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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 15 - Témoignages du 3 novembre 2016


OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie- Britannique au Sénat et je suis président de ce comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui se trouvent dans la salle ainsi qu'aux téléspectateurs de partout au pays. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et sont également diffusées par webdiffusion sur le site sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également trouver plus d'information sur le calendrier de comparution à l'onglet « Comités du Sénat » de notre site web.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter. Je commencerai par présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : J'aimerais également vous présenter les membres de notre personnel. Tout à ma gauche se trouve Lynn Gordon, qui est accompagnée de notre greffier en formation, Maxime Fortin; à ma droite, voici nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Il s'agit aujourd'hui de la 22e séance de notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, transition qui est nécessaire pour atteindre les cibles annoncées par le gouvernement du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre. Pour le premier segment de la réunion, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants de l'Association canadienne du transport urbain, soit Alex Maheu, directeur des Affaires publiques, ainsi que Jeff Mackey, analyste des politiques.

Vous avez préparé un exposé. Je vous remercie d'être ici ce matin. Nous écouterons d'abord votre présentation, après quoi il y aura une période de questions et réponses. Merci.

Alex Maheu, directeur, Affaires publiques, Association canadienne du transport urbain : Honorables membres du comité, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités ici aujourd'hui. Le changement climatique est peut-être l'un des plus grands défis auxquels notre société est confrontée. C'est un privilège de contribuer à ce dialogue essentiel sur la meilleure stratégie à adopter pour notre pays.

L'Association canadienne du transport urbain est la porte-parole collective de la mobilité urbaine au Canada. Nous représentons à la fois des petits et des grands réseaux de transport collectifs, ainsi que des fabricants de véhicules de transport urbain et de nombreux autres intervenants de l'industrie de la mobilité urbaine. Au total, nous avons 500 membres, qui représentent 96 p. 100 de l'ensemble des activités liées au transport collectif au Canada.

[Français]

Aujourd'hui, nous sommes ici pour parler des mesures que le Canada peut prendre pour participer aux efforts internationaux afin de résoudre le problème des changements climatiques. L'industrie du transport en commun permet déjà de réduire la quantité d'émissions de gaz à effet de serre produites au Canada, chaque jour. Je suis ravi d'affirmer que l'industrie est également disposée et apte à en faire davantage pour aider le Canada à atteindre cet objectif.

[Traduction]

J'aimerais vous faire part de trois messages, et j'espère qu'ils vous inspireront dans votre étude secteur par secteur de la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone. Premièrement, le transport en commun peut réduire l'empreinte écologique individuelle des Canadiens en leur offrant une alternative écologique à l'utilisation régulière de la voiture, mais ce changement de mode de transport chez les Canadiens ne sera possible que si le transport en commun est pratique, rapide et abordable. Deuxièmement, l'industrie du transport en commun est prête à réduire de façon considérable ses propres émissions grâce à des politiques d'approvisionnement écologique, mais il reste quelques grands obstacles à lever pour que l'industrie puisse réduire de manière significative ses émissions de GES. Troisièmement, les avantages du transport en commun pour l'environnement sont optimaux quand les investissements dans le transport en commun proviennent des trois ordres de gouvernement, pour construire des collectivités économiquement viables axées sur le transport en commun à long terme.

Avant de vous présenter ces concepts plus en détail, j'aimerais reconnaître le rôle croissant du gouvernement fédéral dans la construction de l'infrastructure de transport en commun depuis une dizaine d'années. Si la tendance à la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux et le secteur privé dans les projets de transport en commun se poursuit, les Canadiens pourront bientôt bénéficier de réseaux de transport en commun durables et étendus qui répondent à leurs besoins dans leur collectivité. Ainsi, nous devons maintenant nous demander comment cibler nos investissements pour atteindre nos objectifs nationaux comme la prospérité économique, l'amélioration de la qualité de vie et la raison pour laquelle nous sommes tous ici aujourd'hui, c'est-à-dire la réduction des émissions nationales de GES grâce au transport en commun.

Le transport en commun peut contribuer à réduire les émissions individuelles de GES grâce à ce qu'on appelle un transfert modal, soit ce qui survient lorsqu'une personne délaisse la voiture pour adopter un mode de transport plus durable comme le transport urbain, le vélo ou la marche. Quatre Canadiens sur cinq, soit 80 p. 100 des Canadiens, utilisent leur véhicule personnel pour se rendre au travail tous les jours. L'utilisation d'un véhicule personnel est un mode de transport à GES élevé par passager et contribue beaucoup à la congestion routière.

[Français]

Les embouteillages sont désagréables et ont des répercussions économiques sur nos villes, mais ils représentent aussi un risque pour l'environnement. En termes simples, l'utilisation de milliers de voitures qui roulent au ralenti deux fois par jour et cinq jours par semaine, est plus que désagréable; cette situation met l'environnement en péril.

À la base, le trafic est un problème de logistique dont la solution est simple : on peut libérer de l'espace sur les routes en faisant en sorte que les gens qui ont des points d'origine et des destinations semblables utilisent le transport urbain.

[Traduction]

Selon les estimations contenues dans un rapport publié en 2010, l'utilisation du transport en commun plutôt que d'un véhicule personnel a permis de réduire les émissions de GES de plus de 2,4 millions de tonnes. Le transport en commun permet également de réduire le smog dans les villes, un enjeu connexe, mais distinct de celui des émissions de GES. Le smog est fréquent dans les villes congestionnées et il est associé à des problèmes de santé graves, comme les maladies du cœur, l'ACV, la haute pression, le diabète de type 2 et le cancer.

Les arguments environnementaux en faveur d'un investissement dans le transport en commun sont bien établis. Le plus difficile consiste à convaincre les gens de changer leurs comportements pour leurs déplacements. L'industrie du transport en commun ne se fait pas d'illusions, elle ne s'imagine pas qu'une masse critique de gens abandonnera soudainement le véhicule personnel au profit du transport en commun uniquement pour les avantages environnementaux de l'utilisation quotidienne du transport en commun.

Si nous voulons susciter un transfert modal dans notre société, nous devons plutôt miser sur trois facteurs clés : l'aspect pratique, l'efficacité et le coût. Autrement dit, il faut rendre le transport en commun plus facile, plus vite et moins cher que l'utilisation de la voiture pour les déplacements quotidiens.

Par ailleurs, notre industrie travaille fort pour rendre ses propres activités plus écologiques. D'un océan à l'autre, les réseaux de transport en commun adoptent des politiques d'approvisionnement et de remplacement écologiques et cherchent à se doter d'une infrastructure fixe écoénergétique et résistante aux changements climatiques.

Le secteur du transport en commun souhaite prendre le leadership de la réduction des GES dans la vaste industrie des transports. Nous pouvons réduire nos émissions grâce à la commercialisation et à l'utilisation de technologies de propulsion de remplacement comme le gaz naturel, l'électricité, la pile à combustible ou les technologies hybrides pour l'autobus et le train, puisqu'il est prouvé que ces technologies réduisent les émissions en plus d'offrir un service plus confortable et moins bruyant aux passagers.

Les coûts de départ élevés liés à l'achat d'autobus à mode de propulsion de remplacement et à l'infrastructure connexe sont un obstacle pour les réseaux de transport en commun, qui éprouvent déjà des difficultés financières au niveau de service actuellement offert aux Canadiens.

[Français]

Malgré tout, les réseaux de transport en commun du Canada s'efforcent d'écologiser leur parc de véhicules. À Montréal, par exemple, les 28 autobus hybrides, biodiesel-électriques, que la Société de transport de Montréal a récemment acquis, offrent des économies de carburant de 20 p. 100, si on les compare aux autobus qu'ils remplacent. En fait, la réduction des GES découlant de l'électrification des parcs de véhicules de transport en commun représente un des grands piliers du plan de la province de Québec et de la ville de Montréal visant à réduire de 30 p. 100 la production de GES d'ici 2020. Notamment, après 2025, la STM souhaite que tous ses nouveaux autobus fonctionnent à électricité. De plus, la société souhaite que le réseau complet atteigne la marque de zéro émission de GES d'ici 2040.

[Traduction]

Cependant, avant que toute l'industrie des transports en commun soit en mesure d'assurer des services zéro émission, elle doit continuer d'optimiser la nouvelle génération de technologies et de procédés entourant le transport en commun, des technologies de propulsion de remplacement de pointe aux matériaux légers susceptibles d'accroître l'efficacité du carburant. C'est la raison pour laquelle l'ACTU a travaillé avec ses membres à la création du Consortium de recherche et d'innovation en transport urbain au Canada, le CRITUC, qui se consacre à la promotion active des collaborations entre l'industrie et les universités à la mise au point des technologies de prochaine génération pour les réseaux canadiens de transport en commun et de mobilité urbaine.

C'est grâce à l'excellent travail des fabricants de véhicules de transport en commun au Canada que plus de 70 p. 100 du marché nord-américain des autobus urbains est approvisionné par des entreprises canadiennes et qu'il y a des grappes concurrentielles de technologie des transport en commun en Ontario, au Québec, au Manitoba et en Colombie-Britannique. L'ACTU espère que le gouvernement trouvera des façons d'appuyer la R-D verte et l'innovation au Canada.

[Français]

C'est une période très dynamique pour le transport en commun au Canada, grâce aux phases 1 et 2 du nouveau Fonds pour les infrastructures du transport en commun et aux engagements pris antérieurement par le gouvernement fédéral. Toutefois, la construction de réseaux de transport en commun écologiques dans nos espaces urbains demeure une aspiration et n'est d'aucune façon réglée à l'avance.

[Traduction]

Le Canada doit délaisser son approche projet par projet à la faveur d'un cadre financier à long terme pour le développement de l'infrastructure de transport en commun et proposer une stratégie d'expansion du réseau de transport en commun sur une génération. Les réseaux de transport en commun auraient ainsi les garanties nécessaires pour planifier des projets et ultimement, construire une infrastructure avant-gardiste.

Finalement, notre pays doit mettre davantage l'accent sur un aménagement urbain axé sur le transport en commun. Ce modèle d'urbanisme favorise la planification à haute densité à proximité des stations de transport en commun et un accès rapide aux centres d'emplois. Selon le Victoria Transport Policy Institute, les résidents de quartiers conçus autour du transport en commun possèdent généralement de 15 à 30 p. 100 moins de véhicules, enregistrent un kilométrage annuel de 20 à 40 p. 100 inférieur et utilisent davantage la marche, le vélo et le transport en commun que ceux des agglomérations dépendantes de l'automobile.

Je voudrais conclure en remerciant le comité et le gouvernement fédéral en général de leur engagement et de leur intérêt envers le secteur des transports en commun au Canada.

Le débat sur la façon de réduire nos GES n'a pas besoin d'être abstrait. L'industrie du transport en commun est prête à faire sa part pour accroître l'écoefficacité de la société canadienne d'aujourd'hui. Cela doit commencer par l'incitation à un transfert modal afin que les gens délaissent les modes de transport à émissions de GES élevées par passager au profit du transport en commun et du transport actif. Ce transfert doit être favorisé grâce à une planification urbaine axée sur le transport en commun dans tous les nouveaux projets d'infrastructure. Enfin, nous devons nous attaquer aux obstacles à l'approvisionnement qui nous empêchent d'adopter des technologies de transport écologique.

Je vous remercie de votre temps, j'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie beaucoup de cet exposé. Passons maintenant aux questions. Sénateur Massicotte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous ce matin. C'est un sujet très intéressant et très important pour notre société et pour le monde entier.

Récemment, des représentants du Conference Board ont comparu à notre comité, et j'ai été frappé par leurs commentaires voulant que le transport public, surtout les autobus, n'apporte pas une grande contribution à l'atteinte de nos objectifs, parce que c'est davantage une question de convenance, de congestion et de smog et pas nécessairement une question de réduire notre taux de CO2.

Le soir, alors qu'il y a moins d'utilisateurs des transports en commun, il serait plus avantageux que les gens utilisent leur voiture. Pouvez-vous mettre cela en perspective? Comment voyez-vous cela?

M. Maheu : Le domaine du transport collectif au Canada représente environ 1 p. 100 de tous les secteurs au Canada en ce qui concerne le taux de GES émis.

Beaucoup de changements peuvent se produire si les autobus fonctionnent à plein rendement. Donc, si un autobus a une capacité de 65 personnes, nous pouvons réduire de façon importante le taux de GES en nous assurant que les gens troquent leur véhicule personnel pour le transport collectif. Pour vous donner une idée, chaque autobus qui circule sur l'autoroute peut remplacer 50 véhicules privés sur la route, ce qui réduit la congestion et les GES.

