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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 12 - Témoignages du 27 septembre 2016


OTTAWA, le mardi 27 septembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 4, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie- Britannique au Sénat et je suis président du comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont présents dans la salle de même qu'aux téléspectateurs de partout au pays. À titre de rappel, les audiences du comité sont publiques et sont aussi diffusées sur le Web à l'adresse www.sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également plus de renseignements sur l'horaire des témoins dans la section portant sur les comités du Sénat. Je demande maintenant aux sénateurs de se présenter. Je commence par présenter le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : J'aimerais également présenter notre personnel, à commencer par la greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Nous tenons aujourd'hui notre 15e réunion pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone dans le but d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre énoncés par le gouvernement. Nous avons hâte d'entendre nos deux témoins. Nous recevons aujourd'hui les représentantes de l'Association des administrations portuaires canadiennes : la présidente, Wendy Zatylny, et la directrice des politiques et des affaires réglementaires, Debbie Murray. Nous recevons également le vice-président des politiques publiques du Conference Board du Canada, Louis Thériault.

Je vous remercie de votre présence. Vous pouvez présenter votre déclaration préliminaire; nous passerons ensuite à une période de questions. L'un d'entre vous peut commencer.

Wendy Zatylny, présidente, Association des administrations portuaires canadiennes : Honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui et d'expliquer comment les 18 administrations portuaires canadiennes peuvent aider le Canada à effectuer une transition vers une économie à faibles émissions de carbone, et comment elles sont déjà bien avancées à cet égard.

Comme vous l'avez remarqué, monsieur le président, Debbie Murray m'accompagne. C'est notre directrice des politiques et des affaires réglementaires, mais elle dirige également notre comité sur l'environnement nouvellement reconstitué, qui réunit les intervenants en matière d'environnement et d'exploitation de chacun de nos ports. Nous avons travaillé à la question cet été et nous pourrons vous parler de nos réalisations.

Pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde, les 18 administrations portuaires du Canada sont au cœur de l'environnement et de l'économie, et font tous les efforts possibles dans le cadre de leur mandat pour protéger l'environnement tout en facilitant de manière sécuritaire et efficace le commerce et le mouvement du fret. Ensemble, nous sommes responsables du déplacement des deux tiers des marchandises par eau. C'est environ 400 milliards de dollars de marchandises qui passent par les administrations portuaires du Canada chaque année.

Les ports sont les intervenants clés de nos efforts pour réduire les émissions de carbone et protéger l'environnement, et nous pouvons être de puissants partenaires et catalyseurs dans la transition vers une économie faible en carbone. Comme je l'ai dit, nombre de nos membres ont réduit leurs émissions de carbone et d'autres émissions atmosphériques par l'entremise de diverses initiatives, comme l'utilisation de véhicules électriques l'alimentation à quai des navires ancrés. En effet, le Programme d'alimentation à quai des navires, mis en œuvre dans les ports de Vancouver, de Prince Rupert, d'Halifax et de Québec, permet aux navires de s'alimenter en électricité à quai et de fermer leur moteur, ce qui réduit les émissions des moteurs au ralenti au port.

Dans d'autres domaines, sur la terre, par exemple, le port de Thunder Bay a installé des panneaux solaires pour alimenter les activités portuaires, tandis que d'autres ports ont un éclairage à DEL écoénergétique et des ampoules à efficacité élevée, et ont procédé à des vérifications de la consommation d'énergie pour désigner les gains en efficience et les points à améliorer.

De façon similaire, les ports étudient également la possibilité d'utiliser de nouvelles technologies comme les ponts- portiques sur roues en caoutchouc électrifiés, pour réduire les émissions.

En plus de leurs efforts pour réduire les émissions de carbone, les ports respectent diverses pratiques de protection de l'environnement, qu'il s'agisse des efforts pour réduire le bruit sur la rive, le bruit sous-marin ou les émissions lumineuses, ou des divers efforts de restauration de la zone riveraine.

De façon plus importante, les administrations portuaires canadiennes participent également au programme volontaire Alliance verte, qui est un exemple de grande réussite canadienne. Le programme a été créé ici, au Canada, et est maintenant établi aux États-Unis. Il a été créé par la communauté maritime. Grâce à ses normes élevées, il favorise et reconnaît les pratiques de protection de l'environnement des intervenants maritimes internationaux, notamment les ports, les propriétaires de navires et les exploitants des terminaux. Parmi nos 18 membres, 17 font partie de l'Alliance verte et travaillent à atteindre les plus hauts niveaux de reconnaissance. Les ports sont évalués selon cinq critères principaux, les émissions de gaz à effet de serre étant probablement l'un des critères les plus pertinents pour le comité.

Au cours des 10 dernières années, les normes et la capacité des membres du programme à les respecter ont augmenté de manière constante. Les attestations ont été émises en 2016. Cette année, quatre de nos ports ont obtenu la note la plus élevée, cinq sur cinq, pour leurs pratiques de pointe en matière de réduction des gaz à effet de serre et 65 p. 100 de nos membres ont obtenu une note de trois ou plus pour leur rendement en matière de réduction des gaz à effet de serre.

À titre de mise en contexte, une note de trois signifie que les pratiques exemplaires ont été désignées et sont mises en œuvre, tandis qu'une note de quatre indique que la société fait preuve de leadership et qu'une note de cinq indique le développement de nouvelles technologies. On procède donc à de nouvelles recherches et on recueille de nouveaux renseignements.

C'est ce que nous faisions déjà. Nous croyons qu'il est très important de reconnaître le caractère hautement efficace du transport maritime lorsqu'on songe à établir des mesures pour réduire les émissions de carbone. Le transport maritime offre une possibilité unique d'obtenir des avantages importants sur le plan de l'environnement.

Les nombreuses voies navigables du Canada, de même que la capacité maritime hautement expérimentée et sécuritaire représentent une occasion importante de transport durable à faible teneur en carbone au sein d'un amalgame approprié de transports. Par exemple, depuis 2008 dans les Grands Lacs, la flotte canadienne a investi plus de 2 milliards de dollars dans le renouvellement des navires, ce qui comprend l'achat de nouveaux navires et d'épurateurs, et la restructuration des navires. Ces investissements permettent une réduction collective des besoins énergiques par tonne-kilomètre et une réduction globale des émissions.

Pour accroître l'efficacité du secteur maritime, on a établi une zone de contrôle des émissions dans les eaux intérieures et côtières du Canada, qui a également réduit la contribution des transports maritimes aux émissions d'oxyde de soufre et d'oxyde d'azote, malgré certains défis associés notamment aux contraintes technologiques et à la disponibilité du carburant. Ces efforts ont forgé un modèle très efficace qui se caractérise par l'innovation et l'amélioration continues en matière d'efficacité.

Il importe de souligner que les ports sont affectés par les changements climatiques associés aux émissions de carbone et que tous les ports doivent s'adapter aux conséquences des changements climatiques comme les tendances météorologiques extrêmes et imprévisibles et la variation des niveaux de l'eau et des couches de glace. Nous l'avons vu il y a quelques années surtout dans les Grands Lacs, qui étaient presque entièrement recouverts de glace, ce qui n'arrive pas souvent.

Ces changements environnementaux ont eu et continueront d'avoir une incidence importante sur les infrastructures portuaires. De plus, ils accéléreront le besoin d'entretien et en modifieront le type; en effet, grâce aux nouvelles technologies, les matériaux et techniques des infrastructures portuaires permettent maintenant de créer des mélanges de béton qui résistent aux changements climatiques ou des concepts de pont novateurs.

Le remplacement des infrastructures existantes des administrations portuaires canadiennes coûtera 1,9 milliard de dollars; il faudra financer la recherche et construire des infrastructures résistantes de pointe qui pourront s'adapter aux changements climatiques tout en transportant les marchandises et produits d'un Canada à faibles émissions de carbone.

L'Association des administrations portuaires canadiennes participe à plusieurs discussions stratégiques interreliées qui façonneront l'avenir du Canada et de son transport national. Nous savons que le gouvernement fédéral a l'intention d'atteindre l'objectif national renouvelé visant, d'ici 2030, une réduction de 30 p. 100 des niveaux de carbone par rapport à ceux de 2005, et son intention de mettre sur pied un programme fédéral, provincial et territorial.

Grâce à leur leadership et à l'exploitation efficace, nous croyons que les ports peuvent aider le gouvernement à atteindre cet objectif. L'Association des administrations portuaires canadiennes surveille les efforts de l'Organisation maritime internationale visant à créer des outils de réduction des émissions de carbone associées au transport maritime, notamment l'élaboration d'une méthode de collecte des données pour les émissions des navires et l'établissement d'un prix du carbone pour le carburant, et veillera à ce que les initiatives menées par l'industrie — notamment les ports — pour réduire les émissions de carbone soient prises en compte et reconnues de façon appropriée dans le contexte national.

L'autre discussion importante a trait à l'avenir du système de transport national. Nous avons d'abord entrepris l'examen de la Loi sur les transports au Canada et nous poursuivons les consultations. L'Association des administrations portuaires canadiennes exhorte le gouvernement et le comité d'établir un lien direct entre cette discussion et la discussion relative à l'économie à faibles émissions de carbone. C'est dans la logique des choses, puisque le transport est essentiel à la réussite économique du Canada.

Au-delà de la façon dont les ports doivent s'adapter aux changements climatiques et des discussions stratégiques en cours, les ports peuvent réduire l'impact du carbone et des changements climatiques et bâtir une économie à faibles émissions de carbone qui protégera l'environnement pour les générations à venir. Nous avons quelques recommandations à cet égard.

Tout d'abord, j'aimerais présenter notre vision d'une chaîne d'approvisionnement à faibles émissions de carbone au sein de laquelle les ports agissent à titre de carrefour et assurent la fluidité et l'efficience maximales de la chaîne de transport. Les ports efficaces, les infrastructures écologiques, les technologies et les systèmes de données sur la gestion des marchandises comme les systèmes d'identification automatique, les SIA, qui suivent les déplacements des navires et les temps d'arrêt, pourraient faciliter le transport sécuritaire et durable à faibles émissions de carbone. Cette chaîne d'approvisionnement à faibles émissions de carbone serait fondée sur les données et sur une association de modes. Il s'agit d'un concept important. Pour y arriver, les ports auront besoin d'une aide financière pour entretenir les infrastructures en place et développer de nouvelles infrastructures résistantes qui pourront s'adapter aux changements climatiques et protéger l'environnement. Certains programmes à frais partagés étaient très efficaces à cette fin, surtout pour les petits ports dans les régions clés; ces programmes doivent être rétablis.

Enfin, le financement de la recherche et des technologies vertes et le soutien pour accroître l'efficacité, comme la mise en œuvre continue du Programme d'alimentation à quai des navires, l'électrification, les systèmes de gestion des données et les technologies solaires sont essentiels en vue d'établir un système portuaire à faibles émissions de carbone.

