Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 7 - Témoignages du 3 mai 2016
OTTAWA, le mardi 3 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 12, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au sein du Sénat et je suis le président du comité.
Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous dans la salle et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent les débats à la télévision. Je tiens à rappeler à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public. De plus, elles sont diffusées sur le Web à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur la liste des témoins sur le site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».
Je vais maintenant demander aux sénateurs ici présents de se présenter, en commençant par mon collègue à ma droite.
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul J. Massicotte, du Québec.
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Johnson : Janis Johnson, du Manitoba.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : Je tiens aussi à présenter notre personnel, en commençant par la greffière, Marcy Zlotnick et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, qui sont tous les deux ici ce soir, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Il s'agit de notre sixième réunion consacrée à l'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, transition qui est nécessaire pour atteindre les cibles annoncées par le gouvernement du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Durant le premier segment de notre réunion, je suis heureux d'accueillir Max Gruenig, président de l'Ecologic Institute US, qui nous rend visite de Washington, D.C.
Bonjour, monsieur, et merci d'être là. Vous allez nous présenter un exposé, puis nous passerons aux questions et réponses. La parole est à vous, monsieur.
Max Gruenig, président, Ecologic Institute US : Bonjour, monsieur le sénateur Neufeld. Merci, honorables sénateurs, de m'avoir invité aujourd'hui. Je suis extrêmement honoré de me retrouver ici pour prendre la parole et je suis heureux d'apprendre que vous vous intéressez aux données probantes allemandes. Je vais vous parler des expériences en Allemagne en ce qui a trait à la transition énergétique et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Une économie à faibles émissions de carbone ne signifie pas la fin de la production manufacturière ou industrielle, mais elle nécessite un changement dans le mode de création de la valeur économique. La décarbonisation en profondeur exige non seulement une amélioration de l'efficacité marginale, mais aussi la modification des systèmes et des processus pour tirer parti du plein potentiel d'efficacité.
L'économie à faibles émissions de carbone exige une réduction de l'intensité énergétique, ainsi qu'un changement dans les sources d'énergie et dans les processus à forte intensité carbonique dans tous les secteurs. C'est seulement la réunion de ces trois conditions qui peut donner lieu à une réelle décarbonisation.
À la longue, la transition énergétique de l'Allemagne, ou Energiewende, améliorera la compétitivité de l'économie de production du pays grâce à de vastes améliorations de l'efficacité énergétique et à la réduction des coûts des importations énergétiques. Un pas important dans cette voie consiste à dissocier le PIB des émissions de gaz à effet de serre et de l'intensité énergétique. Cela a pour effet d'accroître la productivité énergétique, qui à son tour réduit les coûts globaux de l'énergie par rapport à la fabrication de produits. Des tendances se dessinent déjà, mais cette transformation ne se fait pas en une nuit.
En raison de sa nature dynamique, l'Energiewende peut s'adapter aux besoins des entreprises et de l'économie à court et à moyen termes. Nombreux sont ceux qui attribuent la réussite de l'Energiewende à ce dynamisme de même qu'à la volonté des gouvernements de réagir aux craintes du milieu des affaires.
Les priorités sont essentielles à ce dynamisme. Grâce aux objectifs clairs de l'Energiewende, les gouvernements et les entreprises peuvent apporter des modifications au processus, sachant où celui-ci aboutira en définitive. À mesure que l'Energiewende passe d'une fonction de réglementation à un système basé sur le marché, le dynamisme continuera de s'intensifier, permettant de répondre sans cesse aux besoins de l'heure.
Voilà les éléments fondamentaux de la transition énergétique de l'Allemagne. La stratégie poursuit en parallèle trois objectifs, qui visent l'établissement d'un système abordable, pauvre en carbone et sûr au niveau énergétique. Ces objectifs se divisent en cibles.
En ce qui concerne l'atténuation du changement climatique : d'ici 2020, l'Allemagne réduira ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 p. 100 par rapport au niveau de 1990. D'ici 2050, elle les aura réduites de 80 à 95 p. 100 par rapport à 1990. Ce vaste effort d'atténuation du changement climatique se traduit par des cibles précises pour le secteur de l'énergie, soit une augmentation de la part de l'énergie renouvelable qui passera à 18 p. 100 d'ici 2020 et à 60 p. 100 d'ici 2050, ainsi que des objectifs plus élevés pour le secteur de l'électricité : 35 p. 100 d'ici 2020 et 80 p. 100 d'ici 2050, respectivement; et l'amélioration de l'efficacité énergétique de 2,1 p. 100 par année jusqu'en 2050, d'où une réduction nette de la consommation d'énergie primaire de 50 p. 100 par année jusqu'en 2050 comparativement au niveau de 2008.
Où en sommes-nous dans la réalisation des cibles et des objectifs? En 2014, nous en étions à moins de 27,7 p. 100 des émissions de gaz à effets de serre comparativement à 1990. En 2015, nous tirions 32,5 p. 100 de la consommation brute d'électricité de sources renouvelables. Pour mettre les choses en perspective, le niveau s'élevait à 3,2 p. 100 en 1991.
Des progrès considérables ont été réalisés dans l'ensemble de l'industrie sur le plan de l'intensité énergétique : de 1990 à 2014, elle a diminué et est passée de 3,9 gigajoules à 2,3 gigajoules par tranche de 1 000 euros de valeur ajoutée. Dans le secteur des services, l'intensité énergétique est passée de 1,3 gigajoule en 1990 à 0, 7 gigajoules par tranche de 1 000 euros en 2014.
Même si le PIB a plus que doublé de 2000 à 2014, nous avons observé de bons résultats en ce qui concerne la réduction de l'intensité des émissions de CO2 du PIB et l'intensité énergétique du PIB, même si nous sommes encore loin des cibles ambitieuses qui ont été établies.
L'abordabilité et l'efficacité énergétique vont de pair : l'augmentation du coût de l'énergie peut être compensée par l'utilisation plus efficace de l'énergie; des prix plus élevés peuvent inciter les gens à mieux utiliser l'énergie.
L'Allemagne, grand producteur orienté vers les exportations, a besoin de sources d'énergie sûres et abordables. Du reste, comme les groupes à faible revenu sont plus vulnérables à l'augmentation du coût de l'énergie, des prix abordables sont une importante prérogative sociale. C'est pourquoi l'Energiewende est une transition énergétique qui réduit les coûts et qui est orientée vers le marché.
Nous allons maintenant passer aux coûts annuels des factures d'électricité des ménages en 2014. Si l'on compare la situation allemande et canadienne en 2014, on estimait que les coûts énergétiques ou d'électricité du ménage moyen allemand s'élevaient à 978 euros par année comparativement à 851 euros par année au Canada. Il faut bien sûr mettre ces chiffres en perspective. Le coût en Allemagne s'élevait à 29,1 cents par kilowattheure comparativement à 7,5 cents par kilowattheure au Canada. La consommation énergétique en Allemagne s'élevait en moyenne à 3 300 kilowattheures comparativement à 11 300 kilowattheures au Canada.
La part du revenu disponible affectée aux coûts d'électricité est demeurée stable depuis 1990, oscillant entre 1,5 et 2,5 p. 100. Le prix de gros de l'électricité diminue sans cesse, se situant autour de 3,5 cents/kWh, ce qui est beaucoup moins que le taux lié à l'énergie renouvelable, soit 6,35 cents/kWh en 2016.
Les coûts de l'énergie pour l'industrie sont aussi demeurés stables à l'exception de la pointe des prix de l'énergie vers 2008, qui, bien sûr, a eu un impact marqué sur certaines industries grandes consommatrices d'énergie. Sinon, il n'y a pas de croissance claire ou d'augmentation marquée des coûts énergétiques des principales industries allemandes.
Pour réduire le fardeau des coûts accrus que doit assumer l'industrie après la première étape de l'Energiewende, le gouvernement a établi des exemptions pour les industries énergivores et modifié le code fiscal de manière à transférer les coûts de main-d'œuvre aux coûts de l'énergie afin que les entreprises qui continuaient d'embaucher des employés ou du moins qui n'en congédiaient pas n'aient pas à payer une facture fiscale plus élevée en raison de la transition énergétique. La réforme de la taxe verte est une mesure fondamentale permettant de transférer les coûts de la main- d'œuvre aux coûts de l'énergie, appuyant ainsi la décarbonisation.
L'efficacité énergétique est une idée qui se vend mal, car elle est axée sur le moins plutôt que sur le plus. Elle va également à l'encontre de nombreux modèles d'affaires établis. Les entreprises ne l'acceptent que si elle leur permet de créer suffisamment de valeur. C'est pourquoi nous devons remodeler nos modèles d'affaires. Les sociétés de services publics doivent remplacer la tarification fondée sur le volume par une tarification fondée sur le revenu et les services. Or, la tarification fondée sur le service plutôt que sur le volume incite moins les consommateurs à atteindre un certain niveau d'efficacité énergétique.
La seconde partie de la décarbonisation, la transition vers l'énergie renouvelable, vise à remplacer les sources d'énergie existantes qui dégagent beaucoup de carbone par des sources à faible intensité carbonique dans tous les secteurs de l'économie. La transition énergétique en Allemagne risque ainsi de plaire au plus grand nombre parce qu'elle n'est pas synonyme de perte et de réduction, mais peut au contraire favoriser la croissance et le développement. Elle suscite l'acceptation politique et se prête davantage aux stratégies de mise en œuvre. Par ailleurs, il est plus facile pour les gouvernements de verser des subventions que de hausser les taxes et les coûts.
Dans le secteur de l'électricité, la décarbonisation est déjà bien avancée en Allemagne, mais elle nécessite des efforts supplémentaires pour qu'il soit possible d'atteindre les cibles de 80 et de 100 p. 100 d'énergie renouvelable dans ce secteur.
Et maintenant, passons au fonctionnement de la surtaxe allemande, ce qu'on appelle l'« EEG-Umlage ». Il s'agit d'une surtaxe payée par les consommateurs d'électricité en Allemagne, qui sert à financer le tarif de subventionnement garanti par le gouvernement aux fournisseurs d'énergie renouvelable du réseau. Elle figure sur la facture de services publics et elle est calculée en fonction de la consommation individuelle d'électricité; la formule varie selon le type de consommateurs. La surtaxe imposée aux ménages en 2016, par exemple, s'élève à 6,35 cents/kWh. Pour les secteurs à haute intensité énergétique ou pour d'autres consommateurs « privilégiés », des exemptions s'appliquent de manière à assurer la viabilité et la stabilité économiques. Avec l'instauration d'enchères pour l'établissement de tarifs de rachat aux fins des énergies renouvelables, la surtaxe diminuera davantage au fil du temps.
Le gouvernement ne subventionne pas la réduction de la surtaxe imposée aux entreprises à forte intensité énergétique; cette surtaxe est plutôt transférée au moyen d'un nouveau calcul aux petits consommateurs, incluant les ménages.
À long terme, l'absence de subventions gouvernementales destinées à l'Energiewende aura notamment pour effet de garder le marché le plus autonome possible. Un autre motif justifiant l'augmentation de la surtaxe des ménages est propre à l'expérience allemande de l'Energiewende : dans bien des cas, les ménages se paient eux-mêmes. Vu l'incitation au renforcement des capacités qui s'exerce en amont de l'Energiewende, un grand nombre de citoyens emboîtent le pas. En 2012, dernière année pour laquelle on dispose de données, les citoyens détenaient 46,6 p. 100 de la capacité d'énergie renouvelable, ce qui a jeté les bases de la décentralisation du système d'énergie en amenant les citoyens et les collectivités à participer au processus.
La surtaxe a cependant eu des répercussions sur les factures mensuelles des ménages, représentant plus de 22 p. 100 de leur facture d'électricité mensuelle moyenne en 2016. C'est là où les efforts d'efficacité énergétique et de réduction globale de la consommation d'énergie commencent à porter ses fruits pour les ménages, tout comme pour les entreprises.
