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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 22 - Témoignages du 2 mars 2017


OTTAWA, le jeudi 2 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bonjour. Soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je me nomme Richard Neufeld et je suis honoré d'être le président du comité. Je suis un sénateur de la Colombie- Britannique.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici présents et à tous les Canadiens qui peuvent nous écouter à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca, le nouveau site web du Sénat.

On peut aussi trouver en ligne tous les renseignements concernant les travaux du comité, notamment les rapports publiés, les projets de loi étudiés et la liste des témoins.

Je demande maintenant à mes collègues assis à la table de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l'Ontario.

Le sénateur Patterson : Bonjour. Je suis Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : Je présente aussi notre personnel. À ma gauche, notre greffière, Maxime Fortin, et à ma droite, notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks.

Chers collègues, en mars 2106, le Sénat a chargé notre comité d'entreprendre une étude approfondie sur les effets, les défis et les coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à abaisser avant 2030 nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux tonnages de 2005. C'est une entreprise colossale.

Pour cette étude, notre comité a adopté une démarche sectorielle. Nous étudierons cinq secteurs de l'économie canadienne à qui sont imputables plus de 80 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre : la production d'électricité; les transports; le pétrole et le gaz; les secteurs à forte intensité d'émissions et tributaires du commerce; les immeubles.

C'est aujourd'hui la 35e séance que nous consacrons à cette étude, et je suis heureux d'accueillir les représentants de l'Association des produits forestiers du Canada : son vice-président, Changement climatique, environnement et main- d'œuvre, M. Robert Larocque; sa directrice aux Règlements en matière d'environnement et biologie de la conservation, Mme Kate Lindsay.

Je vous remercie d'être ici. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.

Robert Larocque, vice-président, Changement climatique, environnement et main-d'œuvre, Association des produits forestiers du Canada : Bonjour à tous. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de votre invitation. J'ai déjà communiqué le texte de ma déclaration.

Je me nomme Robert Larocque. Je suis très heureux de représenter l'Association des produits forestiers du Canada dans le cadre de votre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

[Français]

L'Association des produits forestiers du Canada offre une voie, au Canada et à l'étranger, aux producteurs canadiens de bois, de pâtes et de papier pour les questions concernant le gouvernement, le commerce, l'environnement et le sujet qui sera à l'étude aujourd'hui, l'économie à faibles émissions de carbone.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter un instantané de l'importance du secteur des produits forestiers pour l'économie canadienne. Sa contribution annuelle au PIB est de 65 milliards de dollars, soit 2 p. 100 du PIB. Présent dans 200 collectivités qui dépendent de la forêt et donnant directement du travail à 230 000 Canadiens, dans l'ensemble du pays, c'est l'un des principaux employeurs au Canada.

Le secteur est également important pour l'environnement canadien. Gardien de près de 10 p. 100 des forêts du monde, il prend très au sérieux ses responsabilités d'intendant de l'environnement. Le Canada possède la plus vaste superficie de forêts certifiées par des tiers indépendants dans le monde, 166 millions d'hectares, soit environ 43 p. 100 de toutes les forêts certifiées. En fait, des sondages répétés auprès de clients à l'étranger ont révélé que l'industrie canadienne des produits forestiers avait, sur le plan de l'environnement, la meilleure réputation du monde.

Le changement climatique se révèle le problème caractéristique de notre époque. Les entreprises forestières ont pris une longueur d'avance en réduisant de leur propre initiative leur empreinte carbone et en exploitant des établissements plus efficaces. En fait, les usines de pâtes et papier ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de 66 p. 100 depuis 1990, ce qui équivaut à 9 mégatonnes par année. Pour vous donner une idée de ce résultat impressionnant, nos émissions actuelles sont d'environ 6,5 mégatonnes.

Le secteur n'utilise pas de charbon; du pétrole, à peine, moins de 1 p. 100. Une trentaine de nos établissements au Canada produisent sur place de l'électricité verte à partir des résidus de la biomasse.

À la suite des engagements pris par le Canada dans l'accord de Paris, l'industrie forestière a promis, en mai dernier, de retirer d'ici 2030 30 mégatonnes par année d'émissions de gaz à effet de serre, soit environ 13 p. 100 de l'objectif de réduction des émissions que s'est donné le gouvernement. C'est notre défi « 30 en 30 » des changements climatiques. Si cela vous intéresse, nous avons mis à votre disposition des exemplaires en français et en anglais du document qui le présente.

Nous sommes fiers de faire partie de la solution, et il ne fait aucun doute que l'industrie canadienne des produits forestiers est un chef de file de l'environnement.

[Français]

En tant que secteur, nous croyons que le Canada a la possibilité d'accélérer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Aujourd'hui, j'aimerais concentrer mes commentaires sur la gestion de nos forêts, sur l'innovation potentielle liée à l'utilisation de nouveaux produits et sur les impacts négatifs et positifs reliés à nos usines.

[Traduction]

Couvrant 348 millions d'hectares, les forêts canadiennes constituent vraiment une ressource incroyable. La forêt absorbe des quantités phénoménales de dioxyde de carbone et, ce faisant, elle aide à régulariser les systèmes climatiques mondiaux. Nous avons donc été très heureux que le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques parle de la nécessité de piéger plus de carbone dans les forêts, les terres humides et les terres agricoles, alors que le Canada doit affronter le défi de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se voient offrir une belle occasion de collaborer avec l'industrie pour accélérer le reboisement, comme par le programme de la Colombie-Britannique annoncé récemment dans le cadre du plan de cette province pour le changement climatique. Pour continuer à améliorer les pratiques de gestion durable et à innover dans ce domaine, nous pouvons amplifier l'utilisation du bois et des résidus dans la forêt, par exemple, ou planter des arbres susceptibles de croître plus vite et d'absorber plus de carbone.

[Français]

L'utilisation de nouveaux bioproduits forestiers, tels qu'un composite de fibres en bois pour remplacer du plastique, par exemple, pour produire une console dans une Ford Lincoln, contribue de deux façons à une économie à faibles émissions de carbone. Premièrement, on remplace le plastique tiré de combustibles fossiles et, deuxièmement, on réduit le poids du véhicule, ce qui diminue sa consommation d'essence.

Le secteur forestier peut aussi fabriquer de l'huile pyrolytique. Par exemple, Canfor et Licella, en Colombie- Britannique, ont annoncé qu'elles vont remplacer de l'huile produite de sources non renouvelables.

De plus, il ne faut pas oublier que le bois stocke le carbone à long terme dans nos maisons et dans nos édifices. Le Canada a l'occasion d'apporter des changements au Code du bâtiment pour permettre la construction de bâtiments à plusieurs étages, telle la résidence de 18 étages de l'Université de la Colombie-Britannique. Pour chaque mètre cube de bois utilisé, cela représente près d'une tonne de carbone qui est retiré de l'atmosphère.

[Traduction]

Comme je l'ai dit plus tôt, l'industrie des produits forestiers a déjà réduit les émissions de gaz à effets de serre de ses usines de 66 p. 100 depuis 1990. Nous aurons un grand défi à relever pour réduire l'empreinte carbone de ces établissements, mais nous croyons que nous pouvons faire davantage et réduire nos émissions encore plus. Nous pouvons continuer à améliorer notre efficacité énergétique, améliorer les procédés en usine, remplacer les combustibles fossiles par les résidus combustibles des usines, par exemple remplacer le gaz naturel par le biogaz issu de nos systèmes de traitement des eaux usées, et réduire nos émissions produites par le transport des arbres vers les usines ou l'expédition de nos produits à nos clients. Nous envisageons de faire plus appel au transport ferroviaire à la place du transport par camions.

Ces occasions à saisir exigent des investissements dans les usines. Le secteur paie effectivement un prix pour le carbone, mais il est très important que les revenus empochés par les gouvernements grâce au prix du carbone soient sans incidence sur les revenus et qu'ils retournent à l'industrie sous une forme ou une autre, par exemple sous celle d'un fonds pour les technologies.

Je souligne que notre secteur exporte beaucoup de produits, 70 p. 100 de sa production, et la valeur de ces exportations est de 37 milliards de dollars. Nos produits du bois affrontent la concurrence de la Russie et des États- Unis surtout; nos pâtes et papiers, celle, surtout, des États-Unis, de l'Asie et de l'Amérique du Sud.

Dans le contexte de cette concurrence globale, il est impératif qu'un mécanisme de fixation du prix du carbone, que ce soit une taxe sur le carbone ou des normes sur les combustibles édictant une sorte de prix, tienne compte de la concurrence. Tributaire du commerce, notre secteur a des fournisseurs de produits chimiques, de combustibles et de carburants, d'électricité et de moyens de transport qui peuvent lui refiler les coûts, mais lui doit absorber ce coût, parce que le prix de ses produits se fonde sur les prix internationaux.

[Français]

En conclusion, le monde entier est aux prises avec le besoin urgent de s'attaquer aux changements climatiques et de réduire les émissions de carbone. Il nous faudra travailler ensemble, développer des idées neuves et veiller à mettre en place des politiques et des programmes efficaces.

L'industrie canadienne des produits forestiers a la détermination et la volonté de contribuer à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et de travailler avec les gouvernements pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.

Je vous remercie de votre attention, et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Fraser : Je vous remercie d'être ici. Il me semble que toutes les fois que j'entends parler de votre association, je suis impressionnée par son engagement pour l'environnement. Aujourd'hui encore, ça reste vrai.

Je voudrais comprendre un peu mieux vos engagements pour la réduction des émissions. Les émissions de vos usines sont actuellement de 6,5 mégatonnes par année?

M. Larocque : Oui.

La sénatrice Fraser : Vous allez en retirer encore 30 mégatonnes par année d'ici 2030, ce qui est fabuleux, mais je suis un peu mêlée. Vos usines n'en émettent que 6,5, puis vous enchaînez par une liste évocatrice et sympathique de choses susceptibles de se produire, mais pas exclusivement dans votre industrie. Si un fabricant d'automobiles décide de fabriquer une console, comptez-vous dans vos 30 mégatonnes les mesures prises par d'autres entreprises qui utiliseraient vos produits? Pourriez-vous m'éclairer?

M. Larocque : Oui, nous cherchons à faire partie de la solution. C'est la raison pour laquelle nous utilisons le verbe « retirer » au lieu de « réduire ». Vous avez raison. Nos usines ne rejettent qu'environ 6,5 mégatonnes, mais nous pouvons faire partie de la solution canadienne.

Une partie des 30 mégatonnes retirées englobe les forêts, qui équivalent à la moitié de ces 30 mégatonnes. Donc, en supprimant les tas de bois que, sinon, nous ferions brûler pour prévenir les incendies de forêt, par exemple, en maximisant l'emploi du bois quand nous le récoltons et en le faisant toujours de manière à assurer la durabilité, puis en protégeant la biodiversité, nous pouvons obtenir cette moitié et des arbres à la croissance plus rapide pour absorber le carbone. Nous pouvons adopter tous ces exemples de pratiques de gestion forestière et de reboisement qui correspondent à la moitié des 30 mégatonnes.

L'autre moitié comprend, je dirais, le tiers attribuable à nos installations, c'est-à-dire peut-être encore 2 mégatonnes provenant de leur logistique du transport. Le reste est attribuable à nos produits qui sont des sources renouvelables, utilisables en remplacement des produits assimilables aux combustibles fossiles. C'est donc la console de plastique de Ford. C'est employer du biobrut; produire du gaz naturel renouvelable qui alimentera le réseau d'électricité; employer plus de bois à la place de l'acier et du béton dans les immeubles. Cela correspond aux 12 autres mégatonnes sur les 30.

La sénatrice Fraser : Vous avez donc du travail de persuasion à faire pour atteindre cet objectif de 30 mégatonnes. Je suppose que vous avez déjà commencé?

M. Larocque : Oui. En fait, nous travaillons en partenariat avec Ressources naturelles Canada, qui a fait de la modélisation et des évaluations pour nous. Cela repose donc sur une base scientifique.

Nous collaborons avec les provinces et le gouvernement fédéral à certaines des politiques. Cela se fait en ce moment même. Le gouvernement du Canada a annoncé une norme sur les carburants à faible intensité de carbone visant leur contenu renouvelable. Ces carburants se rangeraient dans la catégorie du biobrut ou des biocarburants ou du biodiesel dont nous parlions.