C'est donc dans les grandes villes qu'on peut entrevoir un changement de transport modal, où les gens pourront laisser l'automobile à la maison et prendre le transport collectif pour se rendre au travail.

Le sénateur Massicotte : Votre prémisse tient du fait que l'autobus fonctionne au maximum de sa capacité, alors qu'il arrive souvent que ce ne soit pas le cas, avec nos banlieues un peu éparpillées et les horaires de travail étendus de certaines personnes. Quelle est la moyenne typique d'utilisateurs dans un autobus?

M. Maheu : C'est vraiment aux heures de pointe qu'on voit une réduction des GES. Vous avez raison de dire que, plus tard en soirée, dans les collectivités qui ont moins de densité, les autobus sont moins remplis. C'est la raison pour laquelle nous voulons promouvoir l'acquisition de véhicules plus verts, hybrides ou qui fonctionnent au diesel. Plus vite nous pourrons nous rendre à zéro émission à ce chapitre, mieux ce sera. Le transport collectif est un service essentiel que nous devons offrir aux Canadiens, parce que tout le monde ne peut pas s'offrir un véhicule personnel.

Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé de la Société de transport de Montréal, qui réduira ses émissions de GES au moyen de l'électrification de ses autobus d'ici cinq ans. Quelle en sera la source d'énergie? Ce ne peut être les piles, puisqu'elles ne sont pas encore assez performantes.

M. Maheu : On voit certaines choses pour Montréal. Leur métro est à 100 p. 100 électrique. Ils essaient de s'assurer que les autobus seront de plus en plus électriques. Ils essaient d'avoir un projet d'acquisition d'autobus électriques en 2025 qui seront alimentés par des piles à charge rapide. En ce moment, ce sont des projets de démonstration. Il y a un partenariat qui se développe avec Nova Bus, une compagnie d'autobus basée à Saint-Eustache, au Québec. Ils font des tests pour voir si leur technologie pourrait répondre aux besoins de la STM.

Le sénateur Massicotte : Ils en sont encore à l'étape de l'expérimentation. Rien n'est certain quant au moyen d'atteindre les objectifs. C'est ça?

M. Maheu : C'est ça.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre exposé.

Vous avez parlé passablement de recherche et d'innovation. Vous avez affirmé avoir travaillé à la création du Consortium de recherche et d'innovation en transport urbain au Canada pour favoriser activement les collaborations entre l'industrie et les universités. Comment ce consortium est-il financé?

M. Maheu : Il est financé principalement par les membres eux-mêmes, les fabricants et les fournisseurs de l'industrie qui souhaitent travailler en collaboration avec des établissements universitaires dans le cadre de projets de R-D et de projets pilotes. Ils fournissent leur part du financement. Ils voudraient que le gouvernement fédéral travaille en partenariat avec eux à hauteur de 185 millions de dollars pour les quatre prochaines années. Cela représente 50 p. 100 du partage des coûts qu'ils ont déjà offert. Ils ont déjà annoncé des investissements. Ils ont déjà commencé le travail.

Certaines provinces ont également manifesté de l'intérêt. L'Ontario verse un peu d'argent au CRITUC, mais nous voudrions avoir le gouvernement fédéral comme partenaire pour nous assurer de la réalisation des projets.

La sénatrice Seidman : Est-ce un dossier actif en ce moment? À titre d'organisation représentant ces entreprises, militez-vous activement pour obtenir un financement gouvernemental en matière de R-D pour favoriser ce genre de collaboration?

M. Maheu : Le CRITUC est une entité à part qui est une créature de l'Association canadienne du transport urbain. Nos membres sont à peu près les mêmes que ceux du CRITUC. Nous voyions que les membres de notre association, les fabricants et les fournisseurs, parlaient de leurs projets de R-D et d'innovation au Canada et du potentiel d'exportation de ces technologies, de leur savoir, vers d'autres pays du monde; cependant, ils voulaient continuer d'optimiser les technologies auxquelles ils travaillaient et ils se sont rendu compte qu'ils devaient unir leurs forces pour rendre la chose possible. Les membres que nous représentons sont pratiquement les mêmes que ceux du consortium.

La sénatrice Seidman : En R-D, le cloisonnement est toujours un problème, c'est donc de toute évidence une belle occasion à saisir. Il faut toutefois nous demander si ces entreprises travaillent vraiment ensemble pour stimuler l'innovation canadienne puis la partager, effectivement, avec les autres pays du monde et devenir des chefs de file.

M. Maheu : Il faut comprendre que le niveau de maturité va d'un à huit, comme vous le savez probablement déjà, et que nos membres collaborent, à l'étape de la précommercialisation, à beaucoup de recherches universitaires jusqu'à la mise en place de projets pilotes juste avant la commercialisation. C'est à partir de ce moment qu'ils iront chacun de leur côté mettre leurs technologies au point.

Le bon côté de ce genre de consortium, c'est qu'il est clair que la propriété intellectuelle des projets qui en émanent appartient aux entreprises membres, en partenariat avec les universités et les collèges participants.

La sénatrice Seidman : Autrement dit, cela va pour la précommercialisation, mais la commercialisation reste le plus grand défi dans ce pays. Comment pourrons-nous le relever, d'après vous?

M. Maheu : À l'heure actuelle, il y a beaucoup de projets pilotes dans notre industrie, particulièrement en électrification. Il y a actuellement un essai de démonstration et d'intégration d'autobus électriques à l'échelle de l'Ontario. Beaucoup de nos membres de la RGTH y participent, comme les réseaux de transport de Brampton et de la région de York; ils sont tous partenaires dans ce projet, y compris les fabricants d'autobus New Flyer et Nova Bus, qui sont installés au Canada, qui mettent des technologies au point et en font l'essai sur leur propre circuit pour en évaluer la viabilité. Ils travaillent aussi en partenariat avec les fournisseurs publics d'électricité, pour déterminer combien d'électricité ces autobus consomment dans le réseau électrique lorsqu'ils sont connectés à un poste de charge.

Les projets pilotes menés un peu partout au pays sont la clé du succès. Il y en a aussi à Montréal, et dès qu'on verra que c'est une technologie viable, elle sera commercialisée à bien plus grande échelle. Elle doit être éprouvée, et dès que ces essais auront prouvé la viabilité de l'électrification pour les transports en commun, elle sera commercialisée.

La sénatrice Seidman : L'électrification est-elle la principale technologie à l'étude? Laquelle est la plus prometteuse?

M. Maheu : Dans l'intervalle, je peux vous dire que nous étudions le gaz naturel, mais à long terme, la technologie la plus prometteuse serait celle de la pile électrique puisqu'elle ne produit aucune émission d'échappement. Regardons les estimations des émissions de GES en amont au Québec. C'est la solution la plus viable, parce que l'hydroélectricité est une ressource renouvelable qui produit peu d'émissions de GES en général. C'est donc du cas par cas, cela dépend d'une province à l'autre, mais au Québec, l'électricité est la technologie de transport de remplacement privilégiée.

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup. À la page 6 de votre exposé, monsieur Maheu, vous dites qu'un rapport estime à plus de 2,4 millions de tonnes la réduction des GES attribuable à l'utilisation du transport en commun plutôt que de véhicules personnels. S'agit-il de personnes qui utilisent déjà les transports en commun et qui émettraient 2,4 millions de tonnes de GES si elles conduisaient leur propre voiture ou s'agit-il d'une estimation de ce qui arriverait si une proportion donnée de la population adoptait le transport en commun?

M. Maheu : C'est l'estimation des émissions si les transports en commun n'existaient pas et que les gens utilisaient des véhicules personnels.

La sénatrice Fraser : Il s'agit de personnes qui les utilisent déjà?

M. Maheu : Oui.

La sénatrice Fraser : À la toute dernière phrase, vous affirmez qu'il faut lever les obstacles en matière d'approvisionnement qui empêchent l'adoption de technologies vertes. Pouvez-vous nous en parler un peu plus?

M. Maheu : Dans divers secteurs des transports, les technologies de propulsion de remplacement coûtent plus cher que les technologies diesel actuelles dans l'industrie du transport en commun. Les coûts d'achat initiaux sont élevés. Par exemple, un autobus diesel coûte environ 500 000 $ au Canada. Pour acheter un autobus électrique, il en coûte environ un million de dollars. Un véhicule hybride coûterait 750 000 $.

Vous pouvez donc constater que les coûts initiaux sont élevés, alors que les municipalités ont des budgets de fonctionnement serrés, et quand vient le temps d'acheter des véhicules, elles doivent prendre des décisions. Que veulent- elles obtenir pour leur argent? Veulent-elles acheter deux autobus ou un seul? Ce sont des facteurs qu'elles doivent prendre en considération. Si le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux souhaitent trouver des façons de réduire les émissions de GES, nous pouvons certainement faire quelque chose à ce chapitre, parce qu'il y a des technologies qui existent sur le marché et que nous pourrions adopter, mais il y a un coût qui y est rattaché.

La sénatrice Fraser : Nous parlons là d'argent plutôt que de règles quelconques?

M. Maheu : Oui, nous parlons d'argent. Je vous remercie de poser la question. Il y a actuellement un monopole, je dirais, sur le marché des moteurs au diesel et au gaz naturel, puisqu'il n'y a qu'un grand fournisseur en Amérique du Nord, Cummins, qui vend des moteurs pour les véhicules de transport en commun. Nous remarquons que pour les autobus hybrides, en particulier, il existe des moteurs plus petits à plus faibles émissions de GES que nous pourrions utiliser en Amérique du Nord; cependant, ils n'ont pas été testés, on ne sait pas s'ils respectent les normes de l'Environmental Protection Agency.

Quand on en analyse les différences, ils semblent respecter les normes de l'EPA. Il faudrait simplement que les entreprises européennes viennent en Amérique du Nord pour que l'EPA les teste. Il y a donc des difficultés en matière d'approvisionnement de ce point de vue aussi. Il existe des moteurs dans le monde qui seraient adaptés à nos systèmes, qui seraient plus petits que les moteurs que nous utilisons actuellement dans les véhicules hybrides, mais pour l'instant, les fabricants ne peuvent pas se les procurer.

La sénatrice Fraser : Allez-vous m'interrompre, monsieur le président?

Le président : Non.

La sénatrice Fraser : Cela m'amène à une question qui m'est venue à l'esprit pendant que j'écoutais votre échange avec le sénateur Massicotte. Il est vrai que nous voyons tous passer des autobus à peu près vides en dehors des heures de pointe. J'ai l'impression que presque partout, il n'y a que deux modèles d'autobus, le gros et l'énorme, en accordéon.

Si l'on veut que les gens adoptent le transport en commun, on voudrait notamment assurer la fréquence du service. C'est peut-être une question idiote, auquel cas vous n'avez qu'à me le dire. Qu'est-ce qui nous empêcherait d'acquérir, en plus des autobus standards, une flotte d'autobus plus petits propulsés par des moteurs plus petits qui pourraient passer plus souvent?

M. Maheu : C'est une question de gestion de la flotte à l'échelle municipale, et les municipalités sont contraintes par leur budget de fonctionnement. En vue du remplacement d'une partie de leur flotte, lorsqu'elles évaluent les besoins des différentes agglomérations, il serait logique qu'elles acquièrent des véhicules plus petits pour desservir les agglomérations à faible densité de population.

Nous verrons certains réseaux de transport en commun qui ont du mal à offrir des services aux collectivités de faible densité en sous-traitance. On le voit dans l'industrie du taxi, et on le verra peut-être à l'avenir aussi dans les programmes de partage de véhicules comme Uber. Il y aurait peut-être des partenariats possibles avec les réseaux de transport publics pour le premier et le dernier kilomètre, disons, pour aider les réseaux de transport en commun à desservir les collectivités de faible densité.

La sénatrice Ringuette : Les usagers du transport en commun sont-ils plus nombreux qu'ils ne l'étaient il y a cinq ans? Le cas échéant, à quoi est attribuable l'augmentation?

M. Maheu : Je peux vous brosser le portrait de la situation depuis 10 ans. Au cours des 10 dernières années, le nombre d'usagers a augmenté de 20 p. 100, ce qui constitue une hausse importante. Cependant, il est resté le même depuis un an. Nous croyons qu'il y a beaucoup de raisons à cela, et l'une d'elles peut être la situation économique, puisqu'il y a un lien de corrélation direct avec le taux de chômage. Quand l'économie ralentit, le nombre d'usagers diminue.

