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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 22 - Témoignages du 28 février 2017


OTTAWA, le mardi 28 février 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 18 h 21, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, chers collègues, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld, et j'ai l'honneur de présider le comité. Je suis un sénateur de la Colombie- Britannique.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont parmi nous dans la salle et aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et aussi accessibles en ligne sur le nouveau site web du Sénat à sencanada.ca. Tous les autres renseignements liés au comité peuvent aussi être consultés en ligne, y compris les anciens rapports, les projets de loi étudiés et les listes de témoins.

Je vais maintenant demander aux sénateurs autour de la table de se présenter.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Meredith : Le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Je tiens aussi à présenter notre personnel, en commençant par notre greffière, Maxime Fortin, à ma gauche, et notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks, à ma droite.

Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a demandé au comité de réaliser une étude approfondie des effets, des défis et des coûts associés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 en dessous des niveaux de 2005, et ce, d'ici 2030. Il s'agit d'une lourde tâche.

Dans le cadre de l'étude, notre comité a adopté une approche secteur par secteur. Nous allons étudier cinq secteurs de l'économie canadienne qui sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de GES. Il s'agit de l'électricité, des transports, du pétrole et du gaz, des industries à forte intensité d'émissions exposées aux échanges commerciaux et du bâtiment.

Aujourd'hui, dans le cadre de la 34e réunion de l'étude actuelle, je suis heureux d'accueillir, par vidéoconférence, Mark Salkeld, président et directeur général de la Petroleum Services Association of Canada.

Merci d'être là. Je m'excuse du retard. Parfois, lorsque les politiciens commencent à parler peut-être un peu trop longtemps, le temps file. Je dois aussi m'excuser du fait que certains sénateurs ont pris d'autres arrangements et devront partir. Nous ferons de notre mieux, monsieur. Veuillez commencer votre déclaration préliminaire. La parole est à vous.

Mark A. Salkeld, président et directeur général, Petroleum Services Association of Canada : Merci beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'être ici aujourd'hui, quoi qu'il arrive.

Merci de l'occasion que vous m'offrez d'exprimer mon point de vue. Permettez-moi de commencer en affirmant que les mesures prises par le gouvernement canadien dans le cadre de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et l'établissement de cible en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont considérés par le secteur des services, de l'approvisionnement et de la fabrication relatifs aux champs pétrolifères comme une source d'occasions d'affaires.

La PSAC aimerait parler de la section b) des Journaux du Sénat du Canada en date du jeudi 10 mars 2016 qui concernent la détermination des meilleures façons pour le secteur des services pétroliers et gaziers de contribuer à une économie à faibles émissions de carbone d'atteindre les cibles du Canada en matière de réduction des émissions.

Je vais commencer par présenter un bref aperçu de la PSAC, de ce que notre secteur fait actuellement pour réduire les émissions et de ce que nous pouvons faire à l'avenir. Je vais ensuite formuler quelques recommandations à la toute fin.

La Petroleum Services Association of Canada est une association commerciale nationale qui représente le secteur des services, de l'approvisionnement et de la fabrication de l'industrie pétrolière et gazière en amont. Ses entreprises membres emploient plus de 35 000 personnes. Les membres de la PSAC représentent la crème de la crème dans le secteur des services de champs pétrolifères lorsqu'il est question de mettre au point des ressources pétrolières et gazières pour nos clients, les explorateurs et les producteurs.

Les entreprises membres de la PSAC sont des travailleurs de première ligne et des innovateurs qui s'assurent que leurs clients respectent leur responsabilité organisationnelle en matière de protection environnementale et de sécurité au Canada et dans les collectivités dans les domaines de la production et du développement pétroliers et gaziers.

Le secteur canadien des services de champs pétrolifères est un intervenant clé lorsqu'il est question d'innovation, d'efficience et de protection de l'environnement, tout en permettant l'exploitation sécuritaire des puits de pétrole et de gaz pour ses clients. Reconnaissant le rôle accru des énergies renouvelables dans le panier énergétique, la PSAC a créé une nouvelle catégorie de membres dans le domaine des sources énergétiques renouvelables pour encourager une nouvelle collaboration tout en restant fidèle à notre noyau de membres qui fournissent des services pétroliers et gaziers. Le Canada a besoin d'un ensemble de sources énergétiques pour répondre à ses besoins en matière d'énergie au cours des années à venir. Les sources éoliennes, solaires, géothermiques et autres peuvent toutes travailler de concert avec les sources d'énergie pétrolières traditionnelles pour répondre aux besoins en matière de réduction des émissions pendant de nombreuses années.

Les services de champs pétrolifères sont présents dans tout le cycle de développement pétrolier et gazier en raison de l'importante diversification des services et de l'approvisionnement qui a évolué et continue d'évoluer dans le cadre des opérations pétrolières et gazières à l'échelle internationale. Du point de vue des services de champs pétrolifères, nous participons à tous les aspects du cycle de développement, simplement parce que les entreprises d'exploration et de production — les grandes comme les petites — sont devenues beaucoup moins intégrées verticalement et impartissent les services requis pour exploiter leurs ressources.

Comme je l'ai déjà mentionné, le secteur canadien des services de champs pétrolifères a évolué depuis la découverte de pétrole au Canada et continuera d'évoluer durant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre a déjà un impact sur certaines entreprises membres de la PSAC qui reconnaissent les importantes occasions d'affaires qui s'offrent déjà à elle et qui continueront de se présenter jusqu'à ce que les cibles soient atteintes, et les niveaux, maintenus.

La réussite du secteur canadien des services, de l'approvisionnement et de la fabrication relatifs aux champs pétrolifères s'explique non seulement par le solide régime réglementaire canadien, mais aussi par les relations de collaboration et de concurrence entre le secteur des services et ses clients, les producteurs pétroliers et gaziers, et entre les différentes entreprises de services.

Les membres du secteur canadien des services de champs pétrolifères ont misé sur l'innovation et la recherche et le développement pour respecter et dépasser les attentes de leurs clients, tout en maintenant un avantage concurrentiel sur leurs pairs au sein de l'industrie pour réussir dans un domaine où les coûts sont très élevés. Au bout du compte, cette quête pour maintenir les parts de marché a poussé ce secteur à être un chef de file dans les nombreux aspects liés aux services présents dans le secteur.

Grâce à l'utilisation de nouvelles technologies appliquées à des processus établis il y a longtemps, comme le forage dirigé et la fracturation hydraulique au sein du secteur des services de champs pétrolifères, l'empreinte de surface des activités d'exploration et de développement des puits pétroliers et gaziers a diminué de façon marquée, tout comme, par le fait même, l'intensité des émissions de gaz à effet de serre liées aux milliers de puits forés dans des milliers de sites individuels. En misant sur la collecte et l'analyse en temps réel de données au fond des puits de forage grâce à la technologie de microsismicité, à la capacité de diriger le trépan en temps réel et aux activités des fractures hydrauliques en plusieurs étapes assorties d'une consommation de carburant précise, les perturbations du terrain et les activités de remise en état ont été réduites au minimum.

Dans ma présentation, j'ai mentionné deux ou trois diapositives, ici. L'objectif est de vous fournir un autre aperçu des stratégies entrepreneuriales découlant de l'application de nouvelles technologies propres aux anciens processus.

En zone éloignée, la tour de phare typique utilisée dans le cadre d'opérations 24 heures sur 24 dans plusieurs industries, pas seulement le secteur pétrolier et gazier, comme la réparation des routes, les chantiers de construction et les services relatifs aux champs pétrolifères et les opérations de complétion, a évolué. Alors que, avant, un moteur au diesel fonctionnait au moins durant toute la nuit pour que les lieux de travail restent bien éclairés et sécuritaires, on mise maintenant sur l'énergie solaire et une technologie de stockage avec pile au lithium-ion, ce qui fait en sorte qu'un moteur au diesel fonctionne peut-être maintenant seulement une heure par semaine plutôt que 84 heures par semaine durant les activités de nuit, par exemple.

Une autre application novatrice d'une technologie d'épuration utilisée par les fonderies et sur les cheminées industrielles qui a aidé initialement le Canada à sortir de l'ère des pluies acides a été adoptée et appliquée à l'évaporation des eaux résiduaires des processus de complétion des puits pétroliers et gaziers. La technologie permet aussi le captage et l'épuration des gaz d'échappement des moteurs diesel et des émissions des installations. En permettant l'évaporation des eaux résiduaires et des eaux produites sur place, le besoin de transporter l'eau par camion vers divers puits de rejet a éliminé une partie de la consommation de carburant, la circulation des camions et le pompage des fluides dans ces puits.

Ce ne sont que deux exemples des occasions d'affaires découlant du besoin d'assurer la transition vers une économie à faibles émissions en carbone et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Puisque le Canada arrêtera progressivement de miser sur la combustion de carburants fossiles dans un avenir prévisible, il faut améliorer le processus de développement pétrolier et gazier en plus de réduire la consommation de carburants fossiles. Les entreprises membres de la PSAC, grâce à leurs processus novateurs continus, ont fait beaucoup de progrès non seulement pour réduire au minimum l'empreinte de surface durant le processus de développement et d'extraction, mais en mettant en place des technologies propres dans le cadre des services qu'elles offrent durant l'ensemble du cycle de vie du développement, de la production et de la mise hors service des puits pétroliers et gaziers.

Mentionnons par exemple des technologies et des services offerts qui incluent des ressources énergétiques renouvelables et de rechange, comme je l'ai déjà mentionné, l'énergie solaire, les technologies de stockage dans des batteries lithium-ion, mais aussi la transition des carburants utilisés dans divers systèmes d'entraînement. Alors qu'on utilisait précédemment des moteurs qui fonctionnent au diesel, on les convertit maintenant au gaz naturel ou on les remplace par des moteurs électriques.

Je ressens le besoin de donner un exemple de relations communautaires positives dans le domaine du développement pétrolier et gazier, parce que, dans le cadre de discussions avec des citoyens préoccupés, des propriétaires terriens, de grands éleveurs, des agriculteurs et des membres des Premières Nations, la PSAC a mis au point un code déontologique lié à la fracturation hydraulique auquel ces groupes locaux ont participé directement. Selon moi, c'est important, parce que cette initiative montre l'harmonisation de l'industrie non seulement avec cette notion de citoyenneté locale, mais aussi son harmonisation générale avec le besoin au Canada d'assurer la transition vers un avenir plus propre. La participation et la prise en compte des préoccupations des citoyens soutiennent aussi le désir d'assurer la transition vers une économie à faibles émissions en carbone tout en tenant compte du besoin d'une économie pétrolière et gazière qui soutient cette transition et des occasions d'affaires connexes.

Pour terminer, je tiens à attirer votre attention sur quelques recommandations, maintenant que je vous ai fourni des renseignements sur notre secteur. J'espère que vous vous rendez maintenant compte du rôle important que les services relatifs aux champs pétrolifères peuvent jouer dans le cadre de la transition et que vous tiendrez compte de la PSAC lorsque vous produirez des politiques fondées sur vos constatations dans le cadre de la présente étude. J'espère aussi avoir réussi, durant mon court exposé, à vous donner un aperçu de l'enthousiasme ressenti par le secteur à l'égard des occasions qui se sont présentées et qui se présenteront au chapitre de la réduction des émissions de GES du Canada. Enfin, j'espère que les politiques encourageront la poursuite de la croissance dans ce secteur novateur et entrepreneurial pour le plus grand bien de l'industrie et du Canada.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître. Je serai plus qu'heureux de répondre à vos questions et de donner suite aux demandes que vous me formulerez aujourd'hui et qui pourraient exiger d'autres mesures. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Griffin : Merci de votre exposé et merci de nous avoir attendus. L'après-midi a été très long.

Si vous deviez cerner une ou deux choses que le gouvernement du Canada peut faire pour vous aider le mieux possible à faire évoluer davantage votre industrie, quelle serait cette mesure ou ces deux mesures?

M. Salkeld : Nous aimerions que le gouvernement comprenne que, pour que nous ayons du succès, il faut que les entreprises productrices qui sont nos clients aient aussi du succès. Lorsque ces entreprises se tournent vers leurs investisseurs ou leurs prêteurs ou encore leur siège social et tentent de justifier de nouvelles mesures de développement commercial, tout ce qui importe, c'est le coût global pour sortir un baril de pétrole ou un gigajoule de gaz du sol. Cependant, de votre point de vue et de notre point de vue, cette somme est associée à d'autres choses, comme une éventuelle taxe à la frontière dont on entend parler, la taxe sur le carbone, la TVH et la TPS. Toutes ces choses s'ajoutent à la somme globale. Les sièges sociaux des producteurs ne regardent pas les différents postes.

Ce que nous vous demandons, lorsque vous examinez l'industrie, c'est que vous teniez compte du fait que tous ces éléments différents s'additionnent et font monter le coût global. Ce n'est pas seulement la taxe sur le carbone, il y a aussi la main-d'œuvre et la longue distance sur laquelle il faut transporter les marchandises et les produits jusqu'aux marchés. Nous vous demanderions de ne pas oublier que ce n'est pas seulement le montant global, il faut aussi tenir compte des différentes composantes individuelles.

Nous demandons depuis un certain nombre d'années que vous souteniez l'industrie. Vous ne serez pas surpris que je vous parle de l'accès aux côtes. Je suis conscient que nous faisons des progrès sur ce front. Par conséquent, je mentionnerais une clientèle plus vaste et le fait de connaître les différents coûts liés à l'extraction d'un baril de pétrole. Est-ce que je réponds à votre question?

