Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 4 - Témoignages du 22 mars 2016
OTTAWA, le mardi 22 mars 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux membres du public ici présents, ainsi qu'aux téléspectateurs d'un bout à l'autre du pays. Comme rappel à ceux qui nous regardent, nos audiences sont ouvertes au public, et vous pouvez aussi y avoir accès par webdiffusion à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également plus de détails sur les dates de comparution des témoins en consultant le site web, sous la rubrique «Comités du Sénat».
J'aimerais maintenant que nous fassions un tour de table afin que les sénateurs puissent se présenter. Je vais commencer par présenter le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Massicotte: Sénateur Paul Massicotte, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Black: Doug Black, de l'Alberta.
La sénatrice Seidman: Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le sénateur Mockler: Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
Le président: J'aimerais également vous présenter les membres de notre personnel: à ma droite, Lynn Gordon, notre greffière et, à ma gauche, Sam Banks et Marc LeBlanc, nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement.
Aujourd'hui, nous entreprenons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone qu'il faut effectuer pour atteindre les objectifs du gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour donner le coup d'envoi de notre étude, nous sommes heureux d'accueillir des fonctionnaires d'Environnement et Changement climatique Canada, qui nous parleront des émissions actuelles et prévues dans le secteur et de l'évolution récente de la situation à l'échelle mondiale et à l'échelle du Canada depuis la réunion des premiers ministres sur ce dossier.
Nous recevons trois témoins d'Environnement et Changement climatique Canada: Dan McDougall, sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique stratégique; DerekHermanutz, directeur général, Direction de l'analyse économique, Direction générale de la politique stratégique; et Mike Beale, sous-ministre adjoint, Direction générale de l'intendance environnementale.
Messieurs, après cette brève introduction, je suis sûr que vous avez une déclaration préliminaire à nous faire, et nous avons hâte de vous entendre. Ensuite, nous passerons à la période des questions et des réponses.
Dan McDougall, sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique stratégique, Environnement et Changement climatique Canada: Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir participer à la première réunion du comité sur ce sujet.
Je n'ai pas de déclaration préliminaire comme telle à prononcer. Au lieu de venir vous faire un exposé, nous avons choisi de vous fournir des renseignements qui, nous l'espérons, sauront vous être utiles dans le cadre de vos travaux. Nous avons distribué une présentation dans laquelle vous trouverez une foule de données, que je vais passer en revue.
Peut-être avant de commencer, j'aimerais faire un petit tour d'horizon afin de situer votre travail, comme vous l'avez dit au début, dans le contexte mondial, si vous voulez.
Comme vous le savez tous, nous avons conclu, en décembre dernier, le nouvel accord de Paris sur les changements climatiques, lequel comporte un article d'intérêt particulier pour votre étude. Tout n'y est pas pertinent, mais comme vous vous apprêtez à suivre la voie du développement à faibles émissions de gaz à effet de serre, sachez qu'il y a une disposition dans le nouvel accord de Paris qui exhorte les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques à s'engager dans cette voie. Il s'agit de l'article 4.19: «Toutes les Parties s'emploient à formuler et communiquer des stratégies à long terme de développement à faible émission de gaz à effet de serre[...].»
Cette demande s'accompagne d'une décision de la conférence des parties selon laquelle, conformément à cet article de l'accord, les parties sont invitées à communiquer au secrétariat de la convention, d'ici 2020, leurs stratégies de développement à faibles émissions de gaz à effets de serre. Elle établit ainsi une date butoir pour que ces stratégies soient publiées au secrétariat de la convention de l'ONU et que tout le monde puisse participer aux efforts.
C'est essentiellement le contexte mondial dans lequel vous vous apprêtez à aider le Canada à faire sa part.
Il y a eu de nouveaux développements sur ce front tout récemment, au moment de la visite du premier ministre aux États-Unis. Dans la déclaration conjointe du Canada et des États-Unis prononcée pendant la rencontre tenue à Washington, le président Obama et le premier ministre Trudeau se sont engagés, en 2016, à élaborer des stratégies de développement pour réduire les émissions de gaz à effets de serre visant l'horizon du milieu du siècle et à long terme conformément à l'Accord de Paris, et ils encouragent les membres du G20 à en faire autant. En fait, les deux pays devancent l'échéancier prévu dans l'Accord de Paris (2020) pour que le travail que vous voyez dans votre mandat soit réalisé cette année et faire preuve de leadership au sein des pays du G20, afin que nous puissions aider d'autres pays à en faire autant.
Ce sont deux avancées particulièrement importantes.
Il y a une troisième chose que j'aimerais souligner, soit la Déclaration de Vancouver. Par cette déclaration, les premiers ministres de l'ensemble du pays se sont engagés à entreprendre des travaux sur quatre fronts, dont celui de la technologie, des innovations propres et des emplois. Ces travaux sont assez fondamentaux pour la réalisation d'une stratégie de développement à faibles émissions de gaz à effets de serre.
Il y a ensuite deux autres groupes de travail qui se concentreront sur la réduction et l'atténuation des émissions de gaz à effets de serre: l'un se penchera sur les mécanismes d'instauration d'un prix sur le carbone et l'autre, sur les possibilités d'atténuation spécifiques. Ces travaux pourraient s'apparenter à ce que je vous présenterai dans un instant à l'aide de mes diapositives sur les projets potentiels de réduction des émissions.
Sur le front des possibilités d'atténuation spécifiques, huit sous-groupes seront constitués pour déterminer comment, concrètement, nous pouvons réduire nos émissions à court terme pour atteindre les cibles que nous nous sommes fixées dans le cadre de l'Accord de Paris. Il y a là beaucoup de liens à faire.
Enfin, il y a un quatrième groupe qui se consacrera à l'adaptation, un élément assez fondamental dans tout ce que nous faisons, parce ce qu'il faudra du temps avant que toutes ces mesures d'atténuation se traduisent par des changements atmosphériques. Une grande partie du changement climatique est inévitable.
Ainsi, le travail contextuel international et national, si je peux me permettre, monsieur le président...
Le président: Je vous en prie.
M. McDougall: Je pense que tout le monde a reçu ce document.
La première diapositive reprend un argument que je viens de mentionner. Comme vous pouvez le voir ici, le climat du Canada change. La réalité est telle que le Canada est très touché par les effets du changement climatique. Jusqu'à maintenant, les effets des émissions de gaz à effets de serre se font ressentir deux fois plus fort au Canada que dans la moyenne des autres pays. C'est encore pire dans l'Arctique.
Il est question, dans l'Accord de Paris, d'un objectif d'environ 2 degrés dans le monde, mais nous visons bien moins que ces 2 degrés, soit 1,5 degré.
Comme vous pouvez le voir à la première diapositive, au Canada et dans l'Arctique, nous avons déjà dépassé l'objectif de 2 degrés si l'on applique les données mondiales en contexte canadien. Nous en sommes à 2,2 degrés.
Vous remarquerez également sur cette diapositive que les écarts ne sont pas les mêmes partout. Il y a une forte hausse de la température dans l'Arctique, de même que sur la côte Ouest en particulier, où nous observons des températures plus chaudes.
De même, le deuxième petit graphique présente les tendances des précipitations. Là encore, les changements sont très importants, puisque les précipitations augmentent ou diminuent, mais pas de la même façon dans toutes les régions du Canada.
On s'attend à ce que tous ces phénomènes s'intensifient beaucoup au cours des prochaines décennies. Je pense que les scientifiques vous diront qu'on peut s'attendre à ce que tous les changements observés dans le monde soient au moins deux fois plus marqués au Canada. Cela s'explique simplement par notre latitude nordique et la nature de ces phénomènes.
La diapositive suivante vous informe des bénéfices potentiels des politiques sur le changement climatique et des mesures en ce sens. L'angle d'approche des discussions sur le changement climatique est important. Depuis longtemps, on parle exclusivement des conséquences, des difficultés et des compressions associées aux mesures potentielles. Le corollaire en est qu'il y a également d'énormes débouchés économiques associés au changement climatique, puisque nous nous apprêtons à amorcer une transition et à apporter des changements structurels fondamentaux à l'économie, tant au Canada que dans le monde.
Vous ne voyez là que quelques parcelles d'information sur le secteur des technologies propres, sa croissance au Canada et dans le monde et sa croissance attendue au cours des prochaines années. Comme vous pouvez le constater, on s'attend à une croissance de 2,5 billions de dollars d'ici 2022. Le secteur canadien de la technologie se trouve très bien positionné dans beaucoup de marchés pour tirer avantage de cette croissance.
Il s'ensuit également des changements pour les entreprises, les familles et les collectivités pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il y a là des économies potentielles, puisque toutes ces mesures ont généralement pour effet d'accroître l'efficacité des opérations, tant à l'échelle personnelle qu'institutionnelle. Cela présente un énorme potentiel de bénéfices.
Tout cela pour dire que toutes les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre viennent avec des débouchés économiques énormes. Il serait peut-être plus facile de prendre les mesures nécessaires si l'on construisait la trame narrative sous-jacente de manière à rejoindre les personnes, les entreprises et la société en général.
À l'inverse, l'inaction à l'égard du changement climatique occasionne beaucoup de coûts. Nous constatons que ces coûts sont de plus en plus pris en compte dans les décisions. Chose certaine, l'industrie de l'assurance est déjà bien avancée dans son travail d'analyse sur ce front. Elle est confrontée à des réclamations importantes liées au climat et aux conditions météorologiques. Il est parfois très difficile de distinguer l'un de l'autre, mais on peut tout de même dire qu'il y a beaucoup de réclamations d'assurance et de dommages causés par les changements qui s'observent dans notre environnement.
Comme vous pouvez le voir sur cette diapositive, le Forum économique mondial a récemment classé le changement climatique comme le risque économique le plus grand auquel le monde fait face.
Je vais maintenant vous présenter les prochaines diapositives pour répondre à ce que vous nous avez demandé dans les documents préparatoires. La première diapositive vous met un peu en contexte. Derek dirige une équipe de modélisation économique dans notre ministère. Son équipe rassemble quelques-uns des meilleurs économistes spécialistes de la question dans notre organisation. Notre modèle table sur des données de l'ensemble du gouvernement afin de rassembler l'information nécessaire pour appuyer des décisions éclairées en la matière.