L'impact sur le secteur de l'électricité : comme une grande partie de l'électricité est consommée à un coût marginal nul, le recouvrement des coûts à long terme de la production d'énergie et de l'infrastructure devient plus difficile. Le nouveau marché énergétique faible en carbone doit être considéré non plus comme un marché commercial fondé sur des coûts marginaux, mais comme un marché de services, où la tarification est liée non pas aux coûts de production marginaux, mais plutôt à la qualité et à la fiabilité du service.
Malgré les défis à long terme qui se présentent, la transition énergétique est l'un des aspects les moins à risque de la décarbonisation en profondeur. Il se peut que certains services publics soient mis à rude épreuve par moments, mais ils sauront s'adapter et faire leur chemin dans le nouveau paysage. En fait, de nouveaux débouchés s'ouvrent.
Dans les secteurs autres que l'électricité, la transition énergétique est confrontée à plus d'obstacles; c'est le cas en particulier du secteur des transports, où les barrières systémiques empêchent actuellement la décarbonisation.
Les répercussions sur la fiabilité : en Allemagne, la durée des pannes d'électricité en minutes est parmi les plus faibles en Europe et elle diminue au fil du temps. En guise de comparaison, en Pologne, il y a en moyenne 254 minutes de pannes d'électricité par année par consommateur; en France, 68 minutes; au Danemark, 11 minutes; et en Allemagne, 12,5 minutes. Par conséquent, l'Allemagne n'est dépassée que par le Danemark en Europe et le Danemark, évidemment, a aussi entrepris sa transition énergétique.
La troisième partie d'une stratégie de décarbonisation, le changement de processus, représente un immense défi, car de nombreux processus industriels émettent beaucoup de carbone, comme ceux qui entrent dans la production de ciment et d'acier. Il n'est pas toujours possible de mettre en place de nouveaux processus, mais il existe d'autres options qui sont souvent négligées, par exemple l'utilisation de nouveaux matériaux — comme le bois ou des bioproduits en remplacement du ciment ou de l'acier — ou le déplacement de la courbe de demande. Ainsi, l'économie à faibles émissions de carbone est directement liée à l'économie circulaire. Cela implique la réutilisation accrue des intrants dans différents processus et un degré supérieur de coordination entre les entreprises.
Des trois piliers de l'économie à faibles émissions, le changement de processus est sans contredit celui qui représente le plus grand défi, mais c'est aussi l'aspect le plus créatif qui recèle le plus de possibilités pour les entreprises et le plus grand potentiel de développement économique.
Il est essentiel de stimuler l'innovation pour les trois piliers de l'économie à faibles émissions de carbone. Et c'est ce que fait le gouvernement allemand en agissant de diverses façons sur l'offre et la demande.
Pour dégager d'autres fonds de lancement et fonds destinés à des projets, il est possible de réutiliser les revenus provenant du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne dans un fonds national pour le climat qui appuie les initiatives de tous les groupes, y compris les entreprises, la société civile et les municipalités.
Le fonds pour le climat sert également à financer des mesures débouchant sur la création de nouveaux marchés pour de nouveaux produits qui ne sont peut-être pas économiquement viables au départ. À mesure que le marché gagne en maturité, les coûts s'abaissent, et le soutien est progressivement éliminé.
Il faut bien comprendre que l'économie allemande à faibles émissions de carbone n'est pas une économie planifiée. Les mesures qui aboutiront à une nouvelle réalité économique pleinement dynamique doivent déranger le moins possible le secteur privé et les consommateurs. Parallèlement, on ne saurait ignorer le fait que — même s'il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle, et il faut bien le souligner — il y aura encore des gagnants et des perdants. Il est évident que ceux qui croient ou craignent qu'ils perdent au change s'opposeront aux mesures, parfois avec véhémence.
Quelles sont les prochaines étapes? L'Energiewende allemande est un travail en cours. Il repose sur la compréhension qu'un système énergétique propre et durable est nécessaire à une économique dynamique au XXIe siècle. Le processus est dynamique, mais des progrès mesurables ont été faits.
Ce processus comporte les trois étapes centrales. La première consiste à renforcer les capacités d'utilisation d'énergies renouvelables tout en augmentant les gains d'efficience. L'établissement de tarifs de rachat et de priorité d'accès au réseau stimule l'investissement dans la création de moyens d'action. Non seulement la surtaxe incite les consommateurs à réduire leur consommation, mais elle permet au système de rajuster le fardeau pour certains consommateurs, réduisant ainsi les conséquences pour l'ensemble de l'économie.
La deuxième consiste à gérer le développement des capacités pour maximiser les possibilités d'expansion et de modernisation du réseau. La décentralisation du réseau permet la production d'électricité avec plus d'efficience et de souplesse. La gestion du développement en fonction des besoins du réseau garantit la stabilité des prix courants et l'amélioration soutenue de l'efficience.
La troisième vise à permettre aux marchés de créer un environnement qui se renouvelle lui-même en vue d'innovations continues. Les marchés sont plus en mesure de s'adapter aux besoins du réseau en temps réel. Permettre à un marché libéralisé de fixer des prix créera plus de certitude quant aux prix à court terme, tout en favorisant la concurrence et l'innovation.
La réalisation fructueuse de la troisième étape est essentiellement le début de la première. L'objectif ultime de l'Energiewende est la création d'un système propre qui se renouvelle de lui-même, mû par une énergie propre et renouvelable. Or, à chacune des trois étapes, l'engagement continuera d'être le facteur déterminant vers la concrétisation d'une vision d'avenir durable.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions, en commençant par le vice-président du comité.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Gruenig. C'est rassurant de vous entendre parce que nous nous demandions dans quelle mesure les coûts allaient freiner les efforts de recherche de sources d'énergie renouvelable au Canada; nous trouvions les objectifs très élevés et ne voyions pas comment on pourrait les atteindre rapidement.
Je crois savoir que, dans le cadre de votre programme, lorsque vous avez commencé à créer des sources de production d'électricité renouvelable — des technologies renouvelables, des usines de carburant renouvelable et ainsi de suite — beaucoup de personnes ont affirmé qu'il allait être impossible de tirer plus de 4 p. 100 de la production électrique allemande de sources renouvelables. Cependant, vous en êtes actuellement à 33 p. 100. Pouvez-vous nous dire de quelle façon cette situation surprenante s'est produite? Beaucoup de personnes semblaient tellement pessimistes. Elles affirmaient que c'était impossible, et, cependant, vous avez vraiment dépassé vos attentes.
M. Gruenig : Je vais vous répondre de deux manières. Dans un premier temps, le développement lié au coût a été très impressionnant. Bien sûr, puisque les secteurs éolien et solaire ont une portée internationale, les répercussions des efforts allemands pour promouvoir les énergies renouvelables sont ressenties à l'échelle mondiale. Essentiellement, ces efforts ont entraîné une diminution du coût d'installation de nouvelles capacités partout dans le monde, tant du côté solaire que du côté éolien. Maintenant, tout le monde peut en bénéficier.
L'autre partie de l'équation, c'est la souplesse du réseau électrique. On a procédé à d'importantes réformes du système depuis l'introduction des régimes de soutien aux énergies renouvelables. Le temps de réaction des gestionnaires de réseaux de transport s'est amélioré. Pour y arriver, on a numérisé et automatisé davantage la coordination et améliorer les délais de réponse et la capacité de réaction.
C'est surprenant de voir que la durée de panne diminue année après année, même si la proportion de ce que nous appelons les sources d'énergie renouvelable intermittentes ou souples augmente. Notre principale source d'énergie renouvelable est non pas hydroélectrique, mais, bien sûr, éolienne, qui est suivie de l'énergie solaire, et il y a effectivement eu des changements très impressionnants.
En 2014, il y a eu une éclipse solaire partielle en Allemagne. Vous pouvez vous imaginer ce que cela signifie dans une zone où il y a beaucoup d'installations d'énergie solaire. Ce qui est bien avec les éclipses solaires, c'est qu'elles sont prévisibles. C'est une bonne chose. Mais, en fait, c'est vrai pour presque tout. Les services de prévision météorologique se sont améliorés au cours des dernières décennies, tellement que, aujourd'hui, grâce aux prévisions météorologiques sur trois jours, on peut déterminer le niveau de production d'électricité éolienne et solaire.
Les craintes véhiculées au début — il y a 20 ans — lorsque les technologies étaient encore très différentes de ce qu'elles sont devenues, se sont révélées dans une grande mesure, non fondées. Bien sûr, la situation évolue constamment.
Le sénateur Mitchell : Une des caractéristiques des énergies renouvelables, c'est qu'elles sont réparties assez uniformément. On peut les exploiter dans les zones locales et ainsi favoriser l'emploi et le développement économiques en zone rurale. En Allemagne, il y a eu des coopératives et d'autres initiatives dans des villages et des villes. Le réseau est donc vraiment réparti. Le secteur a-t-il soutenu le développement économique régional? Est-ce un autre avantage ici?
M. Gruenig : Absolument.
Ce qui est intéressant avec l'énergie renouvelable, c'est qu'elle peut être générée dans des zones qui ne sont habituellement pas sujettes ou exposées au développement économique, et cela peut permettre de créer des emplois. C'est intéressant, et, parfois, on l'oublie. Ce n'est pas seulement les installations : les importants travaux d'entretien créent aussi de l'emploi. Bien sûr, il y a l'assiette fiscale, ce qui peut être intéressant en zone éloignée parce que ces installations constituent une source de revenus continue et fiable pour les municipalités et les territoires où elles sont implantées.
On a noté récemment un léger changement d'orientation avec la création de parcs d'énergie éolienne en mer, qui se trouvent à l'autre extrémité de l'échelle sur le plan de la répartition des énergies renouvelables. Ce sont des centres de production très centralisés et éloignés. Mais, la production d'énergie renouvelable compte tout de même une proportion élevée d'installations appartenant à des citoyens ou des coopératives.
La sénatrice Ringuette : Vous possédez un plan national. Dans quelle mesure les collectivités et les citoyens ont-ils participé à l'élaboration du plan et ont-ils des quotas à respecter?
Ensuite, vous avez développé toute une industrie en ce qui concerne les systèmes d'énergie renouvelable. Quel a été l'impact sur le PIB allemand pour compenser je ne sais quoi d'autre?
M. Gruenig : Pour répondre à la première question, il n'y a pas de quota précis en ce qui a trait à la participation des citoyens ou des coopératives dans les secteurs des énergies renouvelables et des installations de production d'énergie renouvelable. En fait, c'est simplement dû au grand intérêt de la population pour ce domaine et à ce que j'appellerais le manque d'intérêt des principaux intervenants du domaine des services publics. Ceux-ci ont un peu manqué le bateau et n'ont pas commencé à investir de façon marquée jusqu'à récemment. Par conséquent, un marché s'est développé dans le cadre duquel des gens se réunissaient et créaient des entités économiques pour soutenir leur propre vision entrepreneuriale.
La sénatrice Ringuette : J'ai entendu que des collectivités entières sont maintenant autosuffisantes.
M. Gruenig : Oui.
La sénatrice Ringuette : C'est bel et bien le cas?
M. Gruenig : Oui.
J'ai aussi mentionné le Fonds national pour le climat, qui soutient aussi les municipalités grâce à des approches holistiques qui englobent l'électricité ainsi que les approches liées au chauffage et au transport dans le cadre de la transition énergétique.
La sénatrice Ringuette : Ma deuxième question concernait le PIB.
M. Gruenig : C'est une question plus délicate. Il y a des chiffres officiels variés en ce qui concerne l'impact sur le PIB — ou la valeur ajoutée — et la création d'emplois. En fait, il est très difficile de déterminer jusqu'où on peut aller avec les emplois verts, même si on se limite aux emplois dans le domaine des énergies renouvelables. C'est difficile. Par exemple, souvent, des systèmes solaires sont installés sur le toit de résidences par les personnes mêmes qui s'occupent aussi de la plomberie et des appareils de chauffage résidentiels. S'agit-il d'emplois liés aux énergies renouvelables ou non? Quelle part de ces emplois est liée aux énergies renouvelables? C'est difficile d'y répondre. En fait, ce domaine est intégré dans l'ensemble de l'économie et, de nombreuses façons, il n'est pas une composante économique isolée.
