Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance
Fascicule n° 14 - Témoignages du 8 avril 2019
OTTAWA, le lundi 8 avril 2019
Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 11 h 8, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.
Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur R. Black : Sénateur Robert Black, de l’Ontario.
Le sénateur Doyle : Sénateur Norm Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : D’autres sénateurs se joindront à nous. Comme d’habitude, des séances d’autres comités sont en cours.
Aujourd’hui, le comité poursuit son étude de l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et de l’impact du secteur volontaire au Canada. Il est important de parler des bénévoles aujourd’hui, car je crois comprendre que c’est la Semaine de l’action bénévole. En tant que bénévole et participant au secteur de longue date, j’estime qu’ils sont les champions de ce secteur. Ce sont eux qui font que les choses fonctionnent, il est donc approprié d’en parler aujourd’hui.
Pour le premier groupe, le comité a décidé qu’il serait pertinent de souligner que cette semaine est la Semaine de l’action bénévole, et quel meilleur moyen de le faire que d’inviter des organisations et des personnes qui comprennent l’importance des bénévoles, qui peuvent parler de leur propre expérience. À cette fin, nous avons le privilège de recevoir Mme Terry Anne Boyles, coprésidente de la Board Voice Society of BC; Mme Marilyne Fournier, directrice générale du Réseau de l’action bénévole du Québec; et Mme Irène Langlais, bénévole de la Société canadienne de la Croix-Rouge.
Nous accueillons également M. Jeff Boucher, coordonnateur, Sports de glisse adaptés Canada — Division de la capitale nationale; M. Matthew Chater, président national et chef de la direction et Mme Karine Pomilia Gauthier, membre du Conseil consultatif national sur le mentorat des jeunes de Grands Frères Grandes Sœurs du Canada; M. Michael Maidment, chef de la direction de la Banque d’alimentation d’Ottawa; Mme Sylvie Allard, vice-présidente à l’expérience clientèles d’Héma-Québec; et M. Miville Mercier, président de l’Association des bénévoles du don de sang du Québec.
Merci à tous d’avoir accepté notre invitation à comparaître. J’aimerais inviter les témoins à présenter leur exposé. Je tiens également à leur rappeler que, conformément aux instructions qui leur ont été données précédemment, l’exposé ne devrait pas durer plus de cinq à sept minutes. Nous accueillons beaucoup de monde ce matin. Après les exposés des témoins, il y aura une période de questions et de réponses, et chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser des questions avant que le président ne donne la parole à un autre sénateur. Il y aura autant de séries de questions que le temps le permettra. Les sénateurs n’ont pas besoin de se sentir obligés de poser toutes leurs questions en même temps, même si certains tenteront de le faire. Au cours de la période de questions et de réponses, je demanderais aux sénateurs d’être concis lorsqu’ils posent une question et aux témoins de faire de même lorsqu’ils répondront.
Nous allons commencer par Mme Boyles.
Terry Anne Boyles, coprésidente, Board Voice Society of BC : Bonjour.
Merci de me donner l’occasion de témoigner devant le comité. J’aimerais commencer en reconnaissant que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
Board Voice représente les voix collectives de plus de 700 administrateurs et dirigeants bénévoles d’organismes communautaires à but non lucratif qui fournissent des services sociaux en Colombie-Britannique, allant de la garde d’enfants à l’établissement des immigrants et des réfugiés jusqu’au logement social, en passant par les soins de santé mentale, les services aux personnes âgées, les cuisines communautaires, la consultation familiale, l’aide aux enfants et aux jeunes et le soutien offert tout au long de la vie aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Nos organisations s’occupent des déterminants sociaux de la santé.
Nos membres vont de petits organismes comme la Kootenay Boundary Community Services Cooperative à de grands fournisseurs de services en milieu urbain comme le Vancouver Aboriginal Friendship Centre Society, la B.C. Schizophrenia Society, l’Association Advocating for Women and Community et mon conseil d’administration d’attache de Family Services of Greater Vancouver.
Nos organismes membres et conseils d’administration bénévoles qui les dirigent sont des spécialistes pour ce qui est de reconnaître les difficultés auxquelles nos collectivités sont confrontées et y remédier. Nous savons que, si nous ne planifions pas en vue d’obtenir de meilleurs résultats sociaux et que nous ne cherchons pas les causes profondes de grands problèmes sociaux, comme les décès liés aux opioïdes, l’itinérance, la pauvreté, les enfants qui ont faim, l’isolement culturel et la disparition de logements abordables, des crises sociales néfastes continueront à se perpétuer.
Board Voice souhaite notamment partager sa réflexion sur trois domaines dans lesquels l’organisme a besoin de votre soutien. D’abord, le renforcement des conseils d’administration. Les dirigeants communautaires bénévoles qui siègent à des conseils d’administration à but non lucratif d’un bout à l’autre du pays jouent un rôle vital dans le renforcement des services sociaux, des soins de santé et du bien-être dans nos collectivités. En tant que responsables de nos organisations, les conseils d’administration ont des voix uniques pour exposer les problèmes des collectivités au gouvernement et créer un partenariat avec celui-ci dans le but de renforcer les collectivités. Les administrateurs du conseil disposent d’immenses réseaux personnels et professionnels pour susciter les changements nécessaires en plus d’assumer un devoir de responsabilité envers les personnes que nous desservons et les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et administrations municipales qui financent la plus grande partie de nos travaux.
Nous sollicitons votre soutien afin de renforcer notre capacité d’effectuer ce travail important, de participer à des occasions de perfectionnement comme celles proposées par la Board Voice Society of BC, que je copréside, et Vantage Point, entre autres, dans le but d’attirer une nouvelle génération d’administrateurs avec la diversité de compétences, d’origines, de cultures et d’expériences de vie qui enrichissent et reflètent nos organisations et la société complexe dans laquelle nous vivons. Nous donnons notre temps gratuitement, mais nous avons vraiment besoin de fonds pour soutenir davantage d’efforts axés sur le perfectionnement des conseils d’administration.
Viennent ensuite la réconciliation avec les peuples autochtones et leur reconnaissance. Board Voice s’efforce de recueillir le savoir, la sagesse et les conseils de nos amis, collègues, voisins, organisations et administrations autochtones. En tant que particuliers et dirigeants communautaires, nous reconnaissons le traumatisme intergénérationnel et les répercussions permanentes de la colonisation et nous nous efforçons d’élargir le débat public important; nous faisons notre part afin de suivre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation.
Les politiques fragmentées et les lois en vigueur des périodes coloniales ont toujours des effets tragiques sur les enfants, les familles et les collectivités que nous servons. Nos conseils d’administration de bénévoles ont besoin d’un soutien financier leur permettant de renforcer et d’accroître leurs connaissances et leur compréhension en ce qui concerne nos partenaires autochtones. Nous demandons le soutien du comité pour de telles initiatives.
Nous sommes vos partenaires. Chaque organisme à but non lucratif a vu le jour lorsque des gens ont constaté que leur collectivité ne répondait pas à un besoin, et ils se sont regroupés en tant que bénévoles afin d’apporter des changements. Le modèle à but non lucratif est un partenaire idéal dans la prestation de services et de soutien gouvernementaux, car nous sommes nés de la collectivité et réinvestissons chaque cent dans nos collectivités. Lorsque le gouvernement collabore avec nous, il s’associe également à tous les autres organismes communautaires à but non lucratif avec lesquels nous collaborons, ainsi qu’aux Premières Nations, aux gouvernements fédéral et provinciaux, aux administrations municipales et aux bailleurs de fonds privés.
Ensemble, nous jetons les bases d’un pays juste, équitable et en bonne santé pour tous. Nous espérons que vous conviendrez avec nous que le travail vital des services sociaux au Canada doit être effectué en partenariat avec des organismes communautaires à but non lucratif dirigés par des bénévoles, déterminés à bâtir de meilleures collectivités.
En dernier lieu, chaque Canadien a un rôle fondamental à jouer en ce qui concerne le renforcement des services sociaux dans nos collectivités. Les voix des administrateurs de conseil d’administration bénévoles des organismes de services sociaux communautaires de la Colombie-Britannique sont plus nécessaires que jamais. Nous vous demandons de célébrer ce secteur novateur passionné par son engagement de longue date à améliorer le bien-être de la collectivité et la santé sociale, et de nous soutenir dans ce travail essentiel.
Je parle ici du point de vue des bénévoles, mais nous tenons également à souligner que nous sommes conscients qu’Imagine Canada, Centraide, Bénévoles Canada et d’autres organismes seront entendus par le comité cet après-midi. Nous souhaitons prêter notre voix aux idées qu’ils apporteront au comité. Board Voice apprécie grandement l’occasion et l’invitation de comparaître devant le comité afin de transmettre son point de vue.
[Français]
Marilyne Fournier, directrice générale, Réseau de l’action bénévole du Québec : On nous a demandé, au Réseau de l’action bénévole du Québec, de faire état de l’impact du bénévolat au sein de la population. Je vais vous faire part de quelques données avant de laisser la parole à Mme Langlais. Selon un sondage mené par le réseau en 2018, 38 p. 100 des Québécois seraient actuellement impliqués auprès d’organisations, et la moyenne d’implication est d’environ 10 heures par mois pour les bénévoles.
Selon 76 p. 100 des Québécois, la santé et les services sociaux seraient les secteurs qui accueilleraient le plus de bénévoles. C’est vrai que, en jumelant ces deux secteurs, on retrouve 47 p. 100 des bénévoles. Par contre, seulement 11 p. 100 des Québécois avaient identifié la culture et les loisirs comme un secteur bénévole, alors que 37 p. 100 des bénévoles sont impliqués dans la culture et les loisirs. Je vais simplement vous donner quelques statistiques qui proviennent uniquement des 28 groupes qui sont membres du Réseau de l’action bénévole du Québec, qui comprend 6 000 organismes et plus de 1,6 million de bénévoles.
Dans les secteurs de la santé et des services sociaux, le bénévolat permet annuellement de préparer et de livrer 2 millions de repas à 30 000 personnes en perte d’autonomie grâce aux popotes roulantes. Les bénévoles ont aussi effectué 1,5 million d’heures de bénévolat dans les établissements de santé et de services sociaux. C’est 15 000 bénévoles qui sont impliqués directement dans les établissements de santé. On parle de 80 000 personnes aînées qui sont rejointes par les centres communautaires pour aînés. Plus de 40 000 personnes ont été accompagnées près de 300 000 fois par des bénévoles des centres d’action bénévole pour faire leurs courses ou se rendre à leurs rendez-vous médicaux, ce qui représente 10 millions de kilomètres parcourus en une seule année par les bénévoles des centres d’action bénévole.
En effet, 1 530 personnes âgées seules reçoivent plus de 15 000 visites annuelles de l’organisme Les Petits Frères, et près de 1 000 personnes présentant un handicap physique, intellectuel ou des problèmes de santé mentale sont actuellement jumelés avec des bénévoles. Il faut noter qu’il y en a encore 1 000 personnes qui sont en attente de jumelage. En ce qui concerne la culture et les loisirs, 560 000 journaux communautaires sont imprimés pour chaque édition des journaux communautaires. De plus, 290 000 personnes au Québec profitent d’une bibliothèque municipale exploitée uniquement par des bénévoles dans plus de 700 municipalités; près de 400 municipalités sont desservies par une télévision communautaire autonome, ce qui représente 236 heures de programmation originale chaque semaine, dont 71 heures d’information locale et régionale. Plus de 12 000 jeunes francophones canadiens peuvent pratiquer le scoutisme grâce aux bénévoles, et près de 3 000 jeunes athlètes peuvent vivre chaque année une expérience de finale provinciale avec les Jeux du Québec et participer à des compétitions sportives grâce à plus de 2 500 bénévoles.
Il est intéressant de noter, au niveau des loisirs, quand on parle de loisirs scientifiques, culturels, socioéducatifs ou de plein air, que l’on compte actuellement 44 500 organismes de ce genre au Québec, dont 3 000 qui ne fonctionnent que grâce aux bénévoles. C’est intéressant de le mentionner, si on considère que 66 p. 100 des Québécois ont l’impression qu’il y a beaucoup d’employés salariés dans les organisations bénévoles. Ce n’est vraiment pas le cas.
Finalement, le bénévolat a aussi un impact sur les bénévoles eux-mêmes. Les bénévoles affichent une meilleure santé physique. Selon une récente étude, les hommes et les femmes engagés dans une activité bénévole présenteraient une santé physique de cinq ans plus jeune que leur âge réel. Un bénévole de 55 ans aurait la même santé physique qu’un non-bénévole de 50 ans. Soixante-six pour cent des bénévoles ont affirmé que le bénévolat avait contribué à augmenter leurs compétences. Ce chiffre s’établit à 88 p. 100 chez les jeunes âgés de moins de 35 ans et à 77 p. 100 chez les bénévoles nés à l’extérieur du Canada.
Enfin, le bénévolat est contagieux. En effet, 47 p. 100 des bénévoles ont un conjoint qui fait du bénévolat, 47 p. 100 des bénévoles ont vu leurs parents faire du bénévolat et 54 p. 100 des bénévoles ont vu leurs enfants faire du bénévolat également. Je cède maintenant la parole à Mme Langlais.
Irène Langlais, bénévole, Croix-Rouge canadienne, Réseau de l’action bénévole du Québec : Bonjour. D’abord, je vous remercie beaucoup de me donner la chance de vous parler. Je suis bénévole à la Croix-Rouge depuis 15 ans. J’aimerais vous remercier de me donner la chance de parler des impacts que la Croix-Rouge a eus et continue d’avoir sur ma vie et des impacts de nos gestes sur les gens que nous aidons. Je dois me reporter, pour vous parler de tout cela, au début de ma retraite, alors que j’avais vraiment le goût de redonner à la société, parce que j’ai toujours cru que j’ai eu beaucoup de chance dans la vie.
Je cherchais un bénévolat qui serait en accord avec mes principes et mes aspirations et qui me permettrait de continuer de mener une vie très active et de relever des défis tout en voyageant. J’ai donc fait quelques activités dans des secteurs de bénévolat qui sont tous très utiles à la société, mais qui ne comblaient pas mes attentes.
Finalement, j’ai trouvé le centre d’action bénévole et les soins palliatifs à Hudson, et surtout la Croix-Rouge. La Croix-Rouge canadienne, depuis 15 ans, a réussi à combler toutes mes attentes ou presque. J’ai trouvé beaucoup de satisfaction à la Croix-Rouge parce que c’est une organisation dont les principes fondamentaux font qu’elle est respectée mondialement. Ces principes ont fait que j’ai développé une grande ouverture d’esprit face à tous les défis que je dois affronter et à tous les gens avec qui je dois travailler et que je côtoie.
J’ai également trouvé beaucoup de satisfaction dans le travail d’équipe à la Croix-Rouge, que l’on constate quotidiennement entre les employés et les bénévoles de la Croix-Rouge, et aussi parce que cette organisation accorde beaucoup d’importance au travail d’équipe. Ce travail d’équipe m’a permis de mettre à profit les habiletés que j’avais en communication, parce que j’ai été enseignante tant au niveau secondaire qu’au niveau collégial. J’ai été aussi pendant longtemps chef de département, ce qui demande beaucoup d’habiletés en communication. Ce travail d’équipe m’a permis de participer à la formation de certains employés dans le programme, parce que la Croix-Rouge a conclu des ententes avec de grandes compagnies comme Bombardier, Bell Canada et Desjardins, pour n’en nommer que quelques-unes. Dans le cadre de ces ententes, la Croix-Rouge a pu former des employés de ces entreprises pour qu’ils participent au Programme partenaires dans l’action, pour nous aider quand nous sommes impliqués dans des opérations importantes. En effet, on sait que, de plus en plus, il y a de grands sinistres. À mes débuts, la Croix-Rouge ne m’a pas laissée faire des interventions sans me former, sans s’assurer que j’étais capable de respecter les principes fondamentaux de l’organisation et d’être très efficace lorsque j’essayais d’aider les sinistrés. Grâce aux formations et aux diverses opérations de la Croix-Rouge auxquelles j’ai participé, ainsi qu’à l’exemple de tous ses bénévoles et au respect de ses principes fondamentaux, j’ai appris à faire preuve de plus de flexibilité dans la vie et d’adaptabilité, ce qui ne faisait pas nécessairement partie de ma personnalité. Je suis la fille d’un ancien combattant de l’armée canadienne, qui, lui, avait été bien « drillé ».
La Croix-Rouge m’a également permis d’embrasser une deuxième carrière en enseignement, dans quelque chose qui était tout à fait différent de ce que je faisais auparavant, soit l’enseignement par rapport aux services d’urgence. Cette nouvelle carrière, que je mène depuis maintenant 14 ans, m’a permis de sillonner le Québec afin de former des gens qui faisaient partie de l’Équipe d’intervention services aux individus (EISI), qui répond à des sinistres de niveau 1 dans leur municipalité et aussi de former des bénévoles de l’Équipe d’intervention d’urgence (EIU), qui répondent à des sinistres de niveaux 2 à 5, et de participer à l’ouverture de centres d’accueil, de centres d’information et de centres d’hébergement d’urgence.
Cette nouvelle carrière m’a permis aussi de voyager — ce qui était un de mes souhaits quand j’ai pris ma retraite — partout au Québec et au Canada. Je suis allée former des gens un peu partout et j’ai aidé à faire de nouvelles formations, ce qui pour moi est très important, parce que j’ai toujours valorisé la formation des gens qui devaient travailler auprès d’un personnel particulier.
Donc, encore une fois, j’ai pu utiliser les habiletés que je croyais avoir et j’ai pu aussi faire l’acquisition de nouvelles habiletés qui me servent beaucoup aujourd’hui non seulement à la Croix-Rouge, mais partout ailleurs. Cette nouvelle carrière dans la gestion des urgences m’a permis aussi d’acquérir de nouvelles habiletés en ce qui a trait à la gestion du personnel parce que, en tant qu’enseignante et chef de département, ce n’est pas du tout la même chose de gérer des gens qui sont salariés et syndiqués que de gérer des bénévoles. Cela a été très enrichissant de travailler et de suivre une formation à la Croix-Rouge.
Mon expérience à la Croix-Rouge m’a aussi permis d’acquérir de nouvelles habiletés sur le plan de la communication. En effet, je suis responsable d’une équipe d’intervention dans ma MRC. J’ai donné des formations et je continue d’en donner et je participe à des conférences au sein de diverses associations, tant pour le recrutement que pour la formation des gens. Je rencontre des pompiers dans les casernes pour leur expliquer le travail des bénévoles de la Croix-Rouge, et je rencontre de nombreux fournisseurs pour m’assurer qu’ils ont des endroits pour recevoir tous les services auxquels ils ont droit.
J’éprouve beaucoup de fierté à travailler avec la Croix-Rouge, qui forme ses bénévoles et le public avant et pendant les sinistres. Je suis donc fière de vous dire que nous avons aidé à limiter le nombre de sinistres et peut-être même à sauver des vies. Le fait de continuer à me sentir utile, même à mon âge, est un grand privilège. La Croix-Rouge souscrit à des principes : il n’y a pas de racisme, on ne parle pas d’âge et on s’assure que les gens, quel que soit leur âge, sont capables de remplir leur mission, d’être très humains envers leurs collègues, les employés et les sinistrés. Travailler auprès de sinistrés qui vivent des situations pénibles m’a permis, grâce à leur résilience, de garder une attitude très positive par rapport à tout ce qui se passe dans ma vie.
Quand je reviens des interventions que nous faisons, j’ai toujours le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien, ce qui est très bon pour le cœur. Je vous invite à devenir bénévoles à la Croix-Rouge.
Je vais maintenant vous parler de l’impact de nos gestes sur les gens que nous essayons d’aider à la Croix-Rouge. Lorsque les gens voient le dossard de la Croix-Rouge, peu importe l’heure de la journée, même la nuit, peu importe la période de l’année, même durant les tempêtes, les gens sont toujours réconfortés. Ils savent que nous sommes là pour leur fournir les services auxquels ils ont droit en fonction de leurs besoins. On leur offre aussi un endroit sécuritaire, ce qui fait beaucoup baisser la tension chez les gens qui viennent de vivre un sinistre. Ils savent que les bénévoles de la Croix-Rouge leur fourniront les services auxquels ils ont droit, comme l’hébergement, les vêtements, l’alimentation, mais surtout le réconfort, parce qu’ils viennent de vivre des situations très pénibles. On leur donne aussi, et j’en suis très heureuse, des références pour se diriger vers d’autres organismes, qui sont presque toujours à but non lucratif. On leur donne aussi des indications sur les démarches qu’ils doivent faire, parce qu’on sait que les gens, dans ces situations, sont très désorganisés. Les sinistrés nous disent souvent merci, et ils sont surpris de voir des étrangers leur offrir des choses gratuitement. On leur dit toujours que ce n’est pas nous, mais que c’est grâce aux dons que le public verse à la Croix-Rouge. Cela nous touche beaucoup, et c’est notre plus grande paye. Au fond, cela prouve que ce n’est pas toujours l’argent qui fait le bonheur. Merci.
Le président : Merci beaucoup, madame Langlais.
[Traduction]
Je dois dire que, ayant travaillé dans le secteur depuis 1978, je sais que la réputation de la Croix-Rouge est extraordinaire en ce qui concerne la formation du personnel et des bénévoles. Si vous venez de la Croix-Rouge, vous êtes généralement un atout bien formé et très précieux dans le secteur.
[Français]
Sylvie Allard, vice-présidente à l’expérience clientèle, Héma-Québec : Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, notre organisation est heureuse de l’invitation qui lui a été faite par le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance en cette Semaine de l’action bénévole.
Je m’appelle Sylvie Allard et je suis vice-présidente à l’expérience clientèle chez Héma-Québec. J’ai le privilège d’être accompagnée de M. Miville Mercier, président de l’Association des bénévoles don de sang.
Qu’il s’agisse des donneuses ou des donneurs qui font un don de sang, de cellules souches, de sang de cordon ombilical ou de lait maternel, ou des bénévoles qui donnent de leur temps pour les recruter et les accueillir lors des collectes de sang, chacun d’entre eux pose un geste d’une valeur inestimable pour aider des milliers de personnes à recouvrer la santé et sauver des vies. Chaque année, quelque 16 000 bénévoles accueillent plus de 175 000 donneurs qui font des dons de sang ou de plasma. Ces donneurs sont eux-mêmes des bénévoles qui partagent généreusement et gratuitement une partie de leur santé. À ces milliers de personnes s’ajoutent plus de 45 000 personnes qui sont prêtes à faire un don de cellules souches pour sauver la vie d’une personne, et 850 nouvelles mamans qui donnent leur surplus de lait maternel pour les bébés prématurés. Il ne faut pas non plus oublier les quelque 1 000 personnes qui ont consenti de leur vivant à devenir des donneurs de tissus humains à leur décès, l’an dernier.
Ces quelques chiffres illustrent avec force combien le bénévolat est un élément fondamental et vital dans les activités quotidiennes d’une organisation comme Héma-Québec. L’importance de la contribution des bénévoles dans le maintien de la réserve collective de sang, de cellules souches, de lait maternel et de tissus humains est immense.
Sans leurs actions, Héma-Québec ne pourrait remplir sa mission de fournir des produits biologiques d’origine humaine, sécuritaire et en quantité suffisante, aux hôpitaux, principalement au Québec, mais également ailleurs au Canada.
Héma-Québec fait face à de grands défis. Chaque année, près d’un demi-million de composants sanguins sont envoyés aux hôpitaux du Québec. Nous devons le faire dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Il nous faut donc constamment nous réinventer. La complicité et l’engagement des bénévoles sont primordiaux. Nous avons, par exemple, de concert avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, pris la décision d’augmenter l’autosuffisance en plasma de la province, de manière à disposer d’une source locale d’un ingrédient pour fabriquer des médicaments dont les immunodéficients ou les hémophiles ont un besoin critique. Cette décision a pour impact direct l’augmentation de nos activités de collecte de plasma auprès des donneurs bénévoles, notamment par l’ouverture de salons de donneurs de plasma, qui s’appellent Plasmavie.
Ces salons de donneurs de plasma sont maintenant en activité à Gatineau, Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay. Nous projetons également d’ouvrir d’autres salons de donneurs de plasma Plasmavie dans l’ouest de la ville de Montréal.
Les bénévoles ont été à nos côtés depuis notre création il y a 20 ans, en septembre 1998. Ils acceptent plusieurs fois par année ou par mois de donner généreusement de leur temps et de leur énergie, de façon à permettre à d’autres personnes de recouvrer leur santé ou à sauver leurs vies. Notre travail consiste à maintenir cet axe vital de solidarité entre le bénévole et le donneur.
Il va sans dire que toute mesure d’aide du gouvernement fédéral susceptible d’encourager le bénévolat au sein de la population canadienne sera accueillie favorablement par notre organisation. Nous souhaitons profiter de l’occasion pour sensibiliser les membres du comité à l’enjeu de recruter de jeunes bénévoles auprès de la clientèle des 18-35 ans. Notre organisation accorde une grande importance au fait de rajeunir la base des bénévoles et des donneurs qui soutiennent sa mission de dons de vie. Actuellement, le groupe des 18-25 ans constitue 25 p. 100 des dons de sang bénévoles, mais seulement une très petite partie des bénévoles qui recrutent ces donneurs et qui appuient la réalisation de nos activités d’organisation de collecte.
Le recrutement d’une relève pour nos bénévoles pose un défi tout particulier. La raison de ce phénomène découle en bonne partie du déclin constant d’un bassin important de bénévoles provenant d’organismes sociaux communautaires, comme les Clubs Lions, les Clubs Optimistes, les Chevaliers de Colomb ou le Cercle des fermières, pour n’en nommer que quelques-uns. Nous devons, par conséquent, repenser le modèle traditionnel de nos façons de faire en matière de bénévolat. Des mesures simples peuvent y contribuer. Pour les donneurs comme pour les bénévoles en collecte de sang, la promotion de mesures comme l’octroi d’un congé payé pour favoriser le don de sang ou le bénévolat au sein de la fonction publique fédérale ou des forces armées pourrait contribuer à la réalisation de notre mission, qui dépend massivement du bénévolat.
C’est avec plaisir que nous pourrons préciser davantage nos recommandations pour augmenter le bassin de jeunes bénévoles et de jeunes donneurs si le comité sénatorial le juge à propos. Je vous remercie beaucoup de votre attention.
[Traduction]
Le président : Je dois dire que j’ai eu le plaisir de travailler avec Héma-Québec et la Société canadienne du sang il y a plusieurs années au moment de parrainer le projet de loi établissant la Semaine nationale du don de sang. C’était agréable de travailler avec le personnel professionnel, mais aussi les bénévoles. Les deux groupes comprennent d’excellentes personnes.
Michael Maidment, chef de la direction, Banque d’alimentation d’Ottawa : Bonjour. Pendant que j’étais assis ici, j’ai pensé à sortir précipitamment afin de me porter volontaire en vue de faire du bénévolat pour la Croix-Rouge. Je pense que je devrai peut-être le faire, après mon retour au bureau ce matin.
J’apprécie votre invitation à m’adresser à vous ce matin à propos de l’impact important et essentiel des bénévoles au sein du secteur bénévole. Au Canada, près de 1 million de personnes se tournent vers une banque alimentaire tous les mois. J’ai le privilège de présider le conseil d’administration de Feed Ontario, l’organisation provinciale qui guide les banques alimentaires en Ontario. Ici, en Ontario, leur nombre atteint près de 400 000.
À la Banque d’alimentation d’Ottawa, nous desservons 37 500 personnes par mois, dont 37 p. 100 sont des enfants. Notre organisation fonctionne grâce à un réseau de 114 banques et programmes d’alimentation communautaires, comme des programmes de réadaptation pour toxicomanes, mais également des refuges pour hommes et femmes.
Les bénévoles jouent un rôle important dans notre organisation, et nous comptons sur 3 000 bénévoles chaque année. Nous avons calculé le temps de bénévolat, et cela équivaut à 13 employés à temps plein. Notre organisation compte 31 employés rémunérés et l’équivalent de 13 employés à temps plein bénévoles. Ces bénévoles effectuent diverses tâches : ils trient la nourriture, reçoivent des dons, organisent des collectes de nourriture, livrent de la nourriture à nos partenaires de toute la ville et, dans le cadre d’un nouveau programme, cultivent des aliments dans notre ferme. L’année dernière, dans l’Ouest d’Ottawa, nous avons produit 130 000 livres de fruits et de légumes grâce à l’aide de 1 000 bénévoles.
Enfin, et surtout, les bénévoles incluent notre conseil d’administration. Je n’ai pas mis stratégiquement le conseil d’administration comme dernier groupe de bénévoles.
Nous avons la chance de pouvoir compter sur des bénévoles de tous âges et de toutes capacités : des étudiants, des membres d’équipes sportives, des équipes sportives de jeunes, des groupes de sociétés et des retraités. Je sais toutefois que le comité a entendu d’autres groupes parler de groupes de bénévoles manquants. Je pense que dans notre organisation — et nous sommes un exemple de nombreuses banques alimentaires dans tout le pays —, nous manquons de jeunes professionnels et de membres faisant partie du groupe des 18 à 35 ans. J’ai une collègue qui s’appelle Alexandra. Elle fait partie du groupe des 18 à 35 ans, se décrit fièrement comme une milléniale et consacre tout son temps personnel à gagner de l’argent afin de rembourser une dette liée aux prêts étudiants et d’économiser de l’argent pour participer à l’économie. En ce moment, elle épargne afin d’acheter une maison. Je ne crois pas que son histoire soit inhabituelle pour des personnes de ce groupe d’âge au Canada.
Nous voyons plusieurs thèmes communs en tant qu’organisation qui repose énormément sur les bénévoles. Nous comptons beaucoup d’étudiants parce que les étudiants sont tenus de faire du bénévolat en Ontario. Nous avons beaucoup de groupes de sociétés lorsque le personnel de ces groupes est rémunéré pour faire du bénévolat. Nous avons constaté une hausse du nombre de groupes de sociétés, car le renforcement des capacités communautaires constitue davantage la norme dans les entreprises canadiennes. Nous avons certes constaté une augmentation du nombre de bénévoles qui proviennent d’entreprises, mais il reste que les bénévoles individuels sont principalement des personnes âgées ou à la retraite et qui disposent du temps libre pour faire du bénévolat.
En conclusion, dans le cadre de votre examen du secteur volontaire, je crois que nous devons également poser la question suivante : que fait le secteur volontaire dont le gouvernement devrait s’occuper? Selon moi, la salubrité des aliments pourrait être l’un de ces enjeux. La salubrité des aliments est une question de revenu, pas d’alimentation. Les banques alimentaires ont été créées en tant que solution temporaire dans les années 1980, mais elles sont maintenant devenues une partie essentielle du filet de sécurité sociale dont les gens dépendent. À Ottawa, 60 p. 100 des personnes servies par la Banque d’alimentation d’Ottawa sont des bénéficiaires de l’aide sociale. La question est la suivante : la politique gouvernementale devrait-elle compter sur le secteur volontaire pour combler une lacune créée par sa propre inefficacité? Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Maidment. Je pense que les Canadiens comprennent tous l’importance de votre organisation, et c’est l’une des rares qui comparaissent constamment devant ces types de comités. Nous voudrions bien que vous n’ayez plus à exercer vos activités, et je pense que nous nous entendons tous là-dessus. Je sais que les gens qui s’approvisionnent dans les banques alimentaires de partout au Canada sont du même avis.
Maintenant, nous accueillons M. Chater et Mme Gauthier, de Grands Frères Grandes Sœurs du Canada.
W. Matthew Chater, président national et chef de la direction, Grands Frères Grandes Sœurs du Canada : Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de l’invitation à comparaître aujourd’hui.
Je m’appelle Matthew Chater, et je suis le président et chef de la direction de Grands Frères Grandes Sœurs du Canada. Il s’agit d’une fédération de 108 organismes de bienfaisance locaux dirigée par des jeunes et axée sur les jeunes : nos organismes offrent des services à 42 000 jeunes par année dans plus de 1 100 collectivités de partout au Canada.
Nous sommes déterminés à nous assurer que les jeunes ont accès à des programmes de mentorat individuel et en groupe de la plus grande qualité afin qu’ils puissent acquérir la confiance en soi nécessaire pour réaliser leur potentiel. Même si vous êtes probablement nombreux à connaître notre programme visant à jumeler des jeunes avec un mentor adulte, vous ne connaissez peut-être pas notre engagement à représenter et à servir les diverses collectivités dont nous faisons partie.
En tant qu’organisation de mentorat nationale, nous avons un intérêt direct pour l’amélioration de la vie et des résultats des enfants et des jeunes de partout au pays, y compris ceux des collectivités autochtones, des communautés de nouveaux arrivants, d’immigrants et de réfugiés, des communautés noires, africaines et racialisées ainsi que des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, trans, queer et bispirituelle. Ce n’est possible que par leur participation à des programmes de mentorat qui sont culturellement appropriés et qui reconnaissent, honorent et célèbrent ces personnes, leurs communautés et leurs histoires.
