Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 5 - Témoignages du 12 avril 2016
OTTAWA, le mardi 12 avril 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 8 pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de Colombie-Britannique et je préside ce comité.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux distingués sénateurs, aux membres du public ici présents et aux téléspectateurs des quatre coins du pays. Je rappellerai à ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et sont également diffusées par webdiffusion sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également trouver plus d'information sur le calendrier de comparution sur le site web sous l'onglet « Comités du Sénat ».
Chers sénateurs, comme je l'ai indiqué dans le message daté d'hier, notre séance sera filmée aujourd'hui par une équipe de tournage afin de peut-être en inclure un passage dans un épisode de la série de mini-documentaires de CPAC- TV portant sur le prix du carbone et le coût pour l'utilisateur final. Je vous remercie de votre compréhension et de votre soutien à l'égard de cette initiative.
Je demanderais aux sénateurs autour de la table de se présenter.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Montréal.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
[Français]
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le président : Je voudrais également présenter notre personnel, soit Lynn Gordon, notre greffière, qui se trouve à ma gauche, ainsi que Sam Banks et Marc LeBlanc, analystes du Parlement.
Nous tenons aujourd'hui notre deuxième séance sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, qui est nécessaire à l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement du Canada. Nous avons le plaisir de recevoir Jim Fox, vice-président, Intégration de l'information sur l'énergie et de l'analyse, ainsi que Selley Milutinovic, économiste en chef, de l'Office national de l'énergie. Merci de témoigner aujourd'hui. Vous ferez votre exposé, après quoi nous procéderons à une séance de questions et de réponses. La parole est à vous.
Jim Fox, vice-président, Intégration de l'information sur l'énergie et l'analyse, Office national de l'énergie : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes tous deux honorés de témoigner devant le comité pour traiter de votre étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et du rapport intitulé Avenir énergétique du Canada en 2016 de l'ONE. Nous avons remis quelques diapositives à la greffière, et j'entends examiner quelques points importants avant de passer aux questions.
Comme vous le savez, l'Office national de l'énergie est un organisme de réglementation quasi judiciaire fédéral indépendant instauré en 1959. Nous favorisons la sûreté, la sécurité, la protection environnementale et l'efficacité économique dans l'intérêt de la population canadienne dans le cadre du mandat établi par le Parlement, soit celui de la réglementation des pipelines, du développement énergétique et du commerce de l'énergie. L'office surveille en outre des facettes de l'offre, de la demande, de la production, du développement et du commerce. Il fait rapport au Parlement par l'entremise du ministre des Ressources naturelles.
Fort de ce mandat de surveillance, je peux aisément résumer les 18 derniers mois sur le plan de l'énergie canadienne en disant que la situation est à la fois volatile et incertaine. Parmi les nombreux facteurs qui contribuent à cette incertitude figurent le déploiement rapide des technologies avancées pour la production d'énergie renouvelable et de combustibles fossiles, la décision de l'OPEP d'accroître substantiellement sa production, la levée des sanctions contre l'Iran, le rejet du projet de pipeline Keystone XL par les États-Unis, l'élimination récente de l'interdiction de l'exportation de pétrole brut des États-Unis, et, bien entendu, la signature de l'accord sur le climat à Paris en décembre. Comme vous pouvez l'imaginer, l'avenir énergétique du Canada sera déterminé par l'interaction de ces forces et de bien d'autres. Les prix de l'énergie, la croissance économique, les politiques et règlements, et la mise au point et l'utilisation de nouvelles technologies joueront tous un rôle important.
Voilà pourquoi nous sommes ravis de discuter avec vous aujourd'hui de la vision à long terme que nous présentons dans le document phare de l'ONE, intitulé Avenir énergétique du Canada en 2016. Sur notre première diapositive, nous faisons remarquer que cette étude constitue un point de référence clé parce qu'il s'agit de la seule perspective à long terme sur l'énergie à la disposition de la population canadienne portant sur tous les produits énergétiques dans l'ensemble des provinces et territoires. Cette étude s'inscrit dans une longue tradition de rapports sur les perspectives énergétiques de l'ONE. En fait, nous publions régulièrement une étude depuis 1967.
Jusqu'à il y a quelques années, ce rapport passait inaperçu chez la plupart des Canadiens et même dans les médias. Aujourd'hui, toutefois, la population canadienne se soucie beaucoup de l'énergie. Il est très difficile de préparer un document de projection sur l'offre et la demande en énergie allant jusqu'en 2040, surtout dans l'environnement actuel. J'aimerais vous expliquer quelques détails avant de commencer.
Tout d'abord, il importe de souligner que l'analyse que contient ce rapport ne constitue pas une projection ou une prédiction de l'avenir, mais une projection de ce qui pourrait survenir à partir d'une série d'hypothèses. Dans l'ensemble, nous y faisons trois hypothèses principales : d'abord, toute l'énergie produite trouvera un marché, que ce soit pour être utilisée au Canada ou pour être exportée; ensuite, nous disposerons des infrastructures nécessaires pour acheminer les produits énergétiques au marché; et, enfin, seules les politiques gouvernementales qui étaient en vigueur ou qui étaient sur le point de l'être au moment où l'analyse a été réalisée y sont prises en compte.
L'étude a pris fin au début de l'automne 2015 et ne tient pas compte de ce qui s'est passé depuis. Le rapport comprend également diverses projections dans une série de cas où les prix de l'énergie varient, de scénarios d'accès à des marchés de remplacement et de présomptions relatives aux infrastructures de transport de l'énergie. Ces divers scénarios ne sont pas les seuls qui pourraient se concrétiser, mais ils illustrent ce qui pourrait survenir dans un éventail de situations. Le reste de mon exposé portera sur quelques points saillants du rapport Avenir énergétique du Canada en 2016.
À la deuxième diapositive, nous exposons nos hypothèses sur les prix du pétrole brut et les prévisions qui en découlent. Le tableau de gauche, notre scénario de référence auquel nous comparons tous les autres cas, montre nos hypothèses sur les prix du pétrole, lesquels devraient approcher 80 $ le baril en 2020 et 105 $ le baril en 2040 pour le pétrole brut Brent. Cela s'apparente aux perspectives préparées récemment par d'autres organismes respectés qui font des prévisions, comme l'Agence internationale de l'énergie et l'Energy Information Administration des États-Unis, qui prévoient elles aussi que l'offre et la demande s'établiront près de ces niveaux à long terme.
Mais que se passe-t-il au Canada dans un monde où les prix du pétrole sont bas pendant plus longtemps? Notre analyse inclut un scénario où les prix sont bas afin de nous en donner une idée. Dans ce cas, les prix du pétrole s'établissent à 55 $ le baril en 2020 et à 80 $ le baril en 2040. Le tableau de droite montre pour sa part la production de pétrole brut prévue dans nos trois scénarios. Vous pouvez voir que la faiblesse des prix a une incidence relativement minime sur la production de pétrole au Canada pour les trois ou quatre prochaines années. L'élan créé par les projets d'exploitation des sables bitumineux qui se sont terminés récemment ou qui sont en construction fait en sorte que le cas où les prix sont bas est similaire à notre scénario de référence.
Cependant, après 2020, la production de pétrole est essentiellement stable dans le scénario où les prix sont bas, se stabilisant à quelque 4,8 millions de barils par jour pendant les 20 années qui suivent. Comme les prix sont faibles pendant plus longtemps, les investissements ne seront pas assez élevés pour faire augmenter la production à un niveau supérieur à celui des prochaines années.
La troisième diapositive montre notre deuxième point saillant : la production totale d'énergie au Canada. Toutes nos projections prévoient une croissance substantielle de la production d'énergie d'ici 2040. Dans notre scénario de référence, la production de pétrole au Canada augmente de 56 p. 100 pour atteindre 6,1 millions de barils par jour en 2040. La production de gaz naturel s'accroît de 22 p. 100 par rapport aux niveaux de 2014 pour atteindre 17,9 milliards de pieds cubes par jour. Cette augmentation de la production est principalement attribuable aux exportations de gaz naturel liquéfié.
