusées quand d’autres ne le sont pas. Il nous faut de la transparence.

La sénatrice Dasko : Pourquoi on refuse leur demande et quels sont les critères.

Mme Douglas : Oui.

Mme Wallace : J’aimerais seulement ajouter que, dans le cas non seulement d’une demande présentée à l’ARC, mais aussi d’une demande de subvention et d’une demande présentée au gouvernement, de même que lorsqu’une organisation essuie un refus, il faut fournir une très bonne rétroaction quant aux motifs d’acception ou de rejet. Pour une petite organisation, particulièrement, qui consacre beaucoup d’efforts et de temps à l’élaboration de ces propositions d’accords et de subventions, c’est très décourageant de se heurter à un refus.

Le sénateur Duffy : Un petit organisme de bienfaisance de l’Île-du-Prince-Édouard a communiqué avec moi la semaine dernière. Il m’a demandé : « Quels sont les mots magiques? », car sa demande avait été rejetée.

Mme Douglas : Une des choses que nous encourageons les bailleurs de fonds gouvernementaux à faire chaque fois qu’il y a un appel de propositions, c’est de discuter avec les bénéficiaires potentiels afin que tout le monde reçoive la même information. Lorsque nous posons ces questions, il y a certaines réponses particulières que nous cherchons à obtenir. Vous avez raison. Les gens paient des ressources limitées à une personne pour qu’elle soumette une proposition, puis la proposition est refusée sans que personne ne sache pourquoi.

Le président : Merci à tous. C’était très instructif et utile. Il est très important que le comité s’assure de ne pas parler uniquement aux grands organismes, il faut aussi parler aux petits organismes, dont certains ont de la difficulté à se faire une place dans ce monde. Il est important d’entendre votre message et de poser à tous la question suivante : y a-t-il des limites acceptables à l’activité politique? Car ce sera un message très important à envoyer au gouvernement. Oui, nous comprenons que nous ne faisons pas campagne pour tel ou tel candidat. Comme je continue de le dire — peut-être parce que je suis le fils d’un fonctionnaire —, nous devons protéger les fonctionnaires et dire : « Voici les lignes directrices », de sorte qu’ils ne soient pas dans une situation où ils prennent des décisions et ne sont pas influencés, à tort ou à raison, par leurs maîtres politiques.

Honorables collègues, nous allons maintenant entendre nos prochains témoins. Nous sommes avec Catherine Scott, directrice générale, Partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance à Emploi et Développement social Canada; Tania Carnegie, dirigeante principale de l’impact, et chef, Investissement d’impact chez KPMG et ancienne membre du Groupe directeur sur l’innovation sociale et la finance sociale; Mme Susan McIsaac, directrice générale, Philanthropie stratégique à RBC Gestion du patrimoine; et M. Wayne Chiu, cofondateur de la Trico Foundation.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Comme vous avez pu le constater auparavant, nous passerons à la période de questions après les exposés. Nous vous demandons de formuler de courtes réponses, et mes collègues poseront des questions brèves. Ainsi, nous pourrons poser le plus grand nombre de questions possible. Monsieur Chiu, je crois que nous commençons par vous.

Wayne Chiu, cofondateur, Trico Foundation : Merci, monsieur le président.

Je suis le directeur général d’une entreprise appelée le Trico Group, à Calgary. Au sein de l’entreprise, nous avons une culture unique qui consiste à « bien faire en faisant une bonne action ». C’était dans le monde des affaires. Mon épouse et moi avons créé une fondation publique il y a environ 10 ans. Nous avons tenté de transposer l’idée au secteur social, et parallèlement, de promouvoir l’idée de la justice sociale également. Par conséquent, la Trico Foundation a misé sur l’entrepreneuriat social, qui, à nos yeux, n’est qu’une belle étiquette pour ce que j’appelle le principe « bien faire en faisant une bonne action ». En adoptant ce principe, les organismes sans but lucratif peuvent résoudre des problèmes sociaux tout en générant un revenu de marché durable. Nous croyons qu’ils peuvent mieux résoudre les problèmes sociaux parce qu’ils génèrent des revenus de marché durables.

Cette façon de faire a permis non seulement d’accroître le nombre d’organismes sans but lucratif viables, mais aussi de mettre à l’échelle ces organisations ou leurs solutions. Par le fait même, cela donne l’occasion de changer le système. Tout changement de système peut favoriser la résolution de nos problèmes sociaux de manière définitive.

La Trico Foundation croit que la parfaite compréhension et la mise à profit du pouvoir de bien faire en faisant une bonne action est l’une des idées les plus prometteuses de notre époque. C’est pourquoi nous nous engageons à concrétiser cette promesse. Nous avons toujours soutenu que le principe « bien faire en faisant une bonne action » ne représente qu’une des mesures que nous pouvons prendre pour résoudre les problèmes sociaux.

J’aimerais décrire certains des programmes que finance notre fondation. Nous avons pris part à un large éventail d’initiatives de financement pour soutenir le renforcement de la capacité d’entrepreneuriat social au Canada. Dans le cadre d’un événement, nous avons fait venir le Forum mondial des entreprises sociales au Canada en 2013. Nous appuyons le Forum sur la finance sociale de Toronto depuis de nombreuses années. Nous avons aussi appuyé la finale canadienne de la compétition Map the System au cours des deux dernières années et le rassemblement national du Réseau canadien de développement économique de la communauté en 2017.

Nous soutenons l’infrastructure. Nous avons récemment aidé à financer le Trico Changemakers Studio à l’Université Mount Royal de Calgary, notre ville natale. L’équipe se consacre à l’enseignement de l’entreprise sociale, de l’innovation sociale de même que de l’entrepreneuriat social.

Nous souscrivons au principe de la finance sociale. En plus d’offrir notre soutien au forum sur la finance sociale, nous avons appuyé et financé dès le début le New Market Funds à Vancouver.