La sénatrice Fraser : Est-ce que Ford fabrique bien des consoles?

M. Larocque : Oui, avec Weyerhaeuser.

La sénatrice Fraser : Merci.

Le sénateur Wetston : J'ai toujours eu l'impression que l'industrie des produits forestiers est un rouage indispensable de notre économie, et vous l'avez visiblement montré. Avant de vous questionner sur les programmes relatifs au changement climatique qui sont prévus, quel est l'avenir des produits forestiers pour le Canada?

M. Larocque : Franchement, je pense qu'il est assez prometteur. Nous sommes en transition et nous nous transformons. Ces dernières années, nous avons commencé à fabriquer beaucoup de bioproduits différents comme la nanocellulose cristalline, des filaments de cellulose; une usine fabrique de la lignine. Tout cela s'intègre dans notre infrastructure existante. Nous maximisons la production d'une usine de pâte à papier, par exemple, qui, avant, fabriquait de la pâte et du papier. Maintenant, nous utilisons certaines de ces fibres pour fabriquer de nouveaux produits innovants.

Le bois nous réserve un bel avenir. La pâte est un substitut, si vous voulez, de la fabrication du papier de soie et des serviettes de papier qu'on continuera d'utiliser dans l'avenir.

L'utilisation du papier à écrire et du papier journal ont connu, nous en sommes tous conscients, un déclin depuis 2005, l'ère de l'Internet. Nous transformons les usines qui en fabriquaient pour la fabrication de ces produits. Je dirais que, au cours des cinq dernières années, de 10 à 12 de nos établissements au Canada ont commencé à en fabriquer. Nous avons été très reconnaissants de l'aide du gouvernement à l'époque. Des programmes étaient inédits au Canada. Je pense que nous devons faire plus, mais nous sommes sur une bonne lancée.

Le sénateur Wetston : Manifestement, votre industrie est polyvalente. Vous en avez en quelque sorte parlé dans vos remarques. Pour ne m'en tenir qu'à l'efficacité énergétique, je me souviens que, il y a quelques années, l'industrie forestière en faisait beaucoup. Je suis sénateur de l'Ontario. Je me concentre donc sur ce qui se fait dans cette province. L'objectif était double. Visiblement, il s'agissait d'augmenter l'efficacité énergétique pour être plus concurrentiel et, aussi, on se souciait du changement climatique. Comme vous le savez, l'ex-premier ministre de l'Ontario a décidé de fermer les centrales à charbon et de se lancer dans l'énergie verte.

Pouvez-vous en dire un peu plus sur le programme d'efficacité énergétique que l'industrie forestière semble en train d'adopter? Je sais que le biogaz, c'est vert, et que vous en utilisez beaucoup dans votre production, mais encore?

M. Larocque : Un virage pris au cours des cinq dernières années a été la mise en place d'usines de cogénération partout au pays.

Je n'ai pas le chiffre exact, mais de 2010 à 2015, nous avons produit environ 10 000 p. 100 de plus d'électricité au Canada qu'en 2010, ce qui nous a permis d'alimenter le réseau en électricité verte.

Pendant qu'on fait ces investissements, on améliore le rendement des chaudières, on équipe l'usine de turbines et, en conséquence, on cherche à améliorer l'efficacité dans l'usine pour économiser le plus qu'on peut d'énergie pour produire de l'énergie verte.

Vous avez raison. Nous avons innové en adoptant le biogaz pour remplacer le gaz naturel dans beaucoup de nos fours. Nous avons réalisé 90 p. 100 de notre efficacité énergétique grâce à la cogénération, quand elle est possible. Il reste 10 p. 100. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai voulu bien faire comprendre qu'il sera difficile de porter à 3 mégatonnes les 6,5 émises par les usines. D'autres virages se prendront dans le séchage de la pâte, et ils devront être notables.

Nous nous concentrons sur notre deuxième groupe d'objectifs en matière d'efficacité énergétique, plus particulièrement ceux du transport, de la récolte, de l'expédition de nos produits sur le marché. Il le faut, et nous y disposons d'un certain champ de manœuvre.

Le sénateur Wetston : Vous venez de dire que vous concentrez votre action sur les obstacles à l'atteinte de vos objectifs. Pouvez-vous expliquer comment, d'après vous, l'industrie est capable de les vaincre? Est-ce simplement par la recherche, la technologie ou des investissements? Est-ce que l'industrie investit suffisamment dans la technologie pour atteindre ces objectifs?

M. Larocque : De 2010 à 2015, je pense que nous avons investi 2,8 milliards de dollars dans des domaines connexes à l'énergie, à la réglementation de l'environnement. Je pense que nous pourrions le faire encore. Les politiques doivent être en place. Par exemple, l'établissement d'un prix pour le carbone aura un impact à la fois positif et négatif. Nous devrons payer à l'usine, mais si nous pouvons fabriquer un biocarburant, nous pourrons le commercialiser.

L'investissement est au rendez-vous. La technologie, je dirais, c'est environ 75 p. 100 de ce qui nous permettra d'atteindre les « 30 en 30 ». Nous devrons répandre dans le pays des technologies inédites, mais je pense que la technologie le permet.

À ce stade-ci, et pour les cinq prochaines années, nous devons examiner les différentes options qui s'offrent à nous et nous assurer d'investir au bon endroit. Les usines sont à la croisée des chemins et devront décider si elles vont produire de l'électricité verte ou des biocarburants ou encore si elles vont améliorer leur efficacité énergétique. Il faut aussi savoir que la tarification du carbone aura une incidence sur toutes ces décisions d'investissement.

Nous ne sommes pas certains encore. Nous le voyons en Ontario et au Québec, avec le système de plafonnement et d'échange en Colombie-Britannique et en Alberta, et l'annonce du gouvernement d'une taxe sur le carbone de 50 $ la tonne. Nous attendons de voir quelles seront les prochaines politiques avant de prendre des décisions.

La sénatrice Galvez : Votre industrie s'est dotée d'un plan et d'une stratégie; il faudrait que les autres secteurs en fassent autant. D'après ce que nous entendons au sein du comité, ce ne sont pas tous les secteurs qui sont aussi bien organisés que vous.

Ma fille est ingénieure forestière et elle travaille dans le domaine de la certification. J'ai hâte de lui dire que son travail contribue à faire du Canada le pays où on compte le plus grand nombre de forêts certifiées dans le monde.

Bien entendu, il y a toujours moyen de faire mieux, alors je suis désolée de vous mettre sur la sellette.

M. Larocque : Ce n'est pas grave.

La sénatrice Galvez : Je m'inquiète de la santé des forêts. On attribue l'apparition d'un grand nombre de nouvelles maladies aux changements climatiques. Vous proposez de planter des arbres à croissance rapide, mais toutes ces mesures doivent avoir été planifiées et avoir fait l'objet de recherches au préalable. Cela dit, R & D Technology and Studying contribue grandement à la réussite de vos activités. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Larocque : Vous soulevez un très bon point. Aujourd'hui, je me suis surtout attardé à l'économie à faibles émissions de carbone, mais ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les répercussions des changements climatiques. Nous avons tous entendu parler du dendroctone du pin qui s'attaque aux forêts de la Colombie-Britannique. Si nos arbres ne sont pas en santé, nous n'aurons rien à récolter et cela va nuire à notre économie.

Vous avez raison. Nous effectuons beaucoup de recherche. Nous collaborons avec le Service canadien des forêts, le Centre canadien sur la fibre de bois et FPInnovations. Nous faisons également équipe avec Génome Canada pour examiner les différentes possibilités.

Il y en a quelques-unes. Il y a une entreprise à Vancouver qui fait ce qu'on appelle la « migration assistée ». Elle ne plante pas de nouveaux arbres, mais elle déplace plutôt des arbres de l'État de Washington, parce qu'à mesure que le climat change, ces arbres que nous plantons aujourd'hui sont peut-être les arbres de notre avenir, c'est-à-dire pour les 20, 30 ou 40 prochaines années.

Évidemment, lorsqu'on parle de recherche, on sait que cela prend du temps. Nous devons commencer dès maintenant. C'est pourquoi nous avons lancé le défi « 30 en 30 » des changements climatiques. Si on attend jusqu'en 2030, on parle de 15 ans de plus, et il se peut que les arbres qu'on plante aujourd'hui ne poussent pas autant que prévu ou soient ravagés par des feux de forêt ou des parasites.

C'est très important. Je crois que le Cadre pancanadien est un pas dans la bonne direction, mais il est surtout axé sur l'énergie. Selon moi, on met un peu de côté les forêts et l'agriculture. C'est ce que nous appelons les « puits ».

La sénatrice Galvez : Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les matériaux de construction peuvent faire toute la différence, et d'après ce que nous ont dit les représentants de l'industrie chimique, il y a des plastifiants substituts qui ne proviennent pas du pétrole, mais d'autres sources. Il est vrai que ces matériaux sont plus légers, flexibles et moins coûteux. Qu'est-ce que cela prend pour que le Code du bâtiment encourage cette pratique?

M. Larocque : En effet. Il y a deux ou trois choses qui me viennent à l'esprit concernant la construction qui pourraient nous permettre d'améliorer la situation. Tout d'abord, le Code du bâtiment a récemment fait passer de quatre à six étages la hauteur maximale permise des bâtiments à ossature en bois. L'Initiative de structure en bois de grande hauteur est une excellente initiative. Nous savons que le gouvernement du Canada travaille sur le code et s'est fixé comme échéancier l'année 2020 ou 2025.

D'une hauteur de 18 étages, le Brock Commons deviendra l'immeuble en bois le plus haut au monde. La fin du chantier est prévue pour l'automne; il se peut qu'on dépasse l'échéancier prévu. Toutefois, nous n'utilisons pas autant de bois que nous le pourrions, et d'ailleurs, le Canada tire de l'arrière par rapport à ce qui se fait en Europe. Nous travaillons à modifier le Code du bâtiment afin de favoriser la construction de bâtiments en bois de grande hauteur partout au Canada.

Ensuite, je considère que le principe du bilan énergétique nul est très important. À l'heure actuelle, le Code du bâtiment préconise des bâtiments à consommation énergétique nette zéro, mais cette exigence se limite au fonctionnement, c'est-à-dire au choix du système de chauffage, qui doit être alimenté par des sources d'énergie renouvelable.

Voilà donc une possibilité d'indiquer dans le Code du bâtiment l'importance du choix des matériaux dans la construction d'immeubles à consommation énergétique nette zéro. Il faut en tenir compte pour s'assurer que la construction a une empreinte carbone nulle.

Des études ont révélé que l'énergie utilisée pour la construction d'un immeuble représente environ la moitié de son empreinte carbone sur tout son cycle de vie. L'autre moitié correspond au fonctionnement.

Nous n'en sommes pas là encore. Nous travaillons là-dessus. Nous avons notre part à faire. L'analyse du cycle de vie est compliquée; ce n'est pas tout le monde qui comprend. Je travaille dans le domaine depuis cinq ans, et j'ai moi-même parfois du mal à comprendre. Mais je crois que c'est possible. Nous pouvons y arriver.

Troisièmement, je pense que les gouvernements doivent agir à titre de leaders en matière de politiques d'approvisionnement. Si on veut construire un nouvel édifice fédéral, pourquoi ne pas le faire en tenant compte de l'empreinte carbone? Beaucoup d'autres pays le font, et nous adoptons également le principe du carbone d'abord. Nous devons nous concentrer sur le carbone, et non pas sur les matériaux comme tels, que ce soit le bois ou un autre matériau.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre exposé.

Vous avez parlé des obstacles à l'atteinte de vos objectifs. Vous avez dit que l'industrie devait demeurer concurrentielle, et vous avez aussi abordé les questions de l'innovation et des technologies. J'aimerais y revenir. Dans quelle mesure votre secteur est-il bien coordonné? Les entreprises collaborent-elles à la communication d'information et au développement de technologies? C'est un problème dans de nombreux secteurs à l'échelle du pays.