La production d'électricité reste assez stable, mais la production à partir du chardon décroît et la production à partir du gaz naturel augmente considérablement. Un grand nombre de Canadiens pourraient s'en étonner, puisque ces dernières années, une grande part des discussions sur les questions énergétiques ont porté sur les formes renouvelables d'énergie et leur croissance potentielle. Le fait est que la plupart des organismes de prévision respectés prévoient que la production de tous les types d'énergie augmentera substantiellement au cours des prochaines décennies, et ce, tant pour les sources renouvelables que pour les sources de combustible fossile non renouvelable.
À la diapositive suivante, nous envisageons un scénario selon lequel il ne se construira pas de nouveaux pipelines de transport de pétrole brut. Le tableau de gauche établit une comparaison de la production de pétrole brut dans l'Ouest canadien dans notre scénario de référence et dans le cas où les prix sont bas. Dans le cas de référence, la production de pétrole augmente considérablement au Canada. L'étude repose sur l'hypothèse voulant qu'on dispose de l'infrastructure nécessaire pour acheminer le pétrole au marché. Cependant, le rythme de la capacité de construction de pipeline est très incertain.
Dans notre rapport sur l'avenir énergétique, nous avons évalué les répercussions sur la production de pétrole brut si aucun nouveau pipeline d'exportation important n'est construit. Cela signifierait que des projets comme celui de Northern Gateway, de l'agrandissement du réseau de Trans Mountain et du pipeline Énergie Est ne verraient pas le jour. En pareil cas, le tableau de droite indique que le transport de pétrole par train augmenterait. Comme ce mode de transport est plus onéreux, les prix seraient, dans l'ensemble, moins intéressants pour les producteurs canadiens. Cependant, si on examine l'offre, on constate que de nombreux projets demeurent rentables avec les prix du scénario de référence. Dans ce scénario, nous prévoyons que la production totale de pétrole au Canada augmentera d'environ 5,6 millions de barils par jour d'ici 2040. C'est 8 p. 100 de moins que notre projection de base.
En résumé, si aucun grand pipeline de transport de pétrole n'est construit, notre analyse montre que tant que les prix sont suffisants, la production de pétrole brut augmentera, à un rythme toutefois moins élevé que celui prévu dans notre scénario de référence. Le train offre une solution de transport supplémentaire au besoin.
La cinquième diapositive porte sur les exportations de GNL. Pour cette analyse, l'ONE a envisagé un scénario où les exportations de GNL sont élevées et un autre où ces exportations sont nulles, ce qui témoigne de l'incertitude qui règne quant aux exportations de GNL à partir de la côte Ouest du Canada. Dans le scénario de référence, illustré ici par la ligne bleu foncé, les exportations de GNL devraient atteindre 2,5 milliards de pieds cubes en 2023. Dans l'autre scénario de GNL zéro, il n'y a évidemment pas d'exportation de GNL. Dans le scénario où les exportations de GNL sont élevées, nous présumons que 4 milliards de pieds cubes seront exportés en 2022 et 6 milliards de pieds cubes en 2030.
Ce tableau montre le résultat de la production totale de gaz naturel au Canada comparativement à la production de quelque 18 milliards de pieds cubes par jour du scénario de référence. Dans le scénario où le GNL est élevé, elle s'élève à 21 milliards de pieds cubes par jour, alors que dans le cas contraire, elle est de 15 milliards de pieds cubes par jour.
Je ferais juste une remarque à propos de cette diapositive : les projets de GNL au Canada devraient fonctionner selon un mode d'intégration verticale, dans lequel les promoteurs sont propriétaires des réserves, des installations de production et des usines de liquéfaction. Par conséquent, les volumes de GNL exporté auraient un lien direct avec la quantité de gaz naturel produit au Canada, qui fluctuerait selon la quantité exportée. Les exportations de GNL ne sembleraient pas avoir d'incidence sur la quantité de gaz mis à la disposition des consommateurs canadiens.
À la sixième diapositive, nous examinons les perspectives relatives à l'électricité. La capacité totale de production d'électricité du Canada augmentera de 1 p. 100 par année environ d'ici 2040, la majorité de cette capacité supplémentaire étant produite à partir du gaz naturel, de l'énergie éolienne et de l'hydroélectricité. Nous prévoyons que la production hydroélectrique demeurera la principale source d'approvisionnement en électricité au Canada en raison de ses nombreux avantages, notamment la souplesse, l'absence d'émissions de CO2 et la grande stabilité des coûts. Sa souplesse en fait un important complément de la production d'énergie éolienne et solaire.
Outre la production hydroélectrique, la capacité de production à partir de l'énergie éolienne, de la biomasse et de l'énergie solaire double au cours de notre période de projection.
La capacité de production d'électricité à partir du gaz naturel jouera un bien plus grand rôle au Canada en 2040, sa contribution estimée s'élevant à 20 p. 100 de la production d'énergie du Canada comparativement au niveau actuel de 11 p. 100. Si le gaz naturel gagne en importance à cet égard, c'est notamment en raison du fait que ses émissions de gaz à effet de serre sont inférieures à celle du charbon, du temps de construction des installations nécessaires et de l'étendue du réseau de pipelines gaziers au Canada.
Passons à la septième diapositive, où nous exposons un des principaux facteurs qui intervient dans le domaine de l'énergie au Canada : la grande diversité du bouquet énergétique au pays. Les provinces et les territoires diffèrent sur le plan des ressources qui s'y trouvent, des infrastructures historiques, des structures industrielles, des politiques et règlements en matière d'énergie et d'environnement, des préférences des consommateurs et des conditions météorologiques. Ces différences influencent considérablement les tendances actuelles et prévues dans le domaine de l'énergie et constitueront des points importants à prendre en compte pour quiconque examine la transformation du bouquet énergétique.
Par exemple, notre scénario de référence de base prévoit qu'en 2040, l'énergie consommée par l'utilisateur final sera composée à plus de 60 p. 100 de produits pétroliers raffinés dans les territoires, ce chiffre atteignant plus de 80 p. 100 au Nunavut. Dans le Canada atlantique, les produits pétroliers raffinés constituent de 50 à 60 p. 100 du bouquet énergétique, alors que dans d'autres provinces, ce pourcentage est inférieur à 40 p. 100.
Le Québec utilise le pourcentage le plus élevé d'électricité, une énergie qui représente 43 p. 100 du bouquet des énergies consommées par l'utilisateur final. L'Alberta se situe à l'autre extrémité du spectre, l'électricité constituant moins de 10 p. 100 de son bouquet énergétique, notamment en raison de son taux élevé de consommation de gaz naturel. Les provinces de l'Ouest utilisent le gaz naturel pour combler de 40 à 60 p. 100 de leurs besoins énergétiques, alors que dans le Canada atlantique et les territoires, le gaz naturel représente moins de 10 p. 100 du bouquet énergétique.
La huitième diapositive illustre les répercussions de la consommation d'énergie sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. Dans notre scénario de référence, la consommation totale d'énergie au Canada augmenta d'environ 20 p. 100 d'ici 2040. L'étude prévoit que les formes d'énergie reposant sur les hydrocarbures demeureront les principales sources d'énergie utilisées au Canada d'ici 2040 pour chauffer les maisons et les entreprises, transporter les marchandises et les gens, et alimenter l'équipement industriel. Sachez en outre que dans toutes les projections, même celle où les prix sont élevés, la consommation de combustibles fossiles augmente au Canada.
Cela signifie que les émissions de gaz à effet de serre augmenteront au cours de la période visée, ce qui cadre avec les plus récentes projections relatives aux émissions de gaz à effet de serre d'Environnement et Changement climatique Canada, dont les représentants ont témoigné lors de votre dernière séance.
C'est important, parce que cela montre que les scénarios où les prix du pétrole et du gaz naturel sont élevés ou bas, où des pipelines sont construits ou non, et où les projets de construction de terminal de gaz naturel liquéfié se concrétisent ou non ne suffiront vraisemblablement pas à eux seuls à permettre au Canada de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
À la neuvième diapositive, notre dernière, nous examinons certaines des annonces faites récemment au chapitre des politiques qui influenceront l'offre et la demande dans le domaine de l'énergie d'ici 2040. Ces derniers mois, les gouvernements ont annoncé un certain nombre d'initiatives de politique climatique, et le vent de changement semble prendre de la vigueur, particulièrement dans la foulée de l'accord intervenu en décembre à l'occasion de la 21e conférence des parties à Paris. Un grand nombre des politiques annoncées sont fort audacieuses, et si elles sont mises en œuvre, elles pourraient permettre au Canada d'avoir une des approches les plus avancées du monde au chapitre du climat.