En conclusion, j'espère que j'ai su présenter une vision quant à la façon dont les ports peuvent aider le Canada à faire la transition vers une économie faible en carbone, et le font déjà, à mon avis. L'appui à l'égard d'un système de transport national à faibles émissions de carbone qui permettra à nos ports écologiques et adaptables d'agir à titre de carrefours intermodaux représente un moyen d'atteindre cette vision.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Nous serons heureuses de répondre à vos questions.

Louis Thériault, vice-président, Politiques publiques, Conference Board du Canada : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de me donner l'occasion de vous présenter le travail du Conference Board sur la possibilité pour le Canada d'atteindre ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre.

À titre informatif, le Conference Board est le plus important organisme sans but lucratif du Canada en matière de recherche fondée sur les données probantes. Notre organisme est apolitique. Notre objectif vise principalement — surtout dans mon domaine — à couvrir les questions de politique publique. C'est un défi important pour le Canada et il faut de solides faits et données probantes pour veiller à mettre en place les bonnes politiques pour assurer la meilleure transition possible.

Le travail et l'information que je vais vous présenter se fondent sur un rapport publié l'année dernière, qu'on peut consulter sur notre site web. C'est un rapport de 100 pages, dont je vous présenterai les grandes lignes. J'ai préparé des notes et des diapositives, que j'utiliserai pendant mon exposé. Je crois que vous avez une copie des diapositives.

L'augmentation des émissions de gaz à effet de serre au cours de 20 ou 25 dernières années est attribuable en grande partie au transport et à la production d'énergie. De façon particulière, le secteur du transport routier est responsable d'environ 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, pour atteindre nos objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre, nous devons centrer nos efforts sur le transport routier.

Je vais aborder trois principaux sujets, qui sont souvent évoqués dans les conversations. Lorsqu'on commence à faire des prévisions et des calculs relatifs à ces facteurs, on peut mettre en perspective le potentiel de certaines solutions.

Tout d'abord, il y a un lien entre l'activité économique, la croissance de la population, la demande en transport et les émissions de gaz à effet de serre. Nous allons en parler brièvement. Bien sûr, on parle de technologie, de gaz naturel, de GPL, d'éthanol et de voitures électriques. Je vais mettre cela en perspective au cours de mon exposé.

Parmi les grands points, on pense à l'objectif ambitieux de l'accord de Paris visant une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050, qui représente surtout une question fondamentale et comportementale plutôt qu'une question de possibilités technologiques.

La diapositive 3 montre les deux principales sources d'émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport routier : les voitures de passagers et le transport des marchandises.

Pour les voitures de passagers, on fait un calcul en fonction du nombre de kilomètres conduits et de la croissance de la population. La population du Canada augmente d'environ 1 p. 100 par année. Les déplacements moyens des conducteurs sont assez constants chaque année; ils connaissent une légère baisse. Pour les véhicules de passagers, les gains ont trait à l'efficacité des technologies et aux divers types de véhicules utilisés pour les déplacements, pour les loisirs, le travail, et cetera.

En 2005, les véhicules de passagers ont émis 73 millions de mégatonnes de CO2. Pour le transport des marchandises, c'est environ 53 millions, ce qui vous donne une idée des ratios.

Le défi est beaucoup plus important dans le secteur du transport des marchandises; il faudra donc centrer nos efforts dans ce domaine, et je vous expliquerai pourquoi dans un instant.

Bien sûr, le transport des marchandises est étroitement lié au PIB et à l'activité économique, et le transport des biens par camion est beaucoup plus économique que d'autres moyens de transport.

La diapositive 4 vous montre notre point de départ en 2005. J'ai dit que les émissions totales de CO2 associées au transport routier étaient de 128 millions de tonnes environ. La ligne noire sur le graphique représente le PIB. Il est très difficile de faire le lien entre le PIB, l'activité économique et les émissions de gaz à effet de serre, et il y a un important historique associé à cela.

Le point numéro deux porte sur quelques-unes des solutions et des technologies envisagées. Vous avez entendu parler de véhicules au gaz naturel ou à gaz de pétrole liquéfié, et on entend beaucoup parler des biocarburants. Il y a toutes sortes de technicalités qui entourent le véritable potentiel que ces carburants de remplacement ont à offrir. Ils ont du potentiel. Il y a des progrès qui pourraient être réalisés sur ce front, mais comme vous le constaterez dans une minute, ils ne sont pas si énormes. Il y a des nuances à apporter concernant la faisabilité technique de la production à grande échelle de ce type de véhicule.

À la diapositive 6, je mentionne les voitures électriques et les véhicules à pile à combustible. Il en existe depuis quelque temps, et il y a beaucoup de programmes qui visent ces technologies. Je vous montrerai à la prochaine diapositive à quoi on peut s'attendre du véhicule électrique, en particulier, pour atteindre notre cible de 2030 et d'après. Il y a une limite au taux de pénétration du marché des véhicules électriques. Ce type de véhicule existe depuis quelques années déjà, mais au Canada, les véhicules électriques représentent moins de 1 p. 100 des nouveaux véhicules vendus chaque année. Là où la plus grande part des nouveaux véhicules électriques est vendue, soit en Californie et en Norvège, ce taux atteint 3 p. 100. Il faut donc beaucoup de temps avant qu'une technologie comme celle-là puisse faire une grande différence, compte tenu du cycle naturel de la pénétration du marché des technologies — et ce n'est pas si différent de ce qui s'observe dans bien d'autres secteurs.

Si l'on prend le tableau de la diapositive 7, vous pourrez voir tous les détails dans le rapport, si vous le souhaitez, mais en quelques mots, il présente divers scénarios en fonction du taux de pénétration du marché. Donc, si du jour au lendemain, la vente de véhicules électriques représentait 3 p. 100 de toutes les ventes de nouveaux véhicules chaque année au Canada, on peut voir ce que cela représenterait par rapport à la flotte totale, ainsi que la contribution de ces véhicules aux réductions des émissions de gaz à effet de serre. D'autres scénarios se fondent sur des taux de 5 et de 10 p. 100.

Le fin mot de l'histoire, c'est que si nous passions du jour au lendemain à 5 p. 100 de tous les véhicules vendus au Canada, par exemple, la réduction serait d'un million de tonnes sur les 73 dont j'ai parlé en 2030. En gros, même avec un fort taux de pénétration du marché des véhicules électriques, notre profil de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne changerait pas nécessairement de façon significative.

À la diapositive 8, vous pouvez voir de très bonnes nouvelles concernant 2030. Pour l'automobile, je viens d'expliquer que le potentiel que présente la voiture électrique pour 2030, dans ce contexte, en est un à relativement court terme : ce n'est pas là où la véritable transformation s'opère. Les véritables progrès viendront des normes et des règlements régissant les émissions d'échappement. Ainsi, l'EPA, c'est-à-dire l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, fixe des normes, et le Canada est habituellement prompt à les adopter. Pour ce qui est de l'automobile, les réductions imposées par les normes d'efficacité énergétique aux manufacturiers sont assez ambitieuses jusqu'en 2026, à supposer qu'ils les atteignent. À supposer, aussi, que les normes visant les petites camionnettes et les VUS soient atteintes, on obtiendrait le résultat présenté à la diapositive 9, c'est-à-dire une réduction d'environ 40 p. 100 d'ici 2030 des émissions de gaz à effet de serre provenant des automobiles dans le transport routier.

C'est la bonne nouvelle. La semaine dernière, les libéraux ont confirmé l'objectif de 2030 dans ce secteur de l'économie, soit une réduction de 30 p. 100 par rapport au niveau de 2005, et c'est là une source très importante d'émissions de gaz à effet de serre. Nous atteindrons cet objectif d'ici 2030. Le plus grand défi surviendra après, pour atteindre l'objectif de 80 p. 100 d'ici 2050, et je vous en parlerai en conclusion.

C'est la bonne nouvelle. Si les normes prévues sont respectées, nous serons vraiment sur la bonne voie pour y arriver. Ce ne sera pas facile, bien sûr, parce que cette affirmation se fonde sur la prétention que ces normes seront respectées. C'est toutefois faisable pour l'automobile. Pour les camions légers, je pense qu'on peut encore se demander si ce sera techniquement possible, et il y a beaucoup de littérature sur le sujet, mais cette norme existe.

Prenons un instant la diapositive 9, sur l'avenir du transport de marchandises. C'est beaucoup plus difficile. En fait, d'ici 2030, nous devrions atteindre 47 mégatonnes, par rapport à 53 en 2005, ce qui correspond à une réduction d'environ 10 p. 100. La raison à cela, c'est que la technologie utilisée dans les véhicules de transport de marchandises n'est pas encore aussi avancée ou établie. Vous pouvez lire dans le rapport que lorsque la technologie existe, même si la mesure du rendement des investissements par période semble positive, il y a beaucoup de résistance à l'adoption des technologies les plus écoénergétiques qui existent pour les camions lourds.

Certains des obstacles à cet égard sont surmontables. Il y a encore place à l'amélioration sur le plan technologique, mais même si l'on déployait beaucoup d'efforts pour en faire la technologie de choix, ce serait encore difficile. Il reste donc des efforts à faire à ce chapitre. Le courant en faveur des véhicules électriques n'est pas aussi avancé pour les camions lourds, et les normes de rendement énergétique applicables aux moteurs des camions lourds sont loin d'être aussi exigeantes que celles qui s'appliquent au secteur de l'automobile. En fait, les normes visant les camions lourds viendront à échéance en 2018, et il n'y a pas de nouvelles normes réglementaires qui seront imposées pour les moteurs des camions lourds. C'est à mes yeux une conclusion très claire du rapport, mais c'est le grand défi.

Dans l'ensemble, si vous voulez savoir à quoi on peut s'attendre pour l'automobile et le camion lourd combinés, on prévoit une réduction d'environ 27 p. 100 d'ici 2030. Encore une fois, c'est à supposer que les fabricants respectent les normes applicables à l'automobile et à ce qu'il y ait une amélioration continue du côté des camions lourds, un objectif assez ambitieux, compte tenu de l'histoire récente de ce pan du secteur.

Tout cela pour dire que l'objectif à court terme, que le gouvernement libéral a confirmé la semaine dernière, reste réalisable pour le transport routier, ou presque. Nous en sommes à 27 p. 100, alors que l'objectif est de 30 p. 100. Dans l'ensemble, c'est faisable. Il y a toutefois une série de conditions préalables pour que cela se concrétise.

Le véritable défi viendra après. L'Accord de Paris cible 2050. Nous avons tous entendu l'objectif international global, qui consiste à limiter la concentration des émissions de CO2 à 450 parts par million pour la planète. L'Accord de Paris vise une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050, et cela par rapport au niveau de 1990. L'Accord de Paris est extraordinairement ambitieux.