Dans le cadre de notre engagement envers l’équité, nous prenons le temps de nous arrêter et de réfléchir à la distribution du pouvoir et du privilège au sein de nos collectivités et à la façon dont le colonialisme, le racisme systémique, l’oppression intersectionnelle, l’hétéronormativité, le cissexisme et la xénophobie sont des réalités pour un grand nombre des diverses communautés auprès desquelles nous travaillons.
Dans le cadre de la Semaine de l’action bénévole, nous accueillons favorablement la possibilité de mettre en lumière l’incidence de nos bénévoles et de souligner l’urgence d’investir dans les organismes de bienfaisance qui offrent des services de mentorat pour les jeunes.
Le gouvernement du Canada peut jouer un rôle crucial en établissant des collectivités fortes et en encourageant la croissance d’une économie prospère par le truchement du bénévolat et du mentorat des jeunes s’il commence par tenir compte du fait que le mentorat a une incidence extraordinaire sur la société par l’intermédiaire de l’économie non rémunérée.
À Grands Frères Grandes Sœurs, nous mobilisons plus de 21 000 Canadiens qui consacrent généreusement plus de 2 millions d’heures de leur temps au bénévolat dans le cadre de programmes de mentorat intentionnel de grande qualité. Cela équivaut à plus de 30 millions de dollars de travail non rémunéré par année. Considérons qu’il s’agit d’un don à la société canadienne.
Le Boston Consulting Group a entrepris une étude en plusieurs étapes qui comparait les résultats des enfants qui avaient participé à des programmes individuels à ceux qui n’y avaient pas participé. L’étude a montré un rendement social du capital investi de 23 pour 1 en ce qui a trait aux résultats économiques, sanitaires et sociaux à long terme pour les jeunes les plus vulnérables. Ainsi, si nos bénévoles représentent un investissement de 30 millions de dollars par année dans l’économie canadienne, à un taux de 23 pour 1, cela équivaut à un rendement de 690 millions de dollars sur toute une vie, uniquement grâce aux bénévoles de Grands Frères Grandes Sœurs.
De plus, les organismes de bienfaisance offrent aux bénévoles des possibilités essentielles de renforcement du leadership et des compétences. Nos mentors bénévoles n’arrêtent pas de nous dire qu’ils tirent d’une relation de mentorat un avantage aussi grand, voire plus grand, qu’un jeune. Ils ont l’impression de grandir en tant que personnes et utilisent les compétences qu’ils ont acquises et l’expérience qu’ils ont cumulée dans d’autres domaines de leur vie, chez eux, au travail et dans leur collectivité. L’accroissement au chapitre de l’employabilité et de la productivité ajoute des millions de dollars de plus à cette estimation.
En outre, le mentorat des jeunes est un catalyseur pour la prochaine génération de bénévoles. Selon Statistique Canada, les taux de bénévolat diminuent lentement, mais continuellement, depuis plusieurs années, ce qui a déjà poussé le gouvernement fédéral à prendre des mesures et à lancer Service jeunesse Canada.
Encore une fois, les recherches montrent que le mentorat des jeunes est un vecteur de changement dans le cadre de ces efforts visant à construire un meilleur Canada, et les anciens des programmes de Grands Frères Grandes Sœurs sont deux fois plus susceptibles de faire du bénévolat et y consacrent plus de temps dans une proportion de 30 p. 100.
Tous ces facteurs m’amènent à ma recommandation finale. Le Canada doit élaborer une stratégie nationale en matière de mentorat afin d’harmoniser les efforts déployés par tous les intervenants, y compris les organismes de bienfaisance au service des jeunes, les organisations et les intervenants du secteur privé, les multiples ordres de gouvernement, les diverses collectivités et, bien entendu, les jeunes.
Nos bénévoles ont une incidence extraordinaire sur la société, mais ils ne peuvent pas y parvenir seuls. Grands Frères Grandes Sœurs compte plus de 1 500 employés professionnels qualifiés dans les collectivités locales qui jouent un rôle crucial en participant au recrutement, à la présélection et à la formation des bénévoles, en jumelant les mentors avec les enfants et en offrant un appui tout au long de la relation de mentorat. Même si ce chiffre semble énorme, n’oubliez pas que nous sommes actifs dans 1 100 collectivités, ce qui signifie que la plupart de ces personnes travaillent seules ou avec une ou deux personnes à l’échelon local et que leur bureau est soutenu grâce à la collecte de fonds locaux.
Cette infrastructure de soutien du jumelage est essentielle. Nos organismes de bienfaisance locaux ont besoin d’embaucher, de former et de maintenir en poste un personnel qualifié qui pourra mobiliser cette énergie bénévole. Ils comptent sur la générosité des Canadiens eux-mêmes en plus du soutien essentiel du gouvernement et des entreprises pour pouvoir réaliser les jumelages aux fins de mentorat.
Nous devons également concevoir et établir des partenariats intentionnels qui maximiseront l’incidence du mentorat sur les jeunes qui en ont le plus besoin. Une stratégie nationale en matière de mentorat harmoniserait tous les efforts, et c’est là que le gouvernement du Canada peut être utile.
Nous exhortons le comité à recommander au gouvernement du Canada d’investir au moins 25 millions de dollars par année dans le mentorat des jeunes. Ce mentorat doit être perçu comme une intervention préventive cruciale pour les jeunes, mais aussi comme un catalyseur du bénévolat. Le mentorat est essentiel à la croissance économique à venir et à la lutte contre la menace de déficit social du Canada qui, selon les prévisions, se manifestera au fil du temps sous la forme de services sociaux réduits, de besoins non comblés, de listes d’attente plus longues et d’une érosion générale de la qualité de vie au pays.
Je vous remercie encore de l’occasion de comparaître aujourd’hui, et je remercie également les nombreux bénévoles qui donnent de leur temps pour faire prospérer et croître nos collectivités. Je cède maintenant la parole avec fierté à une ancienne mentorée et actuelle bénévole de Grands Frères Grandes Sœurs afin qu’elle vous fasse part de son expérience.
Karine Pomilia Gauthier, membre du Conseil consultatif national sur le mentorat des jeunes, Grands Frères Grandes Sœurs du Canada : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis ravie d’être là. Je m’appelle Karine Pomilia Gauthier, et je comparais au nom de Grands Frères Grandes Sœurs du Canada en ma qualité d’ancienne petite sœur et de membre actuelle du Conseil consultatif national sur le mentorat des jeunes de l’organisme.
J’ai été une petite sœur dès l’âge de 8 ans. Même si je suis devenue trop vieille pour participer aux programmes des Grandes Sœurs quand j’ai atteint l’âge de 18 ans, on ne cesse jamais vraiment d’être un petit frère ou une petite sœur. C’est peut-être dû en partie au fait que je garde encore contact avec ma grande sœur, mais, à une échelle plus grande, c’est parce que ma participation à Grands Frères Grandes Sœurs fait maintenant partie de mon identité. Il s’agit d’une partie intégrante de la personne que je suis aujourd’hui. J’estime que mon expérience au sein de l’organisme a permis de briser le cycle des relations de violence au sein de ma famille.
Durant ma vie, ma mère a été dans deux relations de violence : une avec mon père, et l’autre avec l’homme qui l’a suivi. Ma mère est une personne incroyablement forte, mais elle était prise dans un cycle. Sans ma grande sœur et sa belle famille aimante, j’aurais probablement suivi les traces de ma mère. Toutefois, la vie de ma grande sœur m’a offert une heureuse solution de rechange. Elle ne s’était pas mise à faire du bénévolat dans le but de changer ma vie, mais elle l’a fait. Je pense que cela résume l’effet et l’incidence du mentorat et du bénévolat sur la vie d’une jeune personne.
J’ai acquis ma propre expérience de bénévolat grâce à Grands Frères Grandes Sœurs également. Je fournissais mon aide dans le cadre des collectes de fonds locales et j’organisais des soirées de remise de prix. Dans le cadre de ces activités, j’ai découvert ma passion pour les arts oratoires et, plus tard, pour la politique. Je n’ai pas fait du bénévolat que pour Grands Frères Grandes Sœurs. J’en ai fait dans des camps de jour, et j’ai siégé à des conseils de jeunes qui visaient à accroître l’inclusion des femmes en politique, parce que j’en avais envie et que cela me permettait de cumuler les 40 heures de travail bénévole requises pour l’obtention de mon diplôme d’études secondaires en Ontario. Toutefois, je me sentais presque mal à l’aise de faire reconnaître ces heures, car je ne faisais pas du bénévolat dans le but d’obtenir un certain genre de récompense ou de reconnaissance. Le bénévolat devrait procurer un bon sentiment. Personnellement, je ne me suis jamais sentie aussi productive, motivée et ambitieuse que tout de suite après avoir fait du bénévolat, alors je continue d’en faire. Le fait de siéger au conseil des jeunes de Grands Frères Grandes Sœurs me donne la possibilité de faire du bénévolat et de redonner à un organisme qui m’a déjà beaucoup donné. À ce titre, je préside les réunions mensuelles, rédige un blogue, fournis de l’aide relativement aux congrès nationaux et régionaux et acquiers énormément quantité de compétences transférables.
Le bénévolat m’a ouvert un très grand nombre de portes grâce aux autres possibilités qui s’y rattachent. Je siège également au comité des jeunes, qui est en train de planifier une discussion amicale entre les chefs de partis fédéraux dans le cadre de la campagne électorale à venir. Je siège au comité des politiques publiques et des relations avec le gouvernement de Grands Frères Grandes Sœurs, et je suis bénévole pour mon député local.
J’ai l’occasion de faire quelque chose que j’adore chaque fois que je fais du bénévolat, et il se pourrait que j’aide quelqu’un d’autre aussi. Merci.
Le président : Mesdames et messieurs, si jamais vous vous demandez si le programme fonctionne, je vous présente Mme Gauthier. C’est merveilleux de vous accueillir. Merci de ce témoignage. Nous accueillons M. Jeff Boucher, de Sports de glisse adaptés Canada — Division de la capitale nationale.
Jeff Boucher, coordonnateur, Sports de glisse adaptés Canada, Edelweiss CADS-NCD, Sports de glisse adaptés Canada — Division de la capitale nationale : Merci de me donner l'occasion de comparaître afin de représenter le milieu des sports de glisse adaptés de la région de la capitale nationale. Nous sommes une organisation entièrement formée de bénévoles et nous en comptons 200 dans la région de la capitale nationale. Personne ne touche un cent de rémunération. Je vais répéter certaines choses que d’autres témoins ont déjà dites, mais j’espère que cela viendra appuyer ces arguments.
CADS-NCD est une organisation nationale dont les responsabilités s’étendent à des divisions et à des organisations provinciales. Dans la région d’Ottawa, la Division de la capitale nationale supervise cinq programmes distincts : Edelweiss, Camp Fortune et Mont Cascades, du côté du Québec, et Calabogie et Mount Pakenham, du côté de l’Ontario. Un autre programme distinct est également offert à Calabogie; il s’agit d’un cours de sports d’hiver pour les militaires en service et anciens combattants malades et blessés. Il n’est pas associé au programme Sans limites. Il est entièrement financé et organisé par le programme Calabogie CADS.
Tous les programmes sont autosuffisants d’un point de vue financier et dépendent de la division qui tient lieu de responsable caritatif et sans but lucratif et de l’organisation nationale pour l’expertise en matière de formation et d’accréditation. Toutes les stations de ski où nous effectuons du bénévolat offrent nos programmes dans la région, mais nous ne sommes pas affiliés aux centres de ski en soi. J’entends par là que nous ne sommes pas reliés aux programmes d’enseignement ordinaires et que les seuls frais qui nous sont facturés par les stations sont pour les billets de remonte-pente. Les stations de ski appuient toutes fermement nos programmes, et elles offrent des aires d’entreposage d’équipement avec les billets de remonte-pente. Nous travaillons en étroite collaboration avec les centres, mais nous sommes entièrement distincts.
Notre organisation existe depuis 40 ans et est exploitée à titre d’organisme caritatif sans but lucratif depuis sa création. Nous avons un trésorier pour l’ensemble des programmes, et il est notre chien de garde qui veille à ce que notre statut d’organisme caritatif demeure intact. Il voulait se présenter aujourd’hui, mais il est en train d’aider Centraide Canada relativement à certains de ses programmes de financement.
KPMG est le vérificateur et le chien de garde de notre chien de garde. Il s’agit d’un coût qu’il ne nous plaît pas d’engager, mais nous savons qu’il est essentiel pour garantir que nous respectons à la lettre l’ensemble des règles et règlements applicables.
Le programme de ski adapté que nous offrons est assez typique. Je parle d’Edelweiss, le programme auquel je prends part. En fait, je le dirige. L’hiver dernier, nous avions 105 bénévoles et 59 participants. Au fil des ans, nous avons acheté pour environ 200 000 $ d’équipement adapté, et le gros de ces achats a pu être effectué grâce à des collectes de fonds menées dans le cadre de notre programme. Par le passé, nous avons obtenu le soutien du Comité paralympique canadien, qui nous a aidés en payant la moitié de la facture pour l’achat de nouvel équipement. Cette situation a changé. Nous n’avons reçu aucun argent de ce comité depuis environ cinq ou six ans, car il a délaissé l’appui de projets communautaires pour soutenir son programme À nous le podium, et c’est sa décision. Nous achetons maintenant les pièces et l’équipement sans financement extérieur. Actuellement, nous possédons environ 25 appareils de ski assis, d’une valeur approximativement de 6 000 $ chacun. Il faut les remplacer, alors nous devons recueillir des fonds chaque année pour l’achat d’équipement.
Le recrutement de bénévoles est une activité que nous menons toute l’année, et nous employons tous les moyens à notre disposition pour attirer de nouveaux bénévoles adéquatement qualifiés. Nous avons recours aux médias sociaux et aux sites web de bénévoles universitaires, et nous avons les kiosques dans les événements locaux. Toutefois, la meilleure méthode demeure le bouche-à-oreille, grâce à nos bénévoles et participants. Les membres de la famille, les amis, les connaissances du travail et les voisins semblent devenir les meilleurs bénévoles; ils connaissent le programme et les compétences requises pour être un bon bénévole; et cela permet à nos bénévoles et participants actuels de recruter les bonnes personnes.
Nous avons commencé à envisager de former des membres de la famille d’enfants handicapés afin qu’ils puissent skier avec leurs fils et filles. Cette initiative a connu un grand succès au cours des deux ou trois dernières années et nous permet d’admettre un plus grand nombre d’enfants au sein du programme.
Comme l’a déclaré Michael, nous avons beaucoup de jeunes bénévoles, de bénévoles retraités et de bénévoles qui sont avec nous depuis assez longtemps. C’est dans le groupe des personnes d’âge moyen que nous n’arrivons pas à recruter des gens, et c’est très facile à comprendre. Je n’ai pas du tout consacré de temps au bénévolat quand j’avais des enfants. Ce groupe est pas mal hors de portée pour nous, et nous ne pouvons pas approcher des gens ayant une jeune famille et leur demander de venir faire du bénévolat.
Comme nous ne pouvons pas utiliser l’argent en guise d’incitatif, nous devons compter sur les bonnes vieilles méthodes axées sur les éloges et les décorations. Nous louangeons nos bénévoles le plus possible et leur décernons une épinglette après cinq ans, et c’est toute la rémunération que nous pouvons leur donner.
Hier soir, je suis revenu d’un cours de sports d’hiver d’une fin de semaine à Snowmass, au Colorado, pour les anciens combattants handicapés, et j’ai eu la possibilité de demander à certains des moniteurs de ski adapté américains s’il existait des incitatifs sous la forme d’allégements fiscaux pour leurs efforts de bénévolat et, en effet, ils ont le droit de réclamer les coûts liés au kilométrage, à l’hébergement et aux cours de formation comme s’il s’agissait de dons de bienfaisance, ce que nous ne pouvons pas faire au Canada. Malheureusement, je ne disposais pas d’assez de temps pour découvrir comment ils procèdent pour ce faire. J’ai découvert très tardivement que je viendrais comparaître ici.
Malheureusement, le bénévolat est rarement gratuit. Les frais de transport, de formation et d’inscription ont parfois un effet qui dissuade les gens d’aider. La plupart des organisations entièrement composées de bénévoles ne peuvent pas payer ces coûts.
Même si certaines organisations sont capables d’attirer des bénévoles en les rémunérant pour leur temps sous la forme de laissez-passer gratuits d’une journée à des événements, comme c’est le cas d’un certain nombre de festivals de musique, ici, à Ottawa, nous ne disposons d’aucun moyen de rémunération de ce genre. Peut-être que de petits allégements fiscaux seraient appropriés. Cette mesure imposerait évidemment un fardeau aux responsables des programmes, qui devraient tenir des dossiers et distribuer des reçus, mais cela en vaudrait la peine à long terme. Nous consignons déjà qui participe à chaque journée de programme et de formation, et la poursuite de cette activité ne nécessiterait pas beaucoup d’efforts.
Nous sommes ravis que des élèves du secondaire et des étudiants universitaires et collégiaux fassent du bénévolat. La partie malheureuse tient au fait que les examens ont lieu durant les mois de janvier et février. Si nous acceptons un trop grand nombre de ces élèves et étudiants, ils disparaîtront tous durant la même fin de semaine ou à des intervalles rapprochés. Le programme est très difficile à diriger lorsque toutes ces personnes sont parties. Nous limitons le nombre que nous pouvons accepter. Toutefois, la saison dernière, nous avons accepté cinq élèves du secondaire qui étaient tous des bénévoles de très haut calibre, nous avons tenu de nombreuses discussions afin de déterminer qui serait le bénévole junior de l’année, et nous avons dû souligner leur contribution à tous, car ils étaient tous très bons.
Je sais qu’il existe un nombre exceptionnel de personnes fantastiques qui sont disposées à aider. Il s’agit simplement de les trouver, de les former et de faire de notre mieux pour nous assurer qu’ils sont jumelés adéquatement pour vivre une expérience de bénévolat agréable. Ils reviendront tant qu’ils feront un travail agréable et qu’ils seront appréciés pour ce qu’ils accomplissent, et nous serions très reconnaissants à l’égard de tout incitatif supplémentaire. Merci beaucoup.
Le président : Merci. Au nom de mes collègues ici présents et en celui des 105 sénateurs, je tiens à vous remercier tous du travail que vous faites. Notre pays ne fonctionne parfois pas très bien, mais, de façon générale, il fonctionne bien, en grande partie grâce à notre très grand nombre de bénévoles. Je vous remercie tous de ce que vous faites.
Le sénateur R. Black : Merci beaucoup de vos exposés. Je vous suis très reconnaissant de votre présence. Je viens d’un milieu rural et agricole. Remarquez-vous une différence du point de vue du recrutement de bénévoles en milieu rural et urbain? Quels sont les obstacles et les défis que nous devrions peut-être inclure dans notre rapport, de façon à établir en quelque sorte un équilibre au chapitre des difficultés, le cas échéant?
Mme Boyles : Deux choses : autrefois, j’étais la vice-présidente nationale des relations avec le gouvernement pour l’ensemble des collèges et des instituts du Canada. Dans le cadre de notre travail, nous étions toujours en train d’examiner les conséquences, surtout dans les régions rurales, éloignées et nordiques, et nous reconnaissons que les bénévoles de ces régions sont souvent appelés à faire du bénévolat pour une multitude d’organisations, qu’il s’agisse du comité des loisirs, de leur bibliothèque communautaire, d’organismes sans but lucratif ou d’entreprises sociales. Le simple fait que les ressources sont poussées à la limite pose de réelles difficultés. Cette situation est exacerbée par les obligations redditionnelles et les inquiétudes à l’égard des responsabilités fiduciaires en particulier.
M. Maidment : J’affirmerais incidemment que, du moins au sein de l’Ontario Association of Food Banks, il est plus facile pour les banques alimentaires rurales d’attirer des bénévoles. Nombre de banques alimentaires, en Ontario du moins, sont entièrement gérées par des bénévoles. Je pense que nous observons encore certaines des mêmes tendances que nous avons été nombreux à évoquer. Ces bénévoles peuvent être âgés. Je suis d’avis que, du moins, incidemment, dans l’Ontario rural et le Canada rural, il est plus facile d’attirer des bénévoles.
M. Chater : Dans le cas de Grands Frères Grandes Sœurs, je conviens que nous voyons un certain nombre de bénévoles se présenter à nos organisations dans le but de redonner à la collectivité, du point de vue des services. Je sais qu’un grand nombre de nos organisations éprouvent des difficultés du côté de la gouvernance pour ce qui est d’attirer les personnes qui peuvent diriger l’organisation.
Nous menons une étude pour comprendre la situation dans les collectivités rurales et éloignées, surtout en ce qui concerne les jeunes. Nous savons que la population de jeunes de ces collectivités pourrait diminuer, mais que les besoins augmentent. Comment le mentorat permet-il de régler ce problème? Nous entreprenons actuellement ce projet avec l’appui de certaines sociétés commanditaires.
Le sénateur R. Black : Quand ce rapport sera-t-il prêt?
M. Chater : Nous en sommes au début du processus. Cette étude s’étend sur deux ans, mais nous obtiendrons des conclusions préliminaires en cours de route.
[Français]
Miville Mercier, président de l’Association des bénévoles du don de sang, Héma-Québec : De notre côté, nous sommes représentés par 13 chapitres dans la province de Québec. C’est plus facile pour nous, dans des villes comme Sherbrooke, Montréal ou Québec, de recruter des bénévoles. Par contre, au Lac-Saint-Jean, par exemple, ou sur la Basse-Côte-Nord et en Gaspésie, les distances sont importantes, et cela devient plus onéreux de faire de la formation et de réunir les membres du chapitre. Nous investissons donc davantage d’énergie dans les villes qu’en région à l’heure actuelle, faute d’argent.
[Traduction]
M. Boucher : J’ai deux commentaires à formuler. Nos activités se tiennent pas mal en milieu rural; le programme à Calabogie a de la difficulté à attirer des bénévoles parce que la région est peu habitée et que certains ensembles de compétences sont requis. On a de la difficulté à trouver des bénévoles à environ une heure et quart d’Ottawa. En revanche, comme il s’agit d’une petite collectivité, on a beaucoup moins de difficulté à convaincre les entreprises du coin à donner de l’argent au programme. Il s’agit donc d’une arme à deux tranchants. On pourrait probablement obtenir plus d’argent, mais on a besoin de plus de gens pour élargir le programme.
[Français]
Mme Fournier : En fait, je vous disais plus tôt que la moyenne des heures de présence des bénévoles au Québec est de 10 heures par mois. L’étude nous a permis de dresser un portrait de chacune des régions administratives, et on a constaté que plus la région est éloignée d’un grand centre, plus le nombre d’heures de bénévolat est élevé, ainsi que le nombre d’années pendant lesquelles les gens restent bénévoles. À l’inverse, ce même sondage impliquait des non-bénévoles, et plus les gens habitaient près des banlieues ou des grands centres, plus ils donnaient la raison du manque de temps pour ne pas faire de bénévolat.
Je suis d’accord pour dire que le problème des distances importantes rend plus difficile la tenue de rassemblements, mais le fait de venir d’un petit milieu inciterait les gens à s’impliquer davantage, souvent parce que, s’ils ne le font pas, l’activité ne pourra pas avoir lieu. Cela pourrait expliquer cette situation.
Mme Langlais : En ce qui concerne la Croix-Rouge, que ce soit dans un milieu rural ou urbain, le recrutement, pour en avoir fait pendant plusieurs années, est toujours difficile partout, à cause du style particulier de bénévoles dont nous avons besoin. Les gens qui deviennent bénévoles à la Croix-Rouge doivent être prêts à se lever en pleine nuit, l’hiver, sans savoir dans quelles conditions ils vont travailler. Ce n’est pas fait pour tout le monde et cela se comprend très bien.
Je vous dirais que nous avons beaucoup de jeunes dans notre équipe; par contre, il faut se poser la question — et je n’ai pas de réponse — et déterminer si c’est vraiment du bénévolat, parce que, souvent, cela fait partie de la catégorie des heures de bénévolat qui doivent être faites par le biais d’un programme particulier. Ce n’est pas une critique, au contraire, parce que souvent, ces gens deviennent vraiment bénévoles plus tard, quelle que soit l’organisation.
C’est la raison pour laquelle, comme je vous le disais plus tôt, la Croix-Rouge a créé des partenariats avec des compagnies comme Bombardier et d’autres pour essayer d’attirer des bénévoles. À cause des sinistres de plus en plus nombreux, on a vraiment besoin de bénévoles. C’est sûr que, la plupart du temps, ce sont les gens d’un certain âge qui sont prêts à faire du bénévolat, et c’est vraiment là qu’on fait le plus souvent du recrutement. Comme le disait M. Boucher, il y a des gens qui ont des familles, des enfants, qui ont beaucoup de responsabilités; c’est là qu’on a le plus de difficulté à recruter, et on en comprend très bien la raison.
Le président : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur R. Black : Une autre question, simplement d’un point de vue général : dans quelle mesure est-il facile de se réunir afin de converser, de dialoguer, de réseauter avec vos organisations-cadres canadiennes, si vous en avez une? Vous rassemblez-vous souvent, ou bien est-ce seulement une fois par année? Dans quelle mesure est-il facile d’échanger les ressources, les apprentissages et les connaissances avec des organisations aux vues similaires de partout au pays?
M. Boucher : La plupart du temps, le rassemblement a lieu une fois par année. Nous tenons une rencontre préalable aux cours, où la plupart des membres du conseil d’administration se réunissent afin de discuter de ce qui se passera durant la prochaine année, mais nous avons des représentants qui siègent à tous les conseils nationaux. On fait beaucoup de choses par téléconférence. Il y a cinq ou six ans, il y avait très peu de communication entre les organisations locales et nationales. Cette situation a énormément changé, et les deux commencent maintenant à beaucoup s’entraider. La situation s’améliore beaucoup.
Mme Boyles : En ce qui concerne le secteur volontaire et les conseils d’administration en Colombie-Britannique, c’est très limité. La Board Voice en soi ne tient pas de conférence provinciale. Nos membres grattent les fonds de tiroir pour réunir un peu d’argent afin de peut-être pouvoir y envoyer une personne. Si nous avons beaucoup de chance, nous pourrions être capables de convaincre Imagine Canada, par exemple, de tenir une de ses réunions en Colombie-Britannique vers la même date que notre conférence afin que nous puissions obtenir cet apport.
Certaines de nos organisations ont établi des liens avec les organisations nationales. Nous tentons d’en tenir compte quand nous le pouvons, mais c’est très limité. C’est le cas à l’échelon provincial, et c’est presque inexistant à l’échelon national.
[Français]
M. Mercier : En ce qui nous concerne, l’association se réunit deux fois par année, en novembre et en mai, avec trois représentants de chacun des chapitres, pour tenir son assemblée générale et élire le nouveau conseil d’administration. Chaque chapitre se réunit deux à trois fois par année et tient une assemblée générale pour nommer son président et son conseil d’administration. Le comité exécutif se réunit une fois par mois à Montréal. L’association rencontre même Mme Allard, directrice des opérations, à peu près tous les deux ou trois jours, en fonction des demandes d’Héma-Québec, pour faire la promotion des dons de sang ou pour les futurs donneurs.
Mme Fournier : Le Réseau d’action bénévole du Québec compte 28 regroupements d’organisation et, oui, il y a un échange au chapitre provincial. Par ailleurs, à partir de 2020, nous tiendrons dans chaque région administrative des forums régionaux à l’intention de tous les superviseurs de bénévoles, peu importe de quel organisme ils proviennent, pour créer une communauté et échanger sur les meilleures pratiques. Par contre, nous n’avons aucun lien officiel avec une autre organisation similaire à la nôtre ailleurs au Canada.
Je suis certaine que nous ne sommes pas la seule organisation provinciale à tenir le rôle que nous jouons. Il serait fort intéressant, effectivement, de créer des ponts entre ces différentes associations provinciales.
[Traduction]
M. Maidment : Je dirais que les banques alimentaires de partout au pays fonctionnent selon un modèle fédéré peu contraignant. On compte 10 associations provinciales, et elles sont membres de l’organisation nationale appelée Banques alimentaires Canada. Il y a beaucoup d’échange d’information. L’alimentation, la salubrité et la réglementation des aliments ainsi que le partage de la nourriture à l’échelle provinciale amènent beaucoup de membres à participer, mais il y a beaucoup de mise en valeur et de partage des ressources et d’échange d’information. Banques alimentaires Canada est en train de mettre au point un outil national qui rassemblera les pratiques exemplaires, les informations échangées, la réglementation, tous ces types de choses. Cet outil est en cours d’élaboration. Ensuite, on tient des conférences provinciales annuelles et bisannuelles ainsi qu’une conférence nationale.
Enfin, le Canada compte six grandes banques alimentaires qui fournissent de la nourriture. Au pays, environ 80 p. 100 des personnes qui visitent une banque alimentaire reçoivent des aliments par l’intermédiaire de ces six organisations dans les plus grandes villes de partout au pays. Ottawa en fait partie. Nous échangeons des renseignements de façon informelle également parce que nous offrons nos services à grande échelle. On passe de notre organisation, qui sert 37 000 personnes par mois, à une banque alimentaire rurale qui pourrait en servir 100. Les six organisations sont également dotées d’une association où nous nous rencontrons et échangeons des informations.
Mme Pomilia Gauthier : Je pourrais parler du conseil des jeunes de Grands Frères Grandes Sœurs. Nous avons des représentants de presque toutes les provinces. Je crois qu’il nous en manque de deux ou trois provinces de l’Est, mais nous essayons de recruter davantage de jeunes. Nous nous rencontrons souvent une ou deux fois par an selon les événements. Vous avez peut-être entendu parler de Jeunes sur la Colline, un de nos plus grands événements, où tous les jeunes se rencontrent à Ottawa, puis nous avons des congrès régionaux et nationaux. À part cela, nous utilisons également beaucoup la technologie. Toutefois, le problème qui se pose, c’est que nous manquons souvent de temps, et si les gens sont occupés, les choses se compliquent. Généralement, nous aimons nous rencontrer en personne, mais nous essayons de trouver d’autres solutions.
[Français]
Mme Langlais : C’est de la Croix-Rouge canadienne dont on parle. Lorsque je suis arrivée à la Croix-Rouge, la structure était plus compartimentée. Aujourd’hui, on semble plutôt vouloir centraliser. Que ce soit pour l’intervention, la formation, la gouvernance ou le financement, les provinces sont représentées au sein des comités. Je vis au Québec et, dans chaque province, bien souvent, on tient des réunions pour rencontrer les bénévoles et les employés permanents qui viennent d’un peu partout dans la province. Maintenant, les décisions ont tendance à être prises sur une base canadienne.
[Traduction]
M. Chater : À Grands Frères Grandes Sœurs du Canada, nous tenons des assemblées mensuelles, où tous nos organismes se réunissent, et nous pouvons échanger sur tout ce qui se passe dans la fédération. Karine a parlé de nos congrès régionaux qui ont lieu une année sur deux, ainsi que de nos conventions nationales qui ont lieu chaque année. En ce qui concerne le mentorat, Grands Frères Grandes Sœurs, en partenariat avec l’Alberta Mentoring Partnership et l’Ontario Mentoring Coalition, représente plus de 320 organisations dans tout le Canada. Nous travaillons sur cette stratégie de mentorat pancanadienne pour que nous puissions échanger des pratiques exemplaires en matière de recrutement et de soutien des mentors, et puis également échanger des résultats de recherche et des connaissances. Cela se fait par l’entremise du Canadian Mentoring Partnership.
Nous avons également un groupe d’organismes nationaux de services à la jeunesse qui se réunit deux fois par an pour échanger également des pratiques de qualité. D’un point de vue sectoriel, en tant que champion du secteur au sein d’Imagine Canada, Grands Frères Grandes Sœurs a également tiré profit de ces réunions.
Le sénateur Duffy : Merci à tous d’être venus ici aujourd’hui.
J’ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit et j’ai deux ou trois questions d’ordre général.
D’abord, monsieur Mercier, ainsi que les autres personnes concernées par le don de sang, connaissez-vous le projet de loi du Sénat S-252, lequel est maintenant à l’étude et qu’il a été proposé par la sénatrice Pamela Wallin, qui interdirait la rémunération des donneurs de sang au Canada? Cela vise les cliniques — je crois qu’il y en a quelques-unes en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, et peut-être ailleurs — où les donneurs de sang sont rémunérés.
Que pensez-vous du fait de rémunérer des personnes pour leur sang?
Mme Allard : Oui. Nous y avons pensé.
[Français]
On y a beaucoup réfléchi. Pour l’instant, à notre avis, il est extrêmement important que le don soit volontaire et non payé. Comme pour le bénévolat, s’il était payé, ce ne serait plus du bénévolat. Nous nous opposons au fait de payer les donneurs. Un jour, la pression sera peut-être plus forte d’aller en ce sens, et on devra reconsidérer cette possibilité. Toutefois, pour le moment, nous arrivons à convaincre les gens, de différentes façons, de donner sans être payés, de la même façon que nous réussissons à trouver des bénévoles sans les payer.