Notre rapport sur l'avenir énergétique ne tient compte que des politiques et des programmes qui étaient en vigueur ou qui étaient sur le point de l'être au moment de l'analyse, c'est-à-dire à l'automne 2015. Même si un grand nombre d'annonces ne sont pas prises en compte, elles demeurent importantes et seront incluses dans nos prochains rapports.
Les projections que j'ai présentées aujourd'hui indiquent que la production de combustibles fossiles continuera d'augmenter. Les nouvelles initiatives en matière de politiques climatiques, comme celles qui figurent ici, constitueraient un facteur crucial dans l'avenir environnemental et énergétique du Canada et font planer une grande incertitude sur les projections à long terme que je vous ai exposées.
Voilà qui conclut mon exposé. Nous répondrons avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.
Le président : Merci beaucoup. Nous vous remercions de votre exposé. Nous laisserons d'abord la parole au vice- président du comité, le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Fox. Nous vous remercions de votre exposé. Je m'intéresse à deux ou trois points. Vous faites référence aux énergies renouvelables à la sixième diapositive. Je sais que vous ne pouvez probablement pas me dire quels prix que vous prévoyez pour chaque source, mais pourriez-vous m'indiquer comment vous avez envisagé les prix des énergies renouvelables et si vous avez pensé qu'il pourrait chuter précipitamment au cours de la période visée par vos projections?
Shelley Milutinovic, économiste en chef, Office national de l'énergie : Le modèle prévoit effectivement que le prix des énergies renouvelables diminueront au fil du temps, conformément aux attentes et comme ils l'ont d'ailleurs fait ces dernières années. Nous prévoyons des améliorations de coût à ce chapitre.
Le sénateur Mitchell : Ma question est peut-être, une fois encore, trop pointue, mais pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur des améliorations de coût et nous dire à quel point les énergies renouvelables pourraient devenir plus concurrentielles par rapport au pétrole et au gaz?
Mme Milutinovic : Je n'ai pas les chiffres en tête, mais nous pourrions vous les obtenir.
Le sénateur Mitchell : Il pourrait être intéressant de connaître l'ampleur de la diminution et l'incidence d'une diminution plus rapide que prévu aurait sur les sources d'énergie qui font concurrence aux énergies renouvelables, c'est-à-dire le pétrole et le gaz.
Mme Milutinovic : Nous nous sommes montrés très prudents dans nos hypothèses sur l'amélioration des technologies. Il est certainement possible que la chute du coût soit plus rapide que ce qui est envisagé dans les prévisions.
Le sénateur Mitchell : Merci. Je pense que vous avez probablement répondu à ma question, mais j'aimerais obtenir une précision de la part de M. Fox ou de l'un d'entre vous. Dans votre dernière diapositive, il est question des changements d'orientation. Je pense que ces changements incluent, bien entendu, le concept de la taxe sur le carbone. Avez-vous fait une différence entre, disons, une taxe sur le carbone nationale et une série de structures de prix provinciales? Quelles hypothèses avez-vous formulées à propos des niveaux de taxe sur le carbone dans vos évaluations de ce qui pourrait se passer?
Mme Milutinovic : Comme Jim l'a souligné, dans le cadre de nos travaux, nous n'avons tenu compte que des politiques qui étaient en vigueur ou qui étaient sur le point de l'être, c'est-à-dire le programme de plafonnement et d'échange du Québec et la politique de prix du carbone de la Colombie-Britannique. Au moment où ces travaux ont été réalisés, en août dernier, quand nous avons fini d'établir les chiffres, environ le tiers de la population canadienne était assujettie à une taxe sur le carbone à portée générale. C'est maintenant plus de 90 p. 100 de la population qui le serait si tous les plans vont de l'avant; il s'est donc passé à cet égard bien des choses qui ne sont pas prises en compte dans cette analyse.
Le sénateur Mitchell : Considériez-vous que si les prix de la taxe sur le carbone — ceux que nous connaissons et qui ont été proposés depuis votre étude — étaient appliqués, cela se traduirait inévitablement par une réduction de la production et de l'utilisation de pétrole?
Mme Milutinovic : Cela aura certainement une incidence sur les marchés de l'énergie. Comme le moment où ses politiques s'appliqueront approche, nous en tiendrons compte dans notre prochain rapport sur l'avenir énergétique, auquel nous commençons à travailler actuellement afin de le publier cet automne. Nous y inclurons ce que nous savons de ces politiques.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Fox, vous avez indiqué que les émissions de gaz à effet de serre augmenteront. J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Faisiez-vous référence simplement au secteur pétrolier et à sa production, ou dites-vous qu'en raison des projections utilisées dans tous les secteurs, elles augmenteront inévitablement? Si nous trouvions facilement une solution pour les voitures fonctionnant à l'électricité ou avec une pile à hydrogène, par exemple, et que tout le monde se demandait pourquoi on ne les utiliserait pas si on avait le choix et que l'autonomie ne constituait pas un problème, est-ce que cela pourrait modifier profondément votre estimation de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre en général?
M. Fox : Quand j'ai indiqué que les émissions de gaz à effet de serre augmenteront, c'est dans notre projection. Si cette dernière s'avère juste, les émissions de gaz à effet de serre augmenteront parce qu'on produit et consomme davantage de pétrole dans l'économie. Si les choses se passent autrement, si nous électrifions massivement notre flotte de transport, par exemple, alors cela influencerait certainement le résultat.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous, ainsi que de votre présentation. Je pense, pour nous et pour les Canadiens et les Canadiennes, que votre présentation est très importante, et je vais tenter de résumer les points importants qu'il faudrait bien comprendre. Vous dites que vous assumez que votre projection typique...
[Traduction]
Je vais m'exprimer en anglais. Voici ce que vous êtes en train, selon moi, de nous dire. Il importe que nous comprenions le message, car les gens ont toutes sortes d'impressions quant à la manière dont nous allons résoudre cette question. Mais d'après ce que je comprends de votre projection, dans le meilleur des cas, vous prévoyez une augmentation annuelle de 0,7 p. 100 de la consommation d'énergie, laquelle est attribuable, de toute évidence, à la croissance économique. Dans votre projection, vous prévoyez que le recours à ce que j'appelle l'énergie verte doublera au cours des 25 prochaines années, si j'ai bien compris. Vous prévoyez quand même une augmentation de la consommation d'hydrocarbures, une réduction de l'utilisation du charbon, d'accord, et une montée fulgurante de la consommation de gaz, une source qui est trois fois moins ou près de la moitié moins polluante que le charbon. Malgré tout et en dépit du fait que le recours à l'énergie verte va doubler, vous prévoyez encore une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, comme vous le savez, le gouvernement a pour politique de réduire ces émissions de plus de moitié, ou plus probablement de 60 p. 100, au cours des 15 prochaines années. Il y a donc une incohérence énorme.
Tout d'abord, vous semblez dire que de nombreux Canadiens pensent qu'il suffit de cesser d'utiliser le pétrole et le gaz pour régler la question. Vous indiquez que ce n'est pas le cas. Vous entrevoyez déjà que la quantité d'énergie verte doublera, et la consommation de tous les hydrocarbures continue d'augmenter malgré tout.
Comment en arrive-t-on là? Il me semble avoir l'impression que nous rêvons en couleurs en pensant que nous allons réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 60 p. 100 au cours des 15 prochaines années, car votre propre scénario, qui tient compte de tous les accords de plafonnement et d'échange en vigueur, prévoit tout de même une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
M. Fox : Je parlerai en premier, et Shelley pourrait intervenir ensuite.
Tout d'abord, notre projection montre les résultats que vous avez évoqués dans un scénario dans lequel nous n'avons pas examiné les annonces faites et les politiques annoncées depuis l'automne dernier. Il n'en tient donc pas compte.
Je ferais également remarquer que nous faisons nos projections non pas pour déterminer les scénarios ou les options stratégiques que le gouvernement veut adopter, mais bien ce qui se passerait dans l'avenir selon la situation. Nous ne disons donc pas que nous sommes en train de rêver en couleurs, mais que le défi est de taille.
Le sénateur Massicotte : D'accord. Examinons les détails maintenant. La quantité d'énergie verte double.
