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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 17 - Témoignages du 1er décembre 2016


OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 34, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, à huis clos, afin d'étudier un projet d'ordre du jour et en public, pour étudier une ébauche de budget.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous et à ceux qui nous regardent à la télévision, un peu partout au Canada. Je rappelle aux téléspectateurs que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont également diffusées sur le site web du Sénat, à l'adresse sen.parl.gc.ca. Sur ce site web, à la rubrique « Comités du Sénat », on peut également trouver de plus amples renseignements sur la comparution des témoins.

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter. Commençons par mon collègue de droite, le sénateur Paul Massicotte, qui est vice-président.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Je voudrais également présenter les membres du personnel, à commencer par la greffière, Maxime Fortin. Sont également présents les deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Chers collègues, avant de souhaiter la bienvenue au témoin, je signale que nous avons sous les yeux le budget des déplacements proposés pour notre étude sur l'économie à faibles émissions de carbone. Le budget prévu porte sur un séjour de deux jours à Montréal, avec une nuitée. Si les membres sont d'accord, il faudrait que quelqu'un propose une motion portant que la demande d'un budget spécial de 18 704 $ pour un déplacement à Montréal dans le cadre de l'étude réalisée par le comité sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, au cours de l'exercice qui se terminera le 31 mars 2017, soit approuvée pour présentation au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Patterson : Je propose la motion.

Le président : Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. La motion est adoptée.

C'est aujourd'hui la 25e séance consacrée à notre étude des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, transition nécessaire si nous voulons atteindre les objectifs que le gouvernement du Canada a annoncés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à notre témoin d'aujourd'hui, M. Asgarpour, président de la Petroleum Technology Alliance Canada. Merci de votre présence. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Nous passerons ensuite à la période des questions et réponses. Vous avez la parole.

Soheil Asgarpour, président, PTAC Petroleum Technology Alliance Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m'avoir autorisé à comparaître aujourd'hui.

Vous êtes parfaitement au courant des défis que notre industrie doit relever pour assurer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, dans cette conjoncture difficile où les prix des produits de base sont faibles.

Toutefois, ce n'est pas vraiment de cela que je vais vous entretenir. Je parlerai plutôt de l'innovation et je vous donnerai de l'information sur les solutions que l'innovation peut apporter à ce problème. Je profiterai de mon exposé pour mettre en contexte l'importance de l'innovation et du rôle que la Petroleum Technology Alliance Canada, la PTAC, joue dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Je voudrais aussi parler des difficultés, des solutions et des perspectives relatives à l'innovation, ainsi que des travaux de recherche-développement réalisés ou entrepris en vue de convertir les défis en des occasions à saisir. Enfin, je voudrais présenter la notion proposée de super-regroupements communs, qui vise à porter l'innovation à un niveau tout à fait inédit en faisant appel à la collaboration.

Les principaux défis à relever dans notre industrie en matière d'innovation sont les suivants : le fait qu'on ne donne pas suite à de grandes recherches fondamentales après la publication; le fait qu'on met l'accent sur le progrès de la technologie plutôt que sur les attentes du marché; le manque de fonds et d'accès aux sites pour la mise à l'essai sur le terrain des technologies des PME; la lenteur de l'adoption des technologies sur le marché; le peu d'intérêt du capital de risque pour les investissements dans les technologies propres; la lenteur du cheminement technologique depuis la conception jusqu'à la commercialisation; enfin, le manque d'infrastructures, chez les petits producteurs, pour adopter les technologies nouvelles.

Depuis 20 ans, la PTAC cherche à surmonter ces difficultés grâce à de nombreux programmes. L'alliance constitue elle-même un écosystème d'innovation unique qui se met au service de l'industrie canadienne des hydrocarbures en améliorant notablement la sécurité environnementale et le rendement financier de l'industrie par la facilitation d'une recherche-développement qui s'appuie sur l'innovation et la collaboration.

L'innovation et les nouvelles technologies sont indispensables à tout moment, mais elles le sont encore plus dans le contexte actuel des contraintes relatives au carbone et de la faiblesse des prix du pétrole et du gaz.

Situons le contexte. La PTAC a vu le jour il y a 20 ans comme organisation sans but lucratif neutre, produit des efforts conjoints de l'industrie et du gouvernement. Elle propose une plateforme unique de collaboration entre l'industrie, les gouvernements et les organismes de réglementation. Grâce au modèle de la PTAC, l'industrie et les gouvernements établissent les priorités de l'alliance : les experts de l'industrie cernent les difficultés de l'heure dans l'industrie tandis que les gouvernements et les organismes de réglementation définissent les problèmes relatifs à l'approbation sociale, aux permis et à la conformité.

La PTAC aide à coordonner les priorités en recherche-développement et mobilise des fonds pour des projets communs de l'industrie. Il arrive fréquemment, aussi, qu'elle fournisse les capitaux d'amorçage pour concrétiser les mesures relatives aux problèmes cernés. L'écosystème d'innovation de la PTAC regroupe plus de 200 organisations membres, qui sont des producteurs, des entreprises de service et des fournisseurs, des gouvernements, des organismes de réglementation, des universitaires, des PME, des fournisseurs de recherche-développement et des transporteurs. Plus de 250 spécialistes de l'industrie sont à la tête de projets de recherche-développement, dont le nombre s'élève actuellement à 75.

Depuis le début, en 1996, il y a eu plus de 600 activités visant à définir les défis que l'industrie doit relever, à cerner des solutions technologiques, à lancer des projets communs de l'industrie, à diffuser les résultats de nos entreprises. En 2016 seulement, pour illustrer nos activités de communication et de soutien, plus de 420 producteurs canadiens ont volontairement versé des fonds au programme environnemental central de la PTAC.