[Traduction]
Le président : Je pense que c’est ce qu’auraient dit les représentants de la Société canadienne du sang s’ils étaient ici également. Héma-Québec et la Société canadienne du sang sont généralement sur la même longue d’onde.
[Français]
Mme Allard : La pratique est plus courante aux États-Unis et on paie les donneurs. Certains endroits en Europe offrent des incitatifs qui ressemblent de plus en plus à un avantage monétaire. La tendance est vraiment très forte aux États-Unis. Plusieurs compagnies de dons de sang, et d’autres dons aussi, ont adopté une démarche où on fait des affaires.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Au Canada, il y a déjà des cliniques en Saskatchewan, et je crois qu’il y a une proposition pour mettre en œuvre un système visant à rémunérer les donneurs de sang au Nouveau-Brunswick. Ce que je crains, c’est que lorsqu’on commence à payer les gens, les dons volontaires diminuent. Une des plus grandes réussites du Canada, c’est le système national d’approvisionnement en sang, qui dépend des bénévoles. Je félicite toutes les personnes qui travaillent dans ce secteur.
Ensuite, au cours des derniers mois, nous avons entendu tous les témoins dire qu’il y a une crise de plus en plus importante, car les jeunes ne semblent pas avoir le temps de faire du bénévolat ou ne consacrent pas de temps à cette activité. Il y a toute la question de la philanthropie et des jeunes donneurs, de la somme qu’ils donnent, s’ils donnent, et de ce qui les motive à donner.
Nous avons entendu parler d’événements spectaculaires comme la tragédie de Humboldt, en Saskatchewan, où des millions de dollars ont été recueillis en une nuit. Pourtant, les dons à long terme nécessaires pour assurer la continuité des services n’ont pas le même attrait pour la nouvelle génération.
En tant que personnes qui travaillent dans le système, croyez-vous qu’il serait dans l’intérêt du secteur bénévole d’avoir un champion dans le gouvernement fédéral? Il s’agirait d’un ministre qui s’occupe des organismes de bienfaisance, qui défendrait leurs intérêts et qui parcourrait le pays à titre d’ambassadeur, pour essayer d’encourager les jeunes et parler dans les écoles. Les possibilités sont infinies pour ce qui est de trouver des personnes qui attirent les jeunes, afin que nous puissions essayer de susciter l’intérêt dans ce domaine, lequel est en déclin.
Si vous avez des commentaires à faire, j’aimerais bien les entendre.
[Français]
Mme Allard : Nous essayons de recruter des bénévoles comme nous l’avons toujours fait. Comme on le sait, les jeunes sont adeptes des médias numériques. On doit les approcher d’une façon différente pour les motiver. Il existe plusieurs moyens. Il faut évoluer au même rythme qu’eux. Le recrutement auprès des jeunes doit se faire différemment de la façon dont on a toujours recruté les bénévoles. Il existe plusieurs autres solutions, et je pourrai y revenir. Il faut vraiment transformer nos façons de recruter les bénévoles, mais aussi de les fidéliser.
Mme Fournier : Je suis tout à fait d’accord avec Mme Allard. Le bénévolat a changé. Serait-ce une bonne idée d’avoir un représentant ou un ministère sur le bénévolat ou le secteur de la bienfaisance? Certainement.
En effet, il faut considérer qu’au Québec, 57 p. 100 des jeunes âgés de 18 à 35 ans ne sont pas bénévoles parce qu’ils ne savent pas où s’adresser ou qu’ils n’ont pas eu l’occasion de faire du bénévolat. C’est ce qui est ressorti de la dernière enquête sur la participation sociale et le don de Statistique Canada. Près de 50 p. 100 des gens ne sont pas bénévoles parce qu’on ne le leur a pas demandé. Ils doivent connaître les possibilités et les bienfaits du bénévolat. Par ailleurs, il y a peu de bénévoles ou pas du tout chez les jeunes adultes. On n’a peut-être pas les bons organismes à cette fin autour de la table. Le bénévolat suit les cycles de la vie. Si vous êtes dans la trentaine et que vous avez des enfants, il est fort probable que vous allez vous impliquer bénévolement à l’école de vos enfants ou dans les activités sportives et de loisirs. Au Québec, la majorité des bénévoles en sports et loisirs ont de 35 à 50 ans, sans doute parce qu’ils suivent leurs enfants lors de leurs activités. Il faut trouver une nouvelle façon d’aborder les bénévoles, mais aussi adapter notre message à la génération de bénévoles à laquelle on veut s’adresser. Bénévoles Canada a mené une étude très intéressante sur les différentes générations de bénévoles, sur ce qui les intéresse et sur ce qu’il voient comme des obstacles au bénévolat, et ce, pour les différentes tranches d’âge. C’est une ressource très intéressante pour nos collègues des autres organisations.
[Traduction]
Le président : Nous avons sauté au dernier tour la dernière fois, madame Boyles. Je m’en excuse.
Mme Boyles : En ce qui concerne votre précédente question, j’aimerais rappeler que je parlais du point de vue des membres bénévoles du conseil d’administration. Je suis la présidente du conseil d’administration des Family Services of Greater Vancouver. Notre présidente-directrice générale siège au conseil d’administration national de Services à la famille-Canada. Nous avons certains bénévoles nationaux à l’échelon du personnel, mais pas à l’échelon de la gouvernance, ce qui revient à ce que je disais.
Pour ce qui est de la création d’une direction nationale des organismes de bienfaisance, ou de l’inclusion des organismes sans but lucratif qui ne sont pas encore des organismes de bienfaisance, mais qui pourraient l’être bientôt avec les changements apportés aux règlements, je dirais que les membres des conseils d’administration de la Colombie-Britannique soutiendraient fortement cette mesure. Nous avons demandé la mise en place d’un cadre sociopolitique pour la Colombie-Britannique elle-même. Il y a une telle incohérence en matière d’équité entre les divers ministères du gouvernement, y compris à l’échelon fédéral. Mon précédent travail auprès du gouvernement fédéral et les façons dont nous pouvons adopter des points de vue communs... Il serait très utile de tenir compte des aspects sociaux au moment d’examiner tous les programmes, y compris la participation des jeunes.
Mme Pomilia Gauthier : Du point de vue des jeunes, je peux vous dire que nous utilisons souvent l’excuse que nous sommes trop occupés ou obligés d’aller au travail ou à l’école, et que nous devrions plutôt faire de l’argent. Nous considérons le bénévolat presque comme un luxe. C’est une chose que nos parents et nos grands-parents ont le temps de faire, mais nos vies sont trop chargées. Cela revient à la question de savoir si nous avons vu, dans notre jeunesse, des personnes faire du bénévolat. J’ai été chanceuse d’avoir une grande sœur. Elle faisait beaucoup de bénévolat dans sa collectivité et j’ai grandi avec le même état d’esprit, en me disant que même si je dois aller au travail ou à l’école, je peux toujours trouver le temps de le faire. Nous décidons de ce que nous faisons avec notre temps. Je pense qu’il s’agit de l’élément clé pour accroître le mentorat et le bénévolat chez les jeunes, surtout les jeunes professionnels, et rendre cette possibilité plus accessible et visible. Le fait d’avoir un ministre du Bénévolat serait peut-être une voie intéressante à suivre, car il rendrait le secteur beaucoup plus visible. J’ai noté ici que souvent, nous ne faisons pas de bénévolat si personne dans notre entourage n’en fait. Les bénévoles arrivent en petits groupes. La plupart de mes amis sont bénévoles. Si nous voyons des personnes faire du bénévolat à des niveaux élevés, cela peut nous encourager à suivre leur exemple.
M. Maidment : C’est une idée intéressante et une très bonne question. J’ai parlé tout à l’heure d’un manque de bénévoles chez les 18 à 35 ans, et j’en ai certainement fait l’expérience. Je ne pense pas que cela tienne à la manière dont nous communiquons avec ce groupe. Nous communiquons avec nos donneurs par voie électronique et nous avons constaté une croissance exponentielle à cet égard, ce n’est donc pas nécessairement en raison des outils.
Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a un lien avec la culture de nos jeunes. J’ai grandi dans une petite ville de Terre-Neuve et je faisais partie d’une communauté chrétienne. Je travaille actuellement dans une banque alimentaire, mais j’ai commencé dans une communauté chrétienne. Nous cuisinions pour des voisins qui avaient perdu un être cher, pour une personne qui avait perdu son travail, ou pour les pompiers qui combattaient un feu de forêt. J’ai grandi dans la cuisine de ma grand-mère, à la regarder faire. Nous avons observé un changement de culture, et les églises perdent de l’importance et ferment. Un rapport a été publié sur le nombre d’églises qui devraient fermer et être vendues au Canada au cours des prochaines années. Nous observons un changement. Monsieur le sénateur Black, cela nous ramène également à votre question au sujet des bénévoles dans les collectivités rurales et ceux dans les collectivités urbaines. Je pense que nous devons être conscients du changement que nous observons au Canada, et que nous devons potentiellement attirer les jeunes et rendre le bénévolat attrayant pour eux. D’après votre question, sénateur, si vous pensez à la part du PIB du Canada qui provient des organismes sans but lucratif, je pense qu’il y a suffisamment d’arguments pour dire que nous devrions examiner cette initiative.
Le président : Mesdames et messieurs, j’aimerais tous vous remercier d’être ici. C’est une séance très intéressante, et nous sommes un grand groupe. Nous voulions que vous soyez tous ici parce que vous avez tous une expérience dans le secteur du bénévolat, et nous pensions qu’il était important que le comité entende vos avis, étant donné que nous arrivons à la fin de la partie des audiences pour notre étude. Ensuite, c’est l’heure du travail laborieux, et nous remettons tous les renseignements à nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement pour qu’ils nous aident à rédiger le rapport. Je peux vous assurer que vos témoignages d’aujourd’hui seront, je l’espère, quelque peu repris dans le rapport. J’ai hâte à la publication, qui ne devrait pas trop tarder. Encore une fois, je vous remercie de votre présence et — élément plus important encore — de votre travail dans la collectivité. Notre collectivité se porte mieux grâce à votre travail.
Cet après-midi, nous avons réuni des juristes pour discuter des questions réglementaires et juridiques. Chers collègues, pour que vous le sachiez — et je pense que vous avez été mis au courant —, nous procéderions un peu différemment qu’à l’habitude avec ce groupe de témoins. Chacun des témoins a reçu une série de questions, et je propose que nous abordions une question à la fois et que nous permettions à chaque témoin de formuler des commentaires s’il le souhaite. Les sénateurs peuvent poser des questions quand ils le veulent, même si je dirais qu’il serait plus efficace que nous entendions les réponses des témoins avant que chacun pose ses propres questions. Commençons.
Nous avons aujourd’hui avec nous Susan Manwaring, associée et chef, groupe Impact social de Miller Thomson LLP; Adam Parachin, professeur agrégé de l’Osgoode Hall Law School de l’Université York; Adam Aptowitzer, avocat, Secteur caritatif et à but non lucratif, et Karen Cooper, conseillère juridique, tous deux de Drache Aptowitzer LLP; et David Oyler, ce dernier témoin nous vient d’Oyler Consulting d’Halifax, ce qui est toujours une bonne nouvelle.
Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité.
Vous voyez les questions. Nous pouvons procéder question par question si vous le voulez, ou nous pouvons y aller de manière aléatoire. La première question porte sur la Loi canadienne anti-pourriel. Dans quelle mesure, le cas échéant, les autres membres du secteur sans but lucratif partagent-ils cette préoccupation au sujet des pourriels et de leurs possibles effets négatifs? Quelles mesures, s’il y a lieu, le gouvernement fédéral peut-il prendre en réponse à cette préoccupation?
Susan Manwaring, associée et chef, Groupe Impact social, Miller Thomson LLP, à titre personnel : Ce n’est pas que j’aie beaucoup de choses à dire à ce sujet, mais une chose m’a frappée à la lecture de cette question. S’il existe des entités semblables à des organismes de bienfaisance qui ne sont pas traités comme tels, il serait alors logique, du point de vue des politiques, de les traiter ainsi. Je pense que la question est de savoir comment décider quels autres organismes ressemblent à des organismes de bienfaisance, et je pense que cela nécessiterait un certain examen.
Je ne suis pas certaine que les organismes de bienfaisance sachent nécessairement que ces organismes ne sont pas traités de la même manière, car ils ne s’en rendent pas compte. Les personnes qui ont soulevé la question... C’est peut-être un organisme gouvernemental ou un agent de la Couronne qui l’a soulevée. Les organismes de bienfaisance enregistrés ne savent probablement pas que ces autres organismes ne sont pas traités de la même manière qu’eux, et je soupçonne que, pour cette raison, la question ne suscite pas beaucoup d’intérêt.
Ce qui me paraît le plus logique, c’est d’avoir une politique qui apporte une certaine cohérence. Il s’agit de regarder les donataires reconnus et de dire que ce titre devrait peut-être s’appliquer non seulement à tous les organismes de bienfaisance enregistrés, mais à tous les organismes reconnus. Je ne sais pas s’il s’agit de la bonne solution. Il faudrait faire preuve de prudence du point de vue de la politique pour le vérifier.
Le président : Personne d’autre? Tout le monde n’a pas à tout commenter. Voilà qui est formidable.
La deuxième question concernait la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Dans son témoignage devant le comité, Cliff Goldfarb a parlé de cette loi et a recommandé que l’on y apporte certains changements au moment de son examen en 2020. Ce n’est pas si loin. Je crois que c’est l’année prochaine si mes calculs sont bons.
Dans quelle mesure, le cas échéant, est-il nécessaire de modifier la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif pour mieux appuyer le secteur sans but lucratif? Si vous pouviez nous fournir des commentaires ou des exemples, cela serait utile. Dans quelle mesure, le cas échéant, le comité devrait-il accorder la priorité à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif? Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
Karen Cooper, conseillère juridique, Drache Aptowitzer LLP : Je pense qu’il est nécessaire d’apporter des changements à la loi. Elle est en vigueur depuis assez longtemps pour que les gens aient une certaine expérience et soient capables de formuler des recommandations. Je sais que l’Association du Barreau canadien a préparé une liste de 20 recommandations qui est directement présentée à Corporations Canada; je dirais donc que, avec tout le respect que je dois à Cliff Goldfarb, il y a bien un processus et un mécanisme. L’Association du Barreau canadien et les avocats qui ont une expérience avec cette loi s’emploient activement à formuler des recommandations. C’est très technique.
Mme Manwaring : J’aimerais simplement dire que c’est M. Goldfarb qui a organisé la rédaction du mémoire de l’ABC. Ce travail est fait. Je pense que Mme Cooper a raison.
Le sénateur R. Black : J’ai une autre question : faudrait-il que ce soit une priorité pour le comité, ou est-ce que cela serait fait de toute façon? Doit-on réserver cette espace pour autre chose, si vous voyez ce que je veux dire?
Mme Manwaring : Je pense que les détails ne sont pas une priorité et qu’il y a d’autres sujets liés à la réglementation qui figurent dans ces questions et qui seraient prioritaires. Si vous le pouvez, je pense que vous devriez recommander que les mémoires soient examinés attentivement par Corporations Canada et que cet organisme juge de ce qui est pertinent.
Adam Aptowitzer, avocat, Secteur caritatif et à but non lucratif, Drache Aptowitzer LLP : La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif a remplacé une loi vieille de plus de 80 ans. Je pense qu’elle a beaucoup de qualités et qu’elle est bien étayée. Selon moi, il est tout à fait approprié d’examiner la loi et d’apporter certains changements techniques qui sont manifestement requis, mais, dans l’ensemble, je suis d’avis que des questions plus fondamentales touchent le secteur, sur lesquelles le comité devrait se pencher.
La sénatrice Omidvar : Pour ceux qui aimeraient intervenir, nous avons entendu un certain nombre de témoins parler du fait que le secteur sans but lucratif est aussi diversifié et compliqué que le secteur de la bienfaisance, et qu’il est peut-être temps de réfléchir et de mettre un peu d’ordre dans ce secteur. Il faudrait diviser le secteur en deux : les organismes sans but lucratif dédiés à la poursuite du bien public et ceux dédiés au bien de leurs membres. Ce serait un changement majeur. L’un de vous pourrait-il intervenir à ce sujet?
Mme Manwaring : C’est une question qui devrait être examinée très attentivement. Parlez-vous de fiscalité ou de droit des sociétés? C’est à ce point distinct et différent. La façon dont sont faites les choses aujourd’hui reflète l’existence d’une telle diversité et d’un grand nombre de catégories différentes, que ce soit dans la Loi de l’impôt sur le revenu ou ailleurs. Actuellement, on essaye d’appliquer le droit des sociétés à toutes les catégories. Ce n’est pas mauvais de se demander si c’est la meilleure façon de procéder. À ce stade, je ne suis pas certaine que nous ayons assez d’expérience... Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, en ce qui concerne la voie à suivre.
La sénatrice Omidvar : Il est temps d’en tenir compte mais pas —
Mme Manwaring : Oui. Nous allons tenir compte et examiner les résultats de recherche et des informations que je n’ai jamais vus rassemblés à un seul endroit.
Adam Parachin, professeur agrégé, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel : Une des réponses à cette question, c’est que nous établissons déjà cette distinction, et nous appelons cela la distinction entre les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif. Nous pourrions remplacer les termes pour décrire ces phénomènes, mais le bien public relève du secteur de la bienfaisance, et les organismes sans but lucratif forment un autre secteur qui est, vous avez raison, diversifié. Une des questions suivantes donnera probablement lieu à une discussion au sujet de ce qu’on pourrait décrire comme étant une réglementation sous-développée, sur le plan à la fois administratif et législatif, à l’égard des organismes sans vocation de bienfaisance et à but non lucratif, car les questions ne sont pas identiques. Je ne crois pas que nous ayons besoin de nouvelles catégories. Je pense qu’il pourrait s’agir d’un exercice où on ajoute des détails supplémentaires au cadre déjà existant des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif. Je ne crois pas qu’il s’agit d’une nouvelle catégorie ou d’une nouvelle distinction.
Le sénateur Duffy : Pour poursuivre sur ce sujet, voulez-vous dire qu’il s’agit d’un genre de péréquation? Est-ce que c’est très technique, de sorte que seulement quelques personnes comprennent et que nous ferions probablement mieux de ne pas nous lancer dans ce sujet pour le moment? Avons-nous d’autres choses plus faciles à réaliser?
Mme Cooper : Exactement. J’ai passé ma matinée à essayer de rédiger un document d’introduction sur la TVH. On doit tenir compte des définitions relatives à la taxe et de celles relatives à l’accise, et les dispositions législatives tentent de définir ce qui est visé et ce qui ne l’est pas à différents niveaux. Il peut s’agir de mesures antipourriel, de droit des entreprises... Peu importe le régime de réglementation, on tente de déterminer ce qui est visé et ce qui ne l’est pas. Vous avez cette classification qui devient de plus en plus complexe.
À mon avis, s’il y a un secteur où l’on perçoit des abus, vous devriez le retirer plutôt que d’essayer de créer de grands ensembles car il y aura toujours des exceptions. Si vous avez entendu dire que certains secteurs ne devraient pas recevoir les types d’avantages que reçoivent les autres organismes des autres secteurs, et si vous voulez aborder la question, ce serait beaucoup mieux d’essayer de les recenser et ensuite les retirer.
Le problème qui se pose, bien sûr, c’est qu’on isole des groupes et qu’on concentre l’attention sur eux. Autrement, nous avons assez de ces très grandes catégories qui nous coûtent très cher à définir, sur le plan juridique.
M. Aptowitzer : Je ne suis pas certain que cette façon de voir les choses, en ce qui concerne la classification ou les domaines de pratique des différents organismes sans but lucratif ou organismes de bienfaisance, nous mène nécessairement très loin.
Une question que je pense être fondamentale, dont mes distingués collègues m’ont entendu parler à de nombreuses reprises, c’est le fait que la réglementation des organismes de bienfaisance bénévoles relève de la compétence des provinces en vertu de la Constitution. Si on veut vraiment arriver à l’idée de règles fonctionnelles pouvant être appliquées jusqu’à l’échelon des sous-secteurs ou envisager divers types de catégories, et dire que cette catégorie a besoin de cette réglementation plutôt que de celle-là, vous devez réellement réunir les personnes qui ont l’autorité constitutionnelle de légiférer dans ce domaine. Il s’agit d’un grand projet. C’est facile à comprendre, bien sûr. Les personnes qui ont cette autorité sont celles qui doivent en discuter.
Une partie du problème qui se pose relativement au cadre actuel, c’est que l’intégration d’une partie de ces éléments dans la Loi de l’impôt sur le revenu est assujettie aux limites constitutionnelles du gouvernement fédéral à cet égard. Certaines des difficultés qui se posent sont très fondamentales et exigent des solutions de fond.
Le président : Merci. Dans le mémoire présenté par la Pemsel Foundation au comité, on peut lire la recommandation qui suit :
[...] nous croyons que les trois catégories d’organismes de bienfaisance enregistrés prévues par la loi — œuvres de bienfaisance, fondations publiques et fondations privées — devraient être regroupées et classées en fonction de deux désignations, selon qu’il s’agisse d’une société à peu d’actionnaires ou d’une société à grand nombre d’actionnaires ou ouverte, avec le degré approprié de réglementation reposant principalement sur la nature de ces critères, qui précisent s’il y a peu d’actionnaires ou un grand nombre d’actionnaires.
Que pensez-vous de ce point de vue? Monsieur Parachin, allez-y, s’il vous plaît.
M. Parachin : En guise d’introduction, j’aimerais vous dire, si je peux me permettre, quelle est ma valeur ajoutée pour un comité comme celui-ci, car je ne suis plus un avocat en exercice, sur le terrain avec une clientèle quotidienne. En revanche, ce que j’ai, compte tenu de mon travail universitaire en tant que professeur de droit et spécialiste du droit, c’est le temps de prendre du recul relativement aux systèmes juridiques et d’essayer de trouver d’où vient la confusion. Ma participation consiste donc à chercher des solutions concrètes aux problèmes. Quand on examine un ensemble de lois, on se demande où elles dévient. D’où viennent les questions difficiles qui nous font perdre notre chemin? Je ne peux pas penser à un meilleur exemple que celui-ci, et c’est le statu quo relatif à la distinction entre les activités et les objectifs qui nous a clairement détournés de notre chemin. C’est une réelle source de confusion.
La bonne nouvelle, c’est qu’il s’agit de blessures auto-infligées et qu’on peut aisément y remédier. Il est facile d’illustrer le problème. Les catégories d’organismes de bienfaisance actuelles qui figurent dans la loi reposent sur une fausse dichotomie. On a deux éléments fondamentaux, soit les fondations de bienfaisance, qui doivent être constituées et administrées à des fins de bienfaisance, et les organismes de bienfaisance, qui doivent consacrer leurs ressources à des activités de bienfaisance. Cela semble être deux choses distinctes, mais compte tenu de la façon dont la common law décrit les activités en se rapportant à leurs objectifs, il s’avère qu’il s’agit en fait de deux manières distinctes de dire la même chose.
Le fait d’être constitué et administré exclusivement à des fins de bienfaisance, suppose la participation à des activités qui favorisent ces fins. Le fait d’être exclusivement constitué aux fins d’activités de bienfaisance suppose la même chose, soit de participer à des activités qui favorisent les fins de bienfaisance. Si cela semble relativement simple, c’est parce que cela l’est.
Là où on déraille, c’est qu’une fois que la loi présente aux tribunaux et aux organismes de réglementation l’idée que ce sont deux choses distinctes, l’organisme de réglementation ou le tribunal doivent s’efforcer de donner un sens à cette distinction. On se retrouve donc dans des discussions absurdes sur ce qui distingue une activité de bienfaisance. Au cours des 30 dernières années, nous avons vu cela semer énormément de confusion en ce qui concerne un certain nombre d’activités, notamment les activités politiques, commerciales, de contrôle et de direction. Tous ces problèmes d’ensemble découlent de cette distinction.
Il y a plus à dire à ce sujet, mais j’appuierais sans réserve la recommandation formulée par la Pemsel Foundation. On peut résumer l’énoncé de principes en peu de mots, à savoir que nos catégories d’organismes de bienfaisance devraient reposer sur les défis réglementaires uniques qu’elles posent. En ce qui concerne les organismes de bienfaisance à peu d’actionnaires par rapport à ceux à grand nombre d’actionnaires, ou les organismes publics par opposition aux privés, cette distinction permet de mieux s’attaquer au problème que la distinction entre les organismes et les fondations — les activités ou la mission — laquelle, je pense, n’a réglé aucun problème et a uniquement soulevé des questions sans réponse.
Mme Manwaring : Merci. Je suis entièrement d’accord avec M. Parachin. Je voulais souligner l’expérience passée.
De la même façon que l’article a évolué, nous avions des dispositions concernant ce que j’appelle les bailleurs de fonds ou les banques, qui étaient les organismes de bienfaisance qui donnaient de l’argent. Nous avions des dispositions en ce qui concerne les exécutants, les organismes de bienfaisance qui font des choses. Au fil du temps, la distinction qui existait entre ces dispositions a pratiquement disparu, et la manière dont les dispositions sont appliquées aux deux est fondamentalement devenue identique, sauf pour, comme l’a mentionné M. Parachin, les organismes à peu d’actionnaires par opposition à ceux à grand nombre d’actionnaires. Il s’agirait simplement de modifier toutes les dispositions pour qu’elles reflètent la situation actuelle, à l’exception de deux ou trois changements mineurs. Il serait excellent de clarifier la loi de cette manière.
Mme Cooper : J’aimerais me faire l’écho des commentaires d’Adam et de Susan à ce sujet. Je crois qu’il s’agit d’une excellente recommandation. J’ai longuement réfléchi aux situations où il serait logique d’avoir quand même les trois, et je n’ai vraiment pas pu en trouver une seule qui expliquerait pourquoi on conserverait ce genre de règle. Cela ne ferait qu’embrouiller encore plus les choses.
Cela mène en quelque sorte à la prochaine question. Une fois qu’on écarte la mission, les fondations sont enregistrées parce qu’elles ont une mission de bienfaisance, alors que dans les organismes de bienfaisance, l’attention est tournée vers les activités. Une fois que l’on élimine cette distinction, on peut ensuite se concentrer sur ce qui sème véritablement la confusion, dans les activités quotidiennes, et cela tient à la question de savoir à quoi correspond une activité de bienfaisance au juste, et pourquoi il y a tant d’attention apportée à ces activités.
Le président : Merci. Au cours des séances qu’a tenues le comité, plusieurs témoins ont recommandé que le gouvernement élimine l’impôt sur les gains en capital provenant des recettes des ventes d’actions de société privée et de biens immobiliers quand ces recettes font l’objet d’un don à un organisme de bienfaisance. Même si les tenants de telles mesures estiment qu’elles feraient en sorte d’augmenter les dons de bienfaisance, d’autres ont laissé entendre que ce serait les hôpitaux et les universités qui en profiteraient le plus, plutôt que les organismes communautaires. Toutefois, je serais porté à dire que les universités et les hôpitaux ont un lien avec la collectivité et que leur fonctionnement touche les collectivités; ces établissements embauchent des gens, achètent des biens et créent des activités dans les collectivités. Je viens d’une ville qui en compte cinq, donc les universités sont importantes pour l’économie de ma ville.
Quels sont les avantages et les risques possibles liés à l’exonération de l’impôt sur les gains en capital pour les dons d’actions de sociétés privées ou de biens immobiliers?
M. Aptowitzer : Je crois qu’il y a certaines difficultés qui sont évidentes, mais elles sont fonction du mécanisme utilisé dans la loi pour inciter les gens à faire ce genre de dons. J’ai abordé ce sujet lors de mon dernier témoignage devant ce comité, donc je serai bref.
Au fond, les difficultés relatives aux dons d’actions de sociétés privées sont liées à l’établissement de la valeur de ces actions au moment du don, en particulier, quand il s’agit d’un don à une fondation privée ou à une entité qu’on ne peut qualifier de non liée au donateur. L’autre problème qui existe concerne le contrôle d’une société au moyen de ces actions par une entité qu’on ne peut qualifier de non liée, et qui est habituellement une fondation privée.
Il existe différents mécanismes pour traiter ces deux problèmes. Celui qui figure actuellement dans la loi prévoit que le donateur n’obtient pas de reçu de don jusqu’à ce que les actions en question cessent d’être ce qu’on appelle un titre non admissible. Donc, dans les faits, la société devient ouverte ou elle est vendue à une autre personne qui n’est pas liée au donateur. Il existe déjà des mécanismes dans la loi pour traiter ce genre de questions, et c’est en partie pourquoi j’ai trouvé que les propositions formulées en 2015 créaient autant de confusion, car il semblait qu’on tentait de régler un problème qui n’existait plus, vu les dispositions existantes de la loi. Je suis favorable aux mécanismes actuellement en place, quoiqu’ils pourraient être légèrement améliorés, mais seulement en ce qui concerne les dons d’actions de sociétés privées. La seule véritable question est celle de savoir quel taux d’imposition on veut appliquer à l’aliénation des titres? Il est facile de modifier ce taux sans nécessairement modifier tout le mécanisme afin de régler les failles.
La sénatrice Omidvar : Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas des avocats, j’aimerais résumer les choses de façon plutôt simple. Une personne détient des titres d’une société privée. Leur valeur a augmenté. La société n’est pas encore ouverte. En choisissant de donner ces titres à un organisme de bienfaisance, si cette loi est adoptée, on pourrait obtenir un certain nombre d’avantages. Premièrement, on n’aurait pas à payer de l’impôt sur les gains en capital qui s’appliquerait normalement à ces titres. Deuxièmement, on aurait droit à une déduction pour don de bienfaisance et, troisièmement, on conservait le contrôle de ces titres jusqu’à ce qu’on les vende. Ma compréhension de ces avantages pour le donateur est-elle juste?
M. Aptowitzer : Vous avez dit « si cette loi est adoptée ». De quelle loi s’agit-il?
La sénatrice Omidvar : La proposition qui nous a été soumise vise à faire en sorte que les dons de titres de sociétés privées et de biens immobiliers soient admissibles à une déduction pour dons de bienfaisance, comme le sont les dons de titres de sociétés ouvertes.
M. Aptowitzer : Selon le système actuel, une personne ne reçoit pas de reçu de don à moins que les titres en question... Pour utiliser les faits que vous avez avancés... Le donateur ne reçoit pas ce reçu s’il est toujours en mesure d’exercer un contrôle sur ces titres. C’est essentiellement la façon dont le système a été conçu. En d’autres mots, les titres deviennent des titres d’une société publique, donc la personne exerce peu de contrôle, ou la société a été vendue à une tierce partie et, dans ce cas, encore une fois, la question du contrôle disparaît. Ce qui se passe, c’est que vous disposez d’une période de cinq ans pour que les titres cessent d’être non admissibles, et si vous obtenez ce reçu pour don au cours des cinq années, alors vous pouvez l’utiliser pour compenser l’impôt dû au moment où vous avez fait le don des titres à l’organisme de bienfaisance.
À mon avis, le système fonctionne. Il y a peut-être quelques petits ajustements à apporter, mais, dans l’ensemble, il n’y a aucune raison d’ordre stratégique qui semble s’imposer pour qu’on fasse une distinction entre un don de titres d’une société publique et un don de titres d’une société privée.
La sénatrice Omidvar : Autrement dit, vous appuyez la proposition simplement pour l’aspect équitable; c’est-à-dire que si vous pouvez faire don de titres de sociétés ouvertes, vous devriez être en mesure aussi de faire don de titres de sociétés privées.
M. Aptowitzer : Je crois que l’aspect d’équité est une façon de voir les choses. Il s’agit aussi d’un bassin gigantesque de richesses inexploitées qui deviendrait accessible au secteur des organismes de bienfaisance.
La sénatrice Omidvar : Puis-je poursuivre sur cette question?
Le président : D’autres témoins dans le groupe souhaitaient répondre. Allez-y, madame Manwaring.
Mme Manwaring : J’élargirais un peu la portée pour parler des propositions de 2015, selon lesquelles il serait possible d’avoir droit à l’exonération de l’impôt sur les gains en capital si les titres ont été vendus pendant une période en particulier. Adam fait référence aux règles existantes, qui prévoient une période de cinq ans pour que les titres deviennent des titres d’une société ouverte ou qu’ils soient vendus. Dans la proposition de 2015, on avait affirmé de fait que, si on pouvait les vendre immédiatement, ce serait considéré en somme comme un don en argent, parce qu’on vendait les titres tout de suite, et que cela aurait pour seul effet de faire en sorte que les règles soient les mêmes pour les titres de sociétés ouvertes et les titres de sociétés privées. À mon sens, le fait de vendre des titres pour de l’argent afin d’obtenir un reçu de don est essentiel dans le cas de titres de sociétés privées; c’est aussi ce qui figurait dans les propositions de 2015 à l’égard des biens immobiliers, et l’enjeu dans ce cas tenait au fait de verser l’argent directement à l’organisme de charité visé.
