Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 12 - Témoignages du 29 septembre 2016
OTTAWA, le jeudi 29 septembre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat, et je préside le comité.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui se trouvent dans la pièce et aux téléspectateurs de partout au pays qui suivent nos délibérations. Je rappelle à tous ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont accessibles par webdiffusion sur le site sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également d'autres renseignements sur l'horaire des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat » de notre site web.
Je vais maintenant inviter les sénateurs à se présenter. Je vais commencer par présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, Québec.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : J'aimerais également vous présenter les membres de notre personnel : notre greffière, Mme Lynn Gordon; et deux analystes de la Bibliothèque du parlement, Mme Sam Banks et M. Marc LeBlanc.
Il s'agit de notre 16e réunion dans le cadre de notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Cette étude s'inscrit dans la foulée des objectifs récemment annoncés par le gouvernement du Canada visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous entendrons aujourd'hui deux témoins. Nous accueillons tout d'abord M. Bruce Winchester, directeur général de l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel. Je vous souhaite la bienvenue, Bruce. Vous avez un exposé à nous présenter. Puisque nous devrons nous arrêter un peu plus tôt afin de poursuivre nos travaux en séance à huis clos, nous aimerions que votre exposé ne dure pas plus de 10 à 12 minutes, si vous le voulez bien. Nous vous poserons des questions par la suite.
Bruce Winchester, directeur général, Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité et de vous donner un aperçu des possibilités qu'offre le gaz naturel dans le secteur des transports au Canada.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter mon organisme. L'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel est l'association nationale qui représente l'industrie canadienne des véhicules au gaz naturel. Elle compte parmi ses membres des distributeurs de gaz naturel; des fabricants de véhicules, d'équipements de véhicules et de matériel d'alimentation en carburant; des créateurs en recherche et développement; de fournisseurs de services de génie; et des exploitants. Notre mandat consiste à promouvoir l'adoption de véhicules au gaz naturel au Canada. Nous favorisons également les mesures de sécurité par l'élaboration de codes et de normes, la formation, la recherche et l'innovation pour nos membres, les universités et travaillons en partenariat avec le gouvernement du Canada dans le cadre d'activités de diffusion à l'appui de l'utilisation de véhicules au gaz naturel.
Le secteur des transports emploie près de 1 million de Canadiens et génère 70 milliards de dollars par année au Canada. C'est la deuxième source d'émissions de gaz à effets de serre et d'autres polluants atmosphériques en importance. Dans un pays aussi vaste que le nôtre, trouver un moyen de transport économique qui produit peu d'émissions est un défi constant, mais le gaz naturel peut jouer un rôle essentiel à cet égard.
Le réseau de transports du Canada est vaste et lié à celui des États-Unis, tant en ce qui concerne les routes que les ports de mer importants. Le gaz naturel est utilisé pour alimenter en carburant des navires, des trains, des camions et même certains véhicules hors route comme les véhicules de prospection minière.
Comme solution de rechange aux carburants traditionnels, l'utilisation de gaz naturel peut se traduire par des réductions de gaz à effet de serre de 10 à 30 p. 100, selon l'application.
Comme ressources naturelles canadiennes, les réserves de gaz naturel abondent et les prix n'ont jamais été aussi bas. Ouvrir un plus grand marché pour cette grande quantité de carburant pourrait contribuer grandement à la réduction de différentes émissions nocives et offrir au Canada d'importants avantages sur le plan des coûts dans son secteur des transports. Comme nous le savons tous, pour une économie axée sur les exportations comme le Canada, le transport à faible coût est un élément essentiel de sa croissance et de sa prospérité.
L'ACVGN et l'industrie canadienne des véhicules au gaz naturel ont établi de solides partenariats avec le gouvernement du Canada et mènent des activités de diffusion avec Ressources naturelles Canada et Transports Canada. Le Plan d'action pour le déploiement de l'utilisation du gaz naturel dans le secteur du transport canadien; le rapport intitulé Liquefied Natural Gas : A Marine Fuel for Canada's West Coast; et le rapport à venir intitulé Liquefied Natural Gas : A Marine Fuel for Canada's Great Lakes and East Coast ont été préparés avec la collaboration du gouvernement du Canada.
Plus récemment, les gouvernements du Québec, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont commencé à soutenir le déploiement de véhicules au gaz naturel. En Colombie-Britannique et au Québec, cela comprend des véhicules routiers de même que des véhicules marins. La STQ, au Québec, et BC Ferries, en Colombie-Britannique, utilisent, ou sont sur le point d'utiliser, le gaz naturel dans certaines de leurs activités. Nous avons vu également des véhicules tout terrain de prospection minière dans le Nord de la Colombie-Britannique et ce sera bientôt le cas au Québec.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement de l'Ontario a indiqué qu'il appuie l'utilisation de véhicules routiers. Dans le budget de 2017, le gouvernement fédéral a annoncé les mesures de soutien les plus importantes des dernières années : le ravitaillement en gaz naturel a été inclus dans un programme de 62,5 millions de dollars visant à soutenir le déploiement de l'infrastructure destinée aux carburants de remplacement.
Comme je l'ai dit, il s'agit de l'appui le plus important du gouvernement fédéral ces dernières années, mais compte tenu des défis auxquels l'industrie fait face, il est possible d'en faire davantage. Tout d'abord, au cours des deux dernières années, le prix de détail du gaz naturel, par rapport aux prix du diesel et d'autres carburants, est presque à parité; les prix sont à peu près égaux présentement. Cela élimine les avantages pour les gens qui investissent d'entrée de jeu dans l'équipement de véhicules au gaz naturel. Pour réaliser des économies d'échelle et avoir un bon segment de distribution dans le marché, il faut que le nombre de véhicules qui roulent au gaz naturel augmente et qu'il y ait une infrastructure de ravitaillement pouvant soutenir un réseau solide. Voilà pourquoi le financement fédéral est bien accueilli — surtout si on l'ajoute aux possibilités de financement provincial —, et c'est nécessaire pour que l'industrie franchisse un cap essentiel.
Soyez assurés que ce n'est pas sur le marché des véhicules à passagers que l'industrie se concentre. Elle axe plutôt ses efforts sur un nombre restreint de camions de poids moyen et de camions lourds, un nombre limité de flottes maritimes nationales, et possiblement de rails lourds et d'applications hors route.
Or, même si on choisit cette orientation ciblée, il faut mettre en place une infrastructure importante pour s'assurer que les prix de détail du gaz naturel puissent concorder avec les perspectives à long terme concernant de faibles prix du gaz naturel. Il est important de comprendre que les intervenants de l'industrie, comme les distributeurs de gaz naturel, qui sont essentiellement des services publics, ne peuvent pas investir facilement dans le développement d'une telle infrastructure, en particulier étant donné que les organismes de réglementation provinciaux imposent des limites à la façon d'effectuer ces investissements.
Les propriétaires de parcs de véhicules ne mènent pas leurs activités dans un milieu à rendement élevé. Les tarifs-marchandises sont très concurrentiels et dépendent habituellement d'une marge élevée : plus le volume de marchandises envoyées est élevé, plus on fait d'argent. Dans ce secteur industriel, on manque souvent d'investissements en capitaux substantiels et on s'appuie sur un nombre élevé d'années d'utilisation des véhicules, par exemple, 40 années ou plus pour des véhicules marins ou ferroviaires. De plus, la période dont on dispose et les possibilités qu'on a pour le remplacement de combustibles peuvent être très restreintes.
Le défi pour l'industrie, ce sont les investissements initiaux. Le défi pour le gouvernement, c'est l'atteinte d'objectifs ambitieux au chapitre des changements climatiques à court et à long terme. Dans son mémoire prébudgétaire, l'ACVGN a encouragé le gouvernement du Canada à envisager de faire un investissement stratégique de 1 milliard de dollars dans le secteur du transport de gaz naturel.
Il s'agit d'un investissement sur cinq ans qui comprendrait les éléments suivants : aide pour les véhicules routiers et hors route pour compenser les coûts additionnels liés aux nouveaux moteurs au gaz naturel, aux conversions et aux systèmes de ravitaillement, autrement dit, les réservoirs de carburant; aide pour les coûts supplémentaires liés à l'ajout de gaz naturel aux installations à carte d'accès ou aux systèmes de ravitaillement des entreprises; financement pour la remise en état des navires et coûts additionnels pour le gaz naturel concernant les coûts d'achat de nouveaux navires; financement pour des installations de ravitaillement pour les navires et le transport par rail concernant les installations des administrations portuaires; et financement pour le reconditionnement de locomotives et les coûts additionnels liés à l'ajout de gaz naturel aux coûts d'achat des nouvelles locomotives.
L'ACVGN a demandé l'aide du gouvernement fédéral pour la recherche et le développement et le déploiement. En particulier, les défis uniques du transport au Canada contribuent au développement d'applications de moteur de grande puissance, mais le marché du Canada n'est pas assez grand pour faire déployer la prochaine génération de ces moteurs. Nous croyons que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent jouer un rôle à cet égard.
Enfin, les distributeurs de gaz naturel jouent un rôle de premier plan en proposant des cibles de 5 et 10 p. 100 de contenu de gaz naturel renouvelable, qu'ils distribueront à tous les consommateurs. Cela améliorera grandement la performance environnementale de bon nombre d'applications de gaz naturel, et cela ajoute à l'excellente performance environnementale de toutes ces applications sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre.
La capture et la combustion du gaz naturel renouvelable provenant de déchets organiques dans les sites d'enfouissement, de sources de déchets agricoles et alimentaires peuvent en fait se traduire par une empreinte carbone négative pour Canada. Notre organisme a demandé l'aide du gouvernement du Canada pour trouver et déployer de nouvelles technologies pour la production de gaz naturel renouvelable, et le soutien pour les innovations liées au gaz naturel renouvelable peut contribuer à placer le Canada au premier plan dans l'économie des technologies propres. L'ACVGN appuie les travaux de votre comité avec enthousiasme. Les véhicules au gaz naturel offrent au Canada une merveilleuse occasion, et il vaut la peine de soutenir ce secteur. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Winchester. Nous allons maintenant vous poser des questions.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre exposé. J'essaie de comprendre l'éventail de choix de façon sommaire. Pouvez-vous m'aider? D'un côté, il y a les véhicules à essence actuels, essentiellement, et de l'autre, les véhicules au gaz naturel, ceux à pile à hydrogène et peut-être les véhicules électriques. Vous dites que votre créneau, pour le gaz naturel, c'est celui des camions moyens et lourds. Je suppose que les camions très légers seraient des camions électriques. Croyez-vous que l'avenir appartient surtout aux véhicules électriques?
M. Winchester : Je dirais tout d'abord que notre technologie est déployée sur la route à l'heure actuelle. La plupart d'entre vous vivent à Ottawa pendant un certain temps, et c'est probablement un véhicule au gaz naturel qui ramasse vos déchets. Les véhicules utilisés pour la gestion des déchets à Ottawa fonctionnent au gaz naturel.
Le sénateur Massicotte : Dites-moi les avantages et les inconvénients de chacun. J'en ai quatre en tête. Sur le plan environnemental, le gaz naturel est moins polluant que l'essence; on parle d'une différence d'à peu près un tiers. Ai-je raison?
M. Winchester : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Pour ce qui est des véhicules électriques, tout dépend de la source d'alimentation, mais ils ne polluent peut-être pas du tout. Il en est de même pour les véhicules à pile à hydrogène, et je crois comprendre que leur avantage par rapport aux véhicules électriques, c'est qu'il n'y a aucune limite de distance. Pouvez-vous me dire quelles sont les autres caractéristiques?
M. Winchester : Ce que je disais, c'est que contrairement aux véhicules à pile à hydrogène, ce sont des véhicules accessibles sur le marché. Il n'y a pas de véhicules électriques dans ces segments du marché, et il n'y en aura sans doute pas. Pour ce qui est des véhicules légers, je ne dissuaderais jamais quiconque d'envisager de s'acheter un véhicule léger au gaz naturel, mais lorsqu'il s'agit du point de vue environnemental — vous avez parlé des effets —, si l'Alberta convertissait maintenant tous ces véhicules légers en véhicules électriques, ses émissions augmenteraient de cinq mégatonnes.
Le sénateur Massicotte : Et c'est en raison de la source d'électricité. Ce n'est pas le cas en Ontario, en Colombie- Britannique ou au Québec.