La sénatrice Griffin : Je crois bien que oui. Vous avez mentionné deux ou trois choses. C'est ce que je voulais.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé. C'est très bien que vous vous intéressiez à toutes ces nouvelles technologies novatrices et vertes. Si j'ai bien compris, vos membres œuvrent dans l'industrie pétrolière et gazière en amont, vous vous occupez donc du forage, de l'exploration, de l'équipement et de l'environnement. Puisqu'il s'agit d'un domaine relativement nouveau, de quelle façon vos travailleurs obtiennent-ils la formation spécialisée dont ils ont besoin pour être au fait des changements technologiques? Voilà pour la première partie de ma question.

M. Salkeld : Pour répondre à votre question, nos entreprises membres misent surtout sur la formation à l'interne. La formation est offerte à l'interne par nos entreprises membres. Cela dit, la PSAC travaille en étroite collaboration avec les écoles polytechniques locales comme le SAIT ou le NAIT, et même avec l'Université de Calgary en fait, pour cerner les besoins en matière d'éducation dans le domaine. Comme vous l'avez mentionné, c'est quelque chose de relativement nouveau pour nous, et nous en sommes donc seulement à l'exploration de ces exigences avec ces établissements d'enseignement.

L'entreprise dont j'ai parlé lorsqu'il était question des tours de phares conçoit et fabrique ses propres lumières DEL à l'interne. Elle obtient les connaissances dont elle a besoin d'experts en la matière locaux et elles apprennent d'elles- mêmes, pour ensuite transmettre ces connaissances à leurs employés durant le processus d'apprentissage. On parle donc de formation à l'interne, et on commence tout juste à utiliser des cours de formation externe offerts par des établissements d'enseignement accrédités, au besoin.

La sénatrice Galvez : Dans votre déclaration et les documents que vous avez fournis, vous parlez du pétrole et du gaz de façon générale. Cependant, pour ce qui est du gaz, nous savons qu'il y a du gaz non conventionnel, du gaz de réservoir compact et du gaz de réservoir moyen-compact. On parle des bassins Bakken, Eagle Ford et du Permien. Ce sont des bassins très profonds qui présentent des mélanges de gaz très différents. C'est une chose de maintenir l'infrastructure — les oléoducs et les travaux d'excavation, mais c'en est une autre de manipuler ces différents produits; et c'est la même chose lorsqu'il est question du pétrole. Il y a du pétrole conventionnel et du pétrole non conventionnel, et le pétrole extrait des sables bitumineux est très différent.

En ce qui a trait à la formation liée à la manipulation environnementale et à l'utilisation des nouvelles technologies pour la gestion des déversements — parce qu'on continuera d'utiliser les oléoducs et qu'il y aura éventuellement des déversements durant le cycle de vie des pipelines —, assurez-vous aussi une formation sur les situations d'urgence et la manipulation de ces différents produits qui sont maintenant accessibles sur le marché?

M. Salkeld : Oui, les entreprises le font. Je vous remercie de poser la question.

Premièrement, vous avez raison de faire une différence entre le pétrole ou le bitume tiré des sables bitumineux et le pétrole non conventionnel. Cela dit, le pétrole non conventionnel demeure du pétrole, qu'il vienne d'une formation compacte ou de diverses formations différentes, et c'est la même chose dans le cas du gaz naturel. Au bout du compte, le gaz naturel est du gaz naturel, qu'on l'obtienne sous forme liquide dans le cadre de l'exploitation pétrolière ou de schiste compact ou encore de gisements classiques. Au bout du compte, une fois à la surface, nous devons le gérer, et c'est la même marchandise.

Par conséquent, pour ce qui est de la formation qu'il faut pour manipuler les produits une fois qu'ils sont à la surface, c'est passablement la même chose. Pour répondre à votre question, oui, nous offrons de la formation. Les différentes entreprises pétrolières — les petites, les moyennes et les grandes — se sont toutes dotées de plans d'intervention d'urgence. Puis, selon leur type d'opération et l'endroit où elles se trouvent et compte tenu des différents types de transport utilisés — que ce soit des réseaux de collecte sur le terrain ou les conduites de vente menant vers les principaux oléoducs de transmission, on offre les cours de formation spécialisée requis associés à ces trois situations différentes.

Du point de vue de la PSAC, nous travaillons par l'entremise de notre association responsable de la sécurité, Enform, une association de sécurité dirigée par l'industrie et composée de six associations de l'industrie : la Petroleum Services Association of Canada, la Canadian Association of Oilwell Drilling, l'Association géologique du Canada, puis les petits producteurs, les EPAC, les grands producteurs, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, puis l'ACPE, l'association des pipelines. Ces six associations se sont regroupées pour créer Enform.

Grâce à Enform, nous veillons au perfectionnement des services de premier répondant. Par exemple, à la lumière de ce que nous avons appris à Lac-Mégantic, nous nous sommes rendu compte au sein de l'industrie qu'une bonne partie des premiers répondants dans des collectivités éloignées n'avaient ni les connaissances ni la formation nécessaire pour gérer une urgence aussi grave. Nous avons demandé à notre association responsable de la sécurité de mettre au point une telle formation, de faire des recherches et de déterminer s'il existait déjà des cours de formation et de les utiliser — pourquoi réinventer la roue? — et, s'il y avait des lacunes, de les trouver.

Donc la réponse détournée à votre question, c'est que les producteurs assurent la formation à l'interne grâce à leur propre programme de formation en ce qui a trait aux interventions en cas de déversement, que ce soit durant le processus de forage et de production ou une fois les produits dans les pipelines, puis, en tant qu'association de l'industrie, nous avons demandé à notre association responsable de la sécurité de combler toutes les lacunes en matière de formation requise. La formation est réalisée à l'interne par les entreprises productrices ou par les entreprises de service, et les entreprises d'intervention d'urgence le font grâce à leurs processus respectifs de formation mis en place par l'intermédiaire de l'association.

La sénatrice Fraser : J'ai deux ou trois questions, monsieur Salkeld. Je suis peut-être la seule personne ici présente qui ne le sait pas, mais en quoi consiste la microsismicité?

M. Salkeld : La microsismicité est une technologie. C'est une technologie sismique, et c'est donc la technologie que nous utilisons pour recueillir des données sismiques, comme des récepteurs placés sur le sol. Lorsque nous recueillons des données sismiques, nous forons des trous et faisons exploser des charges ou frappons le sol grâce à de l'équipement spécial, et ces récepteurs captent les vibrations créées dans le sol. Cela nous permet d'analyser les formations.

Nous avons poussé cette technologie un peu plus loin. La microsismicité est donc toute une gamme d'appareils de réception sonore. Nous pouvons par exemple forer des petits puits autour d'une zone d'activités de forage où nous nous apprêtons à forer ou à procéder à des activités de fracture hydraulique, puis les appareils permettent aussi de mesurer ce qui se passe au fond du trou de fracturation.

Le processus de collecte de données sismiques est très intense et très complexe et est réalisé pendant le forage et pendant la fracture hydraulique. Grâce à l'utilisation du processus de microsismicité et à la technologie de collecte de données, nous réussissons en fait à diriger le trépan en temps réel. Nous pouvons donc forer sur une distance de 1 km, puis forer à l'horizontale en regardant ce qui se passe du côté de l'activité microsismique en temps réel, à la surface, afin que nous puissions diriger le trépan.

Une fois le puits foré et une fois que nous commençons le processus de fracturation hydraulique, le même processus microsismique est utilisé pour garder à l'œil le processus de fracturation. Tandis que nous augmentons la pression et brisons le roc, nous pouvons regarder ce qui se passe en temps réel. La microsismicité est la technologie qui nous permet de mesurer les vibrations de la terre en temps réel, sous la surface, afin que nous puissions gérer nos opérations.

La sénatrice Fraser : Merci. Je suis heureuse de voir qu'il y avait au moins un autre sénateur qui ne savait pas ce dont il s'agissait.

Ma deuxième question est liée aux préoccupations que vous avez exprimées à la fin de votre exposé au sujet du fardeau cumulatif de la taxe, du droit et de la réglementation qui s'additionnent. Avez-vous effectué des travaux pour évaluer l'impact des taxes sur le carbone, le cas échéant, sur vos membres, et plus particulièrement sur la compétitivité de l'industrie canadienne lorsqu'elle vend son produit final à l'extérieur du Canada?

M. Salkeld : Ma réponse à la deuxième partie de votre question, c'est non.

Pour ce qui est de la première partie, nous commençons à peine à tendre la main à nos membres. Nous avons reçu des appels de leur part; ils sont préoccupés par le fait que la taxe sur le carbone augmentera le coût des affaires. En tant qu'association, nous devons représenter l'ensemble de nos membres, comme je suis sûr que vous le savez, et donc, actuellement, nous avons entrepris de sonder nos entreprises membres afin de recueillir cette information. Pour répondre à votre question, nous venons tout juste de commencer à aller dans cette direction.

Les quelques exemples dont j'ai eu vent concernaient une entreprise membre qui transporte du carburant. Elle doit acheter du carburant et payer la taxe sur le carbone dès le départ. Elle livre le tout au client qui est exonéré de taxes, et doit attendre pour obtenir son rabais sur la taxe sur le carbone au terme d'un long processus. Elle peut donc attendre son argent pendant un mois ou deux. C'est le prix des affaires. Ce sont des choses qu'on commence tout juste à remarquer. Je serai ravi de vous fournir l'information dans un mois ou deux, lorsque nous aurons recueilli tous les renseignements.

La sénatrice Fraser : Ce serait excellent. Merci beaucoup.

Le sénateur Wetston : Merci de nous avoir fourni vos commentaires aujourd'hui et de nous avoir présenté votre exposé. J'ai deux ou trois questions au sujet de votre approche. Je crois assez bien comprendre la PSAC et ce que vous faites.

Je lis votre présentation, et je regarde en quelque sorte votre industrie pétrolière en amont, l'exploration, la production, les activités sismiques, le forage et tous ces services qui sont nécessaires à l'extraction pétrolière et gazière.

La plupart des gens aujourd'hui parlent d'innovation. On dirait que tout le monde est un innovateur de nos jours. Je regarde les résultats de votre innovation. J'essaie de comprendre de quelle façon vous mesurez les résultats et de quelle façon vous tirez la conclusion que, effectivement — j'en suis sûr —, bon nombre de vos membres sont novateurs et ont obtenu de grands résultats. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Et j'ai une autre question, si vous me permettez, dans ce contexte. Je peux comprendre votre approche en matière de protection environnementale, mais, selon moi, ce n'est pas la même chose que d'essayer de favoriser une économie à faibles émissions de carbone. Les deux choses sont peut-être liées, mais ce n'est assurément pas la même chose. C'est un genre de question à deux volets, pour ainsi dire. Pouvez-vous m'aider là aussi à comprendre?

M. Salkeld : J'en serai heureux.

Je vais vous donner deux ou trois exemples qui me viennent à l'esprit. Prenons l'engin de forage, par exemple. Avant, l'appareil de forage traditionnel fonctionnait grâce à cinq ou six moteurs au diesel. Dès que la technologie de courant alternatif, le CA, est devenue suffisamment petite, nous avons éliminé les moteurs au diesel de l'appareil de forage et les avons remplacés par des moteurs qui fonctionnent à l'électricité. Par conséquent, il y a peut-être maintenant une génératrice ou une source d'énergie — et il ne s'agit pas nécessairement d'un moteur au diesel, il pourrait s'agir d'un moteur au gaz naturel — qui fait fonctionner la génératrice, qui, elle, alimente tous ces moteurs électriques à CA qui étaient auparavant des moteurs au diesel.

Le Canada possède un parc de 800 plateformes, et elles n'ont pas toutes été converties, mais elles le seront un jour. Juste ici, en retirant cinq moteurs d'une plateforme — on a éliminé de nombreux moteurs au diesel ainsi que toutes les émissions de gaz d'échappement. C'est assurément un changement mesurable en ce qui a trait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre produites par cette seule pièce d'équipement.

Comme on peut le voir dans mes diapositives, il y a un autre exemple, qui remonte à 2004-2005, quand nous avons foré environ 24 000 puits en une année dans l'Ouest canadien. Chacun de ces puits était vertical et exigeait son propre emplacement et sa propre route. La technologie dont j'ai parlé un peu plus tôt en ce qui a trait au forage directionnel et à la microsismicité nous permet maintenant de forer 30 puits à partir d'un même emplacement; nous avons donc besoin d'une seule route et d'un seul emplacement.

Encore une fois, toutes les émissions de gaz à effet de serre liées à l'équipement lourd, à la construction des routes, aux différents puits et au forage ont été réduites à celles associées à un seul emplacement et une seule route. Les opérations de forage actuelles, par exemple, sont devenues essentiellement des usines à forer des trous, avec toutes les économies d'échelle associées à l'élimination du besoin de déplacer l'équipement.