Nous soutenons les organismes qu’appuient les entreprises sociales. Nous avons fourni un financement pluriannuel à Futurepreneur et au programme Root & Shoots de Jane Goodall à Toronto.

En ce qui concerne les entreprises sociales, nous avons financé directement certains des entrepreneurs sociaux de premier plan, y compris certains à Toronto, notamment Jump Math, Fogo Island Inn, Furniture Bank, EMBERS Staffing Solutions, TurnAround Couriers, Mission Possible et Potluck à Vancouver.

Nous appuyons la recherche. Nous avons aidé à financer les premiers sondages provinciaux sur les entreprises sociales et à verser des primes à des organismes sans but lucratif, en Alberta. Nous avons soutenu le premier sondage sur les entreprises sociales à but non lucratif au Canada, et nous avons commandé des études de cas sur neuf entreprises sociales de premier ordre au Canada.

Tout compte fait, nos efforts se chiffrent à des millions de dollars en financement au cours des 10 dernières années.

On m’a aussi demandé de me prononcer sur les progrès que nous avons réalisés pour combler les écarts dans la société. C’est une question cruciale et hautement prioritaire pour mon personnel, notre conseil et moi-même depuis de nombreuses années. Nous savons que les catégories que je viens tout juste d’énumérer sont importantes dans n’importe quel domaine, et nous avons examiné les organismes que nous avons financés : il est évident qu’ils font bien en faisant une bonne action.

L’ organisme EMBERS Staffing Solutions à Vancouver en est un bon exemple. En 2015, nous avons appris que, en travaillant avec des gens faisant face à un certain nombre d’obstacles à l’emploi, EMBERS a employé depuis 2008, 2 200 personnes pour occuper un emploi journalier. Parmi les 2 200 personnes, 1 100 ont continué d’occuper un emploi à temps plein. En outre, EMBERS est un organisme sans but lucratif qui a fait croître son revenu de plus de 2 millions de dollars pendant une période de 12 mois.

Nous avons donc fait de bonnes actions ici et là, et nous avons amélioré la vie de certaines personnes. Même si cela est important et très apprécié, nous n’aurons pas réussi à combler les lacunes béantes dans la société qu’il nous faut corriger tant que nous n’aurons pas réellement renversé pour de bon le pouvoir du marché, en cherchant à transformer le capitalisme pour procéder au changement. Nous militons pour que notre gouvernement permette aux organismes à but non lucratif de générer eux-mêmes des revenus, pour ne pas qu’ils dépendent autant du droit régissant les organismes de bienfaisance.

Notre fondation continue de déployer les efforts auxquels elle s’est engagée pour presser le gouvernement de permettre aux organismes à but non lucratif, suivant les pratiques de bonne gouvernance, de continuer de faire de l’argent pour aider l’organisation, aider les personnes sous-employées tout en contribuant à la génération de revenus pour l’organisation. En même temps, je crois que, du point de vue commercial, cela peut accroître l’emploi au Canada également.

Actuellement, nous mettons au point un programme afin que nous puissions transmettre ce que nous avons appris au cours des 10 dernières années en aidant les entreprises sociales à combler les écarts dans la société. Nous espérons aussi que cela provoquera la transformation du capitalisme dont nous avons besoin.

Merci.

Catherine Scott, directrice générale, Partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance, Emploi et Développement social Canada : Je tiens à vous remercier, monsieur le président et honorables membres du Sénat, de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui.

Je m’appelle Catherine Scott et je suis la directrice générale de la Même commentaire que précédemment à Emploi et Développement social Canada. Ma direction appuie l’engagement énoncé dans le mandat conjoint de l’honorable Jean-Yves Duclos, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, et de l’honorable Patty Hajdu, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, d’élaborer une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale pour le Canada.

Je suis ici aujourd’hui en ma qualité de coprésidente de l’ancienGroupe directeur sur l’innovation sociale et la finance sociale. Je suis accompagnée de Tania Carnegie, dirigeante principale de l’impact social, et chef d’investissement d’impact et ex-membre du Groupe directeur sur l’innovation sociale et la finance sociale chez KPMG.

[Français]

En juin 2017, les ministres Duclos et Hajdu ont mis sur pied le Groupe directeur sur la co-création d’une Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale composé de 17 membres et dont le mandat était d’une durée d’un an. Le groupe était chargé de guider l’élaboration de recommandations visant à mener à une Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale pour le Canada et d’examiner les lois, règlements et politiques fédéraux qui ont une incidence sur la capacité des organismes communautaires de participer à des initiatives d’innovation sociale et de finance sociale, entre autres.

[Traduction]

Durant les vastes consultations que nous avons menées au cours de la dernière année, nous avons entendu un certain nombre d’organisations à but social créant une valeur sociale et économique dans leurs communautés.

Par exemple, Atira Property Management est une entreprise sociale de Vancouver qui fournit des services de gestion immobilière aux promoteurs, aux propriétaires d’immeubles, aux investisseurs et à d’autres fournisseurs de logements sans but lucratif et coopératifs. Grâce à Atira Property Management, des centaines de femmes et d’hommes faisant face à d’importants obstacles à l’emploi peuvent trouver un emploi.

En appuyant le travail d’organismes à but social, nous pouvons faire progresser les objectifs sociaux et environnementaux afin de créer des collectivités plus fortes et plus saines pour les Canadiens.

Comme vous le savez, en août 2018, le rapport du groupe directeur a été rendu public par Emploi et Développement social Canada. II comprend 12 recommandations qui proposent les façons d’intégrer l’innovation sociale et la finance sociale dans une stratégie fédérale globale visant à bâtir des collectivités plus inclusives et prospères et, ce faisant, à améliorer la vie des Canadiens vulnérables.