Nous avons également vu le coût du carburant baisser comme jamais auparavant, donc il se peut que des personnes choisissent d'utiliser leur véhicule personnel parce que cela leur revient moins cher que de prendre le transport en commun étant donné que le carburant est abordable.

Il faut aussi tenir compte du fait qu'il y a de plus en plus d'organisations qui adoptent des politiques permettant à leurs employés de travailler de la maison. Il y a aussi de plus en plus de travailleurs qui utilisent le vélo ou marchent pour se rendre au travail; il y a une tendance à la hausse en ce sens. Ce sont autant de facteurs qui ont une incidence sur le nombre d'usagers du transport en commun.

Nous encourageons les gens à se rendre au travail à pied ou à vélo parce que c'est la mobilité intégrée qui nous intéresse. Ainsi, si un plus grand nombre de personnes veulent se rendre au travail à pied ou à vélo plutôt qu'au moyen du transport en commun, c'est aussi une bonne chose. Il faut simplement envisager la question sous cet angle.

La sénatrice Ringuette : Vous avez parlé de la commodité, de l'efficacité et des coûts. Quel est le prix moyen d'un billet d'autobus à Montréal, à Toronto et ailleurs?

M. Maheu : Cela dépend, évidemment. Le coût moyen d'un billet de transport en commun est de 2,30 $. Le coût moyen d'un laissez-passer d'autobus annuel varie probablement entre 1 300 et 1 500 $.

Selon des calculs faits par CAA, les coûts annuels d'utilisation et d'entretien d'une voiture personnelle de style berline peuvent être de 8 000 à 10 000 $ par année. Ces coûts comprennent l'assurance, l'essence et le stationnement. Sur le plan des coûts des ménages, il y a une différence majeure entre la possession d'un véhicule personnel et l'utilisation du transport en commun.

La sénatrice Ringuette : Au prix de 2,30 $ multiplié par 2 pour l'aller-retour, le coût quotidien est d'environ 5 à 6 $. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous dites que ce faible coût est en fait trop élevé pour inciter les gens à utiliser le transport en commun. Selon moi, 5 ou 6 $ par jour pour se rendre au travail et en revenir, c'est relativement peu coûteux.

En réalité, le coût pour l'usager du transport en commun n'est pas tellement élevé comparativement à ce qu'il en coûte pour posséder une voiture ou pour faire l'aller-retour entre la maison et le travail en voiture. Juste le stationnement doit coûter deux ou trois fois...

M. Maheu : Le coût diffère d'une ville à l'autre. Par exemple, le transport en commun coûte plus cher dans la RGTH que dans une plus petite ville ou dans une collectivité de taille moyenne.

Or, le coût n'est pas le seul facteur; il y a aussi le service et la fréquence. Nous devons faire en sorte que le transport en commun offre une solution de rechange afin que les gens ne veuillent pas nécessairement utiliser leur véhicule. Ils doivent se dire : « Le transport en commun est à 500 mètres de ma résidence. Je sais qu'il passe fréquemment, qu'il est rapide et que j'arriverai au travail dans un délai raisonnable. » C'est le défi que nous voulons relever pour la population canadienne. C'est ce que nous tenons à lui fournir. Pour y arriver, il faudra des investissements, et nous sommes certainement ravis de constater que le gouvernement fédéral est prêt à investir dans les transports en commun.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais obtenir les données sur le nombre de passagers. Si vous ne les avez pas en main, pouvez-vous les fournir à la greffière du comité? Vous avez dit que le nombre de passagers avait augmenté de 20 p. 100 dans les 10 dernières années, mais j'aimerais voir les données.

M. Maheu : Comme je l'ai déjà dit, le nombre de passagers stagne depuis les dernières années. Il a augmenté d'approximativement 1 p. 100.

La sénatrice Ringuette : Ainsi, le crédit d'impôt accordé aux personnes qui utilisent les transports en commun n'a pas eu la valeur incitative prévue.

Jeff Mackey, analyste des politiques, Association canadienne du transport urbain : Le crédit d'impôt existe depuis quelque temps...

La sénatrice Ringuette : Environ cinq ans.

M. Mackey : ... et à notre avis, il s'agit d'une mesure stratégique efficace qui a bel et bien incité les gens à utiliser davantage les transports en commun.

Le facteur qui a la plus grande incidence sur l'augmentation ou la diminution du nombre d'utilisateurs des transports en commun, c'est le niveau d'emploi. Les gens s'en servent quotidiennement pour se rendre au travail et en revenir. Au-delà des coûts, il y a donc des facteurs externes qui ont des répercussions majeures sur le nombre de passagers.

Un autre facteur qui n'a pas encore été soulevé, c'est que certains de nos plus grands centres urbains ont des problèmes de capacité et de service : au Canada, certaines lignes sont tellement bondées que les usagers sont très inconfortables durant les trajets — ce n'est pas la cohue, mais presque —, et les gens préfèrent trouver d'autres façons de se rendre au travail.

L'autre problème, c'est le service : des parties importantes de nos grandes villes ne sont pas dotées de transport en commun rapide et efficace. Les populations de ces collectivités mal desservies ne sont pas incluses dans les statistiques. Évidemment, les grands projets d'infrastructure qui permettront l'ajout de SLR, de métros, d'autobus et de transports en commun rapides auront une incidence sur ces populations.

Le sénateur Lang : Premièrement, j'aimerais faire une remarque sur votre exposé. Tout comme le président, j'ai travaillé pendant de nombreuses années dans la politique provinciale-territoriale — dans le domaine des responsabilités provinciales et territoriales plutôt que fédérales. Vous avez mentionné les provinces dans certaines parties de votre exposé, mais vous n'avez certainement pas mis l'accent sur elles. À mon sens, les provinces ont un rôle majeur à jouer pour faire avancer le dossier, tant sur le plan de leurs responsabilités en vertu de la Constitution que sur le plan de l'argent. Vous voudrez peut-être ajouter quelque chose là-dessus parce que selon moi, pour que n'importe quel projet aille de l'avant, il faudra faire un partage important des coûts.

Deuxièmement, je veux revenir sur la question des émissions de GES parce que vous n'en avez pas vraiment parlé. Pendant nombre d'années, le gouvernement précédent s'est penché sur différents secteurs de l'économie et sur les cibles qu'on pouvait atteindre. Il a tenté de conclure des ententes raisonnables avec chaque secteur.

Votre secteur a-t-il participé à cela? Dans l'affirmative, savez-vous à combien s'élèvent vos émissions de GES? Quelle cible pourriez-vous atteindre d'ici 2030 afin de contribuer à la diminution?

M. Maheu : Par rapport aux compétences, vous avez tout à fait raison. Les provinces doivent absolument contribuer au financement et à l'expansion des réseaux de transport en commun dans leur territoire; c'est bel et bien la responsabilité des provinces. Pour cette raison, nous aimerions que les coûts soient partagés; par exemple, le fédéral, le provincial et le municipal pourraient payer chacun un tiers des coûts. En outre, le secteur privé pourrait aussi jouer un rôle dans les projets importants d'expansion dans les grandes villes.

En ce qui concerne nos émissions de gaz à effet de serre, je ne me rappelle pas le travail que nous aurions fait avec Environnement Canada ou Statistique Canada il y a cinq ans sur nos cibles au sein de l'industrie. Toutefois, je peux vous dire que nous avons réduit nos émissions de GES d'environ 15 p. 100 depuis 2009. En faisant un calcul approximatif, je dirais que notre empreinte est d'environ six à huit millions de tonnes par année. Nous pensons pouvoir réduire considérablement notre empreinte juste en veillant à ce que l'approvisionnement de nos véhicules, de nos stations et de nos gares d'autobus soit fait en vertu d'initiatives stratégiques écologiques.

M. Mackey : Le transport en commun produit environ 1 p. 100 des émissions de GES à l'échelle nationale; toutefois, le secteur des transports dans son ensemble, en tant qu'industrie, occupe le deuxième rang des grands émetteurs. Notre valeur réelle sur la scène nationale, c'est notre capacité de réorienter — de faire en sorte que les gens délaissent les véhicules privés pour le transport en commun. Notre succès se mesure à la réduction des émissions produites par les voitures privées et non nécessairement à la réduction des émissions du secteur du transport en commun.

Le sénateur Lang : Je comprends, mais comme vous l'avez dit, vos propres réseaux, les parcs que vos organisations font circuler partout au pays produisent de six à huit tonnes d'émissions. Là où je voulais en venir, c'est à la possibilité que vous changiez de combustible. Avez-vous des données sur l'effet que cela aurait sur vos émissions? Combien le changement coûterait-il?

M. Maheu : À l'heure actuelle, l'association calcule les émissions de GES en prenant le taux de consommation de carburant et en le multipliant par le coefficient de CO2. C'est ainsi que nous calculons l'empreinte carbone de notre industrie et de nos véhicules. Si nous augmentions, disons, le nombre de véhicules électriques ne produisant pas d'émissions d'échappement, nous ferions la comparaison au moyen de ce calcul. Si nous pouvions remplacer la totalité des 16 000 véhicules utilisés actuellement par l'industrie canadienne du transport en commun, nos émissions de GES seraient presque nulles.

Or, il faut aussi tenir compte des édifices, n'est-ce pas? Il y a beaucoup de gares et de stations, et les réseaux ont de plus en plus d'immeubles ayant la certification LEED, mais il faut aussi moderniser une partie de l'infrastructure.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre exposé.

Le ministre des Transports a lancé un processus de consultation pour guider l'élaboration d'un plan à long terme pour les transports au Canada. Je crois qu'il prononcera un discours à Montréal aujourd'hui pour en annoncer les résultats.

Est-ce que l'ACTU ou le CRITUC ont participé au processus de consultation? Avez-vous présenté des documents que vous pourriez fournir au comité?

M. Maheu : Nous avons participé aux consultations menées dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports au Canada. Je crois que c'était l'année dernière et je peux certainement fournir les documents au comité. Nous avons aussi échangé avec le ministre des Transports; selon nous, un plan stratégique en matière de transports au Canada doit comprendre une vision holistique du transport de passagers et de marchandises, surtout dans les grandes villes, d'où provient une partie considérable des importations et des exportations. Si nous pouvons aider à réduire les embouteillages dans les grandes villes et à permettre aux camions de marchandises de circuler librement sur les autoroutes, la productivité s'en trouvera accrue.

Ce que nous prônons, c'est une approche holistique du transport de passagers et de marchandises. Nous croyons pouvoir aider à réduire les embouteillages en incitant les gens à laisser leur voiture et à utiliser le transport en commun, ce qui libérerait les autoroutes et permettrait aux camions de transporter les marchandises jusqu'à leur destination.

Le sénateur Patterson : La Déclaration de Vancouver parlait de faire progresser l'électrification des transports, en collaboration avec les provinces et les territoires.

Vous avez parlé du gaz naturel, de l'électricité, des piles à combustible et des technologies hybrides pour les autobus et les trains. À la lumière de la Déclaration de Vancouver et afin d'atteindre les cibles de réduction des émissions du Canada, croyez-vous qu'il faut électrifier les transports? Dans l'affirmative, puisque le parc énergétique varie d'une province et d'un territoire à l'autre, l'électrification des transports serait-elle plus indiquée dans certaines provinces et certains territoires que dans d'autres?

M. Maheu : Pour l'électrification, il faut certainement adapter l'approche d'une province à l'autre. Dans certaines provinces, par exemple le Québec, comme je l'ai déjà dit, ce serait probablement beaucoup plus logique de tout électrifier.

Pour le gaz naturel, de plus en plus de réseaux dans l'Ouest se servent de ce type d'autobus. Cummins Westport, une entreprise basée à Vancouver, vient de créer un nouveau moteur à gaz naturel qui ne produit presque pas d'émissions de polluants atmosphériques de NOx. De nombreuses technologies sont en voie d'élaboration, même pour le gaz naturel. Entre-temps, cette solution pourrait être plus viable dans cette région. Il faut vraiment adopter des solutions adaptées à chaque province.