M. Larocque : Au sein de notre industrie, nous avons la chance d'avoir une organisation qui s'appelle FPInnovations. Elle soutient l'innovation dans le secteur des produits forestiers. Ses technologies et ses programmes d'efficacité énergétique s'appliquent à tous les secteurs. Par conséquent, nous échangeons beaucoup de renseignements.

Je pense qu'en ce qui concerne l'exploitation des usines et les changements climatiques, les données sont transmises dans l'ensemble des secteurs. Mais à vrai dire, lorsqu'il est question de produits nouveaux, ce n'est peut-être pas autant le cas du point de vue de la pénétration des marchés, mais les connaissances sont communiquées efficacement dans le secteur.

La sénatrice Seidman : Dans ce cas, selon vous, quels sont les principaux obstacles au déploiement de ces technologies novatrices?

M. Larocque : Premièrement, je considère que le financement constitue un obstacle important. Le dossier du bois d'œuvre avec les États-Unis et tout le commerce qui s'y rattache sont des préoccupations sur le plan des investissements. Deuxièmement, je pense que c'est l'inconnu. S'il ne s'agissait que de tarification du carbone, il n'y aurait pas de problème. Nous saurions où aller, puis nous prendrions des décisions d'investissement. Toutefois, étant donné que nous ne savons pas encore quelles seront les politiques relatives au carburant à faible teneur en carbone et à l'approvisionnement, il est très difficile de prendre des décisions. Dois-je investir dans un produit en bois ou dans un biocarburant? À mon avis, d'ici deux ans, nous serons mieux placés pour le savoir.

La sénatrice Seidman : Y a-t-il quelque chose que le gouvernement peut faire pour aider?

M. Larocque : On doit surtout s'assurer de respecter les échéanciers fixés pour la mise en œuvre. Ensuite, on doit tenir compte de tous les maillons de la chaîne de valeur. Si je ne me trompe pas, le Cadre pancanadien renfermait 51 recommandations. Il faut que les gens adoptent une perspective globale et qu'ils ne se concentrent pas uniquement sur les carburants ou sur les immeubles, par exemple. C'est un problème à l'heure actuelle.

La sénatrice Seidman : L'intégration.

M. Larocque : En effet, parce que bon nombre de ces programmes dépendent de la même biomasse. Qu'il s'agisse d'électricité renouvelable, de carburants renouvelables ou d'efficacité énergétique dans les usines, tout cela repose sur la même biomasse. Par conséquent, nous devons l'intégrer pour nous assurer de faire les choses correctement. Toutefois, les possibilités sont là.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Larocque, pour votre exposé.

L'industrie forestière de la Nouvelle-Écosse a toujours été mal comprise. Lorsque je demande aux gens quelle est la plus grande industrie de la province, si on se fie à la valeur et aux emplois directs et indirects, la plupart me répondent l'industrie de la pêche et du homard ou autre chose. Depuis des décennies, c'est l'industrie forestière. Ce secteur est très important en Nouvelle-Écosse.

À un certain moment, vous avez dit que cette mesure serait neutre à l'égard des recettes. J'imagine que vous faisiez référence au gouvernement et à l'industrie, n'est-ce pas? Parce que ce n'est jamais sans effet financier pour les consommateurs ou ceux qui paient.

M. Larocque : Non, j'inclus les consommateurs. Lorsqu'on parle de la tarification du carbone ou des revenus qui sont générés, je veux simplement m'assurer que le gouvernement considère qui paie le prix de tout cela. En tant que consommateur, je le paie également lorsque j'achète de l'essence ou que je chauffe ma maison. Je crois que, lorsque les provinces envisagent le partage des revenus, elles incluent la partie que l'industrie paie dans un fond quelconque pour la technologie et non pas seulement dans un seul endroit, si vous voulez.

Le sénateur MacDonald : Le reboisement est un thème récurrent en Nouvelle-Écosse. Je me demandais si vous aviez des données sur le niveau de déforestation au pays afin que nous puissions comparer la situation actuelle avec celle qui régnait il y a 50 ou 100 ans.

M. Larocque : Je pense qu'on a perdu 0,1 p. 100 des forêts à cause de la déforestation.

Kate Lindsay, directrice, Réglementation environnementale et biologie de la conservation, Association des produits forestiers du Canada : Le Canada possède encore aujourd'hui 91 p. 100 de sa forêt d'origine. Je sais qu'une politique de reboisement est en place depuis plusieurs décennies. Toutefois, à l'heure actuelle, selon le rapport L'état des forêts au Canada de RNCan, le taux de déforestation est de 0,2 p. 100, et cette déforestation n'est pas attribuable à la récolte forestière, mais plutôt à un changement de vocation de ces zones. Cela dit, dans l'industrie forestière, la loi et la certification exigent que chaque arbre coupé soit remplacé.

Le sénateur MacDonald : Si on devait faire passer le taux de boisement de 91 à 100 p. 100, quel impact cela aurait-il sur le carbone?

Mme Lindsay : Je pense que ce serait difficile, car on a perdu une grande partie de cette superficie au profit du développement urbain et de l'agriculture. Il pourrait donc être impossible de reboiser ces zones aujourd'hui.

M. Larocque : Mais on parle ici de mégatonnes. On ne parle pas de centaines de milliers de tonnes. Ce serait donc important.

Le sénateur MacDonald : Êtes-vous d'accord pour dire que la plupart de nos produits forestiers sont exportés?

M. Larocque : Oui.

Le sénateur MacDonald : On sait que la question du bois d'œuvre résineux est un irritant majeur, depuis au moins huit ans, et a fait l'objet de contestations auprès de l'OMC. L'imposition d'une taxe sur le carbone au Canada et probablement la mise en place d'un tout nouveau régime aux États-Unis concernant la gestion du carbone et de ces secteurs ne feront qu'accentuer le problème. Quelles seront les répercussions? Nous imposons une taxe sur le carbone à notre industrie forestière, mais notre plus grand partenaire commercial et les autres gros exportateurs de bois d'œuvre, tels que la Russie, n'en ont pas fait autant. Concrètement, quelle sera l'incidence sur notre secteur?

M. Larocque : Je crois qu'il y aura effectivement des répercussions, mais il reste à voir les négociations sur le bois d'œuvre. Je crois que le changement climatique est un aspect important qui entre en ligne de compte; il n'y a pas que la tarification du carbone. Il s'agit de l'incidence globale de toutes les politiques.

Nous avons réalisé une analyse à la suite de l'annonce de la taxe sur le carbone de 50 $ la tonne. Les coûts additionnels pour notre secteur s'élèvent à 250 millions de dollars d'ici 2022, et je calcule aussi les coûts supplémentaires de 2015, parce qu'il y avait déjà une taxe sur le carbone de 30 $ la tonne en Colombie-Britannique, par exemple.

Je pense que nous comprenons tous le prix du carbone qui s'applique à tous les secteurs au Canada et nous y sommes favorables. Ce qui nous préoccupe, c'est plutôt l'ajout des autres politiques. Aussitôt qu'on commence à inclure le secteur industriel, on augmente le coût, et c'est là le problème. Nous devrons évaluer ces coûts.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie de votre exposé. Je suis ravi d'entendre que votre industrie a une longueur d'avance au chapitre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement s'est fixé des objectifs ambitieux. Je suis enchanté d'apprendre que vous participez également au défi « 30 en 30 ». Toutefois, selon Changement climatique Canada, la réduction nécessaire à la réalisation de cet objectif est de 219 tonnes métriques de dioxyde de carbone. Croyez-vous que cette cible puisse être atteinte? Qu'est-ce qui doit être fait sur le plan des politiques pour s'assurer d'obtenir un vaste appui?

M. Larocque : Est-ce réalisable? Je pense qu'on peut essayer. Nous voulons faire partie de la solution.

Je suis heureux que le Cadre pancanadien soit exhaustif. Je considère qu'il s'agit d'une bonne initiative.

Selon moi, nous devons collaborer afin de bien comprendre la situation dans son ensemble. Je crains que bon nombre de ces réductions soient les mêmes, mais qu'elles soient prises en compte différemment, selon la personne qui s'occupe des immeubles, de l'électricité, et de l'électricité qui alimente l'immeuble. Est-ce qu'on parle des mêmes mégatonnes?

À mon avis, la réalisation de cet objectif doit passer par l'innovation, d'où l'importance de ce programme d'innovation. L'innovation jouera un rôle important. Je pense que nous devons considérer les zones forestières et agricoles comme une possibilité, plus que tout ce dont il a été question jusqu'à maintenant.

Le sénateur Meredith : Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de l'innovation? Je sais que la sénatrice Seidman a parlé des autres secteurs et technologies ainsi que des efforts de collaboration nécessaires.

M. Larocque : Tout à fait.

Le sénateur Meredith : J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus longuement.

M. Larocque : Nous sommes très emballés par l'innovation. On a discuté de la possibilité de se regrouper. Nous collaborons avec Unilever, Boeing et Ford, par exemple. Je pense que nous devons en faire davantage à cet égard. Le secteur des ressources naturelles doit travailler avec ce que nous appelons les entreprises utilisatrices.

Le sénateur Meredith : Vous avez mentionné Ford. Est-il question de voitures en bois ici?

M. Larocque : Pas en bois, mais plutôt en fibre de carbone. Il s'agit d'une fibre qui est plus légère, mais tout aussi solide. On parle ici de panneaux. Il n'est donc pas question de voitures en bois, mais de biocarburants. Vous pouvez avoir une voiture qui contient des produits du bois. Vous utilisez 20 p. 100 de biodiesel, par exemple, dans votre voiture. Voilà des exemples de collaboration pour l'avenir. En ce qui concerne l'innovation, je pense qu'il est important que les fournisseurs de ces produits et les utilisateurs se parlent entre eux, et je suis très emballé par ce qui se passe du côté de l'innovation.

Le sénateur Meredith : Encore une fois, je me demande ce que peut faire le gouvernement à l'égard des trois principales priorités. Avez-vous indiqué à la ministre de l'Environnement les changements qui doivent avoir lieu maintenant? Dans quelle mesure le ministère est-il ouvert à ces discussions?

M. Larocque : Il est très ouvert. Durant les discussions entourant le Cadre pancanadien, nous avions formulé 66 recommandations à l'intention du gouvernement; 17 d'entre elles se sont retrouvées dans le Cadre pancanadien. Les trois priorités concernant les constructions en bois étaient les bâtiments, l'énergie et les transports. Voilà les trois principales priorités sur lesquelles je me concentrerais au cours des cinq prochaines années. Je crois qu'on est sur la bonne voie; il faut simplement s'assurer de faire les choses correctement.

Le sénateur Meredith : Comment pouvons-nous nous y prendre?

M. Larocque : Il faut mener des consultations et comprendre les répercussions sur l'industrie, non seulement pour ce qui est des utilisateurs, mais aussi pour les fournisseurs de ces technologies, et il faut poursuivre la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux. C'est essentiel.

Le sénateur Mockler : Monsieur Larocque, parliez-vous ce matin au nom des propriétaires des terres publiques, des boisés privés et des terrains industriels, ou d'une combinaison de ceux-ci?

M. Larocque : Nous menons 90 p. 100 de nos activités sur des terres publiques.

Le sénateur Mockler : Sur des terres publiques.

M. Larocque : En effet.

Le sénateur Mockler : Il s'agit de regarder les codes du bâtiment pour convenir que cela doit changer maintenant, pas plus tard, mais maintenant. Quand vous avez parlé du dendroctone du pin en Colombie-Britannique, vous avez oublié de mentionner — je ne pense pas l'avoir entendu, et veuillez m'aider si c'est bien le cas...

[Français]

J'aimerais le savoir.

M. Larocque : Il n'y a pas de problème.

Le sénateur Mockler : C'est la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

M. Larocque : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Dans le cas de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, à l'heure actuelle, les ravages causés au Québec sont plus importants qu'au Nouveau-Brunswick. Nous devons gérer la situation. À défaut de quoi, c'est elle qui aura le dessus sur nous. C'est donc une mesure à prendre.

Nous devons ensuite tenir compte des leçons apprises au Québec.

[Français]

Si on regarde du côté du Québec, il serait important d'inviter vos membres à visiter l'édifice de six étages de Fondaction de Québec.

[Traduction]

Nous avons besoin d'une stratégie pour assurer la représentation des propriétaires des boisés privés, des terrains industriels et des terres publiques.