Notre groupe scientifique publie chaque année un rapport d'inventaire des émissions. Celui-ci est publié à la mi-avril de chaque année, et il y a toujours un décalage de deux ans dans les données. Ainsi, le rapport de 2015 porte sur les données de 2013. Nous publierons bientôt le rapport de 2016 sur les données de 2014. Nous prenons ensuite ces données, et à l'aide de nos modèles économiques, nous établissons des prévisions d'émissions pour les années suivantes sur la base de certaines hypothèses.
Certaines de ces hypothèses sont présentées à la page suivante. Les principales sont le produit intérieur brut et le taux de croissance, qui sont évidemment très importants. Nous intégrons également à nos projections celles du ministère des Finances, pour brosser un portrait économique global cohérent.
Vous pouvez les voir ici. La première série de projections porte sur la période actuelle jusqu'à 2020 et la deuxième, sur la prochaine décennie, de 2020 à 2030.
Nos scénarios de référence se fondent sur une analyse des éléments sensibles selon différents scénarios. Selon le scénario de référence d'une croissance de 2,2 p. 100 au cours de la première décennie, nous obtenons une projection de croissance moindre au cours de la deuxième décennie.
De même, nous utilisons les projections de croissance démographique de Statistique Canada, plus particulièrement ses scénarios de référence pour une croissance moyenne. Ces deux facteurs exercent une influence énorme, évidemment, sur les projections d'émissions dans notre modèle.
Nos projections d'émissions dépendent aussi beaucoup de nos hypothèses concernant le prix du pétrole et du gaz, puisque nos émissions sont étroitement liées à ces prix, tant du côté de la consommation que de la production.
Ici, nous utilisons les projections de l'Office national de l'énergie sur la production. Nous intégrons le travail de beaucoup d'experts de différents domaines à nos propres projections, de manière à brosser un portrait détaillé lié au cadre économique général du gouvernement du Canada.
Ainsi, comme vous pouvez le voir à la page suivante, nous obtenons des projections en fonction de trois scénarios: un scénario de croissance élevée des prix; un scénario de référence de production élevée de pétrole, qui se trouve un peu entre les deux autres; et un scénario de faible prix et de faible croissance. Ces projections vont jusqu'à 2030, en fonction des deux cibles que nous nous sommes données pour 2020 et 2030. Vous pouvez donc constater qu'il y a un écart très important entre la situation actuelle et la destination.
Ces scénarios sont empreints d'incertitude. Ce ne sont que des projections économiques de l'évolution des choses si rien d'autre ne change. Selon les politiques en vigueur à l'échelle fédérale comme provinciale ou territoriale — et ce, en date de septembre dernier —, si rien d'autre ne change, c'est le niveau d'émission qui ressort de notre modèle dans le contexte règlementaire actuel. Il montre, selon le scénario de référence qui correspond à la ligne du milieu, que nous devons réduire nos émissions annuelles d'environ 300 millions de tonnes d'ici 2030 pour atteindre la cible d'une réduction de 30 p. 100 par rapport au niveau de 2005 d'ici 2030.
Ces projections justifient donc clairement, pour ainsi dire, l'engagement du gouvernement à se doter d'une stratégie pancanadienne, ainsi que le travail des groupes de travail constitués pour proposer des politiques et des mesures susceptibles de modifier ces courbes et de nous mener à un niveau inférieur aux cibles fixées d'ici 2030, ainsi qu'à plus long terme, selon des stratégies de développement allant jusqu'en 2050 et à la fin du siècle, afin de déterminer quelles transformations structurelles seront nécessaires pour poursuivre sur cette nouvelle trajectoire à la baisse dans la croissance des émissions.
Les diapositives suivantes présentent ces projections par secteur, de façon plus détaillée. Je pense que vous aviez demandé des projections par secteur, donc nous avons fait ressortir les données de divers secteurs canadiens, dont le pétrole et le gaz, les transports, les bâtiments et les industries intensives exposées au commerce. Ce secteur comprend des domaines comme la production de ciment, la sidérurgie et toutes les industries qui produisent des émissions élevées et dans lesquelles de petits changements peuvent avoir une incidence assez grande sur l'entreprise elle-même. On dit qu'elles sont exposées au commerce en ce sens que si l'on resserre trop les règles, les entreprises pourraient simplement décider de partir, de sorte qu'elles produiraient des émissions ailleurs. Les niveaux des émissions ne s'en trouveraient donc pas réduits, mais simplement déplacés ailleurs dans le monde. Les secteurs de cette catégorie sont assez interreliés. Il y a quelques autres secteurs, dont l'agriculture, les déchets, l'électricité et le tourisme.
Vous pouvez voir ici une ventilation par période des projections pour ces divers secteurs au Canada.
Vous voyez en complément nos projections par gaz. Le gaz carbonique est évidemment le principal gaz sur lequel nous mettons l'accent. Il est d'autant plus important qu'il reste très longtemps dans l'atmosphère. Si l'on revient au concept de l'adaptation, comme le gaz carbonique reste dans l'atmosphère jusqu'à 100 ans, tout ce qu'on fait pour réduire les émissions de gaz carbonique ne paraîtra pas avant longtemps. Du coup, l'adaptation est très importante, parce que beaucoup de changements sont inévitables.
Cependant, d'autres gaz ont des effets beaucoup plus puissants que le gaz carbonique. Le méthane, par exemple, a 25 fois plus d'effets de serre que le gaz carbonique, mais il reste beaucoup moins longtemps dans l'atmosphère. On peut donc prendre des mesures pour réduire ces émissions et obtenir un effet beaucoup plus immédiat d'abaissement des températures.
Certaines des mesures réglementaires auxquelles Mike travaille, qui viennent tout juste d'être annoncées conjointement avec les États-Unis, portent justement sur le méthane et ont doublement d'effets, si l'on veut. Elles ont un effet important parce que le méthane est si puissant qu'il a 25 fois plus d'effets que le gaz carbonique, mais comme ses effets durent beaucoup moins longtemps, ces mesures pourraient nous permettre de réduire les températures de façon plus immédiate. C'est donc un complément très nécessaire à tout le travail à long terme que nous effectuons sur le gaz carbonique.
Sur les diapositives suivantes, nous poursuivons la ventilation secteur par secteur. Nous y mentionnons quelques mesures déjà en place, à l'échelle fédérale, provinciale ou territoriale, de sorte que vous pouvez voir ce que font déjà les divers gouvernements. Nous ne partons pas de zéro. Il se fait déjà beaucoup de travail en ce sens dans différentes régions du Canada, comme dans le monde, donc il y a déjà de l'information qui existe. Encore une fois l'information est présentée secteur par secteur. Pour certains, vous pouvez voir que nous suivons une trajectoire très différente. Prenons la diapositive sur l'électricité. Le Canada a déjà l'un des régimes de production d'électricité les plus affranchis du carbone au monde. Plus de 80 p. 100 de notre électricité est déjà produite sans émissions de gaz à effet de serre. Nous pouvons encore en faire plus, et cela fera partie du mandat d'un des sous-groupes créés dans le cadre pancanadien, mais nous partons en très bonne posture. De même, je mentionne que la production d'électricité est fondamentale pour ces changements structurels à long terme, je le répète, donc si cette partie de l'économie peut prospérer à faibles émissions de gaz à effets de serre, ce peut être très avantageux à bien d'autres égards.
Pour ce qui est du transport, il y a beaucoup d'éléments à prendre en considération: le transport de passagers, les camions lourds, le transport sur route, hors route. Nous avons déjà beaucoup travaillé à réduire les émissions de gaz à effet de serre des camions légers. Vous entendrez probablement parler dans le budget d'infrastructures, d'infrastructures publiques et de transport public. Nous travaillons avec les provinces et les territoires à ce chapitre. Nous avons déjà bien commencé à nous attaquer aux émissions des camions lourds. Mike Beale, notre responsable de la réglementation, se concentre davantage sur les camions lourds pour la prochaine phase de réduction des émissions. Vous pouvez donc constater à quel point c'est important.
Je dois seulement souligner que compte tenu de la nature intégrée de l'économie nord-américaine, tant du côté de la production dans le secteur automobile que du côté du transport en général et de la circulation des biens, tout ce que nous faisons dans ce domaine est parfaitement harmonisé aux efforts des États-Unis et de plus en plus, à ceux du Mexique. Nous privilégions vraiment une approche nord-américaine dans ce domaine.
À la diapositive suivante, qui porte sur les industries intensives exposées au commerce, vous trouverez peut-être intéressant que nos projections soient présentées selon une ventilation par sous-secteur, donc vous pouvez constater d'où proviennent les plus grandes émissions en ce moment. Les principales catégories présentées ici sont les produits chimiques et les engrais, la sidérurgie, la fonte et l'affinage, le ciment, l'exploitation minière, les pâtes et papiers, la chaux et le gypse. Il y a ensuite le secteur des bâtiments résidentiels et commerciaux, où nous avons un potentiel important de réduction des émissions au Canada, de même que ceux de l'agriculture, des déchets et d'autres secteurs.
Nous espérons que ces renseignements vous seront utiles dans l'amorce de votre étude. Nous pouvons assurément déjà répondre à des questions aujourd'hui. Si vous souhaitez creuser davantage une question ou une autre, nous pouvons certainement le faire. Je vous ai remis quelques diapositives de conclusion. J'ai déjà mentionné que les projections des émissions présentées ici se fondent sur les politiques en vigueur en date de septembre dernier. Depuis septembre, il y a déjà eu quelques nouvelles annonces. La plus remarquable est celle du nouveau plan de l'Alberta en matière de leadership climatique. Ces projections n'en tiennent pas compte. Du coup, nos projections sont plus élevées qu'elles ne le seraient si nous les refaisions aujourd'hui. Nous ne les avons pas encore revues parce que nous sommes toujours en train d'en peaufiner les détails. Notre prochain rapport comprendra plus d'information à ce sujet.
L'Ontario a adopté un programme de plafonnement et d'échange, qui est en voie de se traduire par des mesures législatives en Ontario. Les effets de ce programme ne sont pas pris en compte dans cette analyse. Encore une fois, à la lumière de ce programme, nos projections semblent automatiquement exagérées. Nos émissions seront potentiellement plus faibles grâce à ce programme. La Saskatchewan a également fait une annonce importante concernant son plan de générer 50 p. 100 de son électricité à l'aide de sources d'énergie renouvelables d'ici 2030.
C'est donc un processus en évolution, dans lequel, idéalement, nous verrons constamment apparaître de nouvelles politiques destinées à réduire les émissions. Nous nous mettons à peu près à jour chaque année.