En ce qui concerne l'électrification, beaucoup de projets de démonstration sont en cours partout au pays, mais certaines entreprises ont déjà commercialisé leurs autobus entièrement électriques. Aussi, les piles sont protégées par une garantie de 12 ans, ce qui est excellent, sur le plan des coûts d'entretien et de fonctionnement, pour les réseaux de transport qui considèrent la possibilité de s'en procurer. Ils savent que la pile est garantie 12 ans. L'entreprise dont je parle s'appelle BYD, sigle qui signifie « Build Your Dreams ». Elle a mis son autobus à l'essai dans le marché canadien. De l'autre côté de la rivière, la STO a essayé son autobus entièrement électrique pendant un an, et il a très bien fonctionné dans les conditions hivernales. Du côté opérationnel, généralement, les réseaux de transport tiennent à s'assurer que les piles résisteront au froid, et cela a été le cas. Les piles ont bien fonctionné, les autobus sont bons et leur autonomie est satisfaisante.

Le sénateur Patterson : Pendant l'hiver, est-ce que l'autobus devait être stationné dans un garage chauffé lorsqu'il n'était pas utilisé?

M. Maheu : Puisqu'il devait être rechargé, il fallait le placer dans une gare, qui était probablement chauffée. Vous faites bien de le souligner.

Le sénateur MacDonald : Je siège au comité de l'énergie, que j'adore, mais je suis aussi membre du comité des transports. Les sujets traités semblent beaucoup se croiser.

Vous avez mentionné l'apparition de services perturbateurs comme Uber et Lyft. Je crois qu'ils influeront sur la façon dont les gens se déplacent, surtout dans les régions urbaines.

Le ministre a suggéré au comité des transports de faire une étude sur l'apparition de technologies perturbatrices comme les véhicules automatisés; le comité a accueilli favorablement la suggestion et il commencera bientôt son étude. Comment les personnes qui gèrent les transports en commun dans les régions urbaines se préparent-elles à l'apparition des technologies perturbatrices, qui semble ne pas tarder?

M. Maheu : Absolument. C'est un sujet que nous étudions continuellement. Nous organisons plusieurs congrès et séances d'orientation au cours desquels des membres de réseaux de transport de partout au pays se réunissent pour parler de ces enjeux. Les véhicules automatisés et branchés ne sont pas une nouveauté dans l'industrie des transports en commun : ils sont déjà utilisés pour le transport ferroviaire au Canada. Aujourd'hui, nous avons plusieurs trains automatisés. À Vancouver, il y a déjà quelque temps que le SkyTrain n'a pas de conducteur. Certaines technologies sont donc déjà utilisées. Si vous avez un chemin de fer réservé, un train automatisé ou branché est un choix valable.

Certaines villes offrent un service rapide par bus; elles ont des voies réservées aux autobus. Selon nous, ces voies se prêteraient bien à des projets pilotes; on pourrait faire circuler quelques autobus branchés dans les voies réservées qui ne sont pas partagées avec les véhicules privés, ce qui permettrait de bien mettre à l'essai ces projets pilotes.

L'aspect le plus important à considérer quand cela vient aux nouvelles technologies, c'est la sécurité. La sécurité publique est la priorité des réseaux de transport en commun, et nous devons être certains que ces technologies sont entièrement opérationnelles et sécuritaires avant de les déployer partout au pays.

Le sénateur MacDonald : Je vous avertis : le comité des transports vous invitera peut-être aussi à comparaître.

[Français]

Le sénateur Mockler : J'ai écouté attentivement votre présentation quant aux cinq mesures à prendre pour réduire les émissions de GES. Il est mentionné que le transport en commun peut jouer un rôle afin de réduire les émissions de GES, tant à l'échelle individuelle qu'à l'échelle de l'industrie. On peut voir également que, dans les petites provinces qui sont moins peuplées, vos résultats sont différents. Cependant, vous voulez atteindre tout de même des résultats par personne. Donc, si tel est le cas, et compte tenu des défis liés aux infrastructures totales, croyez-vous que les gouvernements, tant municipaux que provinciaux, territoriaux et fédéral, devraient accorder la priorité au transport en commun au lieu de construire de nouvelles routes dans les centres urbains et les régions avoisinantes?

M. Maheu : Certainement. Les centres urbains devraient accorder la priorité au transport en commun. L'option de construire ou d'élargir une autoroute ne provoquerait qu'une augmentation du nombre de véhicules automobiles en circulation, alors que si nous construisions des routes dédiées au transport collectif, nous pourrions plutôt favoriser un changement dans les habitudes de transport chez les gens.

Comme le gouvernement fédéral consacre des fonds importants au transport collectif en ce moment, nous profitons d'une opportunité intéressante pour construire des systèmes de transport collectif rapide et confortable. Si les gens avaient accès à un service de transport collectif à moins d'un kilomètre de leur demeure, ils seraient fort probablement plus enclins à délaisser leur voiture.

Le sénateur Mockler : Donc, vous vous retrouvez devant un beau défi, si je comprends bien. Quel est l'état actuel de l'infrastructure des transports en commun au Canada et quelles provinces sont les plus avant-gardistes, les leaders dans la course à la réduction des gaz à effet de serre?

M. Maheu : Une proportion d'environ 25 p. 100 des besoins pour le transport collectif au Canada concerne la réhabilitation des infrastructures déjà en place, c'est-à-dire le remplacement de véhicules qui ont pris de l'âge ou la rénovation de stations. L'autre proportion de 75 p. 100 concerne les besoins en expansion. La demande de transport collectif a augmenté au cours des dernières décennies.

En ce qui a trait aux provinces les plus avant-gardistes, je dirais que l'Ontario est engagée en faveur du transport collectif. À Toronto, The Big Move est un plan d'avant-garde à long terme. La Colombie-Britannique a également un plan intéressant pour Vancouver. Les grandes villes du Canada sont avant-gardistes en général en ce qui a trait au transport collectif. Même à Calgary, on entreprend de grandes initiatives avec le C-Train.

[Traduction]

Le président : Les voies réservées aux VMO, aux véhicules occupés par plus de deux ou trois passagers et aux autobus, sont très utilisées. C'est une des façons dont les collectivités et les villes tentent de s'adapter et de simplifier la tâche aux autobus. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Maheu : Oui, tout à fait.

Le président : Vous dites que les piles d'autobus durent 10 à 12 ans. Combien coûte une pile?

M. Maheu : La pile est la partie la plus coûteuse d'un véhicule électrique. Quand on examine ce qu'il en coûterait d'acheter un véhicule électrique plutôt qu'un véhicule au diesel, la différence de 500 000 $ est due à la pile. J'ai mentionné que la durée de vie des piles était de 10 à 12 ans, mais c'est pour les piles de l'entreprise BYD.

D'autres technologies de véhicules hybrides ont été mises à l'essai au Canada. Les piles devaient durer cinq ans, mais malheureusement, elles ont dû être remplacées au bout de deux ans et demi seulement. Les frais de remplacement pour toutes ces piles ont été énormément élevés.

Je le répète, on travaille à optimiser la technologie. On se rapproche, mais en fin de compte, l'important, c'est la performance des piles.

Le président : Pouvez-vous me dire combien coûte une pile?

M. Maheu : Je n'ai pas le chiffre exact en mémoire, mais je peux le fournir au comité.

Le président : Au point 4 de votre document, vous dites qu'on peut former les conducteurs afin qu'ils réduisent les émissions grâce à des pratiques exemplaires opérationnelles et à la rationalisation. Je sais que l'industrie minière le fait depuis de nombreuses décennies. Où en sont les réseaux de transport en commun sur ce plan?

M. Maheu : C'est un programme de formation de l'ACTU appelé ConducteurAVERTI; nous l'offrons à nos réseaux de transport en commun partout au pays. Il faut payer, donc ce n'est pas tout le monde qui reçoit la formation. En gros, l'idée est d'examiner les habitudes de conduite et les comportements des conducteurs afin de les aider à augmenter leur efficacité. Les politiques interdisant la marche au ralenti font partie du programme. Nous leur demandons aussi d'examiner les habitudes de conduite comme l'accélération et le freinage brusques, ainsi que la rationalisation des routes.

Tous ces détails peuvent aider à réduire non seulement la consommation de diesel ou d'essence, mais aussi les émissions de GES.

Le président : Depuis combien de temps l'industrie des transports en commun que vous représentez offre-t-elle ce programme? Quand a-t-on réellement commencé à le mettre en pratique?

M. Maheu : À ce que je sache, il est offert depuis une dizaine d'années et il est toujours offert aujourd'hui. Nous fournissons encore ce service et cette formation. En outre, de nombreux fabricants d'autobus installent des logiciels dans leurs véhicules qui montrent aux conducteurs l'efficacité de leur conduite en temps réel. Les fabricants d'autobus conçoivent des logiciels novateurs qui aident les conducteurs à réduire leurs émissions de GES.

Le président : C'est très bien. Durant votre exposé, vous avez dit que selon un rapport de 2010, les réductions de gaz à effet de serre s'élevaient à environ 2,4 millions de tonnes. Je sais que c'est en incitant les gens à laisser leur voiture à la maison et à prendre l'autobus qu'on réduira le plus considérablement les émissions de GES.

M. Maheu : Absolument.

Le président : Mesurez-vous les réductions chaque année? Faites-vous en sorte de pouvoir les mesurer ou vous êtes- vous simplement dit que vous feriez quelque chose en 2010?

M. Maheu : Nous avons « Vision 2040 ». Il s'agit d'un plan global qui présente les objectifs que nous souhaitons que l'industrie atteigne d'ici 2040, notamment en ce qui touche l'empreinte écologique.

Nous ne mesurons pas les réductions d'une année à l'autre. Selon les intérêts du gouvernement, nous élaborerons des rapports et des mises à jour afin que nous ayons de bonnes références et que nous puissions suivre les tendances. Actuellement, nous ne le faisons pas chaque année. Nous mesurons nos propres émissions de GES, mais ce serait bien de calculer la réduction chaque année en tenant compte de la part modale et de la répartition modale.

La sénatrice Seidman : Durant votre exposé, vous avez parlé à deux reprises de quelques obstacles majeurs au renforcement des politiques d'approvisionnement écologique qu'il faut surmonter avant de pouvoir réduire considérablement les émissions de GES à l'échelle nationale. Vous en avez mentionné quelques-uns, mais très directement, quels sont les obstacles majeurs?

M. Maheu : Un des obstacles est le coût différentiel élevé d'acquérir des véhicules à combustible de remplacement. C'est un obstacle majeur parce que les budgets de fonctionnement des municipalités sont serrés. Si elles pouvaient obtenir de l'aide financière de la part des gouvernements fédéral ou provincial pour acheter des autobus écologiques, ce serait un grand pas en avant.

En ce qui concerne d'autres politiques, nous nous penchons sur l'aménagement axé sur le transport en commun, ce qui relève de la compétence municipale. Toutefois, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il affecterait des fonds importants aux transports en commun; on pourrait établir des paramètres liés à cela, faire en sorte que l'expansion des services soit centrée sur les politiques d'aménagement axé sur le transport en commun. C'est un autre obstacle important.

La sénatrice Seidman : C'est un autre point important. L'aménagement axé sur les transports en commun me fait penser, par exemple, à des jeunes parents de banlieue qui doivent déposer leurs enfants à la garderie le matin, se rendre au travail et en revenir. Ils sont pressés, et ce sont ces personnes qui affirment que les options de transport en commun actuelles ne répondent pas à leurs besoins. Tient-on compte de ces éléments dans la planification?

M. Maheu : L'aménagement axé sur les transports en commun est fait pour permettre aux gens de pouvoir vivre, travailler, se divertir et faire des courses dans le même secteur tout en réduisant la dépendance aux automobiles. Nous ne dressons pas un moyen de transport contre un autre. Si une famille a besoin d'utiliser son véhicule, il n'y a pas de mal, mais celles qui n'ont pas nécessairement besoin de le faire pourraient peut-être emprunter les transports en commun. Le but est d'offrir une gamme de solutions de transport aux Canadiens pour qu'ils puissent faire les choix qui leur conviennent le mieux. Le cas de chacun est différent, et les besoins varient d'une personne à l'autre.

Ces familles n'emprunteront pas nécessairement les transports en commun; cependant, comme je l'ai mentionné, l'aménagement axé sur les transports en commun vise les secteurs à la fois résidentiels et commerciaux à densité élevée, où les gens peuvent faire leur épicerie et se rendre au supermarché à pied ou à vélo.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'aimerais connaître votre opinion, à titre d'expert du domaine du transport collectif, sur la proposition de VIA Rail de dépenser 5,4 milliards de dollars pour augmenter par trois le nombre de passagers tout en réduisant les délais d'attente du transport en commun de 25 p. 100. Est-ce que ces chiffres sont réalistes?