La sénatrice Ringuette : C'est donc impossible pour vous de déterminer l'impact réel du plan national?
M. Gruenig : On pourrait en extrapoler le seuil en se limitant aux emplois liés exclusivement aux énergies renouvelables au sein d'entreprises qui n'œuvrent que dans le domaine des énergies renouvelables ou de l'énergie éolienne. Si on va plus loin et qu'on inclut aussi le secteur des fournisseurs — qui possèdent souvent des portefeuilles mixtes —, alors des distinctions s'imposent. Par exemple, des composantes utilisées pour produire des énergies renouvelables peuvent aussi servir dans d'autres contextes. C'est là où cela devient plus difficile et qu'il y a plus d'incertitude. En fait, la fourchette des chiffres qu'on peut obtenir en réponse à cette question est assez large, mais je serai heureux de vous fournir un ensemble de réponses.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être là aujourd'hui. Je vous ai bien écouté. J'ai lu votre discours attentivement. J'ai besoin de votre aide. J'aimerais avoir un résumé de haut niveau. Comment vous êtes-vous rendus là?
Je sais que vos taux de facturation d'électricité sont environ quatre fois plus élevés que les nôtres, et j'imagine que cela motive les consommateurs à réduire leur consommation énergétique. Cependant, j'ai remarqué dans vos commentaires que les grands utilisateurs d'électricité n'ont pas à payer la surtaxe, ce qui va totalement à l'encontre de ce que j'aurais cru bon de faire. Je crois aussi savoir que vous avez réduit votre production énergétique nucléaire de beaucoup au cours des dernières années, ce qui, j'imagine, a évidemment accru votre dépendance énergétique envers le charbon dans une certaine mesure. De façon globale, comment avez-vous fait pour vous rendre là où vous êtes rendus malgré tout?
M. Gruenig : En ce qui a trait à la justification des exemptions pour les plus grands consommateurs, vous avez raison de dire que nous pourrions aller chercher beaucoup d'argent auprès de très peu de personnes si nous nous tournions vers les industries consommant beaucoup d'énergie. Il est 100 fois plus bénéfique de garder ces activités industrielles en Allemagne — où elles sont assujetties aux lois et règlements sur l'environnement — que de les voir déménager à l'étranger dans des endroits moins réglementés, où elles pourraient être susceptibles de causer des préjudices non seulement à l'environnement, mais aussi aux gens.
C'est la raison pour laquelle nous avons protégé ces industries et les avons encouragées à rester en Allemagne. C'était une décision bien réfléchie non pas pour faire de l'Allemagne un havre de paix pour les industries internationales de l'acier et du ciment, mais simplement pour conserver les niveaux actuels.
Par ailleurs, ces secteurs sont aussi visés par le système européen d'échange de quotas d'émissions, qui inclut les émissions de CO2. Il y a des mesures incitatives autres que les prix de l'énergie qui poussent les industries grandes consommatrices d'énergie à réduire leurs émissions de CO2 et à s'efforcer de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Massicotte : Je comprends votre réponse. Certains pourraient dire que votre politique est très simple : laissons les grands pollueurs s'en tirer et taxons les petits consommateurs — qui n'ont aucun pouvoir de négociation et ne peuvent pas déménager — et laissons-les payer au lieu des grands pollueurs en facturant les consommateurs résidentiels quatre fois plus qu'ils ne paieraient sinon. Votre système semble fonctionner. Devrait-on faire la même chose?
M. Gruenig : Les prix de l'énergie des ménages étaient en fait plus bas avant, mais ils étaient déjà 20 p. 100 plus élevés, même avant l'introduction du système. Les niveaux étaient déjà beaucoup plus élevés, mais, bien sûr, ça n'a tout de même pas aidé. Il y a eu beaucoup de discussions dans les médias au sujet du fardeau sur les ménages, surtout les familles à faible revenu, et il y a aussi un débat politique sur la façon de gérer cette situation.
Il ne fait absolument aucun doute qu'il s'agit d'un problème, mais, au bout du compte, vous devez comprendre que cette politique, même si elle a été un peu modifiée en cours de route, est passée par trois coalitions gouvernementales différentes aux couleurs très différentes. On peut donc dire sans se tromper qu'il y a eu plus ou moins un consensus national sur cette façon de faire et cette décision permettant de préserver les secteurs industriels et manufacturiers de l'économie allemande.
Bien sûr, vous avez raison de dire qu'il y a certaines contradictions à affirmer que nous n'adoptons pas l'approche des autres pays qui consiste à se tourner exclusivement vers l'industrie des services, parce que c'est une façon facile d'assurer la décarbonisation. On se débarrasse tout simplement des industries et on importe les marchandises industrielles et, si un pays s'en tient aux services bancaires et à d'autres services, alors, bien sûr, la décarbonisation n'est pas un problème.
Pour nous, l'objectif était d'assurer la décarbonisation tout en conservant le secteur manufacturier, mais même le secteur manufacturier doit changer et il a apporté des améliorations. Il y a eu une amélioration de 30 p. 100 de l'intensité énergétique dans les industries lourdes, mais c'est encore bien loin de nos cibles générales mentionnées dans l'accord de Paris et de nos autres cibles.
Vous avez aussi mentionné la question du nucléaire. Cette question est, bien sûr, à la fois liée et distincte parce que la décision de mettre fin progressivement à la production énergétique nucléaire découlait principalement du rejet par la population des risques liés à cette production. Ce processus s'est fait en deux vagues. La première, c'est la création du mouvement antinucléaire, qui a pris un élan après Tchernobyl. Comme vous pouvez l'imaginer, l'Allemagne a été directement touchée par la catastrophe à Tchernobyl. Il y a eu des retombées radioactives sur le territoire allemand ce qui, bien sûr, a eu un impact politique.
C'était en 1986. Puis, il y a eu Fukushima. Même si cette catastrophe s'est produite très loin de nous, les souvenirs de Tchernobyl ont refait surface immédiatement. Fukushima a vraiment mis fin à « l'ère nucléaire » en Allemagne, et pour de bon, même si les répercussions directes étaient limitées. Nous n'utilisons pas les mêmes types de réacteurs, et la situation sismique et les risques de tsunami ne se comparent pas, mais il est soudainement devenu évident que nous devions faire quelque chose. Nous comptons 22 réacteurs, dont une bonne partie sont très vieux et ne respectent pas les normes les plus élevées. Ils auraient donc été éliminés progressivement à un moment donné de toute façon, alors dans une certaine manière, on procède à une élimination progressive précoce. Il y a encore des parts de production nucléaire, mais nous l'éliminons progressivement.
La sénatrice Seidman : Dans votre exposé sur l'impact sur le secteur de l'électricité, vous avez dit que le nouveau marché de l'économie à faible teneur en carbone ne peut pas être considéré comme un marché de marchandises en raison des coûts marginaux, mais qu'il faudra l'encadrer comme un marché de services dans lequel les prix sont liés non pas aux coûts marginaux de production, mais plutôt à la qualité et à la fiabilité des services. Puis, vous avez parlé de la fiabilité du système allemand et souligné que seul le Danemark s'en tire mieux dans ce domaine.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous faites pour assurer l'intégrité de votre réseau électrique. À quoi attribuez-vous cette fiabilité?
M. Gruenig : Nous avons quatre exploitants de systèmes de transport et une séparation nette entre eux et les centrales électriques. Les gestionnaires de réseau de transport sont responsables du maintien de la fiabilité du réseau dans leur territoire, mais assurent aussi une coordination et une collaboration à l'échelle des territoires. Le nombre d'interventions a augmenté de façon considérable, et cela découle en fait de la plus grande diversité d'énergie renouvelable dans le système et, en même temps, de la souplesse ou de la variation accrue du côté de la demande. C'est aussi le résultat de l'intégration accrue du marché européen, même s'il n'est pas encore totalement intégré. Il y a beaucoup d'activités d'équilibrage réalisées à différents niveaux.
On constate aussi un peu de réduction du côté des énergies renouvelables. Cela reste une tendance très marginale de façon générale, et les coûts connexes sont encore limités, mais nous notons une augmentation de ce côté-là. Tous ces éléments renvoient au besoin de changer réellement la conception du marché de l'électricité, parce que le marché de gros et le marché de détail ne sont pas connectés. Le marché de gros affiche plus souvent des prix nuls et des prix négatifs en raison de la prévalence de l'énergie éolienne et solaire. Il y a aussi le fait que certains intervenants du domaine de l'énergie conventionnelle ne peuvent pas ou ne veulent pas réagir directement aux signaux de prix.
Si trop de personnes ne veulent pas réagir à un signal de prix, le marché passe en dessous de zéro. Cela provoque des moyennes très basses dans le marché de gros, ce qui est très positif pour ceux qui peuvent acheter directement sur ce marché. Certaines industries qui sont de fortes consommatrices d'énergie achètent directement sur le marché de gros, et certaines adaptent leur profil de production aux courbes des prix, ce qui est un nouveau modèle d'affaires, qui permet de produire de l'acier sans aucuns frais énergiques, ce qui est un très bon avantage commercial comparativement aux voisins européens.
Nous avons déjà reçu des plaintes fondées sur la compétitivité de fabricants hollandais qui invoquaient la faiblesse des prix en Allemagne, mais il est absolument nécessaire de travailler sur cette question.
La sénatrice Seidman : Les énergies renouvelables ont favorisé l'efficience de votre réseau, et vous avez mentionné que vous étiez reliés, également, à plusieurs pays, autrement dit, à l'Union européenne. Mais qu'en est-il des investissements dans les réseaux, autrement dit, dans l'infrastructure? C'est que, à l'étape suivante, vous parlez d'un réseau étendu, plus moderne et décentralisé. Est-ce que vous avez investi également dans ce réseau?
M. Gruenig : Oui, mais cela ne s'est fait qu'à la phase deux du projet. Au début, cet aspect d'une certaine façon a été laissé de côté. Un consensus s'est forgé il y a quelques années dans la sphère politique, qui reconnaissait qu'il fallait agir; il y a ensuite eu les négociations puis une période axée sur le financement, et la construction est désormais commencée.
En fait, c'est en grande partie une connexion entre le nord et le sud, étant donné qu'il y a plus de vent dans le nord, près du littoral, et que ce sont les centres dans le sud qui consomment. Donc, nous devons amener l'électricité du nord vers le sud.
Le sénateur MacDonald : Je regarde les chiffres pour l'Europe et l'Allemagne; le coût de la production d'électricité est quatre fois plus élevé qu'au Canada. J'avoue que, à titre de Canadien, cela me fait peur. Quelles leçons devons-nous en tirer? À mon avis, la leçon à en tirer, c'est qu'il ne faut pas faire ce que font l'Allemagne et l'Europe.
Nous observons un déclin du secteur de l'énergie et une stagnation économique depuis environ 2006, dans toute l'Europe et dans une bonne partie du monde occidental, et c'est en grande partie lié au coût de l'énergie. Je ne sais vraiment pas comment nous pouvons poursuivre sur cette voie, ni comment les pays qui ont un potentiel industriel peuvent rester compétitifs ou conserver leur potentiel industriel. J'aimerais que vous répondiez à cette question.
M. Gruenig : Vous parlez du prix de l'électricité dans le secteur résidentiel, et vous avez raison, il est assez élevé en Allemagne. L'électricité coûte environ 30 centimes d'euro par kilowatt-heure, ce qui est assez élevé du point de vue du Canada. Et même en Europe, c'est l'un des coûts les plus élevés. C'est plus élevé au Danemark.