Ce programme a toujours mis l'accent sur quatre composantes environnementales : la qualité de l'air, les émissions de gaz à effet de serre et la réduction des émissions de méthane; deuxièmement, l'eau; troisièmement, les sols et la nappe phréatique; et enfin, l'écologie et la biodiversité. À ce jour, plus de 120 millions de dollars ont été consacrés à plus de 300 études de recherche appliquée grâce à ce programme, dont les résultats ont aidé l'industrie à créer et à utiliser des pratiques exemplaires sur le terrain, tandis que les gouvernements et les organismes de réglementation ont employé les résultats pour élaborer des politiques et des règlements intelligents.

En outre, la PTAC a dirigé plusieurs programmes pluriannuels voués à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le premier est un programme appliqué en collaboration avec la Coalition pour un climat et un air pur du Programme des Nations Unies pour l'environnement, le GGFR, ou Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés, pour la réduction des COV, du carbone noir et d'autres émissions de gaz à effet de serre provenant du pétrole et du gaz. Le deuxième programme est le plan des mesures d'atténuation appropriées au niveau national, avec la collaboration d'Environnement Canada, dont le mandat est de définir, pour de nombreux pays, les émissions de référence de gaz à effet de serre.

Pendant cette période, la production mondiale de pétrole et de gaz classiques fléchira nettement.

J'ai omis un élément dont je voudrais vraiment parler : l'état de la demande de pétrole et de gaz. En septembre 2016, selon l'Energy Information Administration des États-Unis, la demande de gaz augmentera de 70 p. 100 et la demande de pétrole de 35 p. 100 d'ici 2040.

Pendant cette période, nous observerons un net recul des producteurs existants. Essentiellement, l'écart entre demande et production s'expliquera par des diminutions importantes de la production de pétrole et de gaz classiques. À l'évidence, il faudra combler cet écart en faisant appel à des sources non classiques, comme celles qui se trouvent au Canada.

Les gisements d'hydrocarbures du Canada sont les plus importants du monde, puisqu'on estime qu'ils sont de quatre à sept fois plus importants que ceux de l'Arabie saoudite, qui ont servi jusqu'ici de point de repère. Ces gisements joueront un rôle central comme moyen de répondre à la demande estimative d'énergie dans le monde. Plus de 90 p. 100 des ressources canadiennes en hydrocarbure sont non classiques et elles sont parmi les plus coûteuses au monde à mettre en valeur et à exploiter, et l'impact environnemental n'est pas négligeable.

L'innovation peut transformer les défis liés aux gisements en hydrocarbures du Canada en des occasions d'affaires inimaginables, avec un objectif d'émissions nulles d'ici 2050. Pour assurer la transition du secteur des hydrocarbures vers une économie sans émissions d'ici 2050, je songe aux filières principales suivantes.

La première, jusqu'en 2020, concerne les technologies écoefficaces et la captation du carbone, associées à la récupération du pétrole assisté par le CO2, à la récupération améliorée du gaz, à la valorisation partielle du bitume, à l'hydroélectricité au fil de l'eau, aux panneaux solaires et à la technologie d'énergie solaire pour remplacer la pneumatique au gaz. La deuxième est la production de bitume avec des émissions faibles grâce à l'intelligence artificielle et à la photonique, à l'utilisation in situ de solvants dans de petites unités de conversion de l'état gazeux à l'état liquide et la conversion du CO2 en méthanol et en méthane. La troisième période, au plus tard en 2040, concerne la réduction à zéro des émissions du bitume au moyen de la technologie nucléaire de nouvelle génération et de l'application de la génomique et de la nanotechnologie.

Enfin, la période qui s'étend jusqu'en 2050 est celle des nouveaux produits et d'un nouveau modèle de prospérité verte. Il s'agit de produire des fibres de carbone et de graphène à partir du bitume, des métaux et des terres rares extraits des stériles, de l'hydrogène à partir du pétrole et du bitume et plus de 300 produits à valeur ajoutée qui pourront être produits à partir d'un mégacomplexe en Alberta.

La PTAC et d'autres groupes intéressés de l'industrie, dont des producteurs, des universitaires, des fournisseurs de technologie et des entités sans but lucratif de l'industrie, ont uni leurs forces pour établir un super-regroupement dans le secteur de l'énergie, dont le but est de rassembler tous les intéressés et faire avancer rapidement les progrès de l'innovation et de la technologie vers des initiatives économiques avec de faibles émissions de carbone.

Je dirai pour conclure que les principaux messages à retenir sont les suivants : l'innovation de prochaine génération en technologies d'urgence doit entraîner des changements ayant un impact qui transcende les clivages entre industries et régions.

Le gouvernement et l'industrie doivent travailler main dans la main pour relever les défis de l'innovation et parvenir à de bonnes solutions. Les 19 propositions d'initiatives en technologie que la PTAC a soumises à RNCan seraient un facteur majeur permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La collaboration entre tous les groupes intéressés par l'énergie, dont l'industrie, les gouvernements et les organismes de réglementation partout au Canada est un élément nécessaire au succès. À nous tous, nous avons la capacité d'innovation et les filières nécessaires pour mettre en place une technologie propre qui permettra de réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre en créant des emplois et une nouvelle prospérité pour le Canada tout en faisant diminuer les émissions dans le monde entier.

Merci encore de m'avoir permis de comparaître. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être parmi nous ce matin. Vous savez que votre secteur, le secteur de l'innovation, est celui sur lequel nous comptons, en somme, pour que l'industrie pétrolière et gazière, comme à bien d'autres industries, puisse répondre aux critères mondiaux et assurer sa continuité sans trop nuire à la planète. C'est très important. Tout le monde dit que l'avenir, c'est l'innovation.

Cela dit, vous avez donné des exemples tirés du passé, mais pouvez-vous nous donner une idée des innovations réelles ou hautement probables qui seront à notre disposition d'ici cinq ou 10 ans au maximum et qui nous aideront? Dans quelle mesure pourront-elles nous aider à réduire les émissions de méthane, de CO2 et d'autres gaz? Que se passera-t-il dans l'industrie au cours des 10 prochaines années, par exemple?

