Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance
Fascicule n° 10 - Témoignages du 10 décembre 2018
OTTAWA, le lundi 10 décembre 2018
Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui à 16 h 3, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada; ainsi que pour faire l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs) à huis clos.
Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance.
Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et je préside le comité. J’aimerais d’abord demander à mes collègues de se présenter, à commencer par la vice-présidente.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.
Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Aujourd’hui, le comité se réunit pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.
Nous allons aujourd’hui nous concentrer sur l’aspect des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif touchant la défense des intérêts et les activités politiques.
Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins : Susan Manwaring, associée et chef, groupe Impact social, Miller Thomson LLP, et Sean Moore, directeur, Advocacy School. Merci à vous deux d’avoir accepté notre invitation à comparaître.
Sean Moore, directeur, Advocacy School : Merci, monsieur le président. Je vous sais gré de cette invitation à vous faire part de mes observations sur les enjeux que couvre le mandat du comité. J’ai l’intention de me concentrer sur les dimensions de ces enjeux qui sont liées au rôle du secteur de la bienfaisance et des ONG dans les questions de politique publique et de défense d’intérêts.
Je vais d’abord vous parler un peu de mon parcours. Je suis depuis plus de 10 ans semi-retraité de mon travail de non-juriste associé et de conseiller en politiques publiques au sein d’un important cabinet d’avocats canadien. J’ai passé près de 30 ans à travailler pour toutes sortes de clients, au Canada et aux États-Unis. En 2011, j’ai lancé une entreprise sociale qui s’appelle Advocacy School. Sa mission est d’éduquer, de former et d’encadrer un vaste éventail d’organismes, ici et à l’étranger, concernant les meilleures façons de se doter d’une capacité interne de traiter avec les gouvernements de façon constructive et efficace et d’approfondir cette capacité. Outre l’Advocacy School, je travaille aussi comme conseiller technique auprès d’organismes de bienfaisance, d’organismes sans but lucratif et d’associations professionnelles, pour assurer leur conformité dans le cadre des divers régimes de réglementation du lobbying des gouvernements fédéral et provinciaux.
Ces activités m’ont donné des perspectives qui forment la base de mes observations.
La première chose que je veux souligner, c’est que je pense que nous devons tous être attentifs à la gravité du problème de tous ceux qui traitent avec le gouvernement et qui se trouvent souvent étouffés par le processus. Je parle des systèmes complexes de demande et de reddition de comptes, des exigences réglementaires souvent obscures concernant les subventions et contributions, des procédures d’approvisionnement du gouvernement et des divers autres organismes de surveillance.
Le problème est répandu et ne touche pas que les secteurs des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif, mais également les entreprises. Cependant, le fardeau est plus lourd pour les ONG et les organismes de bienfaisance qui ont des ressources internes limitées et ont rarement accès au revenu pouvant les aider à payer le coût économique de cette réglementation.
Voici une chose que le comité pourrait faire : porter son attention sur la façon de simplifier ce processus. Je rencontre constamment des groupes qui me disent que même s’ils ont vraiment besoin d’argent, ils se demandent s’ils peuvent se permettre de consacrer le temps et les ressources nécessaires pour demander le soutien de tels programmes, puis de s’acquitter des exigences de reddition de compte souvent laborieuses.
L’un de vos témoins, l’autre jour — je pense que c’était Laird Hunter — a posé la question : pourquoi faut-il qu’il soit si difficile de faire le bien?
Ma deuxième observation porte sur la capacité du secteur de participer de façon efficace et constructive au processus politique et à l’élaboration de politiques. Ils sont très nombreux à très bien le faire. Cependant, de nombreux autres — sûrement la majorité — n’ont pas la capacité interne de jouer un rôle sérieux sur ce plan. Ils n’ont pas les ressources financières nécessaires pour se doter de cette capacité auprès de conseillers externes. Je suis souvent frappé par tout ce que les organismes de bienfaisance et autres entreprises d’intérêt public réussissent à accomplir avec si peu.
Concernant certains aspects particuliers de la défense des intérêts et du secteur des ONG et des organismes de bienfaisance, je crois que les changements aux dispositions législatives et réglementaires relevant de la Loi de l’impôt sur le revenu que le gouvernement a annoncés au début de l’automne sont tout compte fait positifs. L’intention du gouvernement de supprimer les limites quantitatives liées à ce qu’on appelle les activités politiques non partisanes pourrait être une mesure positive dans l’ensemble, mais il y a peut-être des conséquences non voulues à tenir en compte et à résoudre par règlement.
D’aussi loin que je me souvienne, de nombreux organismes de bienfaisance soutiennent qu’il existe un phénomène de paralysie de l’action sociale en raison de la règle des 10 p. 100 de l’ARC, qui impose ce qu’elle appelle des niveaux restrictifs d’activité politique, formule qui doit vraiment être supprimée ou remplacée.
Mon problème a toujours été qu’à cause de l’attention portée à ce que certains pensent ne pas avoir le droit de faire, on a souvent négligé d’accorder assez d’attention à ce qu’ils ont le droit de faire, même en vertu des règles existantes. Par exemple, des conseils d’administration nerveux ont souvent cru que la règle des 10 p. 100 signifiait qu’ils risquaient de perdre leur statut d’organisme de bienfaisance s’ils faisaient du travail de défense d’intérêts, comme communiquer avec des élus et des fonctionnaires ou exercer des pressions. Ils ont choisi de ne pas du tout s’adonner à cette activité et manquent ainsi l’occasion de contribuer de façon constructive.
L’effet net des signaux mixtes que les gouvernements envoient depuis des années, c’est que d’innombrables organismes de bienfaisance enregistrés, et même de nombreuses ONG non caritatives, craignent non seulement de perdre leurs subventions, mais de simplement ne plus pouvoir exister.
La règle des 10 p. 100, telle que nous la connaissons, impose explicitement des limites sur ce qu’on désigne par les appels à l’action, c’est-à-dire quand on encourage les citoyens à écrire ou à communiquer leurs points de vue aux décideurs au moyen de la publicité, des médias sociaux ou de manifestations. Cela a occulté une réalité fondamentale pour les organismes de charité, soit que même en l’absence d’appel à l’action, ils peuvent faire beaucoup de choses pour exercer légitimement des pressions sur les titulaires de charge publique, élus ou non élus, comme les rencontrer, explorer des solutions à des problèmes difficiles et mettre sur pied des coalitions de groupes d’intérêts qui sont pour ou contre certaines politiques possibles — tout cela sans restriction, du moment que l’enjeu est lié aux activités de bienfaisance de l’organisme.
J’ai averti de nombreux groupes avec lesquels j’ai travaillé de bien veiller à ne pas mettre trop l’accent sur les médias sociaux, les campagnes et les pétitions. Ils ont manifestement la possibilité d’attirer l’attention des médias et des politiciens ainsi que de mobiliser l’opinion de la base. La réalité, c’est que pour vraiment produire un effet, ces campagnes fondées sur les réseaux sociaux doivent souvent s’appuyer sur des nombres remarquables. Sinon — par exemple, si des militants tiennent une pétition pour démontrer que des centaines de milliers de personnes appuient une mesure particulière, mais que quelques centaines de personnes seulement la signent —, cela devient une admission très publique de l’absence de soutien de la population.