Dans le scénario décrit dans le rapport, vous verrez que certaines des hypothèses relatives à la technologie sont assez poussées et qu'elles impliquent, bien sûr, que la voiture électrique gagne beaucoup en popularité, mais il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir, pour ainsi dire, si nous voulons atteindre une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050 pour l'automobile et les camions. Nous avons élaboré divers scénarios, et il faut pousser les hypothèses assez loin pour obtenir le maximum compte tenu de l'avancement de la technologie à l'heure actuelle. Compte tenu des rendements financiers qui seraient nécessaires pour que les divers acteurs adoptent ces technologies dans leur secteur, c'est-à-dire vous et moi pour l'automobile ou les exploitants de camions et de véhicules commerciaux, on atteint environ 70 p. 100. C'est donc à long terme qu'il faudra vraiment redoubler d'effort. Ce constat doit nous porter à réfléchir à ce que nous pouvons faire pour changer les comportements fondamentaux qui structurent les services de transport autoroutiers au Canada.

Je comparerais la situation à l'époque où le taux de tabagisme était d'environ 50 p. 100, dans les années 1950. Il n'en est plus qu'à environ 15 ou 18 p. 100. Pour en arriver là, il a dû y avoir de la réglementation, des taxes, de la publicité; des mesures fiscales ont été mises en place, et tous les intervenants, y compris le milieu scientifique, ont été mobilisés et se sont concertés pour atteindre cet objectif.

Je dirais que si nous voulons relever le défi qui se dresse devant nous, pour atteindre l'objectif de 80 p. 100 d'ici 2050 dans le secteur des transports, c'est un peu la même chose. Il faut vraiment changer notre façon de voir les services de transport dans leur ensemble. Comment voulons-nous procéder? Pour le transport des biens comme des personnes, nous devrons changer fondamentalement. La technologie d'aujourd'hui ne nous permet pas d'y arriver. Il devra y avoir un changement de paradigme.

J'aimerais mentionner l'innovation prometteuse que présentent les véhicules automatisés, par exemple. Nous avons tous également entendu parler du covoiturage. Il y a déjà de bons pas qui se font pour changer notre rapport à la voiture et notre façon de nous déplacer. Nous n'y sommes pas encore, mais la porte est ouverte.

Il faut surtout retenir que pour atteindre ces objectifs ambitieux, il nous faudra beaucoup plus que ce que la technologie peut nous offrir aujourd'hui. Si l'on fait le lien avec les objectifs de croissance économique, il faudra des changements de paradigme pour déterminer comment effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le président : Merci. C'est très intéressant.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous trois d'être ici aujourd'hui. Merci de vos exposés très pertinents et utiles.

Monsieur Thériault, j'aimerais résumer ce que vous avez dit. Le pourcentage de la population qui utilise un véhicule électrique n'est pas très élevé, il est de 3 à 5p. 100, mais en raison des limites réglementaires associées aux moteurs, il y a une forte probabilité que nous atteignions presque l'objectif de réduction de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 15 ans.

C'est une très bonne nouvelle, parce que je n'aurais jamais cru que nous pourrions nous en approcher. Vous craignez surtout l'après 2030. Comme vous l'avez dit, beaucoup de choses peuvent changer, particulièrement les comportements. Nous parlons beaucoup des voitures autonomes. Nous avons entendu un témoin il y a deux ou trois mois sur cette question, et il était assez convaincant. Compte tenu de tout ce que les fabricants automobiles font et de l'apparition de services comme Uber, je pense qu'on peut s'attendre à des changements importants.

J'ai dîné avec le président de Toyota il y a deux semaines. Toyota est un géant. Il est aussi grand que ses quatre concurrents les plus proches combinés. Qui sait ce que l'avenir nous réserve, mais le président de Toyota parie que les piles à hydrogène seront la solution pour les moyens à gros véhicules et que l'électricité se limitera aux petits véhicules seulement.

La seule difficulté qui reste ne tient pas à la technologie, mais à l'infrastructure. À Tokyo et dans bien d'autres pays, il y a des stations d'essence où il ne faut plus que trois minutes pour faire le plein, comme avec de l'essence ordinaire, ce qui est beaucoup plus rapide qu'avant. Cela a-t-il une grande importance? Est-ce que cela a été pris en compte? En tenez-vous compte dans vos chiffres?

M. Thériault : Dans une certaine mesure, oui. Quand nous avons élaboré nos scénarios fondés sur un taux de pénétration du marché accru des véhicules électriques, nous avons dû faire des hypothèses.

La résistance observée à ce jour dépend des facteurs que vous décrivez. Il y a les bornes de recharge, le temps qu'il faut pour recharger la pile, une certaine anxiété à propos de l'autonomie des véhicules, compte tenu de l'avancement actuel de la technologie. Encore une fois, tout cela évolue rapidement. Il y a deux semaines, un fabricant automobile a annoncé la mise en marché d'une pile ayant presque le double de la capacité de charge.

L'innovation à ce chapitre est fondamentale. Quand nous élaborons des scénarios de ce genre, nous ne pouvons jamais prédire quelles seront les prochaines innovations. Nous ne pouvons repousser les limites qu'en fonction des technologies actuelles.

Nous l'avons fait dans une perspective à court terme — et l'on peut considérer 2030 comme du court terme —, mais je pense qu'il y a encore des limites physiques en matière d'infrastructure, un certain retard, autrement dit, puisque nous n'y sommes pas encore. Nous commençons à planifier l'avenir, et nous avons tous entendu parler de l'exemple de la Ville de Montréal, où le maire Coderre s'efforce de faire augmenter le nombre de bornes de recharge, par exemple. Cela prend du temps.

Nous observons à peu près la même chose que bien d'autres industries pour ce qui est de la nouvelle technologie, en fait : l'adoption est assez lente au départ, en général, après quoi elle s'accélère. On finit par atteindre une masse critique qui change la donne.

Le scénario montre que nous n'y sommes pas encore; l'élan de départ est passé. On voit le potentiel des véhicules électriques après 2030 dans ce scénario, mais ce ne sera pas déterminant pour l'atteinte des objectifs à court terme. Comme vous l'avez souligné, les moteurs à combustion interne et les normes régissant les émissions d'échappement sont toujours dominants. C'est le principal constat.

C'est toujours la question qui se pose, et elle s'applique au reste de l'économie canadienne. On parle d'innovation, mais tout dépendra vraiment de la forme que prendront les services de transport et l'approvisionnement énergétique pour faire de l'innovation une réalité.

Le sénateur Massicotte : Madame Zatylny, vous avez énuméré plusieurs mesures que vos ports prennent pour réduire leurs émissions de CO2 et accroître leur efficacité énergétique.

Vous avez mentionné l'Alliance verte et le Programme d'alimentation à quai. Expliquez-moi ce que cela signifie. Vous avez fait tout cela. Vous avez réduit vos émissions de CO2, mais de quel pourcentage? Et quel est votre objectif?

Mme Zatylny : Il n'y a pas d'objectif quantifié. Les ports sont engagés depuis longtemps en ce sens, principalement pour tous les avantages que cela procure, tant pour ce qui est des économies de coûts et des gains en efficacité dans le secteur portuaire que pour ce qui est des avantages pour les collectivités. Quand il y a un port à l'intérieur d'une ville, le fait est que l'affluence de navires ou de bateaux de croisière a des effets sur les collectivités avoisinantes. Les ports travaillent très fort pour les atténuer le plus possible, d'où le Programme d'alimentation à quai pour les ports, afin de réduire les émissions des bateaux de croisière. Les ports le voient comme un bien inhérent et une économie de coûts.

Comme je l'ai dit, nous avons commencé à répertorier tous ces efforts avec notre comité de l'environnement. Nous n'avons pas encore de chiffre total, mais je peux vous donner une idée de ce que différents ports font. Le port de Montréal, par exemple, a remplacé ses locomotives par des locomotives multi-génératrices, à propulsion bi-mode de nouvelle génération, qui réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 90 p. 100 et sa consommation de carburant de 54 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Si on prend l'exemple du port de Montréal, qui est un des grands ports au Canada, comment se compare-t-il à il y a 105 ans pour ce qui est de ses émissions de CO2?

Mme Zatylny : C'est exactement ce que nous essayons d'évaluer en ce moment. Je pourrai probablement répondre à cette question dans deux mois, mais pas tout de suite.

Le sénateur Massicotte : Je crois que nous partageons votre opinion selon laquelle ce sont des mesures qui nous font nous sentir mieux, jusqu'à ce qu'on les mesure. Si c'est vraiment important, ce devrait être mesuré, et c'est à partir de là qu'on pourra vraiment essayer d'obtenir des résultats concrets. Autrement, c'est comme un exercice de relations publiques, alors que je suis certain que l'objectif va beaucoup plus loin. Je vous encourage vivement à mesurer cela, comme vous semblez être en train de le faire.

Mme Zatylny : Oui.

La sénatrice Seidman : J'aimerais continuer d'interroger Mme Zatylny, parce que j'allais justement mentionner le port de Montréal et le fait qu'il a reçu du financement l'an dernier pour installer des bornes d'alimentation. Je me demande quelle en est l'incidence. Vous dites que vous ne pouvez pas encore nous le dire. Je peux peut-être vous poser des questions pointues. Quand les navires ne sont pas branchés au réseau électrique, quelles sources d'énergie utilisent- ils? Leurs moteurs?

Mme Zatylny : Oui.

La sénatrice Seidman : Combien de temps peuvent-ils passer branchés au réseau quand ils sont au port?

Mme Zatylny : Je crois qu'ils y sont branchés environ 90 ou 95 p. 100 du temps. Ils arrivent, se branchent, puis éteignent leurs moteurs.

La sénatrice Seidman : Cela représente beaucoup?

Mme Zatylny : Oui.

La sénatrice Seidman : Savez-vous s'il y a des carburants de remplacement, de l'électricité ou d'autres types de véhicules automatisés qui sont utilisés dans les ports?

Mme Zatylny : Oui. Pratiquement tous les grands ports ont adopté une combinaison de véhicules hybrides pour tout l'entretien portuaire, le factage et le reste. Comme je l'ai déjà dit, un nombre important de ports l'ont déjà fait; probablement tous sauf les plus petits. Ils travaillent également avec les exploitants de terminaux et s'efforcent de remplacer une grande partie de leur flotte de véhicules.

La sénatrice Seidman : Dans votre exposé, vous avez dit que le transport maritime offre une occasion unique d'amélioration environnementale importante. Vous avez mentionné les nombreuses voies navigables du Canada, et vous avez affirmé considérer l'environnement comme un élément important de ce que vous faites dans les ports.

Si je pense à ma province de résidence, le Québec, le fleuve St-Laurent est la source d'eau potable d'environ 40 p. 100 de la population du Québec, et il me semble que la gestion de l'eau devrait faire partie intégrante de toute future stratégie en matière d'environnement. Quelles mesures votre organisation prend-t-elle donc pour inclure la gestion de l'eau à sa stratégie environnementale?