Encore une fois, dans mon exemple lié à l'évaporation des eaux résiduelles sur place, tous les déplacements de camions qui étaient requis pour transporter ces eaux usées — on parle de centaines de milliers de mètres cubes d'eau qui étaient transportés ailleurs vers des puits de rejet — tout ça a été éliminé grâce au processus CleanSteam. Nous ne déplaçons plus des camions pleins d'eau ailleurs, nous procédons aux activités d'évaporation, de nettoyage et d'épuration sur place, à un point tel que nos entreprises membres sont maintenant en mesure d'offrir des crédits de carbone à leurs clients. Elles aident même leurs clients à remplir les documents pour qu'ils soient admissibles à des crédits de carbone en raison de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce sont deux exemples.

Le sénateur Wetston : Ma prochaine question est un peu tendancieuse, et il sera probablement difficile d'y répondre. Croyez-vous que, grâce au travail de votre association et de vos membres, vous pourrez, au cours des prochaines années, arriver à réaliser tous les travaux d'exploration, de forage, de prestation de services et de fabrication sans carbone? De toute évidence, nous nous attendons à ce que, à un moment donné, vous continuiez à transporter du pétrole et du gaz, mais pouvez-vous le faire dans une économie sans carbone?

M. Salkeld : C'est une question très intéressante. Nous parlons déjà de la possibilité de construire des plateformes totalement robotisées fonctionnant au courant alternatif et exploitées à distance.

Vous savez quoi? Je ne crois pas. Et j'en reviens même à la construction en tant que telle de la concession. On continuera d'avoir besoin d'équipement lourd pour construire les routes et les concessions, et tant que toutes ces machines ne sont pas électriques... nous sommes très loin de posséder une technologie de stockage dans des batteries permettant de bâtir des niveleuses, des bouteurs et d'autres pièces d'équipement lourd électrique. La réponse courte à votre question, c'est que ce n'est peut-être pas impossible, mais ce n'est pas faisable dans un avenir prévisible.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup.

Le président : Sénatrice Galvez, voulez-vous poser une question au nom du sénateur Meredith?

La sénatrice Galvez : Oui. Il voulait savoir de quelle façon vos membres s'adaptent à ce changement de technologie. Je crois que cette question est similaire à celle que j'ai posée. Sont-ils heureux de participer à la mise en place de ces nouvelles technologies, de les mettre en œuvre et de les utiliser? Ou constatez-vous une certaine résistance?

M. Salkeld : Je ne dirais pas qu'il y a de la résistance, mais il est évident qu'il y a certaines entreprises de services de la vieille école qui sont uniquement là pour forer et construire des puits, et elles se concentrent sur leurs opérations quotidiennes.

J'œuvre au sein de l'industrie depuis 36 ans, et j'ai passé les six dernières au sein de la PSAC, et ce que j'ai constaté chez les membres avec lesquels j'interagis, c'est qu'ils voient d'un très bon œil les occasions. J'ai déjà participé à un certain nombre de séminaires sur la façon de tirer profit de ces occasions liées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Il y a un bon pourcentage de nos membres qui veulent vraiment trouver ces occasions, être les premiers à utiliser un logiciel de détection des réductions des émissions de méthane afin de pouvoir faire un suivi, pour répondre à la question du sénateur précédent sur la possibilité de mesurer les réductions. Ce sont les genres de technologies auxquels nous nous intéressons parce qu'elles permettent une réduction de 45 p. 100 par rapport aux émissions de 2014 du gouvernement fédéral. Certaines de nos entreprises membres sont très enthousiastes à l'idée d'élaborer un logiciel permettant de mesurer tout ça, pas seulement de façon générale, mais directement sur le terrain, au puits; nous avons eu certaines idées pour mesurer les gaz à effet de serre et les émissions de méthane, de façon à ensuite les réduire et mesurer le taux de réduction. Il y a donc vraiment un désir de cerner les occasions, et je dirais que cet intérêt croît beaucoup plus vite que toute résistance au changement.

La sénatrice Galvez : Si vos membres le font volontairement, je suis sûr que ce n'est pas simplement parce qu'ils ont à cœur l'environnement : il y a aussi certains avantages économiques, des profits à en tirer. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des aspects économiques liés à ces changements de technologie?

M. Salkeld : Eh bien, il y a deux choses à dire, ici. Vous avez tout à fait raison. S'il y a une occasion de faire de l'argent, alors, de toute évidence, c'est un facteur de motivation. Je veux cependant vous dire ce qui est, selon moi, un des principaux facteurs qui motivent nos clients. Les entreprises d'exploration et de production, les grands producteurs du Canada, ont des responsabilités sociales d'entreprise et ont pris des engagements à l'égard de l'environnement et, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, elles se tournent de plus en plus vers les entreprises de service afin que ces dernières les aident à livrer la marchandise. Il y a donc là une certaine motivation, dans la mesure où, si vous voulez le prochain contrat, vous devez alors trouver ces technologies qui aideront les clients, les producteurs, à satisfaire aux exigences. Oui, le prochain contrat permettra de faire de l'argent et de générer des revenus. Il y a donc évidemment un facteur économique, mais c'est aussi pour répondre aux attentes des clients. Comme je vous l'ai dit, en tant qu'association des entreprises de service, nous recevons de plus en plus de demandes de nos clients, les producteurs, afin que nous les aidions à respecter leurs engagements à l'égard de la protection de l'environnement et de la réduction de leur empreinte carbone.

Le sénateur Patterson : Pour poursuivre sur le thème de ce qui motive l'innovation, vous avez mentionné la tarification du carbone. Est-ce que la tarification du carbone sert à stimuler les innovations que vous avez décrites dans votre industrie?

M. Salkeld : Voilà une question intéressante. C'est tout nouveau pour nous d'être confrontés à la taxe sur le carbone de l'Alberta, par exemple, qui est maintenant appliquée. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous donner d'exemple d'une situation où la taxe sur le carbone favorise l'innovation. Je suis désolé, mais je ne trouve aucun exemple à ce sujet.

Le sénateur Patterson : Il n'y a pas de problème. Je suis moi-même très préoccupé par la tarification du carbone, puisque je viens d'une administration qui n'a pas vraiment de sources énergétiques de rechange, alors je ne m'attends pas à ce que vous tentiez de me vendre l'idée de la tarification du carbone. Si cela n'aide pas à favoriser l'innovation, c'est utile de le savoir.

J'aimerais vous poser d'autres questions qui vont dans ce sens. Vous avez mentionné que la tarification du carbone, je crois, et d'autres taxes sont un fardeau pour vos membres. J'imagine qu'une bonne partie de vos membres exercent leurs activités aux États-Unis et au Canada. Je sais que des entreprises comme Precision Drilling sont très présentes dans les deux pays. Je connais la situation de cette entreprise. Je me demande si vos membres ont réfléchi aux répercussions de certaines des politiques favorables au milieu des affaires proposées par la nouvelle administration américaine et peut-être, du fait que la nouvelle administration américaine met moins l'accent sur la tarification du carbone. Croyez-vous que ces mesures auront certaines répercussions sur notre industrie au Canada?

M. Salkeld : C'est définitivement dans notre ligne de mire, si je peux m'exprimer ainsi, car je sais qu'un certain nombre de nos entreprises membres ont déjà été approchées par l'État du Texas, qui les encourage à déménager au Texas pour y poursuivre leurs activités. L'un de leurs arguments encourageants, c'est : « Nous n'avons pas de taxe sur le carbone. Si vous commencez à avoir de la difficulté à faire des affaires chez vous, envisagez de venir au Texas, et nous vous accueillerons à bras ouverts. » Nous constatons déjà ces genres de répercussions et d'extension.

De plus, vous avez tout à fait raison. Precision Drilling est un membre de la PSAC. Je crois que 72 p. 100 de nos membres exercent certaines activités aux États-Unis. Encore une fois, cela fait partie de nos préoccupations. C'est un domaine où les coûts sont très élevés en raison, comme vous le savez, des coûts liés à la main d'œuvre et tout le reste et de la distance des marchés. Le problème, c'est de transporter notre produit vers les marchés. Tout ce qui menace en quelque sorte la marge de profit nous préoccupe, et lorsqu'on regarde ce qui se passe aux États-Unis et les répercussions que ce qui se passe là-bas aura sur les occasions d'affaires, il est évident que nos membres sont tout à fait au courant. Encore une fois, ce sont des gens d'affaires qui examinent leur marge de profit et le coût des affaires. Ce sont des notions économiques de base du point de vue des affaires. Nos membres sont tout à fait au courant de ce qui se passe.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé et de répondre à nos questions. Dans une certaine mesure, vous m'avez même vraiment aidé à comprendre. J'ai une question qui poursuit sur la lancée du sénateur Patterson : à la lumière de votre expérience, allons-nous trop vite trop loin, surtout compte tenu de ce que vous avez entendu au sujet des Texans qui communiquent avec des entreprises canadiennes pour leur dire de déménager aux États-Unis?

M. Salkeld : Encore une fois, c'est une très bonne question. Je ne crois pas que nous allions trop vite. Il y a des choses que nous devons faire, et, si je peux me permettre de compléter une réponse donnée à une question précédente, les membres de la PSAC sont des travailleurs de première ligne. Nos membres œuvrent dans les collectivités dans tout l'Ouest canadien. Ils sont sur les premières lignes et offrent ces services, et ils ont autant à cœur que les autres la qualité de l'eau potable, l'environnement et l'empreinte carbone dans ces régions.

S'il y a une chose que je peux dire, c'est que nous savons que nous avons besoin d'une solide réglementation. Nous savons qu'il faut des mesures incitatives pour un avenir plus propre. Cela ne fait aucun doute. Nos membres ne sont pas des dinosaures. Ils savent qu'il faut aller dans cette direction.

Pour ce qui est de l'introduction d'une taxe sur le carbone et des principes économiques fondamentaux visant à inciter une industrie à changer ses pratiques, je ne crois pas qu'on le fasse trop vite. Pour ce qui est de nos membres, ils sont au courant de ce qui se passe et ils travaillent en ce sens. Ils savent que c'est pour bientôt. Ils savent que nous en avons besoin. C'est cet équilibre, selon moi, qui vous intéresse, le fait de ne pas nuire aux affaires. Nous ne voulons pas chasser les entreprises. Nous voulons donner, du moins aux entreprises qui sont ouvertes à cette idée, l'occasion de procéder à la transition.

Actuellement, il y a des préoccupations, mais je ne crois pas que les choses vont trop vite. Les entreprises ne ferment pas leurs portes aujourd'hui en raison de la taxe sur le carbone, pas pour l'instant.

Le sénateur Mockler : Je n'ai aucun doute que vous faites un suivi auprès de vos membres s'il y a des Texans qui disent : « Voici une occasion, parce que vous êtes en affaires pour faire de l'argent et créer de la richesse. » Cela dit, faites-vous un suivi auprès de vos membres pour savoir si on essaie de les convaincre de déménager aux États-Unis? Vous avez mentionné une entreprise.

M. Salkeld : Oui, nous le faisons, monsieur le sénateur. En fait, nous réalisons un sondage au sujet des questions commerciales auprès de nos membres tous les ans, et deux ou trois des questions concernent les opérations internationales, du genre « où aimeriez-vous exercer vos activités » et ainsi de suite. Ces questions sont liées précisément à celles que vous me posez. Nous faisons un suivi de leurs opérations.

Durant les réunions de notre conseil, nous comptons sur des membres diversifiés et un conseil d'administration qui représente nos membres. Nous commençons nos réunions du conseil par un tour de table sur la situation au sein de l'industrie. C'est un sujet de conversation qui est soulevé inévitablement, avec 16 ou 17 entreprises qui parlent d'occasions aux États-Unis, en Amérique du Sud et dans d'autres régions du globe.

Je peux vous dire que, vu le contexte actuel et la reprise économique, beaucoup de nos membres cherchent des débouchés à l'échelle internationale. Les inconvénients pour les affaires dont on parle augmentent la motivation de chercher ailleurs. Cela dit, ce sont des entreprises dont les sièges sociaux sont au Canada et elles veulent continuer d'œuvrer principalement à partir d'ici.

Le sénateur Mockler : Je suis sûr que vous savez que le gouvernement fédéral s'est engagé à réduire ses émissions de 30 p. 100 en dessous des niveaux de 2005 d'ici 2030. Selon Environnement et Changement climatique Canada, l'écart au niveau des émissions nécessaires pour atteindre cet objectif est de 219 mégatonnes de dioxyde de carbone ou d'équivalent. À la lumière de vos 35 années d'expérience au sein de l'industrie, croyez-vous que cette cible est atteignable?

Puis, croyez-vous que le grand public comprend la portée du défi que cela représente? La société est divisée à ce sujet et, pour aller de l'avant, nous avons besoin de l'approbation sociale.

M. Salkeld : Je ne crois pas que le citoyen canadien moyen se rend compte de tout ce que sous-entend l'atteinte de cette cible. Je crois vraiment que le secteur des services, de l'approvisionnement et de la fabrication relatifs aux champs pétrolifères jouera un rôle important dans la réduction des émissions afin de respecter l'exigence générale. Comme vous l'avez cerné dans le cadre de votre étude, vous vous penchez sur cinq secteurs, et, comme je l'ai mentionné, le secteur du pétrole et du gaz est composé des producteurs et des entreprises de service.

Alors, oui, comme je l'ai déjà mentionné, nous cherchons les occasions de trouver les plus petites fuites sur les têtes de puits, sur place, et nous tentons de trouver des façons d'éliminer les fuites ou de capter et de réutiliser le gaz. Nous sommes là, et nous jouerons un rôle important dans le cadre des efforts généraux de réduction.