Il y a toujours eu un déséquilibre au Canada entre la capacité relative des organismes d’intérêts pouvant miser sur de bonnes ressources et ceux qui ne peuvent pas tant le faire, pour ce qui est de jouer un rôle actif dans les activités liées à la politique publique. Même si le pouvoir des dons en argent aux partis politiques a été très restreint au fil des années, grâce aux changements apportés à la Loi électorale du Canada — qui font que les sociétés, syndicats et associations professionnelles ne peuvent pas faire de dons —, il n’y a pas de limite semblable quand il s’agit de faire appel à des ressources professionnelles bien informées et chevronnées comme des lobbyistes-conseils, des avocats et autres spécialistes des politiques publiques. Souvent, seul un nombre relativement faible d’ONG et d’organismes de bienfaisance peuvent se permettre de telles ressources.
S’il est ainsi possible d’uniformiser les règles du jeu, éliminer la règle des 10 p. 100 pourrait en valoir la peine, car les organismes de bienfaisance hésiteraient beaucoup moins à s’adonner à des activités de défense d’intérêts.
J’aimerais souligner une dernière chose qui n’est pas directement liée à votre mandat, mais qui a des incidences sur le secteur des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance. Le gouvernement fédéral va très bientôt lancer un examen quinquennal de la Loi sur le lobbying fédérale. Diverses modifications à la loi seront alors envisagées, notamment une modification qui éliminerait ce qu’on appelle la règle des 20 p. 100, qu’il ne faut pas confondre avec la règle des 10 p. 100 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il n’est pas étonnant que les gens soient souvent mêlés.
Selon la règle des 20 p. 100 de la Loi sur le lobbying, un organisme dont un employé ou, cumulativement, un groupe d’employés consacre 20 p. 100 ou plus de son temps à des activités définies comme étant du lobbying doit s’enregistrer en vertu de la loi. Cette modification, si elle est adoptée, pourrait signifier que des centaines, peut-être des milliers de petits organismes sans but lucratif qui ont même seulement des relations temporaires avec le gouvernement fédéral seraient tenus de s’enregistrer et de rendre périodiquement des comptes en vertu de la loi. Cela pourrait représenter de véritables maux de tête inutiles pour bon nombre de ces organismes de bienfaisance et ONG.
En même temps, l’une des autres idées de modifications qui pourraient être soulevées au cours de l’examen de la Loi sur le lobbying est l’exemption complète de tous les organismes de bienfaisance. L’idée n’est pas nouvelle. Certaines provinces ont déjà une exemption en vertu de la Loi sur le lobbying, pour l’enregistrement des organismes de bienfaisance ou des ONG non commerciales. Cela pourrait atténuer le fardeau des organismes de bienfaisance mentionnés précédemment, mais il faut aussi envisager cela dans le contexte de la transparence et des activités de défense d’intérêts des organismes de bienfaisance, sur le plan des politiques publiques. C’est un autre des compromis qu’il reste à faire dans l’univers complexe des politiques et de la prise de décisions.
Je serai ravi de répondre à vos questions. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Moore.
Susan Manwaring, associée et chef, groupe Impact social, Miller Thomson LLP, à titre personnel : Merci, monsieur le président.
C’est pour moi un plaisir de comparaître devant vous encore une fois. Comme vous le savez, je suis associée au cabinet d’avocats Miller Thomson. J’exerce le droit des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif. Je travaillais comme fiscaliste auparavant. Je connais assez bien les enjeux réglementaires. Je fais partie des cinq personnes à avoir siégé au Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, et je souhaite saisir l’occasion pour remercier les membres du comité, et tous les sénateurs, de leur examen attentif de la question, de même que de leur appui subséquent au projet de loi C-86, qui contenait des dispositions permettant de mettre en œuvre pratiquement toute la recommandation 3 du rapport du groupe de consultation.
En préparation de mon exposé d’aujourd’hui, je me suis fondée sur cette prémisse pour m’éloigner un peu de la discussion sur l’activité politique. J’espère ne pas vous décevoir; je serai heureuse d’entendre vos commentaires sur l’activité politique aussi. Je savais que le projet de loi C-86 avait reçu votre appui, donc je voulais saisir l’occasion de mettre en relief quelques autres problèmes.
J’en profiterai donc pour souligner que la résolution de ces autres problèmes concorde de bien des façons avec les mesures que nous préconisons dans le dialogue sur la politique publique, qui mettent l’accent sur les objectifs caritatifs plutôt que sur les activités elles-mêmes.
J’ai quatre éléments à mentionner. Le premier est la génération de revenus et la destination des fonds, une question dont vous avez déjà entendu parler. Le deuxième est le retrait des contraintes sur « les propres activités » des organismes de bienfaisance ou des exigences sur la direction et le contrôle qui s’appliquent, en vertu de la réglementation, lorsqu’un organisme de bienfaisance travaille avec un autre type d’organisme pour atteindre ses buts. Les deux derniers éléments concernent moins la mission caritative et davantage le contingent des versements et la Cour canadienne de l’impôt.
Prenons d’abord la génération de revenus. Les règles actuellement en vigueur à ce sujet sont désuètes et méritent, selon moi, une bonne mise à jour. De nos jours, les organismes de bienfaisance ont besoin d’une plus grande marge de manœuvre pour générer les revenus dont ils ont besoin pour mener leurs activités et ce, pour de nombreuses raisons outre la stabilité financière.
Les théories sur l’aide aux personnes dans le besoin ont changé de telle sorte que nous devons repenser la génération de revenus. Par exemple, les organismes de bienfaisance qui souhaitent offrir des logements abordables aux personnes vivant dans la pauvreté sont contraintes d’utiliser des structures juridiques complexes parce que l’organisme de réglementation estime, selon son interprétation de la common law et de la Loi de l’impôt sur le revenu, qu’un organisme de bienfaisance ne peut pas posséder un établissement à usage mixte parce que l’aspect commercial du logement abordable ne fait pas partie de sa mission de bienfaisance.
Toute personne qui travaille dans la lutte contre la pauvreté et cherche à soulager les gens dans la pauvreté sait que selon les théories actuelles, ce n’est pas constructif d’isoler les pauvres dans des édifices qui leur sont réservés exclusivement. Il serait donc non seulement financièrement avantageux pour un organisme de bienfaisance d’administrer un établissement à usage mixte, mais cela contribuerait à sortir des gens de la pauvreté et aiderait l’organisme à venir en aide aux démunis. Nous avons besoin d’un système qui permette de moderniser la façon dont les organismes de bienfaisance font ce qu’ils font le mieux, soit aider les gens.
Dans cet exemple, on pourrait utiliser l’approche de la destination des fonds. Si les surplus générés par la partie locative d’un projet servent à 100 p. 100 à financer l’établissement et à lui permettre d’offrir du logement abordable, cette façon de faire devrait être acceptable et permise.
Je veux dire par là que l’organisme de bienfaisance utiliserait ces fonds pour accomplir sa mission de bienfaisance.
Il y a beaucoup d’autres exemples dans lesquels le secteur serait gagnant si l’on pouvait tenir compte de la destination des fonds. Je ne suis pas la première à le proposer. Par exemple, la Fondation Muttart réclamait la même chose dans son mémoire.