M. Maheu : C'est une bonne question. Il faudrait la poser à VIA Rail. Avec le transport collectif, on peut travailler sur une base interurbaine, comme avec une ligne de train rapide VIA Rail dans le corridor Ottawa-Toronto-Windsor. Lorsque les trains arrivent dans les grandes villes, des stations pourraient être installées où le transport urbain pourrait cueillir les gens pour les transporter à leurs destinations.

[Traduction]

Le président : Merci. Nous vous en savons gré.

Dans la seconde partie de notre réunion, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants d'Hydro-Québec : France Lampron, directrice, Électrification des transports; et Louis Beauchemin, directeur principal, Gestion des filiales.

Avant de vous poser des questions, nous allons écouter vos présentations.

[Français]

Louis Beauchemin, directeur principal, Gestion des filiales, Hydro-Québec : Je vais vous donner, en quelques secondes, un petit aperçu d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a été créée en 1944 et la nationalisation des entreprises privées s'est terminée en 1963.

L'an dernier, Hydro-Québec a contribué aux finances publiques du Québec à hauteur 3,5 milliards de dollars. Elle compte parmi les plus grandes compagnies d'électricité au Canada, avec des revenus de 13,7 milliards de dollars. Elle est aussi parmi les plus importants producteurs d'énergie renouvelable au monde. Sa production représente près de 45 p. 100 de l'hydroélectricité produite partout au Canada.

Hydro-Québec produit, transporte et distribue l'électricité. Nous sommes actifs dans le domaine de l'électrification des transports depuis plus de 25 ans. Nous sommes un chef de file au Canada grâce à de nombreux projets pilotes, dont le déploiement du plus important réseau de recharge publique au pays — et nous en parlerons un peu plus tard.

Hydro-Québec offre les tarifs d'électricité les plus bas en Amérique du Nord. Nos priorités d'entreprise pour l'année 2020 sont de doubler nos revenus d'ici 15 ans, de devenir une référence en matière de service à la clientèle, de contribuer au développement économique et à la transition énergétique du Québec et de limiter les augmentations de tarifs à un niveau qui demeure sous l'inflation.

La mobilité est en train de changer complètement, non seulement au Québec et au Canada, mais à travers le monde. Vous voyez un peu, avec le graphique qui est devant vous, où on se dirige.

Les gens qui possèdent un véhicule personnel pourront le recharger en majorité à la maison. On dit que plus de 90 p. 100 des recharges se feront à la maison. Des gens utiliseront le transport public, d'autres non. Il y aura de plus en plus de voies réservées soit au transport public, comme les autobus, ou aux véhicules électriques. Certaines personnes qui n'auront pas de permis de conduire se déplaceront à l'aide de voitures autonomes. De plus, il sera facile de louer des voitures pour une heure, une journée ou pour le temps dont on a besoin, comme on le voit de plus en plus à Montréal.

Aujourd'hui, on compte environ 12 500 véhicules électriques au Québec, soit la moitié du nombre de véhicules électriques dans l'ensemble du Canada, même si le Québec ne représente que 23 p. 100 de la population du Canada. Une des raisons qui expliquent ce phénomène est l'avantage économique important qu'apportent les véhicules électriques. La consommation moyenne d'une Honda Civic, par exemple, est de 8,2 litres aux 100 kilomètres. Le tarif de l'essence aujourd'hui est d'environ 1,18 $ le litre. Cela nous donne un coût approximatif de 9,67 $ aux 100 kilomètres. Or, pour un véhicule électrique équivalent, le coût est de 1,98 $, ce qui représente une économie variant de 1 500 $ à 2 000 $ par année.

À titre exemple, je possède une voiture électrique hybride. J'ai fait le plein d'essence au mois d'août. Depuis ce temps, j'ai parcouru 2 000 kilomètres et il me reste la moitié du réservoir d'essence.

France Lampron, directrice, Électrification des transports, Hydro-Québec : J'aimerais vous donner un aperçu de ce que fait Hydro-Québec dans le domaine de l'électrification des transports. Nous travaillons activement depuis 25 ans en mobilité électrique. Toutefois, les activités ont repris avec plus de robustesse en 2009.

En 2009, pour la première fois, l'entreprise a inséré dans son plan stratégique quinquennal une section complète sur l'électrification des transports et un plan d'action. Au cours des années suivantes, cela a mené à plusieurs projets de démonstration de véhicules électriques. On se souviendra qu'en 2009, les véhicules électriques n'étaient pas disponibles sur le marché. Nous avons donc fait des projets de démonstration pour nous assurer que l'utilisation du véhicule électrique était viable dans un climat comme celui du Québec. La réponse a été retentissante : on n'a constaté aucun problème lié à l'utilisation d'une voiture électrique, même dans les journées les plus froides, à une température de -30 oC.

En 2012, nous avons lancé notre réseau de recharge publique qu'on appelle Circuit électrique. En 2014, on a poursuivi avec un corridor de recharge rapide sur l'autoroute 40, qui relie Montréal à Québec. En 2015, nous avons signé un partenariat avec la Ville de Montréal pour installer 1 000 bornes de recharge sur rue dans la métropole d'ici 2020. Ces bornes serviront à l'autopartage, aux conducteurs qui ne disposent pas de borne à la maison et au grand public. Nous disposons d'une centaine de bornes et cela devrait augmenter d'ici 2020. Nous devrions terminer l'année avec 800 bornes dans l'ensemble des régions du Québec, y compris une soixantaine de bornes de recharge rapide.

Cela vous donne un aperçu de ce que nous avons accompli au cours des dernières années. Maintenant, je vous explique ce qui s'en vient pour Hydro-Québec en termes de mobilité électrique. Actuellement, nous avons déployé des bornes de recharge rapide le long des autoroutes au Québec à raison d'une seule borne par emplacement. Toutefois, nous constatons qu'il y a de plus en plus de files d'attente dans certains endroits stratégiques. Nous devrons doubler le nombre de bornes de recharge et installer une station de l'avenir, ce qui ressemble à la Star Trek Enterprise. Nous voulons concevoir une station qui ressemblerait à une station-service conventionnelle, mais qui offrirait uniquement des bornes de recharge rapide. Une borne de recharge rapide, c'est 50 kilowatts. Elle permet de faire le plein en 20 minutes. Au fur et à mesure que les voitures auront de plus grosses batteries, il faudra des bornes de recharge de 100 kilowatts, 200 kilowatts, 300 kilowatts.

Voilà sur quoi nous travaillons en ce moment. L'an prochain, nous devrions avoir un prototype de cette station. En 2018, nous devrions commencer à les déployer un peu partout au Québec.

Nous avons mené un autre projet pilote sur les échanges d'énergie, soit le V2G/V2H. Le principe repose sur l'utilisation de l'énergie de la batterie du véhicule électrique pendant qu'il est garé à la maison, soit pour la réinjecter sur le réseau ou pour alimenter la maison en cas de panne de courant. Actuellement, nous disposons de 12 000 véhicules. C'est encore un petit nombre, mais si un jour nous disposons de 1 ou de 2 millions de véhicules, cela pourrait être un outil très intéressant pour gérer le réseau électrique.

Nous avons mené un projet pilote avec notre institut de recherche. Nous avons converti un véhicule conventionnel, un Jeep Compass, en véhicule électrique avec un chargeur bidirectionnel. Notre équipe de chercheurs a aussi développé une borne bidirectionnelle, ce qui a été une réussite. Nous n'avons aucun enjeu technologique, mais nous avons plutôt des enjeux commerciaux.

En ce qui concerne les transports collectifs, la solution n'est pas de remplacer tous les véhicules conventionnels par des véhicules électriques. Nous sommes convaincus que le transport collectif doit jouer un rôle important dans la réduction des émissions de GES et de la congestion des grandes villes. Nous contribuons financièrement à différents projets pilotes sur les transports collectifs, qui apparaissent sur la liste ici.

Nous menons un projet qui s'appelle Cité Mobilité, où trois autobus biberonnés de la Société de transport de Montréal (STM) devraient commencer à rouler dès le début de l'an prochain. Nous avons aussi un projet d'autobus hybride rechargeable, également biberonné, avec la Société de transport de Laval. À titre d'information, le mot biberonné signifie une recharge très rapide qui se fait en quelques minutes en début et en fin de parcours. Nous sommes aussi impliqués avec l'AVT. Cet organisme regroupe l'ensemble des sociétés de transport du Québec pour trouver les solutions électriques les plus intéressantes pour les sociétés de transport. En outre, nous collaborons avec la Caisse de dépôt dans le cadre de son projet de train électrique de 67 kilomètres dans la grande région métropolitaine. Enfin, par l'intermédiaire de notre filiale TM4, nous équiperons, cette année, 6 000 autobus en Chine avec des moteurs québécois développés à Boucherville.

En conclusion, vous en avez discuté avec les interlocuteurs qui nous ont précédés. Au Québec, 99 p. 100 de l'électricité est renouvelable. De toute évidence, le transport doit être électrique. C'est un carburant propre qui coûte beaucoup moins cher. Nous pouvons tirer profit d'une infrastructure existante, parce que les conducteurs rechargent leur batterie à la maison à 95 p. 100 du temps. Il y a déjà des prises de courant à la maison. C'est un avantage net pour la balance commerciale, et cela nous permet une plus grande indépendance énergétique.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. C'est un sujet qui nous intéresse beaucoup. C'est un défi pour Hydro-Québec de contribuer au monde entier.

La lacune qui existe toujours, c'est la gamme de voitures auxquelles on a accès pour éviter la combustion à moteur. Vous avez investi des centaines de millions de dollars sur le plan technologique. Trouvera-t-on bientôt la batterie miracle? Sommes-nous prêts? D'ici 10 ans, croyez-vous que nous découvrirons une batterie qui utilisera beaucoup d'énergie pour produire toutes sortes de solutions?

M. Beauchemin : J'aimerais d'abord répondre à une question que le président a posée plus tôt. Les batteries, dans le monde, représentent environ de 350 $ à 500 $ par kilowatt/heure en termes de coût de production. Hydro-Québec fait énormément de recherche depuis plus de 25 ans sur les batteries, particulièrement pour les réseaux électriques. Dans quelques mois, nous installerons deux batteries qui apporteront 1 200 mégawatts/heure sur notre réseau électrique à Hemmingford.

Il arrive un moment où il ne sera plus nécessaire d'avoir une autonomie de plus en plus grande, parce que l'une des solutions sera de prévoir des stations-service comme celles d'Esso, de Shell ou de Petro-Canada à de courtes distances. Aujourd'hui, je roule souvent 100 p. 100 grâce à de l'énergie électrique, mais je sais où se trouvent les bornes et, en 20 minutes, ma voiture est rechargée. C'est sûr qu'il faut plus de 10 minutes pour faire le plein, mais c'est juste 10 minutes de plus.

Le sénateur Massicotte : Je comprends votre solution, mais j'ai fait l'exercice récemment. Je pars d'un point X pour me rendre en Californie, par exemple. C'est très difficile de planifier le voyage. Ça serait possible avec une batterie qui pourrait nous permettre de rouler quatre ou cinq heures sans arrêter, comme un réservoir d'essence. La technologie va- t-elle nous le permettre?

M. Beauchemin : En janvier 2017, on pourra s'acheter une Volt de Chevrolet qui aura une autonomie d'environ 380 kilomètres, ce qui est très suffisant.

Le sénateur Massicotte : C'est toujours orienté vers les petites voitures. La batterie sera-t-elle assez forte pour les camions, les autobus?

M. Beauchemin : On parle beaucoup des véhicules personnels, mais ce sont les autobus et les taxis qui en tireront avantage. Par exemple, à Montréal, la compagnie Téo Taxi dispose de plus de 100 taxis qui sont électriques à 100 p. 100, ce qui leur fait réaliser de grandes économies. Pour un taxi qui parcourt en moyenne 250 kilomètres par jour, ça représente 25 $ d'essence par jour. L'électricité lui coûte environ 4 $. Le propriétaire est un bon comptable et non un visionnaire. De toute évidence, il économisera.

Le sénateur Massicotte : Sur votre carte, on indique les projections pour l'avenir avec des voitures sans conducteur. Où en seront les transports collectifs dans 10 ans?