M. Larocque : Je suis d'accord.

Le sénateur Mockler : Il faut s'asseoir avec eux. Dans le Canada atlantique, j'ai eu l'occasion de mobiliser les propriétaires canadiens de boisés privés. J'ai organisé dernièrement une table ronde à ce sujet pour me préparer à la rencontre, et je veux parler de culture civique, de plantation d'arbres et de carbone. Une forêt est considérée comme un puits de carbone lorsqu'elle en absorbe plus qu'elle en émet. Les produits ligneux récoltés et les produits de bois transformé sont une source supplémentaire de stockage à long terme lorsqu'ils sont utilisés dans la construction de maisons.

Pouvez-vous en dire plus long sur le genre de leadership dont vous faites preuve pour contribuer à la survie et à la meilleure gestion de nos forêts?

M. Larocque : Je suis entièrement d'accord avec vous : elles agissent comme des puits lorsque c'est durable. Lorsqu'une forêt est exploitée, il faut replanter des arbres pour qu'elle demeure un puits. Le carbone est stocké pendant des centaines d'années. Donc, dans l'ensemble, à mesure que vous procédez ainsi, votre stock de carbone augmente. Cependant, les parasites et les feux sont les impondérables dans ce scénario. Des arbres sont plantés, mais il est possible que nous les perdions après 20 ou 30 ans.

Nous devons donc nous pencher sur deux choses. Tout d'abord, il y a ce que nous appelons l'adaptation ou l'atténuation. Nous devons atténuer l'effet des changements climatiques en ce qui a trait aux parasites et aux feux ou nous y adapter. Nous travaillons avec FireSmart Canada. Nos usines collaborent également avec l'association québécoise et le gouvernement du Québec, mais nous devons faire la bonne chose lorsque nous exploitons une forêt, à savoir replanter des arbres qui seront en santé. Ces forêts sont résilientes face aux changements climatiques. Nous devons faire les deux. Nous devons nous attaquer aux problèmes maintenant, en nous y adaptant, et nous devons aussi atténuer l'effet des changements climatiques pour l'avenir. Nous travaillons avec l'ACPF, la...

Mme Lindsay : ... l'Association canadienne des propriétaires forestiers, dont les membres gèrent 10 p. 100 des terres forestières privées au Canada. Je pense que nous pouvons collaborer avec eux et apprendre d'eux, car ils ont investi dans des semences adaptées alors que nous pourrions en faire plus en ce sens sur les terres publiques.

M. Larocque : Nous devons travailler avec les gouvernements provinciaux, car des obstacles réglementaires à l'apprentissage font en sorte qu'il nous est difficile de reprendre sur les terres publiques ce qui est fait dans les boisés privés.

Le sénateur Mockler : Quand vous parlez de produits dérivés de la fibre ligneuse, n'oubliez pas Ford. Tous les sièges des voitures de marque Ford comportent maintenant un sous-produit composé de fibres de cellulose de bois.

M. Larocque : Oui.

Le sénateur Mockler : Tous les coussins sont fabriqués à partir de fibre ligneuse.

M. Larocque : C'est un bon exemple.

Le sénateur Mockler : Ford fait figure de chef de file et Toyota arrive en deuxième. Je veux vous demander ce que vous pensez de l'affirmation suivante. Chaque mètre cube de bois utilisé pour remplacer d'autres matériaux de construction réduit en moyenne de 1,1 tonne les émissions de CO2 dans l'atmosphère. C'est un chiffre avancé par des scientifiques. Puisque 0,9 tonne de CO2 est stockée dans le bois, chaque mètre cube de bois utilisé se traduit par un total de 2 tonnes de CO2.

Êtes-vous d'accord? À quel point pouvons-nous mieux informer le public sur les pratiques exemplaires de gestion des forêts, comme la sylviculture, une gestion plus intelligente et l'utilisation d'équipement plus petit afin de limiter l'empreinte?

M. Larocque : Je souscris parfaitement au chiffre de 1,1 tonne. Nous utilisons 1 comme moyenne. Cela ne pose pas de problème. Je souscris également tout à fait à l'autre chiffre de 0,9 tonne. Je vais seulement ajouter que nous croyons fermement que la stratégie doit reposer sur des forêts durables. On perd le 0,9 tonne à défaut d'exploiter les arbres de manière durable.

Le sénateur Mockler : Quelle région du Canada a les meilleures pratiques de gestion?

M. Larocque : Combien ai-je de temps à ma disposition? Je vais me contenter de dire que le Canada a les meilleures pratiques de gestion forestière au monde.

Le président : C'est une excellente réponse. J'aurais pu vous répondre, Percy.

Mme Lindsay : Pour devenir membre de l'Association des produits forestiers du Canada, il faut être certifié par une tierce partie selon une norme indépendante de certification des forêts. C'est donc une exigence supplémentaire que doivent satisfaire les membres de l'APFC.

Le sénateur Patterson : C'était un excellent exposé. Merci beaucoup. Je vais poser une question qui est peut-être vraiment simpliste.

J'ai appris dans un cours de biologie du secondaire que les forêts vivantes absorbent le dioxyde de carbone et produisent de l'oxygène. Les forêts anciennes, qui sont chéries et considérées comme sacrées par les environnementalistes, font le contraire ou n'ont pas le même genre d'effet. Je ne vais pas vous demander si vous êtes d'accord.

À l'échelle internationale, accorde-t-on du mérite au Canada compte tenu du rôle que nos forêts, nos terres humides et nos terres agricoles jouent en absorbant le dioxyde de carbone et en produisant de l'oxygène?

M. Larocque : Je pense que le monde est au courant. Le Canada doit faire rapport à une organisation internationale — l'acronyme est très long —, et nous parlons du rôle des forêts au Canada en tant que puits d'absorption du carbone.

Le sénateur Patterson : Lorsque nous établissons des cibles à atteindre et que la communauté internationale mesure nos résultats, nous accorde-t-elle du mérite?

M. Larocque : Oui, c'est compris dans nos cibles, et c'est pourquoi le défi « 30 en 30 » est très important, car nous comptons les puits. Il ne suffit pas de réduire les émissions; il faut aussi absorber le dioxyde de carbone.

Le sénateur Patterson : Je suis très heureux de l'entendre. Vous dites, et je suis d'accord avec vous, qu'il est impératif que le mécanisme de tarification du carbone —que nous sommes encore en train de mettre sur pied au Canada en vue de sa mise en œuvre l'année prochaine — tienne compte de la compétitivité des industries tributaires du commerce.

De quelle façon pouvons-nous tenir compte de la compétitivité dans notre mécanisme de tarification du carbone? Suffit-il d'exempter les industries tributaires du commerce? Comment pouvons-nous donner suite à votre recommandation?

M. Larocque : Il n'y a pas de réponse simple. J'en suis sincèrement désolé. J'aimerais que nous puissions tout simplement les exempter. Je crois que nous avons tous un rôle à jouer lorsque nous utilisons des combustibles fossiles. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'un même combustible fossile fasse l'objet de quatre taxes et que ce soit le dernier consommateur qui en paye le prix, c'est-à-dire moi-même ou les industries tributaires du commerce sur le marché international. C'est l'analyse qui doit être effectuée plutôt que de recourir à des politiques individuelles qui se fondent sur une vision simpliste de la question.

Un parfait exemple que je vois dans mon travail est la norme sur les carburants à faible teneur en carbone à laquelle travaille le gouvernement, et on y a ajouté le carburant à usage industriel. C'est nous qui utilisons le carburant à usage industriel, ce qui signifie que nous pourrions payer non seulement une taxe sur le carbone, mais aussi le coût supplémentaire assumé par le fournisseur afin d'y ajouter des combustibles renouvelables et assurer le transport du carburant jusqu'à nos usines. Nous pourrions donc payer deux fois, et nous ne pouvons pas refiler les frais à quelqu'un d'autre. Vous devez tenir compte de l'effet cumulatif que toutes ces politiques sur le carbone ont sur les industries tributaires du commerce. En pareils cas, j'exempterais les utilisateurs du carburant à usage industriel.

Le président : Donc, si je comprends bien, vous dites que sur le site de l'usine, l'industrie émet 6,5 tonnes métriques, seulement sur le site. On ne parle pas du transport du produit jusqu'au site ou du transport du produit fini, ou de quoi que ce soit d'autre, n'est-ce pas?

M. Larocque : En effet.

Le président : Vous dites qu'il sera difficile de produire moins de 6,5 tonnes métriques.

M. Larocque : Nous avons l'occasion de faire mieux dans une proportion de 5 à 10 p. 100, mais je pense que la réduction des émissions à 1 tonne, par exemple, dans 25 ans sera pratiquement impossible en utilisant la technologie que nous avons maintenant.

Le président : Vous dites également que le secteur n'utilise pas de charbon et presque pas de pétrole, et j'en conviens, mais dans certaines provinces où vous menez des activités, votre électricité provient évidemment des centrales électriques au charbon, n'est-ce pas?

M. Larocque : Oui. Je vais vous donner un exemple. En Alberta, l'électricité provient du charbon, mais dans la province, la moitié de nos usines produisent de l'électricité verte; elles sont autonomes.

Le président : Vous dites que vous avez 30 usines d'un bout à l'autre du Canada qui produisent de l'électricité à partir de la biomasse. Quel est le nombre total d'usines et où se trouvent-elles?

M. Larocque : Il s'agit de 30 usines parmi 89, et elles se trouvent d'un bout à l'autre du Canada.

Le président : Est-ce que tous les sites en Alberta, en Saskatchewan — que se passe-t-il au Nouveau-Brunswick... Vous dites que l'électricité ne provient pas de centrales électriques au charbon, n'est-ce pas?

M. Larocque : Je ne parle pas de toutes les usines. Je dis seulement qu'il s'agit d'une proportion d'environ 20 p. 100 de l'électricité que nous achetons au Canada. J'inclus le Québec et la Colombie-Britannique. Je suppose qu'il s'agit d'environ 5 p. 100 de nos besoins énergétiques en Alberta. Je donne des chiffres approximatifs.

Le président : Quand j'ai lu votre rapport sur le défi « 30 en 30 », à la première page, j'ai trouvé formidable de voir qu'il s'agit d'une réduction de près de la moitié des émissions de GES par rapport à la cible du Canada pour 2030.

M. Larocque : Oui, 13 p. 100. Trente sur 225, n'est-ce pas?

Le président : Cela induit un peu en erreur, pour être parfaitement honnête. Comprenez-moi bien; vous faites un excellent travail, mais l'industrie s'engage à éliminer 30 tonnes métriques d'ici 2030.

M. Larocque : Oui.

Le président : Lorsqu'on additionne le tout, le chiffre est beaucoup plus grand que 13 p. 100. Pourquoi parler de CO2 plutôt que d'émissions de GES?

M. Larocque : Il serait aussi question des émissions de GES. Je pense que nous avons parlé de CO2 tout simplement parce que...

Le président : Il faut donner la bonne description.

M. Larocque : Nous sommes des scientifiques, et je suis ingénieur, et les gens ne sont pas interpellés lorsque nous parlons d'équivalent CO2. Ils comprennent le CO2, mais ils demanderaient ce que nous entendons par équivalent CO2.

Le président : Si je prends ces chiffres et que je les transpose en émissions de GES, je constate que nous avons atteint toutes nos cibles, et je ne pense pas que ce sera le cas. C'est le vœu pieux qui serait exaucé si tout le monde coopérait dans votre industrie.

M. Larocque : Je tiens à être clair. On parle de 30 mégatonnes d'ici 2030, pas de 20 mégatonnes chaque année d'ici là. Un beau graphique montre la courbe et compare 2015 à 2030. Les arbres que nous plantons aujourd'hui absorberont du carbone en 2030, dans 13 ans. On en tiendra compte.

Le président : Vous dites que vous allez éliminer 30 tonnes métriques par année.

M. Larocque : Après 2030.

Le président : C'est un jeu de mots. Je comprends ce que vous dites.