M. Fox : Oui.
Le sénateur Massicotte : Est-il possible de la quadrupler ou de la quintupler? Le cas échéant, quel effet cela aurait-il sur les émissions de gaz à effet de serre?
M. Fox : Il m'est difficile d'évaluer cet effet, car il faudrait procéder à une modélisation, mais si nous doublons la quantité d'énergie renouvelable, le pourcentage passerait seulement de 8 à 16 p. 100 du bouquet énergétique du Canada.
Le sénateur Massicotte : Je sais.
M. Fox : Nous partons donc de très loin, et même si le pourcentage double, il faudra faire beaucoup de chemin avant que ces énergies occupent le haut du pavé et deviennent la principale source énergétique du Canada.
Le sénateur Massicotte : Même en doublant, vous obtenez seulement une augmentation de 0,7 de l'énergie verte. Malgré le fait que vous doublez, le pourcentage d'utilisation de l'hydroélectricité demeure essentiellement le même, ce qui signifie que nous sommes beaucoup plus bas. Disons que nous imposons une taxe sur le carbone de 40 $ ou 50 $. Quelle serait l'incidence sur les émissions de GES? Comment pouvons-nous obtenir une réduction de 60 p. 100 sur une période de 15 ans sans freiner l'économie?
M. Fox : L'Office national de l'énergie n'a pas de réponse à cette question pour le moment. Notre modèle, nos perspectives énergétiques, visent à présenter la situation actuelle et ce qui pourrait avoir lieu dans l'avenir ainsi que certains des scénarios que nous envisageons. Que se passera-t-il si toutes les politiques qui ont été mises en œuvre sont toutes très efficaces? Nous présumons que tout ira comme prévu et nous établissons un modèle en fonction de cela pour déterminer où cela nous mènera afin d'aider les décideurs à déterminer ce que nous devons faire.
Le sénateur Massicotte : Il s'agit d'un modèle informatique, n'est-ce pas?
M. Fox : Oui.
Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous nous présenter un modèle fondé sur la présomption que nous doublons l'utilisation de l'énergie verte? Si nous doublons ou triplons l'utilisation de l'énergie verte, quelle serait l'incidence sur les émissions de GES, et, deuxièmement, si on applique une taxe sur le carbone de 50 $ ou 70 $, quel serait l'impact sur les émissions de GES et sur la croissance économique? Pourriez-vous nous présenter un modèle à cet effet?
M. Fox : Je ne crois pas que ce soit aussi simple que d'ajouter quelques chiffres dans le modèle.
Le sénateur Massicotte : Je suis certain que oui.
M. Fox : En fait, ce n'est pas le cas. Nous devrions refaire non seulement notre modèle économique, mais aussi nos modèles d'approvisionnement énergétique, ce qui, de façon réaliste, prendrait plusieurs mois.
Le sénateur Massicotte : Vous pouvez essayer de produire quelque chose de satisfaisant dans les deux ou trois prochaines semaines.
Mme Milutinovic : Nous modélisons les politiques qui sont en vigueur ou sur le point de l'être. C'est ce que nous établirions comme modèle au cours des...
Le sénateur Massicotte : Il faut faire des hypothèses, car le comité doit avoir une idée des solutions qui existent et de l'incidence sur la croissance économique. Nous devons donc établir des hypothèses — supposer qu'on double ou qu'on triple — pour voir quelles sont les répercussions. Y a-t-il une solution?
M. Fox : Je ne sais pas exactement quoi vous répondre. Le travail que nous effectuons à l'Office national de l'énergie est dicté par les priorités que nous avons. Nous pouvons établir un nouveau modèle fondé sur la présomption précise qu'on applique une taxe sur le carbone de 40 $ ou 50 $ ou qu'on double ou on triple les émissions de gaz à effet de serre, mais...
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie.
M. Fox : Il est possible de le faire. Je ne suis toutefois pas certain de pouvoir m'engager à le faire.
Le sénateur Massicotte : J'ai une grande confiance en vous. Vous êtes très compétent. Je suis certain que vous allez nous présenter cela.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup, monsieur Fox. J'aimerais vous parler précisément de l'hydroélectricité. Dans votre rapport de 2016, qui est très complet et très instructif, vous mentionnez à plusieurs reprises qu'en 2015, l'agence américaine pour la protection de l'environnement a publié la version finale de son plan pour une énergie propre, qui fixe les objectifs de réduction d'émissions de 47 États américains. Vous parlez ensuite de la relation importante qu'entretient le Canada avec les États-Unis. Ce pays est notre plus important client pour l'hydroélectricité, et vous dites que de nouveaux marchés pourraient s'ouvrir aux exportations canadiennes d'électricité et rendre plus probable l'aménagement de plusieurs centrales hydroélectriques d'envergure qui sont toujours à l'état de proposition.
J'aimerais que vous nous expliquiez plus en détail l'impact que cela aurait sur le Canada et le développement de l'hydroélectricité et que vous nous disiez s'il y aurait une incidence sur les Canadiens et, par exemple, sur le coût de l'hydroélectricité pour eux dans l'avenir.
Mme Milutinovic : En ce qui a trait au plan pour une énergie propre, je crois qu'il a été précisé ultérieurement que les centrales hydroélectriques qui n'émettent pas de gaz à effet de serre construites après 2012 pourraient être considérées comme des sources d'énergie renouvelable. Cela ouvre la porte sur des marchés à certaines de nos nouvelles centrales hydroélectriques ou certaines autres sources d'énergie renouvelable, ce qui nous permettrait d'exporter aux États-Unis l'électricité excédentaire par rapport aux besoins des Canadiens.
La sénatrice Seidman : L'électricité excédentaire par rapport aux besoins des Canadiens.
Mme Milutinovic : S'il existe un marché pour l'exportation et si nous disposons d'un surplus à exporter.
La sénatrice Seidman : Est-ce que l'existence d'un plus grand marché aux États-Unis aurait des répercussions sur le prix de l'électricité au Canada? Il est certain que le Canada est l'un des pays où le prix de l'électricité est le plus bas. Je viens du Québec, et je sais que c'est dans cette province que le prix de l'électricité est le plus bas au pays. Si le marché américain est vaste, est-ce que cela a une incidence sur le prix de l'électricité au Québec par exemple?
M. Fox : Le prix de l'électricité est fixé à l'échelle provinciale, alors c'est une décision qui relève du Québec. Ce que je peux dire, c'est que l'exportation d'électricité ne peut se faire au Canada qu'avec l'autorisation de l'Office national de l'énergie, qui a le mandat de vérifier si les surplus qu'on propose d'exporter ne seront pas nécessaires pour combler les besoins prévisibles des Canadiens. Ainsi, si une société envisage d'exporter de l'électricité, elle doit s'adresser à l'office et lui prouver que l'électricité qu'elle veut exporter est excédentaire par rapport aux besoins des Canadiens. L'office analyse ensuite la proposition et accorde l'autorisation ou décide de ne pas l'accorder si l'électricité n'est pas excédentaire par rapport aux besoins des Canadiens.
Mme Milutinovic : Dans le cadre de cette analyse, l'office détermine si d'autres sociétés canadiennes pourraient acheter ce surplus d'électricité à un prix équitable.
La sénatrice Seidman : Je crois que la réponse est claire, c'est-à-dire qu'il faut prouver à l'office qu'il s'agit effectivement d'un surplus.
Vous dites aussi dans votre rapport que cela pourrait rendre plus probable l'aménagement de plusieurs centrales hydroélectriques qui sont toujours à l'état de proposition. Pourriez-vous expliquer cela, s'il vous plaît?
Mme Milutinovic : C'est que le marché deviendrait plus important.
La sénatrice Seidman : D'accord. Le marché pourrait être plus important, alors on pourrait envisager de mettre en branle des projets d'envergure, qui sont actuellement à l'état de proposition.
Mme Milutinovic : C'est exact. Cela pourrait favoriser la réalisation de ces projets.
La sénatrice Seidman : Cela m'amène à la deuxième partie de ma question, qui est liée aux infrastructures. Dans votre rapport, sous le titre « Principales incertitudes », vous dites que les grands projets de production d'électricité font face à de nombreuses incertitudes. Les coûts rattachés aux projets, la réglementation en matière d'environnement, les politiques publiques et les préoccupations socio-économiques auront des incidences sur les nouveaux projets et les travaux de remise à neuf des centrales existantes. Pourriez-vous nous aider à comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'incertitudes?