Conçues pour être mises en œuvre ensemble, les recommandations fourniraient de nouveaux outils, de nouvelles ressources et de nouvelles approches pour permettre aux collectivités de relever les défis sociaux persistants et complexes.

Le gouvernement est en train d’examiner le rapport du groupe directeur en vue de l’élaboration d’une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale.

Tania Carnegie, dirigeante principale de l’impact, chef, Investissement d’impact et ex-membre du Groupe directeur sur l’innovation sociale et la finance sociale, KPMG : Tout au long de nos consultations, nous avons entendu parler d’un certain nombre d’obstacles qui empêchent les organisations communautaires d’atteindre leur plein potentiel. Les obstacles à l’accès au financement, au capital et au marché d’approvisionnement du secteur public sont un aspect qui pourrait intéresser tout particulièrement votre comité.

En ce qui concerne le financement fédéral, nous avons beaucoup entendu parler de la façon dont les pratiques d’octroi de subvention du gouvernement pourraient contribuer grandement à stimuler l’innovation sociale dans les collectivités. Plus particulièrement, nous avons appris que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif veulent pouvoir consacrer plus de temps à la mise à l’essai de nouvelles idées pour s’acquitter de leurs missions qu’aux processus fastidieux de présentation de demandes et de production de rapports, et qu’ils veulent des ententes de financement à long terme qui tiennent compte du temps et des ressources nécessaires à l’innovation et à la concrétisation de ses avantages. Le rapport inclut des critères de financement novateurs que nous recommandons au Secrétariat du Conseil du Trésor d’intégrer à ses travaux visant à renouveler la politique sur les paiements de transfert.

Les organisations ont également demandé au gouvernement d’utiliser son pouvoir d’achat pour appuyer les organismes de bienfaisance et sans but lucratif en veillant à ce que le secteur ait accès aux processus d’approvisionnement du secteur public. Le groupe directeur a recommandé que le gouvernement intègre les directives, les outils et les possibilités de formation en matière d’approvisionnement du secteur public à caractère social dans ses efforts de modernisation des processus d’approvisionnement du secteur public, en s’appuyant sur les projets pilotes et les initiatives de diversification des fournisseurs déjà en place.

Dans le cadre de nos consultations, les organisations ont encouragé le gouvernement à accélérer la croissance des fonds d’investissement en finance sociale existants et émergents. Par conséquent, le Groupe directeur a recommandé que le gouvernement crée un fonds de finance sociale et investisse dans celui-ci. Nous avons appris que le gouvernement, en faisant des investissements stratégiques à long terme et en stimulant et en mettant à profit le capital privé, public et philanthropique, pourrait améliorer l’accès au capital, comme les prêts pour les organismes à vocation sociale qui s’efforcent de relever les défis sociaux ou environnementaux persistants.

Le groupe directeur a appris que les organismes à vocation sociale doivent avoir accès au même type de soutien à l’innovation que celui dont bénéficient d’autres secteurs, et que le gouvernement repense son approche pour s’attaquer aux problèmes sociaux et s’emploie à intégrer l’innovation sociale et la finance sociale à ses activités.

Le groupe directeur a recommandé d’améliorer l’accès aux programmes d’innovation, de développement des entreprises et de formation professionnelle du gouvernement fédéral.

Le groupe directeur s’est montré très intéressé à ce que le gouvernement adopte des approches novatrices pour résoudre les problèmes sociaux persistants, en demandant une stratégie fédérale qui fasse quatre choses : premièrement, elle devrait se concentrer sur l’amélioration des résultats et de la qualité de vie des personnes vulnérables; deuxièmement, elle devrait s’aligner sur les autres initiatives et programmes fédéraux et les renforcer; troisièmement, elle devrait améliorer la capacité du gouvernement et des intervenants à mieux exécuter les programmes existants et à favoriser l’innovation et la collaboration avec divers partenaires; enfin, elle devrait favoriser la création d’un écosystème cohérent, comprenant un accès aux soutiens aux entreprises, au capital, aux marchés et au savoir, et la création d’un cadre législatif et réglementaire habilitant.

Pour terminer, les recommandations du rapport du groupe directeur reflètent les activités d’innovation sociale et de finance sociale qui se déroulent déjà à l’échelle du Canada, et cela est déjà appuyé par les gouvernements du monde entier, sous forme d’approche faite au Canada. Les recommandations servent à uniformiser les règles du jeu et à établir de nouvelles relations entre le gouvernement fédéral, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif, ainsi qu’à offrir une occasion importante d’exploiter des approches novatrices pour améliorer le bien-être des Canadiens et montrer le leadership du Canada.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci de nous avoir invitées.

Susan McIsaac, directrice générale, Philanthropie stratégique, RBC Gestion du Patrimoine : Je croyais n’avoir que trois minutes, je vais donc parler lentement.

Monsieur le président et honorables membres du comité, je tiens à vous remercier de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis une employée de la Banque Royale, mais j’ai passé bien plus que 20 ans de ma carrière dans le secteur caritatif, et c’est cette expérience et cette passion dont je vous fais part aujourd’hui.

Les Nations Unies ont établi 17 objectifs de développement durable pour s’attaquer aux problèmes les plus insolubles. D’après moi, une partie des efforts les plus créatifs et les plus percutants pour relever le défi que présentent ces objectifs sont consentis par les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. C’est un secteur rempli de gens talentueux et dévoués, mais il est empoisonné par la pénurie de ressources humaines et financières.

Le financement provenant du gouvernement et du secteur privé est souvent lié aux programmes, et une infime partie sert à l’amélioration opérationnelle, à l’innovation, à la recherche et au développement ou à la conception de nouvelles idées. Il n’y a presque pas de capital de risque disponible pour la plupart des organismes de bienfaisance. En outre, les bailleurs de fonds exigent de plus en plus de preuves de résultats et de répercussions, ce qui est parfois un prétexte et qui suppose un travail que nous savons exigeant en main-d’œuvre.