Mais ce n'est pas le prix payé dans le secteur industriel. Le prix de gros, le prix plancher, en fait, est de 3,5 centimes en moyenne, et les industries paient un prix différent, sur cette échelle, selon les taux qu'elles ont négociés.
Le coût de l'énergie n'est pas, pour la plupart des industries, un facteur très important. En Allemagne, l'industrie automobile est une industrie importante. Je ne parlerai pas des effets sur les changements climatiques de l'industrie automobile, une fois les automobiles vendues, mais, en ce qui concerne le processus de fabrication des véhicules motorisés, des remorques et des semi-remorques, le coût de l'énergie représente moins de 1 p. 100 des coûts de production. Cela vaut également pour le génie mécanique. L'énergie accapare 1 p. 100 de l'ensemble des coûts.
Les industries qui font face à des coûts énergétiques très élevés sont très rares. Quelques-unes sont des industries très locales, par exemple l'industrie du ciment, mais il y a aussi l'industrie chimique, une autre industrie très importante en Allemagne, puis l'acier et le métal. Elles font face à des coûts énergétiques plus élevés, mais, encore une fois, les coûts de l'énergie par rapport aux coûts totaux sont demeurés relativement stables au fil du temps. Nous n'avons donc pas observé cette augmentation brutale, en partie en raison des coûts réduits que cela représente pour elles.
Ce que vous dites au sujet de la stagnation du PIB est vrai, pour l'ensemble de l'Europe, et l'Europe et l'Allemagne ont eu leur part de problèmes. La crise a frappé l'Allemagne en 2009, et nous avons connu un ralentissement en 2012. Globalement, l'Allemagne est toujours la plus puissante, dans la zone euro et de manière générale dans l'Union européenne. En fait, elle émerge de la crise en faisant figure de leader et est le pays le plus prospère de l'Union européenne. C'est ainsi, et elle attire bien du monde des économies en stagnation du sud, qui ne se sont pas aventurées sur la voie des énergies renouvelables.
Le sénateur MacDonald : Je ne suis pas certain que cela réponde à ma question, alors je vais vous poser une question différente.
Je m'intéresse à un aspect particulier de l'énergie éolienne. Plus j'en apprends sur les éoliennes et les turbines terrestres, plus j'ai tendance à ne pas être d'accord. Leur maintenance coûte cher; elles n'arrivent pas à répondre à la demande. Cependant, je suis intrigué par le potentiel des énormes éoliennes au large que l'Europe est en train de mettre au point. Pourriez-vous me dire ce qu'elles représentent au chapitre de leur efficience et de leur rendement?
M. Gruenig : Dans le domaine de l'éolien, les coûts ont quand même beaucoup diminué, et nous en sommes au point où l'éolien est compétitif par rapport au charbon et au gaz, selon le marché. En Allemagne, l'énergie éolienne en mer est un bon choix, jusqu'à un certain point, car l'Allemagne est très densément peuplée. Notre espace terrestre est limité. Dans les régions où les terres sont une ressource rare, l'énergie éolienne en mer est un choix sensé.
L'énergie éolienne en mer se fonde sur l'accès à des vents plus stables, fiables et puissants tout au long de l'année. Les deux principaux parcs éoliens de la mer Baltique ont produit plus que prévu, la première année de production. De plus, il n'y a pas eu de bris importants de matériel.
La technologie arrive à maturité, et les prix baissent. Toutefois, lorsque les terrains sont facilement accessibles, l'avantage au chapitre des coûts penche du côté des éoliennes terrestres, étant donné que la technologie est beaucoup plus simple. La maintenance est simple, et son coût est bien plus bas.
La sénatrice Johnson : Croyez-vous que, étant donné les efforts déployés partout dans le monde pour assurer la transition vers des économies à faibles émissions de carbone, il devient de plus en plus difficile de réunir des capitaux pour financer la construction de nouvelles installations au charbon?
M. Gruenig : Oui. Il est clair que nous observons des changements, dans les marchés financiers, qui sont aujourd'hui plus sensibilisés à la nécessité d'agir de manière responsable sur le plan climatique. Donc oui, le financement de nouveaux projets au charbon est devenu plus difficile.
Toutefois, en même temps, il est toujours difficile, même en Allemagne, de se débarrasser du charbon puisque, à mesure que nous avons accès à du gaz et des énergies renouvelables à peu de frais en Amérique du Nord, le prix du charbon baisse, à l'échelle mondiale, et le charbon est utilisé partout dans le monde.
La sénatrice Johnson : Si les prix baissent, alors, on s'en servira, évidemment.
M. Gruenig : Exactement.
La sénatrice Johnson : Comment allons-nous nous en débarrasser, alors, et pouvons-nous le faire?
M. Gruenig : En fait, dans le cas du charbon, il faudra prendre des mesures réglementaires, et des mesures supplémentaires visant l'abandon progressif du charbon. Nous constatons déjà que certains propriétaires de mine à ciel ouvert, de mine de lignite, vendent leurs actifs. Ils prévoient déjà la fin de ce modèle d'affaires et ils n'attendront pas pour réagir que des mesures réglementaires soient prises. Ils ne veulent pas être laissés pour compte.
La sénatrice Johnson : Ce serait agréable de voir d'autres pays de l'Europe de l'Est prendre ce type de mesures réglementaires, car la situation est très mauvaise, là-bas.
M. Gruenig : C'est un grand défi.
La sénatrice Johnson : C'est un très grand défi, en effet.
Est-ce que l'accroissement des énergies renouvelables, en Allemagne, a amélioré la sécurité énergétique de ce pays, est-il moins dépendant des livraisons de gaz naturel de la Russie?
M. Gruenig : Oui, mais cela tient également à plusieurs autres facteurs. Il y a une solide volonté politique de réduire les importations de Russie, dans toute l'Union européenne. Nous avons observé une diminution globale des importations de gaz naturel, mais il y a d'autres facteurs.
On utilise beaucoup le gaz pour le chauffage et les procédés industriels, en Allemagne. Le chauffage dépend également des conditions météorologiques. Les besoins en importation dépendent donc aussi de beaucoup de facteurs qu'il est à peu près impossible de contrôler.
Oui, en effet, nous avons observé une diminution de la valeur des importations à partir de la Russie, mais il faut savoir qu'un second pipeline est en cours de construction. C'est un peu un double discours, et cela crée des tensions au sein de l'UE.
La sénatrice Johnson : Il est certain que cela crée des tensions. Qu'allez-vous faire? Ce sera un autre long débat.
M. Gruenig : C'est un long débat.
Sur le plan technique, cette situation améliore la sécurité énergétique. Nous ne prévoyons pas augmenter nos importations de gaz.
La sénatrice Johnson : Il faudrait tout simplement que le soleil brille plus souvent et partout, n'est-ce pas?
M. Gruenig : Oui.
Le sénateur Mockler : Je connais un parlementaire, par ailleurs bien connu, qui parle toujours de M. et Mme Tout- le-Monde en se posant la question : qui paye? Les ménages, les gens, les M. et Mme Tout-le-Monde, pensez-vous qu'ils ont de la difficulté à payer leur facture d'électricité?
M. Gruenig : Il y en a certainement pour qui c'est difficile. Toutefois, il y a la pauvreté énergétique... et l'Europe a défini la « pauvreté énergétique », qui touche des personnes dont le logement n'est pas suffisamment chauffé ou dont le logement n'est pas suffisamment éclairé. Le problème ne se pose pas, en Allemagne. C'est un problème dans les régions de l'est de l'Union européenne, plus pauvres; là-bas, la pauvreté énergétique est un enjeu réel.
En Allemagne, même après les réformes du marché du travail et de l'aide sociale, le système d'aide sociale fonctionne toujours, et il assure un niveau de sécurité de base, même aux personnes qui n'ont pas accès au marché du travail. Il existe en fait un filet de protection de base qui empêche les gens de basculer dans la pauvreté énergétique.
Le sénateur Mockler : Prenons les programmes d'efficience énergétique; il en existe un peu partout dans le monde où il y a des tentatives en ce sens un peu partout dans le monde. Croyez-vous que l'augmentation du coût de l'énergie va nécessairement stimuler les programmes d'efficience énergétique?
M. Gruenig : C'est une bonne question, surtout à une époque où l'énergie coûte relativement peu, comme c'est le cas aujourd'hui en ce qui concerne tant le pétrole que le gaz naturel. Bien sûr, il faut savoir que l'efficience énergétique n'est pas motivée seulement par la question du coût. Il est souhaitable que l'efficience énergétique s'accompagne d'autres sortes d'avantages. Je crois que cela est très important, non seulement pour le secteur résidentiel, mais aussi pour le secteur industriel. Un produit qui a plus d'une utilité, par exemple, peut-être l'éclairage DEL qui offre une luminosité supérieure à l'éclairage fluorescent, une lumière de meilleure qualité, en plus de permettre des économies d'électricité, voilà un produit qui encourage l'efficience énergétique, même si les avantages financiers sont moins importants; cela s'applique en particulier là où les coûts de l'énergie sont inférieurs à ceux de l'Allemagne.
En Allemagne, les avantages de l'efficience énergétique sont relativement faciles à réaliser, étant donné que le prix de détail est élevé, à environ 30 centimes le kilowatt-heure.
Le président : Au moment même où l'on se parle, une part de 30 p. 100 de l'électricité produite en Allemagne provient de sources renouvelables. Considérez-vous que l'énergie nucléaire est une énergie renouvelable?
M. Gruenig : Non.
Le président : Comment se répartissent vos autres sources d'énergie? Combien représente le charbon? Combien, le nucléaire? Le savez-vous?
M. Gruenig : Nous utilisons beaucoup ce que nous appelons le charbon brun ou le lignite. Cela représente encore une forte proportion, et cette énergie est plutôt inefficiente.
Le président : C'est sale?
M. Gruenig : Oui, si vous avez déjà vu cela.
Le président : C'est sale.
M. Gruenig : C'est assez intéressant. C'est une source nationale, elle représente quelque 25 p. 100. Je ne connais pas les chiffres actuels, mais, dans le passé, c'était environ 25. Il y a ensuite environ 12 p. 100 pour le nucléaire. Cette proportion diminue elle aussi parce que les responsables ont réduit la production et qu'ils vont éliminer progressivement les centrales nucléaires. Il y a ensuite le charbon dur, qui est entièrement importé. Cela représente environ 17 p. 100.
Ensuite, nous avons le gaz naturel. Comme je l'ai dit, l'électricité produite à partir du gaz naturel représente en fait une part relativement petite de l'électricité totale, car le gaz naturel coûte beaucoup plus cher en Allemagne qu'en Amérique du Nord, surtout en raison du fait que nous n'avons que très peu de réserves de gaz naturel chez nous. Je crois que nous importons de trois à quatre fois plus qu'en Amérique du Nord.
Le président : Selon le document que j'ai en main, le charbon représente 46 p. 100. Il s'agit de charbon dur et de lignite.
Le gaz naturel représente environ 11 p. 100, et le nucléaire sera progressivement abandonné d'ici 2022.
M. Gruenig : Oui.
Le président : Par quelle source d'énergie garantie allez-vous remplacer l'énergie nucléaire? Vous avez besoin d'une énergie garantie. C'est bien beau d'avoir toutes ces belles sources intermittentes d'énergie, mais par quoi allez-vous la remplacer?
M. Gruenig : Puisque les centrales seront lentement abandonnées, elles pourront être remplacées peu à peu par les deux autres sources d'énergie renouvelable et, bien sûr, nous conserverons encore un peu de charbon dans le système pendant un certain temps. Ensuite, le charbon sera à son tour progressivement abandonné. Nous parlons principalement de l'élimination du lignite. L'Allemagne conservera aussi, dans son système, le gaz naturel. Voilà pourquoi nous avons des pipelines qui nous permettent d'importer directement de la Russie, qui nous assurent de recevoir du gaz naturel.