M. Winchester : C'est exact. Je ne dirais jamais en Colombie-Britannique ou au Québec, « vous savez, les véhicules au gaz naturel constituent une bonne idée ». C'est l'un des défis concernant l'élaboration de politiques au Canada.
Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé de 10 ans. À Montréal, un article récent qualifiait le gaz naturel de solution à moyen terme. Il y a tout de même une différence lorsqu'il s'agit de pollution. On parle de deux tiers. L'hydrogène réglerait le problème. Vous dites que les coûts d'exploitation pour l'hydrogène et le gaz naturel équivalent à ceux de l'essence, mais le coût d'achat augmenterait probablement de 20 p. 100. De plus, il y a des questions liées à l'infrastructure, et il en est de même pour les véhicules à pile à hydrogène.
M. Winchester : Pour un certain nombre de raisons, j'inviterais à la prudence en ce qui concerne l'hydrogène. Il faut d'abord se poser la question suivante : où prend-on l'hydrogène? S'il provient du gaz naturel, que fait-on avec la partie qui n'est pas de l'hydrogène? C'est un carburant qui coûte considérablement plus cher en raison du processus à suivre pour obtenir l'hydrogène. Je n'aime pas frapper sur les combustibles gazeux, quels qu'ils soient. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire concernant l'hydrogène. Nous avons parlé d'un mélange d'hydrogène et de gaz naturel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le problème concernant l'hydrogène, et j'étais à Ressources naturelles lorsqu'il a été décidé de retirer les appareils de ravitaillement en hydrogène. On les a retirés et on les a simplement jetés. Ce genre d'actions brusques dans les technologies me préoccupe et je crains qu'on aille trop loin. J'aime l'hydrogène et les piles à hydrogène, mais je pense que nous devrions attendre de voir ce qui compose le marché avant de conclure que le gaz naturel est peut-être plutôt une solution à plus court terme.
L'autre chose qui, à mon avis, accroît notre capacité d'atteindre les objectifs de décarbonisation, c'est cette possibilité vraiment formidable qu'offre le gaz renouvelable et naturel. Ce qu'on fait avec le gaz naturel, c'est qu'on prend un site d'enfouissement, qui dégage déjà du méthane, et on utilise cela pour les véhicules. Dans les villes de Surrey et de Hamilton, c'est utilisé pour les parcs de véhicules qui fonctionnent au gaz naturel renouvelable, donc, on met fin au cycle des déchets ou du carbone.
Si l'on examine les quatre sources de gaz renouvelable, qu'on ne compte pas dans les émissions à l'heure actuelle, nous pourrions probablement remplacer l'essence des véhicules, en particulier pour les applications moyennes et lourdes, ce qui représente de 1 à 3 millions de véhicules au Canada, comparativement 22 millions de véhicules à passagers. Ce sont ces véhicules de poids moyen ou lourd qui produisent la moitié des gaz à effet de serre liés aux transports
Je crois que cela peut être déployé maintenant. Il y a de petits obstacles à franchir sur le plan des coûts. Si nous devions les surmonter, nous aurions plus de capacités sur le plan des combustibles gazeux. À mon sens, cela nous permettrait de mettre en place une plateforme dans laquelle des éléments comme l'hydrogène pourraient s'imposer et être déployés plus tôt que si nous continuons à utiliser du carburant diesel et du mazout lourd, en particulier, dans les secteurs des poids moyens et poids lourds. Dans un sens, nous représentons un pont, mais également, à mon avis, une solution à très long terme.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur Winchester.
Il y a deux jours, M. Louis Thériault, du Conference Board du Canada, a comparu devant notre comité et nous avons parlé du gaz, plus précisément en ce qui a trait aux camions diesel moyens ou lourds et aux conversions. Alors qu'il pensait qu'il y avait des avantages, il a dit que cela ne rapportait vraiment pas beaucoup à l'industrie, tout d'abord, sur le plan de l'environnement d'après ses calculs, et qu'on opposait une forte résistance à faire ce type de transition.
J'imagine que vous êtes la personne toute désignée pour répondre à la question. Que pensez-vous de ces facteurs, concernant les retombées pour l'industrie, et de la résistance qu'on y oppose pour une foule de raisons, comme la fiabilité? Ils peuvent avoir l'impression que ce n'est pas très fiable. Cela a-t-il vraiment des répercussions sur l'environnement?
M. Winchester : J'imagine qu'il aurait été plus efficace de faire venir les producteurs de diesel et d'essence et de leur présenter ce rapport, car ils l'ont financé. Je n'essaie pas de m'en prendre au Conference Board, qui fait de l'excellent travail. J'ai examiné le rapport et je sais que concernant les conversions de véhicules, une proposition de 50 p. 100 — ou moins —, on n'obtient pas de grandes réductions des émissions. Or, on rate complètement la cible si l'on examine une entreprise comme Canada Steamship Lines. Ses navires de catégorie Trillium fonctionnent avec des moteurs très modernes. Remplacer cela par un moteur à gaz naturel se traduirait directement par une réduction de 30 p. 100 des gaz à effet de serre.
En ce qui concerne les véhicules offerts sur le marché, il est vrai qu'il existe des trousses de conversion et il est vrai que cette industrie est fantastique. L'industrie de la conversion facilite les choses de façon importante lorsque des fabricants de pièces originales décident finalement d'offrir ce genre de moteur d'une manière plus sérieuse.
La société Cummins, qui occupe à peu près entre le tiers et 40 p. 100 du marché nord-américain des moteurs, fabrique trois moteurs au gaz naturel. Elle en est à la troisième version de cette technologie, c'est donc dire qu'à chaque fois elle l'a améliorée. Les émissions polluantes et de gaz à effet de serre des véhicules équipés de ces moteurs ont diminué et continuent d'être moins élevées que celles des moteurs diesel équivalents que produit aussi Cummins. Cette entreprise n'aime pas le faire savoir, car cela a pour effet de faire baisser les ventes de moteur diesel, mais le fait est que les produits Cummins Westport — Westport étant une entreprise innovatrice canadienne de la Colombie-Britannique qui a permis à Cummins de fabriquer ces moteurs — contribuent à réduire les émissions de 17 p. 100 durant leur cycle de vie, et la prochaine génération de ces moteurs pourrait contribuer à une réduction de près de 20 p. 100, toujours durant le cycle de vie.
N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas seulement des émissions d'échappement; il y a aussi les émissions liées à la distribution et à l'extraction du gaz ou du pétrole selon le cas. Il y a donc d'autres gains à réaliser.
L'industrie du gaz naturel au Canada... Certaines des études permettent de constater qu'aux États-Unis l'industrie du gaz naturel est différente de celle du Canada. Au Canada, les répercussions du cycle de vie sont beaucoup moins grandes. Pourquoi? L'industrie de la distribution du gaz naturel au Canada a mis en œuvre un programme très responsable de réinvestissement et de remplacement des tuyaux par de nouveaux tuyaux qui sont faits de plastique et d'autres matériaux et qui ont une bien meilleure intégrité que, disons, la fonte, qui est davantage utilisée aux États- Unis.
Cela représente beaucoup d'avantages, et nous avons déjà un très bon réseau de distribution qui peut être facilement utilisé à d'autres fins.
La sénatrice Seidman : Êtes-vous en train de dire que des avantages ont déjà été évalués?
M. Winchester : Tout à fait, et, soit dit en passant, cela a été fait à l'aide d'un outil créé en partenariat avec Ressources naturelles Canada, Environnement Canada, des gouvernements provinciaux, l'industrie, l'industrie des combustibles liquides et l'industrie des biocarburants, qui n'a pas été laissée de côté. Il s'agit de ce qu'on appelle le modèle GHGenius. C'est l'équivalent canadien de ce qu'on appelle GREET aux États-Unis.
Je vous parle du modèle GHGenius parce que c'est le modèle qui est utilisé au Canada et qu'il y a certaines différences importantes entre les deux modèles. Si vous vous adressez à Don O'Connor, qui a travaillé sur ce modèle et qui le gère au Canada, il sera en mesure de vous expliquer ces différences en détail, si vous voulez les connaître.
La sénatrice Seidman : Quel est votre sentiment à l'égard de cette résistance? Hier, on a définitivement eu l'impression qu'il y a une résistance au sein de l'industrie à l'égard de cette transition.
M. Winchester : Il est très difficile de concurrencer les dépôts à approvisionnement sélectif par carte, qui sont au nombre d'environ 1 000, et les trois ou quatre détaillants qui vous donnent l'illusion qu'il y a de la concurrence si vous êtes une entreprise de transport routier sur longue distance. Les entreprises sont habituées au diesel, et elles sont encore aux prises avec les problèmes des systèmes de post-traitement qui ont été installés ces dernières années. Des fabricants de moteurs nord-américains, comme on le sait très bien, ont échoué à livrer la marchandise sur le plan de la performance.
Elles sont très préoccupées. Pourquoi? Parce que leur travail consiste à transporter des marchandises sur la route tous les jours. Comme on le dit dans l'armée, il s'agit d'une mission qui ne peut absolument pas échouer. Elles ont des craintes face à l'adoption d'une nouvelle technologie et s'inquiètent des risques qui y sont associés. Elles ont peur également d'acheter, comme elles l'ont fait dans certains cas, des camions dotés de nouveaux systèmes d'échappement qui ont connu des ratés.
Nos systèmes ont largement fait leurs preuves. Nous travaillons avec l'Ontario Trucking Alliance en Ontario. Nous travaillons de près avec le secteur du transport routier au Canada, mais il faut savoir que lorsqu'on demande aux entreprises de dépenser davantage pour l'achat d'un véhicule et qu'on leur dit qu'ils vont récupérer ce coût à long terme, elles sont sceptiques. En Ontario, je ne parle pas du Québec, si quelqu'un venait sonner à votre porte pour vous convaincre de passer au gaz naturel parce que c'est moins cher et que ce sera avantageux dans quelques années, vous serez peut-être comme bien des gens qui ne feront pas cette conversion avantageuse parce qu'il y a un coût au départ, et c'est là où le bât blesse.
Ce qui pose un problème, c'est que les gens ont tendance à choisir ce qu'ils préfèrent et ce qu'ils connaissent. Les taux de vente de véhicules électriques devraient être incroyables, surtout au Québec, vu la production élevée d'électricité et son faible coût, mais les gens demeurent réticents à acheter des véhicules électriques. Outre le fait qu'une Tesla coûte très cher, il n'y a pas d'autres bonnes raisons de ne pas en acheter.
La sénatrice Fraser : J'ai été intriguée par ce que vous avez dit à propos de la capture et de la combustion du gaz produit par les déchets organiques dans les sites d'enfouissement. Pouvez-vous en dire plus long à ce sujet? Quel est le potentiel? Est-ce qu'il faut investir beaucoup pour se lancer dans la capture du gaz? Y a-t-il d'autres difficultés dont je ne suis pas au courant?
Enfin, comment est-ce possible d'en venir à un bilan carbone négatif? C'est tout de même du gaz que nous utilisons, n'est-ce pas?
M. Winchester : Bien sûr. Quelle est la province que vous représentez déjà?
La sénatrice Fraser : Le Québec.
M. Winchester : EBI au Québec travaille dans ce domaine. Il s'agit d'une compagnie de gestion des déchets de l'est de Montréal. Elle exploite un site d'enfouissement et convertit le gaz qui s'en échappe en biométhane, qui est un gaz naturel renouvelable. Le Canada fait assez bonne figure dans ce domaine. L'Europe nous devance un peu, mais nous devançons les Américains. Il s'agit d'un excellent gaz qui se vend, je crois, à un assez bon prix. Nous avons estimé qu'il aura pour effet de tripler le prix du gaz naturel, mais il faut garder en tête que...
La sénatrice Fraser : Tripler le coût?
M. Winchester : Le coût du produit de base. C'est une distinction importante qu'il faut faire. S'il compose 5 p. 100 à 10 p. 100 d'un carburant, il s'agit d'une petite augmentation pour le fournisseur. Si vous voulez utiliser uniquement ce gaz dans votre véhicule, ce que je ne recommanderais pas nécessairement de faire, ce serait très coûteux.
Cependant, le prix du produit de base s'établit à 15 cents le litre, et le coût de la compression représente la majeure partie du prix, la compression étant l'équivalent du raffinage du pétrole. Alors, il n'y aurait pas une si grande différence si vous l'utilisez dans votre véhicule.