Enfin, nous avons deux autres éléments à vous mentionner pour situer les cibles canadiennes par rapport aux cibles que les autres pays ont annoncées. La comparaison de Bloomberg est un aspect important de tout le travail effectué en amont de la conférence de Paris et de la signature de l'accord qui en a découlé. Vous pouvez constater que la cible que le Canada s'est donnée ressemble beaucoup à celles de beaucoup d'autres pays, pour ce qui est de l'ampleur des efforts requis pour réduire les émissions, parce que la croissance prévue de nos émissions est plus élevée que dans certains autres pays.
Voilà. C'est tout ce que j'avais à vous présenter pour l'instant. Je vous prie de nous poser des questions, et si nous devons vous faire parvenir plus d'information, nous le ferons avec plaisir.
Le président: Merci beaucoup. C'était une excellente présentation. Nous commencerons par le vice-président.
Le sénateur Mitchell: Merci. C'était une présentation très convaincante. J'apprécie l'hypothèse de base selon laquelle le climat change déjà, ce qui aura des effets. C'est bon de voir que nous le reconnaissons, merci.
Ma première question porte sur les chiffres que vous donnez à la diapositive 6. Vos projections moyennes de croissance annuelle se fondent en grande partie sur les prix du pétrole et du gaz, et vous dites vous fonder sur les projections du ministère des Finances. Le ministère des Finances commence-t-il à tenir compte, dans ses calculs, de l'effet économique et de la croissance du PIB attribuables aux investissements dans les mesures d'atténuation du changement climatique et des secteurs comme celui de l'énergie renouvelable?
M. McDougall: Pas en tant que tel, je dirais, car cela fait partie de la croissance économique en général. Ces données ne font pas l'objet d'une catégorie distincte. Des études ont par contre été menées sur le secteur canadien des technologies propres pour déterminer quelle a été sa croissance et l'évolution à laquelle on peut s'attendre.
Des travaux ont été effectués à cet égard, et nous pouvons certainement vous en faire parvenir des copies avec l'aide de vos attachés de recherche ou de la greffière. Nous nous tenons au courant de ce qui a été fait pour que nous puissions fournir au comité des exemplaires des rapports.
Le sénateur Mitchell: Ce serait très bien si vous pouviez faire cela. Je vous en serais reconnaissant.
On fait constamment valoir l'argument économique selon lequel toute autre forme d'énergie est trop coûteuse. Il est intéressant de constater que, lorsqu'on investit dans des formes traditionnelles d'énergie, on considère qu'il s'agit d'un investissement, mais lorsqu'on investit dans des énergies renouvelables, non traditionnelles, on considère qu'il s'agit d'un coût. C'est là où je voulais en venir lorsque j'ai posé ma première question.
Pouvez-vous alors me dire si vous êtes en mesure de faire des projections concernant la réduction des coûts de l'énergie éolienne, de l'énergie solaire, de la biomasse et d'autres types d'énergie renouvelable, pour que nous puissions voir à quel moment ces coûts vont correspondre à ceux des formes traditionnelles d'énergie?
M. McDougall: Nous ne menons pas ce genre de travaux au sein du ministère, mais, je le répète, d'autres entités ont effectué des études à ce sujet.
Le travail que nous effectuons concerne davantage la réglementation. Lorsque nous élaborons des mesures réglementaires, nous procédons à une analyse de rentabilité et nous déterminons les coûts et les avantages sur le plan économique associés à ces mesures, et c'est l'équipe de Derek qui se charge de ce travail, afin que nous sachions si elles ont un effet net positif ou négatif dans l'ensemble. Nous ne faisons pas cette évaluation dans un sens restreint, mais plutôt dans un sens large.
Nous évaluons ce qu'on appelle les coûts sociaux. Nous nous demandons quels sont les coûts cachés ou implicites liés aux émissions et à la pollution qu'on n'examinerait pas autrement. Je le répète, nous avons convenu d'harmoniser notre réglementation avec celle des États-Unis, alors, lorsque nous évaluons les coûts et les avantages, nous obtenons un portrait complet de la situation.
Le sénateur Mitchell: Hier, le Comité de la défense examinait les menaces à la sécurité. J'ai été étonné d'entendre un professeur de l'Université Dalhousie expliquer qu'il y a une bien plus grande menace qui pèse sur le Canada que celle d'attentats terroristes. On s'en rend compte lorsqu'on discute avec les responsables du port de Vancouver, qui s'inquiètent de l'élévation du niveau de la mer, car si cette situation continue, cela va compromettre sérieusement les activités portuaires.
Est-ce que ce type de menace est pris en compte dans les prévisions des coûts étant donné que nous n'agissons pas aussi rapidement que nous le pourrions?
M. McDougall: Je dirais que nous en tenons compte d'une manière globale. Nous n'examinons pas toutefois la situation pour chaque port. Nous prenons cela en considération lorsque nous nous penchons sur les mesures d'adaptation et le coût de l'inaction. Je peux vous dire qu'il n'existe pas beaucoup d'information à ce sujet.
De façon plus générale, en ce qui concerne la sécurité et le changement climatique, des études ont été effectuées au Canada et à l'étranger sur le lien qui existe entre le changement climatique et les enjeux en matière de sécurité ainsi qu'entre le changement climatique et les migrations, par exemple. On mène de plus en plus de recherches sur ce sujet qui nous permettent d'établir ces liens, mais il existe très peu de données précises pour quantifier tout cela.
Le sénateur Mitchell: J'ai une dernière question à vous poser. Il s'agit d'une question très technique qui concerne la terminologie de la page 18.
Vous avez mentionné les changements requis dans l'intensité des émissions pour atteindre les cibles annoncées. En Alberta, d'où je suis originaire, l'intensité des émissions signifie la quantité d'émissions qui résulte de la production d'un baril de pétrole. Ici, c'est plutôt l'inverse, n'est-ce pas? Pouvez-vous donner des précisions?
M. McDougall: C'est l'inverse de la signification habituelle. Cette information provient d'une étude en particulier. C'est la façon dont Bloomberg l'utilise. Cette société essayait de trouver une donnée de référence pour être en mesure de faire des comparaisons entre les pays. Elle a utilisé le PIB puis elle a fait une soustraction.
Le sénateur Mitchell: C'est en quelque sorte par unité de PIB?
M. McDougall: Oui.
Le sénateur Mitchell: Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Massicotte: J'aimerais poursuivre sur le même sujet. À la page 6 et à la page 7 en particulier, la perspective à ce point-ci sous-entend que toutes les politiques gouvernementales qui ont été mises en place et tous les programmes en place sont productifs et sont applicables. Conséquemment, nous arriverons en 2030 avec 815 mégatonnes, alors que notre objectif est de 524 mégatonnes, ce qui veut dire que les émissions du Canada sont trop élevées dans une proportion de 40 p. 100 au moyen des politiques gouvernementales actuelles, à l'exception des politiques de l'Alberta et de l'Ontario.
Malgré les belles projections que nous produisons pour tous les programmes gouvernementaux, souvent, elles ne sont pas atteintes. Il y a en effet des exceptions, mais lorsqu'on remarque un écart de 40 p. 100, il s'agit plutôt de 50 p. 100 ou de 60 p. 100, car il y a toujours des retards. C'est bien beau les calculs et les théories, mais en pratique, c'est différent. Je compte parmi ceux qui croient qu'il faut absolument embrasser le changement. C'est un défi énorme, le changement, mais c'est très important, et j'embarque. Cependant, je suis un peu cynique, peut-être que je me fais l'avocat du diable. Nous avons un écart de 40 p. 100 d'émissions sur 15 ans, grosso modo 3 à 4 p. 100 par année, nous avons de belles ententes, nous sommes tous d'accord sur les besoins, mais nous sommes loin du compte.
Dans votre projection, il n'en est pas question, et c'est peut-être impoli d'en parler en public, mais on a besoin de changements majeurs, cruciaux, frontaux; nous avons besoin d'un grand changement. Un changement de culture au départ, on l'accepte, mais je me demande si on ne voit pas tout en rose, car les gens croient que nous aurons toujours l'énergie nécessaire. Cependant, quand allons-nous parler des vraies choses, pour dire aux Canadiens et aux Canadiennes: «Soyez prêts. C'est fondamental; il faut embarquer.»
On argumente, et il y a des sondages qui démontrent que les gens ne veulent pas payer 10$ de plus par mois pour avoir accès à un certain type d'énergie. Ce n'est rien lorsqu'il s'agit de changements nécessaires. Est-ce que je me trompe? En réalité, je pense que le gros du travail reste à faire.
M. McDougall: Je suis entièrement d'accord avec le point que vous soulevez. Premièrement, il est important d'avoir les bons chiffres. Tout le monde doit savoir ce qui se passera s'il n'y a pas de changements. Ensuite, sur le plan politique, le ministre a tenu une réunion sur les changements climatiques avec ses homologues en janvier, lors de laquelle on a insisté sur les chiffres afin que tous sachent que les défis sont énormes.
Comme vous l'avez dit, pendant une période de 15 ans, il sera nécessaire d'atteindre une réduction deux fois plus grande, une réduction que nous n'avons jamais atteinte au cours d'une décennie. Il s'agit d'un défi important, et c'est la raison pour laquelle nous avons entamé un processus avec les provinces et les territoires afin de mettre en place un plan, une stratégie, avant d'envisager une autre cible, c'est-à-dire qu'une réduction de 30 p. 100 est vraiment difficile à réaliser. Il ne s'agit pas de l'absence de cibles, mais de l'absence d'un plan pour atteindre ces cibles.
Le sénateur Massicotte: L'International Energy Agency (IEA) mène des études. Selon ses projections, malgré les politiques environnementales mises en œuvre par tous les gouvernements, la température de la planète, à l'heure actuelle, est de 4,5 à 5,2 p. 100. Cela va à l'encontre de ce qui avait été promis. Nous sommes loin des 1,5 ou 2 p. 100. Il est beau de se dire que tout ira pour le mieux, mais on parle de l'économie et on argumente sur des questions techniques. J'ai l'impression qu'on ne parle pas des vraies choses. Nous sommes loin de tenir de vrais débats sur les moyens que nous prendrons pour y parvenir.