Je pense que nous devons faire tout notre possible, mais quand je regarde les cibles fixées par le gouvernement — et pas seulement celui-ci; ce sont les cibles du gouvernement précédent; je ne cherche pas à faire de la politique... Quand je regarde ce qui doit être éliminé, à savoir 219 tonnes métriques d'ici 2030, je constate que c'est une tâche herculéenne, qui est à vrai dire pratiquement impossible, et presque tous les témoins expérimentés qui comparaissent disent que cela ruinera l'économie, à moins qu'on trouve une solution miracle au cours des cinq prochaines années, et je pense que personne n'y croit.

Quelles seraient trois mesures que pourrait prendre l'industrie forestière? L'industrie en a fait beaucoup, et je pense que vous pouvez en faire davantage sans trop l'étouffer. Quelles seraient trois choses que pourrait faire l'industrie forestière pour nous aider à atteindre ces cibles? J'espère que vous parlerez d'adaptation. Je pense que le moment viendra qu'on le veuille ou non. On sait qu'il viendra quand on regarde ce qui se passe dans le monde, mais les gouvernements ne cherchent pas à savoir comment nous allons nous adapter autant qu'ils essaient de dire que si nous établissons ces cibles, tout se passera bien. Même si le Canada atteint ses cibles, le moment viendra.

M. Larocque : Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'adaptation. Je vais répéter les trois aspects que je fais valoir. Premièrement, il y a les forêts, c'est-à-dire une adaptation visant à les rendre renouvelables et durables d'ici 2030 — en les protégeant contre les parasites, les sécheresses et les feux —, mais aussi l'option de l'atténuation. Il est possible que nous absorbions beaucoup plus de carbone en 2030 que nous le faisons aujourd'hui. Une occasion exceptionnelle s'offre à nous.

Deuxièmement, il y a l'utilisation des produits du bois, les codes du bâtiment et ainsi de suite. Ce n'est pas négligeable. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine. C'est également bon pour l'économie.

Le troisième aspect concerne l'énergie. Nous pouvons en faire un peu à cet égard, comme fabriquer des biocarburants et de la bioélectricité. Nous pouvons fabriquer des granules pour remplacer le charbon dans les usines de cokéfaction. De nombreuses possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons aider le Nord en utilisant la biomasse; c'est pour bientôt. C'est une question d'énergie, d'édifices en bois et de forêts ainsi que d'adaptation et d'atténuation.

Le président : Merci. Je ne demande pas une description de plusieurs pages, mais pourriez-vous remettre à la greffière une note qui approfondit chacun de ces aspects?

Le sénateur Mockler : Je vais parler de votre défi « 30 en 30 ». Vous parlez du plus grand nombre de forêts certifiées au monde, et vous énumérez les pays. Je reviens au Canada. Quelles régions du Canada comprennent le plus grand nombre de terres certifiées?

Mme Lindsay : La Colombie-Britannique et le Québec ont le plus grand nombre d'hectares de forêt. Ils ont donc le plus grand nombre de forêts certifiées, mais le Nouveau-Brunswick en a également un pourcentage élevé.

Le sénateur Mockler : Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick, mais je représente le Canada. Je pense que l'industrie forestière a un rôle important à jouer en ce qui a trait aux biocarburants, aux textiles, à la rayonne et aux pièces automobiles. Nous devons participer aux discussions, notamment les propriétaires de boisés privés. Ils possèdent le tiers des terres canadiennes, des terres publiques. À certains endroits, on parle du tiers, tandis qu'ailleurs, c'est 50 p. 100.

Quand je regardais la recommandation du rapport selon laquelle l'avenir de l'industrie forestière passe par l'innovation, et quand nous regardons les émissions de GES et de CO2...

[Français]

L'instrument le plus important est l'innovation pour respecter les exigences et atteindre les objectifs liés au dioxyde de carbone ou aux émissions de carbone. Par contre, je vous dis que, étant donné le rôle de votre association, vous devriez être plus agressifs.

[Traduction]

Quel est le rôle des autres intervenants que vous ne représentez pas ce matin?

M. Larocque : Je pense qu'il faut travailler ensemble. Je sais que nous parlons de 2030, mais, de 1990 à 2005, une période de 15 ans, nous avons réduit nos émissions d'environ 50 p. 100. Beaucoup de choses peuvent se produire en 15 ans. Nous ne produisions pas d'électricité en 1995, mais nous en produisions en 2005. Dix ans plus tard, notre production a augmenté dans une proportion de 1 000 p. 100. À quoi peut nous servir l'innovation? Aurons-nous des forêts renouvelables d'ici 10 à 15 ans? Je l'espère.

Je suis parfaitement d'accord pour ce qui est du défi « 30 en 30 », mais nous n'avons pas agi seuls. Nous nous sommes inspirés de modèles créés par Ressources naturelles Canada, par des scientifiques qui croient vraiment que l'occasion se présente. Nous devons travailler ensemble et commencer maintenant.

Le sénateur Wetston : Vos commentaires sont très informatifs et illustrent très bien les défis auxquels fait face le secteur. Le Canada a-t-il adopté une stratégie nationale en matière de foresterie?

M. Larocque : Le CCMF y travaille pour le secteur forestier, mais je crois que nous devons adopter ce que j'appellerais une stratégie en matière de produits forestiers qui intégrerait les forêts, les moulins et les produits.

Le sénateur Wetston : Lorsque je parle d'une stratégie nationale en matière de foresterie ou de ce que vous venez tout juste de décrire, c'est-à-dire une stratégie qui donne une place importante aux produits, est-ce parce que les compétences en matière de forêts sont réparties entre le gouvernement fédéral et les provinces? Cette question exige-t- elle une importante harmonisation entre le gouvernement fédéral et les provinces lorsqu'il s'agit d'élaborer une stratégie pour le Canada?

M. Larocque : Je crois que je suis d'accord avec vous. Nous devons harmoniser les choses, ou collaborer, entre les provinces. Je sais que nous parlons des propriétaires forestiers privés, mais nous menons 90 p. 100 de nos activités sur les terres de la Couronne, et nous devons donc collaborer.

Le président : Merci beaucoup. C'est très intéressant. J'aimerais remercier les deux témoins d'avoir livré un exposé et d'avoir répondu aux questions. C'était excellent.

Pour la deuxième partie, je suis heureux d'accueillir Brendan Marshall, vice-président, Affaires économiques et du Nord de l'Association minière du Canada.

Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions.

Vous avez la parole, monsieur.

Brendan Marshall, vice-président, Affaires économiques et du Nord, Association minière du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité, monsieur le président, sénateurs et autres participants.

Ce n'est pas ma première fois au Sénat. J'ai déjà travaillé comme agent de dotation. J'ai commencé au bureau du sénateur Kinsella lorsqu'il était Président. J'ai donc beaucoup de respect pour l'institution et le travail que vous effectuez, et je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.

Pour le compte rendu, je m'appelle Brendan Marshall, et je suis vice-président, Affaires économiques et du Nord de l'Association minière du Canada. L'AMC est la voix nationale de l'industrie minière, car elle représente 39 sociétés minières qui mènent leurs activités au Canada dans les domaines de l'exploration, de l'extraction, de la fusion et des capacités de fabrication de produits semi-finis en ce qui concerne un large éventail de produits, notamment le minerai de fer, l'or, les diamants, les sables bitumineux, le charbon métallurgique, les métaux de base et l'uranium.

L'industrie minière emploie 563 000 personnes et est, toutes proportions gardées, le plus grand employeur d'Autochtones au Canada. L'industrie mène des activités d'un océan à l'autre et sa contribution au PIB est de l'ordre de 3,5 p. 100, c'est-à-dire 57 milliards de dollars en 2015, elle représente 19 p. 100 de la valeur des exportations du Canada — plus de 91 milliards de dollars en 2015 — et elle est un moteur économique important pour les économies rurales, urbaines et nordiques du Canada.

Comme nous nous concentrons sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, je vais d'abord parler des activités de l'industrie minière au cours des dernières décennies et ensuite aborder ce que nous devons faire, à mon avis, à l'avenir.

L'AMC a adopté une position sur le changement climatique en mars 2000. Plus récemment, à cet égard, l'AMC a publié, en avril 2016, les Principes relatifs à la conception des changements climatiques. Dans ce document, en plus d'appuyer l'établissement d'un prix du carbone sans incidence sur les recettes, l'AMC a souligné qu'il était nécessaire que toute politique en matière de changement climatique permette d'assurer la compétitivité des secteurs à fortes émissions et des secteurs tributaires du commerce et qu'elle prévienne les fuites de carbone, qu'elle tienne compte des réalités géographiques des régions isolées du Nord, et qu'elle appuie les priorités de l'industrie en matière d'innovation en vue d'améliorer les efficacités en matière d'énergie, de consommation de carburant et de processus pour réduire les émissions de gaz à effets de serre.

Aux mesures prises à l'échelle de l'industrie s'est ajoutée une série de mesures prises par les entreprises membres pour améliorer les efficacités en matière d'énergie et de consommation de carburant, pour réduire les émissions de gaz à effets de serre et pour améliorer la performance environnementale. Ensemble, ces efforts soulignent le fait que l'industrie minière reconnaît depuis longtemps qu'elle doit faire partie de la solution.

L'initiative Vers le développement minier durable de l'AMC démontre cette reconnaissance. Lancée en 2004, VDMD est un système de rendement international primé qui aide les sociétés minières à évaluer et à gérer leurs responsabilités environnementales et sociales. Il s'agit du seul programme dans le monde qui exige la production de rapports publics sur le rendement du site comparativement aux indicateurs du programme, et dont les résultats sont vérifiés par une tierce partie indépendante. Toutes les entreprises membres de l'AMC s'engagent à mettre en œuvre cette initiative dans leurs exploitations canadiennes, car il s'agit d'une condition d'adhésion, et un grand nombre d'entre elles l'ont volontairement mise en œuvre dans leurs exploitations à l'étranger.

Le Protocole de gestion de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre démontre l'engagement de l'industrie à l'égard de la gestion de l'énergie et de la réduction des gaz à effet de serre. Pour atteindre les objectifs en matière de pratiques exemplaires de VDMD, qui sont conformes à la norme ISO-50001, chaque exploitation doit démontrer que son système de gestion comprend une responsabilité attribuée au niveau de la haute direction et qu'il y a un processus en œuvre pour veiller à ce que les données énergétiques soient examinées régulièrement et qu'elles soient bien intégrées dans les mesures prises par l'exploitant.

En 2015, Ressources naturelles Canada a élargi la portée du Programme de l'industrie canadienne pour la conservation de l'énergie afin d'appuyer le Protocole de gestion de l'énergie et des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de VDMD. On a élargi cette portée, car on s'est rendu compte que les objectifs de VDMD et de RNCan visant à accroître l'adoption de systèmes de gestion de l'énergie dans l'industrie canadienne, ce qui permet de réduire les coûts énergétiques, d'améliorer la compétitivité et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, sont des objectifs communs.

En plus de la gestion de l'énergie, l'industrie met au point et utilise de nouvelles technologies propres et améliore les processus. Des investissements annuels dans la recherche, le développement et l'innovation totalisant 677 millions de dollars en 2013 — l'année la plus récente pour laquelle nous avons des données — soulignent l'engagement continu de l'industrie minière à l'égard de l'amélioration de l'efficacité et de la réduction des impacts environnementaux.

Par exemple, Glencore a introduit le premier système éolien intégré à un réseau de stockage d'énergie au monde dans sa mine Raglan dans le nord du Québec et la mine de diamant Diavik est le site de l'installation hybride de production d'énergie éolienne au diesel à plus grande échelle au monde. Goldcorp développe actuellement sa mine souterraine de Borden et tente de faire en sorte qu'elle soit alimentée à 100 p. 100 à l'électricité, y compris les parcs de camions miniers ainsi que tous les autres éléments qui consomment de l'énergie sur le site.

À l'échelle industrielle, le Conseil canadien de l'innovation minière, avec le soutien actif de l'AMC et de ses membres, a mis au point la stratégie Vers une exploitation minière sans résidus qui vise essentiellement à transformer l'industrie par l'entremise de l'innovation.

La stratégie Vers une exploitation minière sans résidus du CCIM est conçue pour stimuler l'innovation en matière de technologie minière au Canada, afin d'assurer une exploitation minière et une transformation du minerai sans résidus au cours des prochaines décennies. Cela permettra de réduire grandement les émissions de gaz à effet de serre, l'utilisation de l'eau et les décharges de résidus miniers, ainsi que de réaliser des améliorations importantes en matière d'efficacité énergétique, de protection environnementale et de productivité opérationnelle.