Le processus visant à régler des problèmes qui datent de plusieurs décennies est lent et nécessite des solutions complexes ainsi que de la collaboration. Pour être pleinement efficace, le secteur a besoin du gouvernement comme collaborateur, comme défenseur et comme allier au chapitre des politiques, des programmes et des pratiques. Plus précisément, il faut améliorer les possibilités de financement et les nouvelles approches pour réaliser cet important travail.

Je vous ferai trois recommandations particulières aujourd’hui. Le secteur a besoin d’accéder à des fonds comparables à ceux mis à la disposition du secteur privé, y compris le financement par emprunt, les garanties de prêt, le capital de risque, les placements en actions, les produits d’assurance, les fonds de démarrage pour les entreprises sociales, le soutien dès les premières étapes pour la recherche et la mise à l’essai de nouvelles approches créatives. Ces autres sources de revenus favorisent l’innovation et l’expansion, au besoin. De plus, une population d’investisseurs répondra à de telles occasions, et de nombreux philanthropes traditionnels sont de plus en plus désireux d’intégrer ces mécanismes à leurs dons de charité. Je constate également une vague de philanthropes et d’activistes de la prochaine génération qui adoptent la perspective des investisseurs concernant leur engagement à l’égard de la collectivité. J’encourage le gouvernement fédéral à soutenir la création d’un marché pour ce genre de possibilités financières et à faciliter la collaboration de ces trois secteurs au moment de le rendre opérationnel.

Ma deuxième recommandation est axée sur un domaine différent de capital disponible, et il s’agit de l’immense regroupement de capital se trouvant dans les fondations caritatives à l’échelle du pays, tant privées que publiques. Le contingent actuel des versements de 3,5 p. 100 est, au mieux, modeste. J’implore le gouvernement, que ce soit à l’aide de politiques ou d’incitatifs, à encourager l’optimisation de ce capital, en le mettant à contribution dans les collectivités pour régler des questions touchant le logement, l’environnement, la santé physique et mentale et les jeunes, pour n’en nommer que quelques-unes.

En troisième lieu, je recommande que le gouvernement soutienne le renforcement de la capacité du secteur sans but lucratif pour que l’on puisse profiter de ces sources de revenus. Le secteur est souvent incapable de prendre du recul par rapport à ses activités quotidiennes pour cerner des possibilités à moyen et à long terme. La majorité des organismes sans but lucratif ont besoin d’un processus et de gens qui les aideront à exploiter de nouveaux outils. Les carrefours d’innovation, qui sont à la disposition des entreprises en démarrage du secteur privé, seraient adoptés par nombre des brillants dirigeants du secteur caritatif.

En annexe à cette recommandation, je dois ajouter que je suis fortement convaincue que les demandes de financement et les exigences de déclaration devraient être rationalisées, ce qui permettrait de libérer du temps et une certaine capacité de réflexion des deux côtés de la relation de financement.

J’encourage le gouvernement à utiliser ses leviers politiques, ses ressources financières, ses données et l’immense influence publique dont il bénéficie pour créer de nouveaux instruments financiers, libérer et optimiser l’important capital stagnant, soutenir le secteur sans but lucratif pour qu’il possède plus de connaissances financières et qu’il ait plus de souplesse dans son travail, et mobiliser les Canadiens pour qu’ils investissent dans notre avenir.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

Le président : Merci beaucoup. Vous avez présenté des arguments très intéressants.

Vous avez parlé de possibilités d’approvisionnement et du fait de s’assurer qu’elles sont offertes aux membres du secteur. J’essaie de comprendre ce que cela veut dire. Avec l’approvisionnement, bien sûr, vous achetez quelque chose, et la majorité des gens du secteur caritatif dont nous parlons fonctionne de manière non lucrative. Avez-vous utilisé des exemples pour appuyer cette déclaration?

Mme Carnegie : Certainement. Il y a un certain nombre d’entreprises sociales à l’échelle du Canada qui sont en mesure de fournir des biens et services au gouvernement, la recommandation porte donc réellement sur le fait d’offrir des possibilités de sorte que toutes les entreprises sociales aient la chance de participer de manière équitable.

Le président : J’avais une idée de ce que vous alliez dire. Je voulais qu’on le consigne au compte rendu afin que les gens qui nous suivent puissent le voir, car il y a des organismes de bienfaisance qui fournissent des services à des gens qui se butent à certains problèmes et qui produisent des articles comme des boutons, des sacs, des choses comme ça. Ce ne sont pas des producteurs généraux, mais ils fabriquent des produits de qualité. Je voulais que ce soit consigné au compte rendu.

La sénatrice Omidvar : Merci à tous d’être ici et merci du travail que vous faites pour nous et pour toutes les collectivités.

J’aimerais commencer par vous, monsieur Chiu, car je suis consciente que vous avez certaines contraintes de temps. Je connais un peu le travail que vous faites. J’aimerais savoir si vous pouvez répondre aux recommandations mises de l’avant par vos collègues quant à la création d’un marché de finance sociale, de sorte que vos entrepreneurs sociaux financés puissent accéder aux instruments financiers dont a parlé Mme McIsaac et accroître la portée de leur travail.

M. Chiu : J’éprouve toujours de la difficulté, car nous essayons toujours d’envisager une solution de marché d’un point de vue commercial.

Encore une fois, si nous sommes capables d’accroître le financement, puis d’amener le gouvernement à faire partie de la solution, ce serait excellent, et nous serions en mesure de récolter beaucoup plus d’argent pour financer plus d’innovations sociales ou favoriser l’expansion des entreprises sociales.