Je crois qu’il serait temps de permettre à un organisme de bienfaisance de mener n’importe quel type d’activité génératrice de revenus, dans la mesure où il en utilise les profits pour accomplir sa mission de bienfaisance. Ainsi, on mettrait l’accent sur les fins auxquelles les fonds sont utilisés plutôt que sur la façon dont l’argent est recueilli. C’est l’essence du modèle australien en vigueur depuis 2008, après la décision rendue par la Haute Cour de l’Australie dans l’affaire Word Investments Ltd. À ma connaissance, ce régime aide beaucoup le secteur de la bienfaisance en Australie.
Mon deuxième élément est encore lié à l’opposition entre les mêmes activités et les objectifs, « ses propres activités » ou la direction et le contrôle. Je jumelle ces deux enjeux parce que je sais que dans certains mémoires, les témoins ont demandé qu’on élimine l’obligation des organismes de bienfaisance de se limiter à leurs « propres activités ». D’autres ont plutôt réclamé la suppression des exigences sur la direction et le contrôle. Je ne suis pas certaine que quelqu’un avant moi ait mentionné qu’il s’agit en fait d’une seule et même chose.
C’est parce que la loi dicte qu’un organisme doit mener ses propres activités que l’ARC affirme que la loi prescrit que quand un organisme de bienfaisance travaille avec un autre organisme, le premier doit avoir la direction et le contrôle des fonds qu’il accorde au projet si d’autres organismes peuvent y avoir accès. Si l’organisme de bienfaisance n’en a pas la direction et le contrôle, en vertu des dispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu, il peut soit dépenser l’argent lui-même, soit le donner à un autre organisme de bienfaisance enregistré.
Cette obligation crée un énorme fardeau administratif et impose la rédaction de conventions complexes, alors qu’il y a peu de preuves que cela permette de prévenir quelque tort que ce soit. De même, dans la plupart des cas, c’est contraire aux autres valeurs gouvernementales ou communautaires qui s’appliquent en l’espèce.
Prenons deux exemples. Le premier est celui d’un organisme de bienfaisance enregistré qui vient en aide à une Première Nation, au Canada, en matière de viabilité agroalimentaire. Le deuxième est celui d’un organisme de bienfaisance enregistré qui travaille à l’étranger, en développement, afin de permettre la construction et l’approvisionnement d’une école dans une communauté en développement. Selon les règles actuelles, dans le premier exemple, la Première Nation ne devrait accepter l’aide de l’organisme de bienfaisance que si celui-ci a la direction et le contrôle des dépenses. Pouvez-vous imaginer un instant, aujourd’hui, qu’un organisme de bienfaisance canadien dise à une organisation autochtone : « Nous pouvons vous accorder du financement, mais seulement si vous nous laissez diriger et contrôler les dépenses »? De même, dans un contexte de développement international, pouvez-vous imaginer l’organisme dire : « Je dois être propriétaire de l’école et de tout ce qu’elle contient »?
Dans les deux cas, je crois que si les organismes de bienfaisance agissaient ainsi, ils insulteraient le groupe qu’ils essaient d’aider. Pire encore, cela ne l’aiderait pas à atteindre ses buts caritatifs généraux. Malheureusement, c’est la situation que créent les directives de l’ARC, selon son interprétation de la loi et des règles existantes, particulièrement parce que la loi dicte, dans la définition d’organisme de bienfaisance, qu’il doit mener lui-même ses propres activités.
Il y a lieu de se demander si c’est bien nécessaire pour protéger l’argent recueilli à des fins caritatives. Je ne pense pas. Dans les deux cas, l’organisme de bienfaisance canadien peut exiger des rapports et des preuves pour attester du fait que l’argent est dépensé conformément à ses fins caritatives, même s’il n’exerce pas la direction et le contrôle des dépenses. Aux États-Unis, on parle de critères de responsabilité en matière de dépenses, et cela fonctionne. De même, au Royaume-Uni, les organismes de bienfaisance doivent fournir des preuves qu’ils savent que les fonds sont bel et bien dépensés dans le cadre des projets, et ils doivent obtenir des rapports leur permettant d’en faire un suivi, mais ils n’ont pas besoin de diriger ni de contrôler les dépenses.
Il faut également dire que le fait d’exiger la direction et le contrôle, dans ces cas, serait contraire aux politiques gouvernementales sur le travail avec les Premières Nations et les communautés à l’étranger. Affaires mondiales Canada a abandonné il y a déjà longtemps l’exigence d’une structure paternaliste quand il finance des projets de développement. Il est temps de laisser tomber l’exigence de « direction et de contrôle » pour les organismes de bienfaisance aussi. Nous souhaitons que le comité appuie cette mesure.
Concernant le contingent des versements, diverses questions ont déjà été soulevées devant le comité sur les taux de versements des organismes de bienfaisance. J’ai tout de suite pensé, en les entendant, à la pertinence de l’histoire des organismes de bienfaisance. Vous avez entendu mon associé Robert Hayhoe faire un exposé sur l’histoire du droit entourant la politique pour comprendre la situation d’aujourd’hui. Je dirais que cela s’applique bien dans ce cas-ci.
L’idée que les investissements et les autres actifs doivent être perpétuellement conservés remonte aux premières discussions sur les organismes de bienfaisance tenues il y a plus de 400 ans. L’idée était que le besoin caritatif à combler existerait toujours, si bien qu’on voulait que l’organisme conserve toujours ses fonds. Les investissements demeurent une priorité aujourd’hui pour assurer la viabilité à long terme des organismes de bienfaisance.
Le taux actuel du contingent des versements de 3,5 p. 100 est un taux de rendement des investissements considéré prudent dans une perspective historique. À une certaine époque, il avait été porté à 4,5 p. 100, mais il a été rabaissé en raison de la chute des taux d’intérêts et des taux de rendement. Les organismes de bienfaisance avaient du mal à respecter ce contingent parce que les dons qu’ils recevaient étaient assujettis aux conditions applicables en common law. Ils ne pouvaient pas dépenser de capital, seulement des revenus.
Il semble aujourd’hui que le taux exact des versements devrait être établi à la lumière de l’histoire et de l’objectif des règles existantes. Si vous modifiez quoi que ce soit à cet égard, il serait peut-être bon de prévoir établir le taux des versements par règlement plutôt que dans la loi elle-même. Si les taux de rendement devaient varier beaucoup et remonter à 18 ou 20 p. 100 — ce que je ne souhaite pas, parce que cela signifierait que les taux d’intérêt augmentent aussi, mais c’est ce qui est arrivé dans les années 1990...
Le président : Personne ici ne le souhaite.
Mme Manwaring : Non, personne ne le souhaite, vous avez raison. Je le propose parce que le taux de rendement pourrait éventuellement changer et que cette formule nous permettrait de changer aussi les taux de versement.
Pour le reste, il ne faut pas oublier toute l’histoire et le raisonnement derrière cela.
Enfin, j’aimerais appuyer les positions exprimées devant le comité selon lesquelles c’est la Cour canadienne de l’impôt qui devrait entendre les affaires de révocation et de refus d’enregistrement, plutôt que la Cour d’appel fédérale. En toute déférence pour la Cour d’appel fédérale, le problème n’est pas qu’il nous faille une cour différente, mais plutôt que la Cour d’appel fédérale applique des critères de contrôle judiciaire tels qu’elle ne se demande pas si c’est la bonne réponse, mais si la réponse est une conclusion raisonnable compte tenu des faits. Si ces affaires étaient plutôt soumises à la Cour canadienne de l’impôt, les parties auraient droit à une audience en bonne et due forme du tribunal.