Mme Zatylny : De notre point de vue, les deux concepts sont interreliés. Il n'est pas question de choisir entre l'un et l'autre. Les deux sont importants, pour les ports et tout le secteur maritime.

Chacune des administrations portuaires est très consciente de l'incidence des activités portuaires sur l'environnement environnant et y fait très attention, qu'on pense à l'environnement terrestre ou aquatique.

Ce qui est intéressant au Québec, c'est que sa stratégie maritime est extrêmement bien équilibrée, parce qu'elle reconnaît cette dualité et tient compte du fait qu'il faut avancer sur les deux fronts. Nous aimerions beaucoup que ce genre d'initiative soit reproduit dans les autres provinces, particulièrement en Ontario, qui partage avec le Québec le réseau des Grands Lacs et de la Voie maritime du St-Laurent.

Comme je l'ai déjà dit, la liste des mesures déjà prises par les ports individuellement est longue. Je ne voudrais pas prendre trop de temps au comité, mais nous serions ravis de vous la faire parvenir. Chose certaine, je peux vous garantir que dans tous les cas, le traitement des eaux usées, les activités portuaires et les plans d'intervention en cas de déversement sont pris en compte dans les activités portuaires, comme leurs répercussions sur l'eau potable et l'utilisation de l'eau à des fins récréatives.

La sénatrice Seidman : C'est très utile. Merci beaucoup.

Monsieur Thériault, vous nous avez présenté des renseignements et des tableaux très intéressants sur l'incidence des carburants de remplacement et une nouvelle façon de voir les transports. Vous avez mentionné Montréal et son programme d'électrification des transports, qui représente un engagement important. Effectivement, il vise les petites voitures. Le transport urbain de la Ville de Montréal est donc la première ligne d'attaque.

Si l'on prend l'exemple du Québec en particulier, en 2012, la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre du Québec venait du secteur des transports, à hauteur de 44,7 p. 100, et les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur ont bondi de presque 26 p. 100 entre 1990 et 2012.

On déploie maintenant beaucoup d'efforts pour examiner les solutions de rechange au transport public et les choix qui s'offrent en matière de transport de personnes et de marchandises. Le Québec offre divers incitatifs afin de favoriser l'abandon du diesel et l'adoption de carburants de remplacement, comme le gaz naturel et l'électricité.

Pouvez-vous nous donner une idée de l'attrait qu'exerce le gaz naturel pour le transport de longue distance dans le reste du Canada?

M. Thériault : Je ne peux pas vraiment vous dire ce qu'il en est dans le reste du Canada. Je pense que la nuance que vous apportez est très pertinente, cela dépend de ce que cela signifie pour chaque province. Pour le Québec, du point de vue de la production énergétique, comme l'hydroélectricité est la source d'énergie la plus propre possible et produisant le moins d'émissions de gaz à effet de serre, ce n'est pas un problème. Cela dit, il ne fait aucun doute que le secteur des transports est celui sur lequel nous devons nous concentrer.

Les difficultés entre l'Alberta et le Québec sont très différentes; l'importance relative des divers secteurs varie radicalement.

Ensuite, il faut tenir compte du tissu industriel du Québec par rapport à celui de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de l'Ontario, et cetera. Il faut donc nuancer beaucoup le plan de chaque province pour atteindre les objectifs.

Relativement à votre réponse à la question sur le gaz naturel, le camionnage et le transport de marchandises, nous voyons ce qui existe aujourd'hui, et je dirais que le changement de carburants qui s'opère, même si c'est pour le Québec ou d'autres provinces, ne change pas grand-chose à la situation.

Quand les technologies nouvelles existent, nous avons trouvé — et c'est tout à fait général dans le transport routier de marchandises — une résistance à leur adoption. Même si elles sont financièrement indiquées, elles ne sont pas le premier choix de l'industrie, même si les coûts se remboursent assez vite.

Il existe apparemment toutes sortes de résistances, parfois franchement très triviales, à leur adoption; on se méfie. Même si, théoriquement, elles sont le choix logique, l'industrie, les joueurs de l'industrie, pour je ne sais quelle raison, se méfient.

Gaz naturel, perfectionnement des systèmes de freinage, par exemple, gain de légèreté des matériaux, il est vraiment difficile de provoquer l'adoption massive de ces technologies nouvelles, même si elles existent. Nous avons constaté que la résistance est particulièrement forte dans le transport des marchandises, plus, même, que dans celui des voyageurs. Dans le cas des voyageurs, nous le savons tous et nous comprenons tous, mais, dans celui du transport des marchandises, la résistance est même plus grande.

La sénatrice Seidman : Certains diraient que c'est en quelque sorte évident de chercher à remplacer le diesel par le gaz naturel dans les gros camions, mais vous dites que c'est une question de fiabilité. J'essaie de comprendre.

M. Thériault : Pas dans le cas particulier du gaz naturel, mais dans celui des diverses technologies que nous avons analysées, qui, sur le plan économique et financier, aujourd'hui, sont le choix logique, que ce soit le gaz naturel ou d'autres technologies. Je ne pourrais pas vous énumérer précisément celles que nous avons analysées, mais nous avons examiné les solutions de rechange et, en général, c'est là qu'est le hic. Même si, financièrement, c'est le choix logique en raison d'un remboursement assez rapide, elles ne sont pourtant pas adoptées.

Je veux dire que des facteurs autres que financiers agissent donc sur le comportement d'adoption de technologies et le transport routier de marchandises.

La sénatrice Seidman : C'est intéressant. Dans votre étude, avez-vous cerné d'éventuelles mesures d'incitation qui pourraient favoriser l'adoption de carburants de rechange?

M. Thériault : Que ce soit dans le transport de marchandises ou de voyageurs, et je pense qu'on en parle dans la dernière diapo que j'ai montrée, les mesures d'incitation ont joué un rôle énorme dans l'adoption des voitures hybrides, par exemple, le coût du passage aux camions roulant au diesel, quand c'est possible, à des camions roulant au gaz naturel, si c'est même techniquement faisable — je n'en suis même pas certain — ou le simple remplacement du moteur, par tout ce qui est nécessaire pour obtenir des résultats. Les mesures d'incitation dans le secteur du transport ont donc été indispensables aux progrès que nous avons constatés depuis un bon nombre d'années. La comparaison des voitures et des camions des années 1970 avec ceux d'aujourd'hui révèle l'ampleur des gains d'efficacité énergétique. Le problème est que ces gains et le coût relativement faible du carburant favorisent tout simplement l'achat de véhicules plus gros. Ou, encore, les acheteurs de camions se fient à une technologie plus traditionnelle du moteur à combustion interne, à essence ou au diesel.

La technologie préférée reste, par défaut, ce que vous savez, je suppose, et, quant aux gains réalisés, particulièrement dans le transport de voyageurs, ils ont favorisé l'achat de grosses voitures, aux moteurs plus puissants. Dans la décision d'acheter une voiture ou un véhicule, beaucoup d'autres facteurs que le seul élément de service de transport entrent en jeu. Il faut distinguer le transport de marchandises ou de voyageurs, mais je pense que, dans les deux cas, les préférences restent difficiles à changer.

Le gouvernement a prévu diverses mesures, des incitations, des normes et des règlements. Franchement, l'automobile, en grande partie celle qu'on conduit par plaisir, et le camion sont peut-être, les secteurs industriels les plus réglementés de tous, globalement, ce qui a engendré des gains au fil du temps, mais ces gains ont été annulés dans une grande mesure par d'autres facteurs, que je viens de le décrire, alors que l'essence ou le diesel sont si bon marché qu'il est vraiment difficile de réfuter les arguments économiques et les préférences naturelles des décideurs de l'adoption de technologies nouvelles ou du statu quo. Nous avons constaté que le secteur du camionnage est assez hésitant à adopter la technologie la plus avantageuse d'un cran pour l'environnement. Sur le plan de la fiabilité, on pourrait aussi trouver de bonnes raisons pour l'adopter, mais je ne pourrais pas vraiment en juger.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie tous les deux pour vos exposés.

J'ai des questions pour vous deux, mais, avant, je dois vous dire que j'ai fait partie du comité de l'énergie pendant six ans, où j'ai entendu et appris beaucoup de choses. Nous semblons nous fonder sur deux hypothèses. La première, qu'il existe une corrélation directe entre l'augmentation de la teneur en gaz carbonique et le changement perçu du climat. J'ai passé 7 ans à Ottawa et 61 ans en Nouvelle-Écosse, et je n'ai pas vu beaucoup de changements dans le climat, ni ici ni là-bas, je dois l'admettre. C'est peut-être un phénomène mondial, et ça semble l'être. Beaucoup de doctes personnes croient que l'augmentation de la teneur en gaz carbonique découle du changement climatique sans en être la cause. Je suppose que nous devrons laisser passer quelques années encore avant de vérifier ce jugement.

La deuxième grande hypothèse est que, d'ici 20 ou 30 ans, nous serons bien engagés dans une économie qui ne produira pas de gaz carbonique. Mais j'en doute. Les 20 dernières années et l'évolution du débat me disent que nous sommes assez bien en prise dans une économie qui produit du gaz carbonique et je pense que ça pourra durer longtemps. Mes deux questions maintenant.

Vous d'abord, madame Zatylny. Vous avez dit que les ports ont été touchés par le changement climatique provoqué par les émissions de gaz carbonique — encore cette hypothèse — et qu'ils doivent s'adapter aux effets de ce changement, par exemple une météo imprévisible, ponctuée d'extrêmes et la variabilité des niveaux de l'eau et de la couverture de glace.

J'ai passé toute ma vie à proximité de villes portuaires; c'est là que j'ai grandi et que je vis encore. Pourriez-vous étoffer votre affirmation? Vous avez dit que c'était l'effet des changements climatiques. Pouvez-vous dire où, au Canada, des ports ont été précisément touchés par le changement climatique?

Mme Zatylny : La réponse concerne deux régions : le centre du Canada et la Voie maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent, où le niveau de l'eau, des lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent ainsi que le climat ont été très variables. La météo est plus extrême, encore du fait d'El Niño, de La Niña, qui influent par la suite sur nos hivers. J'ai fait allusion plus tôt à l'hiver d'il y a deux ans, pendant lequel la couverture de glace sur les Grands Lacs a été notable. Elle a fini par écourter la saison de la navigation de six semaines en tout, trois semaines au début et autant à la fin. Ç'a entraîné des pertes notables de la capacité de transport de marchandises pour les autorités portuaires à qui la Voie maritime du Saint-Laurent servait de débouché.

De même, les niveaux de l'eau ont un effet notable. Essentiellement, une baisse de trois pouces entraîne une perte de mille tonnes, environ, dans la capacité de transport d'un vraquier des Grands Lacs et, par conséquent, d'importantes pertes de revenus.