Mme Lampron : C'est un peu ce qui est communiqué dans l'illustration tirée du rapport de Mackenzie. Notre modèle actuel, où chaque conducteur possède son véhicule personnel, n'est pas viable à long terme. On le voit dans tous les grands centres-villes du monde, les conducteurs sont embourbés dans la congestion, et il y a de graves problèmes au niveau de la qualité de l'air. Il faut repenser nos centres-villes.

Je ne sais pas si c'est 5, 10, ou 15 ans, je n'ai pas de boule de cristal, mais il est certain que, à l'avenir, les véhicules autonomes joueront un grand rôle dans la mobilité. Tous les constructeurs automobiles ont un projet de véhicule autonome à l'heure actuelle. Ce sera intéressant à suivre. Ce seront des véhicules partagés. L'économie du partage est en train de percer dans à peu près tous les domaines, ainsi que dans la mobilité. On peut penser qu'il y aura beaucoup de partage de mobilité, et on espère également un système de transport collectif plus robuste. Cela aura deux effets, soit d'éliminer les gaz à effet de serre et la congestion, deux problèmes criants aujourd'hui dans nos centres-villes.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Nous devrions vraiment féliciter Hydro-Québec pour la vision et les investissements que vous avez faits dans l'intégration, du moins à l'échelle régionale, de nos plans en vue de réduire l'empreinte carbone au Québec. Je suis certaine que votre leadership est évident au Canada et probablement aussi dans le monde entier.

Nous devrions aussi remercier un de nos anciens premiers ministres, Robert Bourassa, qui a eu énormément de vision lorsqu'il a investi dans l'infrastructure hydroélectrique ou les barrages dans le Nord. Les gens ont peut-être pensé qu'il était un peu fou à l'époque, mais manifestement, ce n'était pas le cas.

J'aimerais parler de la question de l'infrastructure, car vous y avez fait allusion de façon précise en ce qui concerne les voitures électriques. Nous avons entendu dire que l'infrastructure était vieillissante, que cela représentait peut-être un des plus grands défis et qu'il faudrait y investir des sommes importantes. Et je sais qu'Hydro-Québec participe actuellement à une étude de faisabilité menée par les responsables des transports en commun pour déterminer quelles sont les infrastructures électriques dont nous avons besoin et dans quelle mesure Hydro-Québec pourrait y investir. Pouvez-vous nous donner un survol du niveau d'investissement nécessaire pour mener à bien cette électrification des transports en commun au Québec?

M. Beauchemin : Je ne vais pas vous donner de réponse concernant le coût de l'infrastructure en général, mais l'électrification coûte beaucoup moins cher en réalité que les gens ne pensent. Nous avons constaté que nous n'aurons payé que la moitié de 60 des 800 bornes de recharge que nous aurons installées d'ici la fin de l'année. Nous avons plus de 150 ou de 160 partenaires à l'heure actuelle. Nous avons été le plus bas soumissionnaire pour un projet en vue d'installer des bornes de recharge dans le nord-est ontarien, y compris à Cornwall et à Ottawa. Le projet est en cours, et nous devons l'avoir terminé d'ici la fin mars. La quasi-totalité du travail est effectuée par des partenaires qui voient l'avantage d'avoir une borne de recharge, pour laquelle ils pourront ensuite imposer les coûts qu'ils veulent : 1 $ l'heure, 2,50 $ par jour ou 10 $ l'heure si les bornes chargent rapidement. Ils savent qu'ils attireront des gens au Tim Hortons ou au St-Hubert ou à leur centre commercial. C'est une formule gagnante. Lorsque je vais au cinéma, je choisis habituellement un endroit doté d'une borne de recharge pour pouvoir charger mon véhicule pendant le film.

Notre budget se situe autour de 1,5 million de dollars par année, peut-être même moins. Nous avons déjà 800 bornes de recharge et nous en aurons 2 500 dans deux ans. Les coûts, qui ont été assez peu élevés, englobent le personnel, la main-d'œuvre et tout.

La sénatrice Seidman : Je vais parler de ma propre situation. J'ai une voiture hybride et je l'adore quand je conduis en ville. Je constate à quel point elle est silencieuse et elle n'utilise pas une once de carburant. Cela me procure une immense satisfaction pour bien des raisons.

Cela dit, je viens en voiture à Ottawa, si bien que j'utilise de l'essence pour faire le voyage. Si j'en juge par votre présentation, il y aura un jour des batteries assez performantes et suffisamment de bornes de recharge pour permettre à des gens comme moi qui conduisent à la fois en ville et sur les autoroutes d'utiliser une automobile sans essence.

M. Beauchemin : Peut-être que c'est Mme Lampron qui devrait répondre, mais les automobiles évolueront. Nous n'en sommes qu'au début, alors c'est encore compliqué. Pour vous rendre en Californie à partir d'Ottawa, vous allez traverser une zone neutre où il n'y aura pas d'électrification, ce qui pourrait être différent dans cinq ou dix ans, mais au Québec, vous pouvez aller pas mal partout en vous alimentant seulement à l'électricité.

Mme Lampron : Un des principaux obstacles que présentent les voitures électriques est le prix des batteries. En 2008, lorsque j'ai commencé à travailler dans la division de l'électrification des transports, elles coûtaient 1 000 $ le kilowatt/ heure. Maintenant, le prix a baissé à 350 $, et on estime que d'ici la fin de 2030, nous serons rendus à 50 $ ou à 60 $ le kilowatt/heure. Nous avons surmonté cet obstacle et nous serons en mesure d'avoir de plus grandes batteries à un prix raisonnable.

En janvier ou février, je crois, nous aurons au Canada la première automobile abordable dotée d'une capacité de 400 kilomètres. Elle existe, et je crois que nous l'aurons très bientôt. Avant longtemps, vous serez en mesure de parcourir la distance entre Montréal et Ottawa sans vous inquiéter, et je dois mentionner que, au cours des prochaines semaines, nous installerons une borne de recharge rapide à Casselman, ce qui sera très utile. Cela s'en vient vraiment.

La sénatrice Ringuette : Ma première question enchaîne sur ce que disait la sénatrice Seidman. Pourquoi semble-t-il que les responsables des bornes de recharge ne peuvent travailler en partenariat avec les propriétaires de stations- service où tout le monde a l'habitude de s'arrêter pour faire le plein?

Mme Lampron : C'est une très bonne question. Nous sommes en pourparlers avec un certain nombre de sociétés pétrolières maintenant qu'elles s'intéressent aux transports électriques. Il leur a fallu du temps, et peut-être un peu de déni, mais elles y arrivent, si bien que nous discutons avec un certain nombre d'entre elles. Il s'agit de longues discussions, par contre. Nous espérons qu'en 2017, vous commencerez à voir des bornes de recharge rapide apparaître dans les stations-service partout au Québec.

La sénatrice Ringuette : Mon autre question très importante est que depuis le début de cette étude, nous entendons deux scénarios différents de la part des témoins. D'un côté, on dit qu'il nous faudra investir des sommes énormes pour construire de nouvelles installations hydroélectriques afin de répondre à la demande future d'électricité et, de l'autre, on affirme que les installations dont on dispose sont capables de répondre aux besoins des Canadiens jusqu'en 2040.

Que pensez-vous de l'offre au Québec? Je ne m'attends pas à ce que vous ayez mené l'étude à l'échelle nationale; ou peut-être que vous l'avez fait?

Mme Lampron : Au Québec, c'est facile parce que, en ce moment, nous avons des excédents, et même quand nous n'en avions pas, il y a quelques années, nous avons mené une étude des répercussions sur le réseau. Elle a révélé que nous pouvions alimenter un million de véhicules électriques avec notre installation actuelle, sans devoir faire de nouvel investissement.

C'est une situation du Québec...

M. Beauchemin : En fait, on pourrait en approvisionner plus d'un million.

Mme Lampron : Probablement plus, mais nous en avons 12 000, alors nous avons un peu de marge entre les deux.

La sénatrice Ringuette : À l'échelle nationale, quel est le... vous ne savez pas?

Mme Lampron : Comme je l'ai dit, nous sommes des spécialistes de la situation au Québec. Nous collaborons avec des organismes nationaux qui s'intéressent aux transports et à l'électrification, mais je n'entends pas dire qu'il existe un problème important.

La pénétration des véhicules électriques se fait graduellement, si bien que nous avons suffisamment de préavis pour répondre à la demande d'électricité. C'est ce que nous entendons dire, mais, au Québec, je sais pertinemment qu'il n'y a aucun problème.

La sénatrice Ringuette : Votre excédent actuel et les besoins des prochaines décennies se traduiront-ils par une réduction des exportations d'Hydro-Québec vers le marché étatsunien?

M. Beauchemin : En ce moment, à l'échelle mondiale, lorsque les gens utilisent des ampoules DEL, cela ne change pas grand-chose, mais ils voient une amélioration. Cependant, lorsque 20 millions de personnes le font, la consommation baisse réellement. Voilà pourquoi nous avons été en mesure d'en vendre davantage.

En outre, l'industrie consomme de moins en moins, car les usines ferment ou elles optimisent leurs opérations.

Pour répondre à votre question, nous avons un groupe de personnes à Hydro-Québec qui font des prévisions à long terme, pour le Québec, le reste du monde et l'Amérique du Nord. Une source d'énergie qui gagne en importance est l'énergie solaire. Avec ce type d'énergie, qui n'émet aucun gaz à effet de serre, vous aurez besoin de ces méga-batteries. Voilà ce à quoi nous travaillons.

La demande est à son maximum à 18 heures lorsque le soleil est couché et que tout le monde rentre à la maison et allume la télévision. Nous en sommes conscients. Cependant, ce type d'énergie sera de plus en plus utilisé et il sera concurrentiel — pas dans cinq ans, mais peut-être dans 10 ou 15 ans, même au Québec. Nous en sommes convaincus.

Le président : Attendez, sénatrice Ringuette. Je vais vous mettre sur la liste d'intervenants pour la deuxième série de questions.

Le sénateur Lang : Juste quelques points. Vous avez fait une très bonne présentation qui nous a donné un bon aperçu de la direction que nous prenons.

Premièrement, j'aimerais vous poser une question pragmatique en référence à ce que le président a mentionné. Lorsque vous avez votre voiture électrique et que vous la branchez pendant que vous êtes au cinéma, si vous arrivez avant moi, où puis-je brancher la mienne?

M. Beauchemin : Le week-end dernier, il y avait deux places, alors il y en avait aussi une pour vous.

Le sénateur Lang : Sérieusement, je veux comprendre : tout le monde va se retrouver au même endroit au même moment. Est-il possible pour 50 personnes de brancher leur auto?

Mme Lampron : Une des choses que nous oublions toujours — et je conduis aussi une voiture électrique — est que les 95 p. 100 de la recharge se font à la maison. Pour prendre votre...

Le sénateur Lang : Cependant, je dois investir dans un certain type de branchement à la maison pour pouvoir le faire, n'est-ce pas?

Mme Lampron : Non, vous pouvez simplement utiliser une prise murale régulière. Cela prend plus de temps parce que c'est seulement 120 volts. Pour recharger une voiture plus rapidement, par exemple, j'ai une borne de recharge de 240 volts à la maison. Elle coûte environ 1 000 $ à installer.

Le sénateur Lang : Combien de temps faut-il pour recharger une voiture — huit heures?

Mme Lampron : Cela dépend de la batterie. Dans mon cas, j'ai une Chevy Volt, et il me faut trois heures.

M. Beauchemin : Mais dans un mur, il faudrait six heures.

Le sénateur Lang : Je ne comprends pas ce concept de la borne de recharge. S'il faut 20 minutes pour recharger un véhicule, il y aura beaucoup de ces bornes de recharge pour attirer les gens. Je ne vais pas m'asseoir et attendre après Pierre, Jean, Jacques.

M. Beauchemin : Nous en faisons le suivi. À titre d'exemple, si vous allez de Montréal à Québec, Drummondville se situe à mi-chemin. C'est là que se trouve notre borne de recharge la plus utilisée. En octobre, il y a eu un peu plus de 345 recharges.

Le sénateur Lang : Par jour.

M. Beauchemin : Non, par mois, mais cela représente quand même 10 recharges par jour, alors il doit y avoir des moments où les gens attendent. En conséquence, nous allons en installer une autre.

Nous suivons la demande.

Le sénateur Lang : Je sais. Je veux simplement comprendre comment cela fonctionne, car vous aurez un million de personnes en file.