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, je dois dire tout d'abord que je suis d'accord avec vous. Je suis convaincu qu'il faut mettre l'accent sur ces trois éléments : prendre soin de nos gens, veiller à ce que notre planète soit sûre, sécuritaire et à l'abri des impacts environnementaux, et enfin garantir la rentabilité.

Quelles seront les innovations possibles, concrètement, au cours des cinq prochaines années? Je dirais que l'impact le plus important viendra de l'écoefficacité : les technologies qui réduisent les coûts et les émissions de gaz à effet de serre en consommant moins d'énergie pour la production de pétrole et de gaz. Nous avons déjà créé de nombreuses technologies. Grâce aux 19 projets qui sont au stade de la commercialisation, nous pouvons réduire les émissions de méthane de 45 p. 100 d'ici 2025.

C'est là un progrès important, car l'Amérique du Nord s'est engagée à réaliser une réduction de 45 p. 100. Cela veut dire qu'il faut retirer du circuit de la production près d'une centaine de centrales au charbon pour réduire les émissions de carbone.

D'autres solutions sont possibles pour réduire l'utilisation d'énergie dans l'exploitation des sables bitumineux, comme une amélioration du rapport vapeur-pétrole. L'une des possibilités auxquelles nous travaillons est celle de l'intelligence artificielle. Cette filière a déjà donné des résultats prometteurs.

Le sénateur Massicotte : Quel est l'impact par rapport aux GES? Obtient-on un pourcentage de 30 ou 40 p. 100? Qu'est-ce qui est hautement probable?

M. Asgarpour : Sur un horizon de 20 ans ou de 5 ans?

Le sénateur Massicotte : Dix ans.

M. Asgarpour : Difficile d'avancer des prédictions, car tout dépend de l'adoption des technologies sur le marché. Nous avons créé des technologies, dont SlipStream est un bon exemple. Son adoption sur le marché n'a été que de 10 p. 100. Sur le plan de la capacité d'innovation, c'est important. Cela nous rapproche de notre objectif, mais du point de vue de l'application et de l'adoption sur le marché, c'est une autre paire de manches.

Le sénateur Massicotte : Ma deuxième question porte justement là-dessus : le Canada est innovateur. Nous avons une foule de gens très intelligents qui proposent des solutions. Cependant, pour une quelconque raison, cela n'aboutit pas à des résultats concrets. Nous n'arrivons pas à convertir les innovations. Nous avons accueilli cette semaine un témoin de l'Institut C.D. Howe qui dissuade le gouvernement d'encourager la consommation à court terme, disant que nous devons mettre l'accent sur la recherche pure. Une ou deux autres personnes de votre province nous ont parlé de la difficulté de la commercialisation de l'innovation.

Je ne sais pas trop. Où en sommes-nous? Comment trouver une solution à ce problème? Nous avons de bons talents et de bonnes solutions, mais il semble que nous n'arrivions pas à les appliquer concrètement. Où se trouve la difficulté? Tout le monde a son idée de la nature du problème, mais qu'en faisons-nous, de ce problème?

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, voilà une excellente question. À mon avis, il nous faut commencer au tout premier stade du spectre de l'innovation, c'est-à-dire la recherche fondamentale. En recherche fondamentale, nous faisons de l'excellent travail, mais à ce stade, l'accent est mis sur la publication d'articles. Il faut publier, sans quoi on est fichu.

L'enjeu, c'est la commercialisation des idées. En Allemagne, en Israël et même en Chine, c'est là-dessus qu'on met l'accent. Même pas sur la commercialisation des technologies, mais sur l'adoption de l'innovation sur le marché. Et même sur les activités d'affaires qui visent à réaliser des bénéfices. Si on commence à considérer les technologies et à se demander comment on peut en tirer des bénéfices, alors on peut passer de la recherche fondamentale à la commercialisation.

Un changement de culture s'impose. Il faut commencer dans les universités et suivre tout le parcours de l'innovation et changer de culture pour mettre l'accent sur les affaires. Il ne faut pas se limiter à la curiosité intellectuelle ou à la publication, par exemple. Ces étapes sont importantes, mais elles ne permettent pas de relever les défis qu'il faut affronter dans l'industrie.

La sénatrice Seidman : Cela va précisément dans le sens des questions que j'allais poser, mais je voudrais revenir un peu en arrière.

Si je comprends bien ce que je lis sur votre site web, la PTAC a été créée en 1996 par des dirigeants de sociétés pétrolières et gazières parce que, à ce moment-là, il se faisait trop peu de recherche-développement dans leur industrie. Est-ce exact?

M. Asgarpour : Exact. J'étais du nombre. J'ai même été l'un des administrateurs fondateurs. Je travaillais à l'époque chez Gulf Oil Canada. Des organisations gouvernementales étaient également de la partie. Mike Ekelund était sous- ministre adjoint à l'énergie, et le président de ce qui est devenu l'AER était également membre de ce groupe.

En fait, cela s'est produit dans un contexte semblable à celui d'aujourd'hui. Nous fermions les centres de recherche- développement l'un après l'autre. Nous avons considéré nos gisements et remarqué qu'ils présentaient de grandes difficultés, qu'ils nécessitaient un effort d'innovation et nous nous sommes demandé comment nous devions nous y prendre en empruntant une approche très efficace par rapport au coût. Nous avons envisagé divers modèles et nous avons eu cette idée : il nous fallait améliorer le rendement et obtenir de meilleurs résultats à partir de nos budgets de R- D. Cela était possible grâce à la collaboration. Le modèle a donc été élaboré par la formation de consortiums. Au lieu que chacun fasse la même chose de son côté, nous nous sommes réunis et nous avons mobilisé nos moyens financiers et techniques. Ce fut là un profond changement.