Voici ce que EBI fait, qui est intéressant, mais qui heurte notre fierté canadienne : ce gaz est utilisé au Canada, mais EBI obtient un montant de la Californie; la Californie lui verse une somme d'argent. Le gaz n'est pas utilisé en Californie, mais les émissions sont calculées pour la Californie, et vous utilisez probablement ce gaz dans un secteur desservi par GazMétro.
Je ne dirai pas que c'est absurde, parce que de nombreuses provinces ont adopté cette approche. C'est une façon pour l'industrie de se développer.
Ce qui pose un problème en ce qui concerne la conversion des déchets, c'est le fait que les administrations municipales possèdent des installations de traitement des eaux usées. Le gouvernement fédéral investi beaucoup d'argent dans les installations de traitement des eaux usées conjointement avec les municipalités. Tant que l'industrie de la distribution du gaz n'avait pas fait savoir qu'elle allait acheter ce gaz renouvelable, il n'était pas logique de se lancer dans la conversion parce que c'est beaucoup plus coûteux que la production de gaz extrait par fracturation ou d'autres gaz conventionnels.
En s'engageant dans cette voie, l'industrie de la distribution du gaz naturel envoie un message, et c'est volontaire. Le Québec envisage d'élaborer un mandat. Je ne veux pas trop m'avancer, mais je crois que la Colombie-Britannique et l'Ontario songent à faire de même. Nous avons proposé que cela fasse partie du prochain mandat relatif aux biocarburants afin d'aider l'industrie des combustibles liquides à se conformer.
Cela va aider, mais les administrations municipales auront besoin d'un fonds ou quelque chose de la sorte pour leur permettre d'effectuer les investissements nécessaires. Comme vous le savez tous, car je suis certain que vous êtes tous des contribuables municipaux en tant que propriétaires fonciers, c'est la pire approche à adopter pour accroître les revenus. Il vaut mieux le faire en fonction du revenu ou des dépenses. C'est là la difficulté. Le budget des administrations municipales représente seulement 10 ou 20 p. 100 de celui des deux autres paliers de gouvernement.
Les gouvernements fédéral et provinciaux ont donc certainement un rôle à jouer à cet égard.
La sénatrice Fraser : Quelle somme une ville de la taille de Montréal devrait-elle investir pour se lancer dans cette activité, et comment cela permettrait-il d'aboutir à un bilan carbone négatif?
M. Winchester : Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu à cela. Tout dépend de l'ampleur du projet. Il en coûterait plusieurs millions de dollars. Un projet de traitement des eaux usées pourrait coûter entre 20 et 30 millions de dollars. S'il existe un mandat, nous pourrions vendre le gaz à GazMétro et rembourser une débenture sur une période de 10 ou 20 ans, mais il faut d'abord pouvoir obtenir une débenture.
Pour ce qui est du bilan carbone négatif, en passant du diesel au gaz naturel, un véhicule pourrait réduire de 20 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, si on y ajoute ce gaz naturel renouvelable jusqu'à ce qu'on atteigne 0 — ou un chiffre négatif — pour une centaine de véhicules, en théorie, on aurait une réduction de 20 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.
Comment est-ce possible? Cela fait partie de la magie du calcul des émissions. On prend une émission quelque part dans le monde, qu'elle provienne de poulets ou d'eaux usées, et on l'utilise pour quelque chose qui autrement aurait produit une émission. C'est un échange, semblable à celui qui existe entre EBI et la Californie.
Le sénateur Massicotte : J'ai une question complémentaire à poser rapidement, parce que je veux être certain qu'on comprenne bien la réponse que vous avez donnée, qui était très bonne. Ce serait très intéressant de pouvoir éliminer une substance polluante quelque part. Vous avez dit qu'un litre de ce gaz coûte actuellement trois fois plus cher qu'un litre de gaz naturel, mais ce serait différent s'il y avait un mandat. Donc, à moins qu'on change les règles et qu'on oblige l'utilisation de ce gaz, ce ne sera jamais réalisable, car les coûts augmentent de 300 p. 100. Alors vous dites que la solution devrait être imposée ou subventionnée par l'un des ordres de gouvernement. C'est ce que j'ai compris.
M. Winchester : C'est juste.
Permettez-moi de nuancer un peu, car il y a de nombreuses étapes. Un des principaux problèmes, c'est que le prix du gaz naturel est tellement bas en ce moment que la plupart des entreprises qui en produisent ne font probablement pas beaucoup de profits.
On se trouve donc à concurrencer la source d'énergie la moins coûteuse et dont nous avons en Amérique du Nord une réserve de plus de 200 ans. Le prix du produit de base, comme je l'ai dit, pour le gaz naturel utilisé dans un véhicule, s'élève à peu près 10 cents le litre, et ce coût passerait à 30 cents, c'est-à-dire qu'il triplerait. Si on voulait utiliser le gaz naturel renouvelable dans une province comme la Nouvelle-Écosse, où le coût du gaz naturel est beaucoup plus élevé qu'ailleurs au pays, ce serait en fait un peu moins cher que le gaz conventionnel pour ce qui est du prix du produit de base.
L'un des problèmes pour la Nouvelle-Écosse est que, si on tient compte des coûts de compression, le gaz devient plus cher que le diesel. Le coût de compression représente ce qu'il en coûte pour pouvoir mettre le carburant dans le réservoir, alors le problème c'est qu'actuellement ce coût est assez élevé parce qu'il s'agit de nouvelles technologies et de conceptions uniques.
À mesure que la technologie évoluera, je présume que le coût baissera au fil du temps. Si on établit des mandats, car c'est ce que les fournisseurs de gaz naturel ont demandé, et ils s'obligeront volontairement à les respecter, il y aura à tout le moins une certaine prévisibilité pour les investissements.
Ce que je veux dire, c'est que les municipalités n'ont souvent pas accès au financement, à la technologie et au savoir- faire, alors les gouvernements fédéral et provinciaux ont un rôle à jouer à cet égard. Nous finançons beaucoup, en tant que pays, la recherche universitaire, mais nous ne finançons pas suffisamment le brevetage et la commercialisation de technologies d'envergure mondiale. Il s'agit d'un domaine où nous pouvons devenir un chef de file et nous devrions faire en sorte d'y parvenir.
Le sénateur MacDonald : Monsieur Winchester, je suis certain que nous partageons un objectif ou un intérêt commun. J'ai toujours été très en faveur de l'utilisation du gaz naturel. Je crois que les données justifiant son utilisation sont connues depuis longtemps. Il semble toutefois qu'on accuse beaucoup de retard dans la conversion au gaz naturel des camions lourds, des locomotives et des navires ainsi qu'au chapitre de la production d'énergie dans le Nord du Canada.
Comment nous classons-nous par rapport aux autres pays dans le monde en ce qui a trait à la conversion? Quels pays nous devancent sur le plan des technologies qui permettent cette conversion?
M. Winchester : Le Canada est à l'avant-garde du point de vue du développement et de la technologie. Pour revenir à ce que j'ai dit au sujet de RNG, de Westport et d'une entreprise qui s'appelle IMW, qui porte maintenant le nom de Clean Energy Compression, je peux mentionner qu'elles sont depuis longtemps des chefs de file mondiaux grâce à la vente de produits canadiens à des pays comme la Chine et l'Inde.
On utilise beaucoup le gaz naturel dans des pays comme la Chine, et certains pays d'Amérique du Sud s'y intéressent. Le gaz naturel est aussi passablement utilisé en Italie, et, il y a une dizaine d'années, les États-Unis ont commencé à l'utiliser considérablement.
Chez nous, les taux d'utilisation ne sont pas très bons, et j'ai beaucoup réfléchi à cela pour essayer de comprendre ce qui est différent au Canada et les raisons pour lesquelles la conversation est différente ici.
Je vais d'abord dire qu'il n'y a rien qui cloche avec la technologie. Il n'y a pas de grande difficulté. En fait, elle est disponible sur le marché, et si la demande était plus élevée, la disponibilité serait encore plus grande, et il y aurait donc davantage de véhicules au gaz naturel sur le marché. Dans certains pays, il y a beaucoup plus de véhicules au gaz naturel sur les routes.
Qu'est-ce qui est différent au Canada? Eh bien, nous possédons la troisième ou quatrième plus importante réserve de pétrole au monde. Nous ne sommes pas un importateur net de pétrole provenant de régions comme le Moyen-Orient, contrairement aux États-Unis. Nous avons un réseau de distribution du gaz naturel et de combustibles liquides très bien développé, alors que ce n'est pas le cas dans d'autres pays, comme l'Inde, alors il est plus difficile de pénétrer le marché avec une technologie nouvelle ou différente que dans d'autres pays.
Un autre problème, c'est que dans des pays comme l'Inde ou des pays d'Amérique latine, les normes en matière de pollution sont moins strictes. Par conséquent, le passage au gaz naturel dans ces pays a un effet beaucoup plus visible sur les émissions d'oxyde nitreux. En Amérique du Nord, nous avons déjà du diesel à faibles émissions d'oxyde nitreux.
En ce qui concerne les États-Unis, nos voisins, je vais revenir au fait que nous sommes un exportateur net de pétrole. Les entreprises américaines qui convertissent leurs parcs de véhicules disent souvent qu'elles le font parce qu'elles ne veulent plus financer des personnes qui tuent et qui blessent leurs amis. Elles veulent utiliser une source d'énergie américaine. Elles veulent que leur pays cesse d'importer du pétrole, peu importe d'où il vient. Lorsqu'elles disent cela, elles incluent le Canada, malheureusement, et je crois que cela donne lieu à une conversation différente parmi les entreprises de transport routier aux États-Unis. Elles font ce changement non seulement parce qu'il procure des avantages, notamment sur le plan environnemental, mais aussi à cause de l'esprit nationaliste qui existe aux États-Unis, ce qui n'est pas le cas au Canada.
Je ne voudrais pas que ce soit nécessairement la même chose ici, mais cela faciliterait le changement au Canada.
Le sénateur MacDonald : Que faudrait-il faire sur le plan de la réglementation pour favoriser l'utilisation de cette technologie?
M. Winchester : La réglementation sur le transport routier ne pose pas vraiment de problème.
Je pense qu'en rendant plus claires et plus concises les normes en matière d'émissions dans les autres règlements, on pourrait encourager certains des fabricants de moteurs pour les gros véhicules dans l'industrie minière et le secteur de la construction à envisager d'offrir des moteurs au gaz naturel. En ce moment, ces véhicules ne sont pas tellement dotés de technologies qui permettent de réduire la pollution. Ils en sont là où en étaient les camions il y a 10 ou 15 ans. Il serait profitable de modifier les règlements. Le Canada a d'ailleurs fait savoir que c'est ce qu'il fera pour emboîter le pas aux États-Unis, car le marché des moteurs est un marché nord-américain.
Nous devons amener les Américains à adopter le gaz naturel. C'est dans l'intérêt du Canada.
Il y a aussi les secteurs maritime et ferroviaire. Je ne vais pas m'attarder au secteur ferroviaire. Il s'agit d'une industrie nord-américaine, et les compagnies de chemin de fer canadiennes de catégorie 1 figurent parmi les meilleures. Ce sont des compagnies nord-américaines. Est-ce que le siège social du CN est à Chicago? Je n'en suis pas certain, mais je crois que oui.
Ce que j'essaie de dire d'une manière détournée, c'est que les décisions se prennent aux États-Unis. Je crois que cette industrie décidera comment elle souhaite s'y prendre du point de vue de la sécurité, de l'éducation et de la gestion des émissions à l'échelle de l'Amérique du Nord.
Je vais attendre de voir ce qu'elle fera, et je serai alors en mesure de formuler des observations.
En ce qui concerne le secteur maritime, la réglementation relève entièrement du gouvernement fédéral. La réglementation des transports dont vous parlez... En général, je discute de la réglementation avec les gouvernements provinciaux. Ils réglementent notamment les tarifs de camionnage, qui ont une incidence sur le gaz naturel. Il n'y a pas vraiment de problème, car les tarifs au Canada sont beaucoup plus élevés qu'aux États-Unis, et la plupart de nos principaux marchés se trouvent aux États-Unis.