M. Beauchemin : Nous serons prêts.

Le sénateur Lang : Il est ici question de véhicules électriques, mais ma collègue, la sénatrice Seidman, a parlé de véhicules hybrides. Combien de véhicules hybrides en circulation carburent à l'essence ou à l'électricité?

Mme Lampron : Il existe, en fait, deux types de véhicules hybrides : les conventionnels qu'on ne branche pas dans un mur, alors nous ne les comptons pas...

Le sénateur Lang : Où les branche-t-on?

Mme Lampron : On ne les branche pas.

Le sénateur Lang : Oh, ils fonctionnent à batterie.

Mme Lampron : Oui, et ils ont seulement peut-être une capacité d'un kilomètre. Ils vous laissent commencer à l'électricité, et ensuite, vous carburez à l'essence dès que vous prenez de la vitesse.

Alors nous ne les comptons pas. Nous comptons seulement ce que nous appelons les véhicules rechargeables. C'est intéressant, car avant, il semblait y avoir une majorité de véhicules hybrides rechargeables et une minorité de véhicules entièrement électriques, mais maintenant, la tendance est en train de s'inverser. À l'heure actuelle, c'est environ 50-50; des 12 000 véhicules, environ la moitié sont des hybrides rechargeables et l'autre, des véhicules entièrement électriques, alors nous observons une tendance. Lorsque nous regardons du côté des États-Unis, la tendance est la même : les véhicules entièrement électriques prennent le dessus.

Voilà ce que nous envisageons, surtout avec les véhicules entièrement électriques qui auront une capacité de près de 400 kilomètres. Je dois vous dire que les personnes qui conduisent des véhicules hybrides rechargeables comme Louis et moi sont des maniaques. Nous ne voulons pas mettre d'essence dans l'auto, alors nous faisons tout ce que nous pouvons pour carburer à l'électricité. C'est assez facile quand on va de la maison au bureau. Il n'est pas nécessaire d'utiliser de l'essence.

Le sénateur Lang : J'aimerais passer à la question des batteries. Nous en parlons comme si elles étaient apparues de nulle part, ce qui n'est pas le cas. Du point de vue de l'exploitation des ressources, leur fabrication requiert divers minéraux. Peut-être que vous pouvez vous prononcer là-dessus, car il existe une autre variable ici au plan environnemental si l'on songe aux produits de base nécessaires à leur fabrication.

Où les obtenons-nous, et dispose-t-on de suffisamment de ressources pour approvisionner ces millions de voitures?

M. Beauchemin : La réponse brève est oui, il y en a suffisamment. Il existe différents types de batteries et de compositions chimiques, mais la plupart sont fabriquées à base de lithium. Il s'agit d'un minerai qu'on retrouve en grande quantité au Canada, au Chili, en Chine et dans d'autres pays, alors il n'y a pas de pénurie. Ces batteries peuvent toutes être recyclées. Elles doivent être dissoutes et réactivées; l'élément ne disparaît pas, mais il faut rafraîchir la chose. En conséquence, cela n'a pas posé problème.

[Français]

La sénatrice Fraser : Je veux appuyer la sénatrice Seidman quand elle parle en fière Québécoise, car moi aussi, je suis très fière du travail d'Hydro-Québec depuis des décennies, surtout en ce qui concerne les prix. Quand j'ai acheté un petit condo à Ottawa, j'ai eu un choc et j'ai appelé la compagnie en pensant que ma facture était erronée. J'ai appris à Ottawa comment économiser l'électricité.

Il y a déjà 12 500 véhicules électriques. Votre but, c'est qu'il y en ait 100 000 en 2020 d'ici quatre ans, ou trois ans et deux mois.

M. Beauchemin : Oui.

La sénatrice Fraser : Est-ce qu'on va y arriver?

M. Beauchemin : Le Canadien va gagner la Coupe Stanley cette année.

La sénatrice Fraser : Mais sérieusement.

M. Beauchemin : Pour être franc, pour vous donner des éléments très pragmatiques, plus le prix de l'essence augmentera, plus cela nous aidera. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des incitations à l'achat, cela va aider. Le gouvernement du Québec offre 8 000 $ pour tout achat d'un véhicule qui est un plug-in avec une autonomie d'au moins —

La sénatrice Fraser : Hybride aussi?

M. Beauchemin : Oui, mais il faut un critère minimum de 20 kilomètres.

Mme Lampron : C'est 16 kilowatts/heure.

M. Beauchemin : Le gouvernement du Québec s'est fixé un objectif de 1 million de véhicules électriques en 2030. Tous les gens qui ont eu ou qui ont aujourd'hui un véhicule électrique ou hybride plug-in ne retourneront pas au moteur à combustion. C'est fini pour la vie. Ces gens sont convertis et cela va aller en augmentant.

La sénatrice Fraser : D'ici les 100 000 véhicules, soyons conservateurs, quels seront les effets sur les GES?

Mme Lampron : Les hypothèses sont les suivantes : on remplace un véhicule équivalent par un véhicule tout électrique et on parle d'une moyenne de 20 000 kilomètres par année. Chaque véhicule représente des réductions de 3,5 tonnes de CO2.

La sénatrice Fraser : Donc, si je multiplie par 100 000...

M. Beauchemin : C'est 350 000 tonnes de GES.

La sénatrice Fraser : Ce n'est pas négligeable.

M. Beauchemin : En effet. L'autre avantage, par exemple, pour le Québec, c'est qu'il devient un client intéressant, parce que nous calculons que 1 million de véhicules électriques équivalent à trois térawattheures, soit à environ 300 millions de dollars de revenus pour Hydro-Québec qui restent à 100 p. 100 à l'intérieur du Québec, et ce sera la même chose pour les autres provinces. Au chapitre économique, c'est très dynamique, c'est très positif. C'est un gagnant- gagnant-gagnant.

Le sénateur Mockler : Vous êtes certainement sur la bonne piste, comme on dit chez nous, au Nouveau-Brunswick. D'après ce que je vois, 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre sont produites par les véhicules routiers au pays.

Vous faites partie d'un réseau qui va toucher beaucoup de monde; lorsque vous dites 3,5 tonnes, c'est important. Vous êtes des chefs de file dans ce domaine et je ne le remets pas en question, mais comment vous comparez-vous avec d'autres régions du monde, en particulier avec la Californie?

M. Beauchemin : La Californie a utilisé un peu moins la carotte et davantage le bâton pour les manufacturiers automobiles. Un certain pourcentage de véhicules à zéro émission doit être vendu pour les manufacturiers, et il y a la mentalité. Je n'ai pas toutes les statistiques de tous les pays.

Mme Lampron : En fait, il faut se comparer en termes de pourcentage. Notre marché est beaucoup plus petit que celui de la Californie qui, lui, est plus gros que celui du Canada. Donc, nous sommes parmi les chefs de file en termes de pourcentage de véhicules vendus.

Les leaders vraiment incontestés à travers le monde sont la Norvège, les Pays-Bas et la Californie. Ils ont mis des moyens assez impressionnants pour transformer leur parc de véhicules. Il y a même des discussions pour interdire le véhicule à combustion interne à un horizon de 2030. Ce sont des discussions qui sont en cours à l'heure actuelle dans certaines juridictions, comme les Pays-Bas et la Norvège.

M. Beauchemin : Je crois que le pourcentage de véhicules électriques vendus en Norvège aujourd'hui est de plus de 12 p. 100.

Le sénateur Mockler : Êtes-vous venus ici avec votre voiture électrique?

M. Beauchemin : Non, nous avons pris le train; qui est aussi économique.

Le sénateur Mockler : J'ai eu l'occasion d'essayer une Tesla, à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Quelle est la différence entre votre technologie d'électricité totale et celle de la Tesla, qui est à pile?

Mme Lampron : Nous ne fabriquons ni voitures ni piles. La différence entre la Tesla et le reste du monde, c'est le standard de recharge. Tous les véhicules rechargeables, qu'ils soient hybrides ou complètement électriques, utilisent les mêmes standards de recharge. On les appelle J1772, CHAdeMO ou COMBO. Tout le monde utilise ces standards. Tesla a son propre standard de recharge. Donc, elle a besoin de sa propre infrastructure de recharge. Les propriétaires de Tesla peuvent acheter un adaptateur pour se recharger sur nos bornes, et ils le font, parce que nos bornes sont beaucoup plus fréquentes que celles de Tesla. C'est la grande différence entre les deux. Tesla offre une pile de 85 kilowatts/heure et plus, d'où elle tire sa grande autonomie, mais elle a un coût. Tout le monde ne peut pas se permettre de payer 85 fois 350 $. C'est un coût assez important. C'est là où se situent les différences.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Nous avons fait allusion à la Californie et à d'autres endroits dans le monde, et je pense que nous devons faire attention à qui nous nous comparons. Hydro-Québec est bien placée, car elle offre de l'énergie renouvelable — l'électricité, et je pense que la Colombie-Britannique serait dans la même situation compte tenu de la vision à long terme qu'ont eu les premiers ministres précédents et qu'ils ont eu la capacité de mettre en œuvre. Il serait difficile, sinon impossible, de bâtir la même société hydroélectrique aujourd'hui, selon l'endroit où elle se trouve.

Ce que j'essaie de souligner, c'est qu'un État comme la Californie, par exemple, importe une grande partie de l'électricité qu'il consomme, et qu'une importante proportion de cette électricité provient de centrales au charbon. Si l'on fait une comparaison sur le plan environnemental, à quoi cela revient-il? Et maintenant, tout d'un coup, la Californie se retrouve avec des véhicules électriques, et il lui faut compter sur une industrie du charbon en expansion pour produire l'énergie dont elle a besoin. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

M. Beauchemin : Je ne connais pas tous les chiffres par cœur, mais nous pourrons vous les faire parvenir. Les générations plus récentes de centrales au charbon sont tout de même plus propres, mieux conçues et plus efficientes sur le plan énergétique que la combustion qui se produit dans le moteur d'une voiture. Les économies ne sont assurément pas celles que l'on pourrait réaliser si l'électricité provenait d'un barrage hydroélectrique, nous sommes tous d'accord là-dessus, mais c'est quand même mieux que ce que c'était, surtout si votre centrale est équipée d'un épurateur et d'autres choses du genre.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre excellent exposé.

Pourriez-vous nous en dire plus long sur la recharge bidirectionnelle que vous avez évoquée, de ce système où l'énergie alimenterait le réseau en quelque sorte?

Mme Lampron : Nous appelons cela V2G, pour « vehicle-to-grid ». Il s'agit d'un branchement entre la voiture électrique et le réseau électrique de la province ou, dans le cas de V2H, d'un branchement entre la voiture électrique et la maison. Les voitures électriques vendues à l'heure actuelle ne sont pas bidirectionnelles. Vous pouvez les alimenter en énergie, mais vous ne pouvez pas en tirer de l'énergie — à part le fait de pouvoir les conduire, bien entendu. Les voitures bidirectionnelles ne sont pas encore sur le marché, mais elles s'en viennent. Nous savons qu'au Japon, il y a beaucoup de voitures qui peuvent désormais transférer à un foyer une partie de l'énergie qu'elles génèrent. Les configurations de ce type ont gagné en importance depuis le tsunami d'il y a quelques années. La société Mitsubishi a été très active dans ce domaine. Elle vend un dispositif qui permet de prendre l'électricité d'une batterie et de l'injecter dans le système électrique d'une maison lorsqu'il y a une panne de courant. Cela n'est pas encore commercialisé à grande échelle, mais des démonstrations sont en cours en Europe, aux États-Unis et à la Barbade. Ce type de technologie suscite de l'intérêt chez beaucoup de gens.

Le sénateur Patterson : Le Québec accorde une importante remise — 8 000 $ — à l'achat d'un véhicule électrique et 600 $ à l'achat d'une borne de recharge à domicile de 240 volts. Il y a aussi cet objectif d'un million de véhicules électriques.

Les gens qui achètent ces véhicules et qui profitent de ces mesures incitatives sont-ils surtout des gens aisés? Sur le plan social, ces mesures sont-elles équitables?

M. Beauchemin : Je ne connais pas les chiffres à ce sujet.

Mme Lampron : Au Québec, il y a l'AVÉQ, une association de propriétaires de voitures électriques. Or, cet organisme a fait le profil des chauffeurs de véhicule électrique types. Oui, ce sont effectivement des gens qui ont des revenus élevés puisqu'à l'heure actuelle, le prix des voitures électriques oscille entre 30 000 et 40 000 $, mais ce ne sont pas des milliardaires. Ce sont des gens ordinaires. J'en connais même qui avaient une Honda Fit et qui l'ont échangée pour une Tesla parce qu'ils voulaient profiter de ces économies. Ce sont des économies très alléchantes lorsque vous conduisez beaucoup.