Voici un exemple. Nous avions un projet de séquestration du CO2. Les gouvernements de l'Australie, des États-Unis et du Canada, des gouvernements provinciaux et 25 producteurs participaient au projet. Si un projet vaut 10 $ et si une entreprise donne 1 $, l'effet de levier financier est de 1 à 10. Dans ce projet, il était de 1 à 127.

C'est là que nous pouvons tirer de meilleurs résultats de nos budgets de recherche-développement.

La sénatrice Seidman : Vous avez dit dans votre exposé que 120 millions de dollars avaient été consacrés à plus de 300 études en recherche appliquée. Vous mettez donc l'accent sur la recherche appliquée. Ce montant a dû être réparti sur les 20 années d'existence de l'alliance, ce qui doit donner 6 millions de dollars par année pour la R-D, et les travaux se sont faits en recherche appliquée. Est-ce exact?

M. Asgarpour : C'est exact. En plus de ces 300 projets, il y en a eu plus de 200 qui ont porté sur la commercialisation des technologies. Ce sont là de grosses dépenses en capital.

La sénatrice Seidman : Pour ce qui est de la participation, la PTAC est une entité canadienne, mais le gros de l'industrie se compose de sociétés américaines ou d'autres sociétés étrangères. Quels sont les résultats pour le Canada? Quels sont les effets bénéfiques pour lui?

M. Asgarpour : Excellente question. Nous avons posé une condition : nous travaillerons seulement à la recherche de moyens de relever des défis qui se posent au Canada. Si les mêmes défis sont présents au niveau international, alors nous voulons aussi chercher des solutions. Pourquoi? Parce que nous avons 140 entreprises de services et fournisseurs qui offrent des technologies. C'est pour eux une occasion de faire connaître leurs produits et services au niveau international.

Par conséquent, nous aidons non seulement les producteurs, mais aussi les entreprises de services et fournisseurs, des organisations gouvernementales et d'autres intéressés qui ne sont pas membres de l'alliance.

La sénatrice Seidman : Je voudrais tirer une chose au clair, maintenant que nous en sommes revenus au point où en était le sénateur Massicotte. Nous avons entendu des affirmations contradictoires de témoins la semaine dernière, cette semaine et encore tout récemment. On nous a dit que le Canada n'est pas doté de moyens suffisants pour rendre possible la commercialisation de nouvelles technologies, que nous n'arrivons pas à franchir cette transition pour livrer concurrence sur le marché mondial, à assurer la commercialisation et à passer au stade de la mondialisation, et qu'il pourrait profiter d'un fonds de commercialisation financé par l'État. Voilà un point de vue que nous avons entendu.

Puis, mardi soir dernier, l'Institut C.D. Howe nous a dit exactement le contraire : le gouvernement doit investir dans la recherche fondamentale. C'est là que nous en étions dans les questions du sénateur Massicotte.

Je voudrais connaître votre point de vue à ce sujet, car nous sommes en présence d'une divergence d'opinions très sérieuse.

M. Asgarpour : À mon avis, notre grand défi, dans le spectre de l'innovation, c'est que des PME proposent des technologies, mais qu'elles ont du mal à trouver des lieux et des fonds pour réaliser leurs projets.

Par le passé, avant cette crise sur le marché, les producteurs fournissaient des fonds à ces PME grâce à la PTAC, mais aujourd'hui, ils manquent d'argent. Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer? Oui. Je le répète, je ne veux pas parler de politique, car notre organisation est impartiale, mais je vais donner mon propre point de vue.

Selon moi, le gouvernement doit maintenant s'inspirer d'autres modèles dans le monde. L'Allemagne est un bon exemple, tout comme le sont Israël et la Chine. Le gouvernement s'est engagé à soutenir la commercialisation de technologies. Si nous continuons de privilégier la recherche fondamentale, nous allons publier beaucoup de beaux articles, et les idées seront reprises en Chine et en Inde. Ces pays fabriqueront les produits et nous les vendront. Ainsi, nous les aurons payés deux fois.

Est-ce bien le modèle que nous voulons appliquer?

Le sénateur MacDonald : Il est extraordinaire d'accueillir un témoin qui a tant de compétences et de connaissances. C'est un peu intimidant, quand on n'est pas tellement féru de sciences, mais je vais faire de mon mieux.

Vous avez dit que 90 p. 100 des ressources en hydrocarbures du Canada étaient non classiques. Pourriez-vous préciser quelles sont ces ressources non classiques?

M. Asgarpour : Bien sûr. La question est excellente. Beaucoup de spécialistes du pétrole et du gaz me posent la même : comment se fait-il que nous avons de quatre à sept fois plus de ressources que l'Arabie saoudite et que nos réserves se situent au troisième rang dans le monde? Je commencerai par les sables bitumineux. Les hydrates de gaz sont une autre source.

Les technologies d'aujourd'hui ne permettent de récupérer que 10 p. 100 du pétrole des sables bitumineux. Cela ne veut pas dire que la récupération par drainage par gravité au moyen de vapeur est de 10 p. 100, mais que nous avons beaucoup de gisements que les technologies actuelles ne permettent pas d'exploiter. L'Arabie saoudite peut atteindre dans ses gisements un taux de récupération de plus de 35 p. 100. C'est pourquoi nous avons malgré tout des gisements énormes.

On peut considérer que c'est là une occasion pour le Canada, car on finira par exploiter ces gisements, ce qui placera le Canada dans une position avantageuse pour répondre à la demande sur le marché.

Les gisements non classiques sont d'abord le bitume, puis le pétrole et le gaz de réservoirs étanches, le gaz de schiste et, peut-être aussi, les gisements situés dans des eaux très profondes. Il existe aussi des gisements incroyables d'hydrates de gaz au large de la côte Ouest.

C'est à la fois un potentiel et un défi, car si la température commence à monter, nous aurons de lourds défis à relever.