Le président : Vous avez quand même besoin d'une énergie garantie.
M. Gruenig : Ce sont toutes des sources d'énergie garantie. Sur les marchés de l'énergie, on avait l'habitude de parler de « production d'une énergie de base ». Aujourd'hui, sur les marchés de l'énergie, on dit que l'éolien peut générer cette énergie de base.
En Allemagne, rares sont les jours, l'hiver, où il n'y a ni vent, ni soleil, où tout est calme et froid. Supposons en plus que la demande soit élevée. Bien sûr, nous pouvons amortir cela beaucoup en étant intégrés dans le marché européen de l'énergie; cela devient en fait de plus en plus pertinent, étant donné que, bien que les modèles météorologiques soient uniformes, dans une région donnée, à l'échelle de l'Europe, ils sont suffisamment diversifiés pour permettre l'équilibre quand une situation exceptionnelle se présente. Cependant, sur le territoire allemand, les modèles météorologiques varient suffisamment pour qu'il soit possible d'affirmer que cette proportion de 30 p. 100 d'énergies renouvelables n'est qu'un début. Il n'y a pas véritablement de seuil, ici. Les gens disent toujours que 20 p. 100 est un maximum pour ce qui est des énergies renouvelables intermittentes ou flexibles. Il s'avère que nous pouvons aller jusqu'à 30 p. 100, voire plus haut encore. Certains jours, le réseau entier fonctionnait uniquement grâce à l'énergie renouvelable.
Le président : Nous avons dépassé notre heure. Je n'aurais probablement pas dû poser ces questions. Quoi qu'il en soit, merci beaucoup de votre exposé et de vos réponses. C'était très éclairant. Je crois que tout le monde est du même avis.
La deuxième partie de la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est ouverte. Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. J'ai le plaisir d'accueillir Don Wharton, directeur général, Transition vers une réduction du carbone, TransAlta, qui témoignera par vidéoconférence.
Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui. Je suis désolé que nous ayons commencé un peu tard, mais la chambre a siégé un peu plus longtemps que prévu.
Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire; nous passerons ensuite aux questions. Vous avez la parole, monsieur.
Don Wharton, directeur général, Transition vers une réduction du carbone, TransAlta Corporation : Merci de me recevoir aujourd'hui. Encore une fois, je m'appelle Don Wharton et je travaille pour TransAlta en tant que directeur général de la transition vers une réduction du carbone. J'espère que je pourrai contribuer à votre étude d'aujourd'hui.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui de la perspective d'établir une production d'électricité diversifiée, au Canada, découlant de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone que nous voyons se faire partout au Canada et ailleurs dans le monde.
Avant de commencer, j'aimerais vous parler très brièvement de l'expérience de TransAlta dans le secteur de l'électricité. Nous sommes une société cotée en bourse et l'une des principales sociétés canadiennes de production d'électricité et de commercialisation en gros; nous avons accumulé plus de 100 années d'expérience dans ce domaine. Notre siège social est situé à Calgary et nous employons quelque 2 300 personnes.
La géographie diversifiée du Canada est, à mon avis, unique. Nous sommes présents dans cinq provinces canadiennes, dans quatre États américains et en Australie. Notre portefeuille de centrales est également diversifié : elles fonctionnent au charbon ou au gaz naturel, mais également à l'énergie hydraulique, éolienne ou solaire.
Nous avons 80 installations, dans le monde, et nous produisons plus de 8 500 mégawatts d'électricité. Fait intéressant, nous sommes le plus important producteur d'électricité au charbon du Canada. Parallèlement à cela, nous sommes également le plus important producteur d'énergie éolienne du Canada ainsi que le plus important producteur d'énergie hydraulique de l'Alberta.
Aujourd'hui, notre production repose principalement sur le charbon, mais cette proportion a beaucoup diminué par rapport aux niveaux historiques. Par contre, notre production repose sur le gaz naturel pour environ 35 p. 100, et sur une combinaison d'énergies éolienne, hydraulique et solaire, pour environ 20 p. 100, et ces proportions augmentent année après année.
J'aimerais me concentrer aujourd'hui sur six sujets qui, je l'espère, seront pertinents et intéressants aux yeux des membres du comité et qui concernent la façon dont nous envisageons les grands enjeux liés à la production d'énergie au Canada. Les six sujets sont les suivants : la gestion des coûts et des répercussions de la transition; l'abandon des centrales au charbon, en particulier, quelques réflexions sur les investissements dans les technologies propres; des réflexions sur les possibilités de transmission interprovinciale et sur le prix du carbone; puis, pour finir, des réflexions sur l'énergie hydroélectrique.
J'aimerais éclairer mes commentaires en vous donnant deux ou trois autres informations. Pour commencer, j'aimerais que vous sachiez que, en tant que producteur, notre société se préoccupe de trois éléments fondamentaux de l'évolution de la répartition des sources d'énergie; c'est dans ses gènes. Pour commencer, il faut assurer la fiabilité de l'approvisionnement en électricité. C'est la grande priorité de tout producteur d'électricité, c'est inévitable, et pour nous, c'est une responsabilité prioritaire et absolue.
La deuxième chose, c'est que nous devons nous assurer que l'effet de coût pour les consommateurs sera le plus petit possible lorsque nous commencerons à modifier la répartition des sources d'énergie au Canada. C'est un aspect critique. Encore aujourd'hui, j'ai entendu les membres de votre comité qui exprimaient leur intérêt pour cet aspect en particulier.
Enfin, et je présente la chose sous un angle légèrement différent de ce que vous avez probablement entendu dire auparavant, il est essentiel d'assurer la viabilité des acteurs de l'industrie, et il faut s'assurer qu'ils restent viables sur le plan financier de façon qu'ils puissent vraiment investir dans la transition que nous voulons voir se produire.
À la lumière de ces critères sous-jacents, je vais formuler mes derniers commentaires.
La première chose, comme je l'ai dit, concerne la gestion des impacts financiers. TransAlta a constaté que nous sommes déjà engagés sur la voie d'un avenir plus sobre en carbone. Nous avons constaté que cette transition avait lieu dans presque toutes les régions où notre société est présente. Il ne s'agit pas de se demander si la transition a lieu, à notre avis, mais, et c'est plus important, comment elle va se réaliser.
L'objectif consiste à modifier de façon durable la répartition des sources d'énergie d'une région donnée. Voilà le véritable défi. Tous les gouvernements du monde se demandent par quels moyens ils vont y parvenir, et ce qu'ils doivent faire exactement s'il leur faut respecter les critères que je viens d'énoncer.
Nous croyons qu'il est possible de réduire les émissions tout en réduisant les impacts sur les prix, mais il est clair que le rôle du gouvernement, qui élabore des politiques, est critique, puisque ses politiques aident à rendre cette transition durable, mais aussi, et cela est plus important encore, qu'elle se fasse à un coût que les consommateurs d'électricité peuvent assumer.
J'aimerais aussi mentionner qu'il est important, à mon avis du moins, de reconnaître que les marchés de l'électricité au Canada sont tous différents, et qu'une solution qui fonctionne d'un côté peut ne pas fonctionner de l'autre. Le marché de l'électricité au Canada a évolué dans une direction très régionale, et il est géré en grande partie par les provinces, c'est-à-dire de manière très différente à l'échelle du pays. Je vais donc présenter mes commentaires, mais je tiens à souligner que vous devez vous garder de ne pas en tirer des généralisations. J'espère pouvoir, en réponse à vos questions, vous donner des renseignements plus spécifiques, peut-être, touchant un aspect ou un autre.
L'autre chose que je veux mentionner, c'est que nous croyons vraiment que les prix de l'électricité vont augmenter d'une manière ou d'une autre, même s'il n'y a pas de transition vers une économie plus propre. En réalité, c'est qu'il faut d'importants investissements dans l'infrastructure du réseau électrique, partout au pays, qu'il faut remplacer toutes sortes d'actifs en fin de vie, très franchement, par des actifs neufs, ce qui se traduit toujours par des coûts plus importants ou plus élevés de production qu'avec des actifs en place depuis longtemps et entièrement amortis. C'est pourquoi je crois qu'il est important de reconnaître que, en ce qui concerne les coûts, nous allons devoir composer d'une manière ou d'une autre avec les impacts financiers pour les consommateurs d'électricité; en outre, il faut ajouter les coûts de la transition de certains types de sources d'énergie vers un mode de production plus propre. Cela se fera en deux temps, si vous préférez.
Permettez-moi de parler en particulier, un peu, de la transition des centrales au charbon, un aspect qui est très important pour notre entreprise. Nous possédons aujourd'hui d'importantes centrales au charbon, et elles se retrouvent toutes en Alberta.
Nos centrales au charbon, qui représentaient environ 70 p. 100 de nos sources d'énergie, il y a 10 ans, comptent aujourd'hui pour 45 p. 100 de ces sources. Nous pensons que la tendance se poursuivra en raison, à coup sûr, des impératifs environnementaux. Le règlement fédéral sur les émissions de gaz à effet de serre, celui qui porte sur l'électricité thermique au charbon, adopté en 2011, a jeté les bases de l'élimination des centrales au charbon. D'autres provinces, y compris l'Alberta, cherchent un moyen d'accélérer cette élimination progressive. Nous voyons bien que cela répond aux souhaits de la société; nous n'allons donc certainement pas nous y opposer.
J'aimerais souligner que nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'il est important que la transition repose sur l'élimination des centrales au charbon, dans les régions qui dépendent beaucoup de ces centrales aujourd'hui, mais qu'il faut le faire avec une grande prudence. Je ne le dis pas parce que cela est dans l'intérêt de notre entreprise, c'est certain. Nous croyons en fait que les décisions hâtives et spectaculaires visant à supprimer les centrales au charbon font certes de bons titres dans les journaux, mais elles ne correspondent pas nécessairement aux objectifs de durabilité de la transition de l'économie énergétique. À certains égards, elles pourraient même créer des problèmes de fiabilité du réseau et entraîner une hausse inutile des coûts de production; au contraire, dans un autre scénario peut-être mieux adapté, selon lequel les centrales au charbon seraient toujours utilisées, mais où la transition serait gérée avec prudence, il serait possible d'accueillir de nouvelles sources plus propres d'énergie renouvelable en assurant la fiabilité des réseaux, mais aussi la viabilité des entreprises, qui pourraient participer à la transition et continuer à investir.
Quant au moyen à utiliser, il s'agit en fait de porter attention aux détails; le Canada devra supprimer le charbon de ses sources d'énergie d'une manière prudente, bien gérée et réfléchie, et non pas simplement à coup de décret.
J'aimerais parler brièvement des investissements dans les technologies propres et vous faire part de nos opinions à ce sujet. Du côté des énergies fossiles, nous estimons qu'il est vraiment possible, à court terme, puisque nous allons éliminer le charbon, d'envisager une conversion des installations au charbon en installations au gaz, en Alberta, en particulier. Nous pensons qu'il s'agit d'une étape intéressante, car nous pourrions transformer les installations au charbon à moindre coût que si nous devions les fermer complètement et les remplacer par de nouvelles technologies. Cette solution a un certain potentiel, et notre entreprise examine sérieusement la possibilité de convertir certaines de ses centrales au charbon en centrales au gaz naturel.
Certains parmi vous savent peut-être que nous avons déjà pensé à utiliser la technologie de captage et de stockage du carbone pour réduire les émissions de nos centrales au charbon. Nous avons lancé un projet, il y a quelques années, grâce au financement du gouvernement fédéral et de la province de l'Alberta. Nous avons réalisé que, à cette époque, les perspectives économiques n'étaient pas bonnes et nous avons abandonné les travaux. Nous continuons pourtant de surveiller de près cette technologie et nous croyons que certaines avancées dans ce domaine nous permettront d'exploiter nos centrales au charbon de manière propre, plus propre, en fait, que les centrales au gaz naturel.