Ces efforts ont — et continuent d'avoir — des effets positifs et d'améliorer le profil de la consommation d'énergie et des émissions de l'industrie. Par exemple, selon le Centre canadien de données et d'analyse sur la consommation finale d'énergie dans l'industrie, depuis 1990, la part en pourcentage du secteur de l'extraction de minerai métallique et non métallique de la consommation d'énergie totale au Canada est passée de 1,5 à 1,3 p. 100. Le total des émissions de gaz à effet de serre du secteur minier a diminué de 0,6 mégatonne depuis 1990.

Le secteur minier du Canada était responsable de 1,1 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes du pays en 2014 — 0,8 p. 100 en émissions directes —, ce qui représente une diminution comparativement à 1990, lorsque cette proportion s'élevait à 1,5 p. 100.

À l'avenir, l'industrie minière s'engage à faire sa part, mais elle reconnaît que le gouvernement a un rôle essentiel à jouer par l'entremise de l'adoption de politiques efficaces et d'investissements stratégiques qui aideront à faciliter la transition de notre société vers un avenir à faibles émissions de carbone.

Dans le Nord, le gouvernement s'est engagé à collaborer avec les territoires pour examiner leur situation en ce qui concerne le changement climatique. Le défi auquel fait face cette région découle surtout des coûts élevés liés au manque d'infrastructure dans cette région, ce qui fait en sorte que les entreprises doivent utiliser le diesel pour alimenter leur exploitation en énergie. Étant donné que leur capacité de remplacer le diesel est limitée ou inexistante, ces exploitations devront absorber le prix du carbone dans leurs coûts opérationnels.

Il est essentiel de veiller à ce que les instruments de financement de l'infrastructure, notamment la Banque d'infrastructure du Canada, offrent des possibilités pour les projets du Nord et modifient les critères de financement pour tenir compte des réalités dans cette région. En raison des niveaux de technologie actuels, le développement d'une infrastructure énergétique stratégique et favorable au commerce dans le Nord est le seul moyen qui permettra aux exploitations de remplacer le diesel en proportion suffisante pour réduire les émissions dans la mesure prévue par l'établissement d'un prix du carbone.

En ce qui concerne l'innovation et le renforcement des capacités existantes, le gouvernement devrait accepter la demande de financement pluriannuel du CCIM. L'industrie minière canadienne, par l'entremise du CCIM, a pris un engagement ferme à l'égard de la stratégie Vers une exploitation minière sans résidus, mais sa réussite dépendra d'investissements importants de la part de l'industrie et du gouvernement. Le soutien du gouvernement accélérera les investissements du secteur privé dans l'innovation, ce qui permettra d'accomplir des progrès réels en matière d'efficacité énergétique, de production environnementale et de productivité opérationnelle.

Enfin, il est essentiel d'équilibrer une réduction importante des émissions avec la compétitivité industrielle pour veiller à ce que le prix du carbone proposé fonctionne comme prévu. Et les enjeux sont importants. Par exemple, si le Canada devient un territoire non concurrentiel dans la production du nickel, notre part du marché migrera vers les territoires dont les coûts sont moins élevés, ce qui entraînera probablement une augmentation nette des émissions totales. C'est un point important, car certains territoires produisent jusqu'à 40 fois plus d'émissions par unité de nickel produit que le Canada. Un tel résultat nuirait énormément à l'un des moteurs de l'économie canadienne et entraînerait l'augmentation des émissions totales, une situation qui ne fait que des perdants.

En terminant, il y a une synergie naturelle entre les activités minières et la technologie propre. Les matières premières extraites sont transformées en technologies qui, en complétant le cycle, aident les exploitations minières à réduire leur empreinte environnementale et à améliorer l'efficacité et la fiabilité des opérations. Ces mêmes produits et technologies favorisent l'amélioration du rendement, les gains en efficacité et la réduction de l'empreinte de carbone à l'échelle de la société.

Comme les produits miniers sont des matières primaires, ce secteur demeure essentiel à l'économie du Canada pendant sa transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. Alors que l'industrie minière continue d'améliorer son rendement environnemental, ses produits continueront également de façonner le monde dans lequel nous vivons.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez abordé un enjeu sur lequel je m'informe habituellement, c'est-à-dire quelles seraient les deux mesures les plus importantes, dans le cadre d'une politique liée à un instrument économique ou d'une mesure réglementaire, que pourrait prendre le gouvernement pour aider l'industrie à faire la transition vers de faibles émissions de carbone? Vous l'avez mentionné dans votre mémoire, mais j'aimerais obtenir plus de détails et de précisions.

M. Marshall : Certainement. Je vous remercie d'avoir posé la question. La principale préoccupation de l'AMC, étant donné qu'un grand nombre de nos membres mènent souvent leurs activités dans des endroits isolés et nordiques, c'est l'effet qu'aura la politique en matière de changement climatique sur les exploitations qui ne sont pas liées au réseau et qui dépendent totalement ou presque totalement de l'alimentation au diesel, et offrent peu de possibilités de remplacement pour le diesel.

Dans le document de principes que nous avons publié en mai dernier, nous avons appuyé l'établissement d'un prix du carbone, mais ce soutien était lié à la protection des secteurs tributaires du commerce à fortes émissions ainsi qu'à la prise en compte des facteurs géographiques dans le cadre de cette politique.

Comment une politique peut-elle tenir compte des régions éloignées et nordiques? Je crois que l'engagement pris par le gouvernement lorsqu'il a annoncé, en octobre, qu'il allait collaborer avec les territoires afin de tenir compte de leurs circonstances particulières représente un pas dans la bonne direction. Lorsqu'on parle du Nord, il faut vraiment se demander quel rôle le gouvernement fédéral songe à adopter en ce qui concerne les circonstances particulières de cette région.

L'AMC croit que les investissements dans les régions éloignées du Nord sont essentiels au maintien de la compétitivité industrielle et à une réduction importante des émissions dans le Nord. Cela s'explique simplement par le fait que la dépendance prépondérante au diesel est la conséquence d'un manque d'infrastructure énergétique qui permettrait de faire la transition vers un autre type de carburant. Même dans les exploitations où les sociétés ont été les premières au monde à déployer des techniques innovatrices et progressives pour générer de l'énergie à partir de ressources renouvelables, par exemple Diavik ou Glencore dans le nord du Québec, ces projets, même s'ils sont très importants, ont jusqu'ici remplacé environ 10 p. 100 de la consommation de diesel par ces exploitations.

Donc, même avec ces investissements importants et ces techniques d'avant-garde, 90 p. 100 du carburant utilisé sur ces exploitations est toujours exposé à la taxe sur le carbone. Étant donné les niveaux actuels de technologie, la possibilité de remplacer ce diesel n'est pas très élevée. Cela signifie que le prix du carbone sera absorbé presque exclusivement par les coûts opérationnels.

L'AMC est d'avis que ce n'est pas l'intention visée par l'établissement d'un prix du carbone. En effet, l'établissement d'un prix du carbone est conçu aussi efficacement que possible pour ne pas pénaliser les entreprises, mais pour déterminer le prix des émissions et les réduire. Donc, si nous sommes dans une situation dans laquelle le prix du carbone ne peut pas fonctionner de la façon prévue, nous devons, en collaboration avec le gouvernement, examiner la possibilité d'adopter une politique auxiliaire pour éviter une réduction non prévue de la compétitivité, ce qui pourrait nuire aux économies et aux activités locales et, au bout du compte, aller à l'encontre des autres objectifs stratégiques du gouvernement, notamment la réconciliation économique avec les Autochtones et un développement élargi dans les domaines social et économique dans les régions éloignées et nordiques. Il s'ensuit que l'un de ces éléments est l'infrastructure dans le Nord.

L'autre élément serait l'innovation. En effet, l'industrie minière utilise la haute technologie depuis longtemps. Il sera très important de veiller à ce que suffisamment de recherches et d'attention soient consacrées à la mise au point de futures technologies propres pour les sites afin de réduire les émissions et d'éliminer l'obstacle technologique qui nous empêche de remplacer le diesel à plus grande échelle. Par exemple, l'énergie éolienne est une source de carburant intermittente dans le Nord, mais si on l'associe aux technologies de stockage de l'énergie dans des batteries, aux volants cinétiques et à d'autres appareils, on peut commencer à utiliser ces moyens de remplacement plus fréquemment et à accroître la valeur de ces technologies. Il s'ensuit que veiller à ce que la recherche soit axée sur ces types de solutions représente une partie très importante de la solution.

Enfin, j'aimerais souligner encore une fois que ces deux éléments peuvent servir de mesures relativement à la situation des secteurs tributaires du commerce à fortes émissions, mais je dirais qu'en ce qui concerne les régions éloignées et nordiques, nous devons être créatifs et adopter une approche qui tient compte de toutes les options offertes, afin d'assurer la protection des secteurs tributaires du commerce à fortes émissions.

Au bout du compte, il n'est dans l'intérêt de personne de réduire la compétitivité du Canada et de perdre une part du marché au profit d'un autre territoire où les fuites de carbone et les activités moins efficaces produiront des niveaux plus élevés d'émissions que ceux qui sont déjà produits dans le contexte canadien.

La sénatrice Fraser : Bienvenue au Sénat. Je ne connais pas très bien l'Association minière du Canada. Vous dites que vous représentez 39 sociétés. Quelle proportion de l'ensemble du secteur minier cela représente-t-il?

M. Marshall : Cela représente la majorité de la production de minerai au Canada; il s'agit donc surtout des grandes sociétés qui mènent leurs activités au Canada. Nous avons également des associations minières provinciales, et il se peut donc que de plus petites sociétés ou des sociétés en développement ne soient pas membres de l'AMC. Nos membres ont aussi tendance à être membres d'associations provinciales.

La sénatrice Fraser : D'accord. Mais essentiellement, la plupart des grandes entreprises font partie de votre association.

M. Marshall : C'est exact.

La sénatrice Fraser : Parmi vos membres, il y a des producteurs de sables bitumineux. S'agit-il de tous les producteurs de sables bitumineux ou peut-être seulement d'un?

M. Marshall : Non. Je peux apporter des éclaircissements à cet égard. Nous représentons les sections de Shell, de Syncrude et de Suncor qui s'occupent des sables bitumineux, et Teck est également membre de notre association. En effet, Teck a aussi des intérêts dans les sables bitumineux.

La sénatrice Fraser : Je porte beaucoup d'attention aux mots, et VDMD, c'est-à-dire la stratégie Vers le développement minier durable, a donc attiré mon attention. C'est un fait que toutes les mines finissent par s'épuiser, et j'aimerais donc savoir ce que vous entendez exactement par exploitation minière durable?

M. Marshall : C'est intéressant que vous souleviez ce point, car c'est un sujet dont nous avons discuté à l'interne lorsque nous avons trouvé le nom de notre organisme. C'est la raison pour laquelle on vise l'exploitation minière durable, en reconnaissant l'essence du programme et son amélioration continue. Oui, vous avez raison lorsque vous dites qu'une fois qu'une ressource non renouvelable est extraite, c'est fini.

Je présume que ce que nous entendons par l'élément de durabilité, c'est que plusieurs éléments de l'exploitation minière peuvent être effectués d'une bonne ou d'une mauvaise façon. Par exemple, la gestion de l'énergie et des émissions de gaz à effet de serre, la gestion des résidus, l'engagement auprès des collectivités locales et autochtones, et la biodiversité. Tous ces éléments de l'exploitation minière sont pris en compte dans le contexte du programme, et les sociétés établissent des objectifs et s'autoévaluent relativement à ces objectifs. Elles font l'objet de vérifications fondées sur leur performance, et ces résultats sont rendus publics.

Au bout du compte, l'objectif de VDMD est d'améliorer la transparence pour un plus grand nombre d'intervenants dans le secteur minier, pour les collectivités locales, pour les organismes de défense de l'environnement et pour le gouvernement.

La sénatrice Fraser : Cela inclut-il un engagement à nettoyer et à remettre l'environnement en état lorsque la mine sera épuisée et fermée? Il y a deux éléments dans ce cas-ci, c'est-à-dire le nettoyage et la remise en état.