M. McDougall: D'abord, les mesures qui ont été proposées par les pays avant la conférence de Paris indiqueraient que l'augmentation de la température, grâce à la mise en application de toutes les Contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), serait de 2,7 p. 100, si je me souviens bien. Donc, c'est mieux que ce qui a été indiqué par l'IEA, mais il y encore des efforts à faire à ce chapitre. L'autre aspect important est l'élément structurel de l'Accord de Paris. Tous les cinq ans, d'autres documents seront déposés.
[Traduction]
Le sénateur Black: Je vous remercie pour votre présence et pour le travail que vous effectuez.
Les Canadiens, et bien sûr les Albertains, que je représente, acceptent la nécessité de faire tout ce que nous pouvons pour réduire notre empreinte carbone, mais les Albertains ont également un esprit pratique. J'aimerais discuter avec vous de certaines des statistiques que vous nous avez fournies. Vous pouvez peut-être m'aider à comprendre comment réaliser la quadrature du cercle et atteindre un équilibre entre la nécessité de réduire notre empreinte carbone et celle de maintenir le niveau de vie des Canadiens. Je vais m'attarder là-dessus.
Premièrement, pouvez-vous nous dire dans quelle proportion le Canada contribue-t-il aux émissions mondiales de carbone? S'agit-il de 2 p. 100?
M. McDougall: C'est maintenant moins que cela. Il s'agissait de 2 p. 100 il y a quelques années. La dernière fois que j'ai vérifié, ce pourcentage était passé à 1,6 p. 100.
Le sénateur Black: C'est ce que je croyais.
M. McDougall: Cela ne signifie pas que nous avons largement réduit nos émissions, mais plutôt que d'autres pays ont augmenté énormément leurs émissions.
Le sénateur Black: Quoi qu'il en soit, de façon générale, les Canadiens qui nous écoutent devraient comprendre que le Canada contribue à 1,6 p. 100 des émissions mondiales de carbone. C'est bien cela?
M. McDougall: C'est exact.
Le sénateur Black: C'est très bien. Vous nous avez dit aujourd'hui que le Canada a pour objectif d'éliminer de l'environnement et de l'atmosphère 300 millions de tonnes d'émissions d'ici 2030, ce qui signifie que nous devrons doubler les efforts que nous avons consentis jusqu'à maintenant. C'est un excellent objectif; nous en convenons tous. Cependant, pouvez-vous expliquer aux Canadiens comment nous allons maintenir notre niveau de vie et notre prospérité tout en atteignant cet objectif? Je ne dis pas que c'est impossible; je veux seulement que vous nous indiquiez clairement les deux ou trois étapes à franchir pour atteindre cet équilibre.
M. McDougall: En tant que haut fonctionnaire du gouvernement, je n'ai pas toutes les réponses à vos questions. Cependant, je voudrais souligner, comme je l'ai mentionné au début, que la façon d'aborder cet enjeu est très importante. Il faut d'abord se pencher sur la réduction des émissions. Ensuite, il faut se demander comment on peut continuer de réduire les émissions tout en favorisant la croissance économique.
Si vous avez entendu ce que la ministre a dit avant, pendant et depuis la conférence de Paris, si vous avez entendu ce qu'a dit le premier ministre, si vous avez entendu ce qu'ont dit les premiers ministres des provinces et des territoires, vous avez constaté qu'ils ont insisté sur le maintien du niveau de vie et sur les possibilités économiques. Il ne s'agit pas de seulement porter un cilice.
Comme j'ai essayé de l'expliquer au début, les possibilités de croissance seront assez nombreuses à l'échelle mondiale. À la conférence de Paris, tous les pays ont pris des engagements, qu'ils devront respecter. Pour ce faire, un grand nombre de pays dont le taux de croissance est beaucoup plus élevé que celui du Canada, par exemple 6 ou 8 p. 100 par année, devront procéder à des changements très importants. Un grand nombre de ces changements touchent des domaines où le Canada a un avantage sur le plan économique, car nous avons déjà fait certains de ces changements. Nos entreprises se sont adaptées en conséquence. Notre pays fournit d'excellents services pour l'expansion du commerce et il s'est doté de programmes de soutien à l'expansion des exportations.
Il y a donc beaucoup de possibilités qui s'offrent aux entreprises canadiennes, que ce soit au pays, ailleurs en Amérique du Nord ou dans le monde. C'est largement dans cette optique que le gouvernement aborde cet enjeu et c'est en grande partie ce qui oriente l'élaboration du cadre pancanadien.
Le sénateur Black: Je suis en faveur de cela. J'espère que vous avez raison, mais il faut surtout dire «nous espérons que nous avons raison». L'atteinte de nos objectifs et le maintien de notre prospérité reposent donc en majeure partie sur la chance et l'espoir.
M. McDougall: Ainsi qu'un travail acharné.
Le sénateur Black: Il est certain que nous allons travailler fort; nous sommes des Canadiens.
J'ai une dernière question à vous poser. Pour ce qui est des domaines visés, que faisons-nous pour cibler la consommation d'énergie par les citoyens afin de s'attaquer au problème? Je crois savoir que ce sont les citoyens, comme vous et moi, qui contribuent en majeure partie aux émissions de carbone, notamment lorsqu'ils conduisent leurs véhicules, qu'ils utilisent des appareils, et cetera. Dites-moi ce que vous allez faire pour vous adapter, ce que vous allez imposer aux Canadiens et comment vous allez les informer. Qu'allez-vous faire?
M. McDougall: Il y a deux choses. Premièrement, ce qui est important, c'est fixer le prix du carbone et mettre un prix sur les émissions pour que ce ne soit plus une externalité; il faut que ce soit intégré dans notre système économique. C'est l'un des éléments fondamentaux dont a parlé le gouvernement.
Depuis la conférence de Paris, nous travaillons à l'élaboration, en collaboration avec les provinces, du tout premier cadre pancanadien, qui découle de la Déclaration de Vancouver, qui donne à penser que la tarification du carbone fera partie de l'approche adoptée. Lorsqu'on met en place un système de tarification du carbone, on se trouve à faire exactement ce que vous laissez entendre qu'il faut faire. Si un tel système vise une vaste gamme d'émissions, il y aura une incidence sur les consommateurs.
Le sénateur Black: Vous êtes d'accord en partie seulement.
M. McDougall: Oui, en partie.
Dans la Déclaration de Vancouver, il est aussi question d'un processus complémentaire de consultation du public et de communication. Nous examinons ce que nous pouvons faire, notamment à l'aide de l'approche de l'économie comportementale, si je puis dire. Un grand nombre de pays se penchent là-dessus, pour voir à quel moment on peut réellement changer le comportement du consommateur et faire des choix différents.
Il faut aussi miser sur la sensibilisation. Ce genre d'information est important.
Mike Beale, sous-ministre adjoint, Direction générale de l'intendance environnementale, Environnement et Changement climatique Canada: Je veux seulement ajouter que la réglementation actuelle sur les véhicules constitue un autre élément. Il s'agit d'un exemple intéressant pour ce qui est des coûts. Je ne pense pas que tout le monde soit conscient du fait que la réglementation sur les véhicules que le Canada et les États-Unis ont élaborée est très audacieuse et que les règlements que nous avons mis en place récemment seront en vigueur jusqu'en 2026. La réglementation va en quelque sorte révolutionner la façon dont les constructeurs automobiles fabriquent leurs voitures. Elle contribue à modifier réellement la conception et les matériaux utilisés. Elle contribuera à réduire grandement les émissions de gaz à effet de serre produites par chaque véhicule. Tout cela a une incidence sur les consommateurs, car ils paient davantage pour leurs véhicules. Ce sont eux qui absorbent la hausse des coûts. Cependant, les analyses effectuées par l'équipe de Derek au sujet de cette réglementation révèlent que les consommateurs peuvent récupérer ces coûts en l'espace d'environ trois ans.
Il est vrai que les véhicules coûtent plus cher et que les consommateurs absorbent cette hausse du prix, mais puisque les véhicules consomment moins d'essence, les consommateurs récupèrent le coût assez rapidement. Il s'agit d'un exemple intéressant qui démontre comment on peut concilier économie et environnement.
Le sénateur Black: Je vous remercie messieurs pour vos réponses.
La sénatrice McCoy: Vous avez pris la peine de mentionner que certaines des initiatives les plus récentes n'ont pas été prises en compte. Cela m'amène à la page 10 de votre document, qui porte sur l'électricité. J'aimerais vous faire une petite demande, car au deuxième point il est écrit «élimination progressive du charbon en Ontario». L'Alberta a elle aussi annoncé l'élimination progressive du charbon. Est-ce que c'était avant ou après Noël? Je crois que c'était avant Noël. Je vous le mentionne au cas où vous présentiez ce document à d'autres personnes.
L'Alberta, que je représente, a procédé à des changements considérables. Elle a également fixé un plafond pour les émissions causées par l'exploitation des sables bitumineux. C'est une question de fierté régionale, mais je crois qu'il est aussi très important pour le Canada de faire savoir à nos clients potentiels dans d'autres régions du monde, particulièrement en Europe, mais aussi en Asie, que ces changements ont été apportés. Je vous serais très reconnaissante de transmettre ce message chaque fois que vous le pouvez.
Une autre initiative, pour revenir à ce que vous avez dit au sujet des provinces qui ont la chance d'avoir d'importants aménagements hydroélectriques, inclut celle de Terre-Neuve. En ce moment, l'une des plus importantes collaborations au Canada est celle qui existe entre les provinces des Maritimes à l'égard du nouveau projet de Muskrat Falls. Ce projet devrait figurer parmi vos principales initiatives, car il aura une incidence positive sur les émissions dans les autres provinces des Maritimes. Je tenais à mentionner cela.
Je veux vous interroger au sujet de Mission Innovation, annoncée à Paris, qui est une initiative menée par Bill Gates. Une vingtaine de pays ont accepté de se joindre à l'initiative. Sur la scène, Barack Obama, avec Justin Trudeau à ses côtés, a annoncé l'initiative Mission Innovation, qui vise à amener ces 20 pays à doubler les investissements en R-D dans le secteur des énergies propres. À quel ministère iront les fonds?
M. McDougall: Probablement à deux ministères en particulier, c'est-à-dire Ressources naturelles Canada et ISDE, à savoir Innovation, Science et Développement économique.
La sénatrice McCoy: Nous devrions faire un suivi auprès d'eux.