M. Parachin : Question de donner un peu de contexte, il y a des objections à la proposition, notamment une qui a déjà été évoquée, c’est-à-dire en ce qui concerne la question de la valeur. Ce genre de biens ne se vendent pas sur un marché facilement accessible, comme c’est le cas pour les titres cotés en bourse. Toutefois, la solution à ce problème, c’est celle qui a été mise sur la table, c’est-à-dire d’exiger que le donateur vende le bien à un acheteur auquel il n’est pas lié et qu’il donne les recettes de la vente dans une période de temps précise, que ce soit une période de 30 jours ou une autre période donnée, ce qui a pour effet de diminuer de façon importante, sinon d’éliminer, les préoccupations liées à la valeur. L’autre préoccupation tient au fait que les organismes de bienfaisance seraient coincés avec des biens immobilisés, ou dans une position d’actionnaires minoritaires de sociétés privées, sans avoir accès à un marché, ou encore auraient des terrains qui n’auraient pas de marché facilement accessible. Toutefois, la solution qui consiste à vendre les biens et les titres règle aussi cette question. Si le donateur a converti le bien en argent et en a fait don, il faut que cette transaction corresponde à certaines transactions, soit une transaction à une partie non liée, qui nous donne ainsi une façon de connaître la valeur marchande équitable. Si le donateur fait ensuite don de l’argent, cette préoccupation se trouve aussi à être dissipée.
Certains font valoir depuis longtemps que ce genre de mesure incitative pour susciter des dons est inéquitable, qu’elle avantagera surtout les donateurs fortunés, et on doit reconnaître que cela est vrai. Toutefois, je ne crois pas que ce soit une raison de ne pas appuyer la mesure. Je suis de cet avis parce que les concessions sur le plan fiscal liées au don de bienfaisance sont jusqu’à un certain point régressives en soi, et liées à la nature du geste de partage volontaire. Les personnes qui possèdent davantage partageront plus. Elles possèdent plus de richesses à partager, et je ne crois pas que nous devrions nuire à la redistribution volontaire de la richesse en nous fondant sur le fait qu’il s’agit justement de redistribution de la richesse, et que ce sont, de façon disproportionnée, les gens fortunés qui le font. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un argument qui justifie une fin de non-recevoir.
J’appuie de façon générale cette proposition, mais j’ai toutefois une réserve. Quand je prends un pas de recul et que j’examine les mesures incitatives liées aux dons, je conclus que la mesure incitative idéale en ce qui concerne les dons devrait avoir au moins deux qualités. Premièrement, elle doit susciter les dons. Si ce n’est pas le cas, pourquoi la mettre en place? Deuxièmement, elle doit susciter des dons sans entraîner le même degré d’examen de la part du gouvernement qui viserait habituellement un transfert direct de la part de l’État. Si nous souhaitions imposer le genre de surveillance réglementaire qui accompagne le financement octroyé par l’État, nous savons exactement comment faire cela, et c’est en ayant recours à du financement direct de la part de l’État. Nous finançons les organismes de bienfaisance au moyen de mesures incitatives qui visent les dons pour éviter que le gouvernement intervienne, et je suis préoccupé par le fait qu’il existe un seuil à partir duquel les mesures incitatives pour susciter des dons deviennent trop généreuses et finissent par nuire au secteur. Ce que j’entends par là, c’est que des mesures incitatives pour susciter des dons qui sont à un certain degré excessivement généreuses ouvrent la porte à une surveillance de l’État dont nous ne voulons pas dans le secteur. Je ne dis pas que cette mesure nous placerait nécessairement dans une telle situation, parce que nous exerçons déjà une surveillance en ce qui concerne les titres cotés en bourse, mais il s’agit d’une préoccupation qui devrait figurer dans le rapport d’une certaine façon.
Le président : Merci.
Mme Cooper : En ce qui concerne le dernier point, vous avez assurément entendu ma réponse à cette question lors de mon dernier passage devant ce comité, et je crois savoir que les responsables de l’organisme Conservation de la nature Canada ont aussi soumis un mémoire à ce sujet. Je vais utiliser un exemple à l’intention du sénateur Mercer. Il s’agit de celui de Farley Mowat, un bon écrivain canadien et environnementaliste qui offre beaucoup de soutien à l’University College de l’Université de Toronto et qui est un important donateur d’un grand tronçon de la piste Cabot.
Le problème lié à l’exonération de l’impôt sur les gains en capital pour les dons de biens immobiliers, c’est que vous privez M. Mowat de cette mesure incitative vu qu’il a donné ce bien foncier au Nova Scotia Nature Trust. Si ce bien foncier avait été donné à l’Université de Toronto, les responsables auraient été obligés de le vendre au prix le plus élevé possible.
Donc, je le répète : la raison pour laquelle l’exonération de l’impôt sur les gains en capital existe en ce qui concerne les dons de biens immobiliers tient au fait que c’est une mesure incitative pour protéger les terres écosensibles de propriété privée. Elle découle entièrement des politiques de protection environnementale. De vastes étendues du Sud de l’Ontario font l’objet d’une pression immense de la part de promoteurs, et, si ces terres étaient vendues aux plus offrants, elles ne seraient pas protégées. C’est pourquoi cette mesure incitative existe. Quelles seraient les répercussions si l’on supprimait cette mesure? On ne peut le savoir, mais, assurément, on n’inciterait pas les gens à donner ces terres à des organisations qui les protégeront à perpétuité.
Le président : Je vais m’exprimer au nom d’environ un million de Néo-Écossais et affirmer que la piste Cabot n’est pas à vendre, mais que nous invitons tout le monde à venir la visiter.
Mme Manwaring : Mon seul commentaire porte sur le fait que le bien immobilier que la plupart des Canadiens possèdent, soit leur maison, est déjà exonéré de l’impôt sur les gains en capital au moment de sa vente. Cette possible mesure incitative pourrait surtout s’appliquer à des biens immobiliers qui ne sont pas qualifiés de résidence principale que détiennent des Canadiens. Encore une fois, selon la proposition de 2015, ce type de bien devait être vendu et non conservé, et je crois que Karen a soulevé un excellent point. La politique relative aux dons écologiques sert à transférer un bien aux fins de conservation, et cela irait à l’encontre de cette intention.
Le président : Quelles autres approches touchant les mesures incitatives pour susciter les dons de titres de sociétés privées et de biens immobiliers à des organismes de bienfaisance pourrait-on examiner?
M. Aptowitzer : Eh bien, le problème n’est pas... Je ne crois pas que quiconque propose de supprimer le Programme des dons écologiques. Je crois que le problème réside dans le fait que l’objectif du don est miné quand le don de biens immobiliers à n’importe quelle autre entité est soumis aux mêmes conditions.
La réponse qui saute à l’esprit, c’est de créer un programme pour favoriser les dons de biens immobiliers et de faire en sorte que ce genre de dons soient moins avantageux que les dons de biens immobiliers à valeur écologique. Selon le programme actuellement en place, le donateur et l’organisme de bienfaisance doivent faire attester la valeur écologique de la propriété et ensuite procéder au don à certaines organisations seulement. Mis à part le fait qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un programme qui offre des mesures incitatives aussi avantageuses pour des dons de biens immobiliers, on ne veut pas qu’il y ait d’obstacles, ni créer d’obstacles, aux dons de propriétés à valeur écologique qui rendraient les choses plus compliquées. Je proposerais, si les membres du comité pensent formuler une recommandation pour mettre en place des mesures incitatives touchant les dons de biens immobiliers, de s’assurer de ne pas miner la valeur ni la facilité d’utilisation du Programme des dons écologiques.
La sénatrice Omidvar : Nous avons entendu des témoignages contradictoires dans ce groupe de témoins concernant le résultat d’une mesure incitative visant les dons de bienfaisance d’actions détenues par le public, et nous attendons que le ministère des Finances nous transmette des renseignements définitifs à cet égard.
Ceux qui ont avancé la proposition mentionnent les millions de dollars recueillis et distribués; je maintiens et affirme, comme le sénateur Mercer, qu’il y a une différence entre les petits organismes communautaires et les universités et les hôpitaux. Ils sont tous au service de la population, mais leurs réalités sont différentes.
Il y a une possibilité dont nous n’avons pas suffisamment discuté ici : est-il possible que, en créant une autre mesure incitative visant les personnes qui détiennent des titres de société privée, une deuxième maison ou un chalet, de toute évidence des personnes qui sont bien nanties... Je souscris à votre argument, monsieur Parachin, c’est-à-dire que la loi est conçue pour servir les intérêts des personnes qui ont assez de richesses pour en donner.
Serait-il possible que les gens empruntent tout simplement une autre voie pour faire des dons, sans modifier le montant d’argent qu’ils donnent dans les faits? Donc, les gens feraient des dons au moyen d’actions détenues par le public, et non directement à des organismes de charité. Est-ce possible?
Mme Manwaring : Je crois qu’on doit répondre par l’affirmative. Je n’irais pas jusqu’à dire que parce que c’est une source différente, elle ne s’ajoute pas aux autres. C’est peut-être même plus élevé, parce que le coût lié à un don diminue quand il n’y a pas d’impôt sur les gains en capital à payer. Je dirais, d’après mon expérience avec des clients, qu’on explique aux donateurs que s’ils font un don de 100 000 $ en espèces, ils recevront un avantage X dans leur déclaration de revenus, mais que s’ils donnent des actions qui valent 100 000 $, et qu’ils n’ont pas à payer l’impôt sur les gains en capital et peuvent utiliser le reçu de don pour l’appliquer à un autre revenu, les coûts seront réduits de Y, donc ils en retireront plus d’avantages.
Je serai fascinée si vous obtenez les renseignements financiers, et j’espère qu’ils seront communiqués au public, parce que c’est une question à laquelle nous avons toujours voulu avoir une réponse. À mon avis, il y a assurément un effet, mais ce n’est pas nécessairement que tout cela s’ajoute aux dons qui seraient autrement versés en espèces.
Mme Cooper : Sur le plan pratique, quand tient-on ce genre de discussion? C’est habituellement avec une personne bien nantie, pas tout à fait arrivée à l’âge de la retraite, mais qui s’en approche, et elle se demande quoi faire avec ses actifs à son décès et juste avant son décès. Quelles sont les étapes habituelles? On examine chaque actif, et on cherche délibérément à réduire au minimum les impôts et à établir des plans de gestion, de sorte qu’il reste le plus d’argent possible pour les héritiers, pour d’autres personnes et, nous l’espérons toujours aussi, pour des œuvres philanthropiques.
Toutefois, les chiffres le montreront, mais c’est en effet l’exercice que l’on mène. Nous examinons tous les actifs et tentons de les gérer d’une façon à réduire au minimum l’impôt. Dès qu’un groupe d’actifs est visé par des dispositions fiscales plus avantageuses si on en fait don, alors on a tendance à axer le plan dans ce sens.
Le sénateur Duffy : J’aimerais vous demander de donner un peu plus de détails, si c’est possible. Vous avez fait allusion, monsieur Aptowitzer, à un bassin de capitaux. Si on parle du transfert d’actions de sociétés privées, vous affirmez qu’il y a là des capitaux inexploités. Avons-nous une idée des capitaux que nous pourrions ainsi libérer?
M. Aptowitzer : Je n’en ai aucune idée.
Mme Manwaring : Je m’apprêtais à dire la même chose. On parle depuis de nombreuses années d’un bassin de capitaux inexploités, et je ne suis pas certaine qu’il existe une façon d’en mesurer l’ampleur.
Le sénateur Duffy : Vaut-il la peine de consentir des efforts dans ce sens?
Mme Manwaring : Je crois que l’idée, c’est que, à mesure qu’une certaine tranche de la population vieillit, il s’effectuera un transfert de richesses, et nous savons qu’il y a un nombre important d’entreprises privées au pays qui sont visées par ce transfert, mais je ne pourrais donner de chiffres précis.
M. Aptowitzer : Si vous faites des observations anecdotiques et marchez le long d’une rue, vous verrez de petits commerces; il y a de grandes sociétés privées qui sont exploitées juste à côté, et les gens ont des sociétés d’investissement privées. On sait qu’il y a un très grand nombre de sociétés privées dans chaque ville et dans chaque province d’un bout à l’autre du pays.
Voilà le bassin de capitaux dont nous parlons; ce sont ces sociétés privées qui ont créé des entreprises d’une certaine valeur.
J’aimerais revenir à l’autre question concernant le fait de savoir si une telle mesure incitative ferait augmenter, ou non, l’ensemble des dons, ou si les dons proviendraient tout simplement d’une source plutôt qu’une autre. Il faudrait examiner le mécanisme, et le profil global du donateur. Un des problèmes que soulèvent les propositions de 2015, c’est qu’une personne devait vendre les actions et ensuite donner les recettes en argent dans un délai de 30 jours. Ce qui est difficile, c’est qu’un bon nombre de petites entreprises ont conclu des ententes de paiement des recettes totales de la vente sur une période de cinq ans. Sur le plan pratique, les gens ne disposent pas nécessairement de cet argent pour le donner dans un délai de 30 jours, et ils ne pourront pas tirer avantage du programme incitatif, ce qui, en conséquence, fait en sorte qu’ils ne sont pas en mesure de faire le don. Il s’agit de questions connexes.
La sénatrice Omidvar : Auparavant, quand le ministère des Finances examinait de nouvelles propositions de mesures incitatives pour favoriser les dons à des organismes de bienfaisance, les responsables se disaient : « Nous allons mettre la mesure en place pour un certain nombre d’années, observer les choses et y réfléchir. » Dans ce pays, nous sommes réfractaires aux risques. Nous aimons procéder par étape. Devrions-nous appliquer ce principe de précaution à cette même proposition?
Ma deuxième question est celle que je pose à tous les groupes de témoins. Cette proposition sera avantageuse surtout pour les donateurs de la classe moyenne qui sont mieux nantis. Y a-t-il une autre proposition à laquelle vous pensez qui pourrait être avantageuse pour les petits donateurs afin qu’ils puissent aussi tirer avantage de mesures incitatives et faire plus de dons à des organismes de bienfaisance et à des causes charitables? Les membres de ce comité cherchent, dans une certaine mesure, à augmenter la sensibilisation concernant les bienfaits que procurent les organismes de bienfaisance, les mesures incitatives et les dons qui sont versés à ces organismes. Avez-vous quelque chose à proposer qui nous aiderait à atteindre un certain équilibre entre différents groupes de donateurs?
David Oyler, Oyler Consulting : Les grands organismes de bienfaisance semblent être les seuls qui bénéficieraient de ce concept, peut-être parce que, quand il s’agit de sommes importantes, les petits organismes sont écartés, parce qu’ils n’ont pas besoin d’un don dans les six ou sept chiffres. Je suis certain qu’ils en ont besoin...
La sénatrice Omidvar : Ils en ont besoin.
M. Oyler : Oui, mais c’est peut-être la raison pour laquelle ils ne sont pas perçus comme des donataires possibles dans le cas de grosses sommes. Je me demande s’il serait possible de diviser ce type de transaction entre plusieurs organismes de bienfaisance. Sur le plan logistique, cela pourrait-il être une option à présenter à des donateurs potentiels?
La sénatrice Omidvar : À titre d’essai.
M. Parachin : En ce qui concerne la période d’essai, nous pouvons la tenir pour acquise. Les mesures législatives touchant l’impôt sur le revenu évoluent continuellement. On sait ce que le ministère des Finances et le Parlement font quand ils constatent un résultat qui ne leur plaît pas, parce qu’ils modifient immédiatement la loi, et ces modifications tiennent sur plusieurs centaines de pages chaque année.
Je crois que cela est inévitable dans notre profession. Un des sentiments de frustration qui accompagnent le fait d’être un avocat fiscaliste, comme n’importe lequel de mes collègues vous le dira, c’est que nos connaissances ne sont jamais complètes.
Comme je l’ai mentionné, certains types de contribuables pourraient réclamer de façon disproportionnée ce genre d’allègement fiscal. C’est un recul quant à la question de savoir s’il s’agit vraiment d’un avantage par rapport au statu quo. C’est un avantage. Il y a une tendance concernant ce genre d’allègement fiscal à estomper la distinction entre une disposition comme une exonération de l’impôt dans le cas d’une résidence principale et un allègement fiscal lié aux organismes de bienfaisance, parce que les gens donnent des biens. Le crédit d’impôt est inférieur à 100 p. 100, donc vous êtes toujours un peu perdant. Certains défenseurs affirmeraient peut-être que nous supprimerions une pénalité. Actuellement, il existe une pénalité fiscale qui touche les dons de certaines actions et de certains biens, et nous rendons le traitement uniforme. Dans une certaine mesure, nous avons déjà décidé de faire cela, alors pourquoi limiter la mesure aux titres cotés en bourse? Je reconnais qu’un certain type de contribuables en feront la réclamation, mais je ne suis pas certain qu’il s’agit d’un avantage fiscal du même ordre que d’autres allègements fiscaux.
Le président : Vous avez évoqué des sentiments de frustration liés au fait d’être un avocat fiscaliste.
Qu’en est-il du sentiment de frustration des législateurs à qui il incombe d’examiner ces 500 pages? Nombre d’entre nous ne sont pas des avocats. C’est une question purement rhétorique.
Mme Manwaring : J’ai quelque peu perdu le fil des deux questions, sénatrice Omidvar.
La sénatrice Omidvar : Elles portaient sur les petits organismes de bienfaisance et les périodes d’essai.
Mme Manwaring : En ce qui concerne les périodes d’essai, je souscris à ce que dit M. Parachin; la loi est constamment modifiée. Toutefois, je ne crois pas que le fait d’établir une période d’essai, comme on l’a fait avec les titres cotés en bourse et le contingent des versements, puisse nuire, parce que cela exige que quelqu’un en fasse l’examen. Par contre, s’il n’y a de toute évidence pas de changement d’une façon ou d’une autre, on pourrait ne pas le faire. Il n’y a rien de mal.
Le supercrédit pour premier don de bienfaisance qui a été instauré il y a plusieurs années a probablement été supprimé parce que les responsables l’ont examiné et ont conclu qu’il n’avait pas un effet incitatif important ou qu’il ne représentait pas une mesure incitative importante à leurs yeux. Il s’agissait d’une situation où les responsables ont essayé de susciter des dons.
En ce qui concerne les organismes de bienfaisance de petite taille, il est possible de leur donner des titres cotés en bourse. Si les donateurs passent par l’organisme CanaDon, et des organismes du genre, il existe des façons de le faire. L’éducation est un point essentiel à cet égard. Je crois que ces organismes de bienfaisance pourraient en tirer des bénéfices si les gens comprenaient ce qu’ils doivent faire. Ce sont les organismes importants qui ont le personnel nécessaire et les moyens de faire valoir cela auprès de leurs donateurs. Si les responsables de petits organismes de bienfaisance avaient cette connaissance, cela les aiderait à se battre à armes égales.
M. Aptowitzer : En ce qui concerne la période d’essai, je conviens qu’il est sensé de prévoir une période d’examen, ne serait-ce que pour centrer l’attention des intervenants du secteur sur la façon de tirer le meilleur parti de la disposition visée.
J’ai rédigé un article sur ce sujet pour l’Institut C.D. Howe, dans lequel j’ai proposé d’appliquer une période d’essai et un taux d’essai. Il n’est pas forcément vrai que le gouvernement doit complètement soustraire les dons d’actions de société privée de l’impôt dans la première version de la loi. Le gouvernement pourrait décider de les imposer à 50 p. 100, ou d’imposer 50 p. 100 des gains en capital, et en mesurer l’effet sur les recettes fiscales et décider des mesures à prendre à l’avenir. Je propose d’examiner la possibilité d’inclure ces deux aspects.
En ce qui concerne la question des petits organismes de bienfaisance — et cela touche les points soulevés par le sénateur Mercer et M. Parachin —, il ne faut pas s’attarder aux avocats fiscalistes ni aux législateurs. Qu’en est-il des pauvres contribuables qui doivent se débattre avec une loi extrêmement compliquée? Actuellement, la loi n’est pas conçue de façon à améliorer les avantages de faire des dons si votre revenu est faible. En d’autres mots, le crédit d’impôt lié aux dons sera fonction du taux marginal d’impôt le plus élevé.
Même si je comprends où vous voulez en venir, le problème est que cela compliquerait la loi pour améliorer les mesures incitatives visant les petits donateurs en leur offrant un super incitatif pour qu’ils fassent don de ce genre de titres. Cela pourrait se faire — ce n’est qu’une question de calcul —, mais l’application de la loi serait complexe.
Le président : Lorsqu’il est question de retirer les mesures incitatives visant les grands donateurs, je crains que nous renoncions à beaucoup d’argent si nous les retirons de l’équation. Que des riches tirent profit de la mesure incitative nous plaise ou non, c’est secondaire. Il faut tenir compte du profit que nous tirons de cet argent. Si nous ne recueillons pas les fonds auprès de ces Canadiens bien nantis, où allons-nous les trouver? La seule autre manière d’obtenir de l’argent serait de recevoir un nombre considérablement croissant de dons provenant du bas de l’échelle. J’ai toujours cru qu’il était préférable de recevoir 100 $ d’un seul donateur que 100 000 $ d’une société donatrice, car celle-ci me fait un don pour une raison quelconque, tandis que le donateur m’offre un montant de 100 $ parce qu’il croit en ma cause. Cela vaut beaucoup plus que de l’argent.
Mme Cooper : Je suis entièrement d’accord avec Susan sur la question de la période. J’allais parler du point soulevé par Adam au sujet du taux.
Si vous vous souvenez bien, en ce qui concerne les dons de biens culturels, les dons écologiques et les dons de titres de participation à des sociétés privées, on a commencé par prévoir de petites exemptions pour gains en capital et on a ensuite poussé les choses à l’extrême. Je ne serais jamais d’avis que c’est une bonne idée pour ce qui est des biens immobiliers, mais je ne m’y opposerais certainement pas en ce qui a trait aux actions de sociétés privées.
Envisager la prise de mesures incitatives fiscales à l’égard de petits organismes de bienfaisance n’est peut-être pas la manière de procéder. Je dis cela en raison de ce qui s’est passé avec le crédit d’impôt pour premier don de bienfaisance. À mon avis, il est également injuste pour les petits organismes de bienfaisance que nous concentrions les efforts sur les donateurs qui ont peu de moyens, car ces organismes souhaitent tout autant obtenir des dons de personnes nanties, et les lacunes concernant l’éducation et l’accès à la technologie.
J’ai toujours été étonnée du mandat du comité, qui est d’innover. Je crois que les mesures qui permettraient aux petits organismes de recueillir davantage de fonds, que ce soit au moyen du marketing des causes sociales ou d’appels téléphoniques... Le financement de la mise en œuvre de ce genre de mécanismes permettra de répondre aux besoins des petits organismes pour qu’ils puissent attirer les investissements de plus de donateurs prospères.
Le président : Je vais faire quelque chose que j’ai toujours vu les avocats faire, et je me suis toujours demandé comment ils en arrivaient là. J’en suis arrivé là par pur hasard, car j’ai lu les documents qui étaient sous mes yeux. Je vais poser une question en citant l’un d’entre vous.
Madame Manwaring, lorsque vous avez témoigné devant le comité, vous avez déclaré ce qui suit :
[...] il serait temps de permettre à un organisme de bienfaisance de mener n’importe quel type d’activité génératrice de revenus, dans la mesure où il en utilise les profits pour accomplir sa mission de bienfaisance. Ainsi, on mettrait l’accent sur les fins auxquelles les fonds sont utilisés plutôt que sur la façon dont l’argent est recueilli.
Quelqu’un peut-il m’expliquer son interprétation du critère en matière d’utilisation des fonds? Comment pourrait-on intégrer un tel critère dans le cadre réglementaire fédéral canadien?
Madame Manwaring, j’imagine que vous devriez répondre en premier, étant donné que j’ai eu la méchanceté de vous citer.
Mme Manwaring : Cela ne me dérange pas. À mon avis, le concept d’utilisation des fonds renvoie au principe énoncé dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui est essentiel à la désignation des organismes de bienfaisance enregistrés et des organismes de bienfaisance sans but lucratif qui ne sont pas enregistrés. Selon ce principe, la richesse ou les profits qui sont générés au sein de l’organisation ne doivent pas être versés aux propriétaires ni servir à augmenter la richesse personnelle, mais doivent être utilisés aux fins pour lesquelles l’organisme est établi.
Le concept d’utilisation des fonds repose sur ce principe et tient compte du fait qu’il est possible de faire de l’argent grâce à une activité réalisée au sein d’un organisme de bienfaisance. Un organisme de bienfaisance orienté vers l’éducation pourrait arriver à générer de très bons revenus en offrant des services de réparation de voitures, car il se trouve qu’il a un atelier dans une école. Du moment qu’un organisme utilise ces profits à des fins caritatives, pourquoi cela nous dérange-t-il qu’il mène ces activités sans payer d’impôts?
Je crois que, au fil des ans, le monde des affaires a bien réussi à faire valoir qu’il s’agissait d’une concurrence déloyale. J’ai toujours trouvé cela étonnant, car je crois, en fait, que ce n’est pas le cas. Les organismes de bienfaisance souhaitent tirer le maximum d’argent de leurs activités, et, s’ils le peuvent, leurs prix seront les mêmes que ceux des stations-service locales, car cela peut les aider à réaliser leurs objectifs. L’idée, c’est d’utiliser ces profits aux fins caritatives prévues.
Je sais qu’on pose cette question; je vais donc m’y attaquer. Une décision a été rendue par la Haute Cour de l’Australie dans l’affaire Word Investments. C’est une entreprise de bienfaisance enregistrée qui offre des services de traduction biblique et qui avait une entreprise de services funéraires. La cour a déclaré que, dans la mesure où l’organisme utilisait ses profits pour accomplir sa mission de bienfaisance, il n’y avait aucun problème. Le monde ne s’est pas écroulé en Australie, et c’est vraiment le principe.
Je souhaite faire un autre commentaire et je m’arrêterai ensuite. Il faut reconnaître que la promotion de la mission se fait par la réalisation d’activités charitables et en dépend probablement, mais ce n’est pas la seule chose qui se produit.
Le président : Non seulement vous m’avez incité à poser une question, mais vous avez encouragé trois des autres témoins à faire des commentaires.
M. Parachin : Je crois qu’on a déjà évoqué certains des principaux sujets de discussion abordés ici. Cela poserait-il un problème de neutralité concurrentielle étant donné que les organismes de bienfaisance représenteraient une concurrence déloyale? La réponse est la suivante : les organismes de bienfaisance peuvent déjà mener leurs activités par l’intermédiaire d’une entité à but lucratif et faire don des profits et, ainsi, obtenir un taux d’imposition intéressant, ce qui reviendrait à la même chose du point de vue fonctionnel.
Il faut se poser une autre question. Sommes-nous prêts à composer avec les importantes réussites et les importants ratés qui suivront inévitablement dans le secteur? Nous abordons toujours ce sujet dans l’optique qu’il y aura des profits à répartir. Il y aura bon nombre de réussites et de ratés. Je crois que nous devons garder cela à l’esprit.
Cela contribuera-t-il à la dérive de la mission? Les entités à but lucratif se demandent déjà si elles devraient verser des dividendes ou réinvestir dans l’entreprise. Les organismes de bienfaisance établiraient un équilibre entre des choses incommensurables. Faut-il lutter contre la pauvreté ou investir dans l’entreprise? Je ne vous dis pas que j’ai des réponses claires, mais je crois que nous devrions réfléchir à ces choses.
Pour dresser un tableau d’ensemble, j’aimerais revenir sur une question. Dans quoi investissons-nous lorsque nous faisons des dons à des organismes de bienfaisance enregistrés? Est-ce simplement dans les biens et services fournis par ces organismes? Dans l’affirmative, nous ne devrions donc pas nous préoccuper du fait que l’argent provienne d’un don ou d’une activité commerciale, si l’offre des biens et services est la seule chose qui nous tient à cœur. Comme on dit dans le domaine fiscal, un dollar, c’est un dollar, peu importe sa source. Selon bon nombre d’économistes, le secteur caritatif n’est qu’un remède aux échecs du gouvernement et du marché privé.
En toute franchise, je ne crois pas que c’est le cas. À mon avis, lorsque nous investissons dans les organismes de bienfaisance, nous investissons en partie dans la culture de la charité. Il n’y a pas que les produits et services offerts. Selon moi, quelque chose de profondément ancré en nous nous pousse, collectivement, à valider, à célébrer et à souligner le choix de partager, et ce choix, concrétisé grâce à un don, est fondamentalement important, sans égard aux biens et services fournis par les organismes de bienfaisance.
Nous devrions nous préoccuper du maintien de cette culture. Les transactions commerciales effectuées avec les organismes de bienfaisance financent sans aucun doute les biens et services caritatifs, mais ce n’est pas la même chose que de choisir de partager. Je crains que nous érodions cette caractéristique déterminante du secteur.
Le président : Il semble que nous supposions que les organismes de bienfaisance réussissent tout ce qu’ils entreprennent, mais c’est faux. Prenez, par exemple, les loteries auxquelles participent parfois ces organismes. Les gens pensent que ces loteries portent leurs fruits. C’est le cas, pour certaines d’entre elles, mais certaines autres deviennent d’énormes fardeaux pour les responsables d’organismes de bienfaisance qui ont pris part à la loterie sans savoir dans quoi ils s’embarquaient. Ils ont fini par perdre de l’argent et ont été soumis aux règlements sur les loteries, c’est-à-dire qu’ils ont dû remettre le prix qui était offert, sans gagner d’argent dans le processus. Nous ne devrions donc pas présumer que c’est vrai.
M. Oyler : La première chose qui me vient en tête lorsque je pense aux activités commerciales est la suivante : je crois que tout le monde s’entend pour dire que les entreprises présentent des risques. Quel moyen pratique permettrait d’évaluer et d’éviter ces risques? En fait, la règle actuelle consisterait à mettre sur pied une société distincte, à mener les activités qui génèrent de l’argent au sein de cette société et à payer des impôts. Il semble que pratiquement l’ensemble des recettes pourraient être versées à un organisme de bienfaisance et, au bout du compte, cet organisme recevrait un montant d’argent considérable si l’entreprise génère des profits.
L’organisme en Australie dont on a fait mention semble avoir été mis sur pied de la même manière, puisqu’il comportait une société distincte. Dans ce cas, c’est un organisme de bienfaisance enregistré distinct que les activités de l’entreprise visent à financer. Je ne suis pas vraiment certain si cela veut dire que l’organisme de bienfaisance distinct a été financé séparément et n’utilise donc pas les actifs de bienfaisance comme les dons et le financement aux fins des activités de l’entreprise, ou bien si ces dons et ce financement sont utilisés en cas de perte.
Je crois que l’on pourrait envisager ce modèle qui, toutefois, n’élimine pas l’un des inconvénients découlant des règles actuelles, c’est-à-dire qu’un organisme de bienfaisance — en particulier, un petit — n’a peut-être pas les moyens de mettre sur pied une entreprise distincte, ce qui nuit à sa capacité. Je crois que le modèle australien soulèverait le même genre de préoccupations ou de problèmes, étant donné qu’il faudrait mettre sur pied une entreprise distincte et un autre organisme de bienfaisance enregistré avec un conseil distinct. En fin de compte, on pourrait peut-être envisager ce modèle en tenant compte de ces exigences.
Mme Cooper : Je vais passer mon tour. Je crois qu’Adam Parachin l’a dit mieux que je n’aurais pu le faire. En ce qui concerne le fait d’établir une hiérarchie, je crois qu’il y a d’autres manières de traiter la question. À mon sens, cela ne fait donc pas partie des trois choses prioritaires sur lesquelles il faut travailler.
Mme Manwaring : Je ne veux pas sembler critique. Je trouve que certaines des raisons pour lesquelles on s’oppose au critère de l’utilisation de fonds sont un peu paternalistes. Je suis entièrement d’avis que chaque type de programme et chaque nouveau programme lancé par un organisme de bienfaisance présentent des risques. Ces organismes mènent des recherches et font des essais. Cela présente beaucoup de risques. La possibilité pour eux de générer des revenus grâce à d’autres activités, ou de trouver un moyen de générer des revenus d’une autre façon pour financer la réalisation de leur mission, pourrait présenter des risques, vous avez raison. Pour ce qui est de l’éducation et de la mise en place d’un système, je crois aussi que nous pourrions utiliser les fonds pour régler certains problèmes de financement auxquels font face les organismes de bienfaisance, sans qu’ils aient à mettre en place des structures organisationnelles complexes.