M. Marshall : Certainement. La remise en état et l'engagement relatif à la remise en état sont des conditions liées à chaque permis de construction d'une mine. Avant que la mine soit soumise au processus d'évaluation environnementale, la société qui la possède doit fournir l'assurance qu'elle a les moyens financiers nécessaires pour payer le coût de la remise en état du site si les activités de la société sont perturbées ou cessent avant la date de fermeture prévue de la mine. Cet élément de l'industrie est fortement réglementé.

La sénatrice Fraser : Combien de vos membres respectent des normes de pratiques exemplaires de VDMD?

M. Marshall : Je ne connais pas le chiffre de mémoire. Si cela vous convient, je peux vous fournir le plus récent rapport. Chaque année, nous produisons un rapport sur les progrès de VDMD, et je peux m'assurer de faire parvenir ce rapport au comité.

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup.

Le sénateur Lang : Je tiens à remercier le témoin d'être ici ce matin. Je veux préciser aux fins du compte rendu que, dans votre déclaration, vous avez fait référence au Nord comme étant une région du Canada, et je suppose que vous faites allusion au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et peut-être au Nord du Québec et au Labrador.

Je tiens à souligner que c'est une erreur, à mon avis, car le Yukon est un territoire très différent des Territoires du Nord-Ouest, qui à leur tour, ont une situation différente de celle du Nunavik dans une certaine mesure. Par exemple, au Yukon, un peu moins de 95 p. 100 de l'électricité est générée par des centrales hydroélectriques, ce qui n'est pas le cas dans les deux autres territoires. Le Yukon a une route bien entretenue et praticable en tout temps qui relie toutes les collectivités à l'exception d'une seule, ce qui offre un accès à des mines qui pourraient potentiellement être exploitées. Nous avons également presque dans l'ensemble du territoire des services de télécommunications offerts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce qui est essentiel pour avoir une communauté minière viable, comme nous le savons. Je tenais à apporter cette précision aux fins du compte rendu.

De plus, l'autre aspect qu'il convient de signaler est que le Yukon envisage le gaz naturel, le gaz naturel liquéfié, comme option de rechange au diesel dans un certain nombre de cas. En fait, la solution de rechange à nos grandes centrales hydroélectriques est le gaz naturel, car notre réseau routier nous offre à tout le moins un accès, comme le président le sait, à du gaz naturel acheminé au Yukon. Notre contexte est donc différent.

Lorsque je parle, par exemple, des provinces de l'Ouest, la situation au Manitoba est très différente de celle en Alberta. Je tenais simplement à apporter cette précision.

Il y a une question que j'aimerais poser, qui porte sur la taxe sur le carbone. Elle nous renvoie à la question du Nord encore une fois, car nous semblons tous croire qu'une entente sera conclue pour mettre en place une taxe sur le carbone d'ici 2018, si je ne m'abuse. Je n'y suis pas favorable. Je voulais le dire publiquement. Je pense que c'est un obstacle aux affaires, peu importe comment on aborde la question, que l'on qualifie cette taxe de neutre ou autrement. C'est une autre dépense que nous devrons assumer dans le Nord en tant que résidants, mais également dans la communauté minière.

Votre organisation a-t-elle réalisé une analyse dans les trois territoires pour déterminer quels seront les effets et les coûts associés à la taxe sur le carbone que le gouvernement fédéral a annoncée conjointement avec les gouvernements territoriaux, et comment pourrez-vous soutenir la concurrence ou comment une mine pourra-t-elle être exploitée?

M. Marshall : Avant de répondre à votre question, je souscris, dans l'ensemble, aux remarques précédentes que vous avez faites. En ce qui concerne l'exploitation, d'un point de vue des infrastructures, plus vous vous dirigez à l'est des territoires, moins les régions sont développées. Je suis donc d'accord avec vous.

En ce qui a trait à une analyse de la tarification du carbone, nous n'avons pas effectué d'exercice de modélisation économique panterritorial des répercussions générales de la tarification du carbone. Cependant, nous avons travaillé avec nos membres qui oeuvrent ou qui veulent exercer des activités dans ces territoires, et ils nous ont informés des incidences financières qu'ils prévoient.

À l'heure actuelle, le fardeau financier relatif aux réalités du marché pour plusieurs entreprises pour lesquelles nous avons ces renseignements laisse présager une situation difficile, voire exacerbée, pour pouvoir mener leurs activités dans le Nord en raison de la mise en place imminente de la tarification du carbone.

Maintenant, l'incertitude quant à savoir quelles seront les répercussions est également fonction des choix stratégiques — ce qui se rapporte à la question que la sénatrice Griffin a posée plus tôt — que les gouvernements feront. C'est une incertitude dont nous ne sommes pas au courant. L'AMC perçoit-elle une tarification du carbone dans le Nord comme allant complètement à l'encontre de la possibilité d'exploiter des mines? Non. Mais il y a certaines réserves.

Nous estimons que les régions éloignées des provinces sont dans une situation semblable à cet égard. Les sensibilités politiques entourant les entreprises qui exercent des activités dans ces régions doivent être prises en compte dans les politiques. Autrement, il est vrai que la situation s'aggravera.

Le sénateur Lang : Je pense que c'est vraiment important car ce que vous venez de dire est que, pour ces entreprises qui souhaitent se lancer en affaires ou qui exercent déjà des activités, les renseignements qui leur ont été fournis jusqu'à présent constitueront un frein financier qui les dissuadera à mener leurs opérations.

Ce que je vous suggère, c'est d'assurer un suivi en tant que porte-parole des grands producteurs au pays. N'estimez- vous pas que vous avez une responsabilité d'élaborer un modèle économique qui peut clairement informer un comité comme le nôtre, ainsi que le Parlement et le gouvernement du Canada, pour qu'ils sachent exactement quelles seront les répercussions? De plus, si l'on prévoit qu'elles seront négatives, ne devons-nous pas les informer dans quelle mesure elles le seront et combien de mines n'entreront pas en production à cause de ce type de politiques?

M. Marshall : Là encore, je vais en conclure que vous recommandez d'évaluer si c'est réalisable, mais je peux également dire qu'il y a de nombreux projets dans le Nord qui ne sont actuellement pas viables sur le plan économique. Une tarification du carbone dissuade encore plus les entreprises sans les industries dépendantes du commerce produisant des émissions élevées et autres considérations d'ordre politique appropriées.

Il ne sera pas simple de blâmer la taxe sur le carbone pour les problèmes généraux et le statu quo, qui constituent déjà des obstacles aux possibilités de développement économique viable dans le Nord. Un document que je peux suggérer au comité d'examiner, et sur lequel nous baserions toutes les réponses que nous fournirions à ce sujet, est notre rapport intitulé Corriger les inégalités. L'AMC s'est associée aux chambres de commerce territoriales, à l'ACPE et aux ingénieurs-conseils du Canada. Nous avons élaboré un rapport qui évalue sur le plan quantitatif la différence de coûts entre l'exploitation de mines dans des régions éloignées et du Nord par rapport à celles situées dans des régions centralisées.

Même avant qu'une tarification du carbone soit mise en place, les coûts sont de 2 à 2,5 fois plus élevés pour exploiter une mine d'extraction de métaux communs ou de métaux précieux dans le Nord. C'est un obstacle important en soi avant même que l'on ajoute une tarification du carbone.

Nous aimerions percevoir la tarification du carbone comme étant une possibilité. Le gouvernement a versé des sommes considérables pour les infrastructures. Nous estimons que ces investissements dans les infrastructures, à tout le moins en partie, visent à faciliter la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. À notre avis, il est primordial de s'assurer que les régions éloignées et du Nord sont admissibles à ce financement et que l'on tient compte des réalités du Nord dans le mandat et les critères de financement, pour veiller à la mise en œuvre sans heurts d'une tarification du carbone dans le Nord et au maintien de la compétitivité des entreprises.

Je répète qu'il y a des défis à relever dans le Nord. La tarification du carbone pourrait aggraver ces problèmes. Si nous faisons les choses correctement, nous pouvons éviter que cela se produise, et nous aimerions garder espoir que nous pourrons assurer une transition sans heurts sur ces deux fronts.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de votre déclaration. D'autres témoins nous ont dit qu'il y aura un grand nombre de nouveautés sur le plan de l'innovation et des technologies dans l'industrie minière pour avoir une industrie à faibles émissions de carbone. Vous avez également dit que ces innovations constituent la clé du succès pour ce secteur d'activités.

Quels sont les obstacles pour mettre en œuvre dans l'industrie ces technologies qui sont conçues dans les universités et les centres de recherche?

M. Marshall : Avant d'aborder ce point, je vais citer l'un de mes collègues, Carl Weatherell, du Conseil canadien de l'innovation minière, qui a comparu devant le comité pour discuter de ce sujet particulier il n'y a pas si longtemps. Je conseillerais donc au comité de consulter ses déclarations car il est l'expert en la matière. Mais pour ne pas complètement esquiver la question, je dirais qu'il y a toujours eu au Canada un important écosystème de financement de formules et d'enveloppes pour la recherche et le développement et l'innovation. Je crois qu'il y a plus de 7 000 bailleurs de fonds différents.

De façon générale, une partie du problème est que l'industrie minière a toujours eu l'impression que ses priorités n'étaient pas forcément considérées comme étant les plus importantes et utiles dans le cadre de cet écosystème. L'autre aspect, c'est qu'il faut s'assurer que la recherche, le développement et l'innovation visent l'atteinte de résultats concrets qui règlent des problèmes existants et actuels.

La sénatrice Galvez : L'une des raisons pour lesquelles je vous ai posé cette question est que je suis au courant de certaines choses qui se passent dans votre secteur. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet et me fassiez part de votre opinion, mais j'ai entendu dire que les propriétaires canadiens de mines sont très ouverts à l'innovation dans l'industrie minière et y sont favorables. Toutefois, récemment, de nouveaux investisseurs étrangers, et plus particulièrement de pays d'Asie, ont acheté des parts dans nos mines, et ils n'ont pas cette culture où ils accueillent favorablement les technologies. Ils bloquent ces innovations.

Je viens du Québec, et je ne vais pas mentionner de noms, mais je sais que c'est ce qui se passe. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Marshall : Je ne peux pas me prononcer sur des scénarios dont je ne suis pas au courant, mais je peux fournir quelques exemples où l'inverse est également vrai, si ce que vous dites est bel et bien ce qui se passe.

Parlons du projet de Raglan. Glencore est une société multinationale. Son siège social n'est pas situé au Canada. Cette entreprise a entrepris la construction d'un système de stockage d'énergie éolienne en partenariat avec une société d'énergie canadienne, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. C'est un exemple d'une société multinationale étrangère qui investit massivement dans l'innovation au Canada.

Il y a aussi Rio Tinto dans le Nord, une autre entreprise dont le siège social n'est pas situé au Canada qui a fait le plus important investissement dans le monde pour construire un système hybride de production d'énergie éolienne jumelé avec le diesel dans les Territoires du Nord-Ouest.

Ce sont là des exemples qui laissent entendre que même si vous dites que c'est ce qui se passe, il est également vrai que d'autres entreprises non canadiennes font des investissements considérables et positifs de ce genre au Canada.

En général, j'apporterais un bémol à ma réponse en disant — et j'étoffe ma déclaration précédente — qu'on a l'impression que la R-D et l'écosystème de l'innovation au Canada ne répondent pas aux besoins de l'industrie minière comme on le voudrait. D'autres pays qui exploitent des mines ont tenté d'améliorer la compétitivité de leurs espaces d'innovation minière. L'Australie est l'un de ces pays.

Ces dernières années, les entreprises canadiennes ont choisi d'investir leurs fonds destinés à l'innovation en Australie car elles estimaient que c'était plus utile. Elles ont obtenu un meilleur rendement en investissant dans des programmes d'innovation dans ce pays que si elles avaient investi leur argent ici. Ce sont donc des occasions perdues, des brevets perdus et des possibilités de création d'emplois perdues au Canada.