Le sénateur MacDonald : Bien sûr, le niveau de l'eau monte dans l'océan Atlantique.

Mme Zatylny : Et, dans les Grands Lacs, il oscille.

Le sénateur MacDonald : Il oscille.

Pendant que vous y êtes, j'ai une anecdote. J'ai grandi près de Louisbourg, où les hivers étaient très froids. Je dirais qu'une fois tous les 10 ou 12 ans, on pouvait traverser les eaux gelées du port, ce qui arrive encore à peu près tous les 10 ans.

Je le raconte, parce que le changement climatique prend vraiment beaucoup de temps, des décennies, des siècles, des millénaires. Mais je reviens aux détails.

L'alimentation électrique à quai a éveillé l'intérêt. Vous avez parlé de Vancouver, de Prince Rupert, de Halifax et de Québec, puis vous avez ajouté Montréal, mais il m'a alors semblé que, dans ce cas, c'était au sujet de la navette sur terre; est-ce juste?

Mme Zatylny : C'est en plus de cette alimentation à quai, un programme particulier qui permet de brancher les navires à l'électricité, à quai, pour leur permettre d'arrêter leurs moteurs.

Le sénateur MacDonald : je comprends. C'est une excellente idée. Mais je suis simplement curieux de savoir pourquoi elle se limite à ces quatre ports. Ont-ils obtenu leur électricité à quai grâce à un programme fédéral?

Mme Zatylny : Oui. Deux grands facteurs expliquent pourquoi le programme est limité à ces ports. L'un est simplement le coût. Cette technologie est coûteuse, et il faut que le producteur provincial ou local d'électricité veuille bien consentir des tarifs préférentiels. Pour le persuader, il faut négocier.

Il faut aussi tenir compte de la nature des navires. Jusqu'ici, on accordait la préférence aux navires de croisière, en raison de l'uniformisation du réseau électrique de ces navires qui permettait d'avoir pour eux une prise standard à quai.

La variabilité considérable dans le fret, particulièrement le transport en vrac rend impossible la standardisation qui permettrait à un port de choisir une configuration particulière d'alimentation électrique utile au plus grand nombre de cargos.

Voilà pourquoi Vancouver, Montréal et Québec ont mis en œuvre l'alimentation à quai pour les navires de croisière. Prince Rupert a conclu des accords à long terme avec plusieurs transporteurs par conteneurs, qui a permis l'uniformisation des porte-conteneurs qui y arrivent, ce qui leur a permis d'expérimenter aussi ce type d'alimentation.

Le sénateur MacDonald : Qu'en est-il de la capacité? Combien de navires peut-on desservir en même temps pour améliorer le rapport coûts/efficacité?

Mme Zatylny : Ce serait une question à poser à chacune des autorités portuaires. Je sais que, à Vancouver, on admettra trois ou quatre navires en même temps.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Thériault, vous avez parlé de la conversion des camions poids lourds et des défis de l'électricité par rapport au gaz naturel.

Je suppose que la plus grande partie du diesel utilisé dans notre pays est destinée au chauffage, dans le Nord, à la production d'électricité et à la conduite de gros véhicules comme les poids lourds ou les locomotives. A-t-on fait des analyses pour déterminer s'il était mieux de le remplacer par du gaz naturel ou du gaz naturel liquéfié, et pour savoir lequel des deux serait la meilleure solution?

M. Thériault : Il y a une certaine redondance dans votre question. Pour notre rapport, nous avons examiné diverses technologies. Pour le remplacement du diesel par le gaz naturel, nous avons constaté, encore une fois, que même si, sur le plan financier, c'est judicieux, il n'est pas facilement adopté, pour toutes sortes d'autres raisons qui ne sont pas nécessairement financières. Je suppose que le contexte actuel, alors que le diesel est si bon marché, ne favorise pas ce remplacement. Si on le remet à plus tard, il faut vraiment miser sur d'autres atouts que les seuls gains financiers immédiats. Le saut est franchement judicieux quand les prix sont un peu plus élevés. Pendant notre étude, les prix étaient un peu plus élevés qu'aujourd'hui.

Le sénateur MacDonald : Qu'en est-il de l'emploi du gaz naturel liquéfié par opposition au gaz naturel?

M. Thériault : C'est le même argument. Dans le transport de marchandises, si on veut vraiment progresser un peu, il faut adopter une solution beaucoup plus fondamentale. Ce serait utile, mais les normes d'émissions des véhicules automobiles sont actuellement très sévères. Le gain pour obtenir une réduction de 80 p. 100 des émissions d'ici 2050, si on choisit cet objectif à long terme, ou même d'ici seulement 2030, comme je l'ai fait remarquer, ce n'est pas ces technologies qui le permettront. Elles sont utiles graduellement.

Le transport routier représente 80 p. 100 de l'ensemble, mais les ports, le transport ferroviaire et le transport aérien constituent les derniers 20 p. 100. Si nous voulons atteindre des objectifs de réduction notables, il faudra y aller dans tous les secteurs. Dans le transport de marchandises, il y a actuellement des tensions; c'est difficile.

Le sénateur MacDonald : L'affaire n'est donc pas dans le sac?

M. Thériault : Non.

La sénatrice Ringuette : Je vais concentrer mes questions sur un sujet commun à vos exposés, la planification du transport.

[Français]

Monsieur Thériault, quand vous avez fait votre étude, avez-vous comparé les émissions liées au transport par camion, par train et par bateau, pour une tonne métrique et une distance donnée? Avez-vous fait cette comparaison sur le plan des émissions de gaz à effet de serre?

M. Thériault : C'est une très bonne question. Les travaux que je présente aujourd'hui ne concernent que le secteur du transport routier. Il n'y a pas eu d'analyse détaillée des options potentielles susceptibles d'être plus efficaces concernant la réduction des gaz à effet de serre.

Il reste quand même le fait que le choix du transport par camion est très viable à l'heure actuelle sur le plan économique. Si on utilise le transport ferroviaire plutôt que le camionnage ou la voie aérienne, c'est parce que le cadre financier dans lequel évolue l'industrie est très limité. Quand l'industrie décide de choisir de transporter les biens par camion, c'est qu'il y a une logique économique et financière derrière. On pourrait faire l'exercice. Par exemple, le pipeline reste le moyen le plus efficace de transporter le pétrole, mais on utilise beaucoup le transport ferroviaire, parce qu'on n'a pas suffisamment d'oléoducs.

La comparaison est possible, mais là où je veux en venir, c'est qu'il y a des résistances qui se situent au-delà des barrières financières. C'est le même argument dans le cas du pipeline, soit les contraintes en termes de capacité.

La sénatrice Ringuette : Madame Zatylny, voulez-vous faire un commentaire sur cette première question?

Mme Zatylny : Oui. Je dirais que ce qui m'a frappée dans la réponse à votre question, c'est l'efficacité relative entre les différents modes de transport. Les données avec lesquelles on travaille concernent les navires qui acheminent le cargo sur le Saint-Laurent et sur les Grands Lacs, et le nombre de cargos qu'il est possible de transporter.

[Traduction]

D'ordinaire, un vraquier canadien des Grands Lacs transporte 30 000 tonnes. C'est l'équivalent d'à peine moins de 1 000 bennes de camion ou d'un peu plus de 300 wagons. De plus, le vraquier utilise son carburant plus efficacement, environ 700 p. 100 de plus, par tonne de cargaison qu'un camion et 74 p. 100 de plus que le chemin de fer.

Quand j'ai parlé de la façon d'examiner la question, dans mon exposé, j'ai voulu insister sur la façon d'examiner l'ensemble approprié de moyens de transport. Un port n'existe pas sans réseau routier et ferroviaire. Sinon, c'est seulement un endroit où les marchandises s'accumulent. Mais, si, dans ce contexte, on tient compte de l'ensemble des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle nationale et la façon de résoudre les difficultés dues à la concurrence à l'intérieur de secteurs donnés, il faut se donner une vision d'ensemble plus générale. Si on parvient à s'attaquer à certains obstacles, particulièrement dans le centre du Canada, au transport d'un plus grand tonnage de marchandises dans le système des Grands Lacs et du Saint-Laurent, certains de ces gains peuvent découler d'une modification de l'importance relative de certains moyens de transport.

La sénatrice Ringuette : Oui. Exactement. C'est là où je voulais en venir.

Monsieur Thériault, d'après votre rapport, le transport routier et le déplacement des voyageurs en automobile, nous y viendrons, ne sont pas le problème le plus important. Le plus important est le transport de marchandises d'un bout à l'autre du pays. Vous avez mentionné les mesures que le gouvernement peut employer.

J'ai l'impression que, pour atteindre l'objectif, le gouvernement devra intervenir sur le coût financier et le coût du carbone pour le transport de ces marchandises d'un bout à l'autre du pays en faisant appel à des moyens multiples ou efficaces de transport.

Est-il possible pour vos deux organisations de travailler sur le transport des marchandises, relativement au coût, aux émissions et au besoin national de disposer d'un plan efficace de transport, compte tenu de ces éléments très importants de l'avenir de notre économie nationale?

[Français]

M. Thériault : Vous avez parfaitement raison. Je dirais qu'il y a un exercice d'optimisation de l'ensemble des modes de transport qui existent. Est-ce qu'il y a des gains à faire? Probablement.

Vous avez mentionné que le transport par bateau est de loin le plus efficace sur le plan des émissions des gaz à effet de serre. Il n'est pas techniquement possible de réaliser des gains théoriques. Donc, il faut voir les limites physiques de la chaîne logistique, mais il y a probablement des gains à faire. Le transport ferroviaire est aussi une alternative très valable sur le plan de l'intensité en matière de gaz à effet de serre.

Le Conference Board est en train de mettre en place une initiative axée sur une économie à faibles émissions de carbone, et les travaux seront rendus publics au cours des prochains mois. L'objectif premier de l'initiative, c'est d'établir une base de faits sur lesquels on peut s'appuyer pour commencer à articuler des politiques qui permettront de faire une transition en douceur. On évalue les implications liées à l'atteinte de l'objectif collectif qui a été fixé à Paris qui vise une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050. On examine chacun des secteurs et on constate que l'élément d'optimisation du secteur des transports est central.

La sénatrice Ringuette : Oui, parce qu'il existe une panoplie de systèmes de logistique de transport. Il semble que ces systèmes de logistique pourraient facilement inclure les modes optimaux au chapitre financier et en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre.

Étant donné qu'il est aussi question du potentiel d'un centre d'échange, d'achat et de vente, cela pourrait devenir très intéressant pour vous, pour le gouvernement et pour les utilisateurs.

Supposons que, dans un système de logistique, un utilisateur a le choix entre les solutions A, B et C. La solution A procure une réduction des coûts, la solution B procure un coût de carbone moindre, et la solution C est la combinaison des deux premières. Et s'il existe un incitatif pour que l'utilisateur choisisse la logistique de transport C, il me semble que ce n'est pas compliqué.