Les clients qui me posent des questions sur les possibilités de revenus sont des organisations qui, par exemple, offrent des formations pour des postes dans des services de traiteur ou des restaurants. Elles se rendent compte qu’elles peuvent exploiter une entreprise qui génère des revenus ou mener des activités liées à leur domaine, mais simplement en vue de soutenir leurs activités et de gagner plus d’argent. L’utilisation des fonds nous permet de collaborer avec elles et leur permet d’accéder à ces revenus.
Bon nombre des préoccupations concernant les organismes à but lucratif et à but non lucratif sont légitimes. Je crois qu’on n’impose pas de restrictions aux organismes à but lucratif. Ils bénéficient d’un grand nombre d’incitations fiscales et de prestations de la part du gouvernement pour faire les choses d’une certaine façon, ainsi que des radiations et ce genre de choses, mais personne ne remet en question le secteur d’activités dans lequel ils évoluent. Je m’inquiète parfois quand on commence à faire cela avec les organismes de bienfaisance.
La sénatrice Omidvar : Est-ce qu’un examen du critère de la destination des fonds et des activités commerciales connexes et non connexes devrait être une priorité pour le groupe consultatif de l’Agence du revenu du Canada?
Mme Manwaring : Cela pourrait l’être. La question portant sur les activités se pose. Si ces activités sont adoptées, une question se pose : qu’est-ce que nous souhaitons limiter? Je qualifie cela de génération de revenus et non pas d’activités commerciales délibérées. La génération de revenus en fait partie. Nous devons trouver une solution concernant les limites imposées, le cas échéant, quant à la génération de revenus dans le contexte de l’adoption de la proposition d’activités. Je pense que c’est quelque chose qui doit être examiné.
En Australie, si vous regardez bien, il n’y a pas eu d’effet négatif. La terre n’a pas arrêté de tourner; ce n’est pas un vrai désastre, alors peut-être qu’il y a quelque chose à envisager.
M. Aptowitzer : Je suis tout à fait d’accord. Selon mon expérience, l’adoption de la destination des fonds rendrait la vie plus facile à bon nombre d’organismes de bienfaisance. La difficulté tient encore une fois à la réglementation de la nature particulière des organismes de bienfaisance qui font ce genre d’activités commerciales et génératrices de revenus. Des organismes de bienfaisance, par exemple, peuvent continuer à recevoir des dons pour une cause perdue jusqu’à ce qu’ils jettent l’éponge ou que les donateurs jettent l’éponge. Il y a certaines préoccupations liées à la participation par le secteur à des activités commerciales non connexes.
Je reviens à mon commentaire initial sur le pouvoir de réglementer les organismes de bienfaisance. Il s’agit d’un problème fondamental si personne n’est en mesure de réglementer ces activités et de se pencher sur ces questions autour de la table. On peut soutenir que les règles administratives connexes prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu sont inconstitutionnelles parce que cela n’a pas d’incidence directe sur la perception de l’impôt sur le revenu. L’autorité du Parlement est donc contestable, selon moi.
Ce qui me préoccupe, c’est d’ouvrir la voie à quelque chose et de ne pas avoir de mécanisme en place pour la réglementer. Je ne sais pas exactement quelle est la situation en Australie ou si le gouvernement s’est penché sur les préoccupations particulières des organismes de bienfaisance qui interviennent dans ces domaines, mais je dirais que les questions sont étroitement liées. Je ne dis pas que l’utilisation de fonds est une mauvaise chose. Ça ne l’est certainement pas. Ce qui est étroitement lié, c’est la façon dont les organismes de bienfaisance sont réglementés et leur participation à ces activités.
M. Parachin : Vous avez demandé s’il y avait lieu ou non de réaliser plus d’études sur ce sujet en particulier. Comme j’ai assisté à un certain nombre de ces conversations au fil des ans, je crois que je pousserais votre question beaucoup plus loin parce que je pense qu’il y a une question préalable à laquelle nous devons réfléchir avant de répondre à votre question : quel est l’intérêt de réglementer les organismes de bienfaisance sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu? Que veut-on accomplir? Tentez-vous de préserver les actifs? Tentez-vous d’économiser une dépense fiscale ou de faire valoir une idée ou un échange au sujet d’un organisme de bienfaisance légal? Selon la réponse à cette question, vous allez prendre un certain nombre de directions différentes par rapport à la loi.
J’ai l’impression que nous sommes tombés sur la common law liée aux organismes de bienfaisance. Celle-ci est incroyablement habilitante, et de temps à autre, on se demande si la Loi de l’impôt sur le revenu devrait la compléter uniquement aux fins de l’impôt, soit en incluant plus de choses dans la catégorie des organismes de bienfaisance, soit en leur imposant des limites. C’est normalement fait, à mon avis, pour justifier une certaine idée de la bienfaisance. C’est pourquoi j’ai quelques réserves par rapport aux activités commerciales. Les gens peuvent convenir de ne pas être en accord avec ce point. Nous ne serons jamais d’accord sur la bonne réponse, s’il n’y a pas de cible définie.
M. Oyler : J’aimerais simplement faire un commentaire à propos de la concurrence. On se demande assez souvent s’il y a de la concurrence déloyale. Je ne suis pas certain que les gens comprennent que les organismes de bienfaisance peuvent exiger des frais dans le cadre de leurs programmes de bienfaisance, ce qui est, selon moi, distinct de ce dont nous discutons ici. On ne parle pas d’une entreprise de réparation de voitures. Nous parlons peut-être du YMCA ou d’un réseau de transport accessible. À mon avis, toute plainte au sujet de la concurrence n’a pas de raison d’être, puisque ces activités caritatives répondent assurément à un besoin communautaire qui n’est satisfait ni par le secteur privé ni par le secteur public.
La concurrence déloyale peut-être soulevée si, par exemple, l’organisme de bienfaisance a financé une entreprise de réparation de voitures en obtenant des dons en vue d’acheter un garage, j’estime alors que le garage en question pourrait avoir un argument raisonnable au sujet de la concurrence.
Si l’on procède à un examen plus approfondi de la question, alors peut-être que les règles actuelles telles qu’elles sont et toutes les activités génératrices de revenus — j’en ai compté quatre très distinctes — sont clarifiées et peut-être que la politique de l’ARC est clarifiée au chapitre des organismes de bienfaisance. On me pose certainement beaucoup de questions sur ce dont nous parlons exactement en ce qui concerne les activités commerciales et ce qui les distingue des activités de bienfaisance.
Le président : Je vais passer à une nouvelle question. Pensez-vous que le taux de contingents minimum des versements devrait demeurer à 3,5 p. 100? Si ce n’est pas le cas, quel taux devrait s’appliquer?
Mme Cooper : Vous avez sauté la question portant sur la direction et le contrôle.
Le président : En fait, je ne l’ai pas sautée. J’ai lu la question et j’ai pensé que je pourrais obtenir un débat un peu différent sur cette question-ci. J’y retournerai peut-être. Je n’ai pas encore fini. C’est l’avantage d’être le président. Je peux passer d’une question à l’autre. Vous pouvez répondre à la question portant sur le décaissement.
Mme Cooper : Je n’ai absolument aucune opinion à ce sujet.
Le président : Madame Manwaring?
Mme Manwaring : La seule chose que je rappellerais à tous — et c’est grâce à M. Wyatt, qui est assis derrière moi, à qui j’ai parlé de cette question — c’est que le contingent des versements était autrefois à 4,5 p. 100. Il a été réduit à 3,5 p. 100 il y a quelques années, après un examen attentif et réfléchi du rendement des investissements et des taux de décaissement, et de la façon dont les organismes s’en sont tirés sur une période assez longue, peut-être sur 20 ans. Lorsque cela a été réduit, le taux des Obligations d’épargne du Canada était encore supérieur à 3,5 p. 100. Les contingents des versements ont été réduits sous le taux des obligations d’épargne du Canada.
Je ne vois pas nécessairement de raison de le changer, mais je pense que les obligations d’épargne du Canada sont maintenant à 2,5 p. 100. Si vous suivez la théorie selon laquelle on a modifié le taux, mais qu’il était plus bas, vous pourriez le réduire plutôt que l’augmenter.
Quoi qu’il en soit, je pense que c’est une question complexe qui nécessite d’être examinée avec soin. Cela se rapporte un peu au commentaire de M. Aptowitzer, qui disait que sur le plan constitutionnel et en vertu du droit relatif à la bienfaisance, les dons peuvent faire l’objet d’une restriction sur les versements et vous ne pouvez verser que des revenus et non du capital. Vous ne pourriez pas changer cela en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.
La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à tout le monde, probablement plus à Susan, parce que je sais qu’elle a un point de vue à ce sujet. Pourquoi le taux de décaissement est-il intégré dans la Loi de l’impôt sur le revenu plutôt que dans la réglementation?
Mme Manwaring : Je n’en suis pas certaine.
La sénatrice Omidvar : Cela ne devrait-il pas être inscrit dans la loi? Nous traitons ici d’un grand nombre de projets de loi, et nous constatons qu’il y a certaines choses qui ne sont pas réglementées pour permettre une souplesse et une rapidité compte tenu de la transparence; cependant, vous n’en parlez pas.
Mme Manwaring : De nombreux taux sont inscrits dans la réglementation. Cela pourrait signifier que vous pouvez l’inscrire dans la réglementation. Ma seule mise en garde, c’est que cela ne veut pas dire que le changement doit être important, parce que je pense que la détermination du bon taux en fonction de la structure des dons et des rendements est une question très complexe. Nous sortons d’un environnement où le taux de rendement était très faible.
M. Parachin : Je pense que la réponse à cette question dépend encore une fois de ce que vous essayez d’obtenir avec le contingent des versements. L’un des points que Susan a soulevés et qu’il faut garder à l’esprit est que la Loi de l’impôt sur le revenu existe parallèlement à un corpus accessoire de droit privé, dont les donateurs se prévalent, dans de nombreux cas pour verrouiller les actifs de sorte que seuls les rendements annuels et le revenu annuel peuvent être dépensés.
À cet égard, j’ai toujours considéré le contingent des versements de 3,5 p. 100 comme un mécanisme qui exige le paiement des bénéfices annuels. Si j’ai raison à ce sujet, je pense qu’il s’agirait alors d’un montant prescrit par règlement qui correspond au changement du taux de rendement de temps à autre. Il est étrange que cela soit inscrit dans la loi.
La sénatrice Omidvar : Pourriez-vous nous aider à comprendre, parce que je ne me souviens plus de ce que l’Australie et le Royaume-Uni font en ce qui concerne les taux de décaissement. Est-ce inscrit dans la loi? Est-ce que cela figure dans la réglementation? Ont-ils un contingent des versements?
Le président : Personne ne vous reprend à cet égard, madame la sénatrice Omidvar. Cependant, je vais continuer dans la lancée du groupe de témoins et revenir en arrière afin que l’on ne me réprimande pas encore une fois. En fait, je n’ai pas aimé la question, c’est pourquoi je l’ai évitée.
Un grand nombre de témoins ont parlé des lignes directrices en matière de direction et de contrôle données par l’Agence du revenu du Canada, qui précisent que « les organismes de bienfaisance doivent mener eux-mêmes leurs propres activités ». Examinant des solutions de rechange à l’approche axée sur la direction et le contrôle, Mme Eakin a fait observer qu’ailleurs dans le monde, on applique un critère tenant l’organisme de bienfaisance responsable de ses décisions de financement sans qu’il ne soit obligé de tout faire lui-même.
De quelle manière un critère axé sur la responsabilité à l’égard des dépenses pourrait-il être intégré au cadre réglementaire fédéral canadien? Ensuite, quels sont les avantages et désavantages possibles d’un tel critère?
M. Parachin : Mes collègues en auront plus long à dire que moi à ce sujet. J’aimerais simplement souligner le fait que la question ne se pose pas parce que la Loi de l’impôt sur le revenu, pour des raisons que je ne suis pas sûr que quiconque comprenne vraiment, exige que les organismes de bienfaisance mènent eux-mêmes leurs propres activités de bienfaisance. C’est dans ce contexte que les activités menées à l’étranger par l’entremise de partenaires soulèvent cette question. Quelle que soit la discussion qui en découlera, cette question fondée sur une idée mal conçue des activités de bienfaisance qui sont inscrites dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Je vais laisser à mes collègues l’occasion de donner une meilleure réponse.
Cependant, il est important de le souligner. Vous n’aimez pas la question et je ne pense pas que le secteur l’aime non plus. Cependant, elle trouve son origine dans la rédaction de quelque chose de médiocre dans la loi.
Le président : Quelque chose de médiocre? Vous l’aurez tous entendu ici d’abord. Nous apprécions votre diplomatie.
Mme Cooper : Si j’ai été déçue que l’on ait sauté cette question, c’est en partie parce qu’elle traite de l’une de mes trois préoccupations principales. La question découle des activités, comme Adam vient de l’expliquer. On a imposé l’exigence d’exercer ses propres activités souvent — je dois l’admettre — par un tour de passe-passe complexe afin de se conformer aux exigences que l’ARC a établies dans le but, en tout respect, de combler un vide. Que signifie « en effectuant ses propres activités de bienfaisance »? Bon nombre de personnes essaient de transférer des ressources à d’autres entités pour qu’elles fassent le travail. Nous devons encadrer la façon dont cela se fait. Un régime complet a été créé, et je consacre beaucoup trop de temps à essayer d’amener les organisations à s’y conformer, et à respecter les exigences relatives aux déclarations et à la rédaction.
Si vous l’inversez, et qu’au lieu d’exiger qu’on effectue ses propres activités, vous exigez simplement qu’on rende compte de la façon dont l’argent est dépensé — on transfère les fonds à l’autre organisation pour s’adonner à l’activité —, la responsabilité est simplement de s’assurer et de démontrer que les fonds ont été dépensés à bon escient et qu’ils ont été dépensés pour les activités pour lesquelles ils étaient prévus, plutôt que de créer une perception que cette autre entité fait en quelque sorte le travail en son nom.
C’est l’un des problèmes qui font que les organismes tournent en rond. Je m’entretiens régulièrement au téléphone avec des avocats américains, anglais, écossais et irlandais et j’essaie de leur expliquer à quel point nos règles sont rétrogrades à cet égard par rapport à celles d’autres administrations. On comprend l’origine de cette règle, mais il s’agit en réalité d’un amalgame exagéré pour une toute petite exigence.
Le président : Nous sommes peut-être le plus grand pays du monde, mais cela ne veut pas dire que nous avons les plus grands rédacteurs de lois au monde.
Mme Manwaring : Je suis d’accord avec Karen et avec les commentaires qui ont été faits à ce sujet. D’abord, on évoque souvent cela sur la scène internationale. Si vous vous entretenez avec Affaires mondiales Canada ou d’autres, l’idée selon laquelle nous tenterions de diriger et de contrôler les parties qui sont appuyées dans certains pays du monde est perçue comme étant offensante. L’ARC essaie vraiment de montrer quelque chose sur le terrain; les organismes ne pourraient même pas commencer à suggérer qu’elles ont en place ce type de mesures. Cela serait considéré comme étant offensant.
Ensuite, et ce point sera abordé dans une question ultérieure, ces règles et cette question s’appliquent chaque fois qu’un organisme de bienfaisance travaille à un projet de concert avec un organisme non caritatif. Ces questions sont soulevées au Canada, souvent lorsque des organismes canadiens travaillent dans le Nord ou avec des groupes autochtones qui ne sont habituellement pas des organismes de bienfaisance enregistrés. Ils ont leurs propres catégories, mais ils ne se qualifient peut-être pas comme donataires. Il s’agit d’un problème important non seulement pour les organismes de bienfaisance enregistrés qui travaillent dans le domaine du développement international, mais également pour les organisations qui travaillent sur le terrain ici et qui soutiennent des organismes et des personnes au Canada par l’entremise d’organisations autres que des organismes de bienfaisance enregistrés.
Le président : Je devrais déclarer mon conflit d’intérêts, parce que mon fils et ma belle-fille ont tous deux une maîtrise en développement international.
Mme Manwaring : Vous en entendez donc parler.
Le président : Pas du tout, en fait.
Mme Manwaring : Un dernier point que j’aimerais soulever, c’est que nous avons un client important qui nous a décrit les sommes d’argent qu’il dépense annuellement en administration, afin de prouver qu’il y ait bien direction et contrôle. Sur un financement de 1 million de dollars, il peut finir par en dépenser, pour tous les différents organismes, avec le salaire du personnel et ainsi de suite, jusqu’à presque 10 p. 100 seulement pour assurer le fonctionnement; cela semble être une mauvaise utilisation des ressources.
Le président : Nous arrivons à la fin de cette étude et, depuis le début, c’est l’aspect que je souhaite explorer et j’attendais toujours que des témoins l’abordent et personne ne l’a fait. Il s’agit d’un problème.
Mme Manwaring : Je crois que nous pensions tous que quelqu’un d’autre allait le faire. Comme Karen l’a dit, il s’agit d’une priorité pour tous les témoins.
J’aimerais faire un dernier commentaire. J’estime que le type de régime axé sur la responsabilité à l’égard des dépenses a fonctionné dans d’autres pays pendant bon nombre d’années. Le nôtre est aberrant. Je ne pense pas qu’il s’agit d’une recommandation qui soit nouvelle ou différente.
M. Aptowitzer : Au risque de répéter les commentaires de mes collègues, je crois que je connais la personne qui a rédigé la partie portant sur le fait de mener ses propres activités, mais je ne pense pas qu’il serait d’accord avec nous pour dire que c’est médiocre.
L’un des éléments du critère portant sur le contrôle et la direction qui s’est avéré utile, c’est l’idée d’expliquer le fait que le gouvernement fédéral, en vertu du crédit d’impôt pour dons, subventionne effectivement les dons. Par conséquent, ce qui est souligné, c’est que la reddition des comptes doit être inhérente aux dépenses de fonds.
Je ne suis pas en faveur du critère portant sur le contrôle et la direction. Comme mes collègues l’ont dit, dans certains cas, il est ridicule de suggérer que le Canada, de par sa participation secondaire à un projet international, devrait avoir le contrôle du projet. C’est simplement impossible dans bon nombre de circonstances. C’est certainement offensant dans bien des situations, et cela ne rend pas service au Canada.
Le critère qui le remplace, comme j’espère que le comité le suggérera, renforce l’idée que les Canadiens doivent rendre des comptes sur les dépenses de fonds, mais montre aussi au gouvernement canadien que les fonds sont dépensés comme ils devaient l’être à l’origine.
Mme Manwaring : D’abord — et je pense que cela va un peu, sénateur Mercer, dans le même sens que ce que vous disiez, soit que vous attendiez que quelqu’un en parle —, je sais que nous n’avons pas fait de recommandation relative à ce qui pourrait être fait.
Il y a deux choses importantes à comprendre ici. Premièrement, les termes « direction et contrôle » ne figurent pas dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Ils sont issus de la jurisprudence, et mes collègues ont raison, ils découlent réellement de la définition d’un organisme de bienfaisance et des activités caritatives qu’il mène. Supposons que vous adoptiez la recommandation sur les fins et les activités et que vous changiez ces définitions, cet élément disparaîtrait, dans une certaine mesure, et cela permettrait à l’ARC de passer à un régime de responsabilité à l’égard des dépenses.
Deuxièmement, dans sa sagesse, le gouvernement a ajouté dans la Loi de l’impôt sur le revenu une disposition qui interdit aux organismes de bienfaisance enregistrés d’accorder des subventions à des donataires non reconnus. Cette interdiction devra être supprimée si nous souhaitons prendre la voie de la responsabilité à l’égard des dépenses, puisqu’en fait, nous accorderions des subventions à des organismes de bienfaisance étrangers. Vous n’obtiendriez que des rapports de dépenses qui vous montreraient que l’argent est dépensé à des fins de bienfaisance. Les dispositions qui interdisent d’accorder des subventions à des donataires non reconnus devraient être retirées de la loi.
Le président : Je dirais qu’il est nécessaire de vérifier les demandes de l’ARC en ce qui concerne tous les renseignements exigés des organismes de bienfaisance afin de voir les avantages, du point de vue non seulement des coûts, mais aussi de la réglementation. Les organismes de bienfaisance donnent toutes ces données au gouvernement. Est-ce qu’elles lui sont utiles à long terme? Si ce n’est pas le cas, pourquoi les exige-t-il des organismes de bienfaisance pour ensuite analyser combien il en coûte aux organismes de bienfaisance de produire ces données? Le secteur se sentira alors contraint de dépenser de l’argent pour fournir des renseignements dont personne n’a besoin à long terme.
Il n’arrive pas souvent qu’une personne qui n’est pas avocate ait la possibilité de s’asseoir ici et de questionner cinq avocats de façon continue sans qu’ils puissent partir. J’ai cette occasion; comme Kevin l’a souligné —, faites-moi payer.
La sénatrice Omidvar : J’ai travaillé toute ma vie pour des organismes de bienfaisance et des fondations avant de devenir sénatrice, alors je saisis très bien ce que signifie la direction et le contrôle. Je peux également comprendre et imaginer l’assouplissement des contraintes si nous devions utiliser un critère sur la responsabilité à l’égard des dépenses.
L’un des défis auxquels nous faisons face, c’est que nous légiférons toujours de façon générale, et non pas pour les menus détails. Cependant, il y a des risques.
Pourriez-vous nous conseiller sur la façon de gérer ces risques? Parce qu’il est possible que, dans certaines circonstances, remplacer la direction et le contrôle par un critère sur la responsabilité à l’égard des dépenses pourrait faire en sorte que les fonds de bienfaisance soient utilisés pour des fins et des activités qui ne sont pas caritatives. Y a-t-il des limites? Auriez-vous une mise en garde à formuler?
Mme Cooper : Je pense qu’il faut gérer le risque en le remplaçant par la responsabilité à l’égard des dépenses, parce que le risque est que les fonds soient dépensés à mauvais escient. Le risque est qu’il y ait certaines inquiétudes par rapport au financement d’activités terroristes. Fondamentalement, la responsabilité à l’égard des dépenses sert simplement à garantir que l’organisme de bienfaisance rende des comptes sur la façon dont l’argent est dépensé.
Je ne crois pas nécessairement qu’il y aura moins de livres et de registres qui devront être tenus. C’est juste que vous n’allez pas prouver une invention, vous n’aurez pas à prouver qu’il s’agissait de votre activité. J’imagine que les organismes devront toujours rendre compte de la façon dont les fonds sont dépensés.
Pour ce qui est des opérations financières, le CANAFE et d’autres systèmes de réglementation financière utilisent déjà une bonne mesure de ce risque.
La sénatrice Omidvar : Il est utile d’avoir soulevé ce point, cependant, je pense qu’ils sont tous du même avis là-dessus.
Mme Manwaring : Je crois que la différence pour ce qui est des rapports tient au fait que vous pouvez utiliser les rapports de l’organisme, plutôt que de dire que c’était dans vos propres livres et registres.
Je lance cette idée, et je vais peut-être m’attirer les regards de mes pairs, mais il y a un certain temps, nous avons introduit des sanctions intermédiaires dans la Loi de l’impôt sur le revenu pour les organismes de bienfaisance, ce qui veut dire qu’il y a certaines circonstances où l’organisme, plutôt que de perdre son statut d’organisme de bienfaisance, peut être pénalisé; ces pénalités, si elles sont imposées, peuvent être acquittées par une subvention à un autre organisme de bienfaisance. Vous n’avez pas à donner d’argent au gouvernement. Il ne s’agit pas d’un système horrible, mais il peut y avoir quelque chose qui dise que, si vous n’avez pas les livres et les registres appropriés dans un système comme celui-ci, il pourrait y avoir, dans une certaine mesure, une sanction, ce qui pourrait être dissuasif pour l’organisme de bienfaisance.
M. Aptowitzer : Je dirais qu’il y a une gamme d’options en matière de contrôle et de direction, en fonction de la nature de l’activité menée par l’organisme de charité. En outre, nous pourrions dire que le contrôle nécessaire pour la distribution de l’aumône pour les pauvres dans certains pays est différent du contrôle et de la direction dont on attend des grandes organisations multinationales, lesquelles mènent d’autres activités ailleurs dans le monde.
Je dirais que le fait que ces règles ne sont pas inscrites dans la Loi de l’impôt sur le revenu nous permet de nous asseoir et de nous demander, en supposant qu’il s’agit d’un autre type de test, par quoi on pourrait le remplacer. Nous devrions réfléchir au fait qu’il est possible d’établir des nuances, selon la nature des activités diverses qui sont menées par les organismes de bienfaisance, peu importe l’endroit. Il se peut que les organismes de bienfaisance participent à de nombreuses activités et doivent donc rendre compte de différents fardeaux. Nous n’avons pas nécessairement besoin d’avoir un critère universel.
Le président : Merci. Puisque j’ai été réprimandé pour avoir sauté une question, j’aimerais rappeler à tous qu’il y a cinq questions que je n’ai pas encore abordées.
En vertu des règles actuelles, « le versement annuel exigé, effectué par les fondations aux donataires qualifiés, est applicable à l’échelle de la fondation parraineuse, non pas à l’échelle du fonds orienté par le donateur ». Au cours des audiences, quelques témoins ont exprimé des réserves au sujet de l’absence d’exigence en matière de production de rapports sur les activités des fonds de dotation nommés. Ils ont recommandé que des mesures soient prises afin d’exiger ou d’encourager la distribution aux organismes de bienfaisance des dons perçus par les fonds orientés par les donateurs.
J’ai trois questions. Quelle mesure, le cas échéant, le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour exiger ou encourager la distribution aux organismes de bienfaisance des dons perçus par les fonds orientés par les donateurs? Appuyez-vous l’idée d’établir un contingent des versements pour les fonds orientés par les donateurs individuels? Quelles mesures, le cas échéant, le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour accroître la transparence des fonds orientés par les donateurs?
M. Oyler : Pour que tout le monde le sache, je suis le seul témoin qui n’est pas avocat. Peut-être avez-vous remarqué que je m’en remettais à eux pour de nombreux sujets abordés. Je vais offrir un avis non juridique, et je suis convaincu que tout le monde sera en accord avec le principe, mais je suis certain qu’ils voudront tout de même traiter la question de façon professionnelle.
Je pense que tout le monde ici conviendra qu’on aimerait que cet argent soit versé à des fonds orientés par les donateurs. Je suis de cet avis, et je crois que nous devrions adopter cette approche, examiner les possibilités et trouver une façon de procéder.
M. Parachin : Je pense que la question essentielle qui se pose ici est de savoir dans quelle mesure les donateurs devraient avoir un contrôle continu après le moment du don. Voilà la question essentielle. L’un des arguments en faveur des fonds orientés par les donateurs, c’est que les donateurs sont libres de créer leurs propres fondations privées et que, s’ils le faisaient, ils auraient, par l’intermédiaire du conseil d’administration d’une fondation privée, un contrôle continu. La question devient alors la suivante : quel est le problème?
Il y a quelques réponses à cela pour ce qui est de définir les questions, dont l’une est, à tout le moins, la question juridique de savoir si on peut parler de don si le contrôle sur le bien donné n’a pas été cédé. Il y a une véritable question juridique au moment de savoir s’il s’agit d’une opération pour laquelle un reçu peut être remis si, en pratique, vous avez le contrôle sur la distribution des fonds à l’avenir. C’est une question réelle.
Certaines questions stratégiques complexes se posent pour savoir si le fait de permettre aux donateurs de continuer à contrôler les fonds ne constitue pas une invitation aux méfaits. À un certain degré, l’analogie avec la fondation privée est imparfaite parce que nous pouvons réglementer les fondations privées en tant que telles. Si vous avez une fondation qui compte 300 fonds orientés par les donateurs, cela représente des obstacles réglementaires différents pour qui veut s’assurer que les fonds sont dépensés de façon appropriée.
En guise de contexte, la common law fournit déjà aux donateurs des mesures extraordinaires de contrôle sur les biens donnés. Vous pouvez imposer, avec l’imprimatur du législateur et l’application de la loi, des usages précis et détaillés de l’utilisation des fonds.
Vous pouvez, à perpétuité — cela dit bien ce que cela veut dire — exiger que le capital soit détenu et que seule la répartition des revenus soit faite. Là où nous avons fixé la limite claire, c’est à cette étape du don; c’est là que le contrôle est censé être cédé. Quand j’examine la question et que je prends du recul en tant qu’analyste juridique, je me demande pourquoi cela est inadéquat pour les donateurs. Pourquoi doivent-ils avoir un contrôle continu après avoir effectué le don? Je suis sûr que les gens qui traitent quotidiennement avec les donateurs ont une réponse, mais je pense que, à tout le moins, il s’agit d’une question valable.
Mme Manwaring : Pour économiser du temps, parce que je pense qu’il y a des arguments pour réagir à tout ce que M. Parachin et M. Oyler ont dit... Je pense qu’il y a beaucoup de choses dans ce domaine que nous ignorons. Il y a beaucoup de spéculation, et je ne veux pas avoir l’air de me répéter, mais je pense que c’est quelque chose qui doit être étudié avec soin. Le fait de dire que cela devrait se faire en fonction des fonds ou qu’il devrait y avoir divulgation pourrait avoir de lourdes conséquences pour de nombreux organismes de bienfaisance, au-delà des avantages qui en découlent.
Comme le sénateur Mercer l’a dit tout à l’heure, est-ce que le coût d’essayer de faire quelque chose vaut les avantages que l’on en tire? Je n’en suis pas sûre. Il y a beaucoup de petits fonds orientés par les donateurs qui ont été créés par des familles dans des fondations communautaires et d’autres qui ne sont pas là pour de mauvaises raisons : ils sont là parce que cela fonctionnait.
Je propose d’étudier cela avant de faire des recommandations concrètes.
La sénatrice Omidvar : Nous avons entendu un témoin, et je crois qu’il s’agit de la Vancouver Foundation, qui a dit avoir une politique au sein de sa fondation. Cette dernière détient plusieurs centaines de fonds orientés par les donateurs. Elle a une politique de versement minimum pour chaque fonds orienté par les donateurs. Voilà une institution qui a été proactive et qui a pris une mesure dont d’autres pourraient s’inspirer.
Est-ce une question que nous devrions laisser aux fondations communautaires du monde? Je remarque qu’il y a aujourd’hui au Canada 3,5 milliards de dollars en fonds orientés par les donateurs. D’une certaine façon, c’est le marché qui croît le plus rapidement. Faisons-nous un peu des deux?
M. Parachin : Le taux de paiement ne me semble pas être la question difficile. Je tiens à préciser que mes commentaires ne portaient pas tant sur l’évidence des réponses que sur la difficulté des questions. Je ne suis pas certain de la réponse à cette question. Je ne pense pas que le taux de paiement soit le problème. À l’heure actuelle, la Loi de l’impôt sur le revenu exige des paiements modestes. Je ne sais pas pourquoi nous serions plus préoccupés par cette question dans un contexte orienté par les donateurs que dans d’autres contextes. Je pense que ce qui nous préoccupe, c’est l’influence continue sur la façon dont les sommes versées sont dépensées, et non le montant du paiement.
La sénatrice Omidvar : Je me suis penchée sur la question parce que j’étais un peu mal à l’aise à l’idée qu’il y avait une énorme somme d’argent qui se trouve essentiellement inactive. L’argent a fait l’objet d’un reçu. Le donateur a reçu la déduction, mais il n’y a aucune exigence de payer à partir du fonds tant qu’il s’agit de fonds regroupés, comme dans une fondation communautaire où il y a des centaines de fonds. Si un fonds verse 10 p. 100, tous les autres fonds sont alors nivelés, et il y a un problème.
Je pense qu’il y a un problème lié au fait d’obtenir des déductions pour un don de bienfaisance qui permet aux organismes de bienfaisance de laisser dormir les sommes reçues dans une banque quelque part plutôt que de faire le bon travail pour lequel ils ont été mis sur pied.
Mme Cooper : Au départ, j’avais tendance à répondre à cette question que ce n’est pas l’une de mes principales préoccupations. C’est en partie parce que, comme le dit Adam, c’est vraiment complexe. Qu’est-ce qu’un fonds orienté par les donateurs? À mon avis, un fonds où aucun revenu ne peut être versé n’est peut-être pas un don en premier lieu parce qu’il y a un contrôle trop grand de la part du donateur.
Le problème sous-jacent à tout cela, c’est que nous assistons à une multiplication de ces fonds orientés par les donateurs. En tant qu’avocate, je ne sais pas combien d’entre eux auraient dû faire l’objet d’un reçu en premier lieu. C’est donc un sujet laborieux qui nécessite beaucoup plus d’étude que ce qu’il est possible de faire à l’heure actuelle. Je soupçonne que vous pourriez avoir une solution qui est presque trop simple. Il est presque trop simple de dire que X p. 100 de tous les fonds orientés par les donateurs devraient maintenant être dépensés alors que je pense que la source du problème tient en réalité au fait qu’un grand nombre de ces dons ne sont pas structurés correctement au départ.
La sénatrice Omidvar : En d’autres termes, c’est important pour quelqu’un — le gouvernement — et c’est peut-être une recommandation que nous devrions examiner. Autrement dit, le comité consultatif de l’ARC devrait peut-être étudier le contexte des fonds orientés par les donateurs avant de s’engager dans une voie particulière.