Nous avons été parmi les premiers au Canada à investir dans la technologie de l'éolien. Nous avons observé des réductions phénoménales du coût de la production d'énergie éolienne au cours des, disons, 15 dernières années. Nous avons observé une augmentation de l'ampleur de la production et de la capacité des sources d'énergie éolienne, facteurs qui, ensemble, ont permis de réduire le coût de l'énergie éolienne au point où, dans certaines régions, il est presque à égalité avec le coût de certaines énergies traditionnelles. Nous pourrions peut-être en parler un peu plus dans un instant.
Notre entreprise a également investi dans l'énergie solaire. Nous pensons que l'énergie solaire est au point où en était l'énergie éolienne il y a 15 ans, ce qui signifie que, sans une aide quelconque des gouvernements, sans subventions, l'énergie solaire ne peut être directement compétitive sur le plan des prix. Nous pensons toutefois que cette énergie suivra la même tendance au chapitre de l'amélioration du rendement et de la réduction des coûts, et qu'elle en arrivera au bout du compte à peu près au même point que celui où se trouve l'énergie éolienne aujourd'hui. Nous investissons dans l'énergie solaire, nous croyons qu'il s'agit d'une technologie de pointe.
Nous pensons également aux possibilités de stockage dans des batteries et nous menons plusieurs projets, ici en Alberta, sur le potentiel du stockage de l'électricité. Bien sûr, ce serait là un progrès extraordinaire, une technologie qui soit à la fois économique et utilisable à une échelle qui permettrait de changer le mode actuel de distribution de l'électricité. Cela changerait du tout au tout la nature de nos activités. Nous croyons qu'il se produira, dans 15 ou 20 ans peut-être, un changement radical et à très grande échelle, dans cette technologie; mais cela est fascinant, et nous participons à ces projets.
Nous constatons que, dans toutes les régions où nous sommes présents au Canada, aux États-Unis et en Australie, et cela, peu importe le type de carburant ou le type d'installations de production que nous construisons, il devient de plus en plus difficile de trouver un site, peu importe le type de production. Il semble que toutes les technologies de production représentent un défi au regard de l'acceptabilité sociale et de l'empreinte environnementale. Je vais vous donner un exemple.
Aux premiers jours de la production d'énergie éolienne en Alberta, il était facile de construire un parc éolien, dans le Sud de l'Alberta, et nous avions sans problème l'appui du public. Nous étions accueillis partout avec le sourire. Nous voyons de plus en plus, pas tellement en Alberta, mais ailleurs, une résistance à l'énergie éolienne, dans certaines régions, et nous devons composer avec cela.
Je vais vous donner un autre exemple; pour produire, dans notre centrale solaire du Massachusetts, le même volume d'énergie qu'avec une centrale au charbon de 100 mégawatts, il nous faudrait occuper un espace équivalent à environ 4 600 terrains de football. Ce n'est pas peu dire. Je voulais simplement faire comprendre que, peu importe où nous amène la transition, nous allons avoir des problèmes à choisir l'emplacement des nouvelles installations de production.
J'aimerais brièvement aborder le sujet de la distribution. Comme je l'ai dit tantôt, si nous ne tenons pas compte des changements de la répartition des sources, qui découleront de la transformation, il nous faudrait investir des sommes importantes dans l'infrastructure de distribution du Canada pour assurer un approvisionnement fiable à l'échelle du pays. Il y a une chose dont on parle souvent, et il en a été question à une réunion des premiers ministres, c'est la possibilité d'un réseau de distribution électrique interprovincial, qui pourrait contribuer à la transformation des énergies propres.
Il est vrai, selon nous, que cette solution peut contribuer à l'optimisation de l'énergie propre à l'échelle du pays, mais je tiens à souligner qu'il y a là aussi un défi à relever. Étant donné que les marchés de l'électricité, au Canada, sont des marchés régionaux, il est important que votre comité reconnaisse que, si nous mettions en place un réseau interprovincial de distribution à grande échelle, il pourrait y avoir d'importantes répercussions touchant l'importation d'électricité dans certains marchés et son effet sur le prix de l'électricité pour les producteurs d'électricité et au chapitre des cadres de réglementation qui ne sont pas les mêmes dans tous les marchés qui voudraient participer à ce projet.
Ce n'est pas simple. Cela représente un défi. Je voulais simplement souligner que, bien que l'idée d'un réseau de distribution interprovincial soit une idée intéressante, elle n'est pas exempte d'embûches.
La question du prix du carbone intéresse probablement votre comité. TransAlta est présente dans plusieurs régions qui ont déjà établi un prix pour le carbone, comme l'Alberta et la Colombie-Britannique. Au Québec, il y a un système de plafonnement et d'échange, et il y en aura bientôt un en Ontario. Nous sommes également actifs en Californie et en Australie. Notre entreprise est d'accord pour tarifier le carbone, d'une manière ou d'une autre. Nous croyons que les marchés répondent bien à des signaux de ce type. Toutefois, en me fondant sur notre expérience, je ferais une mise en garde : les initiatives touchant par exemple l'établissement d'un prix national pour le carbone représenteraient peut-être un défi pour les raisons mêmes dont je parlais plus tôt. Les mécanismes en place dans les diverses régions du pays sont si diversifiés qu'il nous faudrait craindre qu'un prix unique pour le carbone, à l'échelle du pays, même s'il facilitait les échanges interprovinciaux, poserait aussi d'importants défis, car les répercussions sur les différentes administrations varieraient selon la répartition de leurs sources d'énergie, leur cadre réglementaire, les règles de leur marché, des choses de ce type. Encore une fois, c'est une chose qu'il faut savoir.
Le dernier point que j'aimerais aborder concerne l'énergie hydroélectrique. Nous sommes depuis un siècle un acteur dynamique dans le secteur hydroélectrique. Nous croyons fermement en la valeur de cette source d'énergie. En fait, partout où nous exploitons des centrales hydroélectriques, nous constatons que cette énergie a de la valeur, non seulement parce qu'elle est propre, mais aussi parce qu'elle est facilement disponible pour le soutien du réseau, le soutien des réseaux secondaires et le stockage de l'énergie. Ce type d'énergie possède d'immenses qualités grâce auxquelles on pourrait réduire le volume total des émissions associées à la production d'énergie.
Toutefois, les besoins en capitaux pour les nouvelles installations hydroélectriques représentent un problème. Aujourd'hui, en Alberta, par exemple, cette énergie n'est pas en concurrence directe avec le gaz naturel ou le charbon, ni même avec l'éolien, d'ailleurs. La question est la suivante : comment pouvons-nous penser à une augmentation de la production d'énergie hydroélectrique dans les régions où il existe des options plus compétitives au chapitre du prix, tout en gardant à l'esprit qu'il faut que le coût pour les consommateurs soit le plus réduit possible? Je pose la question, mais je n'ai pas de solution à offrir; je voulais simplement que le comité soit au courant de notre opinion sur la question.
Je vais conclure en disant que, en tant qu'entreprise, nous voyons bien que la transition a déjà commencé. Nous voulons qu'elle se déroule de manière réfléchie, prudente et responsable. Notre secteur évolue et va bientôt franchir une autre étape, et nous avons hâte de discuter avec les gouvernements fédéral et provinciaux de la manière dont les politiques et les programmes pourront soutenir ces progrès.
Merci de m'avoir écouté. J'ai bien hâte d'entendre vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Wharton. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Massicotte : Merci de vous être joint à nous, monsieur Wharton.
Je vais être direct, si vous me le permettez. Si je vous ai bien compris, les expressions importantes, pour vous, sont les suivantes : « Faites attention à la concurrence; faites attention à l'hydroélectricité; faites attention aux actifs que vous possédez déjà. » Votre entreprise a investi des sommes importantes dans des centrales au charbon qui produisent la plus grande partie de l'électricité. Votre message, si j'ai bien compris, est : faites attention. Étant donné que vous vouliez que des règlements restrictifs soient adoptés, cela nous touchera. Cela se répercutera sur les coûts et sur les coûts pour les consommateurs. C'est ce que je comprends.
Que recommandez-vous relativement au fait que vous êtes un grand producteur d'électricité au charbon, alors que nous voulons pourtant prendre le virage vert? Que recommandez-vous précisément? Quel aspect devrait prendre la réglementation, du côté du gouvernement fédéral?
M. Wharton : J'aborderai précisément la situation en Alberta, puisque c'est là que se trouvent nos actifs dans le secteur du charbon au Canada. Nous sommes actuellement en pourparlers avec le gouvernement de l'Alberta concernant la façon dont cela doit se faire.
Pour en venir à la question que je voulais soulever, à notre avis, il faut qu'un calendrier connu et certain soit établi pour l'abandon des centrales au charbon à des dates précises, si elles sont différentes des dates d'abandon fédérales qui sont actuellement en place. Cette certitude quant au « quand » est un élément important du point de vue de la planification, non seulement pour le remplacement de cette production, mais aussi pour le maintien de la fiabilité du réseau. Oui, la certitude quant au calendrier de transition vers l'abandon du charbon est importante.
D'un point de vue stratégique, si j'étais un décideur du gouvernement, je pense que je reconnaîtrais que, si je devais retirer le charbon de l'Alberta d'une façon dynamique et immédiate, on se ruerait sur la production de gaz naturel en tant que seule technologie capable de combler le vide aussi rapidement en ce qui concerne l'approvisionnement requis du débit de base généré, contrairement à un scénario où on pourrait procéder à une transition prudente vers l'abandon du charbon, en en conservant un peu à l'appui d'une production d'électricité de base et de la fiabilité du réseau, tout en permettant aux sources d'énergie renouvelables — éolienne, solaire ou autres technologies — d'entrer en jeu à une cadence plus raisonnable et d'être pleinement appuyées. Le réseau se porte très bien. Les sources d'énergie renouvelables peuvent s'accroître d'elles-mêmes, et le charbon peut être retiré lentement.
Le sénateur Massicotte : Disons, théoriquement, que nous utilisions la réglementation américaine qu'Obama a imposée relativement au charbon. Si nous appliquions cette réglementation à notre industrie, de quoi les choses auraient-elles l'air comparativement à la situation actuelle?
M. Wharton : À mon avis, il y a une caractéristique du Clean Power Plan des États-Unis qui vaut la peine d'être étudiée, c'est-à-dire que le plan prévoit essentiellement de simples cibles pour les administrations — pour les États — afin d'atteindre certains taux de réduction. Il n'est pas contraignant. Il ne détermine pas quels genres de combustibles vous devriez utiliser ou comment atteindre les cibles, mais il fixe simplement la cible pour l'obtention des réductions des émissions. Cela offre certainement une bien plus grande marge de manœuvre à l'industrie. Il offre plus de souplesse aux administrations locales ou aux gouvernements des États en ce qui a trait à la planification, contrairement à une politique de réduction de type contraignant et propre à un combustible, qui pourrait être ou ne pas être la meilleure solution.
La sénatrice Johnson : Bonsoir. Vous êtes très occupé par la transition de votre entreprise. En ce qui concerne vos installations génératrices d'énergie renouvelable, qui prennent de l'expansion dans votre portefeuille d'énergies éolienne et solaire renouvelables depuis quelques années, la production d'énergie renouvelable dépend-elle de mesures ou de subventions du gouvernement pour être concurrentielle par rapport à la production d'énergie au moyen de combustibles fossiles?
M. Wharton : De façon générale, je dirais que oui, c'est le cas, dans une certaine mesure, pour ce qui est de l'énergie éolienne, et certainement pour l'énergie solaire. J'inclurais même la production d'hydroélectricité, dans les régions où elle était en concurrence avec la production d'énergie au moyen de combustibles fossiles, comme en Alberta.
La sénatrice Johnson : Comment se porte l'Alberta du point de vue de l'énergie éolienne? Je viens du Manitoba. Nous avons beaucoup de vent, mais je ne pense pas que nous l'utilisions dans la même mesure que vous, n'est-ce pas?