Il y a aussi les NEC, c'est-à-dire les numéros d'enregistrement canadiens pour les navires sous pression. Cela relève des provinces. Il y a également les décisions qui visent les ingénieurs d'exploitation qui travaillent avec des moteurs à taux de compression élevé. Cela relève aussi des provinces.
C'est par contre le gouvernement fédéral qui réglemente le secteur maritime. Il y aurait lieu d'actualiser et de moderniser quelques lois et règlements. Les deux études que nous avons menées sur la côte Ouest et la côte Est, et l'étude sur les Grands Lacs, qui, je l'espère, sera publiée dans quelques semaines, portent sur la législation sur les voies navigables, la formation maritime et le mazoutage. Tout cela relève du gouvernement fédéral, et ce sont tous des éléments qui mériteraient d'être actualisés afin de favoriser l'utilisation du gaz naturel.
La Société des traversiers du Québec et BC Ferries fonctionnent en vertu d'une exemption établie par Transports Canada, mais la situation est difficile pour elles. À un moment donné, on leur a dit qu'elles pouvaient stationner le camion-citerne sur le traversier pour le ravitaillement en carburant. Ensuite, on leur a dit que ce n'était plus possible, et qu'elles devaient le stationner sur le quai. Il y a eu beaucoup de décisions de la sorte.
C'est compréhensible que cela se produise au début, mais ça ne peut pas être récurrent. Il faut que les règles soient plus claires. Si on veut ravitailler un navire comme on le fait avec des combustibles liquides, il faudra probablement avoir une barge dans l'eau à proximité. Il faut préciser la taille des barges qui peuvent être utilisées pour transférer du carburant dans un gros navire, et quels règlements et consignes de sécurité doivent s'appliquer. Le port de Montréal, par exemple, est très étroit. Cela cause un problème sur le plan du transbordement des matières dangereuses et de la réglementation connexe.
Il faut examiner tout cela dans l'optique de favoriser l'utilisation du gaz naturel. Je ne veux pas dire qu'il faut compromettre la sécurité; je veux dire qu'il faut utiliser un modèle axé sur les risques et bien comprendre les propriétés du gaz naturel, qui sont différentes de celles des combustibles liquides.
Le président : J'aimerais que les réponses soient un peu plus courtes, car les sénateurs ont moins de temps pour poser leurs questions, et notre temps est restreint.
La sénatrice Ringuette : J'ai une question à poser, qui suit une certaine logique. Je vais me prendre en exemple. Je fais la navette entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick avec une voiture à essence. Je pourrais utiliser une voiture au diesel, car il y a des stations sur la route où je pourrais faire le plein avec du diesel.
J'ai remarqué qu'à quelques endroits sur mon trajet — notamment certains restaurants McDonald — on trouve des bornes de rechargement pour les véhicules électriques, mais je n'ai vu nulle part entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick des endroits où je pourrais faire le plein avec du gaz naturel.
C'est un peu comme l'œuf et la poule : Lorsque les gens ont commencé à acheter des fournaises et des cuisinières au gaz naturel, l'industrie a fourni le réseau d'approvisionnement. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens achètent des véhicules au gaz naturel si le réseau d'approvisionnement n'existe pas.
Quel est votre plan pour le ravitaillement en gaz naturel?
M. Winchester : On ne s'est pas beaucoup penché sur les véhicules de tourisme, car, comme il y en a 23 millions qui circulent sur les routes, il faudrait un bien grand nombre de stations de ravitaillement. C'est un projet de grande envergure. C'est un défi qu'il vaut mieux présenter à l'industrie de l'électricité, qui a de bonnes solutions je crois.
Lorsqu'on examine comment les camions moyens et lourds sont ravitaillés en carburant, on observe que 30 p. 100 de ces véhicules sont ravitaillés directement par les personnes qui en sont propriétaires, et les autres sont ravitaillés à des dépôts à approvisionnement sélectif par carte. Lorsque vous faites ce trajet, vous passez sans doute des dépôts à approvisionnement sélectif par carte pour véhicules au gaz naturel. La société GazMétro — et EBI également — possède de tels dépôts, mais ils ne ressemblent pas aux stations destinées aux véhicules de tourisme, car ils se trouvent à des haltes pour camions.
La sénatrice Ringuette : Alors vous demeurez confronté à la question de l'œuf et de la poule.
M. Winchester : Un peu.
La sénatrice Ringuette : L'Alliance pour les véhicules au gaz naturel vise à promouvoir les véhicules au gaz naturel, mais il n'est pas vraiment possible pour la plupart des gens d'utiliser des véhicules au gaz naturel sur les routes, car il n'existe pas de stations de ravitaillement.
M. Winchester : Je suis d'accord avec vous. C'est pourquoi nous ne visons pas ce segment du marché. Les compagnies qui détiennent le monopole, comme GazMétro, Enbridge, FortisBC, et cetera, ont été réglementées, mais les organismes de réglementation ne leur permettent pas d'inclure le coût des infrastructures de ravitaillement des véhicules de tourisme au gaz naturel dans le calcul du tarif. C'est une décision que les organismes de réglementation ont prise. Par conséquent, il reste les entreprises privées.
La sénatrice Ringuette : Les organismes de réglementation provinciaux?
M. Winchester : Oui, les organismes de réglementation provinciaux, mais je ne vais pas m'y attarder.
Il existe certaines compagnies qui possèdent des stations. Il y en a une aux États-Unis qui s'appelle GAIN, et je pourrais organiser une visite pour vous à la station qu'elle possède à Montréal. Le problème, c'est que les stations se trouvent probablement à l'écart des routes que vous empruntez. Mais elles existent bel et bien. Il y en a une à Mississauga également.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas convaincant.
Le sénateur Patterson : J'ai une question complémentaire aux questions de la sénatrice Seidman au sujet du rapport du Conference Board. On peut y lire que le gaz naturel produit moins d'émissions de gaz à effet de serre que les carburants conventionnels à base de pétrole, comme vous l'avez dit dans votre exposé, monsieur Winchester, mais lorsqu'on tient compte des émissions produites lors de la transformation et de la distribution du carburant, les émissions nettes de gaz à effet de serre augmentent lorsqu'il s'agit du gaz naturel liquéfié.
Avez-vous des commentaires à cet égard?
M. Winchester : Ce n'est pas ce que montre le modèle GHGenius. Je ne peux pas dire que c'est exact. Je dirai par contre que, lorsqu'on parle de la différence entre le gaz naturel comprimé et le gaz naturel liquéfié, le GNL, en général, on ne parle pas du GNL utilisé dans les camions moyens et lourds.
Certains fonctionnent avec du GNL. Certains projets de GNL comportent des difficultés en raison de la façon dont ils sont conçus. Le GNL qui est utilisé actuellement est fourni par GazMétro, et cette entreprise a largement recours à de l'électricité issue de sources non polluantes. C'est l'un des avantages.
Dans le cas du projet Petronas, qui est un projet de GNL de grande envergure, le bilan au chapitre des émissions n'est pas très bon. Pour l'améliorer — et je n'ai pas comparé la première version à la seconde version, alors je ne vais pas faire de comparaisons — il faut utiliser davantage d'électricité, particulièrement en Colombie-Britannique, où, en théorie, on peut utiliser en grande partie de l'électricité issue de sources non polluantes pour exécuter les processus de refroidissement.
Le GNL est un gaz dont la température est amenée à 162 degrés sous zéro. Il faut utiliser de l'énergie pour ce faire, et si votre source d'énergie est le charbon, alors votre bilan en matière d'émissions ne sera pas bon. C'est l'une des difficultés, et aux États-Unis c'est la source d'énergie qu'on utilise pour la liquéfaction, alors le bilan n'est pas reluisant.
J'ai examiné l'étude du Conference Board et, comme je l'ai dit plus tôt d'une façon pince-sans-rire, cet organisme essayait de faire valoir un point en particulier, mais ce que contient ce rapport ne correspond pas à ce que nous observons au sein de l'industrie. Si vous invitez des représentants de GazMétro et de FortisBC, ils vous raconteront une tout autre histoire à propos de leur bilan en matière d'émissions.
Le sénateur Patterson : Nous voulons passer à une économie à faibles émissions de carbone, car c'est nécessaire pour atteindre les cibles qu'a annoncées le gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. J'aimerais savoir quelle place peut occuper l'industrie du gaz naturel au sein d'une économie à faibles émissions de carbone. Quelles recommandations le comité devrait-il formuler au gouvernement fédéral, selon vous?
M. Winchester : Puisque vous représentez le Nunavut, je vais parler du Nord et je vais déborder un peu de mon mandat.
Nous travaillons avec l'Association canadienne du gaz, qui fait des propositions à l'industrie de la distribution sur les façons dont nous pouvons desservir les communautés rurales et éloignées, comme celle du Nunavut. Elle aime bien parler d'Inuvik, qui utilise le GNL comme source d'énergie. Je crois qu'il faudrait étudier davantage ces propositions. Cela permettrait à des communautés comme celle d'Iqaluit d'envisager l'utilisation du gaz naturel pour les véhicules. Ce serait plus simple à Iqaluit. Comme vous le savez, il n'y a que quelques routes là-bas, alors on pourrait y exploiter un petit réseau de distribution de gaz naturel. Ce serait très profitable pour les gens du Nord, mais ce serait aussi très coûteux et il faudrait beaucoup de capitaux.
Nous pensons que le gouvernement du Canada devrait apporter une contribution. Bien sûr, lorsqu'il y a un site minier ou autre chose à proximité, c'est un peu plus rentable. Comme vous le savez, qu'il s'agisse des services à large bande ou d'autre chose, il y a des endroits au Canada où le gouvernement doit fournir un soutien financier. Le ministère des Affaires autochtones et du Nord assume déjà les coûts du carburant. Lorsque les prix augmentent, le pauvre sous-ministre doit s'adresser au Conseil du Trésor une ou deux fois par année pour lui demander de puiser dans la réserve parce que le ministère a mal évalué les coûts du carburant utilisé dans les communautés nordiques. C'est un problème qui ne surviendra pas si on commence à offrir du gaz naturel. Voilà un premier point.
Quant aux véhicules, nous avons formulé des recommandations pour favoriser leur utilisation. En particulier, le gouvernement fédéral devrait jouer un plus grand rôle dans la promotion des sources d'énergie propre, comme le gaz naturel renouvelable.
C'est le genre de recommandations que vous devriez envisager de formuler.
Le président : Je vous remercie. C'est tout pour les questions. J'ai quelques questions à poser moi-même, et ensuite nous ferons une pause et nous passerons à notre prochain témoin.
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne l'utilisation du gaz naturel pour les véhicules lourds. Par exemple, l'entreprise de transport routier Robert a décidé d'échanger les camions de son parc de véhicules contre des camions au gaz naturel ou au GNL. Il s'agit d'un investissement important, et c'est fantastique. On observe aussi cela sur la côte Ouest. Je connais bien l'entreprise Westport Engineering et ce qu'elle fait. En fait, la plupart de ses technologies sont vendues dans d'autres pays. Elle a beaucoup de difficulté à amener le Canada à se tourner vers le gaz naturel. Je suis certain qu'elle vise les véhicules lourds pour commencer, et non pas les petits véhicules.
D'ici 2030, nous devons réduire de 291 millions de tonnes les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux engagements pris par le gouvernement. Si on voulait remplacer le parc de véhicules lourds — les véhicules utilisés dans le secteur minier et peut-être l'industrie ferroviaire — savez-vous quel serait le coût? Nous ne voulons pas que les coûts soient excessifs pour le Canadien moyen.
Je dois dire honnêtement que je ne pense pas que le Canadien moyen saisit à quel point ce sera difficile et qu'il comprend bien les changements qu'il faudra faire pour qu'on puisse atteindre ces cibles. Les prochaines cibles seront encore plus difficiles à atteindre. Réduire les émissions de 291 mégatonnes, c'est la cible la plus facile à atteindre.
Avez-vous des renseignements à nous fournir qui pourraient nous donner une idée de ce que cela coûtera au Canadien moyen? Que l'argent provienne du gouvernement ou de l'industrie, cela m'importe peu. Ce qui importe, c'est la facture que les contribuables auront à payer.