J’aimerais vous citer l’exemple d’une affaire récente, celle des Credit Counselling Services of Atlantic Canada Inc.. La question soumise au tribunal était une question de révocation. L’organisme était déjà un organisme de bienfaisance. La Cour d’appel fédérale, quand elle s’est demandé s’il s’agissait d’un organisme de bienfaisance, a conclu que la « prévention » de la pauvreté ne constituait pas un « soulagement de la pauvreté ».
À mon avis, voilà une nouvelle preuve que l’absence d’audience en bonne et due forme crée de mauvais jugements. Le tribunal s’est penché sur l’activité, qui consistait à aider des personnes au bord de la faillite à trouver une façon de gérer leurs créances de manière à ne pas faire faillite et ainsi, à garder leur famille et leur maison, plutôt qu’à atteindre formellement le but de soulagement de la pauvreté. Cela me fait penser à l’ancienne façon de voir le « soulagement de la pauvreté », qui prenait la forme de dons aux pauvres, plutôt que d’une réflexion sur tout ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour soulager la pauvreté de manière à aider les gens.
Aujourd’hui, on estime qu’une excellente façon de soulager les gens de la pauvreté, c’est de faire en sorte qu’ils ne s’appauvrissent pas au départ, si possible.
L’une des caractéristiques de longue date de la common law sur les organismes de bienfaisance, c’est que la conception de l’organisme de bienfaisance doit évoluer avec les perceptions de la société. Il n’y a pas de position d’origine absolue selon laquelle les choses doivent toujours rester les mêmes.
Quand je pense à cette affaire, je me demande si la loi nous permettrait seulement d’aider les personnes malades, de sorte qu’un organisme de bienfaisance ne pourrait pas travailler à prévenir la maladie au départ. Les organismes de bienfaisance ne devraient-ils pas avoir droit à une audience en bonne et due forme dans un cas de refus d’enregistrement parce qu’un organisme souhaite atteindre ses objectifs de façon novatrice, ou en cas de révocation du statut de bienfaisance parce qu’un organisme a adopté une nouvelle approche pour accomplir sa mission?
Il est temps que les organismes de bienfaisance aient le pouvoir de contester les décisions de l’organisme de réglementation dans le cadre d’une audience en bonne et due forme. Je crois qu’ils devraient être entendus devant la Cour canadienne de l’impôt. D’autres contribuables comparaissent devant ce tribunal, pourquoi pas les organismes de bienfaisance?
Je serai ravie de répondre à vos questions sur ces thèmes ou sur tout ce qui touche l’activité politique, si vous souhaitez revenir à cet enjeu aussi. Merci beaucoup.
Le président : Je vous remercie tous deux de vos exposés. Passons maintenant aux questions.
Je rappelle à mes collègues que nous vous accordons sept minutes pour les questions et les réponses. Il est toujours judicieux de garder les questions et les réponses simples pour que nous puissions poser le plus de questions possible.
La sénatrice Omidvar : Merci. Madame Manwaring, je pense que vous devriez avoir un bureau ici, parce que vous êtes ici très souvent.
Je suis la première à me réjouir du fait qu’on aborde d’autres enjeux tout aussi importants que les activités politiques. Nous sommes accaparés par le dialogue sur la politique publique non partisane.
J’ai deux questions très différentes à poser à chacun d’entre vous pendant mes sept minutes.
La question de la direction et du contrôle n’a pas vraiment été abordée en profondeur. Je suis très heureuse que vous la souleviez. Si le comité recommandait de revoir le processus qui entoure le travail des organismes de bienfaisance avec d’autres types d’organismes — la plupart du temps des organismes à but non lucratif —, quelles pourraient en être les conséquences involontaires, d’après vous? Nous essayons toujours de trouver un équilibre.
Mme Manwaring : La crainte qu’ont certains, c’est que l’organisme de bienfaisance donne son argent à un quelconque organisme à but non lucratif, au Canada ou à l’étranger, puis que l’argent serve à financer des activités sans but caritatif.
Selon mon expérience, ce ne serait pas plus probable sans les règles actuelles que sous leur régime. Si quelqu’un au Canada ou ailleurs voulait prendre cet argent pour faire quelque chose d’inapproprié, il pourrait déjà le faire, malgré les dispositions sur la direction et le contrôle, parce que c’est très difficile à retracer.
La modification des règles accroîtrait la marge de manœuvre et permettrait d’éliminer les actifs consacrés à l’administration et à la tenue de dossiers. Les organismes de bienfaisance pourraient alors trouver des façons plus novatrices de travailler et de déployer leurs programmes avec de tierces parties. Les tierces parties pourraient devenir responsables des projets, à la condition de produire des rapports. Ce genre d’entente serait très semblable aux conventions qu’un organisme de bienfaisance signe lorsqu’il accorde une subvention à un autre organisme de bienfaisance. Il y aurait des exigences de rapport. Les parties devraient faire preuve de diligence, et le financement pourrait parvenir par versements. De cette façon, les organisations pourraient exercer un contrôle et être informées du projet lui-même.
Cela permettrait d’en faire beaucoup plus, peut-être même beaucoup plus que nous ne pouvons l’imaginer dans le contexte actuel.
La sénatrice Omidvar : Serait-il juste de présumer que dans l’ensemble, les organismes de bienfaisance signent des conventions qui leur assurent la direction et le contrôle des dépenses seulement avec des organismes à but non lucratif ou leur arrive-t-il parfois, selon votre expérience, de s’aventurer hors de cet espace et de conclure des contrats avec des instituts de recherche ou même des journaux d’intérêt public, par exemple?
Mme Manwaring : Il y a toutes sortes d’ententes possibles. On sait qu’il y a des organismes de bienfaisance qui engagent des sociétés à but lucratif pour faire certaines choses. Ils ne sont pas limités. S’ils retiennent les services d’une autre organisation, ils peuvent embaucher une personne ou un groupe de défense, qui fera le travail visé pour eux. Il doit s’agir d’activités de bienfaisance. C’est très conforme aux critères de responsabilité en matière de dépenses. Si un organisme embauche quelqu’un pour mener ses activités de bienfaisance, nous exigeons que l’organisme de bienfaisance exerce le contrôle des dépenses d’une manière ou d’une autre.
J’hésite à m’avancer. Je le sais, parce que j’ai tellement de clients qui le font. Dans bien des cas, c’est compliqué. Il y a des conventions en place, mais l’organisation sur le terrain doit pouvoir prendre des décisions et assurer le bon fonctionnement du projet.
Ce genre de convention existe déjà aujourd’hui, mais ce n’est pas vraiment efficace. La responsabilité en matière de dépenses serait mieux adaptée à la façon dont les organisations travaillent.
La sénatrice Omidvar : Merci. J’y reviendrai peut-être au second tour.