Même si ce n'est pas compliqué dans ma tête, c'est peut-être plus complexe que cela. On examine des initiatives qui sont à long terme, et je crois que ce serait certainement un élément très intéressant pour la gamme des émetteurs de gaz à effet de serre.

M. Thériault : L'exercice d'analyse prospective et de prévisions que l'on fait est particulièrement utile pour répondre à ce type de question. Quel est le potentiel de l'optimisation de l'ensemble du secteur des transports dans notre objectif collectif de réduction des gaz à effet de serre? Le potentiel est-il important, moyen, petit? Avons-nous déjà tenté l'optimisation? L'exercice est important pour répondre à la question et pour donner l'heure juste sur le potentiel réel de cette avenue, qui est une question très valable. Quel pourcentage de l'objectif atteindrions-nous en optimisant? Aussi, à quel moment doit-on commencer à encourager, à l'aide d'incitatifs, des changements dans un scénario business as usual ou qui ne change pas?

La sénatrice Ringuette : Vous avez confirmé que le Conference Board est en train d'étudier ces aspects.

M. Thériault : Pour l'ensemble des secteurs, oui.

La sénatrice Ringuette : Pourriez-vous faire parvenir une copie de votre rapport à notre comité lorsqu'il sera rendu public?

M. Thériault : Avec plaisir. Quant à l'échéancier, à l'heure actuelle, je ne peux pas m'engager sur une date précise, car les travaux viennent de commencer, mais au début janvier, ou à la mi-janvier, nous aurons une ébauche assez solide. Il y aura un exercice de communication avec les médias et avec des groupes comme le vôtre. Nous serions heureux de venir vous présenter les résultats. La portée de l'étude sera plus large que le secteur du transport routier. L'étude ressemble un peu à l'exercice qu'on fait ici, mais elle aborde aussi les opportunités liées à l'atteinte de l'objectif collectif et traite de secteurs qui auront besoin d'aide pour adoucir leur transition.

[Traduction]

Sénateur MacDonald, vous avez parlé d'une économie qui produit beaucoup de gaz carbonique, et vous avez raison. En fait, l'énergie fait partie des atouts fondamentaux dont le Canada dispose. On peut discuter du changement climatique et de la science sur laquelle il s'appuie, mais nous acceptons cette affirmation du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Nous ne devons pas dépasser 450 parties par million. En nous concentrant uniquement sur cet objectif, dans cette hypothèse, que devons-nous faire? Un élément fiducial intervient. Si je suis actionnaire et administrateur d'une compagnie, je tiens à considérer cela comme un risque pour elle.

J'aimerais réorienter la conversation sur le combustible vers une conversation qui combine le carbone et le combustible. La séquestration du carbone est un bon exemple. Pourrions-nous avoir une production d'énergie neutre en carbone? Si nous tenons compte de la situation à long terme, j'aime penser que l'avantage concurrentiel que l'énergie procure au Canada se prolongera jusqu'en 2050 et après. Cet avantage se présentera-t-il dans sa forme actuelle? Probablement pas.

Au fil des années, le Canada a souvent fait preuve d'innovation dans son industrie de la production d'énergie. J'aimerais croire que si nous commençons à penser que le défi n'est pas seulement lié au combustible, mais au carbone et au combustible, nous pourrons créer une situation dans laquelle de nombreux intervenants tireront leur épingle du jeu. En effet, il s'agit d'un programme axé sur l'innovation, et vous ne dites pas que le combustible représente un problème dans ce cas. Vous cernez l'enjeu approprié, c'est-à-dire l'objectif commun de réduire les émissions de carbone. Concentrons-nous donc sur le carbone.

Les épurateurs et le charbon ne sont pas des options viables sur le plan financier. Le DGMV, le drainage par gravité au moyen de vapeur — je dépasse le mandat dans ce cas-ci — mais c'est la même chose pour les technologies de production de sables bitumineux. Toutes ces initiatives n'étaient pas viables sur le plan financier au début; elles le sont devenues plus tard.

Si vous poursuivez la mise en œuvre de ce programme dans le secteur de l'approvisionnement et que vous poursuivez les efforts de réduction de l'empreinte de carbone dans le secteur de la production, et que vous faites la même chose pour le transport, le covoiturage et les véhicules automatisés sont des solutions innovatrices pour l'avenir, car elles nous permettent de conserver notre avantage concurrentiel sur le marché et elles respectent nos grandes capacités en matière d'énergie et de production dont nous profiterons toujours dans 100 ans.

Le sénateur Patterson : Monsieur Thériault, vous avez mené une étude importante et fort à propos dans le secteur des transports. Selon votre étude, est-il possible d'atteindre l'objectif de réduire les émissions de 30 p. 100 comparativement à celles de 2005 d'ici 2030?

M. Thériault : L'étude laisse croire que, comme on l'a souligné, si les fabricants respectent les normes en matière d'émissions d'échappement des automobiles et des camions légers, nous pourrions réduire les émissions de 40 p. 100 comparativement à celles de 2005 d'ici 2030.

Cela ne dépend pas des technologies de rechange, qu'il s'agisse du gaz naturel, de l'éthanol ou des voitures électriques. En fait, le scénario le plus audacieux que je viens de souligner et dans lequel les voitures électriques représentent 5 p. 100 des nouvelles voitures fabriquées chaque année permettra seulement de réduire les émissions d'une mégatonne d'ici 2030. Cela dépend complètement des normes en matière d'émissions d'échappement des véhicules qui ont été élaborées par l'EPA aux États-Unis et adoptées en grande partie par le Canada.

Tout cela repose sur certaines hypothèses, car encore une fois, nous devrons vérifier s'il est techniquement possible de satisfaire à ces normes. Mais si nous progressons dans cette voie et que c'est possible sur le plan technique, alors oui, nous pourrons atteindre ces objectifs en ce qui concerne les automobiles. Toutefois, cela ne fonctionnera pas dans le cas du fret, car la situation est différente.

Le sénateur Patterson : Où la tarification du carbone entre-t-elle en jeu? Votre étude conclut-elle que la tarification du carbone représente un autre moyen de réduire les émissions?

M. Thériault : La tarification du carbone fait certainement partie de la solution. Cela me surprend, car j'avais abordé la question avec l'idée préconçue que la tarification du carbone devait être amorcée pour qu'il soit viable, sur le plan financier, d'adopter certaines des technologies, mais nous avons découvert qu'une certaine résistance se manifeste à l'extérieur du contexte financier. En effet, la tarification du carbone fait partie de la solution, mais selon certaines personnes qui s'opposent à l'adoption de cette mesure, ce n'est pas l'élément le plus important. Prenons l'exemple du fret. Dans le rapport, nous examinons toutes les technologies offertes qui ne sont pas adoptées et qui permettraient de réduire plus efficacement les émissions de gaz à effet de serre, et nous calculons le rendement du capital investi lié à leur adoption. Même si ces technologies satisfont aux normes en matière de rendement du capital investi habituellement en vigueur dans une industrie donnée, elles ne sont pas adoptées. Cela signifie que d'autres facteurs dissuadent les gens de les adopter.

Les voitures électriques ont atteint un taux de pénétration de 1 p. 100. Chaque année, un peu moins de 1 p. 100 de toutes les voitures vendues sont électriques. En Norvège et en Californie, ce taux est de 3 p. 100; ce sont les pays les plus avancés à cet égard. Il y a toujours une grande résistance dans ce domaine. En effet, les voitures électriques sont sur le marché depuis un certain temps, mais leur taux d'adoption n'augmente pas rapidement. L'anxiété liée à l'autonomie est l'un des problèmes cernés, ainsi que l'infrastructure et la disponibilité des prises d'alimentation électrique. Le coût de cette technologie a également représenté un obstacle pour les utilisateurs d'automobiles.

Le sénateur Patterson : La tarification du carbone pousse les gens à adopter d'autres moyens de transport. Est-ce la théorie acceptée?

M. Thériault : Et les gens modifient leurs habitudes. Si vous jugez qu'il faut satisfaire à un besoin en matière de transport, il y a plusieurs façons d'y arriver. Au bout du compte, vous pouvez décider de marcher; c'est la solution extrême. Dans le rapport, nous parlons des transports en commun. En ce moment, les gens ne prennent pas suffisamment l'autobus, et si on fait le calcul par passager, les autobus produisent plus de carbone qu'une voiture, car ils ne sont pas assez pleins. La tarification du carbone pousse les gens à choisir d'autres moyens de transport. Il ne s'agit pas seulement d'acheter de la technologie pour répondre à des besoins, mais également de modifier la façon dont on utilise les moyens de transport actuellement offerts.

Prenons l'exemple du covoiturage. Nous avons mentionné Uber pour illustrer comment un tel système pourrait fonctionner, mais c'est un autre élément. La tarification du carbone incite les gens à trouver d'autres façons de se déplacer.

Le sénateur Patterson : Je ne sais pas si vous y avez pensé, et il s'agit peut-être d'un très petit élément du problème, mais comment peut-on choisir d'autres moyens de transport lorsqu'on habite dans une petite collectivité où il n'y a pas de transport en commun et où le climat ne permet pas souvent de se déplacer à bicyclette ou à pied? Avez-vous pensé à cette situation?

Les résidants des trois territoires du Nord ne sont pas convaincus que la tarification du carbone représente une bonne solution dans un endroit où le coût de la vie est déjà très élevé et où les solutions de rechange mentionnées — les bonnes et les mauvaises — ne sont pas offertes. Avez-vous des commentaires?

M. Thériault : C'est un bon point. De nos jours, par exemple, nous avons une initiative appelée Centre pour le Nord. Aujourd'hui, mon groupe a publié un rapport sur le diesel et sur le coût de l'électricité dans le Nord.

Vous avez raison. Il faut que des solutions de rechange soient offertes pour que la tarification du carbone représente un choix sensé. S'il n'y a aucune solution de rechange, à court terme, même si vous présumez qu'on les offrira éventuellement, le problème existe toujours et il faut tenir compte de la transition. Cela représente certainement un défi pour les collectivités éloignées du Nord, et pour les collectivités éloignées en général. Il y a des solutions prometteuses, par exemple les véhicules automatisés qui fonctionnent à l'électricité, se déplacent et se branchent automatiquement, arrivent sur appel et retournent ensuite à leur station d'alimentation.

En ce qui concerne les longues distances — et c'est un problème qui se pose particulièrement dans le cas du fret —, la technologie n'est pas aussi avancée en ce moment. On peut faire valoir que ce n'est pas la même chose, mais dans le cas des collectivités éloignées, il faut beaucoup de temps pour se rendre d'un endroit à l'autre étant donné qu'elles sont situées dans des milieux ruraux, et les mêmes problèmes se posent. C'est plus difficile.

Lorsque la tarification du carbone s'appliquera aux services, il faudra certainement se pencher sur la question des besoins en matière de transport dans les collectivités éloignées et prévoir des mesures compensatoires.