Je pense qu’il y a beaucoup de sensibilisation à l’égard du secteur commercial. Lorsque quelqu’un parle du secteur social, les gens sont toujours préoccupés lorsqu’il s’agit d’un organisme sans but lucratif, mais à l’heure actuelle, lorsqu’on regarde l’incidence des fonds d’investissement, entre autres, il y a beaucoup de potentiel non seulement pour les profits, mais aussi pour le bénéfice social. Essentiellement, nous devons enseigner beaucoup de choses aux gens du secteur commercial quant à la façon d’envisager cela comme une grande solution. Cela s’applique non seulement au secteur sans but lucratif, mais aussi au secteur à but lucratif.

La sénatrice Omidvar : Pour revenir à cette réponse, mesdames Scott et Tania, pourriez-vous vous prononcer sur la nécessité — comme l’a dit M. Chiu — de sensibiliser les entreprises, mais aussi, je crois, les entrepreneurs sociaux et les agents de changement qui travaillent au sein d’organismes de bienfaisance et d’organismes sans but lucratif afin qu’ils puissent recourir adéquatement aux instruments dont a parlé Mme McIsaac : les polices d’assurance, les fonds de capital de risque, les garanties de prêt, et cetera. Cela faisait-il partie de votre délibération?

Mme Scott : Je dirais que, tout au long des consultations, ce que nous avons entendu le plus couramment, c’est le besoin de capacité et de perfectionnement des compétences dans le secteur. Je pense que c’est pour cette raison que plusieurs recommandations visent à répondre à ce besoin, et il faut certainement renforcer la capacité des organismes à vocation sociale pour qu’elles soient prêtes et disposées à contracter des dettes et obtenir des prêts.

Il s’agirait de la capacité d’acquérir des compétences en recherche sociale et en développement, de pouvoir tirer parti de l’expertise, au besoin. C’est le message que nous avons entendu haut et fort tout au long des consultations; il est au premier plan, et c’est quelque chose que nous avons appris en examinant des modèles internationaux. Si on regarde ce qu’a fait le Royaume-Uni avec Big Society Capital, par exemple, je pense que l’une des leçons apprises était qu’il faut réellement miser sur le renforcement de la capacité avant tout.

La sénatrice Omidvar : Pour mettre sur pied une fondation.

Mme Scott : Oui.

La sénatrice Omidvar : Le Comité sénatorial des affaires sociales a réalisé une étude sur la finance sociale, et ses recommandations étaient étroitement alignées avec votre rapport. Voilà un membre du Sénat impatient d’agir; je n’ai plus besoin d’être convaincue. Pouvez-vous me dire si vous avez proposé au gouvernement un échéancier pour la réalisation des travaux?

Mme Carnegie : Nos recommandations ne portaient pas précisément sur un échéancier, mais nous aimerions certainement que les choses se fassent dans un avenir très rapproché.

La sénatrice Omidvar : Dans le prochain budget?

Mme Carnegie : Oui, volontiers.

Le président : On n’exerce pas de pression.

La sénatrice Omidvar : Susan, j’ai vraiment apprécié ce que vous avez dit. Vous avez parlé de l’état de la disposition des philanthropes et des gens en moyens à prendre part au mouvement « bien faire en faisant une bonne action », comme l’a suggéré M. Chiu. Pouvez-vous confirmer que vos clients sont prêts et disposés à prendre part au marché de finance sociale et qu’ils sont en mesure de le faire?

Mme McIsaac : Ce que je vous répondrai, madame la sénatrice, c’est que oui, j’ai parlé à des clients fort intéressés par d’autres modèles, qui n’excluent pas leur façon habituelle de faire des dons de charité, disons, mais qui s’y ajoutent.

À mes débuts à Centraide, nous avons vu de nombreux donateurs qui avaient un intérêt pour d’autres types de possibilités. Je ne dirais pas qu’il y a une ribambelle de gens qui y prendraient part exclusivement, mais je dirais que oui, au sein d’un groupe restreint de donateurs, les gens sont de plus en plus prêts à essayer différents types de modèles. Je ne pense pas que les retombées financières soient une motivation; je pense qu’il s’agit plutôt du bien social. Je pense que c’est simplement une façon d’ajouter à l’équation l’expertise de certains de ces donateurs, qui porte sur les instruments de ce genre.

Quand je regarde certaines personnes nanties de la prochaine génération qui assument certaines des responsabilités familiales dans les fondations, je les entends de plus en plus souvent dire qu’ils souhaitent ajouter un modèle de financement différent à ce que leurs parents ont réalisé dans ces grandes fondations familiales; ils ne veulent pas laisser tomber le modèle de bienfaisance traditionnel, mais plutôt saisir l’occasion d’utiliser en plus ces instruments.

La sénatrice Lankin : J’aimerais revenir sur quelques questions au sujet d’un fonds pour les entreprises à caractère social et des types d’investissements possibles. Je reconnais que différentes expertises entrent en jeu, et c’est l’occasion de tirer parti d’une réflexion alimentée par divers groupes de témoins et de quelques conseils sur la façon dont votre raisonnement a évolué à cet égard.

L’une des choses que j’ai constatées au fil des ans, lorsqu’il y a eu des tentatives de financement d’entreprise sociale, est une résistance de la part de la communauté des petites entreprises. Je pense aux marchés publics, par exemple, ainsi qu’à des organismes comme Eva’s Phoenix à Toronto, dont l’entreprise sociale d’imprimerie tente d’obtenir des contrats. Certains membres du secteur privé diraient qu’ils bénéficient d’un financement spécial, de possibilités particulières et que les règles du jeu ne sont pas équitables en ce qui concerne ce qui leur en coûte pour rivaliser. J’aimerais savoir comment vous avez abordé la question de la concurrence. Il y a d’autres exemples qui portent également sur les marchés publics, mais faut-il s’en tenir à un pourcentage des opérations ou de l’argent qu’il faut investir dans ce genre d’opérations? Comment peut-on indemniser le secteur privé pour l’élimination de ce qui pourrait être des règles de jeu équitables en ce qui concerne la concurrence? Je pense que c’est une situation où il faut obtenir l’appui de tous les joueurs.

Lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques, il arrivera toujours un moment où le gouvernement échouera à cette étape, et je pense que nous en avons vu des exemples. Je vais vous donner un autre bref exemple. Dans la province de l’Ontario, le gouvernement précédent a pris une décision stratégique de financer des subventions pour faire croître le secteur sans but lucratif des services aux enfants, non pas en adoptant un modèle de financement social, mais en imposant une restriction aux organismes à but non lucratif. Le gouvernement actuel a renversé cette mesure et financera de nouveau le secteur privé en réponse aux pressions voulant que les règles du jeu ne sont pas équitables.

Il s’agit d’un argument solide, et je me demande ce que vous en avez pensé et comment vous y avez réagi.

M. Chiu : Je crois que, au bout du compte, il y a toujours un marché possible. Il y a toujours des frais généraux à payer ainsi que des dépenses, peu importe d’où vient votre argent. Vous devez tout de même payer certains frais généraux principaux. L’élément clé de cet approvisionnement social, c’est que je soutiens toujours que, quel que soit le cas, ce doit être équitable. Vous ne pouvez pas dire que vous appuyez quelque chose et que vous êtes à caractère social, et que, par conséquent, on doit vous confier le travail, ou le gouvernement devrait s’en remettre à vous en ce qui concerne l’acquisition de quelque chose.

À ce que je vois également, il y a beaucoup d’entreprises à caractère social. Elles ne sont pas sur le même pied d’égalité. Elles ne sont pas du tout comparables. Si elles prétendent être à but non lucratif, nous devrions donc leur confier le travail; ce n’est pas juste du tout. Quoi qu’il en soit, le marché s’équilibrerait tout seul. Si une organisation à caractère social a des biens à vendre et que ces biens ne sont pas conformes aux normes ou qu’il ne s’agit pas du bon montant d’argent, elle ne se verra pas confier le travail. Nous devons utiliser le marché pour déterminer si les organisations sont à caractère social ou non. Pour cela, elles doivent être sur le même pied d’égalité.

La sénatrice Lankin : Je souhaiterais approfondir le sujet, si vous me le permettez, parce que je pense que nous avons toujours tendance à confondre différents types d’organisations. Un investissement dans un but social a peut-être un double objectif. Une entreprise à caractère social dirigée par un organisme à but non lucratif qui fait autre chose cherche souvent à obtenir de l’interfinancement pour son modèle d’affaires. On ne peut pas faire une simple analyse de rentabilisation. C’est là que surviennent les problèmes liés à la concurrence. Je sais qu’il y a eu de nombreuses conversations avec Bill Young au sujet des divers efforts qu’il a déployés pour tenter de mettre au point des modèles d’affaires concurrentiels qui fonctionnent et qui rapportent de l’argent de sorte qu’ils soient durables, car le soutien du gouvernement va et vient, selon les politiques, les priorités et toutes sortes de choses. Parlons-nous de deux types différents d’investissements que nous ne devons pas perdre de vue et que nous devons traiter de manière distincte au moment d’étudier cette question?

M. Chiu : Pour moi, les affaires sont les affaires. Cela n’a pas d’importance qu’il s’agisse d’une entreprise à caractère social ou d’une entreprise normale. Par exemple, il y a un organisme à Vancouver qui s’appelle Potluck Café. S’il ne fait pas de bons repas et qu’il ne sert pas bien les clients, croyez-vous que ces derniers y iront? Je crois que, au bout du compte, le marché dictera les produits. Si le produit est de qualité et si le service est bon, le produit peut se vendre. C’est pourquoi, quoi qu’il en soit, le gouvernement devrait se pencher là-dessus, non pas parce que ce sont des organismes à caractère social et qu’on leur accorde un traitement préférentiel en leur achetant des produits. Nous devons nous entendre et être sur un même pied d’égalité pour pouvoir nous justifier les uns les autres. En tant qu’entreprise à but lucratif, si vous êtes en mesure d’offrir un bon travail, de bons services, vous serez sur un pied d’égalité. Cela n’a pas d’importance du tout si votre concurrent à but non lucratif entre en jeu.

Le président : Je sais que vous devez partir, M. Chiu. Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier. Votre contribution a été importante, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci.

Le sénateur Duffy : Merci à vous tous d’être venus.

Madame McIsaac, vous voyagez en bonne compagnie. Charlie Coffey était un grand représentant du secteur caritatif et de votre institution financière, et les gens gardent un très bon souvenir de lui pour tout ce qu’il a donné et continue de donner à la collectivité. Il a été question, je crois que c’était hier — ce n’est plus très clair dans ma tête, nous avons eu tellement de réunions —, des planificateurs financiers. Un de nos témoins a dit que beaucoup de Canadiens ne se rendaient pas compte qu’ils possédaient des richesses, y compris, par exemple, un chalet dans une région rurale. Ce n’est peut-être rien de somptueux, mais cela a de la valeur.

Ce témoin a dit que, si nous pouvons encourager les gens, lorsqu’ils traitent avec leur banquier, à faire en sorte que ce dernier pose des questions comme : « Y avez-vous réfléchi? Avez-vous songé à, peut-être, léguer ce chalet? », cela nous ramène une fois de plus aux gains en capital sur les biens fonciers et immobiliers. Toutefois, si nous devions écarter certains de ces obstacles, comment pourrait-on alors vendre cela à des personnes qui ne songent pas à ces choses? La Banque Royale est très forte dans ce secteur, dans les fonds de bienfaisance orientés par les investisseurs, et cetera. S’attend-on à ce que les institutions financières du Canada en fassent un point de discussion lorsqu’elles s’adressent à leurs clients, qu’on mette cela bien en vue sur le site web?