M. Fox : Lorsqu'un projet est présenté, qu'il s'agisse d'un grand projet de production d'hydroélectricité qui entraînera l'inondation de certaines terres ou qu'il s'agisse de l'installation d'une ligne de transmission, tous ces éléments suscitent des préoccupations. Tous ces éléments semblent susciter davantage l'intérêt des Canadiens ces temps-ci, qu'il s'agisse de projets liés à des pipelines, à des lignes de transmission, à des barrages ou à des centrales hydroélectriques. Nous ne savons pas encore comment nous allons répondre à ces préoccupations qu'ont les Canadiens, comment l'office, d'autres organismes de réglementation et les promoteurs répondront aux questions que se posent les Canadiens avant d'exprimer leur appui à des projets d'infrastructure énergétique d'envergure. Est-ce que cela répond à votre question?
La sénatrice Seidman : Oui, en quelque sorte. Est-ce que ces incertitudes sont des considérations d'ordre social? J'essaie seulement de comprendre ce dont vous parlez. Est-ce que l'approbation sociale constitue un enjeu important?
M. Fox : Oui, je crois que certains de ces éléments sont liés à des considérations d'ordre social.
La sénatrice Seidman : D'accord. Je comprends la question de l'approbation sociale qui, bien entendu, est absolument essentielle.
Étant donné que vous êtes un organisme de réglementation et que nous savons que l'eau est importante pour l'hydroélectricité, je suis tentée de vous demander si votre réglementation vise à protéger cette ressource vitale. Vous dites à la page 13 que les ressources énergétiques du Canada comptent parmi les plus abondantes au monde. Nos cours d'eau renferment près de 7 p. 100 des réserves d'eau renouvelables de la planète et procurent une capacité de production hydroélectrique phénoménale.
En tant qu'organisme de réglementation — je travaille en amont ou en aval; je ne suis pas certaine —, étant donné l'importance de l'eau pour l'hydroélectricité, est-ce que vous réglementez à cet égard? Que faites-vous pour réglementer la sécurité des rivières et des lacs?
M. Fox : Je vais répondre à cette question en deux parties. Premièrement, dans le domaine de l'électricité, l'office réglemente seulement les lignes de transmission internationales et une ligne de transmission interprovinciale désignée par le gouverneur en conseil ainsi que les exportations d'électricité. Nous réglementons en aval dans la chaîne de valeur pour les projets hydroélectriques. Voilà la première partie de ma réponse.
Deuxièmement, pour ce qui est de réglementer les pipelines, qui peuvent se trouver en amont de barrages ou franchir des rivières, l'office réglemente la sécurité de ces pipelines et tient compte de la sécurité des eaux pour protéger l'environnement.
Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins pour leur présence.
Je voudrais revenir aux projections concernant l'offre et la demande énergétiques. Nous parlons d'une période de 26 ans, entre 2014 et 2040. Il y a quelque chose que j'aimerais savoir. J'imagine que de telles études ont déjà été effectuées dans le passé. Dans quelle mesure ces études antérieures étaient-elles exactes?
Mme Milutinovic : C'est une excellente question. Les résultats de l'étude menée en 2007 sont très différents des résultats actuels. Par exemple, nous disons maintenant que d'ici 2040 la production de gaz naturel atteindra près de 18 Gpi3 par jour. À l'époque, nous prévoyions que la production de gaz naturel allait chuter pour s'établir à 10 Gpi3 par jour et que nous importerions différents types de GNL. Ce qui s'est produit dans l'intervalle, c'est un changement technologique il y a une dizaine d'années et, bien que certaines personnes en parlaient, presque aucun prévisionniste n'était au courant. Ce changement technologique résulte de la combinaison de la fracturation hydraulique en plusieurs étapes et du forage horizontal.
Grâce à ce changement technologique, depuis 2008, les États-Unis ont ajouté plus de 4 millions de barils de pétrole par jour. Pour ce qui est du gaz naturel, uniquement grâce aux schistes de Marcellus et d'Utica, qui se trouvent à proximité de l'Ontario et du Québec, l'augmentation de la production est encore plus élevée.
Donc, en raison d'un changement technologique qui a changé la donne, que personne ne pouvait prévoir il y a 10 ans, nos prévisions sont aujourd'hui totalement différentes.
Le sénateur MacDonald : Qu'en est-il des projections de prix antérieures? Dans quelle mesure étaient-elles exactes par rapport aux prévisions concernant la production?
Mme Milutinovic : Le cours du pétrole est très instable comme vous le savez. Les prix de l'énergie sont très instables. Selon la période à laquelle vous remontez, certaines des projections des dernières années sont plus élevées que celles que nous effectuons maintenant. Elles ont donc été à la hausse ou à la baisse au fil du temps.
Le sénateur MacDonald : Il y a une différence bien sûr entre la façon dont le prix du pétrole est fixé et la façon dont le prix du gaz naturel est établi. Le cours du pétrole est davantage influencé par le marché international, comme le cours des devises. L'Arabie saoudite peut accroître la production n'importe quand et inonder le marché, ce qui modifie toutes les prévisions.
Est-ce qu'on prévoit que la même situation pourrait se produire en ce qui concerne le gaz naturel ou est-ce que son prix sera davantage influencé par ce qui se passe au pays?
Mme Milutinovic : Le prix du gaz naturel est de plus en plus influencé par le marché international, et il y a un certain nombre de projets de GNL en cours en vue d'exporter du gaz naturel depuis les États-Unis. C'est un marché qui devient de plus en plus international, alors le prix sera davantage influencé par ce qui se passe à l'échelle internationale.
Le sénateur MacDonald : Je crois que la vérificatrice générale de l'Ontario a mentionné que les contribuables ontariens ont payé environ 38 milliards de dollars de plus pour leur électricité qu'il y a une dizaine d'années en raison des changements qui ont eu lieu. Avez-vous examiné ce qui s'est produit en Ontario et analysé les décisions qui ont été prises dans cette province et leurs répercussions sur les coûts et les prix?
Mme Milutinovic : Nous n'avons pas essayé d'en arriver à ce chiffre, mais nous examinons la politique énergétique de l'Ontario et ce qui se passe dans cette province pour établir notre modèle pour l'Ontario. Il est certain que nous en tenons compte dans notre Rapport sur l'avenir énergétique.
La sénatrice Ringuette : Je suis désolée, je suis arrivée un peu en retard, alors j'ai peut-être manqué la réponse à ma première question. Examinez-vous seulement la production ou la consommation?
M. Fox : Nous examinons à la fois la production et la consommation.
La sénatrice Ringuette : Par exemple, j'examine ici le graphique sur la diversité énergétique des provinces et des territoires.
M. Fox : Oui.
La sénatrice Ringuette : Je regarde par exemple l'électricité au Québec. Pour cette province, s'agit-il de la production d'électricité ou de la consommation d'électricité, car ce sont là deux choses différentes?
M. Fox : Oui, très différentes. Il s'agit ici de la consommation énergétique de la province.
La sénatrice Ringuette : Alors il ne s'agit pas de la production totale d'électricité au Québec.
M. Fox : Non.
La sénatrice Ringuette : Où pourrions-nous trouver ce chiffre pour faire des comparaisons? La différence entre la production d'une source d'énergie et la consommation de cette source d'énergie pourrait indiquer qu'il est possible d'exporter.
M. Fox : En effet.
La sénatrice Ringuette : Cela a une incidence sur les émissions de GES dans votre scénario.
M. Fox : Oui. Les documents d'information que nous vous avons remis aujourd'hui ne font pas état de la production totale d'électricité au Québec. Nous avons toutefois ce chiffre et nous pouvons vous le fournir.
Mme Milutinovic : Nous avons des tableaux qui montrent la production par province de chaque type d'énergie. Nous avons ces données et nous pouvons vous les fournir si vous le souhaitez.
La sénatrice Ringuette : Il faut notamment savoir quel est l'impact sur les émissions de GES du développement et de la production des différentes formes d'énergie. C'est très important, car, pour faire suite à la question du sénateur Massicotte, si on double la production des combustibles fossiles, cela aura des répercussions sur les scénarios que vous avez établis, et si on augmente la production de combustibles fossiles de 20 p. 100 et la production d'électricité de 50 p. 100, le scénario sera très différent.