Pour embrouiller davantage les cartes, c'est un espace complexe. Je pense que Carl en conviendra aussi. Il y a également une excellente occasion pour le Canada de monter la barre dans le secteur de l'innovation minière et la recherche et le développement au Canada.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Marshall, il y a quelques semaines, nous avons reçu des gens ici qui ont parlé du nombre de pertes dans l'industrie minière, et les sommes d'argent qui ont été radiées étaient astronomiques. Bien entendu, les exportations minières représentent environ 20 p. 100 des exportations au pays.

Je serais curieux de savoir quelle source d'énergie est la plus couramment utilisée dans l'industrie minière au Canada. Je présume que plus on va au Nord, plus on est limité au diesel.

De façon réaliste, il doit y avoir des défis lorsque nous comparons les sources d'énergie, et plus particulièrement les sources non renouvelables. La capacité de l'industrie de relever ces défis est-elle limitée pour qu'elle puisse demeurer concurrentielle?

M. Marshall : Oui. Peu importe la région où l'on est, les technologies seront toujours assorties de limites. Même si vous êtes dans une région raccordée à un réseau en Colombie-Britannique, où le réseau est alimenté à 98 p. 100 en hydroélectricité, vous allez quand même devoir actuellement utiliser du diesel pour votre parc de camions miniers. Il y a des projets pilotes qui envisagent de remplacer le diesel par du gaz naturel pour conduire ces camions. Des recherches sont en cours pour concevoir des camions miniers électriques à batterie. Je suis certain que nous y arriverons un jour. Plus la région est éloignée, plus les défis sont grands.

Permettez-moi de m'exprimer ainsi : je ne connais aucune mine qui soit raccordée au réseau qui n'est pas raccordé à cet autre réseau. Je ne connais aucune mine qui ait un raccordement viable sur le plan économique à un réseau de gaz naturel qui n'a pas cet accès. Par ailleurs, je ne connais aucune mine qui a accès à des camions et à des remorques qui n'utilisent pas cette source d'énergie.

Pour répondre au point soulevé par le sénateur Lang concernant le Yukon, nous avons deux projets qui sont en cours d'élaboration qui ont annoncé leur choix d'alimenter le site de cette façon.

Il n'est pas question ici de la volonté des entreprises de maximiser leur efficacité économique et environnementale. La géographie est un obstacle important. Il y a certains obstacles qu'il n'est pas viable d'un point de vue économique de surmonter à l'aide de fonds privés. C'est tout simplement la réalité.

Le sénateur MacDonald : Il y a aussi le fait que nous avons une zone de libre-échange avec les États-Unis qui est réévaluée. Quelle est la réponse de l'industrie minière à l'égard des échanges commerciaux dans un contexte où des taxes sur le carbone sont imposées à l'industrie au pays et où nous essayons de soutenir la concurrence et d'exporter notre produit aux États-Unis? Est-ce une situation qui fera disparaître des emplois et qui changera la donne? J'ai l'impression que c'est presque inévitable.

M. Marshall : Il y a beaucoup d'incertitudes entourant la façon dont les politiques américaines seront mises en œuvre. Il y a également des préoccupations concernant les changements à la compétitivité sur le plan fiscal et réglementaire, les changements proposés ou ceux dont on a discuté, mais qui n'ont pas été encore été proposés. Il y a également des préoccupations concernant l'incidence que ces changements auront sur la compétitivité du Canada.

En ce qui concerne l'ALENA, pour bon nombre des métaux que le Canada produit dans l'industrie minière, les États-Unis n'ont pas les ressources pour les produire à l'échelle locale ou nationale. Donc l'idée d'un obstacle au commerce pour des produits qu'ils ne peuvent produire eux-mêmes est illogique si le but consiste à améliorer la création d'emplois à l'échelle nationale aux États-Unis. Ils n'ont pas de nickel, alors quel est le but d'ériger une barrière de protection pour ce métal?

Je prends acte de votre remarque. Nous devons surveiller très étroitement ces changements à mesure qu'ils surviennent. Au final, les principes que nous avons soulevés tiennent compte de ces considérations.

Le sénateur Patterson : Agnico Eagle est une excellente société aurifère canadienne, et vous connaissez sa belle réussite au Nunavut. Sa mine près de Baker Lake, la mine Meadowbank, emploie 1 200 personnes dans une région où le taux de chômage est très élevé et qui compte 400 Inuits. Elle a transformé la communauté de Baker Lake, qui est passée d'une triste communauté dépendante de l'aide sociale à une communauté tournée vers l'avenir. C'est une belle histoire de réussite.

Le conseil vient d'annoncer il y a de cela quelques semaines qu'il a pris la courageuse décision d'investir dans deux propriétés additionnelles, Amaruq et Meliadine, dans la même région, ce qui offrira des emplois à long terme aux résidants du Nunavut, mais ils sont loin des sources d'énergie hydroélectrique et d'autres sources d'énergie. Ils ont une centrale au diesel de 40 mégawatts à Baker Lake.

Vous avez dit qu'il y avait des limites à l'énergie éolienne et solaire et que le soleil ne brille pas toujours dans le Nord. Vous avez parlé des coûts particulièrement élevés de la construction d'infrastructure dans le Nord.

Les trois territoires ont courageusement signé le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques et accepté la tarification du carbone à Vancouver. Leurs représentants ont affirmé que cela ne changerait en rien leurs revenus, mais protégerait les consommateurs. Je crois que personne ne sait vraiment comment ce cadre sera mis en place dans les territoires. Agnico Eagle paie déjà pour le plafond d'émissions de carbone et les mécanismes d'échange ou la tarification du carbone quand elle achète du diesel du Sud du Canada.

Votre association participera-t-elle à l'élaboration d'une stratégie créative de tarification du carbone pour les territoires? Agnico Eagle vient de publier une lettre qu'elle a envoyée à notre premier ministre pour lui dire que selon ses calculs, la tarification du carbone coûtera à l'entreprise 20 millions de dollars par année d'ici 2023 pour des activités déjà marginales. L'AMC participera-t-elle à l'élaboration d'une stratégie de tarification du carbone dans les territoires qui permettrait tout de même l'exploitation de nos riches ressources naturelles?

M. Marshall : La réponse à cette question est oui. Dès le début de notre engagement, lors de la plus récente version de notre engagement dans la lutte contre le changement climatique, nous nous sommes appuyés sur le principe annoncé en avril dernier selon lequel une partie importante de nos efforts vise à nous assurer que la politique soit sensible aux particularités géographiques, particulièrement à celles des régions éloignées et nordiques.

Lors de son annonce faite en octobre dernier sur la tarification du carbone, le gouvernement fédéral s'est engagé publiquement à travailler avec les territoires pour tenir compte de leurs circonstances particulières, comme que vous le savez très bien, j'en suis certain. Nous avons vu là un geste positif conforme à l'énoncé de principe que nous avions publié. Nous avons par la suite engagé des pourparlers avec les premiers ministres et des membres influents des cabinets des trois territoires, ainsi qu'avec divers ministres fédéraux. Nous avons eu plusieurs échanges avec le personnel de la ministre McKenna, qui nous a assurés que nous pourrions continuer de participer à ce processus à titre d'acteur important dans ce domaine.

Bref, nous restons effectivement engagés. C'est un enjeu crucial pour nos membres présents dans le Nord, et nous avons bien l'intention de suivre la question de près.

Le sénateur Patterson : Parlons du financement de l'infrastructure. Divers projets sont proposés dans le Nord pour le relier au réseau de transmission nord-américain et élargir l'accès à l'hydroélectricité par le prolongement des lignes de transmission.

Nous déplorons que le financement en matière d'infrastructure semble viser surtout à réduire la congestion routière dans les grandes villes. Vous faites des pressions sur Infrastructure Canada afin que les mécanismes de financement en matière d'infrastructure puissent profiter à des projets visant le Nord. Comment les choses évoluent-elles?

M. Marshall : Pour l'instant, nous cultivons un optimisme prudent, d'après les signaux que nous captons. Si l'on analyse les annonces relatives à l'infrastructure parues dans l'Énoncé économique de l'automne, il est question des territoires dans les parties sur l'enveloppe pour l'infrastructure destinée à faciliter le commerce et celle pour la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, puis il y a bien sûr le fonds destiné aux régions rurales et éloignées. Ce sont là trois enveloppes qui représentent 31 milliards de dollars en tout pour les trois prochaines années. C'est beaucoup d'argent.

De notre point de vue, et je l'ai déjà dit au comité aujourd'hui, le Nord ne se compare à aucune autre région au Canada. On ne peut pas prendre une politique applicable au sud du 60e parallèle puis s'attendre à ce qu'elle ait les mêmes résultats dans le Nord qu'au centre-ville de Toronto. L'assise financière n'y est pas la même. L'assiette fiscale y est pratiquement inexistante. Le déficit infrastructurel par habitant y est astronomique, et il en coûte déjà beaucoup plus cher aux entreprises qui veulent réaliser des projets dans le Nord que dans le Sud.

Nous nous attendons à avoir bientôt plus d'information sur la forme que prendront ces programmes dans le budget de 2017. Selon les signes précurseurs que nous percevons, comme je l'ai déjà dit, nous sommes optimistes mais prudents, et nous continuerons d'y travailler.

Le sénateur Patterson : Cela sonne comme de la musique à mes oreilles.

Le sénateur Lang : Je vais aller droit au but en ce qui concerne cette taxe sur le carbone. Avant les dernières élections, il y avait des négociations en cours entre les territoires nordiques et le gouvernement fédéral en vue d'une potentielle exemption des trois territoires à la taxe sur le carbone. Cela éliminerait au moins l'écran de fumée quant à ce qui est neutre et à ce qui ne l'est pas.

Seriez-vous favorable à ce que notre comité recommande au gouvernement du Canada d'envisager sérieusement une exemption de la taxe sur le carbone pour les territoires nordiques afin de faciliter la réalisation du potentiel du Nord plutôt que de lui nuire, comme le ferait une taxe sur le carbone?

M. Marshall : Je ne peux pas faire cela, parce que j'irais à l'encontre des principes mêmes que l'AMC endosse, y compris nos membres du Nord.

Il faut aussi souligner que malgré ces négociations, il n'a pas été décidé d'exclure le Nord du Cadre pancanadien sur la tarification du carbone. Cela dit, l'AMC estime que toutes les options doivent rester sur la table pour déterminer quelle forme tout cela prendra dans le Nord. Je ne peux souligner assez à quel point il importe de protéger les secteurs touchés par les échanges et rejetant de grandes quantités d'émissions et de veiller à ce que les programmes futurs soient adaptés aux réalités nordiques quand on évalue les leviers stratégiques que le gouvernement choisit de se donner pour effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le président : Je n'ai que quelques points à soulever. Je ne m'attends pas à une réponse tout de suite. Je vous demanderais de faire parvenir votre réponse à notre greffière.

Quand vous dites que Goldcorp est en train de développer sa mine souterraine de Borden, où se trouve cette mine exactement? Je n'en suis pas certain.

Ne me répondez pas tout de suite; veuillez faire parvenir votre réponse à la greffière. Vous ajoutez que la mine devrait s'alimenter à 100 p. 100 en électricité, y compris son parc de véhicules. J'aimerais savoir qui construira le parc de véhicules de la mine et quelle en est l'ampleur. Toute information que vous pourrez nous donner à ce sujet sera appréciée.

Ma deuxième question porte sur le nickel, dont vous avez parlé aussi. Vous avez dit qu'en fait, vous ne pouvez pas en produire au Canada, qu'il y a des États qui en produisent, mais qu'ils génèrent 40 fois plus d'émissions par unité de nickel. J'aimerais savoir où sont ces mines, si vous pouvez nous dire exactement où elles se trouvent dans le monde. J'aimerais également que vous nous parliez davantage de l'exploitation du cuivre et du minerai de fer, deux métaux que nous exploitons, le cuivre en particulier, que nous exploitons beaucoup plus que le fer. Est-ce que la même logique s'y applique?

J'apprécierais beaucoup que vous nous fassiez parvenir vos réponses par l'intermédiaire de la greffière.

Nous devons conclure parce qu'il y a un autre comité qui siège dans cette pièce juste après nous. Il nous chassera bientôt de nos sièges.

Merci infiniment, monsieur Marshall, de votre exposé et de vos réponses.

(La séance est levée.)

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