Il me semble très important que le gouvernement commence à chercher des technologies qui permettraient d'exploiter les hydrates de gaz. Ils ne seront pas exploitables commercialement dans les 20 ou 30 prochaines années, mais ils finiront par devenir rentables. Il existe des gisements énormes d'hydrates de gaz. Ils sont aussi importants que les gisements de sables bitumineux.

Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé de quatre filières. Celle de 2020 m'intrigue. Ce n'est pas si loin. Sommes- nous sur le point d'atteindre certains de ces objectifs?

M. Asgarpour : Grâce aux 19 projets soumis à RNCan, nous aurons la pleine capacité nécessaire pour réduire de 45 p. 100 les émissions de méthane d'ici 2025. La seule étape qui manque, pour réaliser ces projets est celle des essais sur le terrain. Une fois ces essais réalisés, les projets pourront se concrétiser immédiatement.

Nous travaillons en fait avec le comité de surveillance des réductions d'émissions de méthane, dont relèvent trois comités qui s'assurent d'établir un lien entre les lacunes qui ont été décelées et les solutions que nous avons fournies. Il existe un lien direct dans la recherche de solutions aux problèmes qui ont été cernés.

Le sénateur MacDonald : Je voudrais mieux comprendre. Qu'est-ce que cela veut dire, remplacer la pneumatique au gaz par la technologie solaire?

M. Asgarpour : Dans l'industrie, il y a de nombreux instruments à utiliser, et il faut les alimenter en énergie. Jusqu'ici, l'industrie a utilisé essentiellement l'énergie du gaz. Si on fait diminuer la pression, cela crée de l'énergie qu'on peut employer pour faire fonctionner le matériel. Le gaz est ensuite évacué. La quantité de gaz est extrêmement faible, mais les instruments sont tellement nombreux, que cela finit par compter.

Les technologies élaborées grâce à la PTAC utilisent l'énergie solaire. Le gaz peut donc être acheminé directement vers la vente.

Cette technologie est marginalement commerciale, mais nous essayons, par des perfectionnements, de la rendre rentable.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur.

Le sénateur Lang : Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées. Votre alliance existe depuis plus de 20 ans et je crois vous avoir entendu dire que vous avez participé à environ 300 projets pendant ce temps.

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, il s'agit en fait de plus de 500. Il y en avait 300 pour les seuls programmes environnementaux et 200 autres qui ont porté sur la commercialisation des technologies. Il s'agit là des projets achevés et non de la totalité de ceux que nous avons lancés.

Le sénateur Lang : De ces 500 projets échelonnés sur 20 ans, combien ont été une réussite, ont fait l'objet d'une commercialisation et ont fait diminuer les émissions de gaz à effet de serre?

M. Asgarpour : Excellente question, monsieur le sénateur. Pendant un temps, la PTAC a mesuré le rendement en fonction de l'effet de levier obtenu du point de vue des finances et des compétences. Le conseil d'administration a dit qu'il voulait savoir exactement ce que vous venez de demander. Nous voulons savoir combien de ces projets sont commercialisés et apportent des solutions.

Sur notre site web, deux étudiants au doctorat à la Haskayne School of Business passent tous les projets en revue et définissent la contribution de chacun. Ils ont nettement réduit l'empreinte écologique, fait baisser les coûts d'exploitation, fait augmenter les taux de production et ouvert des débouchés à valeur ajoutée.

Il suffit de consulter notre site web. Parmi les projets dont j'ai parlé, près de 90 — portant sur un plan d'action pour une technologie propre d'exploitation du bitume et aussi la technologie TEREE, c'est-à-dire technologie de réduction des émissions et d'écoefficacité — concernent la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Désormais, nous mesurons chaque année le rendement des projets et leur contribution. SlipStream, dont j'ai déjà parlé, est un exemple de ces projets. Mais nous n'avons pas compilé tous les chiffres pour calculer le total, puisque les données changent tous les mois.

Le sénateur Lang : Je comprends. Mais s'il y a là une réussite, il me semble que vous devriez vouloir en parler à tout le monde, surtout lorsqu'on raconte qu'il n'y a rien de bon qui vienne des sables bitumineux, dans ce cas-ci, en ce qui concerne la technologie et son évolution. Je recommanderais instamment que des organisations comme la vôtre expliquent au grand public, de façon très scientifique, où nous avons débuté, où nous en sommes et où nous souhaitons aboutir. Cela l'aiderait beaucoup à se faire une opinion, à voir si, sur le plan environnemental, nous allons dans la bonne direction dans le secteur du développement du pétrole et du gaz. C'est la première chose.

J'en reviens aux questions des sénateurs Massicotte et Seidman. Vous dites que la commercialisation est l'élément difficile dans ces recherches et ces innovations. Nous avons beau avoir des plans et des brevets et les faire connaître dans le monde, le problème de la mise en œuvre demeure.

Sur le plan de la politique et du point de vue du gouvernement du Canada et des provinces, tout le monde a son intérêt, puisqu'ils toucheront tous des recettes lorsque tout sera terminé. Comment, selon vous, le gouvernement du Canada, plus spécialement, pourrait-il instaurer une politique propre à encourager un protagoniste important dans le secteur des sables bitumineux, par exemple, à moderniser son usine pour y utiliser cette nouvelle technologie? C'est là qu'il y a des coûts à subir, n'est-ce pas?

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, permettez-moi de répondre à votre première question.

Je vais assurément prendre note de vos réflexions et en parler au conseil d'administration, mais je peux vous expliquer les difficultés qui sont les nôtres. La PTAC est un facilitateur impartial. Elle n'est même pas chargée de faire connaître ses technologies et ses résultats. Elle fait son travail et laisse le marché décider de ce qu'il veut en faire. Il s'est fait dire qu'il n'était pas chargé de diffuser les messages, mais d'accomplir le travail. Voilà une partie des difficultés. Je vais certainement discuter avec le conseil de la possibilité de changer les choses. Il y a peut-être un moyen de passer par l'Association canadienne des producteurs pétroliers, et alors nous pourrions diffuser cette information.