Dans quelle mesure avez-vous pris en considération la production de GES dans vos scénarios?
M. Fox : Dans le Rapport sur l'avenir énergétique de 2016, nous n'avons pas établi de scénario lié précisément à la production de GES pour voir si elle augmente ou si elle diminue. Nous n'avons pas examiné cela précisément.
Je peux vous dire, pour répondre à votre premier point, que si on augmente la production d'hydroélectricité au Québec, cela peut avoir pour effet de diminuer la production globale de gaz à effet de serre au Canada.
La sénatrice Ringuette : Ce n'était pas mon hypothèse.
M. Fox : J'allais dire que la portion qui excède la consommation indiquée à la diapositive 7 est exportée aux États- Unis.
La sénatrice Ringuette : Oui, je le sais.
M. Fox : C'est seulement si cette électricité est exportée vers une autre province canadienne qu'il y aurait un impact sur le Canada. Je crois que nous n'avons pas établi de scénario qui porte sur une production donnée de GES ou qui tient compte d'une certaine façon des émissions de gaz à effet de serre au Canada.
La sénatrice Ringuette : Pour ce qui est de votre scénario qui porte sur la consommation énergétique, quel secteur a largement contribué à l'augmentation? Était-ce le secteur manufacturier? Ou bien le secteur des transports? D'où provenait cette importante augmentation qui a entraîné cette hausse de la capacité que vous indiquez dans votre scénario?
Mme Milutinovic : La majeure partie de l'augmentation de la demande énergétique dans les scénarios est attribuable à la croissance du secteur industriel et du secteur de la production d'énergie. Le secteur résidentiel et celui des transports demeurent assez stables et le secteur commercial augmente légèrement, mais ce sont le secteur industriel et celui de la production d'énergie qui contribuent principalement à l'augmentation.
Il n'y a pas une énorme différence sur le plan de la demande énergétique dans les six scénarios. Il s'agit de plus ou moins 3 p. 100 ou 3.5 p. 100 par rapport au scénario de référence. Compte tenu des politiques et des technologies qui existaient l'été dernier, malgré certains changements, on observe une croissance de la demande énergétique peu importe le scénario.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie pour votre présence. En réponse à la question du sénateur MacDonald, vous avez parlé de changements importants sur le plan technologique depuis la publication de votre Rapport sur l'avenir énergétique de 2007, mais votre dernier rapport complet remonte à 2013.
Mme Milutinovic : C'est exact.
Le sénateur Patterson : À tout le moins de nouvelles politiques ont été mises en place. Je pense à la taxe sur les émissions carboniques sans incidence sur les recettes de la Colombie-Britannique. Comparativement au rapport de 2013, est-ce que les politiques fédérales, provinciales ou territoriales visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre ont eu une incidence sur les prévisions de 2016?
Mme Milutinovic : Je ne m'en souviens pas pour l'instant. Nous pourrions répondre à votre question ultérieurement si vous le souhaitez, car je ne le sais pas en ce moment.
Le sénateur Patterson : Ma prochaine question est peut-être simpliste. Vous avez parlé de certaines politiques gouvernementales très audacieuses qui ont été annoncées récemment.
Ma question est la suivante : lorsque vous avez effectué vos études, avez-vous conclu qu'il y a un lien entre les politiques gouvernementales — par exemple fixer le prix du carbone — et la réduction des gaz à effet de serre? Y a-t-il un lien quantifiable dont vous avez tenu compte dans vos prévisions?
Mme Milutinovic : Nous n'avons pas analysé cela précisément. Évidemment, lorsqu'il y a des changements sur le plan des politiques, cela change la trajectoire dans une certaine mesure, mais nous ne nous sommes pas penchés là- dessus précisément.
Le sénateur Patterson : D'accord. Quelles sont les variables dans vos prévisions qui pourraient modifier considérablement le résultat?
Mme Milutinovic : Les politiques qui ont été mises en œuvre depuis le mois d'août vont certainement modifier la trajectoire, car elles visent notamment l'instauration d'une taxe sur le carbone dans un certain nombre de provinces. Il y a aussi d'autres changements qui vont modifier les choses.
Le sénateur Patterson : Je pense que vous me dites que des cas comme celui de la Colombie-Britannique n'ont peut- être pas été pris en compte dans vos projections pour 2016? Cela m'étonne un peu.
Mme Milutinovic : Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Le cas de la Colombie-Britannique... Lorsque nous analysons ce qui se passe en Colombie-Britannique, nous tenons compte de ces coûts. Nous n'avons cependant pas répondu précisément à la question de savoir quelle était exactement l'incidence de cette politique sur l'énergie. Nous avons cependant tenu compte de tout cela dans nos prévisions.
Le sénateur Patterson : Est-ce qu'il y a eu des études sur les répercussions de ces taxes sur le carbone?
Mme Milutinovic : Je crois que certaines études ont été menées pour la Colombie-Britannique. Je crois qu'il s'agit d'études universitaires. Je sais que cela a été examiné.
Le sénateur Patterson : Merci.
Le président : En ce qui concerne le cas de la Colombie-Britannique, cela a mené à une réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais une foule de choses se sont produites, et je crois qu'il faut tout examiner. Je veux dire que les activités économiques et commerciales ont diminué un peu, et toutes ces choses doivent être prises en compte pour déterminer exactement ce qui se passe.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question fait suite aux interrogations du sénateur Patterson et des autres. Nous avons devant nous des projections de la production d'énergie en fonction de certaines hypothèses.
[Traduction]
Vous n'entendez pas l'interprétation? Je vais m'exprimer en anglais.
[Français]
Est-ce que ça fonctionne maintenant? Oui? D'accord.
Alors ma question concernait nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Nous savons que nous aurons des défis importants à relever pour la planète. Nous avons aussi des défis importants au chapitre de la politique. Vous dites qu'il y a des mesures de stratégie de politiques publiques qui ont été prises, notamment l'introduction de la taxe au carbone et les marchés. Selon moi, la contradiction entre vos résultats et les politiques, c'est qu'il faudra des mesures dramatiques pour changer l'évolution ou les prévisions, notamment en fonction des énergies, comme l'énergie nucléaire.
Je suis très surprise de constater, si nous regardons la demande de la part des combustibles dans la demande d'énergie primaire, une baisse de l'énergie nucléaire dans le scénario de référence. Je ne suis pas certaine d'aimer le nucléaire, et la population aussi est inquiète à cet égard. Cependant, nous savons que c'est une source d'énergie qui, à court terme, n'est pas aussi polluante que d'autres sources d'énergie.
Alors, dans vos scénarios et vos prévisions, croyez-vous que nous pourrions changer la donne à l'aide de politiques? Ou est-ce qu'il faudra mettre en œuvre des mesures ou de la réglementation, pas selon les marchés, mais une réglementation sévère?
[Traduction]
Mme Milutinovic : Ce n'est pas à l'office d'établir des politiques ou d'en débattre. Je pense que les travaux menés dans le cadre d'Avenir énergétique du Canada en 2016 montrent que compte tenu des politiques de l'an dernier, l'utilisation des combustibles fossiles et l'énergie continuent de croître. Cela va peut-être exactement dans le sens de ce que vous soulevez.
En ce qui a trait à l'énergie nucléaire, lorsque nous effectuons l'analyse, nous examinons ce que planifient les services et les provinces et nous intégrons cela. Nous ne portons pas de jugements sur ce qui devrait se passer. Nous regardons plutôt ce qui est prévu.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vais poser ma question un peu différemment. Qu'est-ce qui explique la prévision des baisses au chapitre de l'énergie nucléaire, en proportion, dans la part des combustibles au sein de la demande d'énergie? Qu'est-ce qui explique cela?
[Traduction]
Mme Milutinovic : C'est en raison de la fermeture prévue de la centrale de Pickering et de certains travaux effectués dans d'autres centrales nucléaires en Ontario. Les choses arrêtent et se poursuivent en quelque sorte au cours de la période de prévision, mais la centrale de Pickering est fermée. C'est ce qui explique la baisse.
[Français]
La sénatrice Bellemare : On ne prévoit donc pas de croissance ni d'investissements dans ce secteur.
[Traduction]
Mme Milutinovic : Non, pas à ce moment-ci.