M. Aptowitzer : D’autres études ne peuvent certainement pas nuire. Avant d’élaborer un ensemble de solutions pour un sous-secteur de la communauté des organismes de bienfaisance, vous devrez être très bien renseignés au sujet de ce sur quoi vous légiférez.
Si on en arrive à ce stade et qu’on examine la répartition des fonds provenant de fonds orientés par les donateurs et les questions de contrôle, vous vous tournerez vers les fondations privées — certainement pour ce qui est du contrôle; peut-être moins pour ce qui est des dépenses. On n’a pas à investir dans une fondation communautaire qui, de par sa nature même, a intérêt à dépenser l’argent dans la collectivité, plutôt que dans une fondation privée qui n’a pas nécessairement le même intérêt.
Si ces questions vous préoccupent, je pense que vous êtes préoccupés par bien plus que les fonds orientés par les donateurs.
M. Parachin : Le fait que l’argent qui demeure passif dans une fondation est, à mon avis, un faux-fuyant à l’égard des fonds orientés par les donateurs. Je ne dis pas que le problème n’est pas réel, mais cela nous ramène au taux du contingent des versements. Le taux de 3,5 p. 100 est soit correct soit trop faible. Je peux imaginer qu’une fondation communautaire dise qu’elle a atteint le versement minimum. Ce n’est pas ce qui m’inquiète. Je m’inquiète de la question soulevée par Karen. Je me demande si certaines de ces dispositions créent des relations de mandataires plus que des dons ouvrant droit à un reçu d’impôt. Je n’en suis pas certain, mais, quand je vois à quoi cela commence à ressembler dans mon esprit juridique, je dirais qu’il ne s’agit pas d’un don. Je ne vois pas cela comme un problème de paiement.
Le président : Il nous reste cinq minutes, et nous avons le prochain groupe de témoins au fond de la salle, prêt à prendre votre place. Je cherche une question qui sera utile.
Je vais passer à la dernière question. Tout au long de l’étude, plusieurs témoins se sont dits préoccupés par l’interprétation technique de l’Agence du revenu du Canada au sujet du « revenu excédentaire » détenu par les organismes à but non lucratif. On estime que ces règles augmentent le degré de risque pour les organismes à but non lucratif en établissant une norme — ou un critère de référence — plus élevée qu’ils doivent respecter pour éviter l’imposition de tout excédent de revenu sur les dépenses. Quelles mesures, le cas échéant, le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour aborder, clarifier ou modifier les règles régissant les revenus excédentaires détenus par les OBNL?
M. Aptowitzer : C’est une question difficile. Le problème fondamental, c’est que nous n’avons pas de bonnes données — du moins l’Agence du revenu du Canada n’en possède pas — sur l’étendue du monde des organismes à but non lucratif. Pendant de nombreuses années, ces organismes n’ont pas eu à produire de déclaration de revenus. Ce n’est que très récemment que l’Agence du revenu du Canada, prenant conscience du peu d’information dont elle disposait, a commencé à appliquer cette exigence et à recueillir les données. Même la partie des données que les OBNL étaient tenus de produire n’était pas appliquée. Nous nous sommes retrouvés avec un manque général d’information.
Pendant de nombreuses années, la règle était que les organismes à but non lucratif pouvaient conserver un an de revenus d’exploitation. Conscient du fait qu’il s’agissait d’une approche universelle, l’ARC utilise actuellement une approche beaucoup plus raisonnable qui laisse entendre qu’il y a des différences entre les différents secteurs du monde des organismes à but non lucratif.
Je pense que l’une des choses que le comité consultatif de l’ARC pourrait vouloir faire, c’est d’entreprendre une étude plus approfondie de cette question; c’est une suggestion concrète.
De plus, le problème qui existe pour ces organismes d’un point de vue technique, c’est l’idée que, s’ils ont amassé trop d’argent, cela laisse entendre qu’ils ne sont pas vraiment des organismes à but non lucratif. Ils font quelque chose, c’est-à-dire amasser de l’argent; c’est un peu comme un jeu de fortune, et la chance leur sourit de temps à autre. Je dirais que ce n’est pas nécessairement une conclusion logique à tirer du fait qu’ils ont de l’argent en banque. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose qu’ils aient de l’argent en banque, même s’ils exigent des honoraires inférieurs à la valeur marchande pour un service qu’ils peuvent rendre. Même si un grand nombre d’organisations ou de clients y recourent, ce n’est pas nécessairement vrai qu’ils exercent leurs activités dans le but d’en tirer un profit. Il se trouve simplement qu’ils se sont bien débrouillés au cours d’une année ou dans le cadre d’un projet particulier. Ce qu’il convient peut-être de faire, c’est de revenir à un critère relatif à la destination des fonds, ou quelque chose du genre, pour le monde des organismes à but non lucratif également, et d’examiner les options qui s’offrent à nous.
Le président : Merci beaucoup. Il reste du temps pour une réponse de Mme Manwaring, et nous devrons ensuite suspendre la séance pour le prochain groupe de témoins.
Mme Manwaring : Les organismes à but non lucratif dont il est question sont les organismes de bienfaisance non enregistrés comme étant à but non lucratif, pour que vous compreniez bien ce dont je parle, et je suis certaine que c’est également ce dont parlait Adam.
Cela a bien fonctionné pendant longtemps, jusqu’à ce que les décisions de l’ARC s’y attachent d’une façon ou d’une autre et qu’elles prennent une certaine tangente. Je pense que l’ARC est revenue en arrière, et nous semblons être en meilleure posture. Cela ne veut pas dire qu’on ne pourrait pas examiner la question de savoir si les organismes à but non lucratif qui ne sont pas des organismes de bienfaisance devraient être exonérés d’impôt. En fait, le ministère des Finances était sur le point de publier un document de consultation, en 2012 ou en 2013, je crois, sur ce sujet. Après la démission de James Flaherty de son poste de ministre des Finances, le document a été mis sur les tablettes. Il pourrait être utile de mener une étude dans ce domaine. Je ne pense pas que les excédents soient l’élément nuisible. La question est beaucoup plus grande que cela.
Le président : Je vais faire une suggestion. Vous avez une liste des questions. Les questions 10, 11 et 12 sont des questions auxquelles nous n’avons pas répondu en détail. Nous serions heureux de recevoir votre réponse par écrit, si vous le souhaitez.
Nous vous sommes extrêmement reconnaissants du temps que vous nous avez accordé aujourd’hui, d’autant plus que nous avons quatre éminents avocats et une autre personne, qui ont ajouté beaucoup de bons points de vue au débat. Nous vous en remercions. Nous espérons que certains de vos commentaires seront pris en considération dans notre rapport final pour votre gouverne. C’est la dernière série de réunions que nous tenons. Nous allons rencontrer un autre groupe dans quelques instants, puis ces dames à ma droite, de la Bibliothèque du Parlement, auront la tâche ardue de commencer à rédiger le rapport, puis de le revoir avec nous en continu, en essayant de refléter ce que nous avons entendu. Soyez assurés que, quel que soit le rapport final, vous avez eu une incidence majeure sur celui-ci, alors merci.
Aujourd’hui, nous faisons quelque chose de différent. C’est notre dernière journée d’audiences publiques, et bon nombre d’entre vous ont déjà comparu. Ce que nous voulions, c’était d’avoir une table ronde pour tenir une discussion finale afin de nous assurer que rien ne nous a échappé. Nous voulions revoir quelques questions avec vous. Vous devriez tous avoir reçu un exemplaire des questions. Nous allons essayer de répondre à ces questions; discutez-en entre vous, et les sénateurs interviendront à l’occasion pour obtenir des précisions ou pour stimuler la discussion.
Normalement, nous nous asseyons et vous posons des questions. Nous allons plutôt proposer les questions et vous orienter un peu, mais nous souhaitons également entendre vos réponses alors que vous vous répondrez les uns aux autres. Cela enrichira grandement le débat.
Permettez-moi de passer en revue les personnes présentes ici. Bob Wyatt, directeur exécutif de la Muttart Foundation; Hilary Pearson, présidente de Fondations philanthropiques Canada; Paula Speevak, présidente et chef de la direction de Bénévoles Canada; Andrew Chunilall, chef de la direction de Fondations communautaires du Canada; Andrea McManus de l’Association des professionnels en philanthropie; Bruce MacDonald, président et chef de la direction de Imagine Canada; Dan Clement, président et chef de la direction par intérim de Centraide Canada. Il y a une autre personne sur la liste, mais elle n’est pas encore là.
Comme je l’ai dit, vous avez vu les questions. Le dernier groupe de témoins m’a mis beaucoup de pression. J’ai essayé de sauter une question, et ils n’ont pas particulièrement apprécié. Ils m’ont pris sur le fait.
Quoi qu’il en soit, la première question porte sur le recrutement et le maintien en poste des bénévoles.
Des représentants de Statistique Canada ont fait état de l’évolution démographique du bénévolat, une proportion croissante de Canadiens plus âgés s’adonnant à ce travail. D’autres témoins ont décrit les défis que posent le recrutement et le maintien en poste des jeunes bénévoles, et d’autres encore ont souligné la nécessité de promouvoir le bénévolat. Il y a une série de questions à ce sujet. Je vais toutes vous les poser pour que tout soit sur la table.
Comment le gouvernement fédéral peut-il promouvoir le bénévolat de manière plus efficace? Seriez-vous en faveur de l’instauration d’un crédit d’impôt pour les bénévoles? Dans l’affirmative, quels défis administratifs cette mesure poserait-elle? Quel rôle, le cas échéant, recommanderiez-vous à Service jeunesse Canada pour encourager les jeunes Canadiens à faire du bénévolat? Comment le gouvernement fédéral peut-il mieux outiller les organismes de bienfaisance et à but non lucratif pour qu’ils tirent parti des nouvelles plateformes et des autres innovations technologiques favorisant le recrutement de bénévoles? Quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer pour favoriser une plus grande reconnaissance de la contribution des bénévoles?
Il n’y a pas de petites questions. Qui veut commencer? Madame Speevak.
Paula Speevak, présidente et chef de la direction, Bénévoles Canada : Bonjour. Tout d’abord, je vous souhaite à tous une bonne Semaine de l’action bénévole. Nous célébrons les 12,7 millions de Canadiens qui font du bénévolat; c’est donc une semaine très emballante pour nous.
J’aimerais commencer par réagir à la façon dont la question est formulée. J’ai participé à certaines des séances par le passé. Lorsque nous disons qu’il y a une plus grande proportion de personnes âgées qui font du bénévolat, c’est simplement parce que la population vieillit. Je tiens à préciser que cela ne veut pas dire que les jeunes ne font pas de bénévolat. En fait, les jeunes ont le taux de bénévolat le plus élevé parmi toutes les catégories d’âge. C’était le cas bien avant tous les programmes de service communautaire obligatoire à l’école secondaire. Des jeunes bénévoles, de 66 à 70 p. 100, selon —
Le sénateur Duffy : Nous n’avions pas bien compris cela, alors c’est une bonne précision à apporter.
Mme Speevak : En effet. Si j’apporte cette précision, c’est parce que je suis sensible au fait que nous reconnaissons l’incroyable passion et la contribution des jeunes envers le bénévolat. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’obstacles. Je pense que nous en avons examiné quelques-uns, mais je pense qu’il faut le souligner.
Ensuite, la nature du bénévolat est en train de changer. Même si nous comptons souvent le bénévolat officiel — quelqu’un qui joue un rôle au sein d’une organisation —, nous savons aussi que les gens font de grandes choses à l’extérieur des organisations. Des gens recueillent des fonds par l’entremise de diverses plateformes pour qu’un voisin puisse adapter sa fourgonnette parce qu’il a un enfant handicapé ou encore, à la suite d’une tragédie, des personnes en mobilisent d’autres autour d’un enjeu ou d’une cause, en organisant des événements. Cette mobilisation a lieu à l’extérieur des organisations et elle donne aussi d’excellents résultats.
L’une des choses que nous examinons à Bénévoles Canada, et je sais que le comité s’est penché sur la question, c’est la notion de la nature changeante du bénévolat. Statistique Canada a maintenant ajouté un module pour l’enquête de 2018 sur le bénévolat non encadré. Par conséquent, nous aurons bientôt certains de ces résultats. Le défi pour nous, au sein des organisations, consiste non pas à dire que cela ne compte pas et que le bénévolat est en baisse, mais plutôt à réfléchir vraiment à la façon dont nous faisons de la place dans nos organisations, de même qu’à appuyer et reconnaître tout le bénévolat qui se fait. Je voulais soulever cette question avant d’entrer dans les détails. Je ne sais pas si mes collègues ont des commentaires à faire à ce sujet.
Vous avez posé quelques questions à propos du soutien offert. La première chose qui, à mon avis, a été vraiment utile, c’est la relation avec Statistique Canada et l’Enquête sociale générale du Canada — dons, bénévolat et participation, le fait que cela s’est poursuivi malgré de nombreux changements. Je pense que beaucoup de gens dans le secteur sont heureux d’avoir l’information, d’être capables de cerner les obstacles, les motivations, ce que les gens apprennent grâce au bénévolat et quels sont leurs penchants. Selon moi, c’est très important. J’estime que nous pouvons être satisfaits du fait que cela se poursuive et j’espère que cela ne s’arrêtera pas.
La deuxième chose que je mentionnerais en ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, c’est le système de filtrage des bénévoles. Cela comprend tout un éventail d’activités, y compris des vérifications des secteurs vulnérables et des vérifications du casier judiciaire. Je pense que bon nombre d’entre vous connaissent certains des systèmes en Australie, en Irlande du Nord et en Écosse, où il existe un processus simplifié qui ne frustre pas les bénévoles ni les organisations, mais qui concilie l’inclusion sociale et la sécurité. Je pense qu’une autre chose à envisager serait la refonte de ce système.
La troisième chose serait de reconnaître l’infrastructure nécessaire de toutes les façons pour appuyer les bénévoles. Cela peut aller des ressources humaines à la technologie en passant par d’autres choses.
Ensuite, vous aviez une question précise au sujet de Service jeunesse Canada. Je veux dire que j’ai un intérêt direct à ce sujet. Certains d’entre vous savent que Bénévoles Canada est un partenaire de ce programme. Nous avons examiné les 220 centres locaux d’action bénévole du pays, qui ont chacun leur propre système de jumelage des bénévoles, et nous avons créé un carrefour pour pouvoir en tirer parti. Les jeunes de partout au pays peuvent chercher des occasions de faire du bénévolat.
Quant à ce qui peut être fait pour appuyer ce programme, ce serait de reconnaître que les jeunes contribuent déjà beaucoup et de ne pas créer le mythe ou perpétuer l’idée que Service jeunesse Canada est là parce que les jeunes ne font pas de bénévolat; l’organisme vise simplement à rendre le bénévolat plus gratifiant afin d’aider les gens à tirer parti de leurs expériences et à y songer lorsqu’ils mettent en valeur leur sens de la citoyenneté et leur identité. Je vais en rester là pour l’instant et je reviendrai peut-être sur la question au fur et à mesure que la conversation progressera.
Bob Wyatt, directeur exécutif, Muttart Foundation : Je vais aborder deux des points. Permettez-moi d’enchaîner avec quelque chose que ma collègue vient de dire.
Si le gouvernement fédéral veut encourager le recours au bénévolat, il devrait reconnaître, dans ses accords de subvention et de contribution, que les gestionnaires de bénévoles et l’accès à la technologie sont des éléments essentiels pour que cela fonctionne, plutôt que d’essayer de les intégrer dans un pourcentage global trop faible des coûts administratifs. Acceptons le fait que c’est un coût direct pour une organisation bénévole, au moment de recruter et d’appuyer ses bénévoles.
L’autre question — je sais qu’elle vous tient à cœur, sénateur — c’est celle d’un crédit d’impôt pour le bénévolat. Vous avez signalé par le passé qu’il y en a eu certains pour les pompiers volontaires. Il s’agit d’une excellente décision stratégique. L’idée d’un crédit d’impôt généralisé pour les bénévoles engendrerait, à mon avis, un cauchemar administratif et réglementaire. Le simple fait d’effectuer un suivi, d’essayer d’évaluer le bénévolat, d’émettre les reçus, puis d’exiger que l’ARC vérifie s’il y a fraude annulera, à mon avis, tout le bien que cela apporte et les coûts en ressources administratives d’une organisation seront plus grands que les profits qu’elle en tirera.
Je pense qu’il y a des moyens que vous pouvez trouver pour encourager les bénévoles. Il y a donc déjà des dispositions dans la politique pour que les bénévoles qui ont des dépenses légitimes puissent recevoir un reçu à cet égard sans l’ancien système d’encaissement de chèque.
Le président : Il y a un témoin qui, très récemment, nous a fait une suggestion que nous n’avions jamais entendue auparavant. Cela concernait en fait les jeunes qui voulaient faire du bénévolat... Je pense que le contexte dans lequel il a placé la proposition... Il s’agissait d’inciter les jeunes à travailler pour des organismes à but non lucratif ou des organismes de bienfaisance en prévoyant, peut-être, qu’une partie de leur prêt étudiant soit remboursée. Je pense que c’était quelque chose d’intéressant et de beaucoup plus facile à gérer que ce dont vous parliez dans votre dernier commentaire.
Comment cela s’inscrit-il dans le processus? Cela inciterait les organismes de bienfaisance à embaucher des jeunes, à leur donner de l’expérience de travail dans le secteur et à les inciter non seulement à faire du bon travail, mais également à travailler dans ce secteur. Il s’agirait, premièrement, d’acquérir de l’expérience et, deuxièmement, de réduire leur dette considérable envers quelqu’un dans le cadre de leur prêt étudiant.
M. Wyatt : Il y a des discussions à ce sujet depuis au moins 20 ans, sinon plus. Si je me souviens bien — sous réserve de vérification —, il y a eu quelques États américains qui ont introduit ce modèle. Je n’ai pas vu d’évaluation indiquant si cela a été une réussite. Mes collègues et moi pouvons certainement vérifier cette information et renvoyer le comité à la documentation, si nous en trouvons.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?
Bruce MacDonald, président et chef de la direction, Imagine Canada : Juste une ou deux choses. Lorsque nous examinons le crédit d’impôt accordé pour les dons et les retombées sur les jeunes, et que nous constatons une diminution du nombre de jeunes qui réclament ce crédit dans leur déclaration de revenus, nous ne croyons pas que cela veuille dire que les jeunes ne sont pas généreux. C’est juste que leur situation économique au départ est très différente et qu’ils n’ont pas un revenu qui ferait en sorte qu’ils pourraient bénéficier d’un crédit d’impôt.
Je me demande si le même raisonnement ne s’appliquerait pas ici : le fait d’avoir une déduction fiscale au titre du bénévolat lorsque vous n’avez pas un revenu suffisant pour que cela fasse une différence dans votre déclaration de revenus. Je ne fais que me demander à voix haute si ce pourrait être quelque chose.
Par ailleurs — je pose cette question à Paula —, est-ce que Bénévoles Canada a remarqué une corrélation entre le bénévolat et ce genre d’incitatif, et pensez-vous que cela stimulerait réellement le bénévolat à plus grande échelle?
Andrew Chunilall, chef de la direction, Fondations communautaires du Canada : Je ferai comme Bruce et poserai une question. Celle qui me vient à l’esprit est la suivante : à quoi ressemble l’action altruiste dans le contexte du XXIe siècle?
Le bénévolat a une longue tradition dans notre pays, mais nous savons également que les jeunes — si les jeunes sont ceux dont nous parlons — adoptent de nouvelles méthodes pour faire bouger les choses. Au bout du compte, c’est ce qui stimule le bénévolat.
Nous constatons que les jeunes créent de nouvelles entreprises et de nouveaux secteurs, qu’il s’agisse de l’entrepreneuriat social, d’une économie d’impact ou d’un mélange d’entreprises à but lucratif et à but non lucratif qui ont comme objectif principal de faire le bien tout en procurant un revenu.
C’est peut-être la nouvelle façon de faire. C’est peut-être la nouvelle forme de bénévolat, qui n’est vraiment pas reconnue dans nos cadres législatifs, lesquels fragmentent ou cloisonnent les organismes à but lucratif et autres. Je pense qu’ils créent eux-mêmes un nouveau secteur grâce à leurs actions, auxquelles il est difficile de s’adapter avec l’infrastructure dont nous disposons actuellement.
Je suis également d’accord avec Paula pour dire que les jeunes font du bénévolat, mais leur définition du bénévolat et leur orientation par rapport à celui-ci ne sont peut-être pas ce que nous pourrions désigner comme du bénévolat à cette table.
Dan Clement, président et chef de la direction par intérim, Centraide Canada : J’aimerais simplement renforcer un ou deux points. Je pense que nous sommes à l’ère de l’échange engagé. Si nous examinons les dons de bienfaisance, le nombre de donateurs et leur profil d’âge, moins de personnes donnent davantage, mais il y a moins de donateurs dans l’ensemble, et, sur le plan générationnel, il s’agit d’une baisse. Nous n’allons pas remplacer les donateurs d’aujourd’hui par des donateurs de demain sans une approche fortement résolue à l’égard de cette idée d’échange engagé, ce qui signifie que nous voulons d’abord que les gens participent. Je soupçonne que leurs dons suivront pour renforcer leur esprit philanthropique.
Il a été mentionné à quelques reprises que, pour Centraide en milieu de travail, il ne manque pas de personnes qui veulent participer. Parfois, il y a une limite au nombre de fois qu’on peut peindre le mur de l’organisme. En fait, la chose la plus difficile à laquelle nous faisons face, c’est d’avoir la capacité de trouver, de mobiliser et de jumeler. Il s’agit en fait d’infrastructures, que l’on parle d’un centre de bénévolat, de Centraide ou d’autres organisations philanthropiques.
Je pense que nous n’investissons pas assez dans notre capacité de trouver et de créer des possibilités, et c’est en partie parce que les organismes de bienfaisance sont souvent remis en question quant à l’endroit où ils dépensent de l’argent, au motif des dépenses et aux coûts administratifs. Nous devons considérer cela comme une valeur ajoutée importante pour nos sociétés canadiennes. Cela signifie que nous devons réfléchir à ce qu’il faut pour investir dans ce travail et cette infrastructure, parce qu’on ne va pas créer ces possibilités de bénévolat sans cette infrastructure.
Cette infrastructure est mise à rude épreuve, certainement dans le secteur des services communautaires. Il y a une tonne de demandes. Parfois, on s’attache davantage à l’organisation qu’à la valeur, parce qu’elles ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire à sa gestion. Nous sommes peut-être en faveur d’une amélioration physique des installations, mais pas nécessairement d’une amélioration de leur orientation stratégique. Encore une fois, l’accent est mis sur des choses comme le jumelage fondé sur les compétences.
Afin qu’il y ait davantage de bénévolat, nous devrons investir dans ce secteur ainsi que dans le secteur communautaire. Il y a une tonne de possibilités, mais nous n’avons pas souvent cette infrastructure et ce soutien.
Le président : D’autres commentaires? Nous allons passer à la prochaine question. Des témoins ont dit au comité que le recrutement et le maintien en poste du personnel dans le secteur des organismes de bienfaisance et à but non lucratif sont particulièrement difficiles en raison des salaires généralement inférieurs à ceux offerts dans les secteurs public ou privé. Le financement est accordé à court terme, ce qui rend l’emploi particulièrement précaire pour le personnel des organismes de bienfaisance et à but non lucratif, et le secteur n’est pas en mesure d’offrir aux employés à long terme une sécurité du revenu de retraite.
Les ententes de financement à plus long terme ont-elles aidé à recruter et à maintenir en poste le personnel dans le secteur? Dans la négative, pourquoi?
Dans quelle mesure, s’il y a lieu, le financement de projets pilotes plutôt que de programmes permanents par les gouvernements rend-il difficiles le recrutement et le maintien en poste du personnel?
Dans quelle mesure, s’il y a lieu, le fait que, peu ou pas de financement soit réservé à l’administration dans les accords de subvention et de contribution complique-t-il le recrutement et le maintien en poste du personnel?
Dans quelle mesure, le cas échéant, les récentes offres de prestation de revenu de retraite à des employés du secteur contribuent-elles à accroître le recrutement et le maintien en poste du personnel?
Enfin, quel rôle, le cas échéant, le gouvernement fédéral peut-il jouer pour appuyer le recrutement et le maintien en poste du personnel dans le secteur des organismes de bienfaisance et à but non lucratif?
Ce sont des questions très faciles. Je suis certain que quelqu’un peut nous donner les réponses.
M. MacDonald : Comme l’a fait Paula, j’aimerais introduire une autre réflexion en ce qui concerne la formulation de ces questions.
Lorsque nous examinons la capacité de notre secteur d’être un employeur de choix et d’embaucher, d’attirer et de maintenir en poste les meilleurs employés et les plus brillants d’entre eux, nous croyons, du moins chez Imagine Canada, que la situation deviendra plus difficile et problématique à l’avenir.
Si vous examinez les données nationales ou mondiales sur les pénuries de main-d’œuvre et la capacité du secteur privé d’attirer et de maintenir en poste les employés talentueux, vous constaterez qu’il est de plus en plus en mesure de trouver et de garder de bons employés. Pour un secteur qui a toujours été un peu en retard en ce qui concerne la capacité de payer et d’offrir des programmes d’avantages sociaux concurrentiels, nous n’offrons pas beaucoup des mêmes options que le secteur privé. Nous croyons que le fossé qui nous sépare de ce statut d’employeur de choix est sur le point de se creuser.
Je pense qu’il est très important de parler de certaines de ces questions, parce que, pour les organismes qui pourraient survivre grâce à des ententes à court terme, la possibilité d’avoir une certaine stabilité à long terme pourrait commencer à rendre leurs offres aux employés ou aux employés éventuels un peu plus intéressantes.
Je pense que c’est une question qui va au-delà de notre secteur. Il s’agit de l’environnement économique dans lequel nous évoluons.
Mme Speevak : L’une des choses à noter à propos de cette question tient simplement aux répercussions sur les membres bénévoles de conseil d’administration qui ont de la difficulté à attirer et à maintenir en poste les employés talentueux. Lorsqu’on songe au soutien dont les conseils d’administration ont parfois besoin lorsqu’ils passent par un processus d’embauche ou lorsqu’il y a déstabilisation du fait d’un roulement de personnel imputable au financement à court terme, cela a des répercussions sur la capacité des membres des conseils de demeurer actifs.
C’est quelque chose dont nous entendons parler à Bénévoles Canada, le besoin d’un tel soutien lorsqu’ils deviennent responsables d’assurer la pérennité de l’organisation, plus que ce n’était habituellement le cas lorsque c’étaient les membres du personnel qui assuraient la continuité et la stabilité.
M. Wyatt : Vous aurez beaucoup de preuves empiriques sur cette question. Pour répondre à la dernière partie de la question, la façon de contourner le problème consiste à rétablir le financement du Conseil des RH pour le secteur bénévole.
Nous en avons beaucoup profité au cours des 10 années où nous avons eu le conseil des ressources humaines, le conseil sectoriel des ressources humaines, et, à la suite de l’élimination du programme des conseils sectoriels, le conseil des RH pour le secteur bénévole a disparu. Il faut le rétablir. Nous devons être en mesure de répondre à ces questions. Nous devons être en mesure de faire la recherche à grande échelle qu’aucun d’entre nous ne peut faire individuellement.
L’autre chose que je voulais dire, et ce sera une anecdote, c’est que ceux d’entre vous qui ont travaillé dans le secteur ou qui ont siégé à des conseils d’administration du secteur reconnaîtront immédiatement cette réalité : nous approchons de la mi-avril. Il y a un certain nombre d’organismes de bienfaisance dont le financement reçu dans le cadre de contrats gouvernementaux a pris fin le 31 mars et qui n’ont toujours aucune idée si leur financement sera maintenu.
Chaque année, en janvier ou en décembre, le PDG de l’organisme de bienfaisance se présente devant le conseil d’administration et dit : « Je ne sais pas si nous allons avoir de l’argent, alors je dois envoyer des avis de mise à pied aux membres du personnel travaillant à ce projet dès maintenant. » Il va donc de soi que ces employés doivent alors se mettre à la recherche d’un autre emploi. Puis, à la mi-avril, lorsqu’on apprend que l’argent sera versé, on doit faire du recrutement pour remplacer les gens qui sont partis et tout recommencer. En outre, le bassin d’expérience est perdu.
Il y a une ou deux semaines, le Conseil du Trésor a indiqué qu’il passait à des ententes pluriannuelles, mais le déploiement n’est pas assez rapide. Le gouvernement a approuvé le rapport du groupe d’experts en 2006. Nous sommes maintenant en 2019. Ce programme devrait déjà être en vigueur dans l’ensemble du gouvernement, et il ne l’est pas.
Le président : Madame McManus, je vous céderai la parole dans deux secondes. J’aimerais d’abord vous présenter Kayla Smith, étudiante à la faculté de droit de l’Université de Windsor, qui s’est jointe à nous. Merci d’avoir accepté notre invitation.
Le sénateur Duffy : Je me demandais si je pouvais poser une brève question à M. Wyatt. De qui relevait ce conseil des RH?
M. Wyatt : Au départ, il relevait d’Emploi et Développement social Canada, comme il s’appelait à l’époque. C’était un programme qui s’adressait à diverses industries. Il a été mis sur pied pour le secteur bénévole. Pour certains secteurs de la construction, c’était quelque chose qu’ils tenaient pour acquis. Pour nous, c’était tout à fait nouveau et très bien accueilli, et nous avons produit de très bons documents.
Andrea McManus, Association des professionnels en philanthropie : Au risque de fournir des informations anecdotiques — mais je suis tout à fait d’accord avec Bob au sujet du rétablissement du Conseil des RH —, notre secteur est en concurrence avec le secteur privé pour maintenir en poste les employés talentueux et être en mesure de recruter les personnes dont on a besoin, et nous sommes également en forte concurrence avec d’autres organismes de notre propre secteur. Cela va des organismes à but non lucratif et de bienfaisance, qui sont de petits organismes pouvant avoir de un à cinq employés, ou même aucun, aux universités et aux hôpitaux, qui ont un grand nombre d’employés. Ces derniers ont beaucoup d’avantages sociaux ainsi que de bons régimes d’assurance-maladie, ce avec quoi les petits organismes ne peuvent rivaliser.
Je sais que nous disons que les salaires sont bas, et ils le sont, mais nulle part ailleurs ils ne sont aussi bas que dans les services sociaux et certaines autres organisations. La concurrence vient de toutes parts, et tout ce que nos organismes font pour essayer de concurrencer ces avantages, ainsi que le recrutement et le maintien en poste du personnel, un enjeu énorme dans le secteur privé à l’heure actuelle, n’a aucune incidence.
C’est là que le bât blesse : il y aura des frais généraux et administratifs, et nous ne devrions pas en arriver là en tant qu’organismes de bienfaisance au Canada.
M. Clement : Simplement pour poursuivre sur ce thème — et excusez-moi d’être direct, mais surtout dans le domaine des services sociaux —, nos organismes communautaires de services sociaux sont devenus les agents de la prestation de service pour le compte du secteur public. Pourquoi? Parce que c’est moins cher et plus économique. Nous pouvons accorder du financement à court terme, nous n’avons pas à payer le même salaire et nous n’avons pas à payer les mêmes avantages sociaux. Le fardeau est moins grand.
Je pense que, si vous voulez répondre à la question... Certainement dans les services sociaux, une grande partie des recettes provient du secteur public. La question est la suivante : en quoi consiste un salaire équitable qui permet de payer les avantages générés par ces organismes de prestation de services et leurs employés? On parle de salaires équitables, d’avantages sociaux et d’accès à des prestations de retraite, qui, souvent, n’existent pas? Ce sont des gens qui sont animés par une mission. Il y a de vraies réponses ici, mais les gens disent oui à un certain nombre de questions... Il n’est pas question de financement à court terme, de financement à long terme et de la reconnaissance du fait que ces organismes offrent des avantages publics. S’il est moins coûteux que de le faire à l’interne dans la fonction publique, pourquoi établir des lignes directrices sur les salaires et les avantages sociaux équitables? Intégrez cela dans l’infrastructure de subvention. Cela contribuera grandement à donner de la stabilité à l’organisation, et on pourra commencer à fixer des attentes à l’égard des salaires.
Kayla Smith, étudiante, faculté de droit, Université de Windsor, à titre personnel : Je vous prie d’excuser mon retard. J’étais dans le mauvais édifice, mais je vous remercie de me recevoir. Je crois comprendre que nous discutons de la question 2 concernant le recrutement et le maintien en poste du personnel. J’aimerais vous parler du point de vue d’une jeune personne qui s’intéresse au secteur; lorsque nous examinons l’état actuel du sous-emploi et du chômage chez les jeunes, du financement stable dans le secteur de la bienfaisance est important pour que les jeunes envisagent d’y faire carrière. Lorsqu’ils pensent aux secteurs privé et public, ils savent qu’ils peuvent jouir d’une stabilité. Toutefois, lorsqu’il s’agit du secteur bénévole en général, les jeunes ne sont pas tout à fait certains qu’il est concurrentiel au chapitre des avantages sociaux et des salaires. Un financement stable aiderait assurément à augmenter le recrutement et le maintien en poste des jeunes.