Monsieur Moore, je vous remercie de votre déclaration. Je suis au courant de ce que vous faites depuis au moins 15 ans. Vous avez dit une chose en particulier, et je souhaite nous rappeler à tous que ce comité se concentre sur les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif, bien que j’aie l’impression que les organismes à but non lucratif sont toujours un peu laissés pour compte, même si nous en parlons. Vous avez dit que nous devrions nous concentrer sur la façon de simplifier les processus. Vous pouvez peut-être préciser un peu ce que signifie cette recommandation, en gardant en tête qu’il faut que vos exemples s’appliquent à la fois aux organismes de bienfaisance et aux organismes à but non lucratif. Sur quels détails voudriez-vous que nous nous penchions en particulier?
M. Moore : En ce qui concerne le financement, les ententes de financement, et cetera, comme nous le savons, il y a quelques années, un groupe d’experts a formulé quelques recommandations et certaines d’entre elles ont été adoptées par le gouvernement pour simplifier le processus de subventions et de contributions. J’entends encore des plaintes à ce sujet de la part de certains des groupes avec lesquels je travaille. En effet, les demandes et les formulaires contiennent de nombreux détails qui sont différents de tout autre type de formulaires qu’ils ont eu à utiliser. Un mouvement a été créé dans le secteur des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance pour tenter d’uniformiser tous ces formulaires de déclaration, afin qu’ils n’aient pas à les remplir de différentes façons. C’est un exemple parmi d’autres.
Si vous avez déjà eu à répondre à une demande de propositions par le gouvernement, que ce soit pour l’approvisionnement ou des services — il y a longtemps que je suis convaincu que les personnes qui rédigent ces demandes de propositions n’ont jamais eu à y répondre. Et par conséquent, les demandes de propositions se font au sein d’un comité et tous les membres proposent une liste de souhaits et cela devient pratiquement impossible à gérer. Ce processus décourage beaucoup les groupes.
Je ne dis pas qu’il existe nécessairement une solution par voie législative. Mais je pense qu’à long terme, il serait utile qu’un organisme comme le Sénat formule des recommandations précises sur la simplification des demandes et des systèmes de rapports.
À la fin de ma présentation, je cite un autre exemple d’une exigence en matière de rapports à laquelle les petits organismes sans but lucratif pourraient avoir à faire face, c’est-à-dire si on modifie les exigences prévues dans la Loi sur le lobbying pour obliger pratiquement tous les organismes de bienfaisance du Canada à s’enregistrer en vertu de cette loi s’ils ont des contacts avec le gouvernement, aussi limités soient-ils. Ce serait un fardeau inutile. Cela ne fait peut-être pas partie du mandat du comité, mais à titre de sénateurs, vous serez probablement saisis de cette loi, car son renouvellement devra faire l’objet d’un examen au Sénat à un moment donné.
Il y a donc plusieurs exemples de ce genre. Ils sont partout, car ce n’est pas seulement lorsqu’on fait affaire avec les gouvernements. Lorsqu’il faut traiter avec les grands organismes et les grandes entreprises, la quantité de processus auxquels les gens sont soumis est décourageante. Cela nuit également à la conformité. On encourage plutôt les gens à contourner ces processus et rien de tout cela ne représente une bonne politique publique.
Votre comité peut-il faire quelque chose d’autre qu’offrir une persuasion morale dans ses recommandations? Je n’ai pas de suggestions à formuler sur le plan législatif. Encore une fois, c’est un problème qui a des répercussions bien au-delà du secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif.
Le sénateur R. Black : Avez-vous des idées qui viennent d’autres États? À la fin de la dernière intervention, vous avez dit que vous n’aviez pas d’idées sur le plan législatif. Avez-vous observé d’autres initiatives utilisées par d’autres États que nous pourrions imiter ou dont nous pourrions nous inspirer?
M. Moore : J’ai notamment mentionné que quelques provinces — je crois que l’Alberta est l’une d’entre elles, et je parlais à un avocat de l’Alberta qui se trouve derrière moi et qui m’a dit que cela pourrait être un peu différent de l’idée que je me suis faite — sont exemptées des exigences relatives à l’enregistrement des lobbyistes, par exemple pour les organismes de bienfaisance ou les ONG non commerciales. Une ONG non commerciale serait une ONG qui n’a pas de membres du milieu des affaires.
Cela faciliterait les choses, même si je tiens à souligner que cela se ferait aux dépens de la transparence. Dans le secteur des organismes de bienfaisance, on parle aussi de la nécessité de faire preuve de transparence dans les activités. La Loi sur le lobbying couvre ce principe.
Quels autres changements, quels autres États? Encore une fois, cela ne revient pas seulement au gouvernement. On espère que d’autres bailleurs de fonds le feront — et un grand nombre d’ONG et d’organismes de bienfaisance reçoivent leur fonds de fondations. Certains de leurs processus de demandes et de rapports sont aussi très coûteux.
Je viens tout juste de terminer des travaux avec une fondation portugaise et sa demande de propositions a trois pages. L’organisme voulait une proposition de cinq pages. Il n’y avait pas d’information sur les rapports financiers des ONG et des organismes de bienfaisance. Certaines organisations tentent de simplifier le processus et de fonctionner avec des principes plutôt qu’avec des règlements détaillés.
Le sénateur R. Black : J’ai une autre question pour Mme Manwaring. Je vous remercie de votre explication sur les quatre catégories dont vous avez parlé. Certains sous-groupes d’organismes de bienfaisance profiteraient-ils davantage des changements que vous suggérez ou en profiteraient-ils moins? Y a-t-il des groupes qui trouveraient que ce sont de très bons changements ou, au contraire, de très mauvais changements?
Mme Manwaring : Je crois que nous avons deux grandes catégories d’organismes de bienfaisance, c’est-à-dire les bailleurs de fonds, ou les fondations, et les exécutants. Le processus qui consiste à générer des revenus à partir de programmes et d’utiliser ces revenus à des fins charitables pourrait aider les organismes exécutants, et certains plus que d’autres, tout simplement en raison de la nature de leurs activités. Par exemple, si vous êtes un organisme de réinstallation qui offre un programme de formation dans lequel vous formez des gens pour travailler dans les cuisines et que vous pouvez aussi avoir un service de traiteur qui appuie vos activités, vous serez plus susceptibles d’utiliser ce service que d’autres.
Ils pourraient certainement tous utiliser cela.
Cela fonctionne d’une manière semblable pour les organismes à but lucratif. Nous voyons souvent cela dans le milieu du développement international. Les organismes de ce secteur travaillent avec des organismes de bienfaisance dans d’autres régions du monde, mais étant donné qu’ils ne sont pas enregistrés au Canada, notre système considère toujours qu’il s’agit de donateurs non reconnus — c’est la terminologie que nous utilisons. Ce groupe pourrait profiter de ce changement. Les organismes qui travaillent avec les Premières Nations et d’autres types d’organismes à but non lucratif qui mènent des activités à l’échelle communautaire au Canada et qui ne sont pas des donateurs reconnus pourraient également en profiter. On en profiterait en général un peu partout.
Les taux de contingent des versements est plus élevé pour les fondations que pour les autres. En effet, elles doivent toutes remplir un contingent des versements. La Cour de l’impôt s’appliquerait partout.
Le sénateur Duffy : J’aimerais remercier les deux témoins de nous faire profiter de leur expertise.