Mme McIsaac : Ce que je vous répondrais, c’est que, dans ma banque, il y a 1 200 conseillers en placement, et cela a maintenant été mis au premier plan. Ils sont à présent sensibilisés en ce sens. Il y a un nouveau membre du personnel dont la seule responsabilité est de servir ces conseillers en placement et d’être là pour eux lorsqu’ils rencontrent des clients pour parler de philanthropie. Son rôle consiste à aborder la philanthropie auprès d’un large éventail de clients dans ce secteur à la banque.

Mon propre secteur est le groupe des très fortunés, et je suis chargée précisément d’orienter ces clients dans cet univers. Je pense que nous sommes très confiants de pouvoir nous en occuper avec beaucoup d’assurance. Une partie de mon rôle, que je joue depuis peu, est la formation, alors je rencontrerai différents groupes d’employés et de clients au cours des prochains mois afin de parler de philanthropie, d’occasions de donner et de différentes façons de le faire.

J’ai accepté ce rôle parce que je voulais faire avancer les choses et faire réfléchir les gens à ce sujet. Honnêtement, j’étais très heureuse que la Banque Royale, en tant qu’institution financière, ait vu l’importance de mieux servir ses clients en ayant cette expertise à son bord.

Le sénateur Duffy : J’ai une question supplémentaire concernant les personnes très fortunées. Une des choses que j’ai entendues ici, dans la capitale nationale, c’est que les gens qui ont fait beaucoup d’argent dans l’industrie de la haute technologie n’ont pas la même culture du don que certaines des vieilles familles riches depuis des générations, pour qui redonner à la collectivité fait simplement partie de leurs habitudes. Quelqu’un de l’industrie de la haute technologie a dit : « Je ne fais pas de dons aux organismes de bienfaisance. Je crée des emplois, et mes employés peuvent faire des dons aux organismes de bienfaisance de leur choix. » Comment pouvons-nous aller chercher ces gens nouvellement riches afin de les encourager à jouer un plus grand rôle?

Mme McIsaac : Mon expérience est différente. Je vais vous donner une réponse un peu anecdotique. J’ai rencontré de nombreuses personnes qui, en fait, sont très généreuses et j’ai travaillé avec ce genre de personnes. Prenez par exemple la campagne Giving Pledge lancée par Gates et Buffett, un grand nombre de ceux qui ont signé la promesse venaient de Silicon Valley; par conséquent, je ne crois pas que vous pouvez affirmer de tout le secteur qu’il ne fait pas de dons. En fait, j’estime qu’il y a des dons importants.

Je pense que la notion selon laquelle si on crée des emplois, alors on a fait notre part n’est pas non plus exclusive à ce secteur. J’ai entendu ce commentaire de la part d’autres propriétaires d’entreprise. Franchement, en tant que personne dont les activités sont maintenant à caractère philanthropique, je ne partage pas leur point de vue. Je pense qu’il y a beaucoup de choses que chacun d’entre nous peut faire.

Cependant, je pense que les gens d’affaires, le gouvernement et d’autres ont la responsabilité de sensibiliser continuellement les gens, de créer des incitatifs et de les inciter à penser au-delà de la simple création d’emplois, car ce n’est pas de la philanthropie, c’est bâtir une entreprise.

Le sénateur Duffy : Je n’avais pas l’intention de cibler uniquement l’industrie de la haute technologie, mais divers organismes de bienfaisance avec lesquels je travaille ici dans la capitale nationale me disent qu’ils ont de la difficulté à convaincre les jeunes entrepreneurs et les jeunes qui connaissent du succès de faire partie de conseils d’administration et d’offrir leur expertise, entre autres. Ils semblent être trop occupés pour ça. Espérons que le message sera entendu.

Mme McIsaac : Si je peux ajouter un petit commentaire, je pense que, dans ce secteur ainsi que dans d’autres, pour les jeunes qui sont disons dans la trentaine peut-être — à mon âge, je suis assez vieille pour dire également dans la quarantaine —, je pense qu’il y a beaucoup de choses qui font obstacle à la philanthropie. À mon avis, si vous fondez une entreprise ou une jeune famille, faisant ainsi en sorte que vous manquez de temps pour toutes vos priorités, cela sèmera également parfois des embûches. Ce n’est pas du tout une excuse. Je pense que plus nous en ferons pour faire participer les jeunes gens intelligents à nos mandats et à nos missions — je suis également au bureau de bienfaisance —, le mieux nous serons tous servis. Je pense que la diversité cognitive qu’ils apportent à un conseil d’administration est inestimable, mais j’estime qu’il nous incombe, au lieu de les étiqueter comme étant des traînards, de les faire participer. Je crois qu’ils peuvent apporter beaucoup de valeur à une organisation.

La sénatrice Omidvar : Susan, j’ai une question à vous poser. J’ai également une question pour vous, Tania, si le temps me le permet.

J’aimerais savoir ce que les gens ont fait à propos de la corporatisation de la philanthropie. De plus en plus, ce sont les institutions financières qui traitent avec des clients comme les vôtres. Il n’y a pas que la Banque Royale, il y a aussi la Banque de Nouvelle-Écosse. Aux États-Unis, il y a Fidelity, et au Canada, il y a Mackenzie. Vous avez vous-même dit avoir 1 200 conseillers en placement. J’ai moi aussi un conseiller en placement, non pas que je sois dans la même catégorie, mais j’en connais assez pour savoir que mon conseiller en placement fait de l’argent quand il y a de l’argent dans mon compte. Leurs honoraires et leurs commissions sont établis en fonction de la valeur de votre compte; par conséquent, si les conseillers en placement fournissent des conseils relatifs à la philanthropie, n’y a-t-il pas là un conflit d’intérêts inhérent? Ou est-ce l’inverse, c’est-à-dire la philanthropisation du secteur privé? J’invente des mots au fur et à mesure.