Le sénateur Mockler : Je lisais un article du Telegraph-Journal de Saint John au Nouveau-Brunswick. M. Watson a fait tout un discours, dont je vais vous parler. Il mérite d'être félicité. Il parle de pipelines. Je veux parler du volet de la production énergétique qui concerne les pipelines et des répercussions. Selon lui, « [p]our que l'office serve vraiment la population, il faut que celle-ci ait foi en lui... ». C'est la première partie de sa phrase. Les Canadiens ont-ils vraiment foi en l'Office national de l'énergie?
M. Fox : Oui, cela nous amène dans le vif du sujet. D'une multitude de façons, les Canadiens nous donnent leur point de vue, et c'est encore plus le cas depuis que Peter Watson est président, depuis 2014. Les Canadiens manifestent un grand intérêt pour les questions énergétiques, pour des questions comme les nouveaux pipelines et la sécurité des pipelines actuels. Certains Canadiens nous disent qu'ils ne croient pas que nous effectuons le meilleur travail que nous pourrions faire, car ils ont l'impression que nous ne nous occupons pas assez bien de certaines questions.
La majeure partie des gens qui nous donnent leur point de vue ne disent pas qu'ils n'ont pas confiance en l'office, mais certaines personnes, oui. Cela veut dire que nous avons beaucoup à faire pour expliquer comment nous réglementons et entreprenons les différentes choses que nous faisons et pour expliquer cela aux Canadiens afin qu'ils puissent comprendre et bien déterminer si le travail que nous effectuons correspond à ce qu'ils veulent.
Nous travaillons dans le cadre d'un mandat établi par le Parlement. Nous l'exécutons du mieux que nous le pouvons. Nous rendons des comptes au Parlement de façon régulière par l'intermédiaire du ministre des Ressources naturelles.
Le sénateur Mockler : C'est ce qui m'amène à poser ma prochaine question, qui porte sur la sécurité des pipelines. On dit que faute d'ajout de nouveaux oléoducs à l'infrastructure pipelinière actuelle, la croissance de la production de pétrole est freinée, mais demeure modérée durant la période de projection. Ai-je raison?
M. Fox : Oui.
Le sénateur Mockler : L'office a-t-il évalué les répercussions économiques qui découleront du fait de ne pas développer davantage l'infrastructure pipelinière, précisément dans le Canada atlantique?
Mme Milutinovic : L'office a préparé ce que nous appelons le scénario de capacité pipelinière limitée pour évaluer les répercussions découlant du fait de ne pas construire les quatre pipelines majeurs. Il y a deux ou trois effets. Comme vous l'avez mentionné, la production pétrolière continue de croître, mais de façon plus modérée. Il y a des répercussions sur le PIB, qui sont décrites dans le document. Entre autres, la limitation engendrerait une réduction des dépenses en capital dans l'industrie pétrolière d'environ 100 milliards de dollars au cours de cette période.
Le sénateur Mockler : C'est une répercussion de cette limitation.
Mme Milutinovic : Oui.
Le sénateur Mockler : Concernant la diversité énergétique des provinces et des territoires, qui est un facteur important dans le secteur énergétique canadien, je vais revenir sur les questions de la sénatrice Ringuette et du sénateur Massicotte. Nous savons tous que les gouvernements provinciaux et territoriaux prônent l'efficacité pour nos produits énergétiques. Pouvez-vous nous décrire plus en détail comment les normes d'émissions fédérales ont amélioré l'efficacité énergétique quand on pense aux véhicules utilisés pour le transport à long terme?
Mme Milutinovic : Certainement. Je n'ai pas les données en tête, mais c'est inclus dans les travaux.
Le sénateur Mockler : Monsieur le président, ils pourraient nous les fournir.
Le président : Oui.
Le sénateur MacDonald : J'ai quelques questions sur la production gazière. Selon vos projections, la production gazière demeurera à peu près au même niveau au Canada au cours des prochaines décennies. Si le projet Énergie Est ne se concrétise pas, le gaz de l'Ouest sera délaissé. Les activités de l'île de Sable cessent, de sorte qu'on ne transportera pas de gaz dans le Canada atlantique. L'Ontario et le Québec utilisent environ la moitié du gaz au pays, ce qui signifie qu'ils ne pourront obtenir que du gaz provenant des États-Unis, où environ 12 à 15 usines de GNL seront mises en exploitation. La production de schiste Marcellus commence à diminuer; si l'on tient compte du nombre de puits, ils forent de plus en plus de puits pour obtenir la même production, ce qui fait augmenter les coûts sans cesse. Et pourtant, nous plaidons en faveur d'une hausse importante de l'utilisation du gaz naturel au Canada. Je crois vraiment au gaz naturel pour ce qui est des produits à base de carbone. C'est le meilleur choix et c'est certainement le produit le plus propre. Comment savoir si nous aurons accès à du gaz? Combien paierons-nous pour cette ressource? Pourquoi les États-Unis en exporteraient-ils au Canada par pipeline s'ils peuvent faire plus d'argent en l'exportant comme GNL? Quel réseau aurons-nous pour acheminer ce gaz aux gens du centre du Canada qui en ont besoin?
Mme Milutinovic : Concernant le GNL provenant du gisement Marcellus, on peut obtenir un prix plus élevé si on l'exporte comme GNL, mais cela coûte plus cher. Au chapitre du revenu net des producteurs, les producteurs de gaz de schiste de Marcellus examinent certainement les marchés possibles au Canada, et plusieurs projets de pipeline en cours feraient en sorte qu'une plus grande quantité de gaz provenant du schiste de Marcellus serait acheminée en Ontario.
Pour ce qui est de la production de gaz naturel, comme vous le dites, les prévisions sont très stables. Sa croissance sera conditionnelle à la construction d'usines de GNL. On remarque donc que dans le pire des cas, c'est stable en quelque sorte, par rapport à la situation actuelle. Dans le scénario de référence, où les exportations de GNL sont de 2,5 Gpi3 par jour, la production de gaz naturel est environ deux fois plus élevée, et c'est encore plus élevé dans le scénario de GNL élevé. La croissance dans ces marchés de GNL dépend beaucoup de l'accroissement de l'accès.
En ce qui concerne les ressources disponibles, le Canada a des ressources commercialisables de gaz naturel équivalant à plus de 300 ans. Les changements qui ont mené à des changements aux États-Unis, c'est la même chose au Canada; le gaz de réservoir étanche et le gaz de schiste. Nous avons donc des ressources de gaz naturel équivalant à environ 310 ans
Le sénateur MacDonald : Je vais dire une dernière chose. Je crois que nous devons éviter de mettre notre sécurité énergétique dans les mains d'un autre pays, dont les États-Unis. Si nous avons des réserves de gaz qui ne sont pas exploitées, je pense qu'il est temps d'avoir la technologie qu'il faut maintenant.
Mme Milutinovic : Nous avons plus de 1 000 Tpi3 de réserves de gaz naturel commercialisable.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir sur le point qu'a soulevé le sénateur Massicotte sur le doublage. J'ai déjà appuyé ce qu'il a dit, c'est-à-dire : et s'il fallait que ce soit le triple?
Dans le graphique qui figure à la diapositive 6, on voit une courbe à forte pente de 2005 à environ 2020. À partir de là, les choses se stabilisent. Il me semble que l'an dernier, je crois, pour la première fois, les investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé les investissements dans le pétrole et le gaz — bien sûr, il y a peut-être des raisons qui l'expliquent, mais on investit beaucoup d'argent dans les énergies renouvelables, que les gouvernements du Canada appuient de plus en plus. Pourquoi suppose-t-on que la progression cesserait plus ou moins en 2020? Pourquoi l'augmentation des capacités de production des énergies renouvelables ne se poursuivrait-elle pas au même rythme que de 2005 à 2015? Il me semble qu'il y aura un élan.
Mme Milutinovic : Je n'ai pas la réponse en tête.
Le sénateur Mitchell : Vous pourriez nous revenir là-dessus.
Le sénateur Massicotte : Le pourcentage ne changerait pas, mais on augmente considérablement la production de GNL, le pourcentage, en totalité.
Le sénateur Mitchell : Or, il ne s'agit pas d'un pourcentage dans le graphique. Ce sont des gigawatts, donc il ne s'agit pas d'un pourcentage. Il s'agit de production absolue. Il n'y a donc aucune raison qui expliquerait une telle situation 2020, à mon avis, compte tenu des pressions.