Pour revenir aux fondements, l’un des enjeux dont nous avons entendu parler au début de nos audiences concernait la diminution du nombre de donateurs aux organismes de bienfaisance au Canada. Avec le vieillissement de la génération du baby-boom, la demande des services offerts par les organismes de bienfaisance et sans but lucratif augmentera.
Avez-vous des idées sur la façon d’inverser cette tendance? Comment intéresser davantage les jeunes? Ils sont très connectés socialement.
Monsieur Moore, vous avez parlé des médias sociaux. J’ai tendance à être d’accord avec vous, c’est-à-dire qu’une personne qui reçoit de nombreux courriels — tous les sénateurs reçoivent de nombreux courriels —, finit par se demander s’il y a vraiment quelqu’un qui écrit ces courriels ou si ce sont seulement des pourriels générés par des enfants quelque part.
Il me semble que la prévalence de ces appareils représente une occasion à saisir. Comment pouvons-nous convaincre cette génération de participer?
Mme Manwaring : J’aimerais répondre à cette question. Lorsque le tragique accident d’autobus à Humbold est arrivé, près de 16 millions de dollars ont été recueillis en moins d’un mois, sans aucun incitatif fiscal. C’était du financement collectif; ce n’était pas une œuvre de bienfaisance.
Je soulève ce point, car il est possible que ce soit la modernisation et le travail que vous faites pour aider à moderniser les règles en vue d’aider les organismes de bienfaisance à faire preuve d’un peu plus de souplesse, à faire les choses différemment. Le groupe de travail sur le financement social et l’innovation sociale a été un peu exclu de la discussion sur les organismes de bienfaisance. Je crois que les jeunes veulent qu’on modifie un peu la façon de fonctionner.
Je crois qu’il y a toujours un intérêt à cet égard. Il se peut que la façon dont on donne aux organismes soit différente. Je crois qu’une plus grande souplesse — j’ai souvent conseillé des centres d’innovation pour les jeunes qui veulent lancer des activités d’intérêt communautaire ou public. Ils ont l’impression que les règles régissant le secteur de la bienfaisance datent des années 1600 — et c’est l’époque à laquelle elles ont commencé — et ils résistent. Ils commencent à faire les choses différemment.
Je ne veux pas que nous perdions les éléments importants du secteur des organismes de bienfaisance, car ces derniers servent fondamentalement à aider nos collectivités et notre population. Nous voulons nous assurer de les encadrer de façon appropriée pour éviter la mauvaise utilisation des fonds, mais si nous leur permettons de faire preuve de plus d’innovation, nous verrons une différence avec le temps.
Le président : J’aimerais revenir au commentaire de la sénatrice Omidvar, lorsqu’elle a parlé des organismes de bienfaisance et sans but lucratif et qu’elle a dit que les organismes sans but lucratif étaient laissés-pour-compte dans ce cas-ci.
Dans le cadre de ses responsabilités, notre comité doit également analyser la question des bénévoles. C’est une question très importante. Comment pouvons-nous interpréter le changement d’attitude chez les jeunes?
La catastrophe qui s’est produite à Humboldt est un excellent exemple. On a amassé beaucoup d’argent en peu de temps sans structure, à part le fait qu’il y avait une structure, car c’était dans...
Mme Manwaring : C’était dans un seul endroit.
Le président : Comment réagissons-nous à cela de façon générale? Cela se produira dans d’autres collectivités.
Mme Manwaring : Ce qui est intéressant dans le cas de Humboldt, c’est que la Saskatchewan est la seule province qui a adopté une loi qui contient des règlements qui encadrent l’utilisation des fonds amassés. Les autres provinces n’ont aucun cadre législatif à cet égard.
La province a adopté cette loi en 2014, avant que la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada n’ait recommandé que toutes les provinces adoptent une loi sur les appels publics pour qu’il existe un certain type de contrôle sur l’utilisation de ces fonds. La Saskatchewan est la seule province à l’avoir adoptée. Je tenais seulement à le préciser.
Le sénateur Duffy : J’aimerais prendre cela en note. Comment s’appelle cette loi?
Mme Manwaring : Je crois qu’il s’agit de la Loi uniforme sur les appels informels aux dons du public. Je vais l’envoyer à Kevin.
Le sénateur Duffy : Étant donné que les organismes de bienfaisance relèvent des provinces, cette loi serait mise en œuvre par toutes les provinces.
Mme Manwaring : En fait, ce n’est pas ce qui s’est produit, car ce sont les biens destinés à des fins de bienfaisance. Cela ne s’applique pas à ce type de financement collectif organisé par un organisme de bienfaisance enregistré, car nous avons la Loi de l’impôt sur le revenu et les règles applicables aux organismes de bienfaisance enregistrés. Cela s’applique au financement collectif pour les appels publics informels pour les organismes autres que les organismes de bienfaisance.
Je ne le savais pas. Quelqu’un m’avait consulté sur ce qu’il fallait faire avec tout cet argent, et j’ai ensuite appris que la Saskatchewan avait adopté cette loi. C’est la raison pour laquelle le tribunal s’occupe de la répartition de ces fonds dans cette province.
Il existe des mécanismes, mais comment convaincre les jeunes de participer et de contribuer au secteur est une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre par l’entremise d’une législation. La communauté doit se demander comment aborder ce sujet.
Le président : Le monde continue de changer.
Mme Manwaring : Exactement.
Le président : Autrefois, les jeunes participaient à toutes ces choses. C’était une activité sociale en plus d’aider la communauté. C’était la même chose pour l’engagement politique. C’était une activité agréable. De nombreuses relations et amitiés se sont nourries de la participation à des activités de bienfaisance ou de l’engagement politique pendant toute une vie.
Mme Manwaring : Je crois que cela se produit toujours, car j’observe cela dans certains centres d’innovation où les jeunes se rassemblent et inventent des applications pour aider leur collectivité. Nous ne voyons pas les choses de la même façon. Je ne sais pas ce que nous devons saisir, mais je suis d’accord avec vous.
Le sénateur Duffy : Un autre enjeu qui se trouve à l’arrière-plan des nouvelles et dont nous devrons nous occuper à un certain moment concerne la transformation de journaux en organismes de bienfaisance. Comment cela affectera-t-il le secteur de la bienfaisance? Combien d’argent cela enlèvera-t-il à d’autres activités utiles? Y a-t-il suffisamment d’argent pour tout le monde? De quels types de règles ou de règlements avons-nous besoin pour faire face à ce nouveau développement?
Mme Manwaring : Je serais heureuse de répondre à cette question. J’ai récemment participé à une réunion à laquelle se trouvaient des Américains qui sont plus avancés dans ce domaine. Ils avaient déjà commencé le financement en se servant de l’exemption d’impôt prévue dans l’alinéa 501(c)(3)s du Service interne du revenu des États-Unis. C’est du journalisme public, indépendant, fondé sur les faits et à but non lucratif.
Une femme a présenté un argument très convaincant sur l’intérêt public de ce type de journalisme. On considère qu’il s’agit d’un bienfait d’intérêt public.
Le président : NPR?