La Green Tech Alliance a adressé une lettre ouverte au premier ministre le jour de la diffusion de la Déclaration de Vancouver. Elle porte sur le point qu'a fait valoir le sénateur Black. Ces gens sont convaincus que nous pouvons faire beaucoup d'argent si nous mettons en place les bonnes politiques. Je suppose qu'au lieu de nous adresser à vous, nous devrions nous adresser à l'industrie et à Ressources naturelles Canada.
M. McDougall: Oui, vous avez abordé deux points, et le groupe de travail sur les mesures d'atténuation, en vertu de la Déclaration de Vancouver, se penchera sur l'électricité, non seulement du point de vue de la production, mais aussi du transport. Il est bien de se pencher sur les deux éléments de l'équation.
La sénatrice McCoy: Oui, en effet.
M. McDougall: Il est certain que le projet de Muskrat Falls sera profitable pour toutes les provinces des Maritimes. Le Québec et l'Ontario ont également parlé de travailler ensemble. Le Manitoba et la Saskatchewan ont convenu de certaines choses également.
La sénatrice McCoy: Le Manitoba et l'Alberta ont aussi entamé des discussions. Aucune entente n'a été conclue pour l'instant, mais il y a des discussions.
M. McDougall: Notre réseau s'est davantage développé du nord au sud sur le plan régional plutôt que d'est en ouest.
La sénatrice McCoy: Nous n'avons jamais pu auparavant nous permettre de le développer d'est en ouest.
M. McDougall: Nous commençons à envisager des interconnexions de ce point de vue. Les responsables du dossier de l'électricité à Ressources naturelles Canada se penchent là-dessus.
Le Conseil de la fédération, dans le cadre de sa Stratégie canadienne de l'énergie, examine également cette question, et le gouvernement du Canada participera à ces travaux également.
La sénatrice McCoy: C'est bien.
La sénatrice Seidman: Monsieur McDougall, lorsque vous avez parlé du secteur de l'électricité, vous avez mentionné qu'il est déjà extrêmement efficace, mais que nous pouvons en faire davantage. Vous n'en n'avez pas dit plus long à ce sujet. Puis-je vous demander de nous expliquer ce que vous vouliez dire quand vous avez affirmé que nous pouvons en faire davantage?
M. McDougall: Il y a des choses que nous pouvons faire à plusieurs égards. Il y a deux éléments structuraux de base en ce qui concerne la production d'électricité. Il se passe beaucoup de choses dans ce domaine. Des projets hydroélectriques sont en cours de réalisation. Le projet de Muskrat Falls, par exemple, est une première phase. Le projet de Gull Lake constitue une deuxième phase, je crois. C'est la deuxième phase du projet Churchill. C'est pour plus tard; nous ne sommes pas encore rendus à cette étape.
Un peu partout au pays, un certain nombre de projets hydroélectriques sont en train d'être réalisés. Les projets d'énergie solaire, géothermique et éolienne sont importants dans le secteur des énergies renouvelables.
Le transport, je le répète, est aussi un élément important. Comment pouvons-nous établir des connexions est-ouest sur le plan régional — peut-être pas national — afin que des provinces qui n'ont pas la chance d'avoir les ressources naturelles nécessaires à la production puissent bénéficier de cette forme d'électricité qui produit peu d'émissions? Il existe certaines possibilités.
De même, à l'échelle du Canada et des États-Unis ou même du continent, nous travaillons avec nos partenaires en ce qui concerne certaines des interconnexions.
La sénatrice Seidman: Selon votre évaluation, quel est l'état de l'infrastructure électrique à l'heure actuelle, et quel type d'investissement serait nécessaire pour réaliser ce qu'il faut en matière de production et de transport?
M. McDougall: Je m'occupe des politiques, alors je ne connais pas grand-chose à ce sujet. Le comité pourrait peut- être s'adresser à certains de nos collègues de Ressources naturelles Canada qui travaillent sur le dossier de l'électricité. Ce sont des experts en matière de production et de transport d'électricité. Nous établissons le cadre à l'intérieur duquel ils peuvent œuvrer pour faire avancer les choses.
La sénatrice Seidman: J'aimerais vous interroger au sujet des collectivités du Nord, car notre comité a effectué une étude sur l'énergie dans le Nord. Au cours de la rencontre des premiers ministres à Vancouver plus tôt ce mois-ci, le gouvernement s'est engagé à faire progresser les efforts d'élimination du diesel dans les communautés autochtones, éloignées ou nordiques.
Lorsque nous avons effectué notre étude sur la consommation d'énergie et l'approvisionnement dans les territoires du Nord, de nombreux témoins ont expliqué que le diesel est la source de carburant la moins chère, la plus fiable et la plus efficace dans les territoires du Nord. Sachant qu'il y a cette dépendance — et je ne dis pas que c'est la meilleure situation — particulièrement dans les collectivités éloignées du Nord, qui ne sont pas connectées au réseau, de quelle façon vos plans vont-ils contribuer à éliminer ou à diminuer cette dépendance?
M. McDougall: Encore une fois, je ne prétends pas avoir toutes les réponses à vos questions, mais je peux vous dire que les gouvernements fédéral et provinciaux se pencheront là-dessus. Dans le cadre de la Stratégie canadienne de l'énergie, annoncée par les provinces en juillet dernier, on a convenu qu'il pourrait s'agir d'un aspect à examiner, alors on a commencé à travailler là-dessus.
La technologie continue d'évoluer assez rapidement. Ce qui est valable cette année pourrait ne plus l'être du tout l'année prochaine. Nous n'examinons pas uniquement la quantité d'émissions de gaz à effet de serre associée à l'utilisation du diesel, car elle est assez petite. Nous envisageons la question dans une optique plus vaste en examinant les aspects liés à la santé. Une étude récente effectuée par le ministère de la Santé porte sur les effets sur la santé des émissions de diesel. Lorsqu'il est question des petites collectivités éloignées, il faut tenir compte également des éventuelles répercussions importantes sur la santé.
Je le répète, l'estimation des coûts ne doit pas inclure strictement les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi certains aspects connexes.
[Français]
La sénatrice Bellemare: Monsieur McDougall, si je reviens aux projections d'émissions de gaz à effet de serre — je crois que cela se trouve à la page 6 ou 7 —, le scénario de la faible croissance est le scénario qui crée le moins d'émissions de gaz à effet de serre, alors que le scénario de la croissance élevée en crée beaucoup plus, toutes choses étant égales, par ailleurs.
Je voudrais simplement souligner que ce modèle est un peu contradictoire, parce que le scénario élevé, qui n'est tout de même pas si élevé en termes de croissance économique, nous éloigne de nos objectifs. En d'autres mots, si une catastrophe se présentait tout à coup et que le taux de chômage augmentait au Canada, on pourrait peut-être atteindre nos objectifs. Cependant, je n'en suis pas si certaine, parce que selon le scénario de croissance élevée, les gens plus fortunés peuvent changer leurs comportements pour diminuer leur consommation d'énergie, alors que le scénario de faible croissance fera en sorte que les gens consommeront de façon plus énergivore, car leur budget les empêchera d'isoler leurs fenêtres, par exemple, ou d'acheter des voitures vertes. Je voulais simplement souligner cet élément. Il est bon de le dire, parce que ce n'est pas contradictoire. Même si cela semble contradictoire, il est important de le souligner quelque part dans le rapport.
Seriez-vous en mesure d'évaluer l'impact, sur ces prévisions, de l'adoption d'une taxe sur le carbone? Avez-vous tenté d'évaluer quel en serait l'effet quant aux émissions de gaz à effet de serre?
M. McDougall: Tout d'abord, je tiens à préciser que vous avez bien articulé le problème. C'est la réalité.
[Traduction]
L'autre aspect, c'est que depuis les dernières années, il y a une séparation entre la croissance économique et les émissions. Nous commençons à le voir. Les deux ne vont plus de pair; elles suivent des trajectoires différentes.
Au Canada, en ce moment, la croissance va dans une direction — elle augmente —, tandis que, simultanément, les émissions commencent à diminuer. C'est possible et c'est ce qui se produit actuellement.
[Français]
En termes de projections associées à la tarification du carbone, oui, nous avons la capacité d'examiner l'impact de la tarification à différents niveaux et son application dans certains secteurs.
La sénatrice Bellemare: Avez-vous essayé?
M. McDougall: Oui, on a déjà commencé.
La sénatrice Bellemare: Quel est le résultat? Est-il possible, avec ces techniques, d'arriver à nos objectifs?
M. McDougall: Oui, c'est possible. Cela demanderait d'autres changements et un niveau de tarification assez élevé. Il faudrait jumeler différentes mesures à la tarification du carbone. Presque tous les pays et toutes les provinces qui ont établi une tarification du carbone ont utilisé des mesures complémentaires à ladite tarification. La tarification du carbone n'est presque jamais utilisée seule. Le niveau de tarification serait difficile à appliquer sans cela. Le défi est de chercher l'équilibre entre la tarification et d'autres mesures.
La sénatrice Bellemare: Lorsque vous avez fait vos évaluations pour mesurer l'impact de la tarification, dans le modèle que vous avez utilisé, la tarification hypothétique était-elle élevée? Cela entraînerait-il une augmentation importante des prix? Avez-vous un ordre de grandeur à nous donner concernant les essais que vous avez effectués dans votre modèle économique?
M. McDougall: Oui, c'est quelque chose que nous pouvons examiner.
Le sénateur Massicotte: Quel était votre chiffre?
M. McDougall: Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais c'était assez élevé. La réalité, c'est que la tarification n'est presque jamais utilisée seule et elle est accompagnée d'autres mesures.
[Traduction]
Le président: Merci.
Le sénateur Mockler: J'ai une seule question. J'aimerais participer à la deuxième série de questions, après.
[Français]
Monsieur McDougall, vous avez parlé un peu de ce qui se fait en Atlantique. Lorsque vous parlez de l'Atlantique, incluez-vous la province de Québec ou seulement les quatre provinces de l'Atlantique?
M. McDougall: Cela dépend des circonstances. Parfois, c'est le Québec et les provinces de l'Atlantique qui ont un lien avec les représentants de la Nouvelle-Angleterre, alors que dans d'autres circonstances, il ne s'agit que de trois, quatre ou cinq provinces.
Le sénateur Mockler: Étant donné qu'on parle des émissions de gaz à effet de serre, lequel des trois moyens de transport du pétrole en émet le moins: par camionnage, par voie ferroviaire ou par pipeline? Je comprendrai si vous préférez ne pas répondre, mais selon votre expérience, lequel de ces réseaux produit le moins d'émissions de gaz à effet de serre à travers l'Atlantique?