M. Wharton : D'un point de vue statistique, je ne suis pas certain si nous sommes encore la première province éolienne en importance, mais nous faisons partie des deux ou trois premières en ce qui a trait à la capacité installée.
Récemment, l'investissement dans la production d'énergie éolienne s'est stabilisé, en grande partie à cause de deux choses : l'élimination de tout type de subvention accessible par l'intermédiaire du gouvernement fédéral; et le prix considérablement moins élevé du gaz naturel. Sur les marchés qui sont concurrentiels, comme celui de l'Alberta, c'est vraiment la production dont le coût est le moins élevé qui remporte la manche. Nous avons observé un plateau dans la province en ce qui concerne l'investissement dans l'énergie éolienne.
La sénatrice Johnson : Y a-t-il eu une amélioration au chapitre de la gestion de l'intégration de la production d'énergie renouvelable dans le réseau électrique?
M. Wharton : Je dirais que oui, en général. Cela comprend le soutien du réseau pour les énergies renouvelables, comme l'éolienne.
Laissez-moi vous parler de l'énergie éolienne en particulier. Certes, dans les administrations où nous menons nos activités, nous avons observé une amélioration au chapitre de la gestion des ressources éoliennes. La croissance de l'échelle et du rendement des ressources éoliennes est également utile du point de vue de leur contribution à tout réseau particulier. Nous avons observé le même phénomène en Ontario.
La réponse courte à votre question est : « Oui, la situation s'améliore. » Toutefois, il y a encore des défis à relever en ce qui a trait à l'intégration de la transmission. Cette amélioration se poursuivra à mesure que — peut-être — nous diversifions, sur le plan géographique, pas seulement la production d'énergie éolienne, mais celle d'autres types.
La sénatrice Johnson : Alors, est-il possible d'obtenir une augmentation importante de la production d'énergies éolienne et solaire sans que cela ne nuise à la fiabilité de l'approvisionnement en électricité?
M. Wharton : C'est une de ces affirmations généralisées, alors je dois faire attention quand je dis cela, mais laissez- moi utiliser l'Alberta, simplement pour être précis. À notre avis, la réponse courte est : « non ». L'analyse et les études que nous avons menées récemment montrent que, lorsque nous retirons 100 mégawatts de production d'électricité au charbon et que nous apportons la même quantité de nouvelle production éolienne, nous devons également établir près de 100 mégawatts de production de base alimentée par quelque chose comme le gaz naturel afin d'atteindre le même degré de fiabilité que le charbon assurait au réseau. Nous devons doubler le remplacement d'une technologie de production particulière — le charbon, dans ce cas-ci — afin de maintenir la même fiabilité que nous obtenions dans le passé, à notre avis.
La sénatrice Johnson : Merci.
Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur, de l'exposé que vous avez présenté aujourd'hui.
Tout d'abord, je veux vous poser une question au sujet de votre installation Keephills 3. La production d'électricité au charbon m'a toujours intéressé parce que vous êtes le plus important utilisateur de charbon qui s'en sert pour produire de l'électricité au pays, mais la Nouvelle-Écosse dépend encore davantage du charbon pour produire son pourcentage d'électricité. Cette installation a été construite en 2011. Dans quelle mesure cette installation était-elle efficiente comparativement aux anciens modèles et aux anciennes centrales? Je crois savoir que sa durée de vie prévue est de cinq décennies; pourtant, l'Alberta demande que ces centrales produisent zéro émission d'ici 2030.
Est-ce que cela rendra vos actifs non utilisables? Qu'adviendra-t-il de cet investissement? J'imagine qu'il est très important.
M. Wharton : Il s'agit d'un investissement important.
Concernant la première partie de votre question, l'installation utilise les dernières technologies relativement à la dégradation du charbon. Elle est de 10 à 12 p. 100 plus efficiente qu'une centrale au charbon conventionnelle du point de vue de ses émissions ainsi que de son rendement au chapitre de la production d'électricité.
Concernant la deuxième partie de votre question, si et quand le plan de leadership sur le climat de l'Alberta entrera en vigueur et à l'approche de l'an 2030 — date à laquelle le gouvernement de l'Alberta déclarera qu'il n'y aura plus d'autres émissions générées par la production d'électricité —, alors cela entraînerait effectivement la non-utilisation de certains des actifs associés à cette centrale. Je crois que c'est pourquoi le gouvernement de l'Alberta voulait — et c'est tout à son honneur — s'assurer qu'il n'y ait aucune non-utilisation inutile d'actifs associés à sa politique. Cela fait partie des sujets dont nous discutons avec lui actuellement.
Le sénateur MacDonald : Si la centrale est fermée 30 ans avant la date prévue, comment pourrez-vous éviter la non- utilisation d'actifs? Le gouvernement va-t-il vous indemniser, ou pouvez-vous la convertir en centrale au gaz naturel?
M. Wharton : Il est certain qu'une indemnisation fait partie de nos propositions de conditions qui, à notre avis, seraient requises, mais ce n'est pas la seule chose. La conversion de cette centrale en centrale au gaz naturel nous permettrait de continuer à l'exploiter sous le régime de la politique proposée.
L'établissement de contrats d'approvisionnement à long terme serait utile du point de vue des autres technologies que nous pourrions élaborer. Le remplacement par une centrale au gaz naturel et l'établissement d'un contrat à long terme seraient utiles pour ce qui est de remplacer une partie des actifs perdus et non utilisés associés à la centrale Keephills 3. Il ne fait aucun doute que, d'une manière ou d'une autre, nous devons reconnaître qu'il y aura des valeurs non utilisées et — je crois — évaluer ces valeurs et indemniser les entreprises de production pour ces pertes d'une façon juste et équitable.
Le sénateur MacDonald : Je crois aussi savoir que vous avez pris part au projet Pioneer, en Alberta. Bien entendu, ce projet porte sur la capture du carbone. Je fais partie des gens qui ont de plus en plus de difficultés à comprendre l'efficience ou la viabilité de la capture du carbone. Ce qui est indiqué, ici, c'est que vous avez abandonné le projet, tout comme vos partenaires, Enbridge et Capital Power. Il est écrit :
[...] le marché de la vente de CO2 et la valeur des réductions d'émissions [...] ne sont pas suffisants [...] pour permettre la poursuite du projet.
Qu'est-ce que cela veut vraiment dire? Cette technologie fonctionne-t-elle? S'agit-il d'une perte de temps, et investissons-nous beaucoup d'argent dans une chose qui ne va pas fonctionner et qui va faire monter en flèche le prix de l'électricité?
M. Wharton : Voici ce que j'en pense : je crois que le jury délibère encore en ce qui concerne la technologie de capture du carbone. En fait, nous croyons que cette technologie fonctionne tout à fait, aujourd'hui. Le défi consiste à déterminer si elle est judicieuse sur le plan économique.
La recherche et le développement concernant la capture et le stockage du carbone sont un effort mondial; il n'y a pas que l'Alberta, TransAlta ou le Canada qui participent à cet effort. La découverte d'une façon de continuer à maintenir le charbon dans le mélange de combustibles et de respecter les impératifs environnementaux est un objectif formidable. Si nous pouvions l'atteindre, les conséquences seraient mondiales.
Ma réponse à votre question, c'est que nous ne savons pas si cette technologie va être économiquement viable dans l'avenir. Nous pensons qu'il y a eu des signaux, et nous avons observé continuellement des améliorations depuis que nous avons participé à notre projet Pioneer de 2010 à 2012, mais, au bout du compte, ces activités doivent être menées d'une manière qui est concurrentielle par rapport aux solutions de rechange, car, si elles ne le sont pas, alors c'est de l'argent gaspillé.
Le sénateur MacDonald : Merci.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup du témoignage que vous avez présenté ce soir.
Nous venons tout juste d'entendre celui de Max Gruenig, de l'Ecologic Institute US, et nous avons discuté de la transition de l'Allemagne vers la production d'énergie renouvelable. Nous avons abordé de nombreux sujets, mais l'une des questions concernait le réseau électrique et les investissements qui sont nécessaires dans les réseaux de transmission et dans l'ensemble de l'infrastructure. Il nous a dit qu'il s'agissait de ce qu'on appelle l'élément oublié et qu'il n'avait pas encore été vraiment pris en compte jusqu'à maintenant, dans une deuxième phase... surtout la nécessité de renforcer l'infrastructure du réseau nord-sud.
Dans l'exposé que vous nous avez présenté, vous avez également mentionné la structure de transmission et les investissements nécessaires. Vous avez évoqué le caractère régional des marchés de transmission et l'incidence qu'il pourrait avoir sur certaines régions du pays. Pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus en détail, s'il vous plaît?
M. Wharton : Un exemple sera peut-être une façon plus utile de le faire. De fait, il y a environ 40 ans, étrangement, mon père a travaillé sur la notion d'un réseau d'électricité interprovincial dans l'Ouest canadien reliant le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. Cette idée persiste et, selon moi, elle est encore plus pertinente aujourd'hui. Elle suscite beaucoup d'intérêt, et elle est très justifiée.
Ma préoccupation tiendrait, par exemple, à la possibilité que, si on branchait des milliers de mégawatts d'alimentation en électricité provenant d'Hydro-Manitoba — actifs qui ont en grande partie été payés par les contribuables de cette province et peut-être par les consommateurs, dans une certaine mesure — sur un marché de l'électricité albertain concurrentiel et qu'en plus de cela, on affligeait la production de combustibles fossiles d'un prix lié au carbone — et je dis cela d'une façon objective, pas méprisante —, ce qu'on pourrait observer, c'est une dépression considérable du prix de l'électricité dans un endroit comme l'Alberta.
Ainsi, la viabilité des autres formes de production « à coût irrécupérable » — le matériel, essentiellement, pour les centrales au gaz naturel, et même les parcs éoliens — serait soumise à un prix de l'électricité bien inférieur à ce qu'on observerait autrement, si elles faisaient l'objet d'un îlotage comme c'est le cas aujourd'hui. Cela réduit la viabilité de ces actifs et des générateurs existants pour maintenir les réseaux et pour investir dans des technologies de transformation qui leur sont propres.
Il s'agit d'un instrument important — ou un club, si on veut — qui pourrait présenter des avantages. Mais je veux mettre en garde le comité concernant le fait qu'il pourrait avoir des conséquences importantes sur la façon dont l'électricité est fournie et sur la dynamique de l'établissement du prix de l'électricité dans diverses administrations. Nous devons en être conscients. Ce n'était qu'une mise en garde.
La sénatrice Seidman : Pensez-vous encore que le renforcement des infrastructures de la façon dont votre père l'avait conçu il y a 40 ans soit encore une option viable?
M. Wharton : Je pense que nous devrions envisager sérieusement cette option, absolument, dans le cadre d'un portefeuille de solutions auxquelles nous pourrions avoir recours. En supposant que l'on fasse preuve d'un discernement fondé sur une bonne analyse et de bonnes données, et compte tenu des enjeux que j'ai soulevés, je ne vois aucune raison pour laquelle nous devrions écarter cette option.
Le sénateur Mockler : J'ai trois petites questions à poser. Vous avez mentionné que vous êtes plus concurrentiels grâce aux éoliennes. Je viens de la province du Nouveau-Brunswick. Lorsque je regarde les accords initiaux que nous avions conclus avec nos trois producteurs d'électricité éolienne, leur production était inférieure aux taux qu'ils avaient envisagés lorsque les parcs sont entrés en fonction.
Quelle est la position de TransAlta, à l'heure actuelle, au Nouveau-Brunswick?
M. Wharton : Si je comprends bien votre question, tout d'abord, nous possédons, au Nouveau-Brunswick, des actifs éoliens dont vous êtes peut-être tout à fait au courant.