M. Winchester : J'ai en fait des chiffres que nous avons utilisés. Un grand nombre de ces chiffres font encore l'objet d'une discussion au sein de nos membres, mais je serais ravi de vous les transmettre et de vous expliquer les calculs que nous avons faits. C'est un défi de taille. L'engagement qu'a pris le gouvernement actuel en ce qui concerne la réduction des émissions est le même qu'avait pris le gouvernement précédent. Cela va au-delà des allégeances politiques. Si on voulait remplacer tous les véhicules demain matin, cela coûterait très cher. Chaque année au Canada il se vend 20 millions de véhicules. Est-ce qu'on parle de 10 ou 15 ans? Je l'ignore, mais c'est probablement aux alentours de cela.
Le président : L'année visée est 2030.
M. Winchester : Je le sais. Ce que j'essaie de dire d'une manière détournée, c'est que vous n'atteindrez probablement pas votre cible à moins que des changements très radicaux s'opèrent au sein de l'économie canadienne, et ce ne sont pas des changements que nous voudrions voir. Pour atteindre les cibles prévues dans le Protocole de Kyoto, la Russie a provoqué l'effondrement de son économie; ce n'est pas une chose à faire.
Donc, la mesure recommandée serait d'accepter les cibles, de savoir qu'elles seront difficiles à atteindre et d'intervenir immédiatement.
L'une des façons dont nous pouvons le faire est d'envoyer le bon signal aux entreprises. Un grand nombre de gouvernements le font. Je dois être honnête; le gouvernement antérieur et le gouvernement actuel appuient sans réserve le gaz naturel. Je pense qu'ils ont compris la situation. La réalité est que vous n'allez que réduire quelques mégatonnes en vous convertissant au gaz naturel.
Le président : Ou à l'électricité.
M. Winchester : Ou à l'électricité, en fait, oui. Vous aurez plus de difficulté avec les véhicules de passagers qu'avec les véhicules lourds. Pourquoi est-ce plus facile avec les véhicules lourds? Il y a un millier de stations à carte d'accès et des dizaines de milliers de stations-service. Nous savons qu'il sera question de moins de gens.
L'autre chose est que dans l'industrie du transport de marchandises, les coûts sont refilés.
Le président : En fait, tous les coûts sont refilés.
M. Winchester : C'est exact.
Le président : Ce n'est pas seulement l'industrie du transport de marchandises. Tous les coûts sont refilés.
M. Winchester : Il ne faut pas se le cacher, mais c'est particulièrement évident dans l'industrie du transport de marchandises, car le coût de n'importe quel produit que vous obtenez dépend toujours du transport. C'est là où les gouvernements doivent faire attention et doivent s'assurer de mettre en place une taxe sur le carbone, lorsqu'ils réinvestissent l'argent là où il y aura des mesures d'atténuation et des réductions. Ce sera difficile à faire.
Pour ce qui est du coût par tonne, cela dépend de la façon dont vous le calculez, mais il va sans dire que 40 $ la tonne, c'est beaucoup moins que ce qu'il en coûtera vraiment pour réduire ces mégatonnes de GES. Nous devrions probablement penser — et ce n'est pas propre au gaz naturel; c'est plus vaste — aux centaines de dollars, et aux plus difficiles, soit aux milliers de dollars par tonne. Ce sera coûteux pour notre économie et il y aura des compromis pour ce qui est de changer notre comportement et d'investir plus d'argent dans les véhicules et l'équipement que nous utilisons, et il y aura probablement l'effondrement de quelques éléments de notre économie. Certains secteurs économiques ne survivront pas.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit des centaines de dollars. Parlez-vous du prix du carbone, du prix qu'il faudrait offrir pour atteindre le résultat?
M. Winchester : Dans certains cas, oui, si vous additionnez les coûts. Si vous dites : « J'éliminerai cette source particulière de gaz à effet de serre », selon la façon dont vous faites les calculs — et il faut maîtriser la comptabilité ici —, ce pourrait ne pas être 40 $, mais des centaines, voire des milliers de dollars, pour certaines de ces réductions.
Le sénateur Massicotte : Vous pouvez parler des incitatifs financiers, mais si le marché fonctionnait parfaitement, vous dites que ce sont les coûts inhérents si vous utilisez les forces du marché?
M. Winchester : Dans certains cas, oui.
Le président : Si vous pouviez communiquer cette information à notre greffière pour que nous puissions l'avoir, je vous en saurais gré.
Merci beaucoup, monsieur Winchester, de votre exposé. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous allons maintenant passer à notre deuxième témoin, Steven McCauley, de Pollution Probe. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration, puis les sénateurs auront quelques questions. La parole est à vous.
Steven McCauley, chef de la direction par intérim, Pollution Probe : Merci, monsieur le président. Pollution Probe est ravie de comparaître aujourd'hui, et je remercie sincèrement le Comité de son invitation à comparaître et à présenter notre mémoire et de l'intérêt qu'il porte à ce secteur très important de notre organisation.
Pollution Probe est une organisation non gouvernementale nationale sans but lucratif vouée à la protection de l'environnement qui est très active dans le domaine des transports et les initiatives de décarbonisation du secteur afin de réduire son incidence sur la santé humaine et sur l'environnement.
En début d'année, Pollution Probe a lancé la « Pathways Initiative ». C'est une initiative qui propose des solutions afin d'aider le secteur canadien des transports à réduire ses importantes émissions de gaz à effet de serre, ou GES, ce dont le Comité a fait allusion dans ses remarques et ses discussions avec le témoin précédent.
Comme vous le savez, les transports constituent l'une des principales sources d'émissions de GES au Canada et, dans beaucoup de provinces canadiennes, le secteur des transports est le plus gros émetteur, loin devant d'autres filières.
Les options de mobilité faibles en carbone sont de plus en plus viables au Canada et ailleurs dans le monde.
Un lien vers le rapport de la Pathways Initiative se trouve dans le mémoire que nous avons présenté au Comité. En résumé, les avenues technologiques qui présentent de fortes chances de réduire les émissions de GES dans le secteur des transports comprennent des améliorations audacieuses de l'efficacité des véhicules légers et lourds conventionnels. L'industrie a fait beaucoup de progrès dans ce secteur, et je pense que bien d'autres mesures peuvent être prises dans les secteurs de l'efficacité des groupes motopropulseurs, de l'hybridation, de l'allègement des véhicules et de l'aérodynamisme.
On a mentionné dans les discussions antérieures les véhicules électriques et, de toute évidence, il y a d'importantes possibilités également dans le développement de biocarburants de pointe de première génération à faibles émissions de carbone. Le gaz naturel renouvelable, le gaz naturel et les réductions d'émissions dans le secteur ferroviaire sont d'autres avenues.
Dans le cadre de ces avenues pour réduire les émissions, il y a un certain nombre d'options qui offrent un grand potentiel de réduction des répercussions environnementales du secteur des transports au Canada. J'aimerais vous donner un aperçu de ces possibilités, et vous parler ensuite en détail de deux domaines très prometteurs pour la réduction des GES : les véhicules électriques et le gaz naturel renouvelable.
En ce qui concerne les véhicules légers ou destinés au transport des passagers, Pollution Probe juge très important que le gouvernement du Canada continue de resserrer les normes d'émissions fédérales en matière d'émissions de GES, conjointement avec les États-Unis. Le gouvernement examine actuellement ces normes avec l'Environmental Protection Agency des États-Unis, et il y a des possibilités de resserrer ces normes et de réduire davantage les GES. Je vais revenir aux véhicules électriques plus tard.
L'une des priorités, en ce qui concerne les réductions de GES dans le transport de marchandises, c'est le déploiement d'une flotte de véhicules alimentés au gaz naturel ou au gaz naturel renouvelable pour le transport routier et le transport maritime. Là encore, je vais y revenir dans quelques instants.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral examine des possibilités pour instaurer de nouvelles normes pour les modèles de véhicules lourds construits après 2020. Il y a des possibilités de resserrer ces normes, mais également de relever le défi associé aux flottes de véhicules lourds. Plus de mesures pourraient être prises avec l'industrie du camionnage, un peu comme l'EPA l'a fait avec le programme SmartWay, où l'association travaille avec l'industrie pour adopter des technologies et des pratiques d'exploitation plus éconergétiques.
Le secteur des véhicules hors route est très peu réglementé et comprend des véhicules utilisés en agriculture, en foresterie, dans les mines et en construction. Il génère 5 p. 100 des émissions attribuables aux transports au pays, et cette proportion est en hausse. Il pourrait être possible, non seulement d'utiliser le gaz naturel et le gaz naturel renouvelable, mais aussi d'autres technologies telles que l'hybridation et l'électrification.
J'aimerais maintenant passer aux véhicules électriques et aux importantes possibilités que cette avenue technologique offre pour réduire les GES.
La semaine dernière, Pollution Probe, en collaboration avec Bruce Power, l'Université de Waterloo et Plug'n Drive, a publié une étude qui se penche sur les obstacles et les possibilités entourant la technologie des véhicules électriques.
Je sais que ce rapport a été distribué aux membres du Comité pour qu'ils puissent en prendre connaissance.
Le rapport conclut que la technologie des véhicules électriques, ou VE, offre de grandes possibilités. Même s'il y avait environ 18 000 véhicules rechargeables en circulation au Canada à la fin de l'année dernière, et c'est un petit pourcentage de nos véhicules sur la route, on a observé une forte augmentation des ventes, année après année, depuis l'arrivée des VE sur le marché en 2010. Par exemple, en 2015, les ventes de VE ont augmenté de 32 p. 100 par rapport à l'année précédente.
Malgré l'impressionnante variété de possibilités qu'offrent les VE, il faut s'attaquer à plusieurs obstacles si nous voulons réaliser le plein potentiel de cette technologie. Brièvement, l'un des obstacles est lorsque les Canadiens se rendent dans des salles de montre pour acheter des VE, car l'offre est limitée, l'attente est longue et les délais de production sont longs. Il y a de nombreuses fausses conceptions qui circulent au sujet de cette technologie. Il faut mieux informer les consommateurs pour les aider à décider si un VE serait un bon choix pour eux, et ils doivent recevoir de meilleurs renseignements sur le fonctionnement de la technologie et sur les marques et les modèles de VE qui sont disponibles.
Le rapport que je viens de mentionner met en relief un certain nombre de mesures que le gouvernement pourrait prendre pour contribuer à accélérer l'adoption de cette technologie. J'ai mentionné plus tôt dans mes remarques le programme de réglementation fédéral pour les véhicules de passagers, et cette réglementation renferme des mesures incitatives pour les véhicules électriques et d'autres véhicules de rechange. Il y a une occasion d'améliorer grandement ces technologies et d'encourager les constructeurs d'automobiles à mettre plus de véhicules électriques sur le marché. Ressources naturelles Canada a également un programme d'étiquetage sur lequel les Canadiens se fient pour obtenir des renseignements sur les véhicules éconergétiques. Il y a également des possibilités d'augmenter et d'améliorer la quantité de renseignements disponibles pour que les Canadiens soient informés des avantages qu'offrent les véhicules électriques, tant sur le plan de l'environnement que des coûts.
On a discuté tout à l'heure des défis en matière d'infrastructure et de la capacité des Canadiens de recharger leurs véhicules électriques. Il faut évidemment éliminer les obstacles, atténuer les préoccupations concernant le stress entourant les distances pouvant être parcourues avant de devoir recharger le véhicule et mettre en place une infrastructure de recharge des VE plus solide et plus efficace partout au pays.
Il faut également plus de programmes efficaces de sensibilisation et d'éducation, dans le but d'étayer et de répandre les renseignements actuellement disponibles aux Canadiens au sujet des véhicules électriques.
L'industrie doit travailler avec ses concessionnaires lorsqu'il y a un manque de connaissances au sujet du produit et leur offrir de meilleures formations pour accroître leurs connaissances et leur capacité de vendre ces véhicules sur le marché.
Les entreprises de services publics et de distribution d'électricité locale représentent un autre secteur important. Elles ont des préoccupations concernant la capacité de l'infrastructure électrique de répondre à la demande de recharge accrue de VE dans les quartiers, par exemple, malgré que ce ne soit pas une préoccupation à court terme.
À mesure que nous augmenterons le déploiement des véhicules électriques, il faudra rassurer les Canadiens que les réseaux dans leur quartier sont efficaces et peuvent répondre aux besoins de recharge grandissants. Cela contribuera évidemment à accélérer l'adoption des VE à l'échelle nationale.