M. McDougall: Je n'ai pas les chiffres en main pour répondre à cette question. Je sais que cela a été fait dans le contexte du pipeline Keystone XL, aux États-Unis. Je n'ai pas vu de rapport produit sur cette question au Canada. C'est peut-être, comme vous l'avez mentionné, un dossier dont est saisi l'Office national de l'énergie.
M. Beale: Je crois que les émissions directes associées aux pipelines sont assez minimes.
[Traduction]
Les émissions directes des pipelines pétroliers en particulier sont plutôt minimes.
Le sénateur Mockler: Dans ce cas, si je vous présente les trois moyens — le transport par voie terrestre, par voie ferrée et par pipeline —, quelle est la formule? Pourquoi me dites-vous que le pipeline produit le moins d'émissions? Sur quelle formule votre décision est-elle fondée?
M. Beale: C'est simplement la technologie. Les émissions produites par le transport même du pétrole dans le pipeline... Puisque le pétrole est liquide, les émissions requises pour le transporter par pipeline sont relativement faibles. Ce n'est pas comme un pipeline gazier, où il y a parfois des émanations ou des émissions fugitives. Peu d'émissions sont causées par des fuites, tandis que, évidemment, si nous parlons de transport ferroviaire, comment... S'agit-il d'un train au diesel? Si vous parlez de camions, des trois moyens, c'est vraisemblablement celui qui produirait le plus d'émissions.
Cela dit, évidemment, toute une gamme d'impacts environnementaux est associée au transport du pétrole. C'est pourquoi, dans le processus de l'ONE, on examine non seulement les impacts environnementaux, mais aussi d'autres répercussions, comme sur le plan de la sécurité. Tous ces facteurs entrent dans le calcul.
Le président: Juste pour ajouter à cela, je sais qu'il faut comprimer le gaz pour le faire entrer dans le pipeline, mais il faut aussi pomper le pétrole. Ce n'est pas parce que c'est un liquide qu'il coule. Il n'y a pas seulement des descentes. D'après mon expérience, dans le monde que je connais, le pétrole et le gaz naturel produisent tous les deux une quantité assez importante d'émissions, je crois.
J'aimerais poser deux ou trois questions. Nous avons terminé le premier tour, et je vais en profiter pour lancer quelques questions.
Le secteur canadien des technologies propres a généré environ 11,7 milliards de dollars en revenus. Je ne suis pas ici pour contester ce chiffre, mais j'aimerais beaucoup savoir comment les technologies propres ont donné 11,7 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent en un an. Pouvez-vous me donner une idée au moins de la source principale de ces revenus? Si vous voulez, vous pouvez nous envoyer une liste de ce que les 11,7 milliards de dollars comprennent et du montant généré par chaque produit.
M. McDougall: Je cherche dans mes notes parce que je pense que j'ai apporté une étude, mais au lieu que j'essaie de deviner, ce serait probablement plus sûr que nous vous envoyions ces travaux.
Le président: Certainement. Est-ce que ce sont vos données ou est-ce qu'elles proviennent du ministère des Finances?
M. McDougall: Ce sont les données recueillies par des organismes externes qui mènent ce genre d'études.
Le président: D'accord. C'est très bien parce que des choses intéressantes se cachent parfois dans ces données.
Ensuite, je regarde votre graphique de la page 7. Selon le cas de référence, la moyenne, nous devons faire une réduction de 300 mégatonnes d'ici 2030. C'est dans 15 ans.
J'ai un autre graphique qui me montre en pourcentages et en chiffres les émissions de gaz à effet de serre produites réellement par chaque secteur — par exemple, le transport, l'électricité, le pétrole et le gaz, les déchets et autres.
Les projections pour 2030 du secteur du pétrole et du gaz, avec les programmes actuels, sont de 242 mégatonnes. Les autres sont toutes beaucoup plus basses. Quand je regarde ces chiffres, je commence à avoir un peu peur de ce qu'il faut retirer totalement de l'économie pour atteindre certaines cibles.
Je veux que vous compreniez que je n'essaie pas de vous convaincre qu'il n'y a pas de changements climatiques. Notre tâche principale est de déterminer combien cela va coûter au Canadien moyen. À ma connaissance, personne ne donne ce montant à la population. Ce n'est pas votre responsabilité; c'est la responsabilité du gouvernement. «Voici nos cibles. Voici ce que cela va vous coûter.» À ce jour, personne n'a osé déclarer: «Voici ce que cela va vous coûter.» Tout le monde a peur.
Avec l'électricité, par exemple, on dirait: «Prenez le Danemark.» Les Danois utilisent beaucoup moins d'électricité par personne que les Canadiens parce que l'électricité leur coûte quatre fois plus cher. Si votre facture d'électricité est de 100$ par mois, au Danemark, elle serait de 400$. Cela vous encouragerait à éteindre les lumières et à ne pas utiliser autant d'électricité.
La superficie du Danemark est si petite que le pays ferait presque à l'intérieur d'une de nos grandes villes. Les gens vivent beaucoup plus près les uns des autres. Ils n'ont pas les mêmes problèmes énormes de transport que nous.
Même si on retirait totalement le secteur du pétrole et du gaz, si on l'éliminait, je ne sais pas comment nous fonctionnerions, car le pétrole et le gaz sont une partie intégrante de nos vies. C'est partout autour de nous. En éliminant le secteur de l'agriculture, on atteindrait les 300 millions de tonnes. Nous ne pouvons pas prendre de telles mesures.
Je dois me sentir à l'aise pour mieux comprendre, plutôt que de dire simplement: «Voici les montants de tonnes.» La ministre ou le ministère responsable doit trouver un moyen de commencer à donner des coûts réels. Le sénateur Massicotte en a parlé plus tôt.
Nous devons dire aux Canadiens combien cela va leur coûter au final. C'est bien de parler de la haute technologie à venir. Je comprends. C'est très bien. Or, je présume qu'il y a un lien avec une grande partie de cette haute technologie. Ces 11 milliards de dollars doivent être liés au secteur du pétrole et du gaz puisque c'est un des plus grands utilisateurs de haute technologie au Canada, à ma connaissance.
Avez-vous une idée de la manière dont vous pouvez prendre ce genre de mesures de façon à ce que la population sache un peu ce qui se passe? Je crois que beaucoup de gens pensent qu'une grande entreprise assumera tous les frais. Eh bien, savez-vous quoi? Les grandes entreprises répercutent ces frais. Les particuliers finissent par payer.
Seriez-vous capables de mettre ces informations dans des graphiques ou de nous présenter vos prévisions?
M. McDougall: Tout d'abord, je suis d'accord avec vous. En publiant ces renseignements, nous espérons accomplir une partie de notre tâche, c'est-à-dire mettre les gens au courant du défi et de son ampleur. Comme vous le dites, ce n'est pas un petit projet. C'est un projet immense, qui comprend des coûts. Toutefois, il comprend aussi des avantages.
J'attirerais aussi votre attention sur la Déclaration de Vancouver et sur les travaux qui seront entrepris durant les six prochains mois. Je vous cite le mandat que les premiers ministres ont donné aux quatre groupes de travail qui examineront la question: «Chaque groupe de travail évaluera l'impact en termes de résultats économiques et environnementaux.»
Le type d'information que vous cherchez et que vous demandez de rendre publique — je suis d'accord avec vous là- dessus —, c'est ce que les groupes ont la tâche d'examiner. Ils doivent aussi préparer des rapports, tant sur l'aspect environnemental qu'économique.
Le président: Je comprends, mais les économistes disent toujours que le secteur des technologies propres a généré 11,4 milliards de dollars l'an dernier, et nous rions. Cette donnée ne veut rien dire pour les gens dans la rue. C'est un gros chiffre. En fait, c'est faux qu'elle ne veut rien dire. Elle veut dire quelque chose puisque les gens y travaillent. Comprenez-moi bien. C'est un chiffre élevé, c'est beaucoup d'argent, mais cette donnée ne dit pas: «Fred, Marthe, vous allez payer ce montant de plus pour l'électricité.»
Nous les mélangeons en parlant de l'électricité. Nous sommes déjà à 80 p. 100. Nous nous situons au troisième rang mondial des pays propres. Or, nous avons tendance à ajouter: «Nous avons juste à construire plus de centrales solaires et d'éoliennes, et tout ira bien.» Ce n'est pas vrai. Ce l'est peut-être jusqu'à un certain point pour la production d'électricité, mais ce ne l'est pas complètement. Le pétrole et le gaz sont liés à tout ce que vous voyez ici, y compris vos vêtements.
C'est ce que le comité veut faire. J'espère que votre ministère nous aidera à trouver la somme en question et à transmettre le message, pour que les gens dans la rue aient une idée générale de ce que cela va leur coûter. C'est un projet immense. C'est incroyable parce que les gens ne sont pas au courant. Mon temps de parole est écoulé, alors je vais faire attention.
On n'asphalte même plus les routes. La ministre de l'Environnement était en Alberta et elle parlait d'asphalter les routes de Banff. L'asphalte, c'est le fond du baril de pétrole. Personne n'a encore déclaré que nous allions changer cela et revêtir nos routes d'autre chose, à part du béton, et la production de ciment nécessite énormément d'énergie. Nous le savons. Certains groupes cimentiers ont déjà quitté le Canada simplement à cause des frais que nous imposons sur les gaz à effet de serre et ce genre de choses. Je vais m'arrêter là.
Le sénateur Massicotte: Tout le monde parle de la croissance du PIB, et nous justifions souvent les investissements en disant: «Regardez l'incidence sur le PIB.» Permettez-moi de souligner quelques points. Si vous creusez un trou et cela coûte 100$, puis vous le remplissez et cela coûte encore 100$, ai-je raison de dire que vous augmentez le PIB de 200$? La réponse est oui. Il faut donc se méfier de la croissance du PIB.
On peut faire beaucoup de choses qui paraissent bien sur le plan du PIB, mais la question pertinente, c'est de se demander quel est l'investissement le plus productif. Si la solution de haute technologie va coûter deux fois plus cher que la solution de basse technologie, oui, le PIB va augmenter, mais la qualité de vie des Canadiens, elle, va diminuer.
Je vous préviens — je nous préviens tous — de faire attention à cela. Nous jouons avec les chiffres et la croissance du PIB, mais souvent, ce n'est pas ce qu'il y a de plus productif.