Est-ce que tout se fera sur le dos du secteur des services? Non, mais nous pourrons assurément mesurer notre rôle dans l'ensemble des réductions ciblées.

Le président : Je vais poser deux ou trois questions, puis nous passerons aux prochains témoins.

Le Canada est-il la seule place au monde où l'industrie pétrolière et gazière est présente qui impose ces genres de mesure? Personnellement, je ne crois pas que ce soit vrai. Je crois que les mesures peuvent être différentes d'un endroit à l'autre, mais les Shell, les Exxon et toutes ces grosses entreprises, y a-t-il des endroits dans le monde où on leur dit : « Allez-y, faites tout ce que vous voulez » dans le cadre de leurs activités de forage? Je ne crois vraiment pas. Je crois qu'il se passe quelque chose au sein même de ces entreprises. Lorsqu'on parle de remplacer des moteurs au diesel par des moteurs électriques pour faire fonctionner les engins de forage, ce n'est pas uniquement en raison d'une taxe sur le carbone. C'est parce qu'il y a une certaine valeur associée au fait de procéder ainsi. Il y a une valeur sur le plan environnemental pour ces entreprises, parce qu'elles veulent vendre leur produit au bout du compte, mais en plus, c'est probablement une méthode moins dispendieuse si on calcule bien. Dites-moi, sommes-nous le seul pays qui demande certaines des mesures que vous devez prendre à l'échelle mondiale, dans les endroits où l'industrie pétrolière et gazière est active?

M. Salkeld : Nous sommes l'un des rares pays qui s'attendent à ce genre de choses. Je peux le dire parce que j'ai travaillé en zone extracôtière en Europe. J'ai aussi travaillé en zone extracôtière et continentale dans l'Est de l'Australie et en Australie occidentale. J'ai travaillé en Sibérie occidentale et dans quelques autres endroits entre le Canada et les États-Unis. Je peux dire très sincèrement que le Canada est un chef de file dans ces types d'initiatives, depuis de nombreuses années.

Vous avez raison; un facteur de motivation est le désir de travailler de façon plus sécuritaire. Le fait de remplacer le diesel par du courant alternatif dans ces puits a un immense impact du point de vue de la sécurité. Le fait de modifier les unités de pompage de fracturation hydraulique — chaque unité exigeait qu'une personne reste dans la zone de danger pour faire fonctionner l'équipement — par un moteur à courant alternatif permet d'accroître la sécurité. Nous sortons donc gagnants en éliminant ce moteur au diesel et en réalisant cette initiative de réduction de GES.

Au Canada, en raison des cadres réglementaires provincial et fédéral très solides et du lien étroit entre les producteurs et le secteur des services, le secteur et l'industrie canadienne du pétrole et du gaz choisissent naturellement cette meilleure option. Il y a des raisons économiques et environnementales, c'est évident. Dans d'autres régions du globe, on ne formule pas autant de demandes qu'au Canada. Les entreprises le font parce que c'est la bonne chose à faire, pas parce que d'autres gouvernements leur demandent. Cependant, le Canada est de loin un chef de file en la matière.

Le président : Merci. Je suis d'accord avec vous. Je ne crois pas que les membres du public se rendent compte vraiment des coûts pour les utilisateurs finaux de ce que le gouvernement a décidé de faire. C'est ceux que j'appelle Fred et Martha, parce que ce sont les gens qui paieront la facture au bout du compte. Personne d'autre ne la paiera. Ce n'est pas un important conglomérat qui paiera la facture. Les coûts seront transférés en aval.

Une des raisons pour lesquelles nous réalisons notre étude, c'est d'essayer de déterminer quels seront, au bout du compte, les coûts associés à ces genres de choses. Je suis un optimiste à tout crin, mais si nous voulons atteindre la cible de 2030 et réduire nos émissions de 219 mégatonnes, même si nous éliminions tous les transports au Canada, nous n'arriverions tout de même pas à atteindre la cible, soit d'éliminer toute l'industrie pétrolière et gazière. Ce n'est pas tout, il y a beaucoup de choses dans notre vie qui sont rendues possibles par le pétrole et le gaz, comme les vêtements et tout le reste. On peut y arriver à peine, c'est donc une cible quasiment impossible, mais il faut commencer quelque part.

Merci d'être venu discuter avec nous. J'aimerais vous demander, si c'est possible, de réfléchir à certaines des choses que l'industrie pétrolière et gazière fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Vous nous avez donné deux ou trois exemples. Je vous en remercie, mais les exemples dont vous avez parlé — les appareils de forage — je les connais assez bien. Je les approvisionnais en carburant avant, alors je sais combien de combustible ces appareils consommaient. Si vous pouviez nous fournir des exemples de choses que fait l'industrie, nous serions très heureux. J'imagine que l'industrie fait à peu près toutes les mêmes choses au Texas qu'elle fait au Canada. Si vous pouviez fournir cette information à la greffière, nous vous en serions assurément très reconnaissants. Merci beaucoup.

M. Salkeld : Je serai heureux de le faire, monsieur le sénateur. Merci de m'avoir offert l'occasion, et merci pour les excellentes questions. J'ai vraiment apprécié l'occasion qui m'a été donnée.

Le président : Revenons aux intervenants qui se trouvent ici, et poursuivons avec la deuxième portion de la réunion. Durant le deuxième segment, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Bob Masterson, président et directeur général, et David Podruzny, vice-président, Affaires économiques et commerciales de l'Association canadienne de l'industrie de chimie. Merci d'être là, messieurs. Encore une fois, je suis désolé du retard. Soyez assurés que nous ne le faisons pas à dessein.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que certains d'entre nous ont rencontré nos deux témoins durant une visite d'information à Sarnia, où nous avons passé du temps très agréable.

Veuillez nous présenter vos exposés, puis nous passerons aux questions.

Bob Masterson, président et directeur général, Association canadienne de l'industrie de chimie : Merci, monsieur le président. C'est pour moi un honneur de rencontrer à nouveau les membres du comité et de faire un suivi sur la visite du comité à Sarnia, en novembre dernier. J'ai quelques commentaires à formuler, puis nous pourrons passer directement aux questions. Nous avons bien hâte d'y répondre.

Durant votre séance à Sarnia, nous avons parlé du potentiel de croissance de l'industrie, au Canada et à l'échelle mondiale. Nous avons pris le temps de souligner la croissance rapide du secteur de la chimie américain, soulignant qu'il y avait plus de 250 projets en cours assortis d'une valeur comptable de plus de 225 milliards de dollars canadiens. Nous avons souligné que, même s'il y a eu quelques investissements récemment au Canada, nous sommes bien à la traîne, vu notre part historique d'investissement de 10 p. 100.

Nous avons aussi discuté de la nature très novatrice de l'industrie de la chimie. Nous avons souligné qu'elle compte pour 25 p. 100 des brevets accordés aux États-Unis chaque année, et nous avons parlé du secteur et donné des exemples du fait qu'il constitue un important catalyseur de réduction des émissions dans d'autres secteurs de l'économie, notamment les transports, le bâtiment, l'énergie et l'agriculture.

Nous avons aussi parlé de notre main-d'œuvre très spécialisée, dont 38 p. 100 sont des diplômés universitaires qui gagnent un salaire annuel moyen de 110 000 $, soit deux fois la moyenne du secteur manufacturier.

Nous avons présenté certaines recherches de l'Agence internationale de l'énergie qui démontrent que pour chaque unité de gaz à effet de serre que nous émettons dans le cadre de la fabrication de nos produits, ces produits chimiques générés permettaient une réduction nette de 2,6 unités de gaz à effet de serre durant leur cycle de vie. Un bon exemple, c'est l'utilisation de produits isolants modernes fondés sur la chimie dans les résidences, qui permet d'éviter des émissions plus de 200 fois supérieures à celles produites durant le processus d'installation, de fin de vie et de fabrication. On parle donc d'un avantage 200 fois plus élevé. Oui, il y a des émissions associées à la production, mais l'utilisation du produit permet d'éliminer 200 fois plus d'émissions.

Enfin, nous avons parlé des mesures prises dans notre secteur et souligné le fait que les sociétés de gestion responsables au sein de notre groupe ont réduit leurs émissions absolues de plus de 66 p. 100, soit les deux tiers, depuis 1992. Ce sont certaines des choses dont nous avons parlé.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'enjeux que nous n'avons pas eu l'occasion d'aborder à Sarnia. Ces enjeux sont liés aux politiques de gestion des gaz à effet de serre. J'ai quatre principaux messages à vous transmettre ce soir, qui ouvriront peut-être la voie à certaines questions.

Premièrement, à l'échelle internationale, l'industrie de la chimie est un important secteur qui affiche une croissance rapide et qui a des répercussions importantes sur les changements climatiques à l'échelle internationale. Les ventes annuelles de produits chimiques s'élèvent à plus de 5 billions de dollars. Nous affichons des taux de croissance bien au- dessus de celui du PIB mondial, et, dans certains cas, un taux de croissance deux fois plus élevé que celui du PIB. Nous nous attendons à atteindre 6 billions de dollars de ventes d'ici 2020. Cela n'a rien de surprenant. Il y a des pans de plus en plus importants de la population mondiale qui bénéficient d'un niveau de vie de la classe moyenne. La chimie offre certaines des principales solutions à de nombreux problèmes pressants liés à la durabilité, y compris les changements climatiques. Ce sont ces tendances que les analystes utilisent pour prédire que le plus gros volume de ce que nous appelons nos produits chimiques de base triplera au cours des 30 prochaines années.

Un secteur de cette taille et qui affiche un tel taux de croissance a des répercussions importantes sur les changements climatiques à l'échelle mondiale. Le secteur de la chimie à lui seul compte pour environ 10 p. 100 de la demande énergétique mondiale et environ 7 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.

Deuxièmement, il y a de nombreuses voies différentes permettant de produire ces produits chimiques industriels de base fabriqués en très grande quantité. Si nous prenons seulement les 18 produits chimiques les plus fabriqués qui constituent le fondement de presque tous les autres produits chimiques, la production mondiale de ces 18 produits chimiques est associée à 80 p. 100 de l'utilisation énergétique et à 75 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du secteur.

C'est là le point crucial : il y a de nombreuses façons différentes de produire chacun de ces 18 produits chimiques, et chaque méthode a son propre profil d'émission de gaz à effet de serre. Si on regarde la situation du point de vue des gaz à effet de serre et qu'on imagine une échelle, à l'extrémité inférieure, il y a les substances biochimiques et électrochimiques, qui sont théoriquement exemptes de carbone. Vous avez vu un exemple d'un tel produit aux installations de production de BioAmber, à Sarnia. Puis, il y a les produits de composition chimique liés au méthane qui comptent une molécule de carbone, suivis des produits de composition chimique à base d'éthane qui comptent deux molécules de carbone, les produits de composition chimique liés au propane qui en comptent trois, les compositions chimiques à base de naphte, qui comptent cinq molécules de carbone ou plus, et on poursuit jusqu'à l'autre bout de l'échelle, avec les molécules à haute teneur en carbone, des compositions chimiques à base de pétrole lourd et de charbon.

Pourquoi est-ce important? Prenons le cas du méthanol. On en produit ici, au Canada, en Alberta. La principale méthode à l'échelle internationale, mais uniquement au Canada, permettant de produire du méthanol consiste à utiliser du méthane, l'élément principal du gaz naturel. Si nous regardons la situation en Asie, où le méthane n'est pas disponible en abondance, la méthode la plus souvent utilisée pour répondre à la demande dans cette région du globe consiste à partir du charbon. Du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, cette méthode qui mise sur le charbon pour produire du méthanol entraîne des émissions de gaz à effet de serre 10 fois plus élevées que la production de méthanol à base de méthane, au Canada.

Troisièmement, nous avons la chance au Canada d'avoir accès à une quantité immense et quasiment embarrassante de matières de base faibles en carbone que l'on peut mobiliser pour la production chimique. Nous avons un important accès à une énergie électrique sans émission pour soutenir un secteur électrochimique dynamique. Nous avons d'énormes ressources en biomasse et un secteur biochimique en plein essor. Nous possédons certaines des plus importantes et plus riches réserves de gaz naturel et de gaz naturel liquide, qui permettent la fabrication de produits chimiques à partir de méthane, d'éthane et de propane, lesquels affichent le plus bas potentiel en matière d'émissions de gaz à effet de serre de toutes les autres charges pétrochimiques.

Pour ceux d'entre vous qui n'étaient pas à Sarnia, lorsqu'on regarde la production d'éthylène aux installations de NOVA Chemicals à Sarnia, l'éthylène est le produit chimique de base le plus important à l'échelle internationale. Ce produit est essentiel à la production de quasiment tous les plastiques qu'on utilise au quotidien. Les deux tiers de la production mondiale d'éthylène proviennent du vapocraquage du pétrole brut riche en carbone pour en faire du naphta puis de poursuivre la transformation pour en faire de l'éthylène. On répond au dernier tiers de la demande mondiale en produisant, par craquage, de l'éthylène directement à partir d'éthane. À Nova, vous avez entendu parler de l'investissement de plus de 500 millions de dollars au cours des dernières années pour convertir l'installation de Sarnia de façon à abandonner une production à partir de naphta pour adopter une production à base d'éthane. Pourquoi ce changement est-il important? Vous ne devez pas oublier que la production d'éthylène à base d'éthane exige la moitié moins d'énergie et produit la moitié moins de gaz à effet de serre que la production dominante à l'échelle mondiale à base de naphta.