J'aimerais maintenant passer au sujet du gaz naturel renouvelable et vous présenter quelques options stratégiques pour aller de l'avant avec l'utilisation de ce carburant à faibles émissions de carbone. Je crois savoir qu'on vous a déjà communiqué de nombreux renseignements à ce sujet, alors je serai bref.
La position de Pollution Probe est que le gaz naturel renouvelable peut réduire considérablement les émissions de GES, mais aussi les polluants atmosphériques. De toute évidence, il y a encore des problèmes avec la qualité de l'air au pays, et le gaz naturel renouvelable et le gaz naturel offrent des avantages.
Bien que le gaz naturel soit bien adapté aux applications de transport, Pollution Probe croit que les secteurs les plus avantagés par des réductions d'émissions sont les secteurs du transport des marchandises et des véhicules mi-lourds et lourds, qui représentent plus d'un million de véhicules sur la route. C'est un secteur qui connaît une croissance rapide, et des applications de grande puissance telles que les grands routiers sont les plus grands émetteurs qui connaissent la croissance la plus rapide au pays.
Les véhicules au gaz naturel permettent de réduire les émissions de GES de 15 à 25 p. 100 par rapport aux véhicules diesel, et ce peut être plus avec l'augmentation des taux de mélange de gaz naturel renouvelable. Selon la technique d'approvisionnement et de production, les avantages découlant de la réduction de GES peuvent être de l'ordre de 50 à 125 p. 100. Et ce sont des données issues des travaux que Pollution Probe a faits en collaboration avec l'Association canadienne du gaz.
Aux États-Unis et en Europe, on a réalisé d'importants progrès en ce qui concerne l'utilisation du GNR dans les transports, et le Canada pourrait profiter de ces avancées. Les choix de politiques qui pourraient contribuer à uniformiser les règles du jeu et à faire tomber les obstacles qui empêchent d'utiliser de plus en plus les moteurs alimentés au gaz naturel comprennent des possibilités pour le gouvernement canadien, en partageant les coûts avec l'industrie, de favoriser la construction d'infrastructure.
On a fait référence au défi associé à l'infrastructure auquel nous sommes confrontés et, de toute évidence, ce sera quelque chose sur lequel le gouvernement pourra travailler avec l'industrie afin de régler la situation plus rapidement.
Le gouvernement de l'Ontario, dans le cadre de son Plan d'action sur les changements climatiques, a annoncé d'importants investissements dans l'infrastructure pour des stations de ravitaillement en gaz naturel pour les camions lourds, et je pense que c'est une mesure importante. De plus, le gouvernement du Canada a annoncé son financement dans le budget de 2016, qui est un premier investissement dans ce secteur et une très bonne nouvelle également. Mais il y a clairement encore du travail à faire pour tirer parti de cette initiative et de cet investissement initial.
L'Environmental Protection Agency des États-Unis a reconnu que le gaz naturel renouvelable est une option pour respecter ses normes nationales et pour encourager l'utilisation du gaz naturel renouvelable pour les flottes de camions lourds. Le gouvernement du Canada pourrait s'unir à ces efforts et modifier sa réglementation sur les carburants renouvelables du Canada afin qu'elle soit conforme à la norme de l'EPA applicable aux carburants renouvelables.
On pourrait également collaborer avec les gouvernements américain et canadien au développement du GNR. Un certain nombre d'États comme la Californie ont créé une feuille de route en matière de technologies pour examiner toutes les possibilités et tous les obstacles associés au GNR, non seulement du point de vue financier, mais aussi du point de vue des technologies et de la collaboration avec l'industrie. Il y a tout un éventail de mesures qui peuvent être prises, mais je pense qu'une approche à long terme est nécessaire et qu'une feuille de route dans ce secteur serait très utile.
Pour résumer, le gaz naturel et le gaz naturel renouvelable ainsi que la technologie des véhicules électriques pour des flottes de véhicules légers offrent d'énormes possibilités au Canada pour réduire les émissions de GES produites par le secteur des transports, tout en favorisant la croissance économique du pays.
Je n'ai pas beaucoup parlé de ces possibilités, mais il y a clairement une possibilité technologique pour faire des progrès dans ces secteurs où nous sommes déjà des chefs de file, et je pense que nous pouvons vraiment accélérer ces occasions économiques.
Pollution Probe continuera de travailler avec ses partenaires pour faire avancer les possibilités afin de décarboniser le secteur et de faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
En conclusion, j'aimerais remercier encore une fois le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. J'ai hâte d'entendre vos questions.
Le président : Merci, monsieur McCauley, de cet exposé.
Le sénateur Massicotte : Vous parlez notamment des véhicules électriques. Cela inclut-il les piles à combustible et à hydrogène, qui font partie de la création des véhicules électriques? Cela s'inscrit-il dans les plans d'avenir?
M. McCauley : De mon point de vue et du point de vue de Pollution Probe, ce sont toutes les deux de grandes possibilités. À court terme, vous verrez de plus en plus de véhicules électriques légers de passagers sur les routes. Il ne fait aucun doute que leur utilisation augmente, et nous commençons à voir le potentiel pour la réduction d'émissions.
Les piles à hydrogène et à combustible offrent des possibilités encore plus grandes à plus long terme. Il y a encore des défis en matière d'infrastructure pour recharger ces véhicules, mais si vous écoutez ce que des sociétés comme Toyota disent et regardez les investissements importants qu'elles effectuent dans cette technologie, je pense qu'à moyen et à long terme, ces véhicules donneront lieu à d'énormes réductions d'émissions, en plus des réductions enregistrées grâce aux véhicules électriques.
Pollution Probe estime qu'il est important que le gouvernement établisse une réglementation qui n'est pas particulière à une technologie, mais qui soit assez contraignante pour réellement inciter les constructeurs automobiles à innover. Ensuite, ce sont les forces du marché qui détermineront quelle solution est la plus adéquate.
Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait d'accord avec votre dernière affirmation. On ne connaît pas l'avenir des piles, et cetera. Cela dit, qu'en est-il à court terme? Vous avez indiqué que les piles à hydrogène posent problème à court terme. S'agit-il des mêmes problèmes qu'on a connus pour les infrastructures liées au gaz naturel, ou autre chose?
M. McCauley : Je pense que le principal problème est lié aux infrastructures. Il y a au moins six ou sept ans, voire depuis plus longtemps, Ford a commencé à utiliser les technologies de piles à combustible dans ses véhicules. En Colombie-Britannique, le gouvernement s'est lancé dans le projet de l'autoroute de l'hydrogène, en collaboration avec la Californie, pour les véhicules à pile à combustible. Il y a donc eu des succès dans ce domaine. On a aussi commencé à utiliser les piles à combustible dans les autobus de transport en commun. La technologie est viable; l'enjeu est lié aux infrastructures et aux sources d'hydrogène servant à alimenter ces véhicules.
L'avantage que nous avons actuellement avec les véhicules électriques, c'est que divers gouvernements partout au pays investissent massivement dans les infrastructures de recharge des véhicules électriques, qui est véritablement un objectif à très court terme. On constate qu'il s'agit d'une occasion à saisir maintenant; il faut en tirer parti. À court terme, c'est là l'avantage que présentent les véhicules électriques.
La sénatrice Seidman : J'aimerais que vous nous parliez davantage de l'enjeu fondamental qu'est l'électrification des transports. Je sais qu'à Québec et à Montréal, on a choisi d'en faire une priorité et de créer un programme d'électrification, notamment, dans un premier temps, pour les petits véhicules municipaux. Il s'agit là d'un excellent point de départ, évidemment.
L'enjeu de l'électrification — que vous avez mentionné et qui était, je crois, au centre de l'étude EMAP que vous avez menée à Toronto — est un enjeu majeur parmi beaucoup d'autres. À titre d'exemple, je voyage de Montréal à Ottawa en voiture. Étant donné les distances, un véhicule électrique ne me serait pas très utile, tandis que pour mes déplacements à Montréal, ce serait l'idéal. Beaucoup de gens doivent composer avec cette dualité. Si j'avais un véhicule électrique, où pourrais-je le recharger? J'habite dans un immeuble à condos; il n'y a pas de bornes de recharge, même si on songe à en installer.
Bien que vous fondiez beaucoup d'espoir en ce programme, tout comme moi, que faites-vous des problèmes liés aux infrastructures? Qu'avez-vous constaté grâce à votre étude de Toronto?
M. McCauley : Votre question comporte un grand nombre de points pertinents. La question des immeubles à condos est l'un des obstacles que nous voulions mettre en lumière dans le cadre de notre étude. Dans notre conclusion, nous avons clairement indiqué qu'il y a, à court terme, des occasions importantes à saisir et des avantages certains. Toutefois, si nous voulons tirer parti des possibilités à long terme, diverses mesures s'imposent, à tous les égards. En ce qui concerne les condos, par exemple, il y a lieu d'améliorer les codes du bâtiment et les infrastructures pour que les gens qui habitent dans des condos ou des appartements puissent recharger leur véhicule, mais il n'existe aucune exigence à cet égard dans la plupart des municipalités au pays. C'est un obstacle réel, mais c'est une des possibilités, comme nous l'avons constaté dans le cadre de notre étude. Des endroits comme le Colorado et la Californie ont adopté des exigences pour les nouvelles constructions; tous les nouveaux bâtiments dans ces régions doivent avoir des bornes de recharge.
Certaines mesures pourraient être prises. Ce ne sont peut-être pas des initiatives majeures annoncées en grande pompe, mais je pense que cela pourrait être des progrès techniques de grande importance pour éliminer cet obstacle considérable.
Vous avez parlé des infrastructures de façon plus générale. Si vous regardez les investissements importants du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique pour les infrastructures de recharge, le point que vous avez soulevé est tout à fait vrai. Les véhicules électriques ne conviennent pas à tout le monde. Une bonne partie des infrastructures de recharge annoncées concerne les zones urbaines, où cette option est la plus sensée, du point de vue des automobilistes. Diverses municipalités participent à des programmes, par exemple la création de corridors le long de l'autoroute 401, entre Toronto et Montréal. Ainsi, lorsqu'un propriétaire d'un véhicule électrique qui utilise principalement son véhicule pour se déplacer en ville décidera d'emprunter l'autoroute 401 — ou toute autre autoroute —, il aura accès à des bornes de recharge. Il aura donc cette option de transport supplémentaire.
De toute évidence, les possibilités immédiates existent davantage en milieu urbain qu'en milieu rural, du moins jusqu'à ce que la technologie des piles ait évolué pour accroître l'autonomie des véhicules.
Vous avez mentionné l'étude EMAP. Il s'agissait d'une étude technique réalisée auprès des services publics et des municipalités. Elle visait à vérifier si les infrastructures municipales et les réseaux électriques pourront satisfaire à la demande accrue en électricité due à l'augmentation du parc de véhicules électriques, car il faudra investir dans les infrastructures de recharge pour satisfaire à la demande d'électricité. En général, les nouvelles sont bonnes. En collaboration avec les services publics, nous avons ciblé les secteurs où l'on observe une hausse des achats de véhicules électriques, afin que les services publics puissent investir dans la modernisation des réseaux et ainsi éviter les surcharges, par exemple. À court terme, cela n'a rien de préoccupant, mais nous avons abordé cet aspect dans notre rapport afin que cela demeure une priorité à plus long terme.
La sénatrice Fraser : J'aimerais revenir à la question du gaz naturel renouvelable. Vous avez indiqué qu'il est souhaitable que le Canada harmonise ses règlements avec l'EPA. Pourriez-vous en parler davantage? En quoi cela consisterait-il? Quels seraient les coûts? Quelle importance le gouvernement accorde-t-il à cette question? Dans quelle mesure les provinces auraient-elles un rôle à jouer à cet égard?
M. McCauley : Ces règlements sont exclusivement de compétence fédérale, par l'intermédiaire de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ils comportent certaines exigences relatives à l'utilisation de carburant renouvelable pour les parcs de véhicules lourds. Nous invitons le gouvernement à harmoniser ses règlements à ceux de l'EPA, qui a reconnu certains carburants et mis en place des mesures incitatives. Ce sont des règlements techniques; essentiellement, l'industrie reçoit des crédits d'impôt ou des avantages pour l'intégration de carburants renouvelables dans ses mélanges de carburant. Ces mesures incitatives font partie intégrante de la réglementation et visent à encourager l'adoption du GNR.
La sénatrice Fraser : S'agit-il de mesures incitatives en espèces?