Le sénateur Patterson : Merci. Nous avons hâte de lire votre rapport sur la question du diesel.

J'aimerais remercier les deux témoins de leurs exposés. Ma prochaine question s'adresse à l'Association des administrations portuaires canadiennes.

Vous avez dit que vous observiez les efforts déployés par l'Organisation maritime internationale pour mettre au point des dispositifs de réduction des émissions de carbone pour les moyens de transport maritimes. Vous avez mentionné la cueillette de données sur les émissions des navires et l'assujettissement du combustible au prix du carbone. Pouvez-vous nous en parler davantage? J'aimerais savoir si les intervenants de l'industrie conviennent que le combustible devrait être assujetti au prix du carbone. De plus, a-t-on lancé une initiative visant à utiliser du combustible à basse teneur en soufre dans l'industrie ou un combustible de qualité plus élevée qui produira moins d'émissions de carbone que les combustibles utilisés actuellement dans les eaux canadiennes?

Debbie Murray, directrice, Politiques et affaires réglementaires, Association des administrations portuaires canadiennes : Je vous remercie des questions qui ont été posées. Je crois que j'ai entendu trois questions sur l'OMI. Je pense que vous avez dit que le prix du carbone et la transition vers un combustible à faible teneur en soufre étaient des sujets qui vous intéressent.

Je pourrais d'abord vous parler un peu de l'OMI, l'organisme de réglementation principal pour l'industrie maritime à l'échelle mondiale. Le gouvernement du Canada adopte ou intègre, dans son cadre réglementaire national, les règlements élaborés par cet organisme et il participe également au processus d'élaboration de ces règlements.

L'OMI a un comité central appelé le Comité de la protection du milieu marin, ou le CPMM. En ce moment, à l'échelle mondiale, on exerce une grande pression sur ses membres, afin qu'ils mettent au point un mécanisme visant à réduire les émissions de carbone des moyens de transport maritime. On s'est entendu pour créer un système de surveillance, de rapports et de vérification. La première étape de ce système concerne la mise en œuvre d'un système de cueillette de données qui a été mis au point. La partie sur la surveillance a donc été établie, ce qui signifie qu'étant donné que les données sur les émissions de carbone sont recueillies de façon continue, nous pouvons commencer à établir des objectifs et ensuite vérifier les progrès liés à la réduction des émissions de carbone.

Nous exerçons actuellement une surveillance à cet égard. Dans la semaine du 24 octobre, les intervenants de l'OMI se réuniront à Londres pour poursuivre les discussions sur la création possible d'une mesure axée sur le marché et sur l'établissement d'un objectif. Toutefois, comme vous pouvez probablement l'imaginer, ces discussions internationales prennent du temps. De plus, la CdP insiste grandement pour que l'OMI détermine un prix du carbone maritime ou mette sur pied une sorte de mécanisme de décarbonisation. Les discussions tenues le mois prochain au sein de l'OMI seront donc très importantes pour contrer le processus de la CdP. J'essaie de simplifier les choses, mais nous sommes très engagés, et à titre de membre de la délégation canadienne, j'ai grandement participé à ce processus.

En ce qui concerne le soufre, un objectif a été établi par l'entremise de l'annexe VI de la convention MARPOL, ce qui représente un autre mécanisme de convention maritime de l'OMI, et le Canada a établi un objectif en vue de réduire les émissions de soufre d'ici 2020. Ce sera donc 0,5 p. 100 pour le soufre.

Le sénateur Patterson : Cela aura-t-il également des répercussions sur le carbone?

Mme Murray : Certains mécanismes techniques et certains mécanismes liés à l'efficacité opérationnelle sont mis au point. Lorsqu'on cherche à accroître l'efficacité, on peut utiliser des moteurs plus efficaces, ce qui signifie qu'ils produiront moins de carbone et moins d'oxyde nitreux et de sulfure. C'est ce qui se produit en ce moment.

Je tenais notamment à souligner qu'on se concentre surtout sur le prix du carbone, mais il existe un large éventail de mécanismes qui peuvent être utilisés pour réduire les émissions de carbone. Je ne parle pas nécessairement du prix du carbone, mais des mécanismes de réglementation. Dans le secteur du transport maritime, on a obtenu énormément de succès avec un grand nombre de règlements et de politiques tels l'efficacité énergétique, l'indice nominal d'efficacité énergétique, les transformations techniques sur les navires et les mélanges de combustibles. Le transport maritime est devenu très efficace sur le plan énergétique en raison des mécanismes de réglementation. Je dois m'abstenir de faire un énoncé de politique ici, car le processus est toujours en cours, mais je dirai qu'un large éventail de mécanismes peut être utilisé dans le transport maritime par l'entremise de modifications réglementaires, par exemple les techniques liées à l'efficacité énergétique, l'achat de navires, la conception de la coque et le revêtement de la coque. Il y a de nombreuses façons d'accroître l'efficacité, par exemple par l'entremise de mélanges de combustibles contenant différents types de combustibles tels le GNL, le méthanol et le combustible à faible teneur en soufre.

Je crois que j'ai répondu à la partie de la question sur la faible teneur en soufre et l'OMI.

En ce qui concerne le prix du carbone, je sais que les membres de la Chambre internationale de la marine marchande ont proposé un prix du carbone potentiel, mais je crois qu'ils ont rétracté leur proposition, et que le mois prochain, lors de la réunion de l'OMI, on parlera de la question de savoir ce qui représente une part équitable. À l'échelle mondiale, on discute de la possibilité d'établir une CPDN pour l'industrie.

Le sénateur Patterson : Une CPDN?

Mme Murray : Nous parlons des CPDN, c'est-à-dire des contributions prévues déterminées au niveau national, dans le cas des pays, mais on pourrait peut-être établir une CPDN pour l'industrie. La part équitable de l'industrie a fait l'objet d'une discussion, même si je sais que le gouvernement du Canada vient d'affirmer qu'il n'appuie pas le calcul de la part équitable et qu'il préférerait qu'on fixe un objectif.

Mais en résumé, au Canada, notre industrie émet 5,5 mégatonnes d'émissions de carbone, ce qui représente une très petite partie de l'ensemble des émissions de carbone. C'est donc une bonne raison pour envisager la combinaison de moyens de transport dont nous avons parlé.

La sénatrice Fraser : Monsieur le président et mesdames et messieurs les témoins, j'aimerais m'excuser de mon arrivée tardive. J'étais prise dans une autre réunion et je ne pouvais pas partir. Je n'ai pas l'habitude d'arriver en retard, mais étant donné que j'étais en retard, je ne poserai aucune question, car je veux éviter les répétitions.

Le président : Je voulais seulement vous offrir l'occasion de poser vos questions, madame.

La sénatrice Fraser vient de se joindre à notre comité. En fait, c'est sa première réunion, et nous sommes heureux de sa présence. Ce sera formidable. J'ai hâte d'entendre sa contribution.

Je poserai quelques questions, et nous aurons ensuite terminé.

Madame Zatylny, vous avez mentionné que la disponibilité du combustible représentait en quelque sorte un obstacle. Pouvez-vous nous parler davantage de la disponibilité du combustible relativement aux émissions de gaz à effet de serre?

Mme Zatylny : Absolument. Cela faisait précisément référence aux exigences environnementales liées au contrôle des émissions que j'ai mentionnées, lorsqu'il s'agit de commencer à utiliser le combustible à faible teneur en soufre. Ce combustible n'est pas offert en même quantité sur chaque côte. En effet, sur la côte Ouest, il est plus facile, et donc plus économique, de se procurer du combustible à faible teneur en soufre. La côte Est n'offre pas une telle capacité, et c'est donc un peu plus difficile et plus dispendieux.

Le président : D'accord. Tout comme le sénateur Massicotte, j'avais une question sur les mesures. Ce sera intéressant. Nous voulons que vous nous teniez au courant des mesures, de vos efforts et de vos progrès, ainsi que du coût lié au déplacement d'un endroit à l'autre lorsqu'on apporte les changements. J'espère que cela en fait partie, parce qu'au bout du compte, nous tentons notamment de déterminer le coût assumé par un Canadien ordinaire pour atteindre l'objectif de 30 p. 100 d'ici 2030 et celui de 80 p. 100 d'ici 2050 — surtout lorsque selon l'AIE, à l'échelle mondiale, nous consommerons une énorme quantité de combustible fossile supplémentaire d'ici là —, et la façon dont nous allons réduire les émissions de carbone.

Ce sera donc très intéressant. Vous avez également parlé de certains programmes qui ont été interrompus et qu'on doit relancer. Pourriez-vous nous en parler brièvement, s'il vous plaît?

Mme Zatylny : Merci.

Il s'agissait en fait du Programme d'alimentation à quai des navires, un programme de Transports Canada. C'était un programme à coûts partagés, c'est-à-dire qu'il profitait d'un financement moitié-moitié. Au moment de sa mise en œuvre, on croyait que l'alimentation à quai serait le seul mécanisme que le gouvernement fédéral accepterait d'appuyer — ce qui explique le nom du programme. Toutefois, lors de sa mise en œuvre, on a découvert qu'il posait certains des défis décrits plus tôt relativement à l'uniformité de l'offre de la technologie, et le programme a donc été utilisé de façon limitée, ce qui explique pourquoi seuls les grands ports qui accueillent les navires de croisière ont été en mesure de profiter du programme.

Nous avons commencé à examiner d'autres mécanismes ou d'autres technologies, et lorsque j'ai posé la question à mes membres, ils ont exprimé un intérêt marqué pour d'autres possibilités, qu'il s'agisse des technologies du SIA, de la transition vers l'éclairage DEL, des véhicules hybrides, et cetera, mais le programme a été interrompu il y a environ deux ans.

Le défi auquel nous sommes confrontés, c'est que les plus grands ports ont davantage de bénéfices non répartis et sont ainsi en mesure de financer certaines de ces technologies plus expérimentales, mais ce n'est pas le cas des plus petits ports. Les plus petits ports bénéficieraient donc du relancement d'un programme qui soutient les technologies vertes.

Un deuxième programme visait le secteur maritime, soit le Programme d'habilitation de sécurité en matière de transport maritime. Il a été conçu en vue de fournir les crédits nécessaires pour répondre aux exigences de sécurité rehaussées imposées dans la foulée du 11 septembre. À l'époque, bon nombre des ports s'en sont servis afin d'adopter des technologies de sécurité beaucoup moins énergivores, comme un éclairage LED, des caméras à faible consommation d'énergie, et ainsi de suite. C'était donc un deuxième programme qui s'est avéré utile et qui a aussi été supprimé au cours des trois dernières années. Les deux programmes de partage des coûts ont bien servi.

Le président : Existe-t-il la possibilité que les ports, notamment les plus grands, soient en mesure de financer eux- mêmes l'installation de l'éclairage LED et des autres mesures? Ce ne serait pas possible?