Quant à votre deuxième question, monsieur le sénateur, je dirai que les grands producteurs dans le secteur des sables bitumineux cherchent activement des solutions et veulent les déployer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C'est pour eux une grande priorité. Nous avons un réseau, Phoenix, composé des huit grands producteurs du secteur des sables bitumineux et je connais la qualité des innovations qu'ils déploient en ce moment dans leurs entreprises.

La sénatrice Fraser : J'ai une ou deux questions à vous poser. D'abord, les grandes filières dont vous avez parlé sont assorties de dates très intéressantes et précises. Savez-vous de quel nombre de tonnes nous pouvons espérer voir diminuer les émissions de GES?

M. Asgarpour : En fait, il est question, pour la quatrième filière, d'émissions nulles.

La sénatrice Fraser : Au niveau de la production?

M. Asgarpour : Exactement.

Puis, au quatrième niveau, lorsqu'il est question d'hydrogène et d'autres produits à valeur ajoutée, nous envisageons des émissions presque nulles pour les voitures qui utilisent ces formes d'énergie. Nous ne nous limitons donc pas à la production. Nous considérons tout l'ensemble.

La sénatrice Fraser : Pour ce qui est des deux premières étapes, qui s'achèvent au plus tard en 2020 et en 2030, vous ne pouvez pas dire que l'application de telle ou telle mesure se traduira par une diminution des émissions de tel ou tel volume?

M. Asgarpour : Notre travail consiste à renforcer les capacités. Je le répète, notre organisation ne s'occupe pas de mesurer le rendement ni de vérifier ce qui peut se produire. Ce que je montre ici, c'est la capacité d'innovation.

La sénatrice Fraser : Voilà qui m'amène à une question sur la nature de cette capacité. Il s'agit, je crois, de la valorisation partielle du bitume.

Un témoin nous a dit la semaine dernière que pour vendre le produit dans le monde entier, il serait probablement plus rentable, utile et pratique de trouver de nouveaux clients plutôt que de demander à des clients existants d'adopter ce nouveau produit, puisque cela serait peut-être moins rentable pour eux.

Un nouveau pipeline vers le Pacifique vient d'être approuvé. Il y a peut-être là une occasion à saisir, mais quelles adaptations les acheteurs du bitume partiellement valorisé doivent-ils apporter? Quels investissements doivent-ils faire? Une fois le dispositif mis en place et la production amorcée, que faudra-t-il faire d'autre pour vendre le produit?

M. Asgarpour : Voilà une excellente question, madame la sénatrice, mais je veux m'assurer de vous avoir bien comprise. Je vais proposer une réponse et voir si elle répond à votre question.

Lorsque le bitume est partiellement valorisé, plusieurs choses se produisent. D'abord, on a besoin d'une moins grande quantité de diluant pour l'acheminer, ce qui fait diminuer les coûts radicalement.

Deuxièmement, le pipeline peut acheminer une plus grande quantité de bitume.

Troisièmement, lorsque le bitume partiellement valorisé arrive dans les raffineries, il coûte moins cher d'achever la valorisation. Le processus de traitement est différent et les coûts diminuent.

La sénatrice Fraser : Faut-il consentir des investissements et modifier la technologie ou peut-on prendre le produit tel quel et payer moins cher pour le transformer?

M. Asgarpour : Exactement, les raffineurs dépensent moins. Cela dit, la situation est très complexe, puisque les raffineurs reçoivent un brut différent de chacun de leurs fournisseurs. Il arrive qu'ils préfèrent un brut très lourd, car cela leur permet d'utiliser leurs installations. Lorsqu'ils reçoivent du brut à bon prix, ils ont un escompte, et il arrive parfois, comme cela s'est effectivement produit, qu'ils préfèrent un brut plus lourd parce qu'ils l'ont à meilleur prix.

La situation est très complexe, et il n'y a pas de réponse simple qui vaille pour l'ensemble de la question. Il s'agit au fond de réduire les coûts et de choisir le brut qui permet de réaliser les meilleurs bénéfices. Il y a aussi la concurrence entre les différents pays qui fournissent le brut au système.

La sénatrice Fraser : J'en suis au tout début de ma courbe d'apprentissage, monsieur le président, mais je vais essayer d'absorber cette information.

La sénatrice Griffin : Merci de votre exposé, qui a été très intéressant. Je vais devoir le lire et le relire pour vraiment tout absorber. On y trouve beaucoup d'information.

Au début de votre exposé, vous avez énuméré sept défis à relever en matière d'innovation. Quel est celui qui, si on réussissait à le relever ou à résoudre le problème, aurait l'impact le plus favorable pour permettre à l'industrie de progresser?

M. Asgarpour : Par ordre d'importance, je dirais qu'il faut trouver des fonds et des sites d'essai pour les PME qui fournissent des technologies.

Le deuxième est l'adoption des technologies proposées par les PME. Il est très important que l'industrie soit au courant de leur existence. Comme il y a, dans la seule province d'Alberta, plus de 450 producteurs qui n'ont pas de service de technologie, il y a là un lourd défi à relever. En fait, nous nous sommes attelés à la tâche. Nous nous occupons de ce travail et nous leur faisons connaître les technologies disponibles.

La recherche fondamentale se situe au troisième rang. Nous devons mettre l'accent sur la commercialisation et travailler avec les universités pour les aider à comprendre les défis à relever. Et puis, il y a des organisations qui s'occupent de cette question en Alberta et le programme PARI du CNRC qui aident les chercheurs à comprendre l'aspect commercial des choses, pour que la commercialisation des technologies leur permette de réaliser des bénéfices. Madame la sénatrice, c'est exactement là l'ordre d'importance des différents défis.

La sénatrice Griffin : Très bien, merci.