Il en va de même pour la technologie. J'espère que votre plan ou le nôtre pour les Canadiens n'est pas de laisser la technologie trouver une solution. Elle en trouvera peut-être une, mais c'est comme la loterie: il ne faut pas compter là- dessus. Nous devons élaborer de vrais plans pour influencer les consommateurs et tout le reste.
Au sujet d'information additionnelle que je pourrais transmettre, je ne serais pas contre l'idée que vous fassiez les projections en tenant pour acquis que la politique gouvernementale est en place. Je crois fermement aux forces du marché. Le changement est de 40 p. 100; c'est considérable. Il faut pénétrer toute l'économie pour y arriver, ce qui veut dire qu'il faut fixer le prix du carbone. J'aimerais voir une simulation: combien doit coûter le carbone pour atteindre une réduction de 40 p. 100? Je présume que le prix doit être supérieur à 150$ la tonne.
Pouvez-vous communiquer avec nous à nouveau pour nous dire, toutes choses égales d'ailleurs, combien il faudrait que le carbone coûte pour réduire les gaz à effet de serre de 40 p. 100? Est-ce que cela vous va, monsieur le président?
Le président: Oui.
Le sénateur Mitchell: On dit souvent que cela ne donne pas grand-chose que le Canada agisse avant la Chine. Je trouve cet argument réducteur, mais juste aux fins de la discussion, pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que la Chine fait? Je lis de plus en plus qu'elle prend la question très au sérieux parce qu'elle n'a pas seulement un problème d'émissions: elle ne peut pas respirer. Que se passe-t-il au sein de son économie? Où en est-elle? Est-elle heureuse que nous pensions qu'elle ne fait rien, car ainsi, elle n'a pas à nous concurrencer pendant qu'elle crée les technologies qui réduiront les émissions?
M. McDougall: La Chine s'est donné l'objectif de faire plafonner ses émissions en 2020, si je me rappelle bien. Elle a lancé des programmes très concrets pour y arriver. Par exemple, elle a instauré des mécanismes nationaux de fixation des prix du carbone. Elle travaille à sept projets pilotes liés aux différentes formes d'un système de plafonnement et d'échange. Quand la Chine mène un projet pilote, elle le fait à une échelle énorme, beaucoup plus grande qu'un pays entier dans un de ces projets, par exemple. C'est presque dur à concevoir.
Elle prend aussi beaucoup de mesures complémentaires pour remplacer le charbon, ce qui aura d'assez grandes répercussions sur son économie. Elle doit apporter des changements structurels énormes à son économie pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés. Elle commence à prendre des mesures en ce sens. Elle ne reste pas assise à ne rien faire. Elle adopte des mesures sérieuses et elle les met en œuvre.
Le sénateur Mitchell: Il semble y avoir une discussion continue sur l'infrastructure liée aux voitures électriques à pile à combustible. Toyota a pris la décision remarquable d'utiliser des piles à combustible. Je ne comprends pas. Je ne vois pas comment la création de stations-services électriques ou de stations-services proposant de l'hydrogène peut être si coûteuse; les possibilités de vendre des millions de ces voitures dépasseraient l'investissement nécessaire.
Est-ce que la réponse, c'est que le gouvernement doit offrir des incitatifs? Est-ce que cela encouragerait les constructeurs? Ou ne sont-ils pas rendus au point où ils en vendent assez pour justifier qu'ils fassent l'investissement? Est-ce que l'infrastructure nuit vraiment à la construction de voitures électriques ou à pile à combustible?
M. McDougall: Je dirais que le manque d'infrastructure nuit. Ensuite, il faut se demander à qui revient la responsabilité de créer l'infrastructure: au secteur privé ou au gouvernement?
D'un point de vue économique, on dirait que dans certains cas, le gouvernement a un rôle à jouer dans la mise en place initiale de ces technologies émergentes et de ces changements structurels, et que, par la suite, les forces du marché peuvent prendre la relève. J'ai l'impression que ce sont probablement des hypothèses et des opinions plus que n'importe quoi d'autre, mais je pense que nous en sommes à cette étape.
J'ai récemment assisté à une autre présentation avec des gens du Québec qui avaient fait une analyse sur ce qui va se produire. Dans la perspective de l'échéance de 2020 et en tenant compte, par exemple, de ce que le gouvernement du Québec a mis en place ou de ce à quoi il s'est engagé, je crois qu'il est probable qu'il réussira à doter les infrastructures publiques d'un plus grand nombre de bornes de recharge pour voitures électriques qu'il y a de stations-service. À vrai dire, l'écart n'est vraiment pas grand.
Il faut effectivement atteindre une masse critique. Dans une certaine mesure, c'est un peu comme la question de «l'œuf ou la poule», mais une fois que les infrastructures de rechargement seront à ce point avancées, les forces qui poussent les gens à adopter telle ou telle voiture commenceront à opérer. Si l'on ajoute à cela les mesures incitatives offertes par un certain nombre de programmes gouvernementaux — qui dépassent de beaucoup les 10000$ par voiture —, on se retrouve avec des prix comparables à ceux des voitures à essence. C'est à ce moment-là que l'on commence à voir du changement, où le changement commence à se produire.
Le sénateur Mitchell: C'est donc dire que ma voiture hybride pourrait devenir obsolète d'un jour à l'autre?
M. McDougall: C'est possible.
Le président: Merci. Pour poursuivre dans la même veine, la mise en place de bornes de recharge est une idée somme toute assez raisonnable. Ce ne sont pas des coûts exorbitants. Ce qui coûte cher, ce sont les installations pour le gaz naturel liquéfié ou l'hydrogène. Les vrais coûts sont là. Pour ce qui est des installations électriques, cela pourra se faire assez facilement.
En fait, c'est ce qu'a fait Port Metro Vancouver pour les navires, et c'est ce qui a été fait à maints endroits en Colombie-Britannique. Ces coûts sont bien connus.
La sénatrice McCoy: Pour en revenir à la question des technologies propres, s'agissait-il du rapport Analytica? Je l'ai lu, mais je n'avais pas accès au rapport en entier. L'avez-vous?
M. McDougall: Oui.
La sénatrice McCoy: Analytica dit que ce rapport a été produit pour ses propres membres, et que nous pourrions recevoir des représentants du secteur canadien des technologies propres pour qu'ils nous en parlent.
Ils disent qu'ils regroupent 50000 personnes employées directement par plus de 800 sociétés, et leur chiffre le plus récent est 12 milliards de dollars, ce qui correspond à ce que vous avez dit. Ils seraient peut-être disposés à nous laisser voir le rapport dans son entier. Analytica l'a produit pour son association sectorielle, mais il en a aussi fait un sommaire. Or, ce n'est pas quelque chose qu'il souhaite mettre entre les mains du premier venu. Je faisais partie de ces personnes à qui l'organisme ne voulait pas remettre le document. J'aimerais beaucoup voir la version intégrale. Le président du comité pourrait les inviter à comparaître et à apporter le rapport complet. Ce serait probablement une meilleure façon de procéder.
Le président: Nous verrons.
M. McDougall: Nous devrons nous assurer que nous ne violons pas de droit d'auteur. Si nous sommes en mesure de vous en procurer une copie, nous le ferons.
La sénatrice McCoy: Voilà une autre chose à ajouter à la liste des suivis à faire.
Si vous me le permettez, j'aurais moi aussi une question concernant le paragraphe 19 de l'article 4 de l'Accord de Paris, où l'on aborde la question de la stratégie de développement à faible émission de carbone dont Obama et Trudeau viennent d'avancer la mise en œuvre, la plaçant à 2016. Quel ministère est chargé de cette stratégie?
M. McDougall: Je crois que ce sera Environnement et Changement climatique Canada.
La sénatrice McCoy: C'est donc vous qui allez vous en occuper. Dans ce cas, la question suivante est très pertinente: avez-vous travaillé avec le Deep Decarbonization Pathways Project, que pilote un organisme de l'Alberta, Carbon Management Canada et Richard Adamson? Ils ont travaillé avec 16 autres pays et ils ont déposé un rapport lors de la conférence de Paris, en septembre dernier. Ils ont tracé tout le chemin à suivre pour assurer la décarbonisation et ils ont fixé le prix du carbone. Et ce prix est de 42$ la tonne, soit dit en passant. Est-ce que vous travaillez avec eux? Avez-vous adopté leurs conclusions? Que pensez-vous de ce rapport?
M. McDougall: Vous voulez savoir si nous travaillons avec eux? La réponse courte est oui, en quelque sorte, mais pas vraiment. Ils font leur travail en pleine autonomie, mais nous les connaissons tous. Dans la sphère de la modélisation qui s'intéresse à ces questions, c'est une communauté relativement modeste. Oui, nous sommes tout à fait au courant de leur existence. Nous avons lu leur rapport. C'est une des avenues possibles.
De nombreux scénarios distincts entrent en jeu. Comme vous le savez bien, il n'y a pas qu'une seule bonne réponse. Il y a de nombreuses façons de se rendre du point A au point B. Une partie de notre travail consistera à examiner les différentes solutions. Oui, ce groupe a cerné une solution. Nous allons sûrement essayer de la regarder de plus près et d'en jauger les répercussions.
Aussi, nous nous sommes engagés à faire cela en collaboration avec les États-Unis, mais nous n'avons pas encore fait de suivi auprès de nos collègues. Nous voulons tenter de nous assurer que nous allons faire cela sur une base nord- américaine comparable et compatible afin qu'ultimement, tout ce qui sera produit puisse fonctionner pour les deux économies et être intégré de part et d'autre.
La sénatrice McCoy: Cela m'amène à une question de suivi, en quelque sorte. Je ne veux pas être abrupte, je ne le veux vraiment pas, mais une pensée me vient tout de suite à l'esprit. Mon premier réflexe, c'est de me dire que vous n'allez pas refaire du travail qui a déjà été fait, n'est-ce pas? Ils ont déjà travaillé avec 16 pays. Ils travaillent tous ensemble, d'après ce que je comprends. Ils avaient une plateforme similaire. Nous n'allons tout de même pas tenter de réinventer la roue, ou est-ce le cas?
M. McDougall: Nous avons tellement de travail que nous rechercherons assurément à profiter des gains d'efficience possibles. Nous n'avons aucune intention de réinventer la roue, mais, quelle que soit la roue — son aspect, ses dimensions —, nous prendrons probablement le temps de l'examiner, oui.