M. McCauley : Non; cela facilite la conformité. Cela vise l'amélioration de la conformité. Les producteurs de carburant disposent d'une plus grande marge de manœuvre pour satisfaire aux exigences réglementaires.
Quant aux coûts, cela s'accompagnera d'une hausse, évidemment, mais je pense encore une fois qu'offrir à l'industrie une souplesse accrue pour favoriser la conformité constitue une mesure incitative qui aidera à absorber la hausse des coûts liés à l'utilisation du GNR.
C'est intéressant, toutefois. Lors de discussions récentes avec les gens de l'Ontario Trucking Association, il a été question du gaz naturel et du gaz naturel renouvelable, qu'ils considèrent comme une solution qui pourrait être prometteuse pour leurs membres lorsque les problèmes liés aux infrastructures seront réglés, puisque les coûts sont bien plus avantageux. En effet, le gaz naturel et le gaz naturel renouvelable offrent un meilleur rendement en carburant que le diesel. Donc, de notre point de vue, les répercussions sur les coûts ne sont pas aussi importantes, dans l'ensemble, que celles découlant de l'utilisation d'autres technologies ou d'autres carburants renouvelables en raison des avantages pour l'industrie sur le plan de la consommation de carburant.
La sénatrice Fraser : Merci.
Le sénateur MacDonald : Y a-t-il des difficultés techniques incontournables qui empêchent la recharge rapide des véhicules électriques? Les gens aiment pouvoir simplement monter à bord de leur véhicule, faire le plein et partir. En milieu urbain, il est possible de brancher un véhicule pour la nuit et avoir une charge suffisante pour le lendemain. Nous vivons toutefois dans un monde où règne le service à l'auto. Les gens n'ont pas à descendre de leur véhicule pour acheter un café. La vitesse d'alimentation d'un véhicule est un facteur incontournable de l'adoption de cette technologie.
Arrivera-t-on, un jour, à mettre au point une technologie qui nous permettra de recharger un véhicule électrique instantanément, ou est-ce qu'avoir l'électricité comme source d'alimentation signifie qu'il sera toujours long et plus ardu de recharger un véhicule électrique?
M. McCauley : Lorsque je regarde l'évolution des technologies de recharge, ne serait-ce qu'au cours des cinq dernières années... Les infrastructures de recharge installées actuellement dans la plupart des régions, avec l'aide des gouvernements, sont des bornes de recharge de niveau 3, qui permettent une recharge complète en 20 à 30 minutes, comparativement aux heures requises pour la technologie de niveau 2. L'évolution de la technologie est tout à fait fulgurante. Je m'attends donc à ce que les temps de recharge baissent considérablement à mesure que la technologie évolue.
Le sénateur MacDonald : Je serais toutefois porté à croire qu'il faudra une technologie beaucoup plus avancée pour passer de vingt à cinq minutes.
M. McCauley : Il s'agit évidemment d'enjeux technologiques, mais comme je l'ai indiqué, si vous regardez la différence entre les bornes de niveau 2, comme celles qu'on trouve à domicile, et les bornes de niveau 3 qu'on trouve près des centres commerciaux ou des autoroutes, l'avancée de la technologie est stupéfiante.
Comme je l'ai mentionné, les progrès de la technologie des piles et l'augmentation de l'autonomie au cours des quatre ou cinq dernières années ont aussi été remarquables, ce qui a manifestement contribué à la réduction du temps de recharge des véhicules.
Je suis très optimiste. On n'a qu'à penser qu'il existe actuellement 23 modèles de véhicules électriques sur le marché, ce qui signifie que presque tous les constructeurs offrent au moins un modèle électrique. À mon avis, l'évolution et l'amélioration de la technologie se poursuivront, ce qui aidera à faire baisser les temps de recharge. La demande est là. Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur MacDonald : On a beaucoup parlé de la taxe sur le carbone. Je ne vous cacherai rien : je n'y crois pas. Je pense que c'est de l'escroquerie, une taxe déguisée, et que cela ne servira qu'à soutirer de l'argent aux gens.
J'aimerais toutefois savoir ce que vous pensez de la taxe sur le carbone. Croyez-vous qu'elle a son utilité et qu'elle fonctionne? Si vous y croyez, est-ce simplement parce que vous essayez de promouvoir votre technologie?
M. McCauley : Je dirais qu'il ne fait aucun doute que la taxe sur le carbone peut fonctionner, comme l'ont démontré les résultats obtenus ailleurs.
Toutefois, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, je pense que la taxe sur le carbone doit s'accompagner d'une série de mesures complémentaires, comme la réglementation, les mesures incitatives pour l'industrie et l'établissement de partenariats avec l'industrie visant à favoriser les progrès technologiques. Même si j'ai déjà œuvré au sein d'un organisme de réglementation gouvernemental, je n'ai jamais cru que la réglementation était la seule solution pour améliorer l'environnement, et je ne crois pas que la tarification le soit aussi. Je pense qu'il nous faut une série de mesures. Évidemment, les taxes sur le carbone sont essentiellement une tarification du carbone, que cela se présente sous forme de taxes, d'un programme de plafonnement et d'échange ou même de règlements. C'est un facteur important qui doit être au centre des mesures prises par le gouvernement, mais je crois qu'il faut une série de mesures pour s'attaquer à cet enjeu. Peu importe qui le dit — le gouvernement, l'industrie ou un groupe environnemental —, maintenir qu'il suffit de taxer le carbone est une approche exagérément simpliste.
Le sénateur Massicotte : Je comprends vos préoccupations à l'égard de la tarification du carbone et je demeure flexible quant au mécanisme choisi. Hier, un de nos témoins représentait le Conference Board du Canada, un organisme de plus crédible qui fait un excellent travail et qui jouit d'une réputation enviable. Ce que j'ai retenu de la discussion, c'est que les véhicules électriques sont importants, mais qu'ils ont un effet marginal et qu'on ne devrait y consacrer des efforts que s'ils nous permettent d'atteindre notre objectif. Cet objectif n'est pas de vendre des véhicules électriques, mais de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Donc, si c'est bien l'objectif, alors la mesure la plus importante que nous devons prendre, du point de vue de la réglementation, c'est de limiter les émissions de CO2 à la sortie des tuyaux d'échappement. Il s'agit, de loin, de la mesure la plus importante à prendre. La bonne nouvelle, c'est que les gouvernements sont prêts à le faire.
Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Il a indiqué qu'en Californie, 3 p. 100 de la population conduit un véhicule électrique et que même en offrant des mesures incitatives ou en imposant une tarification du carbone, on pourrait atteindre les 5 p. 100. Toutefois, dans une perspective mondiale, l'incidence de ces 5 p. 100 sur l'objectif à court terme de 2030 est marginale. Que pensez-vous de la conclusion que j'ai tirée de la discussion avec le témoin du Conference Board du Canada?
M. McCauley : Je pense qu'il faut mettre l'accent sur la réglementation, les politiques et les mesures d'innovation axées sur les émissions à la sortie des tuyaux d'échappement. C'est une évidence. Il ne faut pas croire qu'une technologie représente à elle seule la solution au problème.
Pensez à ce que l'industrie de l'automobile a réussi à faire depuis que les gouvernements nord-américains ont commencé à adopter des règlements relatifs à l'efficacité énergétique et les émissions GES des véhicules. Nous avons doublé l'économie de carburant et le potentiel de réduction des émissions de GES de ces véhicules, même avec les moteurs à combustion interne classique. D'importantes avancées ont été obtenues grâce à la conception de véhicules légers et à l'accroissement de l'efficience du groupe motopropulseur. Je pense que l'industrie a fait un excellent travail pour faire évoluer la technologie classique à son état actuel. Je pense que les gouvernements devraient continuer de renforcer la réglementation — sans pour autant adopter des règlements irréalistes, évidemment — et de repousser les limites pour donner une réelle impulsion à l'innovation pour les véhicules de promenade à moteur à essence.
Cela dit, il ne fait aucun doute qu'à moyen et à long terme, les véhicules à technologie de remplacement — les véhicules électriques ou les véhicules à piles à combustible — représentent la prochaine solution importante pour réduire les émissions de GES.
Encore une fois, je pense qu'il existe des solutions pour promouvoir ces technologies, par l'intermédiaire de règlements ou de mesures incitatives, mais il ne faut pas oublier que nous nous sommes fixé des cibles de réduction des émissions à court terme. Les véhicules électriques ne nous permettront pas de les atteindre, à court terme, mais ce que nous voyons actuellement dans le cas des technologies classiques nous indique qu'il est possible d'en améliorer davantage l'efficacité. C'est ainsi que je répondrais à la question.
Le sénateur Massicotte : J'accepte la réponse, la conclusion et les résultats. Certains disent que tant qu'à mettre en place des mesures incitatives, il faut tenir compte du fait que les véhicules de six ans polluent deux fois plus que les véhicules neufs. Nous devrions peut-être nous concentrer sur les véhicules plus vieux, surtout dans le secteur du transport de marchandises, car ce secteur représente un grand pourcentage de l'ensemble. Nous devrions peut-être axer nos efforts sur le remplacement des moteurs par des moteurs neufs, qui sont beaucoup plus efficaces.
M. McCauley : Je pense que c'est un excellent point. Les parcs de véhicules existants, tant les véhicules légers que les camions de gros tonnage représentent un énorme défi. Pour les consommateurs, la bonne nouvelle c'est qu'à la livraison, les véhicules ont une durée de vie de 14 ans. Beaucoup de véhicules plus anciens qui sont en circulation depuis 10 à 14 ans continueront de polluer davantage.
En fait, je suis d'accord avec vous. Je crois qu'on peut mettre en œuvre des mesures incitatives pour favoriser la transition des véhicules, tant pour les consommateurs que pour l'industrie du camionnage. Ce ne sera pas facile parce que ces programmes coûtent cher, mais je crois que nous devons saisir l'occasion. Encore ici, on pourrait créer des possibilités économiques si ces technologies étaient intégrées aux nouveaux véhicules fabriqués au Canada, et on serait sur la bonne voie pour atteindre les objectifs en matière de GES. Vous avez tout à fait raison : les véhicules existants doivent être une priorité.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le sénateur Patterson : Je sais que Pollution Probe s'est associée à la Ville de Toronto et à l'université Ryerson pour réaliser une étude sur la mobilité électrique et sur les prévisions. Pouvez-vous nous parler des résultats de cette étude? Quelles sont les caractéristiques des personnes qui adoptent les véhicules électriques et où est le potentiel du marché des véhicules électriques?
M. McCauley : Je crois que l'étude se centrait surtout sur l'état de préparation et la capacité des réseaux de s'adapter à l'utilisation accrue des véhicules électriques. Comme vous l'avez dit, l'étude visait notamment à examiner les segments du marché où nous prévoyions une telle augmentation. À Toronto, par exemple, notre travail avec Environics nous a permis de désigner les quartiers des premiers utilisateurs prévus de cette nouvelle technologie et leur fourchette de revenus. Nous avons entrepris ce travail il y a environ trois ans et nous l'avons terminé l'année dernière. Les premiers utilisateurs se situeraient dans les régions urbaines à densité élevée, où les gens utiliseraient ces véhicules pour les déplacements entre la maison et le travail et les autres déplacements à l'intérieur de la région.
Ce qu'on voit de plus en plus, par contre, c'est qu'il y a un intérêt au-delà des premiers utilisateurs. Comme le prix des véhicules électriques baisse, ce ne sont plus seulement les consommateurs les plus aisés qui veulent un véhicule électrique; le profil démographique s'élargit. L'étude visait principalement à déterminer où se trouvaient les premiers utilisateurs de la technologie.
Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous dire si les services publics d'électricité surveillent l'utilisation des véhicules électriques sur le marché et s'ils adaptent leurs systèmes de distribution? Est-ce qu'ils devraient faire la promotion des véhicules électriques?
M. McCauley : Nous avons travaillé avec 12 municipalités de l'Ontario et de l'Alberta. Les services publics avec lesquels nous avons collaboré surveillent activement leurs réseaux et font les investissements nécessaires pour s'adapter à l'utilisation accrue des véhicules électriques au sein de leurs administrations.
La conclusion de l'étude à laquelle j'ai fait référence, c'était qu'il fallait veiller à ce que partout au pays — surtout dans les régions urbaines où le déploiement des véhicules électriques est accru —, les services publics collaborent avec d'autres secteurs de l'industrie, comme le secteur automobile, pour qu'ils continuent de surveiller leurs réseaux et puissent répondre au besoin de recharge au fil de l'augmentation de la demande au pays.