Mme McIsaac : C’est exactement ça : je philanthropise la banque.

J’estime que mon rôle à la Banque Royale a été créé à la demande des clients, ce qui est formidable selon moi. Je crois aussi que, pour toute institution financière, il y a une valeur inhérente à aider les clients à atteindre leurs objectifs personnels. Si ces objectifs personnels supposent d’investir dans leur collectivité, de mettre à profit leur richesse afin de faire une différence et d’avoir une incidence positive, cela jette une lumière favorable sur l’organisation qui leur fournit les outils pour le faire de façon efficace.

À long terme, si vous examinez la situation dans son ensemble, l’argent qui sort de la banque afin d’être investi dans la collectivité ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan en comparaison de la satisfaction du client, qui l’encourage à continuer à investir dans la banque. Voilà mon point de vue.

La sénatrice Omidvar : Vous me rassurez quelque peu.

Ma question pour Tania porte sur l’achalandage causé sur Twitter. Mme Susan Manwaring était présente plus tôt et a insisté sur le fait que, au moment d’effectuer des mises à jour, des révisions et des modifications dans le secteur caritatif et dans le secteur sans but lucratif, il ne faut pas mettre en péril le meilleur aspect de nos politiques relatives aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif. Il est important pour nous de faire preuve de prudence, mais de rester enthousiastes. Sur le plan du financement social, devrions-nous être enthousiastes de façon prudente ou prudents de façon enthousiaste?

Mme Carnegie : Soyons les deux. L’une des recommandations que nous avons inscrites dans notre rapport est la mise en place d’un cadre réglementaire afin que nous puissions créer un espace sécuritaire pour faire fonctionner le tout de façon équitable, en atteignant les objectifs, sans occasionner de conséquences imprévues que nous devrons régler plus tard d’une autre manière.

La sénatrice Omidvar : Madame Scott, pouvez-vous répondre à cela? Je crois que nous devons toujours être prudents.

Mme Scott : Oui. Je pense que, lorsque nous avons travaillé à l’élaboration du rapport du groupe directeur, nous avons fait appel à un certain nombre de ministères fédéraux tout au long du processus, et nos collègues du ministère des Finances et de l’ARC étaient présents lors de la formulation de ces recommandations. Comme l’a indiqué Tania, le cadre réglementaire est une façon d’essayer de nouvelles approches sans mettre de côté le cadrLe président : e déjà en place.

Le président : Un certain nombre de personnes nous ont parlé du processus pour obtenir le statut d’organisme de bienfaisance et nous ont dit qu’il était laborieux. Je suis moi-même passé par là, et c’est un véritable champ de mines. Avant de commencer ma carrière ici, je travaillais en tant que spécialiste du financement, et j’ai donc travaillé pour de nombreux organismes de bienfaisance et organismes à but non lucratif partout au Canada. Ainsi, je comprends le processus. Toutefois, lorsque j’ai suivi ce processus il y a environ 10 ans, je l’ai examiné moi-même et je me suis dit : « Je peux le faire. » J’ai réalisé très rapidement que je ne le pouvais pas, et que, bien que j’étais expérimenté, j’avais besoin d’aide sur le plan juridique. Mes collègues et moi-même, qui formions cette organisation, avons dû embaucher un avocat. Dans quelle mesure devrions-nous rendre le processus plus simple? Devrions-nous exclure la nécessité d’avoir recours à une consultation juridique pour l’enregistrement des organismes de bienfaisance?

Mme Carnegie : C’est une question intéressante. Je n’en suis pas certaine. Ce point n’a pas été soulevé de façon explicite lors de nos consultations. Lors des discussions, il a été question des façons de simplifier le processus afin que les organismes qui souhaitaient acquérir un statut particulier n’aient pas à porter de fardeau inutile.

Le sénateur Duffy : Je veux juste revenir à Mme McIsaac pour une seconde. Mon collègue a abordé le sujet. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à un conseiller en placement. Je pense à toutes ces merveilleuses personnes dans les succursales avec qui vous faites affaire pour votre hypothèque, votre prêt automobile ou je ne sais quoi. L’une des options sur leur écran ou l’une des questions qu’elles pourraient vous poser pourraient être les suivantes : Avez-vous des projets pour l’avenir? Avez-vous un testament? Planifiez-vous de faire des dons à un organisme de bienfaisance? Ce genre de choses. Lorsque les gens ouvrent un compte REER, il est question d’outils qui permettent d’épargner de l’argent, qui sera transféré à un organisme de bienfaisance et ainsi de suite. Il s’agit d’options qui ne requièrent pas l’aide d’un courtier, ce que, selon moi, beaucoup de gens trouvent intimidant. Par ailleurs, beaucoup de personnes qui investissent à la bourse préfèrent le faire en ligne. Il s’agit là, à mon avis, d’un autre point de service pour toutes nos institutions financières, si elles décidaient qu’il était du ressort de l’industrie d’aider.

Mme McIsaac : Je parlerai de cela avec mes collègues. Je ne connais pas le processus actuel de toutes les banques pour inciter les gens à penser à la philanthropie, mais il s’agit d’une très bonne suggestion de votre part et j’en ferai part à mes collègues. Merci.

Le sénateur Duffy : Merci.

Le président : Je remercie les témoins de leur présence. Vous avez fait naître beaucoup de discussions et d’idées. Je sais que, à mesure que nous progressons, vous allez probablement suivre ce que nous faisons. Si, pendant ce temps, vous notez quelque chose que nous avons oublié ou quelque chose que vous avez peut-être oublié de nous mentionner ou que vous vouliez nous mentionner, n’hésitez pas à en faire part au greffier, qui nous transmettra l’information. Vous faites partie du processus, et nous voulons tirer parti de vos connaissances et de vos recommandations.

(La séance est levée.)

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