Le sénateur Patterson : Merci de votre exposé.

Vous avez dit qu'un des problèmes de l'industrie est le manque de fonds et d'accès à des lieux pour mettre les technologies à l'essai. Nous avons l'impression que l'industrie pétrolière s'est fait reprocher l'insuffisance de ses dépenses en R-D, au regard de la taille de ses activités.

Je voudrais insister sur la dernière demande que vous avez adressée à RNCan pour réaliser les essais sur le terrain de 19 nouvelles technologies dans le cadre du programme TEREE. Quel montant a-t-on demandé au ministère? Les industries assument-elles une part des coûts de ces essais? Il serait intéressant pour le comité de connaître ces détails, que ce soit dès maintenant ou plus tard.

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, la contribution de l'industrie à ces projets est supérieure à 50 p. 100. J'essaie de me souvenir. Je crois qu'elle se situe autour de 15 millions de dollars, entre 10 et 15 millions de dollars.

Les technologies que nous avons proposées ont porté sur le premier secteur, celui de la détection. Le deuxième est celui des rapports et le troisième celui de l'atténuation. Elles portent sur ces trois domaines essentiels si nous voulons obtenir une réduction de 45 p. 100.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le gouvernement s'est engagé à réduire les émissions de 30 p. 100 en deçà du niveau de 2005 d'ici 2030. Nous croyons comprendre que, pour atteindre cet objectif, il faudra une réduction de 291 tonnes métriques. Compte tenu du fait que l'industrie pétrolière et gazière est responsable de 26 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada, croyez-vous qu'il soit réaliste de prétendre atteindre l'objectif fixé par le gouvernement du Canada? Que faut-il faire? D'après vous, que devrions-nous recommander? Notre rapport sera remis au gouvernement fédéral. Quelles recommandations devrions-nous lui faire pour atteindre cet objectif, si vous croyez qu'il est possible de l'atteindre?

M. Asgarpour : Je dirais que la capacité technologique existe bel et bien. L'autre question est d'ordre économique, puisque bon nombre des technologies n'en sont pas au stade commercial pour l'instant.

Que répondre? Par le passé, on pensait qu'il fallait faire un compromis entre les résultats financiers et la protection de l'environnement. Nous avons montré que les deux sont conciliables grâce à l'innovation pourvu que nous ayons de l'argent pour développer les technologies. Là encore, je m'abstiens de répondre au nom de la PTAC, qui ne veut pas s'immiscer dans le domaine de la politique.

Je dirai, pour m'exprimer en mon nom personnel, que l'investissement dans l'innovation est le meilleur point de départ pour le gouvernement. Nous devons trouver des solutions économiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. À bien des égards, nous en avons déjà trouvé, mais nous devons accroître la capacité d'innovation.

Le sénateur Patterson : Croyez-vous en cette proposition de tarification du carbone que le gouvernement a avancée? Le produit de cette taxe, car c'est ainsi que je l'appelle, devrait-il être consacré à ce que vous venez de dire, au financement nécessaire pour développer des technologies qui n'ont peut-être pas encore atteint le stade commercial?

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, j'exprimerai encore mon point de vue personnel, mais je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut utiliser cet argent pour l'innovation, mais une innovation qui porterait sur des technologies capables d'avoir un grand impact. Elles pourraient donner des résultats qui rendront l'innovation rentable. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.

En ce qui concerne la politique de taxe sur le carbone, je ne suis pas un expert en la matière. Je m'abstiendrai donc de répondre à la question.

Le président : Merci, monsieur le sénateur. J'aurais quelques questions à poser, après quoi nous passerons au deuxième tour.

Quelles sont vos interactions avec la Canada's Oil Sands Innovation Alliance? Cette alliance est plus récente. Nous avons rencontré ses représentants. Elle fait du bon travail. Collaborez-vous avec elle? De quelle façon?

M. Asgarpour : Bien sûr, nous collaborons, monsieur le sénateur. C'est une question excellente. Pour vous répondre, je vous dirai que la COSIA et la PTAC sont complémentaires. Leur complémentarité se matérialise sur deux plans : la portée et la fonction. La COSIA s'occupe avant tout de l'aspect environnemental de l'exploitation des sables bitumineux. Le secteur des hydrocarbures comprend le pétrole classique, le pétrole de réservoirs étanches, le pétrole lourd et tout le reste. Quant à nous, nous nous préoccupons des questions environnementales et non environnementales relatives à tous les hydrocarbures à l'exception des sables bitumineux.

S'agissant des sables bitumineux, la COSIA s'est chargée jusqu'ici de la dimension environnementale, et la PTAC a créé un réseau pour s'intéresser à la réduction des coûts, notamment les coûts dans les forages de fond, à l'augmentation des réserves et de la production et aux occasions de proposer des produits à valeur ajoutée.

Dan Wicklum et moi nous retrouvons fréquemment pour nous assurer d'éviter les doubles emplois, et je veux vous dire qu'il n'y en a aucun. Mais nous travaillons aussi ensemble pour cerner les lacunes et les combler. Notre collaboration est intense et nous travaillons très étroitement ensemble.

Le président : Les deux organisations me semblent extraordinaires. Je m'interrogeais simplement sur les relations entre les deux.

J'ai passé une bonne partie de ma vie dans l'industrie du pétrole et du gaz. Convenez-vous que cette industrie a fait une foule de choses, beaucoup de petites choses, parfois modestes, sans dire qu'il s'agissait de R-D? Elle fait parfois des choses plus intelligentes et elle évolue, mais sans parler de R-D à ce propos.

J'ai dit à cette industrie qu'elle s'en tirerait mieux si elle indiquait ces choses-là, si elle calculait de combien elle réduit les émissions de gaz à effet de serre. Cela contrerait peut-être le discours de ceux qui lui reprochent de ne pas dépenser assez en R-D. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Asgarpour : Je suis entièrement d'accord. J'ajouterais que l'industrie consacre des montants non négligeables à l'innovation. Pour être honnête avec vous, je dirais que, sans que nous le remarquions, l'industrie est en train de passer d'une économie mue par les ressources à une économie mue par la technologie.