L'autre chose, c'est que — et je veux simplement le confirmer —, on ne peut bien entendu d'aucune façon supposer qu'il y aura un tsunami de changements dans les marchés où les gens seront vraiment craintifs. Lors d'une réunion du Comité de la défense, il y a deux ou trois semaines, un de nos témoins a dit que lorsqu'il demande aux autorités portuaires quelle est leur plus grande crainte quant aux menaces touchant l'infrastructure, elles ne lui disent pas que ce sont les attaques terroristes, mais plutôt la montée du niveau des eaux en raison des changements climatiques. Soudainement, si ces choses commencent à préoccuper les gens, on pourrait voir des changements massifs dans la demande de pétrole et de gaz, ce qui est réellement préoccupant pour un Canadien et pour notre économie si nous ne sommes pas prêts. Le fait est qu'on ne peut pas faire ce genre d'hypothèses.
Mme Milutinovic : C'est vrai. En plus des changements technologiques, le changement des comportements des consommateurs est l'un des grands éléments d'incertitudes de l'avenir énergétique.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie encore une fois. Nous avons parlé des pipelines. Je veux seulement utiliser ce point pour préciser deux ou trois choses. Tout d'abord, contrairement à ce que nous espérons, il n'y a pas de décalage concernant le PIB et les GES. L'efficacité augmente légèrement, mais il y a tout de même une hausse des émissions de GES. Vos chiffres révèlent également que si nous construisons un pipeline, les émissions de GES augmentent. Bon nombre de gens diraient alors que ce sont de mauvaises nouvelles. Or, vos chiffres montrent essentiellement qu'en effet, les pipelines font augmenter les émissions, mais ils nous permettent d'accroître notre production et nos exportations énergétiques. Il est fort probable que si le destinataire n'achète pas nos produits pétroliers, il en achètera d'une autre source; et pour les émissions de GES dans le monde, il n'y aurait probablement pas de grande différence. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Fox : Oui. Le pétrole sera produit quelque part, ce qui produira à peu près la même quantité de GES.
Le sénateur Massicotte : Si je regarde votre graphique sans tenir compte du point de vue canadien, il semble que ce sont de mauvaises nouvelles; et nous utilisons simplement cela pour dire qu'il ne faut pas construire des pipelines, mais c'est en quelque sorte trompeur. L'autre chose qu'indique votre graphique, c'est que sans pipeline, cependant, de toute évidence, la concurrence entre les fournisseurs canadiens augmentera, ce qui est peut-être avantageux pour l'industrie pharmaceutique ou une industrie canadienne quelconque, car il y a évidemment plus de concurrence. Les économistes pourraient donc dire que notre pays serait plus compétitif et que cela se traduirait peut-être par une croissance du PIB. Est-ce exact?
Mme Milutinovic : La demande d'énergie est très similaire dans le scénario de capacité limitée comparativement à l'autre scénario. La demande d'énergie provient soit du Canada, soit d'ailleurs. Ce qui se produit dans le scénario de capacité limitée, c'est que parce qu'ils finissent par utiliser le transport ferroviaire plutôt que des pipelines, les coûts augmentent, et donc, il y a le revenu net du producteur. Un nombre moins élevé d'usines est économique comparativement au scénario de référence.
Le président : Je crois que c'est tout pour les questions. J'ai moi-même deux ou trois questions.
Lorsque des gens parlent d'énergie renouvelable, ils parlent de l'électricité. Je ne connais pas de source d'énergie renouvelable qui peut remplacer le plastique, les liquides du gaz naturel ou le pétrole. Je serais surpris d'apprendre qu'on en crée, mais à ce que je sache, ce n'est pas encore le cas. On continuera à utiliser le pétrole et le gaz, et on s'y perd si souvent.
Examinons la diapositive 6 et parlons des ressources d'énergie renouvelable et de ce que nous pouvons faire. Il y a l'électricité. Il y a en grande partie la biomasse, pour laquelle nous n'avons pas encore de certitude non plus; le coût de la biomasse. Je vois qu'il y a aussi l'énergie éolienne, mais on peut bien construire toutes les éoliennes qu'on veut — un grand nombre ont été construites en Colombie-Britannique —, mais elles doivent s'accompagner d'énergie garantie.
Lorsqu'on examine la question, on ne parle pas ici d'un coût double, mais cela augmente les coûts d'électricité de façon spectaculaire. Même si le prix de construction des mâts éoliens baisse, il faut tout de même que cela s'accompagne d'énergie garantie, car on veut que les gens puissent utiliser les lumières tous les jours, 24 heures sur 24, ce que l'énergie éolienne ne permet pas.
Je pense que nous devons toujours examiner cela attentivement lorsque nous parlons de l'énergie renouvelable et de la façon dont nous changerons les choses au Canada, pour ce qui est de l'utilisation du pétrole et du gaz. Ces graphiques m'indiquent qu'elle augmentera, et toute l'information que j'ai vue indique que le monde entier augmentera son utilisation de pétrole, de gaz et de charbon. Puisque les prix sont tellement bas présentement, bon nombre de pays retournent au charbon.
J'ai récemment lu un article sur la Hollande, qui a décidé qu'elle avait besoin de nombreuses voitures électriques. Nous entendons cela au Canada, et nous disons « remplaçons nos automobiles par des automobiles électriques » en pensant qu'il ne suffit que de les brancher au mur. Il faut construire les installations de production d'électricité pour pouvoir charger la batterie. La Hollande, dans sa grande sagesse, dit qu'en fait, elle ne permettra pas que des véhicules à combustibles fossiles circulent dans le centre de ses plus grandes villes. Il faudra que ce ne soit que des véhicules électriques. Ensuite, on y a construit trois usines de charbon afin de fournir l'électricité nécessaire pour alimenter les voitures. S'il vous plaît; cela n'a aucun sens. C'est de là que provient en bonne partie l'idée qu'on n'a qu'à intégrer les énergies renouvelables et que c'est facile. Or, comme je le disais au sénateur Mitchell, elles ne peuvent pas servir à fabriquer votre chandail en rayonne, ni les plastiques qu'on utilise tous les jours. Le Canada compte 2 000 fournisseurs de plastique. Les voitures sont presque à moitié composées de plastique. Le plastique n'est pas fabriqué avec de l'électricité, mais bien avec du gaz naturel, des liquides et du pétrole. C'est ce qui compose le plastique. Nous devons garder cela en tête.
Ce que vous dites au sujet de la production énergétique, c'est que pour l'électricité, elle se stabilise presque de 2005 à 2040, n'est-ce pas?
Mme Milutinovic : Elle augmente de 1 p. 100 par année. La production et la demande augmentent de 1 p. 100 par année.
Le président : D'accord. À la diapositive 6, je vois les ajouts de capacité et mises à la réforme d'équipement d'ici 2040. Évidemment, il y a la mise à la réforme du charbon, ce qui aide beaucoup à réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'uranium — vous l'avez déjà expliqué — et le gaz naturel. Or, je vois également une bonne tranche pour le gaz naturel. Quelle proportion cette partie en bleue représente-t-elle pour le gaz naturel?
Mme Milutinovic : C'était 11 p. 100 de la production l'an dernier et ce sera 20 p. 100 en 2040.
Le président : De 11 p. 100?
Mme Milutinovic : À 20 p. 100.
Le président : De 11 p. 100, en 2015 à 20 p. 100, en 2040?
Mme Milutinovic : C'est exact.
Le président : Qu'est-ce que cela représente en milliard de pieds cubes? Une journée, une année, autre chose? Si vous n'avez pas les données, j'aimerais que vous les fournissiez à la greffière, s'il vous plaît.
Mme Milutinovic : Nous le ferons.
Le président : Je vous remercie de toute l'information que vous nous avez fournie. Les questions posées étaient excellentes, et les réponses fournies étaient très bonnes également. Je ne crois pas avoir d'autres questions. Est-ce que quelqu'un d'autre en a? Non.
Merci beaucoup. Je vous remercie. Si vous pouvez donner à Lynn l'information que vous n'aviez pas, elle la fournira à tous les membres du comité.
Mme Milutinovic : C'est ce que nous ferons.
Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux d'être venus comparaître devant le comité.
(La séance est levée.)