Et pour terminer, quatrièmement, la politique publique canadienne ne comprend pas les trois points précédents que j'ai mentionnés et n'y donne pas suite. Bref, la voie sur laquelle nous nous trouvons fera en sorte que nous sous- utiliserons les matières de base chimiques pauvres en carbone du Canada et, d'un autre côté, nous surutiliserons les matières de base à teneur élevée en carbone provenant d'autres administrations pour répondre à la demande mondiale dans le secteur de la chimie. De notre point de vue, c'est là une mauvaise politique publique. Nous croyons que c'est mauvais pour les affaires, les travailleurs et les collectivités où nous œuvrons. C'est aussi mauvais pour la balance commerciale du Canada et les perspectives d'investissement. En outre, au bout du compte, la situation aura un impact négatif sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Vu le temps limité dont nous disposons, je vais m'arrêter ici. J'ai hâte de répondre à vos questions. Encore merci de m'avoir donné l'occasion de vous transmettre certains messages similaires à ceux que vous avez entendus durant votre visite à Sarnia.

Le président : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé. Nous allons passer aux questions.

La sénatrice Griffin : Merci d'être là et d'avoir été aussi patient. Afin d'encourager certaines activités ou d'en décourager d'autres, le gouvernement du Canada a un certain nombre de moyens à sa disposition. Ces moyens sont regroupés dans deux catégories principales : les instruments réglementaires et les instruments économiques. En gardant ces deux catégories à l'esprit, qu'est-ce que le gouvernement du Canada peut faire pour aider l'industrie chimique à réduire son empreinte carbone?

M. Masterson : Je ne me perdrai pas en conjectures. Mon propos est fondé sur notre dossier, dont j'ai parlé, selon lequel nous avons obtenu une réduction de deux tiers des émissions de gaz à effet de serre absolues en l'absence d'une tarification du carbone ou de toute réglementation fédérale. Comment est-ce arrivé? C'est arrivé parce que l'industrie a pu investir. Chaque fois que l'industrie investit, elle adopte les opérations les plus modernes et les meilleures technologies, et les émissions de gaz à effet de serre et de tous les autres polluants sont réduites de façon importante. Je ne parlerai pas ici simplement des gaz à effet de serre. Si vous regardez nos émissions des substances toxiques de la LCPE au titre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ces émissions ont été réduites de près de 98 p. 100 au cours des 30 dernières années en raison des investissements de l'industrie.

À Sarnia, nous avons beaucoup parlé du fait que les investissements sont à la traîne. Il devrait y avoir d'importants investissements dans de nouvelles installations que nous pourrions exploiter au Canada. Ça ne se fait pas. Ma réponse, c'est que la meilleure chose que nous pouvons faire pour obtenir les meilleurs résultats possibles en matière de réduction des émissions, c'est d'encourager, et non de décourager les investissements.

La sénatrice Griffin : Vous parlez donc d'un instrument économique, d'une façon qu'utiliserait le gouvernement du Canada pour encourager l'investissement, c'est bien ce que vous dites?

M. Masterson : Non. Je dirais qu'il faut arrêter de mettre en place des instruments qui découragent des investissements qui, sinon, seraient faits.

La sénatrice Griffin : D'accord, alors vous allez dans l'autre sens. Soit dit en passant, je suis impressionnée par les réductions que vous avez déjà réalisées au sein de l'industrie. Y a-t-il d'autres mesures que le gouvernement pourrait prendre — des règlements ou des politiques — pour vous aider à en faire encore plus à cet égard?

M. Masterson : J'ai parlé, par exemple, des 18 produits chimiques de base à l'échelle mondiale qui sont responsables de 80 p. 100 des émissions. Ce n'est pas un secret. Ce n'est pas quelque chose que nous cachons.

Il y a un effort concerté à l'échelle mondiale pour réaliser des recherches qui déboucheront sur la prochaine génération de méthodes de production de ces produits chimiques donnant lieu à beaucoup moins de gaz à effet de serre.

Nous encouragerions assurément le gouvernement du Canada et les provinces à participer aux recherches qui sont en cours en Europe, aux États-Unis et ailleurs, et peut-être même à devenir un centre d'excellence de plein droit de la prochaine génération, par exemple, d'usines de craquage de l'éthylène en Amérique du Nord. Nous avons l'occasion de le faire, mais jusqu'à maintenant, nous avons résisté à toute participation. Les gouvernements n'ont pas participé à ces activités de recherche internationale ni ne les ont financées.

Le sénateur MacDonald : Je trouve très intéressant ce que vous avez à dire au sujet du méthane et du propane qui ont le potentiel de produire le moins de gaz à effet de serre. Vous avez mentionné tantôt une méthode utilisée en Asie, où le méthane n'est pas disponible en abondance, et où la méthode qui affiche la plus forte croissance pour répondre à la demande accrue consiste à produire du méthanol à partir du charbon. J'ai deux ou trois questions à ce sujet. Qu'est-ce qui a été fait à cet égard en Asie? Est-ce que quelque chose a été fait?

M. Masterson : Je crois que le principal besoin en Asie — et je parle plus précisément de la Chine et de l'Inde — est de répondre aux demandes du public liées à un mode de vie améliorée et au fait que les gens veulent jouir de beaucoup des choses que nous avons. C'est probablement là leur priorité.

Le sénateur MacDonald : Pour ce qui est de l'utilisation des technologies?

M. Masterson : C'est un point important à soulever. Beaucoup de personnes pointeront la Chine et les pays asiatiques du doigt et diront qu'ils procèdent d'une façon polluante. Essayer de faire du méthanol à partir du charbon est quelque chose de très nouveau, et cela exige un effort technique. Ce n'est pas facile. C'est plus facile de le faire à partir du méthane. Il y a des solutions de rechange très difficiles d'un point de vue technologique qui permettent de produire des produits chimiques lorsque les gens n'ont pas accès aux mêmes matières de base que nous.

Le sénateur MacDonald : Quelle est l'étendue des progrès réalisés par ces pays en ce qui a trait à l'extraction de méthane du charbon?

M. Masterson : Nous savons bien sûr que la Chine tente activement de produire des gaz de schiste — comme le reste du monde — mais elle a beaucoup de retard sur les États-Unis et l'Amérique du Nord en ce moment.

David Podruzny, vice-président, Affaires économiques et commerciales, Association canadienne de l'industrie de chimie : Les Chinois n'accordent pas une priorité à la production à partir de sources à faibles émissions de CO2. On parle de quasiment la moitié de la capacité mondiale de production de méthanol. Ces installations sont situées en Chine, et tout est fait à partir du charbon. Cette méthode a une empreinte dix fois plus importante, et la croissance se poursuit. C'est la ressource qui est là, et les gens utilisent les ressources à leur disposition.

Ils ont mis au point les technologies nécessaires pour fabriquer ces produits, puis ils prennent le méthanol, et passent du charbon à l'éthylène, du charbon au propylène. C'est la méthode qu'ils utilisent parce que c'est là 80 p. 100 de leurs réserves d'hydrocarbures nationales actuellement. Ils vont prendre certaines mesures dans les grandes villes pour gérer et introduire l'échange des droits d'émission de carbone, mais, au sein de leurs industries, ils travailleront avec ce qu'ils ont.

Le sénateur MacDonald : Je trouve cette situation intrigante, parce que sur la Côte atlantique du Canada, il y a environ 9 billions de pieds cubes de méthane et de charbon au large du Cap-Breton. Ce que la plupart des gens ne savent pas — vous ne le savez peut-être pas, mais je vais vous le dire —, c'est qu'il y a un filon de charbon de plus de 60 billions de pieds cubes au large de l'Île-du-Prince-Édouard, ce filon se rend jusqu'à la côte Ouest du Cap-Breton. Il y a des quantités énormes de méthane à cet endroit. C'est principalement du méthane sous forme séchée. Essentiellement, lorsqu'on l'extrait, on peut le brûler. C'est vraiment pur. Est-ce l'avenir de l'industrie du charbon? L'extraction couronnée de succès du méthane et son application dans ces domaines?

M. Masterson : Je ne crois pas que nous pouvons vraiment formuler des commentaires à ce sujet. Nous savons que les récentes technologies — le phénomène des gaz de schiste — ont donné accès à des quantités massives de liquide, du gaz naturel riche, dans l'Ouest canadien et aux États-Unis. Ces percées ont eu un impact révolutionnaire sur les industries de la chimie et de la production d'énergie en Amérique du Nord.

Nous avons accueilli un autre invité ici... mais si vous êtes un producteur dans l'Ouest canadien, vous devez évoluer dans le domaine du gaz naturel riche en liquide pour bien réussir. Pour ce qui est des données économiques, alors — pour parler du charbon —, il serait préférable que vous posiez vos questions à des représentants de cette industrie.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Patterson : Je suis vraiment inquiet vu ce que vous avez dit au sujet des mauvaises politiques publiques du Canada et du fait que nous sommes en voie de sous-utiliser nos matières de base chimiques faibles en carbone et, ce qui est encore pire, de surutiliser des matières de base à plus haute teneur en carbone d'autres administrations pour répondre à la demande mondiale en produits chimiques.

Pour commencer, croyez-vous que la tarification du carbone est un bon instrument pour modifier cette mauvaise politique publique?

M. Masterson : J'imagine que « tout dépend ». Au bout du compte, une des choses qu'il ne faut pas oublier, c'est que c'est le consommateur qui paiera le prix. Si la production ne mise pas sur les produits chimiques les moins coûteux au Canada parce qu'il n'est plus rentable de le faire, nous allons importer des produits chimiques et des produits finis d'autres administrations. Les coûts pour les consommateurs augmenteront au bout du compte.

Il ne fait aucun doute que les prix influent sur les comportements des consommateurs, surtout dans les domaines où il n'y a pas beaucoup de mobilité. En raison de la réglementation et des prix associés à l'efficience énergétique des foyers, nous pouvons construire des maisons qui affichent un niveau d'énergie zéro. Nous choisissons de ne pas le faire, mais, de façon générale, les gens ne vont pas déménager et tout emballer. Lorsqu'il est question d'une industrie de nature mondiale et où les gens peuvent choisir où ils feront leurs investissements, nous faisons en sorte qu'il est plus difficile de faire ces investissements au Canada.

On parle d'opérations assorties d'une durée de vie de 30 à 40 ans. Lorsqu'on ne peut pas dire aux gens quels seront le cadre réglementaire et la tarification dans trois ans, en 2020, ils hésiteront beaucoup avant d'investir leur argent au Canada. On en a la preuve chaque jour. Encore une fois, nous en avons discuté et nous vous avons donné des exemples, les 250 milliards d'investissements aux États-Unis. Il devrait y avoir 25 milliards de dollars d'investissement au Canada. Il y en a eu moins de trois. Il y a eu 1 p. 100 d'investissement alors qu'il aurait dû y en avoir 10 p. 100.

Lorsque nous entendons le ministre des Finances parler de l'absence d'investissements étrangers directs au Canada et du ralentissement à ce chapitre et dire que le gouvernement du Canada est préoccupé par cette situation, eh bien nous le sommes aussi. Nous avons le potentiel de participer. Il faut discuter de la façon d'y arriver. Et nous avons prouvé que nous pouvons le faire de façon responsable.

Le sénateur Patterson : Ça semble être un très grand défi. Pouvez-vous nous dire ce que le comité devrait recommander au gouvernement du Canada de faire pour changer la situation? Pouvez-vous formuler des recommandations simples et compréhensibles au sujet de changements à apporter à notre politique publique?

M. Masterson : Je crois qu'il y a des occasions d'adopter des politiques irréprochables, qui ne mineront pas l'ensemble de l'économie. On pourrait probablement tenter d'améliorer l'efficience énergétique dans nos secteurs du bâtiment et des transports, en particulier.

Pour ce qui est des secteurs à forte consommation d'énergie qui sont exposés à la concurrence étrangère, un terme que vous avez déjà entendu, je vous encouragerais à regarder ce qui se passe dans le secteur du ciment en Colombie- Britannique et de regarder de quelle façon ce secteur a réagi à la tarification du carbone là-bas. On avait prédit ce qui allait se produire, et ce qui est arrivé par la suite. Lorsque le prix du carbone a augmenté, la production d'une des installations les plus modernes et les plus efficientes d'Amérique du Nord a chuté, et on a commencé à importer du ciment d'une ancienne installation datant des années 1950 de Seattle qui utilise deux fois plus d'énergie et produit deux fois plus d'émissions de gaz à effet de serre. Nous avons renversé la vapeur à la frontière. Avant, nous exportions à Seattle, et maintenant les Américains ont commencé à faire de même en Colombie-Britannique. Les entreprises visées ont dit : « Ce n'est pas si excellent, faisons tout simplement venir le ciment de Chine. » L'industrie n'a pas retrouvé les niveaux de production et d'exportation qu'elle affichait avant l'imposition de cette taxe. L'année dernière, dans le budget de la Colombie-Britannique, le gouvernement a pris des mesures compensatoires et a fourni un certain allégement à ce secteur pour essayer de corriger le tir, soit environ près de six ans après l'introduction de la taxe.

Si vous voulez voir ce qui arrivera aux secteurs exposés aux échanges au moment de l'imposition du prix du carbone, je vous encourage à regarder de près ce qui est arrivé dans le secteur du ciment en Colombie-Britannique.