Mme Manwaring : NPR est l’un d’entre eux. Elle venait d’un groupe de journalisme à but non lucratif. C’est une association. Je ne pense pas nécessairement que cela détournera les gens qui s’intéressent au développement international de cette voie. C’est difficile à déterminer. Dans la mesure où l’on juge que les nouvelles sont d’intérêt public tant qu’elles sont impartiales, indépendantes et fondées sur des faits, on pourrait comprendre comment des collectivités pourraient vouloir les appuyer si nous perdons la capacité d’offrir cela dans un modèle à but lucratif. Non pas parce que les nouvelles ont moins de valeur, mais parce que la plateforme par laquelle elles sont produites est trop chère ou ne fonctionne plus. Nous avons maintenant un autre moyen d’offrir cela.
Le sénateur Duffy : CBC/Radio-Canada pourrait faire valoir qu’elle arrive dans ce milieu. Nous avons entendu divers intervenants de la presse écrite se plaindre qu’en fait, CBC/Radio-Canada a embauché des journalistes de la presse écrite qui ont été mis à pied, des chroniqueurs d’opinion, et cetera. CBC/Radio-Canada a élargi son mandat au-delà de la radiodiffusion pour devenir un journal sur une tablette électronique. La semaine dernière, une personne a écrit une lettre d’opinion — je crois que c’était dans Post Media —, dans laquelle elle disait à la société d’arrêter de lui enlever son moyen de subsistance, car elle est déjà subventionnée.
Les règlements actuels suffiront-ils pour faire face à cette situation?
M. Moore : Je pense qu’il faudra prendre de nouveaux règlements. Lorsqu’il s’agit de ce que j’appelle l’industrie de l’argumentation, c’est-à-dire les journaux dans une certaine mesure, les organismes de revendication, les gens qui se font concurrence pour influencer l’opinion publique et les politiques publiques, ce milieu change aussi très rapidement avec la technologie, et nous le savons tous. À mon avis, de gros efforts seront déployés pour créer d’autres médias sans but lucratif — mais on ne sait pas s’ils seront fondés sur des faits ou non — pour participer à ces débats. Je pense qu’on en verra probablement beaucoup, pas chez les acteurs habituels de la politique de centre-gauche, mais plutôt chez la droite. À un moment donné, je pense qu’il faut établir des critères. Je ne sais pas si le gouvernement y pense en ce moment. Il faut établir d’autres lignes directrices ou d’autres principes pour s’assurer que la situation ne devienne pas incontrôlable.
En ce qui concerne un autre point que vous avez soulevé, sénateur, au sujet de la baisse des dons — et encore une fois, vos recherchistes en savent probablement beaucoup plus que moi sur le sujet —, je me souviens d’avoir lu, dans les recherches que j’ai menées il y a quelque temps qu’il y a une corrélation entre la baisse des dons de bienfaisance et la baisse dans la fréquentation des églises et l’adhésion aux religions organisées. Est-ce que quelque chose remplacera ces activités? Je pense que la réponse n’est pas tant les organismes de bienfaisance que les entreprises sociales, dont l’objectif est de faire des choses que certains organismes de bienfaisance, si ces choses étaient considérées comme étant des œuvres de bienfaisance, tenteraient d’accomplir. Les gens tentent donc d’accomplir ces choses par l’entremise d’une entreprise sociale pas nécessairement à but non lucratif et pas nécessairement à des fins de bienfaisance. Par exemple, l’un des plus grands domaines d’activités de centres d’innovation comme le MaRS Centre à Toronto ou de certains autres centres est celui des entreprises sociales. J’ai fait affaire avec six d’entre elles à Montréal il y a quelque temps pour faire la promotion d’un large éventail d’activités qui auraient dû intéresser les organismes de bienfaisance. Mais elles ne sont pas menées par des organismes de bienfaisance; elles sont menées par des entreprises sociales. Ces entreprises tentent de générer des dons, et pas nécessairement des dons à des fins de bienfaisance, pour financer ces activités. C’est un autre changement qu’on peut observer.
Le sénateur Duffy : Est-ce parce que les règles sont si strictes que les organismes de bienfaisance ne changent pas ou n’innovent pas? Se sentent-ils paralysés?
M. Moore : Les organisations qui sont des groupes de défense qui veulent devenir des organismes de bienfaisance me posent beaucoup de questions. Elles me demandent : « Devrions-nous devenir un organisme de bienfaisance? » La première chose que je leur dis, c’est de se trouver un avocat qui se spécialise dans ce type d’organisme, et je prends soin d’ajouter que ça coûte cher et que ça prend du temps. Lorsqu’elles découvrent tout ce qu’implique la présentation d’une demande à cet effet, beaucoup d’organismes choisissent un autre modèle. Susan est probablement mieux placée que moi pour répondre à cette question.
Mme Manwaring : Beaucoup d’entreprises à fonction sociale sont gérées par des organismes de bienfaisance. Le terme « entreprise à fonction sociale » n’a pas vraiment de définition. Comme le dit Sean, ces entreprises ont une foule de déclinaisons, mais disons que beaucoup d’entre elles œuvrent dans la bienfaisance. Je pense que cela dépend vraiment de ce qu’elles font.
La sénatrice Omidvar : Je vais poursuivre avec M. Moore, puis j’aurai une question à poser à Mme Manwaring.
Monsieur Moore, je vais m’en tenir aux rapports et à votre suggestion selon laquelle nous devrions nous efforcer de simplifier un peu la vie des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif. Quelqu’un a recommandé qu’il y ait un plafond quant à la quantité de rapports que les petits organismes de bienfaisance seraient tenus de soumettre comparativement à d’autres comme la University of Toronto Foundation. Pour l’instant, c’est la même chose. Que pensez-vous de cette recommandation?
M. Moore : Je pense qu’il faut tenir compte de la taille de l’organisme. C’est à peu près ça. La complexité des arrangements financiers de certaines de ces organisations devrait être un facteur à prendre en considération. Je ne dis pas qu’il ne devrait pas y avoir d’exigences en matière de rapports, mais on n’a qu’à penser à ce que certaines administrations ont fait pour simplifier de beaucoup les déclarations de revenus. Ce que je dis ne concerne pas tant les organismes de bienfaisance que les façons de faire en général. Encore une fois, lorsqu’il est question de produire des rapports, les plaintes qui reviennent très souvent, c’est que le volume et le type d’information que l’on demande aux organismes qui reçoivent de l’argent — et pas seulement le gouvernement, mais parfois aussi les fondations — nécessitent l’attention d’un professionnel des questions financières, d’un comptable. Les organismes disent que si on leur donnait des renseignements plus généraux, ce serait beaucoup plus facile pour eux.
Quel lien y a-t-il avec les nouvelles normes redditionnelles? Cela fait partie du problème. Les nouveaux concepts et les nouvelles normes de reddition de comptes et de transparence, qui sont en soi des objectifs valables, ont compliqué la situation. Je ne peux pas vous donner d’exemple particulier de ce que pourrait être un rapport allégé, un rapport plus ciblé. J’aurais aimé y avoir réfléchi avant de venir ici. Encore une fois, je reviens avec l’exemple de la fondation avec laquelle j’ai traité en Europe. Dans bien des cas, les rapports exigés des entrepreneurs — je ne suis pas certain pour ceux qui sont exigés des bénéficiaires — sont d’une ou deux pages. Ils ne sont pas longs.
La sénatrice Omidvar : Merci. Si vous pensez à quelque chose en particulier, vous savez que vous pouvez toujours nous en faire part. Ma prochaine question s’adresse à vous deux, mais vous n’êtes pas tenus d’y répondre tous les deux.