Mme McManus : J’aimerais ajouter quelque chose à ce qu’a dit Kayla. Ne serait-il pas merveilleux que nous puissions la recruter pour travailler dans le secteur sans but lucratif, lui offrir une carrière assortie de perfectionnement professionnel, tenir compte de la constitution de l’équipe et lui offrir des choses qu’elle pourrait obtenir dans nombre d’endroits dans le secteur privé afin qu’elle demeure dans le secteur? Elle n’a pas besoin de travailler à l’extérieur du secteur pour se bâtir une carrière et une vie; nous pourrions tirer profit de cet engagement envers la collectivité et le conserver dans le secteur, mais il faut de l’argent pour faire cela, et nous devons investir dans notre talent.
M. Chunilall : Je crois qu’il y a une disposition dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui oblige les organismes de bienfaisance à utiliser une très grande partie de leurs ressources pour des « activités de bienfaisance », qui sont définies dans la loi. Sur le plan technique, cette utilisation de ressources est environ 90 p. 100. Qu’on soit dans le monde à but lucratif ou au gouvernement, il serait difficile de trouver une organisation qui dépense 90 p. 100 ou plus de ses actifs à l’externe au lieu de renforcer ses propres capacités internes en matière de maintien en poste et de recrutement. Je crois donc que cette disposition précise au sein de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou du moins son interprétation, devrait être renforcée dans une certaine mesure afin de permettre aux organismes de bienfaisance non seulement d’investir dans leurs capacités à maintenir en poste leur personnel, mais également de valoriser le travail.
Lorsque les gens travaillent dans notre secteur, ils souhaitent plus avoir une incidence. Au-delà du salaire et des avantages sociaux, si les employés n’ont pas d’incidence ou qu’ils ressentent de plus en plus de frustration à cet égard, cela rendra difficiles le maintien en poste et le recrutement. Alors, si nous pouvions vraiment nous démarquer comme un secteur qui change la donne, cela nous aiderait beaucoup, bien plus que les salaires et les pensions de retraite.
Le président : On a dit que l’industrie réinvestit constamment dans sa propre infrastructure humaine afin de maintenir en poste et de former son personnel et de l’aider à réaliser ses objectifs en vue de connaître plus de succès.
M. MacDonald : J’aimerais revenir à ce que disait Andrew sur le secteur privé. Il est intéressant de noter que l’attrait de travailler dans un but précis, pour une mission ou pour une cause, ce qui a été par le passé un avantage concurrentiel pour le secteur de la bienfaisance, sera réduit, à notre avis. De plus en plus de jeunes veulent que le domaine dans lequel ils choisissent de faire carrière signifie quelque chose, et en raison des pénuries de main-d’œuvre, dans une certaine mesure — ils se retrouveront en position de force lorsque les baby-boomers prendront leur retraite —, de plus en plus d’entreprises du secteur privé redoublent d’efforts pour s’assurer d’être respectueuses de l’environnement, d’avoir des chaînes d’approvisionnement éthiques et d’être liées à la collectivité.
Quant à la capacité du secteur d’attirer du personnel et de le maintenir en poste, nous croyons que ce problème pourrait s’aggraver, car l’avantage concurrentiel que nous avions auparavant est miné en quelque sorte par des entreprises qui se disent qu’elles devraient en faire autant sinon la main-d’œuvre de demain ne voudra pas travailler pour elles. J’aimerais reprendre ce que Bob disait concernant le fait de réexaminer nombre des recommandations du groupe d’experts parce que du financement pluriannuel, des paiements en temps opportun, la couverture de coûts comme les avantages sociaux des employés et ce genre de choses feraient en sorte que nous pourrions être un employeur concurrentiel.
La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse à Mme Pearson; félicitations à vous deux, monsieur MacDonald et madame Pearson, d’avoir été nommés vice-présidents du comité consultatif. Vous allez travailler dans le secteur, nous discutons actuellement de ce secteur, de cette question et d’autres choses, alors pardonnez-moi d’ajouter un élément à vos réflexions, mais est-il possible de parler d’un seul secteur? Il est si grand et si diversifié. Sommes-nous en mesure de trouver des solutions politiques en examinant la situation sous un seul angle, ou devrions-nous établir des distinctions?
Hilary Pearson, présidente, Fondations philanthropiques Canada : C’est une excellente question. Andrea a commencé à parler de cet aspect. Il n’existe pas qu’un seul secteur. Je crois que le secteur de la bienfaisance ou le secteur bénévole, si nous voulons utiliser des termes différents pour les distinguer, ne représente qu’une seule partie d’un grand groupe d’organismes qui sont très différents en ce qui concerne la taille, les employés, les moyens, les modèles de gestion et les modèles opérationnels. Pour résumer, il est probablement plus juste, à mon avis — et Andrea, je crois que c’est ce que vous proposiez —, de dire qu’il y a deux sections dans le secteur sans but lucratif. D’abord, il y aurait les grands organismes. Nombre d’entre eux sont financés par l’État ou ont un modèle de gestion assorti d’un flux de rentrées qui leur permet de se financer eux-mêmes ou du moins d’investir dans les ressources humaines dont nous parlions.
Ensuite, encore une fois, c’est ce qu’Andrea a également mentionné, il y a les nombreux petits organismes. Dan en a aussi parlé. Les organismes de services sociaux, qui tendent à avoir plus de bénévoles, dépendent davantage de gens disposés à être rémunérés moins pour travailler dans des conditions difficiles parce qu’ils ont à cœur la mission.
Il importe que le gouvernement tienne compte de cela lorsqu’il élabore ses politiques. Il y a des éléments infrastructurels. Bob a mentionné le Conseil des RH. Ce dernier pourrait continuer d’examiner l’ensemble du secteur et de prendre en considération ces différents types d’organismes, mais je crois que le gouvernement devrait élaborer les autres autres types de politiques qu’il envisage en tenant compte du fait qu’il existe des organismes très différents. C’est particulièrement vrai pour le financement. Je sais que c’est la prochaine question que nous allons aborder. Différents défis se posent relativement au financement du secteur selon la partie qu’on examine. Je crois que c’est quelque chose que nous devrions tous examiner. Cela fait effectivement une différence.
La sénatrice Omidvar : À chacun sa façon.
Mme Pearson : Dans un sens.
La sénatrice Omidvar : Je vous souhaite bonne chance pour relever ce défi.
Mme Pearson : Félicitations n’est peut-être pas tout à fait le bon mot.
Le président : Nous allons passer à la prochaine question : le financement du secteur. Des représentants de Statistique Canada ont témoigné de la diminution du nombre de contribuables qui demandent les crédits d’impôt pour don de bienfaisance auxquels ils ont droit. D’autres témoins ont fait remarquer que cette diminution s’est traduite par une dépendance accrue à l’égard, soit des donateurs bien nantis et des entreprises soit d’un nombre réduit de donateurs individuels. Bien que certains témoignages aient indiqué que l’augmentation de l’avantage fiscal lié aux dons de bienfaisance n’aurait pas d’incidence importante sur le nombre de donateurs ni sur le montant de leurs dons, d’autres témoins ont suggéré de modifier ou d’augmenter l’avantage.
Quels changements, le cas échéant, recommanderiez-vous d’apporter aux avantages fiscaux accordés aux personnes qui font des dons aux organismes de bienfaisance?
M. Chunilall : Nous avons réalisé des recherches, particulièrement dans le marché américain, et nous observons le même phénomène au Canada, à savoir que les jeunes donateurs en particulier choisissent de faire leurs dons de bienfaisance ou leurs dons philanthropiques à l’extérieur du régime fiscal applicable aux organismes de bienfaisance. Ils sont disposés à sacrifier le crédit d’impôt pour don de bienfaisance pour obtenir plus de souplesse ou d’outils pour avoir une incidence. Nous fonctionnons dans un environnement assez permissif dans le secteur de la bienfaisance. Nous sommes autorisés à faire des choses précises en vue de réaliser notre mission. À l’extérieur du domaine de la bienfaisance, le milieu n’est pas aussi permissif. Cette permissivité est possible dans la mesure où on ne fait rien d’illégal, d’immoral ou de contraire à l’éthique. On peut choisir d’avoir une incidence avec une souplesse et des outils différents. Alors, une prime de 15 à 30 p. 100 pour disposer de plus d’outils pour avoir une incidence, c’est quelque chose que beaucoup de jeunes choisissent de faire. La question n’est peut-être pas de savoir comment nous examinons le crédit d’impôt pour don de bienfaisance à proprement parler, mais plutôt de savoir comment nous pouvons donner au secteur — peu importe la façon dont nous voulons définir cela — plus d’outils et plus de capacité pour avoir une incidence, ce qui fournirait plus de ressources aux organismes de bienfaisance au Canada.
Mme McManus : L’Association des professionnels en philanthropie appuie de façon continue depuis un certain nombre d’années l’imposition sur les dons d’actifs privés, particulièrement les biens immobiliers. J’ai personnellement beaucoup travaillé dans les secteurs de l’itinérance et du logement abordable. Je peux vous dire d’après mon expérience que si nous avions cet outil dans notre trousse... C’est un lien très direct; l’itinérance et le logement abordable sont un problème partout au pays. Cela contribuerait grandement à combler certaines lacunes du continuum qui en compte de nombreuses.
Je ne suis pas convaincue par le crédit d’impôt pour un premier don. À notre avis, il n’a pas donné les résultats escomptés. On n’en a pas beaucoup parlé, et il n’a pas existé bien longtemps. Je crois que la société de gestion collective aurait pu mieux l’expliquer et démontrer son importance. Par ailleurs, il n’a existé que quelques années. À mon avis, ces types d’outils peuvent faire évoluer les choses, et ils le font souvent en déclenchant un premier don. Un organisme de bienfaisance peut ensuite travailler avec le donateur, et le don de ce dernier lui profite alors tout au long de sa vie, ce qui est beaucoup plus précieux.
M. Clement : Mes commentaires ne portent pas sur les outils fiscaux. Aujourd’hui, un nombre croissant d’organisations du secteur privé et d’organisations financées par du capital de risque obtiennent une plus grande part des dons offerts au secteur à but lucratif. Elles y arrivent grâce à des investissements dans les nouveaux outils technologiques. C’est bien pour elles. Ce que je veux dire, c’est qu’elles mobilisent entièrement les divers types de capitaux pour appuyer l’innovation. Elles se tournent vers les investisseurs en capital-risque pour obtenir des capitaux en vue d’élaborer des outils technologiques, ce qui leur permet de trouver une part du marché philanthropique où elles peuvent faciliter la transaction en utilisant les nouvelles technologies et générer un profit. Les organismes de bienfaisance devront de plus en plus utiliser ces outils.
Ce que je veux dire, c’est que nous n’avons pas les outils qui permettent au secteur de la bienfaisance de réaliser des investissements et de trouver des solutions qui lui permettront d’être concurrentiel dans un monde où les organisations que j’ai mentionnées ne concurrencent pas avec les organismes de bienfaisance selon les mêmes règles. Ces derniers se livrent à une concurrence avec des organisations à but lucratif fondées sur un objectif. Il n’y a rien de mal à cela, mais notre trousse à outils est différente de celle du secteur privé.
Lorsque nous pensons à l’innovation, si le gouvernement du Canada investit dans l’innovation de l’industrie parce qu’il veut générer des retombées dans l’économie, où sont les investissements en innovation dans le secteur de la bienfaisance pour lui donner les instruments financiers dont il a besoin pour renforcer sa capacité organisationnelle et investir dans de nouveaux outils et de nouvelles technologies? Je ne crois pas que nous sommes sur un pied d’égalité. Il s’agit d’une véritable occasion de dire que le secteur de la bienfaisance est une partie importante de l’économie et qu’il crée des emplois; il génère en réalité beaucoup de biens publics, mais il sera de plus en plus déstabilisé par la concurrence croissante de la part d’organisations du secteur privé, qui jouissent d’un bassin de capitaux différent.
Réaliser ces investissements est un défi. Nous les effectuons avec des dollars philanthropiques. Le public nous demande : « Où dépensez-vous cet argent? Qu’est-ce que cela fait pour votre ratio d’exploitation? » Cela devient un obstacle qui nous dissuade de faire les investissements nécessaires dans la capacité du secteur.
C’est une belle occasion pour le secteur public et le gouvernement de réfléchir à une stratégie d’investissement qui fournirait les ressources pécuniaires au secteur de la bienfaisance, ce qui lui permettrait d’élaborer de nouveaux outils favorisant la participation des bénévoles et de renforcer la capacité d’utiliser la technologie. D’un autre côté, notre talent est-il orienté vers l’utilisation des nouveaux outils de communication numériques? Encore une fois, cela coûte de l’argent.
Il y a les outils fiscaux, mais si nous pensons au secteur comme un secteur qui contribue à l’économie et qui est bon pour celle-ci, où sont les occasions de profiter de bassins de capitaux stratégiques pour renforcer notre capacité? Nous n’avons pas accès à ces capitaux de la même manière que les autres.
M. MacDonald : Je sais que vous avez entendu notre économiste en chef, qui vous a parlé du travail qu’il a réalisé sur le déficit social. Nous prévoyons qu’il y aura un écart entre la demande croissante et la capacité de payer de la société; selon les prévisions, d’ici 2026, ce sera de l’ordre de 25 milliards de dollars. La philanthropie est un outil qu’on peut utiliser pour aider à réduire le déficit social. Les outils ou les instruments fiscaux font partie de cette trousse.
L’étude « 30 ans de don au Canada », à laquelle nous avons eu la chance de participer avec la Fondation Rideau Hall, montrait également une concentration de dons chez les Canadiens âgés — 30 p. 100 des dons venaient de personnes de 70 ans et plus — et une concentration doublée chez 1 p. 100 des contribuables. Il me semble qu’un instrument comme l’application du traitement favorable des gains en capital aux dons de biens immobiliers sous forme d’actions de sociétés privées est une bonne idée, particulièrement à court terme. Comme des adultes nantis ou âgés pensent à laisser un legs et à faire des contributions, il serait probablement bénéfique pour le secteur de tirer avantage de ces types d’instruments fiscaux.
Il faut également reconnaître que nous avons un des régimes d’imposition les plus généreux au monde. Nous considérons cela comme une chance. Toutefois, si on pouvait envisager des instruments ciblés qui inciteraient les dons, particulièrement pour les gens qui ont la capacité d’en faire, ce serait probablement une très bonne chose.
Mme Smith : Certaines recherches sur la raison pour laquelle les gens font des dons indiquent que les jeunes donateurs ne font pas des dons à des organismes de bienfaisance et à des organismes sans but lucratif en raison des avantages fiscaux. Beaucoup d’entre eux n’en connaissent pas les avantages et ne savent pas comment cela fonctionne. Lorsque nous réfléchissons à la capacité de donner des jeunes donateurs, qui n’ont pas grand-chose à donner, à mon avis, nous devrions élargir notre compréhension du bénévolat dans son ensemble et ce que signifie être bénévole. Les jeunes n’ont pas nécessairement la capacité de faire des dons financiers, et, par conséquent, ils ne tirent pas profit des avantages fiscaux.
J’aimerais souligner — encore une fois, du point de vue d’une personne un peu plus jeune — qu’on ne fait pas nécessairement des dons à des organismes de bienfaisance en raison des avantages fiscaux, mais parce qu’on souscrit aux valeurs de l’organisme de bienfaisance. Cela ne répond pas tout à fait à la question en ce qui concerne les recommandations de modification des avantages fiscaux, mais cela permet de mieux comprendre la raison pour laquelle les gens font des dons.
Mme Pearson : La question du financement du secteur touche un certain nombre d’aspects dont nous avons discuté dans le cadre des deux questions précédentes concernant la capacité des bénévoles et du personnel. Si on a de l’argent, on est en mesure d’embaucher, de rémunérer et de maintenir en poste le personnel. Cela revient à une question de financement.
J’aimerais également revenir sur quelque chose qui a été mentionné plus tôt concernant les principales différences entre les très grandes organisations, comme les universités, les hôpitaux et les institutions culturelles, et les petits et les moyens organismes de bienfaisance.
J’ai été frappée par le fait que, pour les questions concernant le financement du secteur, vous avez parlé des avantages fiscaux pour les donateurs, de la philanthropie et des subventions et des contributions gouvernementales, mais pas de ce que recherchent en réalité la plupart des petits et moyens organismes de bienfaisance, c’est-à-dire des recettes et des revenus.
Avec le groupe de témoins précédent, nous avons discuté de façons qui pourraient aider les organismes de bienfaisance à gagner davantage de revenus de manière durable. J’aimerais appuyer les choses qu’ont proposées les témoins précédents. Je pense qu’un critère relatif à la destination des fonds serait extrêmement utile. À mon avis, il faut examiner la question des activités par rapport aux fins et vraiment réglementer les fins et ne pas tatillonner relativement aux activités; cela aiderait beaucoup.
Je crois que le gouvernement fédéral pourrait faire un certain nombre de choses — et cela appuie ce que Dan disait — pour faciliter l’accès aux investissements en TI par les petits et les moyens organismes de bienfaisance, ce qui permettrait aux organismes de bienfaisance en milieu rural de se connecter à Internet. Des subventions pour ce type de capacité technologique les aideraient grandement. On peut facilement réorienter vers les petits et les moyens organismes de bienfaisance des programmes gouvernementaux offerts aux petites et aux moyennes entreprises. Nous en parlons depuis des années. Cela dure depuis l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire il y a plus de 10 ans.
Les solutions existent. Je crois que la question est de savoir comment réfléchir à ces organismes non pas comme des organismes de bienfaisance qui ont besoin de la philanthropie ou des organismes du secteur bénévole gérés entièrement ou presque par des bénévoles — et je ne dis pas cela du tout pour critiquer les bénévoles. Lorsqu’on regarde la situation sous un seul angle, on ne voit pas l’ensemble de ce qu’il faut à ces petits et à ces moyens organismes pour faire ce qu’ils font de manière efficace. Ils pourraient être appuyés par le gouvernement de façons qui vont bien au-delà des crédits d’impôt et des conditions diverses concernant les subventions et les contributions, même si c’est également important de le faire, à mon avis.
Le sénateur R. Black : J’ai juste un commentaire. Pour ce qui est de l’accès à Internet par les organismes de bienfaisance ruraux, c’est absolument merveilleux si l’infrastructure existe. Nous savons que, à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas partout au Canada, alors nous ne pouvons pas offrir cet accès. C’est malheureux pour ces petits et ces moyens organismes qui mènent leurs activités dans les régions rurales du Canada.
Mme McManus : Il est vrai que les jeunes donateurs font des dons selon leurs valeurs, mais c’est vrai pour l’ensemble des donateurs. De toute ma vie, je n’ai jamais rencontré un donateur qui faisait des dons parce qu’il recevait un crédit d’impôt. L’aspect pour lequel l’outil fiscal peut jouer un rôle, c’est la taille du don, si ce dernier fait partie de la planification fiscale du donateur.
La grande majorité des gens donnent parce que l’organisme fait quelque chose d’important à leurs yeux. Ils veulent redonner à la société. Ils désirent contribuer à la collectivité. Cela dépasse tout le reste. Ce que fait l’organisme correspond à leurs valeurs. La façon dont nous pouvons augmenter et faire croître ce type de revenu et améliorer l’image du secteur sans but lucratif, des organismes de bienfaisance en particulier, c’est en valorisant le travail du secteur. Il faut que nous soyons reconnus comme un partenaire digne de confiance du gouvernement à tous les échelons, ainsi que des donateurs et des intervenants avec qui nous travaillons.
Nous sommes le seul secteur où nous nous concentrons entièrement sur les dépenses. Aucun autre secteur, sous-secteur ou autre ne se concentre complètement sur les dépenses. « Combien il en coûte de faire ceci? » « Combien dépensez-vous pour faire cela? » « À quoi sert cet argent? » « Comment puis-je savoir si vous avez dépensé l’argent où il était censé l’être et qu’aucune somme n’est allée à l’administration, aux salaires ou aux frais administratifs généraux? »
On ne le fait pas dans le secteur privé. Le risque est une bonne chose dans le secteur privé parce que c’est ainsi que l’on connaît une croissance et qu’on innove. Il n’est pas possible de prendre des risques dans le secteur sans but lucratif parce que c’est une mauvaise utilisation des fonds ou parce que l’argent ne va pas aux gens que nous servons. Il y a une perspective très étroite à cet égard.
Nous devons accroître et élargir la valeur perçue du secteur de façon générale.
Le président : Cette préoccupation touchant les dépenses est exprimée dans l’ensemble du secteur, que ce soit les médias qui surveillent le secteur ou les bénévoles qui y œuvrent.
Je peux vous raconter un incident qui s’est passé il y a fort longtemps. Je suis allé faire un travail à contrat pour un organisme de bienfaisance et j’ai insisté pour faire mon travail dans l’organisme de bienfaisance — je voulais être sur place. J’y ai passé deux ou trois jours et j’ai entendu un bénévole demander au directeur administratif : « Combien d’argent cet homme a-t-il recueilli pour nous jusqu’à maintenant? » Je savais à peine où se trouvait la salle de bains, et un des bénévoles demandait combien d’argent j’avais recueilli jusqu’alors. Aucun collecteur de fonds n’est en mesure de recueillir des fonds dès son arrivée dans l’organisme de bienfaisance. Si c’est le cas, c’est probablement parce qu’il est le donateur.
Cela se poursuit.
Mme Speevak : Pour revenir à la question des reçus d’impôt — et je sais que nous en parlions plus tôt en ce qui a trait aux reçus d’impôt pour bénévolat —, Kayla disait que les gens à différentes étapes de leur vie donnent selon ce qui est logique pour eux. Une des options, c’est d’envisager des reçus d’impôt non pas pour le temps de bénévolat — parce que j’adhère à ce que disait M. Wyatt concernant le fardeau des organismes et la façon de calculer cela —, mais pour les dépenses de bénévole. Il pourrait s’agir de choses comme les soins auxiliaires, la garde d’enfants et le transport. Les bénévoles paient parfois pour leurs propres chèques du secteur bénévole et tout cela. De la même façon qu’on peut tenir compte des dépenses médicales et d’autres dépenses, le fait de tenir compte des dépenses de bénévole faciliterait les choses ou permettrait de reconnaître cet investissement, outre le temps.
M. Wyatt : Avant d’en arriver à ce que je veux dire, je vais faire un commentaire sur l’observation de Mme Speevak. Nous pouvons déjà faire cela. Ce n’est pas nécessairement bien connu, mais la politique le permet déjà. S’il y a une véritable dépense, le bénévole peut en demander le remboursement. Au lieu d’être rémunéré, le bénévole demande un reçu. Par le passé, nous faisions un échange de chèques. Nous ne procédons plus ainsi, alors nous pouvons faire ce genre de choses.
Une partie du problème, c’est que le secteur ne sait pas nécessairement ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire.
Pour ce qui est de l’infrastructure — et je ne contredirai rien de ce qu’ont dit mes collègues, qu’il s’agisse de l’expertise ou du capital patient —, j’aimerais également mentionner que ce n’est pas seulement le gouvernement qui ne fournit pas de financement; mes collègues du domaine du financement n’en fournissent pas non plus. Quelques précieuses fondations communautaires ou privées financent l’infrastructure du secteur, et nous, plus que quiconque, devrions comprendre que c’est essentiel.
Si le comité veut lancer un défi à la communauté philanthropique ainsi qu’au gouvernement, cela me va parce qu’on devrait payer certaines de ces choses.
Le président : Des gens vont poser leur candidature à la Muttart Foundation dès demain.
Les témoignages ont également porté sur le fait que le gouvernement fédéral se fie de plus en plus aux accords de contribution plutôt qu’aux subventions et qu’il hésite à financer les coûts administratifs liés aux projets ou les coûts de fonctionnement des organismes. Le comité a également appris que certains accords de contribution conclus avec le gouvernement fédéral ont une durée de plus d’un an, mais que peu d’accords procurent la stabilité financière dont les organisations ont besoin.
Quelle incidence, s’il y a lieu, les changements apportés à la durée des accords de contribution ont-ils eue sur la gestion des organismes du secteur? Connaissez-vous des accords de contribution qui couvrent les coûts administratifs liés au financement de projets? Dans l’affirmative, comment les coûts administratifs sont-ils calculés?
Est-ce qu’un ensemble normalisé de catégories pour la présentation de rapports, comme le plan comptable national normalisé de l’Australie, pourrait faciliter le respect des exigences en matière de rapports? Dans l’affirmative, recommanderiez-vous que ces catégories soient adoptées par les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que par le gouvernement fédéral? Enfin, comment, le cas échéant, recommanderiez-vous que les coûts administratifs liés au financement de projets soient calculés et gérés?
Qui aimerait tenter une première réponse? Allez-y.
M. Wyatt : Permettez-moi de commencer par la dernière question. Trouvez ce que coûte la prestation d’un programme et payez ce coût — non pas 80 ni 90 p. 100 du coût, mais 100 p. 100. Comme nous n’organisons pas de collecte de fonds dans notre fondation, je peux dire des choses que mes collègues ne veulent peut-être pas dire tout haut : toute l’attention portée aux frais généraux administratifs est absolument illogique. Les chiffres sont complètement insignifiants et ne veulent rien dire du tout.
À tous les ans ou deux ans, avant que les médecins concluent des accords avec les gouvernements provinciaux concernant les frais, ils diront : « Eh bien, les montants ne sont pas si élevés parce que 50 p. 100 des frais couvrent les frais généraux administratifs. » Je ne connais personne qui choisit son médecin en fonction des frais généraux administratifs que ce dernier doit assumer.
C’est la même chose pour le secteur bénévole. Ses frais généraux administratifs, peu importe la façon dont on les calcule, peuvent être différents de ceux d’autres organisations; ce qui m’intéresse le plus, c’est le travail qu’accomplit l’organisme. Quels avantages publics offre-t-il et à qui? C’est ce qui va influencer mon comportement de donateur.
Il est très facile de choisir des chiffres tirés d’un formulaire T3010, de les diviser et de dire que cela représente tout ce qu’on a besoin de savoir. Ces chiffres ne nous apprennent rien. Plus vite nous comprendrons cela, plus vite nous réfuterons cette théorie et plus vite le gouvernement et les bailleurs de fonds privés diront « oubliez ces chiffres parce qu’ils ne vous révèlent rien », mieux se portera le secteur.
Le sénateur Duffy : Monsieur Wyatt, dans quelle mesure cette attention portée aux frais généraux administratifs est-elle le résultat de mythes urbains selon lesquels les organismes de bienfaisance gaspillent en quelque sorte l’argent que les gens leur donnent? Quiconque a déjà eu affaire à un organisme de bienfaisance sait à quel point son budget est serré, pourtant c’est quelque chose qu’on entend souvent. Est-ce une question de politique?
M. Wyatt : Je ne crois pas qu’il s’agit d’une question de politique.
Le sénateur Duffy : Est-ce une ou deux pommes pourries il y a nombre d’années qui ont créé une situation que les gens ont vue, et ils ont mis tout le monde dans le même panier?
M. Wyatt : Aussi longtemps que je me souvienne... C’est un des problèmes, monsieur le sénateur, comme il y a longtemps que je suis dans le domaine, j’ai vu trop de choses trop souvent.
Le sénateur Duffy : C’est la même chose pour moi.
M. Wyatt : Nous nous comprenons.
Il me semble que des gens ont commencé à utiliser cet argument comme munition parce qu’ils n’aimaient pas un certain type d’organisme. C’est maintenant toute une industrie. Il y a maintenant des publications complètes qui ne font rien d’autre que faire supposément rapport sur les frais généraux administratifs. Si je vais acheter une automobile, je n’ai aucune idée de ce que coûte chaque gadget. J’accepte le fait que le prix comprend tous les coûts de construction de l’automobile qu’on me livre. Je ne sais pas pourquoi les organismes communautaires devraient être traités différemment.
Mme Pearson : J’appuie ce que vient de dire Bob et je pense que les bailleurs de fonds privés doivent se regrouper de manière plus efficace afin de discuter de normes pour soutenir les soi-disant frais généraux administratifs ou coûts administratifs. Une comptabilisation du coût complet par les organismes du secteur aiderait certainement, et les bailleurs de fonds pourraient exiger et appuyer cela et donner des subventions pour appuyer le travail que font les organismes de bienfaisance en essayant de comprendre leurs propres modèles de gestion et leurs propres finances.
L’idée d’un plan comptable normalisé est très importante, et je crois que l’Australie nous a présenté un modèle très intéressant qui, à mon avis, devrait certainement être envisagé. Cela aiderait assurément les bailleurs de fonds privés et publics.
Je reviens à ce que je disais concernant le fait qu’il existe divers types d’organismes; il y a en réalité au moins deux secteurs différents. Prenons par exemple les universités, qui se considèrent comme des organismes de bienfaisance et qui imposent des frais aux bailleurs de fonds privés. Si une fondation conclut une entente de donateur avec une université — je sais que c’est vrai parce que, dans notre organisme, un certain nombre de nos membres s’en sont plaint —, si on lui demande de donner une subvention à l’université, elle n’apprendra que lorsque l’entente lui sera remise qu’elle doit en réalité ajouter un montant de 30 à 40 p. 100 pour couvrir les frais généraux administratifs. Les universités refilent donc assurément la note aux donateurs.
Je crois qu’il est certainement raisonnable de reconnaître qu’il y a un coût lié au travail qu’on fait, et il devrait comprendre les salaires des personnes qui administrent les programmes. À mon avis, dans le secteur privé, des normes existent concernant ce qu’il est raisonnable de considérer comme le coût de prestation d’un programme auquel on participe. À mon sens, il est absolument nécessaire pour le gouvernement et les bailleurs de fonds privés de reconnaître cela. Il existe de nombreux modèles que nous pouvons examiner. Des recommandations à cet égard seraient très importantes pour nous.
M. MacDonald : Pour revenir à ce sujet, je crois qu’une des choses auxquelles nous devons réfléchir également, c’est la qualité et les résultats réels du programme. Nombre d’études montrent que les organismes qui n’ont pas les ressources suffisantes offrent de mauvais programmes. J’ai passé la plus grande partie de ma carrière dans des organismes de prestation de services. Je n’ai pas devant moi les recherches qui le montrent, mais je peux vous dire que lorsque nous avions les fonds pour offrir un programme et des résultats de qualité, nous pouvions le faire. Lorsque nous grattions les fonds de tiroir et étions sous-financés, le même type de qualité n’était pas là.
Alors, si nous parlons ici de deniers publics, je crois que la discussion sur ce qu’il faut en réalité offrir aux citoyens et le fait que nous voulons fournir des programmes de grande qualité afin que les citoyens en tirent avantage... Réalisons des investissements en vue de nous assurer que les organismes possèdent les outils pour le faire et cessons de nous concentrer sur une seule mesure erronée.
J’ai toujours demandé : les questions concernant les coûts sont-elles justes? Absolument, parce que les bons organismes voient d’un bon œil la reddition de comptes et la transparence. Toutefois, à eux seuls, ils brossent un tableau incomplet du travail qu’accomplit le secteur, et cela ne nous permet pas de recueillir ou de gagner l’argent nécessaire pour offrir les programmes de qualité auxquels les Canadiens s’attendent.
Mme McManus : J’aimerais aborder la question du point de vue du bailleur de fonds parce que c’est la raison pour laquelle je suis ici. Les collectes de fonds sont souvent clouées au pilori lorsque nous parlons des coûts administratifs du secteur. Cela revient souvent aux coûts des collectes de fonds.
Si Bruce donnait 100 000 $ à mon organisme et que j’utilisais 20 000 $ de cette somme pour recueillir 250 000 $ supplémentaires — les mathématiques et les pourcentages ne sont pas mon point fort, mais quelqu’un pourra le calculer —, c’est un rendement du capital investi assez impressionnant. Cependant, si des 250 000 $ que j’ai recueillis en utilisant le don de 100 000 $ de Bruce, j’héberge six familles de plus et je sors de la rue 25 personnes en leur offrant au moins un logement abordable assorti de mesures de soutien ou d’un logement de transition, c’est en réalité une contribution importante à l’amélioration de la collectivité. Toutefois, on ne voit pas la situation de cette manière, et nous non plus.
Je pense que nous devons faire un meilleur travail en ce sens parce que nous nous concentrons beaucoup sur ce qu’il en coûte de ramasser de l’argent et non pas sur ce que l’argent permet de faire ni sur notre capacité de tirer profit d’une partie des dons philanthropiques. La collecte de dons philanthropiques, soit dit en passant, n’est pas faite à des fins de bienfaisance; cela a toujours été un peu bizarre pour moi parce que nous recueillons des dons philanthropiques à des fins de bienfaisance, mais la collecte des dons, elle, ne l’est pas.