Si vous considérez certaines des technologies innovatrices adoptées dans l'industrie pétrolière et gazière, qu'il s'agisse de la nanotechnologie, de l'exploitation du pétrole et du gaz en réservoirs étanches, de la fracturation hydraulique en plusieurs étapes, du drainage par gravité au moyen de vapeur, qui a été conçu au Canada, ou de bien d'autres innovations encore, il faut se rendre à l'évidence : l'industrie travaille plus à la technologie qu'aux ressources. Elle sait où les ressources se trouvent. Elle ne met donc pas l'accent là-dessus. Elle s'intéresse aux technologies.

En fait, des études qui ont été publiées montrent que les dépenses en recherche et développement d'autres secteurs ont diminué, alors qu'elles ont nettement progressé dans l'industrie pétrolière et gazière. Elle n'excelle peut-être pas à faire savoir ce qu'elle fait, mais elle est très engagée dans l'effort d'innovation.

Le président : D'accord. Vous avez répondu à une des questions que quelqu'un a posées au sujet de l'innovation au Canada que les pétrolières financent, par l'entremise de votre organisation, pétrolières dont la plupart sont des multinationales et ont leur siège au sud de chez nous, à Houston. Vous avez dit que nous ne commercialisons pas très bien nos innovations et que certaines idées, en matière de technologie, sont reprises en Chine et en Inde. Je peux constater quelque peu ce phénomène, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi les multinationales, qui sont énormes aux États-Unis, n'examinent pas ces idées qui pourraient être adoptées aux États-Unis et ensuite appliquées chez nous. Ce sont les mêmes sociétés qui font le travail. Pourquoi dire que la plupart des technologies s'en vont en Inde et en Chine?

M. Asgarpour : Monsieur le sénateur, quand j'ai parlé de cela, je songeais à la recherche fondamentale qui se fait dans les universités et non à la recherche-développement que fait l'industrie. En fait, l'industrie est très proactive. Elle met l'accent sur la commercialisation, et elle fait du bon boulot.

Le président : Merci. Voici la dernière question. Vous avez présenté à RNCan 19 technologies de réduction des émissions de méthane. Y a-t-il une chance que nous puissions les examiner ou est-ce impossible? Il serait bon que nous en évoquions certaines dans notre rapport, car la réduction des émissions de méthane est un dossier très important dans l'industrie pétrolière et gazière. Pouvez-vous nous éclairer?

M. Asgarpour : Assurément. Je serais enchanté de vous faire parvenir cette information.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Patterson : J'ai une question complémentaire à poser, si je peux me permettre. On nous dit que le méthane est pire que le dioxyde de carbone parmi les gaz à effet de serre. C'est probablement une question pas très brillante, mais le gouvernement met l'accent sur le dioxyde de carbone. Si le méthane nous préoccupe vraiment, ne faudrait-il pas s'y intéresser tout autant ou même davantage?

M. Asgarpour : Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur. Le méthane est une cible plus facile, car une molécule de méthane éliminée est l'équivalent de presque 25 molécules de CO2, du point de vue de l'effet de serre. C'est une cible relativement plus facile à viser. Je suis complètement d'accord avec vous.

La sénatrice Seidman : Une question rapide sur l'adoption des innovations sur le marché. Vous en avez parlé et un autre témoin a dit que c'était là un vrai problème. Il faut compter 31 ans entre l'idée et son implantation, nous avez- vous dit, et c'est beaucoup. Quel est le gros obstacle?

M. Asgarpour : Il y a deux problèmes, madame la sénatrice. Il y a celui qui se pose pour les petits producteurs, qui n'ont pas de capacité en R-D. Ce n'est pas vraiment un problème pour les grands producteurs.

L'autre, c'est qu'il faut du temps entre l'idée et sa commercialisation. Oui, il fallait une trentaine d'années, mais ce sont là les données de vieilles études. Dans le cas de SlipStream, par exemple, il a suffi de quatre ans. Aujourd'hui, nous travaillons beaucoup plus rapidement. Dans le cas du traitement à la vapeur d'eau, de la mise à l'essai sur le terrain, il a suffi de six ans pour passer de la recherche fondamentale à la commercialisation. Les délais ont été considérablement abrégés. C'est vrai non seulement dans notre industrie, mais aussi partout ailleurs.

Le président : Je vais laisser les sénateurs Massicotte et Lang poser leurs questions et je vous demanderais d'y répondre par l'entremise de la greffière. Ainsi, nous aurons tous les réponses.

Le sénateur Massicotte : La sénatrice Seidman a posé mes questions.

Le président : Très bien.

Le sénateur Lang : Monsieur Asgarpour, vous avez dit que cette année, à cause du ralentissement de l'économie, les grandes sociétés n'ont pas nécessairement les fonds nécessaires pour financer des innovations et des recherches comme les vôtres. Pourriez-vous nous dire quelle a été l'importance de la diminution des fonds mis à votre disposition?

Le président : Pouvez-vous répondre rapidement? Connaissez-vous la réponse?

M. Asgarpour : Ce qui s'est passé, essentiellement, c'est qu'il y avait beaucoup de propositions, mais les fonds n'étaient pas là pour y donner suite. Je peux vous communiquer la liste des projets que nous n'avons pas pu financer.

Le président : Bien sûr. Ce serait très bien.

Merci beaucoup. Ce fut très intéressant. Nous vous remercions de votre présence, de votre temps, de vos connaissances. J'espère que, si nous avons besoin de plus d'information, nous pourrons l'obtenir auprès de vous.

M. Asgarpour : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.

Le président : La séance est levée.

(La séance est levée.)

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