Mme Zatylny : C'est ce qu'ils font tous.

Le président : Pour votre gouverne, j'ai été ministre de l'Énergie en Colombie-Britannique et nous avons permis l'alimentation à quai des bateaux de croisière. Je connais donc ce programme.

Le besoin qui consiste à remplacer les camions, qui sont de vieux véhicules inefficaces servant au transport des conteneurs, par des véhicules plus récents, probablement alimentés au gaz naturel, existe depuis un certain temps. D'ailleurs, cela s'est fait dans les ports de Los Angeles et de San Francisco, il me semble, et il y a eu une amélioration énorme. Westport Fuel Systems, une entreprise de Vancouver qui conçoit ce genre de systèmes, vend sa technologie partout au monde, mais nous semblons avoir du mal à l'adopter dans les ports.

Il me semble que nous pourrions prendre un simple règlement qui permettra à l'autorité portuaire de dire : « Le savez-vous? Si vous allez transporter des conteneurs à partir de notre port, vous allez devoir utiliser des véhicules de modèle plus récent, et vous allez devoir utiliser le gaz naturel comme carburant, comme on le fait à Los Angeles et à San Francisco et dans d'autres ports autour du monde. » Pouvez-vous m'en dire plus?

Mme Zatylny : Avec plaisir. Le port de Vancouver a effectivement procédé de la sorte. Il a imposé des exigences selon lesquelles les camionneurs auraient à moderniser leurs parcs de véhicules, afin que ce soient tous des modèles post-2006. On a utilisé un peu la carotte et un peu le bâton, notamment des incitatifs financiers. De plus, le port a investi dans des technologies afin de raccourcir le temps de rotation des camions, ce qui a permis à chaque camionneur de constater des améliorations au chapitre des revenus et de la rentabilité.

Les mesures ont été couronnées de succès, mais elles s'insèrent dans un processus. Bien que le port puisse offrir des incitatifs financiers, il ne dispose pas de l'autorité réglementaire rigide qui lui permettrait d'imposer certaines mesures. Le port évolue dans un milieu compétitif, à la fois pour le transport et les marchandises, et il en va de même pour les fournisseurs de services, que ce soit le transport routier ou ferroviaire. Le port doit donc procéder d'une façon plus collaborative, c'est-à-dire plus de carotte et moins de bâton.

Les autres ports observent de près ce qu'a fait Port Metro Vancouver, et au fil du temps, ils ont commencé à mettre en œuvre des mesures qui conviennent à leur situation. Prince Rupert en est un bon exemple. Le port n'a pas eu à imposer de restrictions concernant l'âge du véhicule. Ce port considère plutôt un projet de construction de route qui réduira le temps du trajet d'environ la moitié. Il tente cette solution, puisqu'il n'y a pas de problème de vieux camions.

Chaque port tente de régler le problème de la façon la plus efficace qui convient à ses besoins particuliers et aux besoins locaux.

Le président : C'est difficile, j'en conviens. Je travaille sur ce dossier depuis longtemps. C'est difficile, et les mesures coûtent un peu plus cher. Cependant, d'autres ports l'ont fait. On peut dire : « Vous avez la permission de circuler dans la zone portuaire et vous devez disposer de ce type d'équipement. » C'est un outil réglementaire qui pourrait servir dans n'importe quel port au Canada, il me semble. De toute façon, je ne veux pas m'entretenir à ce sujet avec vous, mais voilà ce que j'en pense ainsi que de bien d'autres personnes.

En ce qui concerne les ports, vous avez également dit que l'industrie du transport maritime est seulement responsable de 5,5 mégatonnes. Il s'agit uniquement des arrivages, n'est-ce pas? C'est-à-dire lorsque les navires mouillent dans les eaux portuaires? Une fois en haute mer, il n'y a aucune limite. Les émissions sont projetées dans l'atmosphère. Les émissions de mazout brut et d'autres carburants semblables sont libérées dans l'atmosphère.

Existe-t-il un mouvement dans le secteur du transport maritime pour faire comme le transport aérien, c'est-à-dire commencer à réfléchir à la façon dont tous les acteurs peuvent agir collectivement, afin que tout le monde soit sur un pied d'égalité pour réduire les gaz à effet de serre à l'extérieur des ports, c'est-à-dire en haute mer?

Mme Murray : En ce qui concerne les 5,5 mégatonnes, c'est une statistique du gouvernement du Canada et ce sont donc des émissions nationales. À l'échelle mondiale, comme je l'ai dit en réponse à la question du sénateur Patterson, la collecte de données effectuée par l'OMI sera le mécanisme central utilisé par l'industrie pour la collecte et l'enregistrement de données sur les émissions de carbone. J'ajouterais que l'UE a désormais un cadre semblable en place, et elle commence à recueillir des données sur les navires qui naviguent dans ses eaux. Le cadre existe et exerce une pression sur l'OMI pour qu'elle élabore un mécanisme de mesure du carbone. C'est le volet de mesure du MNV qui sera finalisé le mois prochain.

Le président : Nous demanderons probablement à vous deux de revenir plus tard pour nous parler de certaines des études que vous avez mentionnées.

J'ai quelques questions pour vous, monsieur Thériault. Vous avez parlé des voitures électriques. Dans ma région, le Nord de la Colombie-Britannique, les voitures électroniques ne conviennent pas, bien franchement. On peut bien se rendre à quelques kilomètres à l'extérieur de la ville, mais la plupart du travail qui se fait avec un véhicule léger entraîne un kilométrage énorme, et l'électricité ne convient pas.

Avez-vous calculé le coût d'une production accrue d'électricité? Est-ce que cela figurait dans les coûts prévus de fabrication de voitures électriques? Au Québec, au Manitoba ou en Colombie-Britannique, l'énergie est propre et relativement bon marché, mais dans les régions où le charbon ou le gaz naturel sert à produire de l'électricité, cela coûte plus cher. En avez-vous tenu compte?

M. Thériault : Oui, en ce qui concerne l'évaluation de l'empreinte carbone nette. Nous avons tenu compte de la source de l'électricité, c'est-à-dire des carburants fossiles, et de l'empreinte carbone émanant de la production d'électricité. Nous avons examiné le coût de l'électricité dans diverses régions pour calculer les retombées financières. Nous avons tenu compte des diverses réalités des marchés particuliers.

Vous parlez de la faisabilité technique des scénarios, et ce que j'ai présenté ici sur la diapositive lorsque j'ai parlé des divers taux de pénétration des voitures électriques, ce n'était qu'à titre d'illustration, afin de vous indiquer qu'il faudrait attendre longtemps pour que les véhicules électriques réduisent de façon notable les émissions de gaz à effet de serre.

C'était ça que je voulais vous dire. Nous entendons bien souvent que les véhicules électriques sont la solution. Je voulais vous dire qu'à long terme, les véhicules électriques ont un effet, mais au cours des 15 années qui suivront, l'incidence sera moindre, même si l'on prévoit des scénarios de taux de pénétration très agressifs. On rencontre des obstacles qui ne sont pas financiers, qui correspondent, comme vous l'avez décrit, aux limites de la technologie actuelle en ce qui concerne les distances, l'infrastructure et la disponibilité des bornes de recharge.

Mais pour répondre à votre question, oui, les émissions de gaz à effet de serre nettes provenant de diverses sources ont été prises en ligne de compte pour calculer le scénario et les divers coûts de l'électricité.

Le président : Il nous serait utile d'avoir ces renseignements, et je vous demande de les fournir à notre greffière afin que nous puissions examiner de plus près les coûts et les réductions.

Je n'ai pas vérifié si c'est vrai ou non, mais j'ai entendu dire qu'un pays avait décidé d'investir massivement dans les voitures électriques. Je ne nommerai pas le pays, mais il a accordé énormément de subventions, et il est impossible de conduire un véhicule autre qu'une voiture électrique dans les grandes villes. Le pays a dû construire des centrales au charbon afin de générer l'électricité nécessaire aux voitures électriques.

Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais c'est intéressant, et c'est tout à fait plausible.

Le sénateur Massicotte : Je veux être sûr que vous répondiez à la question, telle que je la comprends. Vous n'avez non seulement tenu compte de la source d'électricité servant à recharger les batteries, mais également de la source de l'électricité ayant servi à la construction de la voiture. Ai-je raison? En d'autres termes, avez-vous tenu compte de l'empreinte de la construction de la voiture, car dans certaines provinces, on se sert du charbon?

M. Thériault : Non, pour ce qui est de la construction de la voiture. Nous en avons tenu compte pour l'utilisation de la voiture.

Le sénateur Massicotte : Vous présumez donc qu'il n'y a aucune empreinte laissée par la construction du véhicule?

M. Thériault : Ce facteur ne fait pas partie du transport routier. L'étude portait sur le transport routier et l'usage des véhicules servant à se déplacer. Vous faites référence à la manufacture des voitures. L'étude a mentionné tous les secteurs et les sources d'alimentation. On arrive ensuite aux questions environnementales qui vont au-delà des émissions de gaz à effet de serre, comme les piles à combustible et les batteries elles-mêmes, ainsi que leurs composantes. C'est une question valide, mais elle ne nous concerne pas.

Le sénateur Massicotte : Et pourtant, c'est important.

Le président : Vous avez décrit la technologie et les normes visant les émissions d'échappement qui sont en vigueur. Vous avez parlé des fabricants qui doivent respecter ces normes. Le Canada respecte-t-il ces normes aujourd'hui?

M. Thériault : Jusqu'à présent, le Canada n'a fait qu'adopter les normes de l'EPA, et la réponse est oui. Le défi auquel j'ai fait référence vise davantage les véhicules légers, comme les camions et les VUS, et là, il y a un point d'interrogation quant à la faisabilité technique. C'est bien beau d'avoir une norme, et la norme actuelle s'appliquera jusqu'à 2026, c'est-à-dire pendant encore 12 ans. Vu les progrès réalisés jusqu'à maintenant, il reste à savoir si, sur le plan du génie, c'est faisable. Voilà la question.

Le président : Vous nous dites donc que nous respectons les normes fixées actuellement, mais il reste à savoir si nous pourrons le faire à l'avenir lorsque les normes seront plus exigeantes. Merci.

Si on regarde les graphiques pour le Canada, nous constatons que nous devons réduire de 291 millions de tonnes les gaz à effet de serre. C'est beaucoup. Lorsqu'on regarde la source, et même si on éliminait complètement le secteur du pétrole et du gaz, qu'on n'en extrayait plus, nous n'arriverions toujours pas à respecter la norme. Il faut voir les choses en face. La cible sera très difficile, voire même impossible, à respecter.

Merci pour vos déclarations. Elles nous sont utiles. Nous espérons recevoir des renseignements complémentaires. Vous serez probablement convoqués à une autre séance à l'avenir.

Merci.

(La séance est levée.)

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