En ce qui concerne la question que vous avez soulevée au sujet de la production de ces parcs éoliens qui était inférieure aux prévisions initiales, à notre avis, cette situation n'est pas surprenante. De fait, les parcs éoliens ont habituellement une production annuelle très variable qui, dans certains cas, est supérieure, et, dans d'autres, inférieure au taux moyen pour lequel ils ont été conçus. En réalité, cela dépend du vent et de la ressource éolienne, lesquels varient, comme nous le savons tous.
Il y a des cas où les unités éoliennes sont conçues en fonction de régimes éoliens excessivement optimistes qui ne se concrétisent jamais. Cela n'a pas été notre expérience en Nouvelle-Écosse, mais, récemment, nous avons observé des régimes éoliens inférieurs à la normale qui ont une incidence directe sur la production. Cela ne veut pas dire que ces installations ne peuvent pas produire à des taux plus élevés, si les ressources annuelles sont plus élevées.
Le sénateur Mockler : Vous avez mentionné la Nouvelle-Écosse. Je parlais du Nouveau-Brunswick.
M. Wharton : Je voulais dire aussi le Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mockler : Nous nous sommes engagés à réduire les émissions de 30 p. 100 sous les taux de 2005 d'ici 2030. Je sais que vous suivez la situation de très près. Selon Environnement et Changement climatique Canada, l'écart au chapitre des émissions nécessaire pour atteindre ce but est de plus ou moins 290 tonnes métriques de dioxyde de carbone, ce qui devrait être l'équivalent.
Premièrement, croyez-vous qu'il soit possible d'atteindre cette cible? Deuxièmement, croyez-vous qu'il soit probable que les coûts de l'énergie au Canada doivent augmenter considérablement afin que l'on puisse atteindre cette cible?
M. Wharton : Merci, monsieur le sénateur. Il s'agit là d'une question très importante.
Ma réponse à la première partie serait qu'aujourd'hui, compte tenu des politiques qui sont en place ainsi que des plans établis et des engagements pris par les gouvernements, je ne vois pas comment nous pourrions arriver à atteindre notre cible de 2030. Cela suppose — à mes yeux, du moins — que d'importantes mesures supplémentaires par rapport à celles que nous observons aujourd'hui doivent être prises si nous voulons pouvoir espérer atteindre cette cible de 2030. Il s'agit d'un défi auquel nous faisons tous face.
Quant à la deuxième partie de votre question au sujet des coûts, ma réponse courte serait que, oui, nous envisageons une augmentation des coûts. Je pense qu'en tant que pays, nous avons décidé de prêter attention aux émissions de gaz à effet de serre, de leur donner un prix et de leur attribuer un coût, si on veut. Cela va avoir des conséquences importantes, et je crois que tous les Canadiens devraient se préparer à en ressentir les effets et à y réagir. Si vous vous souciez du prix et des émissions, alors il s'agit peut-être du bon signal à envoyer. Ce n'est pas un message agréable du point de vue de notre objectif, en tant qu'entreprise, de maintenir les coûts le plus bas possible, mais je crois que c'est réaliste.
Le sénateur Mockler : Vous avez mentionné le fait qu'il y a des choses que nous devons changer afin de réduire ces émissions de 30 p. 100. Quels sont les risques économiques liés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, et, compte tenu de votre expérience, de quelles manières pouvons-nous réduire au minimum ces risques économiques?
M. Wharton : Merci, monsieur le sénateur. Je ne veux pas faire semblant d'être un décideur devant le comité, même si j'ai mon propre point de vue personnel. Laissez-moi essayer de répondre à votre question, mais je ne suis pas certain de pouvoir le faire de façon très compétente.
Selon mes observations — et je parle d'un point de vue personnel à cet égard —, nous devons étendre de façon considérable notre étude des possibilités de réduction des émissions dans l'ensemble de l'économie, par des moyens auxquels nous n'avons encore jamais eu recours. Ainsi, il a été relativement facile pour les gouvernements de cerner des choses comme le secteur de l'électricité, en particulier, les émissions provenant des centrales alimentées au charbon, dans une certaine mesure, et le pétrole et le gaz, mais peut-être que les gouvernements ont été moins enclins à s'attaquer aux émissions produites par les transports, les immeubles résidentiels, les technologies, l'agriculture et ces genres de choses, pour diverses raisons. Je ne vois pas comment nous pourrions atteindre quoi que ce soit qui s'approche des buts que nous nous sommes fixés en tant que pays sans adopter une approche holistique consistant à étudier toutes les possibilités dans tous les secteurs, qu'il s'agisse de grandes industries, de petites entreprises commerciales ou de citoyens individuels. Je pense que c'est ce que nous devons faire.
Ensuite, je crois qu'il est question d'une transformation qui doit avoir lieu sur une très longue période, peut-être même bien au-delà de 2030. Je pense que c'est faire preuve de trop d'optimisme que de s'attendre à ce que l'on puisse renverser la vapeur et obtenir des réductions massives des émissions dans de très courts délais. Selon moi, nous devrions être réalistes et dire que nous procédons à une énorme transition qui touchera l'ensemble de notre économie, que nous devons prendre le temps qu'il faut pour le faire et que le but consiste à atteindre la cible, pas à l'atteindre à un certain moment précis.
J'arrêterai mes commentaires là-dessus, mais voilà comment j'envisage les choses.
Le président : Dans le réseau que vous exploitez, combien d'énergies intermittentes pouvez-vous actuellement intégrer dans les technologies qui sont accessibles aujourd'hui?
M. Wharton : Encore une fois, c'est une bonne question, monsieur le président.
La possibilité d'intégrer ou de faire croître les technologies intermittentes — ou appelons cela les technologies renouvelables — dans les réseaux auxquels nous participons est en fait très importante. Elle est presque limitée uniquement par la taille et par la capacité du réseau d'électricité en ce qui a trait au réseau et à la capacité de prendre en charge les nouvelles technologies qui arrivent, mais les énergies renouvelables, qui sont de nature intermittente, doivent être appuyées par une production de base fiable provenant d'une autre source. Dans certains cas, ce pourrait être l'énergie nucléaire. Ce pourrait être une électricité importée. En Alberta, c'est la production au gaz naturel. Toutefois, pour atteindre les normes de fiabilité que nous exigeons de nous-mêmes relativement à l'approvisionnement, essentiellement, 0,03 p. 100 du temps, selon les normes, nous serions en pénurie. C'est une minuscule quantité. Cela signifie qu'il faut une production de base fiable sous une forme ou une autre pour appuyer cette énergie renouvelable. On peut avoir beaucoup d'installations d'énergie renouvelable; il faut simplement construire autre chose ou disposer d'autre chose pour appuyer ces installations.
Le président : Je vous remercie de tous ces renseignements. Je suis au courant pour la production de base. Je connais assez bien cela. On entend des choses au sujet de 20 p. 100, de 30 p. 100 d'énergie intermittente dans un réseau de production de base — je parle de votre réseau — ou de 40 p. 100. Nous avons entendu dire que, à certains endroits, c'est plus de 50 p. 100. J'ai besoin de cette information. Quel est le pourcentage? Je sais que, si vous renforcez davantage la production de base, vous pouvez y intégrer davantage d'énergie intermittente, mais, compte tenu des technologies dont nous disposons aujourd'hui, quel est le pourcentage que vous pourriez intégrer aisément?
M. Wharton : Peut-être que je n'ai pas été assez clair. Le chiffre réel est 0 p. 100. Autrement dit, la production d'énergie renouvelable ne peut pas faire partie de la production de base régulière qui n'est pas appuyée. On peut observer une croissance importante au chapitre des énergies renouvelables, mais, à notre avis, pratiquement chaque mégawatt d'énergie renouvelable nouvellement produite doit être appuyé d'une certaine autre manière. Est-ce que cela répond à votre question?
Le président : En fait, je vais vous téléphoner parce que, non, cela ne répond pas à ma question.
M. Wharton : Je suis désolé.
Le président : Dans l'exposé précédent, nous avons entendu dire qu'en Allemagne on intègre un taux pouvant atteindre 50 p. 100 d'énergie intermittente dans le réseau de production de base du pays. Si vous avez un réseau de production de base de 100 mégawatts, combien d'électricité intermittente pouvez-vous intégrer dans ce réseau? Est-ce que ce pourrait être 10, 20 ou 30 p. 100?
M. Wharton : Je vais vous donner une réponse que vous n'aimerez peut-être pas, et c'est que le pourcentage que vous pouvez intégrer dépend des taux d'approvisionnement fiables que vous considérez acceptables. Si vous êtes prêts à endurer un manque d'approvisionnement, des pannes à un taux important, alors vous pouvez intégrer peut-être 50 p. 100, comme le fait l'Allemagne, si vous avez la capacité de délester des charges et que vos clients sont prêts à accepter les restrictions à la consommation de l'électricité comme étant une réalité. À l'inverse, si je disais que je n'ai aucune tolérance pour tout genre de restriction à la consommation de l'électricité et que je ne suis pas prêt à changer mon comportement parce que vous me le demandez, alors je dirais que la réponse est aucune énergie renouvelable. Il s'agit d'une fourchette, selon l'acceptabilité et la mesure dans laquelle vous êtes prêts à accepter une fiabilité de l'approvisionnement inférieure à 100 p. 100.
Le président : J'abandonne. Nous allons y aller avec le 0 p. 100, alors, qui peut être intégré dans le réseau.
Laissez-moi vous poser deux ou trois autres questions. Vous avez dit que, si on retirait du réseau 100 mégawatts d'électricité produite au charbon — de production de base —, il faudrait créer 200 mégawatts d'énergie éolienne. Vous ai-je bien compris quand vous avez dit cela?
M. Wharton : Non. Ce que je dis, c'est que, si, aujourd'hui, on retirait du réseau de l'Alberta 100 mégawatts d'électricité produite au charbon et qu'on voulait les remplacer par de l'énergie éolienne, cela ne poserait pas de problème; on pourrait créer 100 mégawatts d'énergie éolienne. Toutefois, afin de maintenir la fiabilité, il faudrait également disposer de 100 autres mégawatts d'une autre production de base ou d'un approvisionnement en énergie fiable ou non intermittente afin d'assurer la fiabilité de son réseau.
Le président : Sur cette question, nous nous entendons. Je crois comprendre que la réponse que vous donnez est celle que je voulais entendre. Alors, quand on dit que l'énergie éolienne est comparable du point de vue du coût de la production au charbon ou au gaz naturel, elle ne l'est pas vraiment si on veut avoir la production de base et la fiabilité. Elle est en fait deux fois plus chère; est-ce exact?
M. Wharton : Je crois avoir mentionné dans ma déclaration que c'était essentiellement le double du point de vue du coût de la production de remplacement.
Le président : Une dernière question : qu'est-ce qui est accessible en Alberta pour le développement de l'énergie écologique? Pourriez-vous construire d'autres barrages hydroélectriques, en Alberta, des centrales nucléaires... ou de quoi disposez-vous?
M. Wharton : Nous avons certaines ressources hydrauliques qui ne sont pas exploitées, mais elles ne sont pas importantes dans le contexte canadien. Dans le centre et le sud de l'Alberta, nous avons certains réseaux hydrographiques qui offrent encore un certain potentiel pour le développement de l'hydroélectricité. Puis, dans le nord, des endroits comme la rivière des Esclaves semblent offrir un potentiel important, mais ils sont éloignés des installations de transmission, des charges ou de la demande.
Dans une certaine mesure, l'hydroélectricité est limitée, en Alberta, comparativement à la Colombie-Britannique, au Manitoba et au Québec, mais il y a peut-être une valeur de 2 000 ou 2 500 mégawatts.
La ressource éolienne est énorme et encore considérablement inexploitée. Le potentiel de croissance du secteur éolien est énorme du point de vue des ressources en tant que telles, et le régime solaire est solide, lui aussi, dans la majeure partie de l'Alberta. La ressource est là. La question consiste à déterminer si l'énergie peut être produite d'une manière qui soit économiquement concurrentielle.
Le président : Merci beaucoup de vos commentaires et de certaines très bonnes réponses.
(La séance est levée.)