Au Québec, les chauffeurs de véhicules électriques viennent de toutes les classes sociales.

Le sénateur Patterson : Je ne suis pas au courant de ce qui se passe au Québec. Depuis que les lignes aériennes pour le nord ont changé, mes déplacements se font surtout en Ontario. J'ai entendu dire que la circulation à Montréal est un véritable cauchemar, et je ne sais pas s'il s'agit d'une exagération.

Aujourd'hui, vous avez parlé de véhicules individuels, mais qu'en est-il du transport en commun et des camions? Y a-t-il eu des progrès? On nous a informés que l'industrie du camionnage était lente à adopter les véhicules électriques. Pourriez-vous parler de ce problème de congestion et de l'aide que l'électrification pourrait apporter à cet égard?

M. Beauchemin : Dans le centre-ville, à l'heure de pointe, c'est un gâchis. Montréal est une île. Je ne suis pas certain que le mot « cauchemar » soit le terme approprié, mais oui, la situation est déplorable.

Nos travaux des dernières années portent surtout sur les véhicules privés. Je suis fortement persuadé qu'il y aura beaucoup plus de petits véhicules de livraison dans l'avenir, et que ces personnes ont d'excellentes raisons financières de faire la transition.

Nous avons présentement un programme avec Purolator. Plus vous conduisez, plus vous économisez et, croyez-moi, ces gens-là ne le font pas pour sauver la planète, mais bien pour économiser de l'argent.

C'est la même chose qui se produit pour le programme que nous avons avec la compagnie d'autobus de Laval. On m'a dit qu'un autobus consomme 55 litres de carburant au 100 kilomètres, alors la compagnie le fait pour économiser. Sur le plan financier, c'est tout à fait sensé. Étant donné les énormes économies que permet cette transition, je suis convaincu que tout le monde va finir par se tourner vers cela, y compris Postes Canada. C'est dans le carburant que passe le gros de l'argent, puisque ces camions parcourent beaucoup de kilomètres.

Le sénateur Lang : Pourquoi devez-vous les aider financièrement?

Le sénateur MacDonald : Voilà un sujet qui ne manque pas d'intérêt. Il y a aussi de grands avantages structurels qui peuvent être appliqués — ce qui présente aussi un avantage pour le pays — afin d'appuyer cette technologie et l'utilisation qu'on en fait.

Je pense aux stations de l'avenir et aux infrastructures connexes. Le Québec se contentera-t-il de fournir l'électricité, ou y a-t-il une possibilité pour lui de monter aux premières lignes quant au développement de l'ensemble des infrastructures? Qui fournira les infrastructures pour ces bornes de recharge? Viendront-elles de la Californie ou d'ailleurs? Sommes-nous en train de rater une occasion de créer un nouveau modèle d'affaires?

M. Beauchemin : Nous tentons sérieusement d'augmenter le contenu québécois et le contenu canadien, mais si nous avons besoin de quelque chose qui n'existe pas ici, nous allons le chercher ailleurs.

Dans un autre ordre d'idées, disons par exemple que nous travaillons sur des batteries. Nous croyons que c'est un domaine très chaud à l'heure actuelle, mais c'est un tout autre sujet. Nous avons un projet conjoint avec Sony, parce que Sony a 8 000 employés alors que nous n'en avons qu'environ 100. Nous avons signé une entente. Nous travaillons ensemble et nous intégrons ces batteries au réseau. Les brevets appartiennent à Hydro-Québec, mais c'est Sony qui a ce qu'il faut pour les fabriquer, et il en va de même pour la station de l'avenir.

Le sénateur MacDonald : C'est exactement de cela que je parle.

Mme Lampron : À l'heure actuelle, ce que nous déployons comme infrastructures publiques de recharge est fabriqué par une entreprise de Québec. La fabrication proprement dite se fait à Shawinigan, au Québec...

M. Beauchemin : ... avec de l'aluminium du Québec...

Mme Lampron : ... ce qui signifie que nous intégrons les produits locaux.

Nous travaillons avec des demandes de propositions, ce qui nous permet de choisir la meilleure technologie et, présentement, les meilleures bornes de recharge viennent du Québec. Si les choses changent, nous devrons nous adapter, mais pour l'instant, les bornes sont fabriquées ici, au Canada.

Le président : Il va sans dire que la station de bornes de recharge rapide à courant continu est esthétiquement très attrayante. Vous dites qu'elle sera fonctionnelle d'ici 2017-2018. S'agit-il d'un investissement d'Hydro-Québec? Êtes- vous le seul maître d'œuvre ou avez-vous, comme vous le dites, de multiples partenaires?

M. Beauchemin : Nous souhaitons que le chauffeur ait une expérience formidable. Nous voulons qu'il puisse y trouver un café meilleur qu'ailleurs et l'Internet gratuit. Cependant, nous ne savons pas encore qui fournira le terrain, alors nous travaillons beaucoup dans le cadre de partenariats. Je ne sais pas encore quel pourcentage Hydro-Québec a l'intention d'assumer. Ce sera peut-être beaucoup, mais nous sommes ouverts à cela. Nous travaillons là-dessus présentement. L'année 2017 arrive à grands pas.

Le président : Elle arrive à grands pas. J'allais justement dire que c'est bientôt Noël, et que, pour autant que je sache, 2017 arrive tout de suite après.

Il y a autre chose dont nous avons parlé qui m'intéresse. Si la réponse s'annonce trop longue, je vais vous demander de la faire parvenir à notre greffière.

Je tiens seulement à dire que je suis heureux que la Colombie-Britannique ait eu William Andrew Cecil Bennett comme premier ministre dans les années 1960, à peu près à la même époque. Il a nationalisé toutes les entreprises privées, ce qui fait que nous avons maintenant BC Hydro, qui n'a pas la même envergure qu'Hydro-Québec, mais qui est essentiellement pareille.

Vous dites que vous allez doubler vos revenus d'ici 15 ans et que vous allez limiter l'augmentation des tarifs pour qu'elle soit inférieure ou égale à l'inflation. Dans quoi d'autre comptez-vous investir?

M. Beauchemin : Nous avons présenté une soumission pour un service public en France, et nous examinons des services publics aux États-Unis et en Amérique du Sud. Nous avons des gens qui sont au Pérou en ce moment. L'idée est d'exporter nos compétences en matière de gestion et l'argent des caisses de retraite de sociétés canadiennes.

Le président : Voilà qui répond très bien à ma question.

L'autre chose au sujet de laquelle je mets les gens en garde, c'est qu'il faut être prudents lorsqu'on se compare aux autres pays, notamment quand il s'agit de la Norvège. C'est un endroit formidable. J'y suis allé. Assurez-vous cependant d'avoir de l'argent plein les poches, parce que tout coûte très cher. La Norvège n'a que 5 millions d'habitants. C'est moins que la population du Québec. Du reste, vous pourriez mettre la Norvège dans un coin du Québec et vous auriez de la difficulté à la voir. Quoi qu'il en soit, les différences sont énormes. Je sais que la Norvège a cent mille kilomètres de routes, et le Canada, plus d'un million, ce qui est un écart de taille. C'est un pays formidable et qui fait de grandes choses. J'ai été en mesure de l'apprécier.

La sénatrice Seidman : J'aimerais vous poser des questions au sujet du sondage CROP-La Presse qui a été publié récemment relativement à une enquête effectuée entre 2011 et 2016. On aurait pu s'attendre à ce que l'attitude de la population quant à l'idée de se procurer une voiture électrique dans les prochaines années évolue davantage que ce qui a été constaté, mais l'ouverture à cet égard est étonnamment restée à peu près inchangée au cours de cette période. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

Mme Lampron : Lorsqu'il s'agit de faire la promotion des véhicules électriques, trois choses doivent être faites. Il y a d'abord les remises. Ensuite, il y a les infrastructures, et nous sommes en train d'y travailler.

Ensuite, il y a les communications, et c'est là où nous ne sommes pas à la hauteur. Nous devons travailler davantage sur les communications publiques, sur l'éducation du public. C'est l'aspect où le Québec se débrouille moins bien. C'est vraiment surprenant. Je fais des exposés là-dessus depuis huit ans, et je n'ai jamais dépassé le niveau 101. Les gens ne connaissent toujours pas les notions de base au sujet des véhicules électriques. C'est à cela que nous devons nous attaquer au cours de l'année qui vient.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Nous sommes chanceux au Québec d'avoir Hydro-Québec, mais aussi une géographie qui nous permet d'avoir ces avantages.

Est-ce que je me trompe quand je dis qu'Hydro-Québec prévoit une diminution de 2 ou 3 p. 100 de sa demande, malgré toute cette opportunité? J'ai de la difficulté à comprendre qu'elle dépende autant de l'exportation.

M. Beauchemin : Je ne n'étais pas tout à fait préparé à répondre à ce type de question. La demande industrielle va diminuer, mais la demande des particuliers dans les maisons et les appartements va augmenter avec l'immigration et les besoins. On construit La Romaine en ce moment, on vise le domaine de l'énergie solaire, et on a déjà de l'énergie éolienne. On aura 30 térawatts/heure par année qui seront disponibles à l'exportation.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : J'ai été heureuse d'apprendre que les analystes d'Hydro-Québec entrevoient un bel avenir à l'énergie solaire. Je me demandais si notre comité pourrait inviter ces analystes pour qu'ils nous parlent de leurs recherches et de l'avenir qu'ils pressentent pour cette technologie.

M. Beauchemin : Bien entendu.

Le sénateur Mockler : Avec ce rapport, vous avez la possibilité de formuler des recommandations à l'intention des gouvernements. Pour donner suite à une question de la sénatrice Seidman, que pourriez-vous nous recommander pour faire l'éducation des gens et pour les rendre plus réceptifs à cet égard?

Mme Lampron : Nous avons absolument besoin d'une campagne pour promouvoir les véhicules électriques. Je ne suis pas une experte en communication, alors je ne peux pas vous dire précisément quelle forme cela devrait prendre. Devrait-on passer par la télévision, par la radio ou par les écoles? Vous savez comme moi que les enfants ont compris.

M. Beauchemin : Pour eux, ce n'est pas quelque chose d'impossible.

Mme Lampron : C'est incroyable de parler avec les enfants et de constater à quel point ils comprennent de quoi il retourne, mais une campagne de communication...

Le sénateur Lang : J'ai l'impression que, dans une certaine mesure, c'est de la poudre aux yeux puisque, d'un côté, nous avons dit à quel point c'était une bonne chose sur le plan du fonctionnement et de l'entretien d'avoir un véhicule électrique — et personne ne peut dire le contraire —, mais d'un autre côté, nous subventionnons l'achat de ces véhicules. Si vous augmentez les ventes de véhicules électriques, à quel moment les contribuables pourront-ils arrêter d'en subventionner l'achat?

Mme Lampron : Voilà un bon point, car c'est la batterie qui coûte cher là-dedans. Lorsque le prix des batteries aura baissé, nous n'aurons plus besoin d'accorder des remises. Dès que le prix des véhicules électriques sera le même que celui des véhicules conventionnels, la question ne se posera plus. Selon les recherches, le prix du kilowattheure devrait descendre à 100 $ au cours de la prochaine décennie. Je n'ai pas de date exacte, mais cela se produira lorsque le véhicule électrique et la voiture conventionnelle seront au même prix.

Le sénateur Lang : Nous n'aurons donc plus à en subventionner l'achat.

Mme Lampron : Absolument. Ces subventions sont temporaires.

Le président : Je retiens de votre exposé que nous devrions faire la promotion des véhicules électriques en milieu urbain.

Dans les régions peu peuplées du pays — comme dans le Nord, où le sénateur Patterson vit, ou à Yellowknife ou à Whitehorse —, il pourrait être difficile de faire le trajet de Whitehorse à Fort St. John en voiture électrique, même si la distance entre les deux n'est que de 900 miles et des poussières. Dans les régions urbaines où les populations sont énormes, c'est un choix qui semble tout indiqué, quitte à rayonner vers l'extérieur au fil du temps. Êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Lampron : Absolument, oui.

Le président : Merci beaucoup de cette intéressante présentation.

(La séance est levée.)

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