Au cours du dernier mois environ, le gouvernement fédéral a posé d’importants gestes dans ce domaine, et il ne s’agit pas seulement de la levée des restrictions imposées au dialogue non partisan sur les politiques publiques. Il a créé un comité consultatif rattaché à l’Agence du revenu du Canada. À mon grand bonheur, il a aussi annoncé un fonds de 755 millions de dollars pour l’innovation sociale. Il y a un groupe de travail au Conseil privé qui s’occupe d’innovation sociale. Nous aurons désormais un groupe consultatif qui travaillera avec Revenu Canada. Ces pistes parallèles sont-elles utiles ou doivent-elles se rejoindre quelque part? En fin de compte, comme vous l’avez dit, ce sont souvent les organismes de bienfaisance qui pilotent la finance sociale, non?
Est-ce que cela va créer de la confusion? À votre avis, devraient-ils, à un moment donné, s’unir ou même fusionner?
Mme Manwaring : Je pense qu’ils doivent se parler. Je ne suis pas certain qu’ils devraient fusionner. Cela dépend d’un certain nombre de choses. L’Agence du revenu du Canada voit à la réglementation des organismes de bienfaisance. Il le fait dans le contexte de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le comité consultatif a pour fonction d’aider Revenu Canada à comprendre le monde dans lequel évolue ce secteur, qu’il s’agisse d’organismes de bienfaisance, d’organismes sans but lucratif ou des deux à la fois. Il est logique d’amalgamer l’innovation sociale, les entreprises sociales et la finance sociale parce que tout le monde est interpellé. Il y a une sorte de chevauchement ou de lien entre tous ces intervenants.
Je pense vraiment que cela est nécessaire, parce qu’un groupe de travail pourrait dire : « Nous devons faire toutes sortes de choses. » Si nous ne pouvons pas modifier le règlement pour que cela fonctionne, nous ne parviendrons jamais à une conclusion.
M. Moore : Ce qui m’a le plus impressionné au sujet du groupe de travail sur l’entreprise sociale et l’innovation sociale, c’est la dynamique, c’est-à-dire le processus d’engagement politique qui a mené à sa mise sur pied. Je ne l’ai pas mentionné dans mes observations parce que j’allais manquer de temps. C’est l’un des aspects intéressants de la façon dont beaucoup des politiques publiques d’envergure sont désormais mises au point. Il ne s’agit pas nécessairement de répondre à un lobbying à l’ancienne où quelqu’un propose une idée et rencontre des sénateurs, des députés et des fonctionnaires pour tenter de les en convaincre. Il s’agit plutôt d’un processus qui s’étend sur six ou neuf mois, et qui réunit le gouvernement et les parties concernées. Je pense que celui sur l’entreprise sociale a pris près d’un an, période durant laquelle se sont tenues plusieurs réunions où les intervenants ont échangé leurs vues sur la nature des problèmes et sur les options possibles. C’est une façon de faire qui, en fin de compte, permet de trouver une réponse, une solution à laquelle tout le monde peut adhérer.
C’est un travail qui demande beaucoup de ressources humaines, et on ne peut pas procéder comme cela pour tous les sujets. Il reste que pour moi, l’avenir de l’élaboration de politiques publiques vraiment efficaces passe par ce processus.
Je ne sais pas comment ces différents aspects s’articulent jusqu’à l’étape de la mise en œuvre et s’ils devraient tous se fondre en une seule et même chose. En ce qui concerne bon nombre des grandes questions dont nous traitons aujourd’hui, il faudra que les décideurs, y compris les fonctionnaires, aient un état d’esprit différent pour inviter les parties concernées à participer à leurs délibérations sur les orientations en matière de politiques publiques.
Cela se passe essentiellement dans le cadre d’un dialogue entre les Premières Nations et le gouvernement du Canada. C’est ce que l’on appelle la « cocréation de politiques ». C’est une tout autre question qui dépasse probablement votre mandat immédiat. Pour moi, c’est l’une des choses les plus intéressantes qui ont lieu en ce moment.
La sénatrice Omidvar : Ma dernière question à vous deux concerne les modifications apportées au projet de loi C-86 pour supprimer les restrictions appliquées au dialogue non partisan sur les politiques publiques. Il n’y a aucune mention d’un examen. Bon nombre des projets de loi que nous examinons stipulent que le gouvernement devra procéder à un examen après cinq ans.
Voudriez-vous que le gouvernement procède à un examen de cette modification particulière dans la loi ou d’autres modifications? Croyez-vous plutôt que cela devrait plutôt dépendre du comité qui sera mis sur pied pour conseiller l’Agence du revenu du Canada?
Mme Manwaring : Je ne sais pas comment on pourrait être contre la tenue d’un examen. Un examen doit porter sur...
La sénatrice Omidvar : Un examen prévu par la loi, ce qui est différent.
Mme Manwaring : Si c’est le comité consultatif qui procède à un examen pour s’assurer que nous avons fait les choses comme il faut, je suis d’accord. Nous avons souvent dit — et je l’ai entendu dire par M. Wyatt — que la Loi sur les banques est examinée tous les 10 ans. Pourquoi ne pas revoir la loi sur les organismes de bienfaisance tous les 5 ou 10 ans pour s’assurer qu’elle tient la route? C’est le genre de concept pour lequel j’aurais de la difficulté à imaginer un aspect négatif.
M. Moore : Je pense que c’est quelque chose de positif. On parle parfois de « loi de temporisation modifiée ». La loi n’est pas abrogée après cinq ans. La Loi sur le lobbying en est un exemple. Tous les cinq ans, le Parlement doit au moins s’interroger sur les modifications qu’il y aurait lieu d’y apporter. Je pense que c’est une étape utile de l’examen législatif.
La sénatrice Omidvar : Merci.
Le président : Je pense que vous avez suscité beaucoup de discussions. La société change et la façon dont les gens réagissent aux besoins de la société change. Le cas de Humboldt en est un exemple. Monsieur Moore, vous avez parlé de passer à l’étape de la mise en œuvre.
Malheureusement, le gouvernement aime que les choses soient structurées. Parfois, la société n’aime pas les structures. Nous devons trouver un moyen de fournir une structure assez simple pour que tout le monde puisse participer et reconnaître que les gens veulent des règles de mise en œuvre simples. Les longs formulaires qui étaient d’usage doivent disparaître.
Nous passons beaucoup de temps à essayer de simplifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin que les contribuables puissent répondre correctement aux questions qu’on leur pose. C’est quelque chose que nous ne faisons pas pour d’autres choses comme l’enregistrement et l’encadrement des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif.
C’est une grande tâche que nous nous sommes donnée. Vous nous avez beaucoup aidés. Votre contribution est appréciée. Je vous rappelle qu’en rentrant chez vous ce soir, si vous claquez des doigts et que vous vous dites « j’ai oublié de leur dire ceci ou cela », vous avez toujours la possibilité de nous communiquer ces observations par l’entremise de notre greffier. Si vous voyez quelque chose que nous avons manqué, n’hésitez pas à nous le signaler. Il y a beaucoup de choses que nous n’avons pas encore faites. Ne soyez pas timides. Nous estimons votre apport.
Distingués collègues, nous allons faire une pause et nous consulter brièvement avant de poursuivre.
(La séance est levée.)