Le sénateur Patterson : Mais que peut-on faire au sujet de votre industrie des produits chimiques, pour modifier les politiques?

M. Masterson : Eh bien, je ne crois pas qu'il faut seulement s'intéresser au secteur de la chimie. Je crois qu'il y a un certain nombre de secteurs. Qu'est-ce que nous faisons au Canada? Nous avons des ressources, nous les transformons, nous ajoutons beaucoup de valeur à toutes les ressources que nous avons la chance d'avoir. Selon moi, aucun autre facteur comparable au secteur de la chimie ne pourra s'en sortir aussi bien que nous l'avons fait vu le cadre de tarification du carbone que nous avons devant les yeux.

Encore une fois, j'en reviens aux commentaires formulés par le ministre Morneau et à l'avis de son comité consultatif, selon lequel, au Canada, aujourd'hui, nous connaissons une pénurie d'investissement direct étranger. Est- ce que quiconque ici présent pense que l'imposition d'un prix sur le carbone aidera à renverser cette tendance et encouragera davantage l'investissement? Ce n'est certainement pas le cas dans notre secteur.

Si vous examinez certaines des études qui ont été effectuées, vous verrez que le secteur de la chimie est particulièrement exposé au commerce. Il s'agit du produit de fabrication le plus hautement commercialisé de l'économie mondiale. Environ 40 p. 100 des produits chimiques créés sont commercialisés au-delà des frontières. La situation n'est pas gagnante si le Canada adopte un processus où il fait cavalier seul pour établir un prix sur les émissions de carbone provenant de notre industrie.

M. Podruzny : L'un des éléments à ajouter à cela, c'est que l'innovation et les percées technologiques constituent, sérieusement, notre vision à long terme d'une solution à ce problème mondial. Nous allons éliminer les changements climatiques quand nous aurons trouvé des moyens qui nous permettront, grâce aux technologies, de fabriquer des produits rentables, ayant une valeur commerciale, à partir de dioxyde de carbone... qui sera concentré et retiré de l'atmosphère de façon sélective afin de servir à fabriquer des choses. Nous recherchons des technologies qui apporteront des changements progressifs, plutôt que des changements cumulatifs consistant à réduire les émissions de 1 p. 100 par-ci et de 1 p. 100 par-là.

Nous voyons certaines des approches, comme celles qui sont adoptées en Alberta, où on applique la taxe sur le carbone à la recherche et au développement aux fins de la réduction du dioxyde de carbone, comme solution au problème. Aujourd'hui, dans l'industrie des sables bitumineux, des travaux sont en cours et visent à trouver des moyens de ne plus brûler de gaz afin de pousser la vapeur vers le bas pour faire remonter le pétrole lourd, mais plutôt à créer un cycle continu d'extraction de solvants, ce qui réduirait énormément les émissions de gaz à effet de serre. C'est une question de perspective, et c'est là que nous allons trouver des solutions.

M. Masterson : Si je puis me permettre de formuler une dernière réponse rapide à votre question au sujet de politiques plus saines : nous en sommes encore pas mal à nos débuts, mais nous avons été encouragés par la voie qu'a empruntée l'Alberta. Ce que cette province dit à l'industrie, c'est que, si vous pouvez faire la preuve — comme je vous l'ai dit ce soir — que vos activités dans notre province sont les meilleures de leur catégorie et qu'elles sont exercées grâce à la meilleure technologie accessible, que leur profil d'émission est le meilleur parce que vous utilisez la bonne matière de base et que vos activités sont efficientes, allez-y et faites-le. De fait, nous voudrions attirer davantage de ce genre d'investissement en Alberta. Encore une fois, ne pouvons-nous pas amener le monde à investir dans nos ressources à faibles émissions de carbone au lieu d'investir dans des ressources émettant davantage de carbone ailleurs? Nous sommes étonnés que des gens qui réfléchissent croient que cela va régler le problème climatique mondial, si nous créons simplement des produits dont le profil carbonique est élevé dans d'autres administrations.

Je vous encouragerais — si vous ne l'avez pas déjà fait — à étudier en détail l'exemple du prix du carbone dans le secteur du ciment de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'une étude de cas de ce qui tourne mal. On place en situation désavantageuse des activités très efficientes et modernes en apportant simplement le même produit et deux fois plus d'émissions. Le profil des émissions de la province semble excellent. Si on regarde son bilan de carbone, elle a réduit ses émissions. L'environnement mondial a empiré. Les changements climatiques mondiaux sont-ils un problème national ou un problème mondial? Nous croyons qu'il s'agit d'un problème mondial, et nous avons besoin de solutions coordonnées à l'échelle mondiale.

M. Podruzny : Si je puis simplement ajouter un autre petit exemple, vous avez entendu dire que le chef de file pour ce qui est de s'attaquer au problème des changements climatiques, c'est l'Europe. Toutefois, la majeure partie de la production chimique de l'Europe — plus des deux tiers, je crois — est fondée sur le pétrole, dont le profil carbonique par tonne de produit est le double. Là où les Européens n'ont pas affiché de croissance, ils ont déplacé la production et importent le produit fini de la Chine. Ainsi, ils ont réduit leurs émissions de façon importante, mais seulement en déplaçant la majeure partie de leurs industries à forte intensité d'énergie à l'extérieur de la région. Cela ne règle pas notre problème. Nous sommes à la recherche de percées technologiques qui permettront de le régler. Voilà pourquoi nous affirmons que les politiques publiques ne répondent pas bien à nos besoins.

Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous donner une certaine confirmation ou d'autres renseignements contextuels sur ce que vous venez tout juste de nous dire?

M. Masterson : Oui. Nous pouvons vous montrer les changements, les tendances en ce qui a trait à la production mondiale. Elle a diminué en Europe. Elle a augmenté aux États-Unis, pays qui possède les mêmes ressources que nous. Elle a augmenté considérablement au Moyen-Orient, région qui possède des ressources semblables aux nôtres, et elle a également augmenté de façon exponentielle en Asie, où les ressources ne sont pas les mêmes.

M. Podruzny : L'exemple le plus important est celui de la production chimique chinoise, il y a 12 ans, qui comptait pour entre 5 et 6 p. 100 de la production chimique du monde. Aujourd'hui, elle compte pour 36 à 37 p. 100. Vous connaissez son mode de production. Ce n'est pas une solution durable.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.

La sénatrice Galvez : C'est très intéressant. Merci beaucoup de toute cette information. Il s'agit de tenter de trouver le juste équilibre entre ce qui est bon pour l'environnement à l'échelle mondiale — parce qu'il ne s'agit pas d'un problème national, c'est un problème mondial — et, comme vous le dites, les sociétés qui recherchent le profit. Je souscris entièrement à l'opinion selon laquelle la solution passe par la technologie, mais aussi par l'information, car les gens ne savent pas tout ce que vous affirmez au sujet de la Chine. De nombreuses personnes calculent les choses. Nous voyons des tableaux, mais nous ne comprenons pas d'où proviennent ces calculs. Les comparaisons que vous faites entre le Canada qui crée ces produits importants et l'industrie pétrolière, les produits pétrochimiques et la Chine qui les fabrique, sont importantes.

Afin de clarifier davantage cette notion dans mon esprit, si, au Canada, nous avons la chance — comme vous l'avez dit — de disposer de toutes ces ressources, ne serait-il pas plus efficient que nous transformions nos produits ici au lieu de les vendre sous leur forme brute à d'autres endroits?

M. Masterson : Nous sommes des partisans qui sommes très en faveur de la fabrication à valeur ajoutée de nos ressources au Canada, mais nous respectons également la notion de libre-échange. Les ressources vont aller à la destination que les propriétaires estiment être la plus rentable. Nous sommes entièrement d'accord avec cela.

La situation de l'Alberta au cours de la dernière année est un bon exemple. Cette province a décidé qu'elle voulait faire quelque chose de son propane, qui est extrêmement accessible et dont la valeur est actuellement très faible, afin d'ajouter de la valeur à son économie. Les Albertains ont mis en place un programme de crédit de redevances de 500 millions de dollars visant à encourager les investisseurs mondiaux à venir investir dans la mise à niveau — appelons cela ainsi — du propane en Alberta. En réponse à cette demande, ils ont reçu 16 propositions dont la valeur s'élevait à plus de 20 milliards de dollars, et ils ont choisi deux de ces investisseurs dont la valeur comptable était d'environ 8 milliards de dollars afin de passer — nous l'espérons, cette année — à la décision finale concernant l'investissement.

Alors, tout à fait, nous souscrivons à l'opinion — et la province de l'Alberta y souscrit également — selon laquelle il vaut bien mieux pour les économies locales que nous ajoutions de la valeur à nos ressources ici et que nous nous rendions le plus loin possible en ce qui les concerne. Il ne s'agit là que de la première étape. On transforme le propane en un produit chimique appelé polypropylène. De nombreuses autres étapes doivent être franchies avant qu'on en vienne aux textiles, aux pièces d'automobile et à toutes les autres choses merveilleuses que fait le polypropylène, mais nous devons saisir une partie de cette chaîne de valeur et ne pas envoyer le propane à l'étranger.

La sénatrice Galvez : Pouvez-vous proposer une politique qui va dans cette direction?

M. Masterson : C'est une très bonne question. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement de l'Alberta, et il y a un exemple de politique. Je pense que nous avons remis au comité — quand il était à Sarnia — des copies des résultats d'une étude indépendante qui avait été entreprise par l'Institut canadien de recherche énergétique. Elle portait sur la question suivante : pourquoi avons-nous observé un investissement de 250 milliards de dollars canadiens aux États-Unis et de presque rien au Canada? Ce que les auteurs ont conclu, c'est qu'en moyenne, les coûts d'exploitation et d'immobilisations en Ontario et en Alberta étaient très semblables à ceux d'États américains clés, mais qu'en moyenne, ces États offraient diverses formes de soutien à l'investissement totalisant environ 15 à 20 p. 100 de la valeur de ces projets. J'ai montré, seulement dans le cas de l'Alberta, que le fait d'offrir 500 millions de dollars de crédit d'impôt sur les redevances — pas une dépense gouvernementale, mais un crédit d'impôt sur les redevances — a permis d'attirer 20 milliards de dollars d'intérêt mondial.

Il y a un éventail d'instruments, et, pas plus tard que cette semaine, nous avons écrit au sous-ministre Knubley d'Innovation, Sciences et Développement économique ainsi qu'à ses collègues des provinces afin de décrire l'éventail d'instruments qui sont accessibles et d'encourager une meilleure coordination entre les responsables fédéraux et ceux des provinces clés que sont l'Alberta et l'Ontario.

La sénatrice Galvez : Pouvons-nous obtenir une copie de cette étude?

M. Masterson : Absolument.

M. Podruzny : Simplement pour illustrer ce principe de manière concrète, si nous pouvons nous débrouiller pour mener certaines de ces activités ici au lieu d'envoyer les produits ailleurs, il y a un sentiment de proportion que nous ne reconnaissons parfois pas, ici, au Canada, au moment où nous déployons le plus d'efforts possible afin de faire notre part dans le monde pour atténuer les changements climatiques. Toutefois, la réalité, c'est que, en 18 mois de croissance, l'économie de la Chine génère la totalité des émissions que produit le Canada... toutes les émissions. Six mois équivalent à l'ensemble des émissions de l'Alberta, y compris celles produites par les sables bitumineux. Si nous adoptons un point de vue comme celui-là, entre 2013 et 2014, l'industrie chimique chinoise a crû de 220 milliards de dollars. Imaginez. La croissance totale de notre industrie est de 53 milliards de dollars, et celle des Chinois est mesurée en dollars américains, et la nôtre, en dollars canadiens.

M. Masterson : Je crois que le rapport que vous avez demandé a déjà été remis à la greffière du comité, à la suite de la visite à Sarnia. Encore une fois, nous ne sommes pas là pour critiquer la Chine. Nous faisons simplement valoir que les Chinois font de la chimie à partir des ressources dont ils disposent. Là où je veux en venir, c'est que nous avons beaucoup de chance de disposer de ressources produisant de très faibles émissions de carbone, que le reste du monde adorerait littéralement avoir, et que nous pénalisons la fabrication de produits chimiques à partir de ces ressources.

M. Podruzny : L'exportation de très grandes quantités de gaz naturel vers la Chine contribuerait beaucoup à la réduction des émissions mondiales, car les Chinois pourraient faire passer la fabrication de leurs produits chimiques à partir du charbon à une production à partir du méthane, du gaz naturel. Alors, au lieu d'expédier du pétrole brut, nous pourrions expédier du gaz brut et laisser les Chinois s'occuper de la valeur ajoutée. Nous disons simplement qu'il y a de la marge pour que nous puissions en faire une partie ici, à l'aide de la technologie la plus écoénergétique et produisant le moins d'émissions possible.

Le sénateur Wetston : Simplement pour revenir sur votre dernier argument, nous avons besoin de quelques pipelines et usines de GNL pour accomplir cela. Si vous pouvez trouver un moyen d'obtenir ces installations... C'est peut-être sur ces sujets-là que nous devrions poser des questions. Je ne m'aventurerai pas sur ce terrain.

M. Masterson : Non. Merci.

Le sénateur Wetston : Nous devrions peut-être le faire. Vous semblez vous intéresser au sujet, mais, nous, nous ne nous aventurerons pas sur ce terrain. Le président ne le permettrait pas. Merci de m'avoir donné la possibilité de vous poser quelques questions.