C’est une façon différente de voir les choses. On examine la situation sous l’angle du rendement du capital investi contrairement à celui des coûts, ce qui correspond plus au secteur public et au secteur privé.
Le président : C’est l’argument constant selon lequel l’argent qu’on dépense pour en recueillir est dans une certaine mesure illégitime, mais il faut essayer de survivre sans lui.
M. MacDonald : Pour moi, c’est un discours bizarre parce qu’un professeur de l’Université de Calgary a publié une étude il y a environ un an qui montrait que le gouvernement fédéral investissait environ 3 milliards de dollars du système fiscal dans le secteur de la bienfaisance, et il semble que nous passions beaucoup de temps à en parler. Pourtant, en même temps, 14,3 milliards de dollars sont investis par l’intermédiaire du système fiscal dans le secteur privé, et on ne semble pas se poser beaucoup de questions là-dessus. Je ne dis pas que nous ne devrions pas investir autant dans le secteur privé, mais la différence, c’est qu’on semble en considérer un comme un investissement et l’autre comme un coût.
Il serait bien si le secteur et la prestation de programmes — et Dan a très bien expliqué la façon dont le secteur offre des programmes aux citoyens — étaient en réalité considérés comme un investissement dans la société au lieu d’un coût pour elle. C’est un point de départ différent.
Le président : Il ne s’agit pas d’un nouvel argument. Je suis dans le secteur depuis presque 50 ans, et c’est le même que j’ai entendu à mes débuts dans le secteur.
M. Wyatt : Si vous me le permettez, monsieur le sénateur, j’aimerais ajouter quelque chose concernant le plan comptable normalisé. Je pense qu’on ne saurait trop insister sur le potentiel de ce plan. Vous avez tous présenté des demandes de financement et vous avez tous dû faire des rapports sur des subventions, et chacun a un format différent pour le budget. Quelle information doit-on inscrire? Est-ce pour la durée du programme ou seulement de manière mensuelle? Qu’est-ce que c’est?
Imaginez, si vous voulez, que chaque ministère et organisme du gouvernement fédéral accepte le même format pour le budget et les rapports. Imaginez également que, chaque fois que vous entrez de l’information, il y a des métabalises qui vous permettent de faire les manipulations que vous voulez pour obtenir l’information dont vous avez besoin pour votre organisme. Nous économiserions des centaines de milliers de dollars par année en temps de personnel si nous adoptions quelque chose comme le plan comptable normalisé. Cela signifie que le Conseil du Trésor doit l’adopter et en faire une norme, et le ministre du Revenu national doit le recommander comme la méthode à utiliser pour faire un rapport avec le formulaire T3010; quiconque a déjà présenté une demande de subvention ou fait rapport sur une subvention vous féliciterait chaleureusement.
La sénatrice Omidvar : Monsieur Wyatt, cela signifierait-il également que le gouvernement accepterait d’avoir un poste de frais généraux administratifs? Est-ce qu’on pourrait aller aussi loin pour que le Conseil du Trésor et l’ARC acceptent que les frais généraux administratifs sont en réalité une partie essentielle de la gestion d’un bon organisme sans but lucratif et d’un bon organisme de bienfaisance?
M. Wyatt : Sénatrice Omidvar, nous avons deux questions différentes ici, à mon avis. Il y a certainement la capacité de déterminer les montants des frais généraux administratifs, mais, en réalité, sous ces chiffres, il y aurait probablement de 20 à 30 diverses catégories.
En Australie, après que l’Université de technologie du Queensland a élaboré le plan comptable et effectué des essais avec le gouvernement du Queensland, un développeur de logiciel qui concevait des logiciels de tenue la comptabilité a dit : « Nous pouvons concevoir un programme pour cela. » Alors, l’organisme de bienfaisance a acheté un produit commercial, tenu son grand livre général de la façon dont il le faisait normalement et intégré les données dans le plan comptable normalisé.
Oui, il peut y avoir des frais généraux administratifs, mais l’acceptation de leur existence est quelque chose que le gouvernement et le public doivent comprendre. Il y a eu des périodes récemment au cours desquelles les principales plaintes à l’égard des frais généraux administratifs provenaient du gouvernement, et ce dernier devrait être mieux renseigné.
La sénatrice Omidvar : Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il est peut-être possible de réaliser ces deux objectifs en même temps.
Le président : C’est intéressant, monsieur Wyatt. Vous avez peut-être mis le doigt sur quelque chose qui pourrait faire l’objet d’une recommandation, et cela semble plutôt simple. Monsieur Chunilall, vous êtes le prochain.
M. Chunilall : Merci. En plus des commentaires qui ont déjà été faits, au sein du cadre des accords de contribution, on retrouve habituellement une exigence d’évaluation, de surveillance et de mesure des résultats qui doivent être obtenus. Souvent, les dispositions pour l’accomplissement de ce travail ne suffisent tout simplement pas. Ce que j’entends par là, c’est que les organismes de bienfaisance ne possèdent normalement pas le type d’infrastructure nécessaire pour ce genre de surveillance et d’évaluation continues que souhaiterait voir le gouvernement. Il n’est pas rare de constater que les organismes de bienfaisance ont recours à des ressources non affectées afin de s’assurer de pouvoir se conformer aux accords de contribution importants du gouvernement.
Il faut également veiller à ce que la reddition de comptes prévue par les accords de contribution n’empêche pas l’organisme de bienfaisance ou ne le force pas à mettre en place une infrastructure différente en vue de répondre aux demandes qu’il n’a pas à l’interne.
Le président : Merci. Il nous reste 35 minutes, alors j’aimerais m’assurer que nous ayons la chance d’examiner quelques-unes des autres questions qui vous ont été posées.
De nombreux témoins ont reconnu les efforts déployés par l’Agence du revenu du Canada pour offrir une orientation et un soutien clairs aux organismes qui cherchent à obtenir le statut d’organisme de bienfaisance ou qui ont déjà le statut d’organisme de bienfaisance ou de donataire reconnu pour contributions de bienfaisance.
De plus, dans la réponse du gouvernement au Rapport du Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, la ministre du Revenu national a indiqué que l’ARC a lancé le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance, qu’elle examinera d’autres méthodes de communication avec ce secteur et que ses pages web seront révisées et mises à jour.
Comment le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance pourrait-il mieux soutenir les organismes de bienfaisance actuels? Comment pourrait-il mieux soutenir les demandeurs? Quelles autres méthodes de communication seraient les plus utiles au secteur de la bienfaisance et sans but lucratif? Quels changements devraient être apportés aux pages web de l’ARC? Voyez toutes ces mains se lever. Ce sont des questions captivantes que je vous ai posées.
M. Chunilall : J’ai une brève remarque à formuler, et mes collègues seront familiers avec ce que je vais dire parce que j’ai déjà soulevé ce point. Lorsqu’on va sur le site web de l’ARC, pour trouver les organismes de bienfaisance, on doit consulter huit ou neuf sections différentes situées à la droite de la page web, cliquer sur un onglet et descendre complètement au bas de la page où se trouvent 10 éléments, et les organismes de bienfaisance sont le dernier. Il faut donc aller à la droite et au bas de la page pour trouver de l’information sur les organismes de bienfaisance, qu’il s’agisse de présenter un formulaire T3010 ou autre chose. À mon avis, cela envoie le signal, du moins dans le contexte de cette page web, que nous ne sommes pas très importants. Il est certainement difficile de trouver de l’information sur un organisme de bienfaisance lorsqu’on doit faire tous ces clics.
L’autre idée qu’on a suggérée au cours de discussions antérieures, c’est d’avoir une page d’accueil pour le secteur. Je suggérerais que, si cela se produit, les organismes de bienfaisance aient leur propre page web pour que le public puisse trouver de l’information sur eux avec le moins de clics possible.
Le président : J’aime vraiment cette recommandation. Vous avez mon vote, monsieur MacDonald.
M. MacDonald : J’ai deux ou trois observations. Quant au Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance, si les ressources étaient accessibles à la Direction des organismes de bienfaisance, les organismes de bienfaisance pourraient demander une visite dans le cadre de ce programme, ce qui les aiderait à s’assurer qu’ils sont conformes relativement à leurs activités et réduirait la possibilité de problèmes de conformité futurs.
Nous comprenons que la Direction des organismes de bienfaisance cherche à rétablir les expositions itinérantes et les ateliers régionaux qu’elle tenait par le passé pour fournir de l’information aux organismes de bienfaisance. Selon nous, les organismes accueilleraient cela très favorablement. Je pense que les organismes veulent vraiment être conformes, alors il faut s’assurer qu’ils possèdent les renseignements pour l’être.
Il y a évidemment des coûts. Le Canada est un très grand pays, et il est difficile de faire ce type de visite en personne, alors il serait très utile d’utiliser davantage la vidéoconférence, les webinaires et d’autres technologies afin d’offrir des occasions proactives aux organismes de former de manière continue leur personnel et leur conseil d’administration dans ces domaines.
Mme Smith : Si je comprends bien, le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance fonctionne selon un processus de sélection, alors j’envisagerais de rédiger un rapport, à la suite des visites, sur les organismes de bienfaisance qui ont été choisis, et la raison pour laquelle ils l’ont été, car d’autres qui n’ont pas été sélectionnés ne peuvent pas demander eux-mêmes une visite, ce qui pourrait poser problème. Je sais qu’on envisageait d’offrir un service sur demande.
Je veux seulement m’assurer que les organismes de bienfaisance ont accès à cette ressource et que le processus n’est pas disproportionné relativement aux raisons pour lesquelles ils ont été choisis ou non. Sans cet accès, les organismes de bienfaisance n’auront pas l’information dont ils ont peut-être besoin pour respecter leurs obligations. Je sais qu’il s’agit d’environ 500 visites par année. Je me demande seulement pourquoi ils sont choisis et comment fonctionne ce processus.
Le président : Le fait d’avoir été choisi est presque vu comme une chose négative parce que les organismes se sentent coupables dans ce processus sans avoir aucun renseignement. Une personne s’est peut-être plainte ou, s’il s’agit d’une sélection aléatoire, celle-ci n’est pas claire.
M. Wyatt : Nous devons faire attention à ne pas confondre le programme d’éducation avec le programme de vérification. Le programme d’éducation, selon ce que je crois comprendre, est conçu principalement pour les nouveaux organismes de bienfaisance qui existent depuis environ deux ou trois ans afin que ceux-ci puissent s’assurer que leurs livres et leurs registres sont conformes. Je crois que c’est un excellent concept. S’il peut y en avoir plus, ce serait merveilleux. J’adhère complètement aux commentaires de M. MacDonald sur l’utilisation de la technologie.
On a accueilli avec beaucoup d’enthousiasme partout au pays l’annonce d’expositions itinérantes parce qu’elles se tenaient toujours à guichet fermé, mais elles sont une proposition coûteuse.
Nous devons reconnaître une chose. N’oublions pas que 80 p. 100 de tous les organismes de bienfaisance enregistrés au pays ont des revenus annuels de moins de 250 000 $ par année. Nous avons tous vécu une situation dans laquelle un changement de dirigeant signifiait qu’une personne remettait une petite boîte de reçus à son successeur, et la boîte se retrouvait dans le garage.
Nous devons nous assurer non seulement de répondre à leurs questions avant qu’ils éprouvent des problèmes, mais également qu’ils savent où trouver les réponses. Des changements sont survenus au cours des dernières années. L’ARC et la Direction des organismes de bienfaisance ont décidé qu’elles ne préapprouveraient plus les ébauches. Je ne suis pas certain de savoir quelle était leur charge de travail, mais c’est un problème énorme pour un petit organisme de bienfaisance qui a tenu une assemblée générale et peut avoir approuvé par inadvertance quelque chose qui fera en sorte qu’il ne pourra pas être enregistré. Nous devons trouver des façons de nous occuper des questions démographiques touchant le secteur tel qu’il est à l’heure actuelle.
Le président : L’objectif devrait être d’aider les organismes de bienfaisance à se moderniser afin que le transfert de registres d’un cadre à un autre se fasse sans heurt et de manière professionnelle.
M. Wyatt : Quelque chose comme le plan comptable normalisé?
Le président : Quelle idée novatrice. Voilà que nous trouvons encore une fois des idées qui fonctionneront. Nous ferions mieux de couper cette partie
De nombreux témoins de l’intérieur et de l’extérieur du gouvernement ont souligné que l’efficacité des relations entre le gouvernement fédéral et le secteur était importante pour la prestation des services confiés par le gouvernement et le soutien du secteur en général. Toutefois, de nombreux témoins ont avancé que le secteur a besoin, au sein de l’administration fédérale, d’une « place », et que celle-ci ne doit pas être l’Agence du revenu du Canada, qui s’occupe de la réglementation fiscale. Premièrement, quels ministère ou organisme est le mieux placé pour offrir une « place » au secteur? Deuxièmement, en quoi une telle « place » serait-elle avantageuse pour le secteur? Troisièmement, quel rôle, le cas échéant, un comité permanent sur le tiers secteur, qu’il s’agisse d’un comité de la Chambre des communes, d’un comité sénatorial ou d’un comité mixte, pourrait jouer pour appuyer le secteur à l’échelle fédérale?
Mme Speevak : De nombreuses places convenables pourraient devenir un centre pour le secteur. Je songe notamment à une place au sein d’Emploi et Développement social Canada, qui a le mandat de faire la promotion du bénévolat, mais également du financement social et de la capacité du secteur. Si nous examinons un certain nombre d’instruments, de places et de mécanismes qui pourraient aller ensemble, nous pourrions avoir un groupe administratif au sein d’Emploi et Développement social Canada qui s’occuperait du travail lié à divers ministères et convoquerait le comité interministériel chargé du secteur du bénévolat. On pourrait également mettre en place un mécanisme conjoint, comme il est proposé ici, pour regrouper les gens issus du secteur et des gouvernements pour se pencher sur la relation, ainsi qu’une table ronde fédérale-provinciale-territoriale pour régler de manière plus cohérente les problèmes qui relèvent vraiment des provinces et des territoires.
On pourrait créer un secrétariat au sein d’Emploi et Développement social Canada qui pourrait fournir d’autres mécanismes afin qu’on ne s’occupe pas seulement des relations de réglementation, de surveillance et de financement.
M. Wyatt : J’ai un point de vue différent. Je crois qu’il s’agirait d’une erreur que le secteur relève d’un ministère. Si on doit trouver une place pour le secteur, celle-ci doit se trouver dans un organisme central assorti d’un mandat pangouvernemental pour examiner les questions.
Le président : Par exemple?
M. Wyatt : Probablement le BCP. Si je reviens à l’époque de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, certains ministères étaient réticents à la nomination de personnes aux tables conjointes qui avaient été établies. Cela ne s’est réglé que lorsque le greffier de l’époque a rencontré les sous-ministres dans le cadre d’un déjeuner et qu’il leur a dit qu’ils devaient comprendre que c’était un des objectifs que leur avait fixés le premier ministre pour la prochaine année. Ensuite, certains sous-ministres ont commencé à faire preuve de collaboration. Sans ce poids, je crois que nous allons perdre beaucoup de batailles. Même Emploi et Développement social Canada, le EDSC, est un autre ministère qui relève du ministère des Finances. C’est différent de la relation de communication entre le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances.
Nous pouvons examiner cela. Je pense que l’idée de la mise en place d’une table ronde fédérale-provinciale-territoriale est tout simplement merveilleuse. On a adopté le plan comptable national normalisé de l’Australie lors d’une réunion des premiers ministres des États du Commonwealth.
Je ne me souviens pas du tout qu’une question liée aux organismes de bienfaisance ait été à l’ordre du jour d’une réunion des premiers ministres au Canada. J’aimerais que cela change.
M. MacDonald : J’aimerais commencer par dire qu’une telle place serait bénéfique pour le secteur. Cela revient à la question de la sénatrice Omidvar sur ce qu’est le secteur. Si on y pense, des organismes de bienfaisance, des organismes sans but lucratif et des groupes émergents d’entrepreneurs sociaux et tout un éventail d’instruments de finance sociale en font partie.
Nous cherchons un endroit où le bien public peut prospérer au pays et un lieu où le gouvernement adopte une approche holistique habilitante lorsqu’il pense à ce travail. Un des défis auxquels fait face l’ARC, c’est que son rôle ne consiste pas à élaborer des politiques habilitantes. Elle doit, en un sens, surveiller les politiques ou les règles mises en place à cet égard.
Nous cherchons une place où nous pourrions tenir une discussion afin que la force économique du secteur puisse continuer de s’épanouir, d’évoluer et de s’adapter à la situation dans toutes les collectivités. Nous avons besoin d’un endroit. Que ce soit le BCP ou EDSC, on peut en discuter, mais le Canada est moins riche en tant que nation si nous ne nous occupons pas de la santé et du bien-être de ce secteur. Je soutiendrais que la plupart des Canadiens ne pensent pas à ces services jusqu’au moment où ils en ont besoin, et ils s’attendent à bénéficier de ces services et à avoir ce privilège. Nous devons trouver un lieu pour que, lorsque le gouvernement réfléchit à des politiques, il pense de manière proactive à l’incidence du bien public.
Mme Pearson : Bruce et moi-même sommes coprésidents d’un comité, mais cela ne veut pas nécessairement dire que nous sommes d’accord l’un avec l’autre. J’aimerais répondre à cette question et l’aborder sous un angle différent. Je ne suis pas certaine de souscrire à l’idée qu’il y ait une seule place au sein du gouvernement pour le secteur. J’aimerais remettre en question cette idée. Le récent article rédigé par le Mowat Centre , intitulé « Breaking the Inertia », traite des divers rôles liés au secteur. C’est un point de départ.
On ne peut pas vraiment, à mon avis, regrouper dans un seul endroit tous les rôles que remplit le gouvernement fédéral. L’organisme de réglementation, l’ARC, doit continuer à faire son travail. On pourrait se demander si la réglementation pourrait se faire à l’intérieur ou à l’extérieur du gouvernement, mais il s’agit d’une seule fonction. Il y a les recherches, les données et la collecte de données, dont nous n’avons pas encore parlé. Cela pourrait se faire dans une partie différente du gouvernement. Les politiques et le travail d’élaboration de politiques se font étape par étape, ministère par ministère à l’échelle du gouvernement.
Le financement, les structures et les règles relatives au financement, peut-être par l’intermédiaire de subventions et de contributions, pourraient relever du Conseil du Trésor, comme c’est le cas à l’heure actuelle. Il serait difficile de penser à un seul endroit au sein du gouvernement. Le gouvernement peut certainement aider à créer des places plus fortes dans le secteur.
Pour revenir à un point soulevé plus tôt, l’infrastructure du secteur a désespérément besoin de financement. Le secteur ne peut pas participer aux discussions tenues avec le gouvernement. On pourrait mettre en place un centre au sein du gouvernement. Il n’y aurait personne à l’extérieur du gouvernement à qui s’adresser à part nous, dans nos organismes qui manquent clairement de ressources. Prenons un autre exemple du Commonwealth. Au début des années 2000, le gouvernement du Royaume-Uni a déployé une série d’efforts coordonnés en vue de bâtir et d’appuyer l’infrastructure du secteur. Il a mis en place une organisation pour s’occuper du renforcement des capacités pour les organismes du secteur qui fournissent des services sociaux pour le gouvernement : les « What Works Centres », des centres de collecte de données qui appuient le travail en matière de politique dans le secteur et au gouvernement, de même que la collecte de données, et qui soutiennent les organismes pour qu’ils fassent ce qu’ils font le mieux, la défense des droits, ainsi que le travail d’élaboration de politiques au nom du secteur dans son ensemble.
Je crois que le gouvernement devrait penser de cette façon. Comment pouvons-nous établir des places pour le secteur dans le secteur et non pas seulement au sein du gouvernement?
Ce n’est qu’une proposition à laquelle on peut réfléchir. Ce serait une recommandation qui serait extrêmement utile pour nous.
Le président : Je suis convaincu que vous deux et M. MacDonald tiendrez une bonne discussion et commencerez le processus. J’espère que les discussions se poursuivront.
M. Clement : Il ne s’agit pas de répondre d’une façon catégorique. C’est là le point. Tout d’abord, je me demande si on tient en ce moment beaucoup de discussions au sein de divers ministères au fil de l’élaboration de nouvelles initiatives stratégiques dans le cadre desquelles on pose les questions suivantes : cela concerne-t-il le secteur de la bienfaisance? Devrions-nous intégrer ces initiatives au programme et dépenser des centaines de milliards de dollars en infrastructure? Y a-t-il quelqu’un qui pense aux débouchés en ce qui concerne l’accroissement du capital social?
Si cette discussion ne se tient pas à l’heure actuelle, alors on a besoin d’une voix forte à l’extérieur du gouvernement pour entamer et guider cette discussion, mais également de changements à l’interne. Il faut une voix représentative qui est à l’écoute, et il faut tenir une discussion pour dire que, en réalité, le gouvernement et ses ministères ne tiennent pas compte d’un secteur entier de l’économie qui pourrait créer des retombées importantes.
J’aime l’idée de faire les deux : une place au sein du gouvernement où il y a des agents de changement qui établissent le profil de la valeur et de l’importance du secteur de la bienfaisance dans tous les ministères et qui posent les questions qui ne sont probablement pas posées parce qu’il n’y a pas à l’heure actuelle de champion du secteur.
Je crois que ce serait mieux si nous pouvions faire les deux.
Le président : Vous rendez le sénateur Duffy heureux.
M. Wyatt : On a fait référence à un comité mixte. J’aimerais proposer une solution de rechange à ce comité : un caucus de parlementaires de diverses allégeances politiques qui se préoccupent du secteur bénévole, issus tant de la Chambre des communes que du Sénat. Ensuite, il faut inviter des gens du secteur à parler des enjeux actuels. Votre comité est né au cours d’une réunion d’un tel caucus.
Les sénateurs et les membres peuvent donc siéger aux divers comités et poser des questions aux ministères dans lesquels ils travaillent sur des problèmes qui touchent le secteur de la bienfaisance; cela revient donc un peu à ce qu’a mentionné Don. Si les ministères qui témoignent devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat savent qu’il y aura probablement un membre qui va poser des questions concernant l’incidence du programme sur le secteur bénévole à toutes les séances, on va commencer à obtenir des réponses et à porter attention au secteur. On fera partie du processus de réflexion.
Le président : Vous avez tout à fait raison, mais j’ajouterais que la charge de travail des députés et des sénateurs est importante. Ce n’est pas que nous ne pouvons pas faire d’autres choses, il faut penser à l’efficacité de ces séances. Une séance facultative qui est un caucus sur le secteur de la bienfaisance sera inscrite à l’agenda du parlementaire, mais quelque chose peut survenir entretemps, et il n’y participera pas. Il est trop facile de retirer cette séance de l’agenda.
Je souhaiterais davantage qu’il y ait une structure dans laquelle je dois assister à la séance parce que je siège au comité ou j’ai cette responsabilité. Je siège à quatre comités, et ces quatre comités sont ma priorité, mais il y a toutes sortes de réunions auxquelles j’aimerais prendre part, mais je n’en ai pas le temps. J’ai décidé de ne pas y assister parce que le temps dont je dispose est limité et, sur le plan physique, cela devient exigeant parce qu’on est ici à 8 heures le matin. Il est maintenant 17 h 15. Je ne suis pas encore sorti, et nous sommes lundi, la journée la plus facile de la semaine pour nous.
Je suis d’accord pour dire que c’est un bon point de départ, mais je ne crois pas qu’il s’agit de la réponse. Cela peut peut-être servir à entamer une discussion.
Dans sa réponse au Rapport du Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, le gouvernement a annoncé la création d’un comité consultatif permanent sur le secteur des organismes de bienfaisance. Le comité consultatif formulera des recommandations à l’intention de la ministre du Revenu national et du commissaire de l’ARC sur les enjeux importants et émergents auxquels les organismes de bienfaisance et les donataires reconnus doivent faire face de façon continue.
Le comité, coprésidé par deux représentants du secteur — je ne sais pas de qui il s’agirait, mais ce serait probablement des personnes très compétentes — et le sous-commissaire de la Direction générale des politiques législatives et des affaires réglementaires de l’ARC, réunirait 12 autres membres du secteur et du gouvernement fédéral.
Ce comité consultatif a-t-il une place suffisante au sein du gouvernement pour bien représenter le secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif? Quelle représentation supplémentaire au sein du gouvernement fédéral répondrait le mieux aux besoins du secteur dans ses relations avec le gouvernement?
Mme McManus : Avec tout le respect que je dois à Hillary et à Bruce, qui sont formidables, je dirais catégoriquement non. Le comité consultatif relèverait du ministère des Finances, et je pense que cela renforce davantage son lien avec la Loi de l’impôt sur le revenu et la conformité et la réglementation, et cela éliminerait l’occasion de renforcer les capacités dans le secteur.
Mme Smith : Je suis également d’avis que c’est davantage considéré comme un point d’entrée plutôt qu’une place et je pense que Bruce d’Imagine Canada l’a mentionné. C’est un excellent départ, mais je crois que cela ne suffit pas comme place.
Pour revenir à la dernière question qui portait sur les avantages d’avoir une place au sein du gouvernement fédéral, à mon avis, la centralisation, la transparence, la reddition de comptes et l’efficacité qui résulteraient de quelque chose de plus permanent au gouvernement fédéral sont très importantes.
Selon moi, cela montre davantage le sens des priorités dont fait preuve le gouvernement relativement au secteur de la bienfaisance et à ce qui peut être fait.
La grande majorité des recommandations dont nous parlons ne peuvent pas être mises en œuvre par l’intermédiaire de ce comité consultatif. Il importe d’avoir quelque chose de plus solide.
Le président : Selon moi, l’élection des coprésidents a été un pas important dans la bonne direction en raison de la compétence et de l’ancienneté des coprésidents dans le secteur. L’étape suivante est tout aussi importante, sinon plus, et c’est la sélection du reste du comité. C’est ainsi que nous pourrons nous pencher sur les endroits où surviennent les problèmes. Nous avons besoin de leadership.
La sénatrice Omidvar : Je vais poser une question relative aux activités politiques. Lorsque nous avons commencé notre travail, nous étions chargés d’examiner la question des activités politiques, mais nous ne devons plus nous en inquiéter parce que le gouvernement fédéral a pris une décision politique. Nous savons ce qui s’est passé par la suite.
Beaucoup estiment que c’est en fait la directive que l’ARC émettra pour répondre à la politique qui n’est pas encore claire. Les gens sont très inquiets que l’ARC joue encore une fois son rôle d’organisme de réglementation pour élaborer des lignes directrices, particulièrement sur la partisanerie directe ou indirecte, de façon à compliquer les choses, et c’est très préoccupant, évidemment, pour eux.
S’agit-il d’une chose que vous allez continuer à surveiller? Cela fait-il partie de votre mandat? En avez-vous un?
Mme Pearson : Nous discutons encore du mandat avec l’Agence du revenu du Canada. Il y a un énoncé très général, et je crois que Tony Manconi et sa collègue Sharmila Khare de l’ARC en ont parlé la semaine dernière. Le mandat est défini de manière très générale, et je pense que c’est notre travail en tant que groupe de représentants du secteur d’essayer de le définir davantage ainsi que ses objectifs.
Nous espérons que le fait que le mandat soit actuellement défini de façon très générale comme un rôle consultatif auprès de l’Agence sur des questions qui touchent le secteur est une bonne chose parce que cela n’enlève aucune possibilité. Bruce et moi-même en avons discuté et nous sommes d’avis que le comité devrait aborder un large éventail de questions, mais devrait également être guidé par ce que les organismes et les gens du secteur désirent communiquer à l’organisme de réglementation.
Nous comprenons que cela s’inscrit dans le cadre de la réglementation, et je crois que le comité ne peut pas, en ce moment, parler de certaines des grandes questions d’ordre politique dont nous avons discuté aujourd’hui. Je pense que le mandat nous permet de faire progresser les choses. Je crois effectivement qu’il s’agit d’une communication qui se fait dans les deux sens; c’est donc un comité formé de personnes qui donneront des conseils à l’organisme de réglementation, mais je pense que nous pouvons également fournir de l’information au secteur d’une manière dont nous ne pouvions pas le faire récemment.
Encore une fois, par le passé, si on remonte à 2005, une chose qui était claire à ce moment-là, c’était que nous avions besoin de ce type de mécanisme permanent afin d’être en mesure de tenir des discussions continues avec l’organisme de réglementation sans devoir quémander ou cogner à sa porte en espérant qu’elle s’ouvre. On a mis en place un comité qui a malheureusement perdu son financement lorsque le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir. Toutefois, nous essayons encore une fois de régler le problème, et il est important pour nous de considérer cela comme une discussion continue avec l’organisme de réglementation.
La sénatrice Omidvar : Monsieur MacDonald, pourriez-vous répondre à la question précise sur l’harmonisation de l’orientation et de l’interprétation des lignes directrices avec l’esprit des politiques? Il y a encore une dissonance, comment pouvons-nous la résoudre?
M. MacDonald : On n’a pas encore déterminé si cela relèvera du comité consultatif. Toutefois, l’examen des conséquences de l’effet domino de cette décision relève certainement du mandat d’Imagine Canada. Cela fait partie du travail que nous faisons avec le secteur et en son nom. Nous nous pencherons là-dessus. Cette décision ne faisait pas l’unanimité même chez les dirigeants du secteur. La plupart des gens du secteur étaient résolument en faveur, mais d’ardents défenseurs disaient que le ciel allait nous tomber sur la tête.
Il est important pour nous d’examiner les répercussions de la décision. Des données de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont montré qu’un certain nombre d’organismes de défense des droits ont fermé leur porte à la suite d’une décision similaire, mais des gens disaient que des groupes d’intérêt essaieraient d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisance. Cela fait partie du rôle continu d’Imagine Canada, et cela peut ou non cadrer avec la fonction générale du comité consultatif.
Le président : J’aimerais dire quelque chose à vous deux en particulier. Vous voyez qui est assis autour de la table. Vous avez vu les témoins que nous avons reçus et avez entendu leurs témoignages. Il s’agit d’un secteur qui a soif de changement et qui veut être entendu. Si vous ne retrouvez rien dans notre rapport, sachez qu’il s’agit d’un appel à l’aide. Nous avons été extrêmement impressionnés, en tant que comité, par la qualité des exposés de grands et de petits organismes, de personnes que nous nous attendions à entendre et d’autres qui nous ont surpris par leur présence. Les témoignages sont là. Je vous recommanderais, à vous ainsi qu’à votre comité, lorsqu’il sera mis sur pied, de prendre connaissance des témoignages de toutes les séances du comité.
Un des problèmes auxquels nous nous heurtons toujours dans le secteur, c’est l’absence d’un corpus de recherche. Eh bien, nous sommes sur le point de vous en fournir un. Nous espérons qu’il vous sera d’une certaine utilité, et, si rien ne ressort du rapport du comité sauf le fait que nous vous avons donné de l’information dont vous aviez besoin pour faire votre travail, ce sera une réussite. Cependant, nous formulerons des recommandations précises auxquelles, nous l’espérons, le gouvernement donnera suite. Nous souhaitons également que, après le dépôt de notre rapport, lorsque votre comité sera établi, vous voudrez examiner nos recommandations et présenter vos commentaires à quiconque sera intéressé de les entendre. Nous vous encourageons à faire cela.
Chers collègues, nous avons tenu une excellente séance aujourd’hui. Nous avons accueilli cet après-midi deux longs groupes de témoins. La séance en a valu la peine, et il s’agissait d’un style différent de réunion. Ceux d’entre vous qui ont déjà témoigné devant le comité savent que, d’habitude, les témoins présentent leur exposé, et nous posons des questions par la suite. Nous avons adopté cette approche dans le but de susciter une discussion — non pas nécessairement un débat, mais une discussion — sur des questions qui ont été soulevées.
J’aimerais vous remercier de votre participation. Cette séance nous a été très utile. Nous espérons qu’elle l’a été également pour vous, mais particulièrement pour Mme Pearson et M. MacDonald. Je peux vous assurer, et je crois que je parle au nom des membres du comité, que nous sommes disponibles si vous voulez nous consulter plus tard. Plus important encore, nous espérons que vous allez pouvoir commencer à travailler très rapidement parce que le secteur, comme je l’ai dit, a soif d’un changement rapide. Nous formulerons des recommandations qui, si le gouvernement y donne suite rapidement, seront utiles en cours de route espérons-le.
Nous n’avons pas abordé les deux dernières questions. Si vous avez l’occasion de les lire et avez des commentaires précis à formuler, veuillez les envoyer par écrit au greffier. Il reste un petit détail technique concernant la clôture de la séance. Nous aimerions prendre une photographie devant ce mur-là de tout le monde présent ce soir. Quelqu’un s’en occupera, mais ce ne sera pas moi; par contre, je ferai partie de la photographie.
Chers collègues et chers témoins, merci beaucoup.
(La séance est levée.)