Notre travail nous a permis de conclure qu'à court terme, les réseaux peuvent s'adapter à la demande accrue. Toutefois, avec l'augmentation prévue du nombre de véhicules sur la route, il est important que les services publics et les municipalités maintiennent la recherche et la surveillance pour répondre à la demande d'électricité accrue dans ces régions.
Le sénateur MacDonald : Le sénateur Patterson a abordé un sujet dont j'allais vous parler, soit la demande pendant la période de pointe.
Je pense au Québec; à Montréal, où il y a beaucoup d'hydroélectricité. Si tous les habitants de Montréal se mettaient à conduire des véhicules électriques demain et toutes les stations étaient en place pour les recharger, je suppose que le réseau électrique du Québec pourrait répondre à la demande à toute heure du jour.
Si on pense à Toronto, à l'Ontario et à l'erreur qui a été commise. La production est insuffisante et on ne peut répondre à la demande pendant les périodes de pointe.
À l'heure actuelle à Toronto, si tous les véhicules étaient électriques, est-ce que le réseau pourrait répondre à la demande? À quel moment les gens rechargent-ils leurs véhicules? Est-ce qu'ils les rechargent de la même façon qu'on remplit une voiture d'essence? Quelles sont les heures de pointe sur une période de 24 heures?
M. McCauley : La recherche montre qu'environ 80 p. 100 des propriétaires de véhicules électriques les rechargent pendant la nuit, à la maison. C'est pourquoi notre travail se centrait sur les réseaux de quartiers. C'est évidemment important de s'assurer que les transformateurs n'exploseront pas si les gens branchent leurs véhicules à la maison. Bien sûr, des problèmes peuvent survenir.
La conclusion de notre travail, qui se centrait principalement sur les villes de Toronto, d'Ottawa, de Hamilton et de Markham, est que les réseaux de ces régions peuvent supporter l'augmentation prévue des besoins de recharge des véhicules électriques à court terme. Toutefois, étant donné les mesures incitatives accrues et la promotion des véhicules électriques par les gouvernements, et puisque les fabricants automobiles saisiront cette occasion et offriront plus de véhicules électriques, il faudra veiller à ce que le réseau soit prêt à les accueillir.
Ce n'est pas un problème à court ou moyen terme, parce que les véhicules électriques représentent moins de 1 p. 100 de la flotte du Canada. Toutefois, à long terme, nous devrons nous assurer de pouvoir répondre à la demande locale.
Le président : Cela met fin à la période de questions, mais j'aimerais en poser quelques-unes.
Nous avons entendu d'autres témoignages sur la technologie associée aux émissions d'échappement. On nous a dit que le Canada travaillait en étroite collaboration avec les États-Unis, qui se sont grandement améliorés à cet égard au cours des dernières années.
Un des témoins nous a dit qu'au fil du temps, la technologie allait nous permettre d'établir de meilleures normes en matière d'émissions d'échappement, mais qu'il fallait que les gouvernements obligent l'industrie à respecter les normes et à utiliser la technologie.
À votre connaissance, existe-t-il une technologie qui permettrait de réduire davantage les émissions d'échappement, une technologie qui serait languissante, ou n'a-t-elle pas encore été développée?
M. McCauley : Je crois qu'il y a des possibilités technologiques non exploitées. C'est une des raisons pour lesquelles il est important que le gouvernement établisse une norme ou un fixe un objectif et laisse ensuite le marché décider de la meilleure technologie et du meilleur produit pour l'atteindre, et qu'il encourage l'innovation par l'entremise d'une approche réglementaire.
À l'heure actuelle, l'industrie utilise un ensemble de technologies pour répondre aux normes très agressives en matière d'efficacité énergétique. J'ai fait référence à l'aérodynamisme accru des véhicules et à leur légèreté. La technologie s'est améliorée de façon phénoménale. Le Canada a une grande expertise dans ce domaine. Nous avons des industries dans ce domaine et nous avons profité de ces améliorations.
L'autre domaine, c'est l'utilisation des ordinateurs; de la technologie de bord. Plus tôt cette année, nous avons organisé un atelier qui a permis à nos experts de rencontrer des experts américains pour parler des percées dans les technologies de bord, qui donnent lieu à d'autres améliorations en matière d'efficacité énergétique et de réduction des GES.
On en fait déjà beaucoup, mais il y a d'autres possibilités pour l'industrie, cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi les règlements doivent être plus rigoureux.
Très rapidement, je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet de l'importance de l'application de la loi. C'est bien d'avoir des normes élevées. Comme nous pouvons le constater dans d'autres domaines de l'industrie, il est important d'assurer la conformité et de prendre des mesures d'application de la loi au besoin.
Le président : Tout à l'heure, le sénateur Massicotte a posé une question sur l'élimination des vieilles voitures. Je les collectionne, alors cette question m'a interpellé. Il y a certaines voitures dont il ne faudrait pas se débarrasser.
Le sénateur Massicotte : Comme les vôtres, c'est cela?
Le président : Je vais vous donner un exemple. J'ai une MGB 1965, que j'ai utilisée pour un voyage le long de la côte de l'Oregon avec ma femme. J'habite en Colombie-Britannique. Je fais 38 miles au gallon. Il n'y a pas grand véhicules sur la route qui fasse 38 miles au gallon. Donc, lorsque les gens disent que la technologie a beaucoup évolué, je me demande comment. C'est un véhicule à deux carburateurs et il fait 38 miles au gallon.
C'est pour cela que je demande si une meilleure technologie existe. C'est ma réflexion.
M. McCauley : Je suis d'accord.
Le président : À mon avis, la technologie des émissions d'échappement a encore beaucoup de chemin à faire. Je ne sais pas ce qu'il faut faire; je ne suis pas ingénieur. Mais la possibilité est là.
L'autre chose au sujet de tous les types de carburant dont on a parlé, c'est qu'il y a un parallèle à faire avec la production d'électricité. Certains groupes disent que les panneaux solaires et les éoliennes sont tout ce dont nous avons besoin. Ce sont des formes de production d'électricité parmi d'autres.
Pour les véhicules, c'est la même chose. Ces gens qui se déplacent uniquement dans la ville et qui ne la quittent jamais on peut-être un véhicule électrique, mais si on songe à quitter la ville et à faire un long voyage — parce que je ne vois pas beaucoup de stations de recharge le long de l'autoroute transcanadienne — on a besoin de deux véhicules : un qui nous permet de voyager et un véhicule électrique stationné à côté. Seule une partie de la population peut se permettre cela.
Si votre seul véhicule est un véhicule électrique, vous avez moins de possibilités de vous déplacer, et nous aimons tous voyager. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. McCauley : Je suis d'accord. Ce sont d'excellents points. Il faut un ensemble de mesures, et non une seule technologie. La situation démographique de nombreuses régions urbaines entraîne une diminution de la demande de véhicules pour certaines parties de la population.
On peut aussi parler du transport en commun et d'autres solutions pour diminuer le nombre de véhicules sur les routes, ce qui réduirait considérablement les émissions. Les solutions ne fonctionnent pas pour tout le monde, et c'est pour cela que nous avons besoin d'un ensemble de mesures, comme vous l'avez dit.
Le président : Aussi, en ce qui a trait à l'approvisionnement en électricité pour les véhicules électriques, je vous ai entendu dire que le réseau pouvait répondre à la demande pour le moment. Nous avons aussi entendu dire qu'il fallait investir des milliards de dollars dans le réseau du Canada — je ne parle pas d'une province ou d'un territoire en particulier — pour le rendre conforme aux normes actuelles. Si on tient compte de tous ces facteurs et qu'on y associe un prix, on augmente le coût de la transition vers des véhicules électriques.
Je ne sais pas combien d'entre vous ont pu voir la construction de lignes à haute tension dans leur province, mais moi oui. Je peux vous parler d'une situation où la société d'État avait un droit de passage, et nous y avons construit des lignes plus puissantes parce que de plus en plus de personnes déménageaient à Vancouver et dans le Lower Mainland. Au bout du compte, la société d'État a dû acheter 100 maisons le long de ce droit de passage qu'elle avait depuis une cinquantaine d'années.
C'est facile de dire qu'on va simplement construire plus de lignes électriques, mais laissez-moi vous dire ce n'est pas si facile que cela en réalité. On ne fait pas cela en quelques années. Il faut parfois des dizaines d'années pour se rendre là. Il faut tenir compte de tous ces facteurs; je tiens à vous mettre en garde.
L'objectif a été fixé il y a un bon moment déjà. On a vu passer les deux gouvernements conservateurs et libéraux. Je ne dis pas qu'un parti ou un autre en est responsable. C'est un objectif de 291 mégatonnes.
Si d'ici 2030 on éliminait tout le gaz naturel et tous les combustibles fossiles — et il ne faut pas oublier que la plus importante industrie pétrochimique du Canada se trouve au Sud de l'Ontario —, alors on éliminerait tous ces emplois et tout ce qui vient avec, l'activité économique, et on n'arriverait quand même pas à atteindre cet objectif.
Est-ce qu'on arrivera à atteindre cet objectif en continuant de la même façon ou est-ce qu'on doit prendre des mesures plus drastiques pour y arriver? Les objectifs pour la période de 2030 à 2050 sont encore plus stricts. Il ne s'agit pas seulement d'acheter des véhicules électriques, de produire l'électricité différemment ou de ne pas utiliser de gaz naturel ou de pétrole. Il faut que les gens changent leurs habitudes et leur mode de vie. Croyez-vous qu'on puisse y arriver d'ici 2030?
M. McCauley : Je suis très optimiste. Lorsque je vois les possibilités au Canada, par exemple, où une grande partie de la production d'électricité est propre, et lorsque je vois les mesures prises par les gouvernements pour accélérer la transition non seulement vers l'énergie solaire et éolienne, mais aussi vers d'autres formes d'électricité à faibles émissions, je constate que nous sommes un leader mondial grâce à notre portefeuille en matière d'électricité propre.
Je crois que nous avons fait beaucoup et que nous pouvons en faire plus. Le plus grand défi sera le transport. À moins de prendre des mesures globales, nous n'atteindrons pas ces objectifs. Le transport représente un réel défi à notre avis. La flotte de véhicules lourds représente un grand défi, et j'ai parlé des possibilités que nous pouvions saisir à cet égard. Il y a aussi des possibilités pour les véhicules de passagers. Je suis très optimiste et je crois que nous pouvons atteindre nos objectifs, mais je ne nierai pas les difficultés connexes. Elles sont bien réelles.
Je crois que le gouvernement a adopté une bonne approche pour l'élaboration d'une stratégie pancanadienne. Pollution Probe a participé à ces consultations et a présenté plusieurs propositions, et je suis rassuré de voir que le gouvernement tient compte de tous les secteurs en accordant la priorité au transport.
Je crois que c'est un très bon début et que nous pouvons atteindre ces objectifs à l'aide des mesures dont nous avons parlé.
Le président : Je ne veux pas que vous parliez uniquement d'électricité, parce que la question ne s'y limite pas. Les combustibles fossiles font partie de nos vies et pas seulement sous forme d'électricité.
J'ai toujours été optimiste. Comprenez-moi bien, j'espère que nous allons atteindre ces objectifs. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas atteindre ces objectifs et qu'on ne doit pas s'améliorer. Au contraire.
Si vous êtes convaincu que nous pouvons atteindre ces objectifs d'ici 2030, pouvez-vous faire quelques recherches et dire au comité quel sera le coût rattaché à cela, ou même déposer un document auprès du greffier à cet égard? Je ne veux pas que vous parliez seulement d'électricité, mais aussi des industries du plastique et de tous les emplois qui seront perdus... tout cela. Comme on nous l'a dit plus tôt, certaines industries ne survivront pas, et certaines personnes perdront leur emploi. J'aimerais avoir un aperçu de la situation pancanadienne relative à l'atteinte de ces objectifs et des coûts connexes. Nous pourrons alors savoir combien cela va coûter à chaque personne, de quelle façon nous devrons modifier notre style de vie et comment nous pouvons le faire. Ce serait très intéressant.
J'ai beaucoup aimé votre rapport et votre exposé.
M. McCauley : Merci, monsieur le président. Je le ferai avec plaisir.
Le président : Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)