Je ne comprends vraiment pas où vous voulez en venir, bien franchement. De façon générale, je comprends certainement votre point de vue, mais je vois ce que vous faites; et votre industrie a une bonne réputation et une longue histoire — manifestement —, mais il s'agit d'un intrant. C'est ce qu'est votre produit, en réalité. À mes yeux, la question qui se pose est la suivante : qui veut de votre produit?

M. Masterson : Excellente question.

Le sénateur Wetston : Je voudrais approfondir un peu cette question avec vous, mais seulement dans le sens de qui en veut et de la part du marché que détient le Canada. Bien entendu, notre pays est assez petit. Nous ne pouvons même pas nous comparer à la Chine du point de vue des produits chimiques qu'elle utilise comme intrants des produits qu'elle fabrique et — évidemment — qu'elle exporte. Nous ne sommes pas dans ce domaine, pour des raisons évidentes. Nous ne pouvons pas répondre à ce genre d'exigences.

L'autre chose que je voulais vous demander, c'est ceci : quand vous parlez des États-Unis et des 225 milliards de dollars, ça ne me surprend pas, car le Canada a un très faible taux d'amélioration de la productivité et d'investissements dans la technologie et l'innovation. Il s'agit de l'une des raisons pour lesquelles notre productivité est un peu inférieure — c'est ce que laissent entendre beaucoup d'économistes — à celle d'autres pays. La raison pour laquelle je pose cette question, alors — il s'agit du troisième volet de cette question, excusez-moi, monsieur le président —, c'est que vous parlez — je pense — de trois milliards de dollars au Canada. Cet investissement de 225 milliards de dollars n'a pas eu lieu en raison de l'absence d'une taxe sur le carbone ou d'une politique relative au carbone. C'est très récent. Nombre de ces projets n'ont clairement pas été élaborés du jour au lendemain.

Alors, ce que j'essaie de comprendre, c'est pourquoi vous parlez de l'incidence d'une chose comme une taxe sur le carbone, alors qu'il y a bien d'autres enjeux en cause. J'essaie simplement de me faire une meilleure idée de votre exposé à cet égard.

M. Masterson : Absolument. Abordons ces trois volets dans l'ordre.

Qui en veut? Tout le monde. Les produits chimiques entrent dans 95 p. 100 des biens finis, de tous les produits manufacturés que vous voyez. Ils sont partout. Qui en veut, en particulier? Si nous pensons à l'économie canadienne, il est question du secteur de l'automobile. Dave, quels sont les chiffres? Combien de milliers de dollars?

M. Podruzny : Dans chaque voiture, c'est environ 3 500 $US de chimie, de produits chimiques.

M. Masterson : Le secteur agricole en est un où la demande est très forte en ce qui concerne la chimie. Le secteur de la construction. Si on regarde la région d'Ottawa, aujourd'hui, il fait chaud, mais, en février, on peut couler du béton. Retournez 30 ou 40 ans en arrière, et on ne coulait pas de béton à Ottawa. On peut le faire aujourd'hui en raison des nombreux additifs chimiques qui sont ajoutés au béton. La chimie joue un rôle clé dans ces secteurs.

Je veux insister... vous avez affirmé que certains des arguments n'étaient pas clairs. Les choses qui se passent dans ces secteurs, le poids léger des véhicules motorisés, tout cela tient au pouvoir de la chimie qui permet d'élaborer de nouveaux outils. Lorsqu'il est question de modes de transport électromoteurs, de l'électrification des transports, c'est la chimie qui contribue à la fabrication de nouvelles batteries. Il y a là des investissements très importants.

Voilà qui en veut. Tout le monde en veut, et les gens veulent que les produits chimiques soient meilleurs que jamais, alors c'était la réponse à la première question.

Concernant votre question au sujet de l'échelle ou de la pertinence du secteur, nous comptons pour moins de 2 p. 100 de la production chimique mondiale, mais encore une fois, notre industrie a le potentiel d'être bien plus importante, compte tenu des ressources dont dispose le Canada. Il y a là un très grand potentiel. Nous exportons un peu plus de la moitié de ce que nous produisons. Presque toute cette production s'en va aux États-Unis. Qui en veut? Les États-Unis en veulent. Pourquoi en veulent-ils? Parce que nous n'avons pas que des produits chimiques à faibles émissions de carbone et à bas prix à leur fournir afin qu'ils ajoutent de la valeur à leur propre secteur.

M. Podruzny : Bob, une chose que nous devrions dire à ce sujet, et peut-être que vous alliez en venir à cela, c'est que notre secteur affiche également une productivité plus élevée que l'industrie chimique américaine, alors nous sommes plus efficients. Nous nageons encore à contre-courant lorsqu'il s'agit de tenter de faire passer ce message, mais, en partie à cause de certains gros investissements d'envergure mondiale qui ont été faits dans les produits pétrochimiques au cours des dernières années, au Canada, nous sommes plus productifs.

M. Masterson : Tout à fait.

Concernant votre dernière question, je n'ai pas prétendu que les problèmes que nous connaissons pour ce qui est d'attirer l'investissement étaient dus au prix du carbone. Cependant, ce que j'ai affirmé, c'est que l'instauration d'un prix sur le carbone de la façon qui est proposée actuellement rendra la tâche encore plus difficile. Voilà où je tentais d'en arriver. Il y a une diversité de facteurs qui entrent en ligne de compte.

Le sénateur Wetston : Je pense que nous devons comprendre comment fonctionnent les marchés. Je comprends l'utilisation de vos produits et où ils vont. Ça n'a aucune importance, mais je possède un diplôme universitaire en sciences. Aujourd'hui, j'ai oublié la majeure partie de ce que j'avais appris, mais je dois dire que je comprends également et que je suis conscient de l'importance du secteur.

En réalité, ce à quoi j'essayais d'en venir, c'est que, si on compte pour 2 p. 100 — comme vous dites — pourquoi ne compte-on pas pour 5 p. 100? Pourquoi pas 6? Ou 10 p. 100? Vous parlez de politiques, alors pourquoi n'auriez-vous pas une plus grande part du marché en ce qui a trait à vos produits?

M. Masterson : Au lieu de dire que nous ne pouvons pas compter sur cette part de marché, je crois que nous devrions plutôt examiner les économies qui ont réussi grâce à ce qui est probablement une surproduction de produits chimiques et à l'investissement dans ce secteur. Vous commencez à examiner des pays comme Singapour. Qu'a-t-il fait? Il a établi une stratégie très intentionnelle sur la façon de faire croître l'industrie et de la rendre attrayante pour les investisseurs afin qu'ils y entrent et qu'ils veuillent investir. Je ferais valoir qu'à quelques exceptions près... et l'Alberta a établi des politiques intéressantes et connu du succès au cours des dernières années, mais, dans l'ensemble, il semblerait que les administrations canadiennes soient indifférentes à l'investissement continu. Nous ne faisons rien pour l'attirer.

Nous discutons d'échanges commerciaux, ces temps-ci, mais, après plus de 30 années de libre-échange, le public canadien comprend généralement — tout comme nos décideurs — que nous devons disputer aux autres pays notre part du marché mondial pour ce que nous produisons, au Canada. Nous comprenons que nous sommes un pays exportateur. Je ne crois pas que les Canadiens ni un grand nombre de représentants élus — pas tous — comprennent que nous devons livrer une concurrence tout aussi féroce afin d'attirer l'investissement au Canada. Je crois que le groupe d'experts du ministre Morneau a clairement fait valoir cet argument.

Je ne pense pas que nous ayons observé d'interventions solides pouvant faire bouger les choses et nous ramener à cela en plus d'une croissance supérieure à 2 p. 100 pour l'instant. Nous devons travailler très dur pour attirer l'investissement, et, lorsque nous regardons le prix de l'électricité dans les provinces, le contexte réglementaire et d'autres coûts, nous semblons déterminés à le décourager plutôt qu'à l'encourager.

Le sénateur Mockler : J'avais trois questions à poser. Je vais ramener ce nombre à une, monsieur le président.

Lorsque nous vous avons rencontrés, auparavant, nous avions demandé si vous aviez été consultés avant le budget. Les politiques canadiennes relatives à l'énergie et aux changements climatiques devraient-elles être harmonisées avec celles des États-Unis, notre plus grand partenaire commercial? Nous savons ce qui se passe là-bas, aujourd'hui.

M. Masterson : Je pense avoir une réponse subtile à cela. Nous nous réservons le droit d'adopter les politiques que nous voulons. Nous songeons à notre approche par rapport aux soins de santé. Notre approche dans ce domaine est différente de la politique américaine, et nous avons trouvé un moyen de réussir.

Nous pouvons certainement harmoniser nos politiques, mais je ne comprends pas pourquoi nous voudrions le faire dans le cas du prix de l'énergie et d'un prix sur le carbone, d'une manière qui, nous en sommes assez certains, va miner nos bases économiques dans des secteurs établis, comme la chimie et l'énergie. Je suis certain que vous avez parlé à des représentants de ce secteur. Ils sont extrêmement préoccupés au sujet de l'orientation que nous allons prendre.

Alors, oui, nous pouvons établir des politiques climatiques, et nous pouvons en établir tout un éventail, mais nous devrions choisir sagement et avec un pouvoir discrétionnaire absolu lesquelles seront utiles à la réduction des émissions et à la croissance et au maintien de l'économie.

M. Podruzny : Je peux aller un peu plus loin. Si nous voulons parler de décarbonisation ou de réduction du carbone, nous devons promouvoir l'idée selon laquelle, à mesure que nous progresserons sur une longue période, nous verrons nos hydrocarbures utilisés pour fabriquer des choses au lieu qu'ils soient simplement utilisés pour leur teneur en énergie, mesurée en BTU.

Tout comme nous sommes sortis de l'âge de pierre et avons trouvé des pierres précieuses, comme les diamants, avec lesquelles jouer, nous prévoyons trouver dans l'avenir des moyens de convertir les hydrocarbures en choses de grande valeur, et où nous séquestrerons le carbone dans des produits que nous utiliserons en tant que consommateurs.

M. Masterson : Laissez-moi donner un exemple de politique qui ne fonctionne pas très bien. Vous étiez à Sarnia, et vous avez vu la grande installation de NOVA. Vous avez constaté que celle de BioAmber, située juste à côté, comprenait une importante usine de cogénération combinant chaleur et vapeur, une façon très efficiente de produire de l'électricité et de la vapeur, atteignant des taux d'efficience de près de 80 p. 100.

Cette pièce d'équipement est saisie dans le système de plafonnement et d'échange de l'Ontario. Elle est saisie par l'initiative fédérale d'établissement d'un prix sur le carbone. Le nouveau gouvernement fédéral adopte une norme d'électricité propre qui ajoutera au coût de cet équipement. En même temps, il propose maintenant une norme de carburant propre qui imposera des coûts supplémentaires liés au fonctionnement de cet équipement. En même temps, les deux ordres de gouvernement proposent des mesures de contrôle des émissions atmosphériques qui, si elles sont adoptées... les mécanismes de contrôle jouent contre les émissions de gaz à effet de serre. Et vous êtes assis là à dire que nous essayons d'exploiter ces usines au moyen de l'équipement le plus efficient qui soit accessible sur la planète, aujourd'hui, et nous sommes punis parce que nous le faisons. Comment peut-il s'agir d'une politique saine?

Le mieux, c'est d'encourager le plus possible la cogénération industrielle pour une chaleur et une vapeur combinées. C'est une bonne chose. De fait, l'Ontario a encouragé cela pendant de nombreuses années, alors que la province tentait de sortir de la génération alimentée au charbon afin d'atténuer les changements climatiques. Amenons l'industrie à produire davantage de sa propre combinaison de chaleur et d'électricité, parce que c'est bien.

Maintenant, l'industrie le fait, et tout le monde veut la pénaliser. Il ne s'agit pas d'une politique saine. Vous n'envoyez pas les bons signaux aux investisseurs en leur indiquant qu'ils devraient venir ici et s'exposer à ce bourbier de politiques publiques concurrentes et inefficientes aux échelons fédéral et provincial touchant une multitude de polluants et d'ordres de gouvernement : l'électricité, l'énergie, le carburant, les polluants atmosphériques et les changements climatiques. Il y a une absence complète de coordination. Il n'est question que d'une pièce d'équipement, qui est très efficiente. Il est difficile d'être optimiste au sujet de nos perspectives économiques, quand nous nous trouvons dans ce type de situation, actuellement.

Nous n'avons pas encore abordé ce qui va arriver, nous le croyons, au sud de la frontière. Sommes-nous tenus de suivre les responsables de l'élaboration des politiques américains? Non. Toutefois, si nous ne sommes pas conscients du fait qu'ils prennent des mesures visant à rendre leur économie plus efficiente et à attirer plus d'investissements, nous allons être laissés pour compte. Nous ne sommes pas tenus de faire comme eux, mais il vaudrait mieux que nous déterminions ce que nous allons faire, et il vaudrait mieux que nous le fassions rapidement.

La sénatrice Galvez : Vous parlez d'attirer l'investissement. Je pense que vous parlez des investisseurs étrangers?