La sénatrice McCoy: Ma question vous offusque-t-elle?
M. McDougall: Pas du tout.
Le sénateur Mockler: J'aimerais revenir aux chemins de fer, aux routes et aux pipelines. C'est une question de suivi relative à une question posée par le président et le vice-président. Pouvez-vous nous fournir un tableau qui illustrerait l'empreinte des chemins de fer, des routes et des pipelines?
M. Beale: Voulez-vous dire, en général, les émissions totales pour les pipelines, les chemins de fer et les routes? Oui. Nous pouvons assurément vous fournir ce tableau.
Le sénateur Mockler: Quand croyez-vous pouvoir nous le faire parvenir?
Le sénateur Massicotte: Permettez-moi de clarifier quelque chose. Vous allez nous fournir une étude montrant les émissions totales pour tous les chemins de fer, tous les pipelines et toutes les routes. Je pense que ce qu'il demande, c'est une comparaison entre les émissions pour un tronçon de pipeline de 500 miles et celles d'un tronçon de 500 miles de chemin de fer. Est-ce bien ce que vous voulez?
Le sénateur Mockler: Les émissions par mile pour le transport du pétrole.
M. Beale: Voilà pourquoi j'ai cherché à avoir l'heure juste. Non, s'il s'agit du transport du pétrole, je n'ai jamais vu de statistiques là-dessus. Je ne crois pas que qui que ce soit ait tenté de faire cette comparaison en ce qui a trait aux gaz à effet de serre.
Le sénateur Mockler: Très bien, alors je suis d'accord. Ce que vous dites pouvoir nous fournir, nous pouvons quand même l'avoir. C'est bien cela?
M. Beale: Oui.
Le sénateur Patterson: Une partie de votre exposé concernait les annonces faites récemment par les provinces et les territoires au sujet de la réduction des émissions d'ici 2030. Vous avez fait remarquer que la tarification du carbone a été mise en œuvre dans les provinces qui, en 2013, produisaient plus de 80 p. 100 des émissions du Canada. Je viens du Nunavut où, malheureusement, nous dépendons complètement du diesel pour notre électricité et notre chauffage et où il y a bien peu d'énergies de remplacements possibles. Bien sûr, nous aimerions changer cela.
Vous avez aussi parlé de la taxe sur le carbone lors de votre exposé et quand vous avez répondu aux questions. J'étais à la présentation du budget lorsque le ministre Morneau a parlé de cette taxe. Le concept d'une taxe sur le carbone effraie certaines personnes au Nunavut, car il s'agit d'une mesure conçue pour encourager les gens à éviter les énergies fossiles et à opter pour d'autres formes d'énergie. Nous n'avons pour l'instant aucune possibilité d'utiliser des énergies de remplacement.
Lorsque les ministres se sont rencontrés à Vancouver, je pense qu'il y avait une certaine disposition d'exclusion à l'égard des territoires. Leur déclaration a fait état d'autres types d'adaptation au changement climatique. Pouvez-vous nous dire comment une administration comme le Nunavut — où il ne vente pas toujours et où il ne fait pas toujours soleil — peut participer aux activités que vous avez décrites relativement à la nouvelle économie verte. Quelle est notre place dans tout ça, surtout si l'on considère qu'une taxe sur le carbone provoquera une augmentation généralisée des prix, ce que tout le monde redoute?
M. McDougall: Comme vous le faites remarquer, sénateur, la Déclaration de Vancouver sur la croissance propre et les changements climatiques reconnaît les circonstances particulières du Nord et des collectivités éloignées, et c'est un facteur qui sera pris en compte dans la tarification du carbone. Un groupe de travail a été créé pour examiner ces circonstances particulières et les façons d'en tenir compte.
Nous avons aussi parlé plus tôt des travaux amorcés l'an dernier par les provinces, du fait que nous commencions à nous y mêler et des façons d'éliminer la dépendance au diesel des collectivités éloignées et hors réseau. Nous nous sommes demandé s'il y avait des possibilités que cela puisse se faire. C'est un autre aspect du travail qui revêt une importance particulière pour le Nunavut et d'autres collectivités éloignées du Nord.
Je crois que les gouvernements territoriaux et leurs représentants travailleront sur tous ces aspects lorsqu'ils se présenteront à eux, y compris la question de l'innovation et des emplois. Je suis convaincu que cela fait partie du cadre d'analyse qu'ils utiliseront au fil de leurs travaux au sein des groupes de travail. Du reste, c'est quelque chose que nous allons nous aussi examiner, c'est-à-dire comment tout le monde au pays pourra tirer parti de ce changement. Nous ne voulons pas d'une situation où les gros joueurs accapareront à eux seuls tous les avantages. Le monde change de bien des façons et certaines sont propices à une participation innovatrice de toutes les parties du pays.
Le sénateur Patterson: Il est peut-être trop tôt pour en parler, mais comment pensez-vous que les collectivités éloignées vont s'affranchir du diesel? Il y en a 25 au Nunavut, et certaines ont moins de 150 habitants. À quoi peut-on s'attendre?
M. McDougall: J'aimerais pouvoir répondre à cela. C'est le travail que nous allons entreprendre. Nous fournirons une expertise technique à ces groupes. Les experts pourront effectivement répondre à ces questions et ils seront en mesure de dire si les technologies souhaitées existent déjà, certes, mais aussi donner des conseils sur les technologies qui viendront. Ces groupes ont aussi reçu le mandat de faire tous les travaux d'analyse additionnels dont ils ont besoin pour répondre à ce type de questions.
Nous n'avons peut-être pas encore toutes les réponses, mais au moins, des gens vont se pencher sur ces questions et s'interroger sérieusement sur ce qui peut être fait maintenant et sur le moment où des changements pourront être apportés. Ma réponse n'est peut-être pas satisfaisante, mais c'est tout ce que j'ai pour l'instant.
Le président: J'ai deux questions rapides à poser. À la page 2, on dit que la température moyenne dans l'Arctique a augmenté de 2,2 ºC. Cela concerne l'ensemble de l'Arctique, n'est-ce pas? Il y a ce dessin, ici. On y voit les augmentations de température pour les autres pays entourant...
M. McDougall: L'augmentation de la température est en grande partie causée par cela, oui, et par les tracés des courants et déplacements d'air. Une partie de cette augmentation n'est pas attribuable aux gaz à effet de serre. Certains autres travaux que nous avons faits par l'intermédiaire du Conseil de l'Arctique ont porté entre autres sur le carbone noir. Ce n'est pas un gaz à effet de serre, mais c'est un polluant qui a une incidence sur le climat — d'un point de vue atmosphérique — et qui se dépose sur la neige, en diminue le pouvoir de réflexion et modifie ce qui est retransmis dans l'atmosphère. Le carbone noir peut avoir un double effet de réchauffement.
Il y a environ deux ans, le Conseil de l'Arctique a mis sur pied un groupe de travail que préside le Canada. Le groupe a mis au point un plan pour l'ensemble du conseil — incluant aussi, nous l'espérons, tous les pays observateurs — pour que des mesures particulières soient prises afin de réduire le carbone noir et ses effets dans l'atmosphère.
Or, comme certains des pays observateurs du Conseil de l'Arctique sont des pays comme la Chine et d'autres grands pollueurs d'Asie, et que les dépôts de carbone noir sont au nord de ces régions, on a là un exemple d'un antidote raisonnablement modeste et circonscrit qui peut mener à des réductions mondiales assez importantes. Ce n'est pas comme pour la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques où il faut essayer de rallier 195 pays. Il n'y a que 20 pays, et ces 20 pays peuvent faire du bon travail à cet égard.
Le président: Pouvez-vous me dire quelle a été l'augmentation de la température au pôle Sud?
M. McDougall: Je ne le sais pas par cœur. Une bonne étude a été publiée en décembre par l'Organisation météorologique mondiale. On peut y voir un graphique formidable qui montre que les augmentations de température en fonction des latitudes tracent une parabole. Je peux en faire parvenir une copie au greffier pour que les membres du comité puissent en prendre connaissance.
Le président: Bien sûr. Ce serait très bien, je vous en remercie. Je crois que nos questions ont trouvé réponse.
La sénatrice McCoy: J'ai deux questions rapides. Je croyais que nous avions jusqu'à 19 heures.
Vous avez dit qu'il y avait d'autres pistes de solutions, des pistes qui misent sur le développement à faibles émissions de carbone. Quelles sont les pistes de solution que vous...
M. McDougall: Désolé. Je ne faisais pas référence à d'autres études en cours. Il y a plusieurs façons d'envisager la décarbonisation de l'économie, selon que l'on vise une économie complètement exempte de carbone ou à faible apport en carbone par exemple.
La sénatrice McCoy: Une autre question, si vous le permettez. Utilisez-vous le Canadian Energy Systems Simulator ou simulateur canadien de systèmes énergétiques? Je m'en suis servi sur mon site web sur l'énergie — qui s'appelle Votre histoire d'énergie — et Trottier prévoit aussi s'en servir.
M. McDougall: Vous pouvez probablement répondre à cela, Derek.
Derek Hermanutz, directeur général, Direction de l'analyse économique, Direction générale de la politique stratégique, Environnement et Changement climatique Canada: Non, ce n'est pas le modèle que nous utilisons pour nos analyses. Nous avons eu certains échanges avec Trottier, mais c'était il y a plusieurs années.
La sénatrice McCoy: Je vais faire un suivi. Tout le monde commence à avoir faim et il nous faut encore retourner chacun chez soi. Est-ce que je peux vous revenir là-dessus? Très bien, je vais profiter de votre nature amène et vous prendre au mot. Merci.
Le président: Merci, sénatrice McCoy.
Merci beaucoup, messieurs, de la patience dont vous avez fait preuve. Avant la fin de nos travaux sur cette question, nous allons probablement vous demander de revenir pour répondre à d'autres questions. Vous aurez peut-être aussi d'autres informations à nous communiquer. Je suis convaincu que ce sera le cas. Quoi qu'il en soit, vous avez fait un très bon exposé et vous nous avez donné quelques bonnes réponses. Sachez que nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
M. McDougall: J'ai une liste de sujets qui demandent un suivi. Je m'efforcerai de fournir tout ce qui est demandé au greffier dans les plus brefs délais.
Le sénateur Massicotte: Des petites questions.
Le président: Sachez que nous l'apprécions.
(La séance est levée.)