M. Masterson : Oui.

La sénatrice Galvez : Je suis allée à Lima, pour l'APEC, et j'ai dîné avec les responsables de la Bourse de Toronto et du Régime de pensions du Canada, et ils ont affirmé que nous disposons du plus important portefeuille d'investissement dans lequel investir au monde, mais ils investissent ailleurs, et ils sont Canadiens. Ils ont mentionné une somme d'argent que je n'arrive pas à imaginer. Pourquoi n'investissent-ils pas ici?

M. Masterson : La première chose, c'est qu'il s'agit d'une industrie mondiale. Vous étiez à BioAmber, qui est une entreprise franco-canadienne, mais il s'agit d'une entreprise canadienne. Notre secteur compte quelques joueurs canadiens, mais la plupart d'entre eux sont des entités de multinationales mondiales exploitées au Canada. Encore une fois, 40 p. 100 des produits chimiques échangés sont fortement mondialisés. Il y a eu beaucoup de regroupements dans l'ensemble de l'industrie au cours des 30 dernières années.

Si on retourne à une certaine époque distante, quelques personnes ici présentes se rappelleront que des entreprises de produits chimiques du Canada recueillaient de l'argent à la Bourse de Toronto afin de le dépenser au Canada. Cette époque est révolue. Ces entreprises sont de nature mondiale, et l'entreprise A ne concurrence pas l'entreprise B pour voir qui investira au Canada. L'entreprise A se dit : devrais-je investir au Canada, en Argentine, aux États-Unis ou en Asie? Elle doit faire ses calculs internes afin de déterminer où obtenir le meilleur rendement du capital investi.

Comme nous en avons discuté à Sarnia, nous avons insisté sur le fait que le Canada compte beaucoup d'éléments qui jouent en sa faveur, et nous nous trouvons souvent sur la courte liste des deux ou trois administrations dans lesquelles les entreprises de chimie envisagent d'investir, mais nous ne pouvons pas arriver en première place. Si on n'est pas les premiers, on n'obtient rien. Il n'y a pas de médaille d'argent. Il n'y a pas de bronze. Nous n'avons pas l'occasion de nous donner une tape dans le dos en disant : « Bon travail, les gars, nous avons obtenu la médaille de bronze. Allons prendre une bière. » Nous n'obtenons rien.

Encore une fois, j'en reviens au groupe d'experts du ministre Morneau. Nous savons que cela ne suffit pas. Nous savons que nous devons faire quelque chose à ce sujet. Nous devons tenir une conversation sérieuse au sujet de la façon de passer de la deuxième et de la troisième places à la première sur cette échelle de l'investissement.

M. Podruzny : Il y a une raison pour laquelle le Régime de pensions du Canada investit sur la côte du golfe du Mexique, aux États-Unis, plutôt qu'à Sarnia. C'est parce que ses responsables croient qu'ils vont obtenir un rendement plus élevé là-bas et qu'ils obtiendront un incitatif afin de s'y établir. Et c'est malgré le fait que les entreprises exploitées ici, au Canada, alimentées au gaz naturel et en concurrence avec des prix mondiaux fondés sur la production pétrolière... nos niveaux de bénéfice sont élevés, mais les investisseurs ne sont pas fous. Ils affirment qu'ils vont faire plus d'argent grâce à l'aide offerte — le Texas, la Louisiane, la Pennsylvanie, le Michigan. Nous sommes confrontés à un incitatif de l'ordre de 10 à 15 p. 100 jusqu'à 20 p. 100.

Voulons-nous cet investissement? Voulons-nous cette technologie? Voulons-nous ces genres de solutions mondiales? Nous allons les chercher.

Quelqu'un a mentionné le gaz naturel, le méthane dans le charbon. Nous avons dans l'ouest du Canada un champ de gaz qui s'étend de la Colombie-Britannique à l'Alberta : le Montney, qui contient 5 000 billions de pieds cubes de gaz. Il est très riche en liquide. Nous disposons de la ressource; nous avons le choix de la valoriser. Nous devons saisir l'occasion et faire croître l'entreprise ici plutôt qu'ailleurs au détriment du patrimoine mondial.

Le président : Merci. Je sais exactement où se trouve ce champ, car je vis dessus. Je sais très bien ce qui s'y trouve.

J'ai deux ou trois questions à poser, puis je pense que nous aurons terminé. Je veux vous remercier d'avoir fait preuve de patience à notre égard et d'être resté plus tard pour nous présenter votre exposé.

Je veux tout d'abord me pencher sur votre exposé. Il y est écrit ce qui suit : Enfin, nous avons parlé des mesures prises par l'industrie canadienne de la chimie, qui lui ont permis de réduire ses propres émissions absolues de gaz à effet de serre de plus de 66 p. 100 depuis 1992. Sur votre site web, il est inscrit qu'au pays, l'industrie produit environ 3 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Depuis 1992, elle a réduit ses émissions de dioxyde de carbone de 37 p. 100.

M. Masterson : Est-ce dans une province en particulier, ou bien pour le secteur dans son ensemble?

Le président : C'est sur votre site web. Je veux savoir à quel chiffre j'ai affaire avant de vous poser la prochaine question.

M. Masterson : Je parle de nos membres, les entreprises de gestion responsables, et ils correspondent à deux tiers. L'industrie de la chimie dans son ensemble est plus près d'un tiers. Mon commentaire portait sur les membres que nous représentons, les grands producteurs.

Le président : Alors, l'industrie, au total, a réduit ses émissions de dioxyde de carbone de 37 p. 100?

M. Masterson : Les membres, 66 p. 100.

Le président : Qu'est-ce qui a encouragé l'industrie à faire cela?

M. Masterson : Les investissements. Comment est-ce arrivé? Chaque fois que quelqu'un a effectué un investissement, créé un nouveau produit, un nouveau processus, modifié la matière de base. Ces investissements n'ont pas eu lieu au compte-gouttes, un à la fois, à 1 p. 100 par année. C'était rien, rien, rien, et voilà que nous réduisons nos émissions de 25 p. 100 parce que nous avons effectué un investissement de 700 millions de dollars ou de 1,2 milliard de dollars.

Vous étiez à Sarnia, et les représentants de NOVA ont parlé de dépenser plus de 500 millions de dollars afin de changer la chimie axée sur le naphte pour une chimie axée sur l'éthane. Ils ont affirmé qu'au moment où nous aurons terminé ce projet, nos gaz à effet de serre par unité de production allaient être réduits de moitié.

Ce sont ces investissements qui ont permis à cette réduction d'avoir lieu, qu'il s'agisse d'un investissement dans le haut rendement énergétique, mais, la plupart du temps, les réductions importantes se sont produites parce que, contrairement à beaucoup de secteurs du Canada, nous avons été en mesure d'effectuer des réinvestissements de capitaux majeurs et constants afin de renouveler notre parc. Nous en sommes maintenant à un stade où les gens craignent que, d'une certaine manière, les actifs vieillissants ne nuisent à cette réduction parce qu'ils vont maintenir les profils actuels d'émissions de gaz à effet de serre, si nous ne sommes pas en mesure de continuer d'attirer cet investissement.

Le président : Si vous pouviez continuer d'attirer cet investissement, vous pourriez réduire ces 3 p. 100 à pratiquement rien en très peu de temps? Est-ce bien ce que vous me dites? Ou bien êtes-vous au fond du baril?

M. Masterson : Non, je ne pense pas que quiconque affirmerait un jour qu'on est au fond du baril. Le monde bouge rapidement, et il y a beaucoup de concurrence qui pousse à s'améliorer constamment. Notre message, c'est qu'il vaut mieux y arriver — dans notre secteur, et probablement dans de nombreux secteurs de l'économie — en attirant de nouveaux investissements, pas en nuisant aux actifs et en s'assurant qu'ils continuent de fonctionner à peine selon des facteurs de faible capacité.

Le président : Je comprends tout cela. Dans votre document, vous affirmez qu'au pays, l'industrie produit environ 3 p. 100 des émissions de GES du Canada. Alors, si vous jouissiez d'un climat favorable à l'investissement, pourriez-vous réduire encore plus ces 3 p. 100? Pourriez-vous faire passer le chiffre à 2?

M. Masterson : C'est difficile à dire, car cela dépend de l'importance de la croissance de l'industrie. Si nous investissons dans les ressources à faibles émissions de carbone au Canada — j'ai donné l'exemple de la Colombie- Britannique —, les émissions pourraient augmenter au pays, si nous faisons croître notre secteur de la chimie, mais nous pouvons réduire les émissions mondiales de sorte qu'elles soient moins importantes qu'elles l'auraient été autrement parce que nous éviterons la production à partir de produits à émissions de carbone plus élevées.

Le président : Je ne suis pas certain de la façon dont vous mesurez votre réduction de 37 p. 100. L'industrie de Sarnia obtient la moitié de sa charge d'alimentation de gaz naturel des États-Unis.

M. Masterson : Aujourd'hui.

Le président : Selon vous, l'industrie va-t-elle continuer à faire cela ou utiliser une partie de cette matière riche en liquide provenant du gisement de Montney?

M. Masterson : Eh bien, le bassin Pennsylvanie-Ohio est bien plus près, alors pourvu que la frontière reste ouverte, on pourrait croire qu'il serait avantageux, d'un point de vue économique et environnemental, de s'approvisionner bien plus près de Sarnia. Autrefois, nous apportions l'éthane jusqu'en Ontario depuis l'Alberta. Ce pipeline n'est plus accessible.

M. Podruzny : Il y a un autre élément. Si nous augmentons nos émissions dans des produits qui, au cours de leur cycle de vie, réduiront les émissions dans d'autres secteurs...

Le président : Exactement. Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Podruzny : Le seul autre élément que j'ajouterais aux propos de Bob, c'est que, de temps à autre, à mesure que nous fabriquons nos produits et que nous ajoutons de l'innovation au mélange, nous inventons des moyens de changement progressif. Quand DuPont a trouvé un moyen d'éliminer ses émissions d'oxyde de diazote, cela a entraîné une réduction de près de 10 p. 100 du gaz carbonique à l'échelle mondiale, car cet oxyde de diazote a une valeur en gaz carbonique de 320 comparativement au dioxyde de carbone, et l'entreprise a pratiquement éliminé ces émissions d'oxyde de diazote grâce à un changement de technologie qui a permis d'éliminer ces émissions dans l'atmosphère. Il s'agira de percées comme celle-là.

Notre secteur compte aujourd'hui des scientifiques — un homme brillant, en Allemagne, et un autre, en Californie —, qui travaillent sur des façons de convertir le gaz carbonique en plastique de grande valeur, rentable. Quand nous aurons réussi à commercialiser ce plastique, nous aurons réglé le problème des émissions de gaz carbonique. Voilà la solution durable à long terme, et il ne s'agit pas de tout réduire graduellement.

M. Masterson : Un exemple concret, ce serait de nous demander si nous voulons cet investissement ou pas. Durant l'été, vous avez entendu parler de l'accord de Kigali, qui entraînera une nouvelle génération... eh bien, la génération de nouveaux fluides frigorigènes existe déjà... qui réduiront de façon importante les émissions de gaz à effet de serre associées à l'utilisation de fluides frigorigènes dans votre maison et vos automobiles, et cetera.

Ce produit a une empreinte de gaz à effet de serre beaucoup moins importante qu'auparavant, du point de vue de sa fabrication. Voulons-nous attirer ces gaz à effet de serre au Canada en sachant que, si nous ne fabriquons pas ce produit maintenant, nous aurons davantage de nouvelles émissions, mais que, lorsque nous utiliserons ce produit dans le monde, nous aurons réduit les émissions des centaines de fois? De fait, nous avons entendu notre ministre de l'Environnement affirmer que l'accord de Kigali concernant la nouvelle catégorie de fluides frigorigènes est, à lui seul, celui qui contribuera le plus à éviter des changements climatiques ultérieurs pouvant faire monter la température jusqu'à un demi-degré de plus. Voulons-nous amener cet investissement au Canada, sachant que nous allons fabriquer ce produit qui aura des conséquences avantageuses sur les changements climatiques, mais que nous aurons des émissions chez nous?

Je dirais qu'aujourd'hui, la réponse des responsables des politiques publiques, c'est que nous ne voulons pas faire cela. Nous ne voulons pas de ces émissions parce qu'elles s'ajouteront à notre propre bilan et que nous ne nous préoccupons pas de ce qui arrive à l'ensemble du monde; encore une fois, nous affirmons qu'il s'agit de mauvaises politiques publiques.

Le président : Je ne conteste pas cette affirmation. Je suppose que vous pourriez atteindre ces cibles. Cela anéantirait l'économie, et la température dans le monde continuerait de grimper, de même que les taux d'émissions. Nous devons réfléchir à une façon plus intelligente de contourner ce problème. Je ne suis pas exactement certain de ce dont il s'agit, mais nous devons y réfléchir.

Je ne dis pas que nous ne devrions pas envisager de réduire nos émissions de GES. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons, mais atteindre ces cibles et détruire une économie, et ne pas utiliser une bonne ressource dont nous disposons afin de créer tous les emplois, seulement afin de pouvoir dire : « Nous n'avons rien à nous reprocher; nous avons atteint nos cibles, mais la température va encore augmenter »... Voilà le problème.

Merci beaucoup, messieurs. Nous vous remercions de votre temps. Je pense qu'aucune demande de renseignements supplémentaires n'a été faite, mais nous savons à qui nous adresser afin d'en obtenir, au besoin.

(La séance est levée.)

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